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Séance en hémicycle du 27 mai 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • conseiller
  • conseiller territorial
  • conseillers territoriaux
  • intercommunalité
  • métropole

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de réforme des collectivités territoriales (nos 2280, 2516, 2459, 2510).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de : douze heures trente-neuf minutes pour le groupe UMP, quinze heures dix-neuf minutes pour le groupe SRC, six heures cinq minutes pour le groupe GDR, cinq heures cinquante-neuf minutes pour le groupe Nouveau Centre.

Je signale que le temps des non-inscrits est expiré.

Ce matin, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Bernard Derosier, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le président, cet après-midi, comme ce matin et comme hier, nous discutons du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Or il se trouve qu'aujourd'hui, à l'initiative de cinq organisations représentatives, a lieu une journée de lutte contre la politique du Gouvernement en matière d'emploi, de salaires, de service public, de pouvoir d'achat et de retraites. Il s'agit de condamner la remise en cause massive des services publics et de la protection sociale.

Le groupe socialiste s'associe évidemment à cette condamnation.

Pour préparer plus activement notre soutien aux organisations syndicales qui manifestent en ce moment, je souhaite une suspension de séance de cinq minutes, afin de réunir mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Derosier, comme vous le savez, expérimenté que vous êtes, la suspension est de droit, et elle sera décomptée du temps de parole du groupe SRC,ainsi que le veut notre nouveau règlement.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Frédérique Massat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, clarification des compétences, rationalisation des dépenses, fin du millefeuille territorial, renforcement de la démocratie locale : tels étaient les grands objectifs de cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Or, le texte que nous examinons aujourd'hui ne permettra en rien de répondre à un seul de ces objectifs. Le millefeuille s'est transformé en gloubi-boulga. Pour ceux qui ne seraient pas des adeptes de Casimir et de l'île aux enfants – ce qui est peut-être votre cas, monsieur le secrétaire d'État –, permettez-moi de vous rappeler la recette du gloubi-boulga : de la confiture de fraises, des bananes mûres à point, bien écrasées, du chocolat râpé, de la moutarde de Dijon très forte, une saucisse de Toulouse crue mais tiède, quelques anchois et un peu de crème chantilly, soit un mélange confus de divers ingrédients, à l'image de votre réforme, monsieur le secrétaire d'État, qui, au final, donne une bouillie indigeste, dénaturée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…illisible pour le citoyen, pleine d'inconnues pour la nouvelle structure territoriale, brouillant les cartes sur le plan de la citoyenneté et pénalisant la parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

La création d'un nouveau type d'élus cumulards par nature qui géreront le département et la région dans une structure nébuleuse capable de fusionner et de mutualiser fait naître les plus vives inquiétudes et contestations.

Le conseiller territorial sacralise le cumul des mandats et fragilise la parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

L'obligation de cumuler : voilà la nouveauté du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Il s'inscrit à contresens des réflexions actuellement en cours pour clarifier les compétences à chaque échelon territorial puisqu'il organise de manière institutionnelle la confusion des élus et, partant, des politiques portées par ces deux assemblées.

Vous balayez d'un revers de réforme la construction de politiques locales qui, au fil des ans, ont su concilier la protection du citoyen, l'aménagement du territoire ainsi que le développement durable et économique.

Plutôt que de promouvoir la diversité des territoires et leur juste représentativité, ce projet de loi mise tout sur la métropolisation, au mépris du sort des territoires ruraux et de montagne, sous prétexte – je reprends là les propos de M. le rapporteur – de remédier à l'éparpillement communal.

Malgré la légère modification apportée par le Sénat sur la particularité géographique des zones de montagne, ces problématiques sont les grandes absentes de la réforme – ce n'est d'ailleurs pas pour rien si 5 000 communes rurales ont délibéré pour clamer leur hostilité aux dispositions d'un texte qui menace leur existence même.

Au-delà des aspects liés à la représentativité se pose la question du financement. Sur cette question essentielle, le projet reste muet.

Les annonces récentes d'un gel des dotations aux collectivités laissent présager le pire pour leur avenir. Quand on sait que, mardi dernier encore, votre gouvernement et sa majorité ont refusé de voter l'abrogation du bouclier fiscal, ce plan d'austérité envers les collectivités et nos concitoyens est plus qu'indécent.

Alors que ce texte pourrait apporter des garanties sur les finances des collectivités, il véhicule au contraire de nombreuses craintes. En effet, de nouvelles règles de subventionnement interdisant de cumuler les subventions ou limitant le périmètre d'interventions sonnent le glas de nombreuses réalisations communales au profit de nos concitoyens.

