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Intervention de Édouard Courtial

Réunion du 21 mai 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉdouard Courtial :

Tout d'abord, je voulais vous dire combien j'ai conscience de l'importance de ce projet de loi. Ce n'est pas tous les jours que, nous parlementaires, avons l'occasion de débattre de manière si approfondie du texte en vertu duquel nous avons l'honneur de représenter le peuple français.

Notre Constitution va fêter au mois d'octobre prochain ses 50 ans – comme Louis Giscard d'Estaing, si j'ai bien compris. (Sourires.) Cinquante ans, c'est un âge respectable pour une Constitution, dans un pays qui avait l'habitude d'en changer régulièrement. Cinquante ans, c'est un âge respectable pour une Constitution dont beaucoup de spécialistes et de contradicteurs avaient prédit qu'elle ne survivrait pas à son concepteur.

Durant ces cinquante années, la Constitution de la Ve République a fait l'objet de nombreuses révisions, certaines anecdotiques, d'autres plus profondes comme l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Mais c'est la première fois qu'une révision générale est entreprise. Il faut bien avouer que c'était nécessaire : depuis le 3 octobre 1958, plusieurs évolutions majeures ont en effet marqué notre vie institutionnelle et politique.

En premier lieu, l'équilibre de nos institutions s'est modifié, donnant au Président de la République un rôle politique plus prépondérant au sein de l'exécutif. L'introduction du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral plaçant les élections présidentielles juste avant les élections législatives ont indéniablement fait du Président de la République le principal acteur de notre vie politique.

En second lieu, l'idée que l'on se fait de la démocratie dans notre pays s'est transformée. Montesquieu l'a emporté sur Rousseau, l'équilibre des pouvoirs sur la primauté de la loi, expression de la volonté générale. Aujourd'hui plus qu'hier, la démocratie suppose l'existence de contre-pouvoirs forts et le développement de l'État de droit. Ces dernières décades, le rôle du Conseil constitutionnel a certes été renforcé. Mais certains pouvoirs apparaissent insuffisamment développés. Le parlementarisme rationalisé l'est trop, ce qui n'est pas étonnant au pays de Descartes...

Découlant des orientations données par le Président de la République et des travaux de la commission présidée par Édouard Balladur, le projet de loi constitutionnelle prend pleinement en compte ces évolutions. Je dirais même qu'il a pour ambition de faire de notre République une démocratie résolument moderne.

Ainsi, ce texte vise tout d'abord à clarifier la dimension politique du Président de la République tout en réduisant ses prérogatives quasi monarchiques. Il me paraît judicieux de permettre au Président de la République de s'exprimer devant les parlementaires, que ce soit dans chaque Assemblée ou devant le Congrès. En tant que principal acteur de la vie politique française, élu par ses concitoyens, le Président de la République doit pouvoir présenter la politique qu'il impulse devant les autres représentants nationaux du peuple français. Une telle mesure aurait pour conséquence de revaloriser tant la fonction du Président de la République que celle des parlementaires. Pour ma part, je trouve indispensable que l'intervention soit suivie d'un débat, mais sans vote, car le Président de la République n'est pas responsable devant le Parlement.

Il paraît pertinent, parallèlement à cette évolution, de limiter voire d'abolir certaines prérogatives quasi monarchiques dont bénéficiait le Président de la République. Je pense notamment au droit de grâce collectif, au pouvoir de nomination à certaines fonctions éminentes de l'État ou au recours à l'article 16.

Grâce à ce projet de loi équilibré, le Président de la République disposera des outils constitutionnels pour être un élu engagé, en phase avec le terrain, et donc responsable devant le peuple français.

Le deuxième objectif poursuivi par le projet de loi est de renforcer les pouvoirs du Parlement. Fort bien ! J'oserai dire que c'est un excellent parti pris. N'entend-on pas dire, depuis de nombreuses années, de manière exagérée d'ailleurs, que cette institution ne dispose pas d'assez d'autonomie, qu'elle n'est qu'une chambre d'enregistrement ? Alors, avant toute chose, avant toute critique constructive ou partisane, réjouissons-nous de pouvoir participer à un renforcement des prérogatives du Parlement, au bénéfice de nos concitoyens.

En tout état de cause, plusieurs mesures me paraissent susceptibles d'atteindre l'objectif fixé. Les plus emblématiques de ces mesures sont le partage de l'ordre du jour des assemblées entre le Gouvernement et les conférences des présidents, la possibilité laissée à ces dernières de s'opposer à une déclaration d'urgence et le fait que le texte discuté en séance sera celui voté en commission.

On peut voir dans la constitutionnalisation des droits de l'opposition un symbole fort de cette volonté de renforcer les contre-pouvoirs. Cette reconnaissance était nécessaire pour qui prétend vivre dans une démocratie moderne et irréprochable. Mais il fallait beaucoup d'ouverture d'esprit et de courage à celui qui en est l'instigateur. Espérons que ceux qui bénéficieront de cette avancée n'en feront pas un usage politicien.

En conclusion, ce projet de loi, le plus ambitieux de cette nature depuis 1958, représente un modèle d'évolution rationalisée, dans une perspective de revitalisation de notre démocratie. Pour cette raison et parce qu'il me paraît particulièrement en phase avec son temps, je voterai pour sans aucune hésitation.

Tout juste peut-on regretter qu'il n'aborde pas certaines questions fondamentales comme la simplification des différents échelons politiques et administratifs dans notre pays, dont la multiplicité et l'imbrication déboussolent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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