Élue d'un territoire rural et de montagne, toutes mes inquiétudes se cristallisent autour du devenir de ces territoires. Alors que nous assistons tous les jours à la mise en péril de nos écoles, de nos services de police, de nos bureaux de poste, de nos hôpitaux, bref de tous les services publics de proximité indispensables à la survie des territoires, vous portez aujourd'hui, avec ce texte, la dernière estocade en attaquant l'ultime rempart de la solidarité : les collectivités locales. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise puisque depuis 2007, aucune réforme ne fut synonyme d'amélioration pour les zones rurales et de montagne. Au contraire, elles contribuèrent toutes à freiner le développement de ces territoires.

Ce texte institutionnalise une France à deux vitesses, ce qui aura pour conséquence d'isoler encore davantage les territoires ruraux déjà en sursis et que votre réforme finit d'achever.

Ainsi, parce que la richesse de la France découle de sa diversité, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'État, de prendre en compte les territoires ruraux et de montagne.

M. le ministre de l'intérieur a déclaré dans ses propos introductifs que la modernisation de notre organisation territoriale devait se réaliser non pas depuis Paris et contre les élus locaux, mais au contraire en s'appuyant sur eux.

Certes, vous avez procédé à des consultations, à des auditions, pour la forme – comme en témoigne l'audition du président de l'ANEM de ce matin – mais vous êtes restés sourd à l'appel des élus locaux.

Des paroles aux actes, monsieur le secrétaire d'État, il n'y a qu'un pas. Nous vous invitons à le franchir et à entendre les craintes exprimées sur tous les bancs de cette assemblée ainsi que le rejet de cette réforme par les élus des territoires et par les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

L'organisation territoriale de la France, ancienne, complexe, faite de sédiments successifs accumulés au fil des époques, a permis de progresser vers la décentralisation.

Démocratique, elle repose essentiellement sur le suffrage universel et laisse une grande liberté de gestion aux élus locaux. Les principes sur lesquels elle a été bâtie doivent être préservés.

Mais cette organisation territoriale souffre également de défauts qui, année après année, apparaissent aux yeux de tous : sa complexité, son coût, le manque de solidarité entre les territoires, la difficulté de répondre, parfois, aux besoins réels des populations.

Votre réforme des collectivités locales permettra de transporter la France dans une nouvelle ère institutionnelle tout en préservant les principes fondamentaux de la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Roy, ce n'est pas en élevant le ton que l'on élève le débat. Vous venez quasiment d'empêcher une oratrice de votre propre camp de s'exprimer, laissez les suivants parler. Votre attitude n'est pas correcte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Il n'avait pas compris, il ne comprend pas toujours.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Grâce à ce texte de loi, la juxtaposition fera place à la coordination, l'opacité des attributions à la transparence. Depuis de nombreuses années, la question est à l'ordre du jour. De multiples solutions ont été évoquées, de multiples rapports ont été rédigés, de multiples initiatives ont été prises. Nul n'ignore plus les avantages et les inconvénients, les limites et les vertus des diverses solutions proposées. Il est temps aujourd'hui de prendre une décision.

Je fais partie de ceux, nombreux ici, qui jugent cette réforme indispensable, mais elle ne réussira qu'à condition d'améliorer la lisibilité de l'action publique, de clarifier les compétences, de simplifier les processus décisionnels et de rationaliser la gestion de l'argent public en la rendant plus économe.

Ce projet de loi va dans ce sens, grâce, notamment, à la consécration du couple commune-intercommunalité ainsi qu'à l'achèvement et la rationalisation de la couverture intercommunale de notre pays. Il prévoit également la création du couple département-région.

Je regrette cependant que ce projet de loi n'approfondisse pas suffisamment la question de la répartition et de la clarification des compétences entre chaque collectivité. Je me réjouis en revanche du maintien de la clause de compétence générale aux communes.

De nombreuses dispositions de ce texte sont positives, qu'il s'agisse du renforcement de la démocratie locale avec la désignation par les électeurs, lors des élections municipales, des représentants des communes au sein des intercommunalités, du renforcement du statut de l'élu local même s'il était possible d'aller plus loin, de l'adaptation de notre organisation territoriale aux réalités de notre monde, par la création des métropoles, la formule du pôle métropolitain, la possibilité donnée aux communes qui le souhaitent de fusionner en une commune nouvelle pour mutualiser les moyens humains et financiers.

Ces dispositions, très cohérentes et pragmatiques, ne sont d'ailleurs pas celles qui ont donné lieu aux plus vifs débats. D'autres ont été moins acceptées, soit parce qu'elles concernaient plus directement les élus, soit parce qu'elles ont été mal appréhendées. Je pense bien entendu au conseiller territorial et à son mode d'élection.

Ce nouvel élu qui siégera à la fois au conseil général et au conseil régional sera pourtant source de valeur ajoutée pour nos régions et nos départements. Il permettra de surcroît de mieux représenter le monde rural à l'assemblée régionale, ce qui n'est pas forcément le cas aujourd'hui, le mode de scrutin faisant la part belle aux élus urbains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Je fais partie de ceux qui s'étaient montrés très défavorables au mode de scrutin initialement prévu par le Gouvernement, auquel je préférais de loin la formule proposée, malheureusement sans succès, par Dominique Perben : associer un scrutin uninominal à deux tours pour les territoires ruraux et un scrutin proportionnel pour les territoires urbains. Je me rallie donc au mode de scrutin que le Gouvernement a proposé en commission des lois, un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, lequel présente l'avantage majeur d'être lisible et connu de nos concitoyens puisque c'est celui des élections législatives et cantonales. En revanche, en matière de répartition des conseillers territoriaux, il est nécessaire de prendre en compte, outre le critère de population, la superficie et la topographie de nos territoires. Il est par conséquent indispensable que le Gouvernement ne se focalise pas sur son objectif initial de 3 000 conseillers territoriaux. Il y a déjà eu des avancées. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Il doit accepter d'en augmenter le nombre afin d'assurer une bonne et juste représentation des territoires ruraux présentant une faible densité démographique. Un nombre minimal de conseillers par département serait ainsi nécessaire.

La question du pourcentage d'admissions au second tour du scrutin reste en suspens. Le seuil est actuellement fixé à 10 %, mais il serait préférable de le porter à 12,5 %, pour une raison d'intelligibilité électorale puisque le seuil serait égal à celui des élections législatives que connaissent bien les Français mais aussi et surtout pour une raison de légitimité électorale. En effet, le candidat vainqueur, quel qu'il soit, disposerait d'une solide majorité et ne verrait pas sa légitimité mise en cause par un pourcentage de voix trop faible.

Je regrette enfin que l'on ne veuille pas inclure la fonction de président d'un EPCI à fiscalité propre dans la liste des mandats locaux soumis à la règle de limitation du cumul des mandats.

Mes chers collègues, nous avons, avec ce texte, rendez-vous avec l'Histoire. C'est à nous, élus du terrain, qu'il revient de faire entrer nos collectivités dans le XXIe siècle. Notre travail doit être réfléchi, mesuré, et s'inscrire, comme toujours, dans la recherche de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'associe à mon intervention Martine Martinel.

Oui, une réforme des collectivités territoriales est nécessaire. Nous sommes tous persuadés qu'il faut parfaire la décentralisation, en marche depuis 1982, et parachever l'intercommunalité, mais pas à n'importe quelle condition.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Les élus des collectivités territoriales répondent au mieux aux attentes de nos concitoyens. Ce n'est pas en étranglant financièrement ces collectivités, en remettant en cause des services publics de proximité, notamment en zone rurale, que vous ferez progresser la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Ce qui est à déplorer, ce sont vos interjections, monsieur Roy, mais je suis certain que la digestion se passera bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Cette réforme s'ajoute à la RGPP et à la volonté de supprimer les services publics au niveau national. L'immense majorité des élus sont des élus municipaux. En quoi ce projet de loi les concernera-t-il ? En quoi améliorera-t-il les ressources des collectivités dont ils ont la charge, alors qu'ils dépendent, pour l'obtention des financements, des conseils régionaux et généraux ?

Les collectivités territoriales jouent aujourd'hui en matière de cohésion sociale un rôle essentiel qu'il ne faudrait pas que la réforme anéantisse.

Pour parcourir depuis plusieurs années une immense circonscription, je puis vous affirmer que nos concitoyens sont attachés à leurs élus locaux. Pour eux, la commune est l'échelon de base de la démocratie locale. Ils ont besoin de cette démocratie de proximité au sein de communes et cantons clairement identifiés.

Or, ce projet de loi met à mal la région, l'idée régionale, en organisant l'élection des conseillers territoriaux à l'échelle des cantons. Ils ont une si longue histoire, ces cantons. Au travers des équipements et des services publics locaux qui leur sont attachés, ils participent à la vie économique et sociale de notre pays et de ses zones rurales.

Je peux vous dire que le tissu associatif local s'inquiète fortement des conséquences de votre texte sur les activités culturelles, sportives et sociales.

L'étude d'impact ne dit rien des dépenses des départements et des régions en faveur des actions associatives présentant un intérêt local. Quelle sera la perte financière pour toutes les activités associatives si l'on empêche les financements croisés comme le prévoit l'article 35 ?

S'il est un sujet qui soulève de nombreuses interrogations, c'est bien celui de l'article 1er, qui crée le conseiller territorial.

L'instauration du conseiller territorial reviendra à supprimer 3 000 élus locaux sur les 6 000 actuels, alors qu'il ne restera pas moins de 500 000 élus municipaux.

Le conseiller territorial est pour vous l'illustration de la rénovation de l'exercice de la démocratie locale. Pourtant, en cumulant des fonctions si différentes, les conseillers territoriaux ne seront plus les élus de proximité que sont aujourd'hui les conseillers généraux ; ils n'auront pas la vision stratégique, en matière de développement, des conseillers régionaux actuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Comment feront ces nouveaux élus pour participer à toutes les instances au sein desquelles ils devront siéger : conseils d'administration des collèges, des lycées, des associations, des maisons de retraite, des organismes de transport ? Ce sera vraiment difficile, voire impossible.

Nous souhaitons tous des territoires ruraux structurés. C'est déjà le sens donné par les communautés de communes existantes, qui fonctionnent sur la base du volontariat depuis des lois votées il y a quelques années par la gauche. Vos couples intercommunalités-communes et régions-départements ne permettront pas un bon fonctionnement des collectivités territoriales.

Ce que souhaitent les élus locaux, c'est une intercommunalité pensée en termes de projet valorisant les territoires, et non en termes de taille minimum.

Pour finir, je ne peux m'empêcher de citer François Mitterrand qui déclarait en 1981 : « Ils veulent garder le pouvoir ; nous, nous voulons le rendre. » Aujourd'hui, avec le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, monsieur le secrétaire d'État, ce pouvoir, ne vous en cachez pas, vous voulez le reprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Je n'ai pas terminé, monsieur le président, il me reste cinq minutes. Empêché, Pierre Cohen m'a demandé d'être son porte-parole ; je vais donc vous donner fidèlement lecture de son intervention :

« D'une manière générale, je fais partie de ceux qui pensent qu'il y a réellement une différence entre la gauche et la droite. Rechercher le consensus à tout prix me semble à la fois inutile et suspect. Je souhaite néanmoins vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que, sur ce sujet, il y avait de quoi réaliser une belle et grande réforme.

« Comme François Mitterrand et Gaston Defferre avant vous, vous auriez pu vous inscrire dans la belle histoire de France de la décentralisation, une décentralisation reposant sur une véritable notion de territoire et confirme le rôle de la puissance publique, conçue comme un ensemble État-collectivités territoriales où chacun assume des missions clairement définies, avec une fiscalité adaptée et une démocratie renforcée.

« En lieu et place, et contrairement à ce que vous soutenez, vous vous êtes positionné de manière idéologique, politicienne et à contresens de l'histoire.

« Votre position est idéologique parce que vous voulez réduire le rôle de la puissance publique. Vous le faites de manière systématique pour l'État et vous vous attaquez aujourd'hui aux collectivités territoriales. L'une des avancées les plus marquantes des lois de décentralisation de 1982 a justement été la formidable mutation de la puissance publique : auparavant essentiellement étatique, elle est depuis largement partagée avec les collectivités locales, qui ont assumé, avec compétence et efficacité, de nouvelles missions de service public comme la petite enfance, l'éducation, le transport, le logement, les loisirs, la culture, le sport, l'économie, le social, la lutte contre les exclusions...

« Les villes, les départements et les régions ont assumé ces nouvelles compétences avec des personnels qualifiés et une qualité de service qui n'a rien à envier au secteur privé ni à l'État. Or votre obsession est aujourd'hui de restreindre les ressources des collectivités territoriales alors que l'État n'a de cesse de les faire payer. Vous réduisez leurs capacités en cassant une fiscalité assise sur l'activité économique et qui pèsera désormais sur les ménages. Vous réduisez leurs investissements alors qu'en cette période de crise, ils représentent une partie essentielle du développement local.

« Votre position est non seulement idéologique, mais elle est politicienne. Si l'on analyse le fossé qui existe entre les ambitions du rapport Balladur et le projet de loi, on peut en déduire sans caricaturer que ce dernier a pour objectif essentiel de modifier le mode de scrutin pour deux des trois collectivités territoriales : le conseil général et le conseil régional.

« La création du conseiller territorial semble avoir pour seule ambition de donner à la droite une chance de récupérer des majorités qu'elle perd de plus en plus. Elle ne va pas dans le sens d'une nécessaire évolution de l'élu local. Le même élu cumulera structurellement deux fonctions : celle de conseiller régional et celle de conseiller général. Il pilotera des « super-cantons » au détriment d'une politique régionale globale, cohérente et efficace. Et quand je dis « il », c'est effectivement parce que le mode de scrutin affaiblira la parité.

« Votre position est idéologique, elle est aussi politicienne, mais elle va surtout à contresens de l'histoire. Où se trouve la dimension européenne dans votre projet de loi ? Qu'advient-il des régions, collectivités sans fiscalité propre et qui constituent pourtant un échelon essentiel pour l'aménagement du territoire ? Comment peuvent-elles prendre leur place dans le concert européen ? Face à des collectivités affaiblies, comment l'État pourra-t-il répondre aux défis du XXIe siècle ?

« Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, manqué votre rendez-vous avec l'histoire en ne donnant pas aux métropoles les moyens de leurs ambitions.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

« Les villes accueillent aujourd'hui les deux tiers de la population. Cette concentration entraîne des phénomènes d'exclusion, de discrimination, que nous devons contrer par une politique de la ville ambitieuse, des orientations urbaines cohérentes. Nous devons casser les ghettos, redonner de la place à l'espace public au coeur d'un projet de société solidaire. Nous devons favoriser le vivre ensemble.

« Nous avons besoin d'outils nouveaux pour structurer notre territoire, éviter l'étalement de l'habitat, établir une politique de transports cohérente et efficace, faire face à l'urgence écologique et climatique, et répondre aux enjeux du développement durable.

« Nous devons pouvoir définir des politiques d'intérêt métropolitain dans les domaines de l'économie et de l'emploi, de l'université et de la recherche, de l'innovation, de la diffusion de la culture scientifique et technique vers le plus grand nombre.

« Nous devons disposer des moyens de promouvoir des métropoles de la connaissance, des métropoles de rayonnement international. Les métropoles sont les lieux des défis nationaux et européens. C'est à côté de ces défis du XXIe siècle que vous passez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État.

« Les métropoles doivent devenir un maillon essentiel de la décentralisation, sur la base d'une confiance restaurée avec l'État et du respect de leurs initiatives. Les métropoles doivent devenir une collectivité à part entière, une force de rayonnement et d'attractivité, une force de complémentarité avec l'État et la région, une force de solidarité tant pour les territoires que pour les populations.

« En concurrence sur le plan national et international, elles doivent être solidaires avec leur territoire, avec les départements et les régions dans lesquelles elles sont implantées. C'est pourquoi chaque collectivité devrait pouvoir disposer d'une clause générale de compétence, avec une fiscalité propre lui permettant de mener à bien l'ensemble de ses missions. Des missions claires et compréhensibles par tous. C'est ainsi que l'on renforcerait le lien entre les citoyens et leurs représentants locaux. C'est ainsi que l'on conforterait, in fine, la puissance publique.

« Non seulement vous n'avez pas le courage de créer une véritable collectivité territoriale capable de relever ces défis, mais vous ajoutez une nouvelle intercommunalité qui renforce encore la confusion et l'incohérence du puzzle existant. Alors, monsieur le secrétaire d'État, au lieu d'être idéologique et politicien, soyez au rendez-vous de l'histoire de la décentralisation en relançant un nouveau chantier. Tous les citoyens l'attendent et toutes les élues et tous les élus sont prêts. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Vous l'aurez compris, madame Imbert, je vous ai laissé, par courtoisie, commettre une entorse au règlement. Je me vois contraint de le souligner. Cette discussion s'inscrit dans le cadre du temps législatif réglementé ; c'est pourquoi, en termes de temps de parole, je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on s'exprime, à condition que ce soit en son nom propre.

Si, madame Imbert, par courtoisie – j'y insiste –, je vous ai laissé lire l'intervention d'un de vos collègues, vous comprendrez, mes chers collègues, qu'à l'avenir je n'autoriserai pas un tel procédé, ne serait-ce qu'au regard du grand nombre d'orateurs inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

En effet, sinon nous n'avons plus qu'à confier à un seul orateur l'ensemble des interventions des membres de son groupe !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Depuis plusieurs jours, nous entendons différents ministres annoncer un échec total du mouvement social prévu pour aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Quel est le rapport avec un rappel au règlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Or j'ai moi-même constaté que des dizaines de milliers de salariés…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

…sont dans les rues de Paris. On annonce même un million de manifestants !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Tout ce qui se passe à l'extérieur a à voir avec ce qui se passe ici, monsieur Grosdidier !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

J'y insiste : cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Bien sûr que si ! Vous prenez vos désirs pour des réalités, monsieur Grosdidier !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Aussi, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Gosnat, je vous ai donné la parole pour un rappel au règlement…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Permettez-moi de présider, monsieur Grosdidier ; j'éprouve toujours un grand plaisir lorsque vous soutenez ma présidence, mais vous allez constater que je peux me débrouiller tout seul.

Monsieur Gosnat, je vous ai, comme à M. Derosier en début de séance, donné la parole pour un rappel au règlement, qui toutefois n'en était pas un,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Si !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Laissez-moi finir mes phrases !

Néanmoins, la tradition républicaine veut que l'on puisse s'exprimer, quelle que soit, d'ailleurs, la majorité.

Je ne puis en revanche vous accorder la suspension de séance que vous réclamez car vous ne disposez pas de la délégation de votre groupe à cet effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Vous avez omis de la transmettre à la présidence. (Un huissier transmet le document à la présidence.) Ce rappel vaut pour tous, mes chers collègues.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Poulou

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur la réforme des collectivités territoriales est l'occasion pour moi, élu du Pays basque, dans la sixième circonscription des Pyrénées-Atlantiques, de rappeler les spécificités de ce territoire. J'associe très volontiers mon collègue Jean Grenet, élu du Pays basque lui aussi, et maire de Bayonne, à mon intervention.

Au début des années quatre-vingt-dix, à l'initiative de l'État, il a été mis en place un mode de gouvernance très novateur pour répondre aux enjeux d'aménagement et de développement du Pays basque, anticipant ainsi sur les lois ultérieures d'aménagement, la loi Pasqua de 1995 et la loi Voynet de 1999.

Le territoire a été pionnier, d'une certaine manière, pour faire travailler ensemble les responsables de la société civile et les élus.

La situation géographique du Pays basque est celle d'un espace transfrontalier, un carrefour européen d'échanges, dans un contexte de forte attractivité touristique.

Depuis 1997, le Pays basque dispose d'un projet stratégique qui prend en compte l'ensemble des dimensions de l'aménagement et du développement de ce territoire : développement économique, recherche et enseignement supérieur, environnement, aménagement du territoire et grands équipements, langue et culture basques, cohésion sociale et territoriale, coopération transfrontalière. Ce projet se caractérise par sa capacité à mobiliser les interventions des partenaires publics que sont l'État, la région, le département et les EPCI, avec un dispositif très particulier : Conseil des élus, Conseil de développement.

Le Conseil des élus du Pays basque, qui compte soixante-dix-neuf membres, rassemble au sein d'une association tous les échelons de décision : parlementaires et membres du Gouvernement, conseillers régionaux, conseillers généraux et délégués des établissements publics de coopération intercommunale. Il a pour mission d'élaborer un projet stratégique d'aménagement et de développement pour le territoire, et de le porter auprès des collectivités publiques.

Le Conseil de développement du Pays basque, qui compte 121 membres, rassemble en son sein les acteurs socio-économiques et culturels, aux côtés des élus et des administrations de l'État et des collectivités territoriales, avec pour mission de mobiliser la société civile sur les enjeux et les projets du territoire.

En quinze ans, cette démarche a engendré la mise en place d'une convention de développement en 1997, d'une convention spécifique Pays basque en 2000, et d'un contrat territorial Pays basque signé en septembre 2008 en présence du Premier ministre, François Fillon.

Depuis 2007, le territoire « Pays basque » est reconnu Agenda 21, dans le cadre de l'appel à reconnaissance initié par l'État.

Enfin, le Pays basque est reconnu « pays ».

L'abrogation de l'article 22 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est motivée par la volonté de ne plus créer de pays en France.

L'article 25 du présent projet de loi prévoit que les contrats conclus par les pays antérieurement à cette abrogation sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance, c'est-à-dire, pour ce qui concerne le Pays basque, jusqu'en 2013.

Le contrat territorial signé en septembre 2008 en présence du Premier ministre arrivera donc à échéance en 2013. L'abrogation de l'article 22 entraînera de facto un vide juridique après cette date.

Il nous parait nécessaire et souhaitable que les éléments fondamentaux de la structuration actuelle du Pays basque puissent être préservés, quel que soit le cadre.

Enfin, et plus généralement, monsieur le secrétaire d'État, la fin d'un adossement juridique des pays et de la clause de compétence générale invite à imaginer une alternative pour pérenniser l'acquis des démarches engagées.

Je voudrais d'ailleurs remercier mon collègue Jean Lassalle, qui est intervenu ce matin pour dire que cette initiative a permis une grande solidarité départementale entre Béarn et Pays basque, ainsi qu'une cohésion territoriale évidente.

Monsieur le secrétaire d'État, merci de bien vouloir tenir compte de cette spécificité. L'attente est très forte chez les élus. Leur déception serait aussi très forte si l'on ne pouvait trouver un système d'adossement juridique pour pérenniser ce qui marche très bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Patrick Roy. (« Hélas ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous débattons avec fougue depuis maintenant deux jours est une nouvelle horreur. (« Hélas ! » sur les bancs du groupe SRC.) Hélas !

Cette nouvelle horreur s'ajoute à tous les textes qui ont étranglé, les uns après les autres, tous les acquis, toutes les avancées que notre pays avait pu connaître au cours des années antérieures.

Je vais vous rappeler quelques-unes de ces horreurs. Vous les connaissez d'ailleurs, même si vous feignez de les ignorer.

D'abord, cette loi va continuer à asphyxier, à étrangler, à poignarder les finances des collectivités. Déjà, avec la suppression de la taxe professionnelle, vous avez porté le premier coup. Comme vous sentiez qu'il y avait encore quelques soubresauts, vous avez porté une deuxième estocade en gelant les aides de l'État. Le présent texte porte le coup de grâce : les collectivités vont être totalement étranglées et asphyxiées. À votre place, je n'en serais pas extrêmement fier.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cacheux

Mais il n'est pas fier, le secrétaire d'État ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Autre horreur, le mode de scrutin. Alors là, c'est extraordinaire. Aujourd'hui, globalement, les modes de scrutin des élections cantonales et régionales ont chacun des avantages et des inconvénients. Pour les conseils régionaux, les avantages du scrutin proportionnel sont évidents : la parité – enfin ! – et la diversité. Pour les conseils généraux, le scrutin majoritaire permet la proximité. Je ne connais pas de mode de scrutin idéal, mais je trouve que, dans l'état actuel des choses, nous avons, au total, les avantages de chacun des deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Dorénavant, nous n'aurons plus que les inconvénients de l'un et de l'autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous avez décidé, là encore, de sortir le poignard, à peine lavé, pour porter un coup fatal à la parité. Vous allez certainement me répondre que ce n'est pas vrai, que la parité est sauvegardée. En fait, au fond de votre âme, vous savez très bien que vous l'avez asphyxiée, étranglée et poignardée.

Aujourd'hui, dans les régions, il y a la parité. L'exemple que vous avez mis en avant, celui du nombre de présidences de conseils régionaux, est tiré par les cheveux. Les présidences sont encore masculines, effectivement. Il y a encore des progrès à faire, j'en conviens. Mais quand on regarde l'ensemble des élus, on constate qu'il y a une moitié de femmes et une moitié d'hommes. Demain, avec votre réforme stupide, votre réforme de régression, les conseils régionaux vont voir disparaître beaucoup de femmes de grande valeur, qui se sont affirmées, qui se sont révélées, et qui vont disparaître de la vie politique parce que vous n'en voulez plus. C'est donc une horreur.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Autre horreur, autre mensonge, monsieur le secrétaire d'État, vous dites vouloir supprimer le « millefeuille ». Moi, je suis peut-être naïf, mais quand on me dit qu'on va simplifier, je me dis qu'on va supprimer quelques échelons. Eh bien pas du tout. Non seulement vous n'en supprimez pas – cela serait d'ailleurs contestable, et mériterait un débat –, mais vous en rajoutez, avec ces nouvelles communes et ces métropoles. On ne va plus rien comprendre. Le millefeuille va être indigeste, après avoir été transformé par votre recette. Un mensonge de plus.

L'un des éléments forts de votre texte de régression, c'est la création du conseiller territorial, qui pourrait devenir un super-cumulard, puisque l'on peut imaginer que demain, quelqu'un – plutôt un homme, d'ailleurs, étant donné la réforme du mode scrutin – siège dans quatre assemblées, et non des moindres : le conseil municipal, l'agglomération, le département et la région. Fichtre ! Excusez du peu !

Ces nouveaux conseillers ne pourront plus être efficaces. Je vais vous raconter une petite histoire très courte. Quand, en 2001, je suis arrivé au conseil général du Nord – c'était mon premier mandat d'élu –, j'y ai été bien accueilli, par un président sympathique, ouvert, je veux bien sûr parler de Bernard Derosier, président du conseil général du Nord.

Quelques jours après l'élection, ma carte de visite mentionnait : Patrick Roy, conseiller général du Nord. À l'issue de la réunion, qui m'a beaucoup marqué, d'attribution des places dans les différents organismes où intervient le conseil général, elle était enrichie de trente ou quarante fonctions dans un tas de conseils d'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Des trucs qui ne servent à rien et qu'il faut élaguer : CQFD !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ces trucs sont extrêmement importants. Chaque fois qu'ils se réunissaient, on me demandait si j'allais bien y venir, tant la présence comptait.

Demain, les conseillers territoriaux auront non seulement toute cette liste impressionnante de fonctions, mais en plus celle du conseil régional. Ajoutez à cela la présence obligatoire dans les événements locaux pour entretenir les liens de proximité, je ne sais pas comment ils vont faire. Sincèrement, c'est mission impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Aller à l'essentiel, c'est ne pas traiter d'autres choses importantes. Prendre, comme vous le faites, cette réforme avec autant de légèreté, c'est aller sur la voie d'une démocratie bafouée.

Le Gouvernement prétend qu'il connaît les problèmes des Français, que les ministres sont compétents et savent quelles solutions y apporter. Ce que je constate depuis maintenant huit ans, avec une aggravation depuis trois ans, c'est que le Gouvernement est profondément amateur, très léger. Les ministres qui sont chargés de l'emploi, par exemple, ne réussissent pas dans l'emploi mais ont des résultats exceptionnels en chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…ne réussit pas dans le logement mais est tout à fait remarquable en camping. En matière de budget, nous avons soi-disant des spécialistes des chiffres : jamais la France n'a été autant en déficit qu'avec le gouvernement actuel. Vous parlez de gens responsables !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

C'est à cause du cumul des années quatre-vingts !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Quant à ce texte de démocratie, il constitue surtout un coup de force pour bâillonner, une fois de plus, l'expression des Français. À votre place, je n'en serais pas fier, et je peux vous dire que, durant l'examen des articles, nous nous montrerons combatifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

La légèreté faite homme ! La subtilité incarnée !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, plus d'un quart de siècle après les lois Defferre et une décennie après la loi Chevènement, cette réforme s'impose.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

En corrigeant quelques effets pervers ou erreurs à la marge, notamment en clarifiant les responsabilités, cette réforme conforte la décentralisation et l'intercommunalité. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Aussi vrai que l'intercommunalité a sauvé les 36 000 communes de France, c'est la clarification qui sauvera la décentralisation. Refuser de se remettre en cause et de s'améliorer, c'est se condamner soi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Refuser la réforme alors que les trois quarts des Français se déclarent critiques à l'égard du millefeuille territorial, c'est les pousser à jeter le bébé avec l'eau du bain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Vice-président de ma région pendant dix ans, j'ai été le témoin quotidien de la concurrence, non pas politique, mais structurelle, contre-productive, avec les départements. Maire depuis près de dix ans et président des maires de Moselle, je subis la complexité des financeurs, qui me posent souvent, sur un même projet, des exigences contradictoires. Alors que je n'en ai jamais trop pour répondre aux besoins sociaux des administrés de ma commune, qui compte 70 % de logements sociaux, j'enrage de voir la dispersion des moyens. J'enrage de constater que l'on mobilise des fonctionnaires au niveau local, départemental, régional et de l'État pour suivre les mêmes dossiers, simultanément ou successivement, ce qui rallonge d'autant les procédures, et parallèlement, voire de façon divergente, avec pour conséquence la perte de temps, d'argent et d'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Demain, plus de problème : vous n'aurez plus de dossier à traiter !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Ma courte carrière professionnelle et élective me permettrait déjà d'écrire un livre rien qu'à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Tous ensemble, en compilant nos expériences et nos souvenirs, souvent croustillants, nous pourrions écrire une encyclopédie de la déperdition d'énergie de la puissance publique. Alors oui, la réforme est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je regrette le ton du débat, le manichéisme de l'opposition, son déni du problème, la caricature du texte et le procès d'intention à l'égard du Gouvernement et de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Rien ne justifie une telle attitude.

Certes, il y avait un risque que cette réforme méconnaisse la réalité du terrain. Je l'ai craint sincèrement lorsque j'ai vu que la commission Balladur ne comptait pas un seul maire et que j'ai entendu des universitaires et des chroniqueurs émettre de fausses bonnes idées. J'en citerai trois souvent entendues : la réduction du nombre de communes, la fusion des départements et des régions et l'affectation d'un grand impôt par échelon territorial.

De Paris, effectivement, on ne voit pas l'extraordinaire travail accompli, pour moins que le SMIC horaire, par les 36 000 maires de France et leurs adjoints, et, de façon totalement bénévole, par les conseillers municipaux. S'il fallait demain recruter des fonctionnaires territoriaux pour faire ce travail à leur place, la fiscalité locale exploserait vraiment.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Le Gouvernement a pris le temps de la concertation avec les associations d'élus.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Il prend le temps de la procédure législative. Les fausses bonnes idées ont été abandonnées ; les vraies bonnes idées ont été creusées et affinées. Ainsi, les communes sont confortées, conservant leur identité, leurs prérogatives et notamment la clause de compétence générale. Dans la République, les maires sont les régulateurs sociaux par excellence ; ils en conserveront la capacité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Les communes ont d'ailleurs été davantage menacées dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, par l'amendement sur le PLU intercommunal, que, dans sa sagesse, notre assemblée a rejeté.

Contrairement à l'intox largement diffusée, que vous poursuivez ici, personne ne peut imposer une fusion à une commune qui n'en veut pas, et, en matière d'intercommunalité, le préfet n'a pas plus de pouvoirs qu'il n'en avait par la loi Chevènement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Comment une même mesure est décentralisatrice et démocratique lorsqu'elle est adoptée par la gauche,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

…et recentralisatrice et autoritaire lorsqu'elle est proposée par la droite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

L'orateur ment ! Il raconte des affabulations, des carabistouilles !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Il n'a pas lu la loi Chevènement ! C'est un menteur !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

La deuxième fausse bonne idée est celle de la disparition de la région ou du département. Le couple commune-intercommunalité fonctionne bien parce que les élus y sont les mêmes et les compétences différentes. Aujourd'hui, le couple département-région fonctionne mal parce que les élus y sont différents et se marchent sur les pieds, dans l'enchevêtrement des compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Le couple département-région sera refondé en s'inspirant du modèle qui marche. Là encore, universitaires et chroniqueurs préconisaient la disparition d'un échelon. Nous savons que certaines compétences, sociales en particulier, doivent s'exercer dans la proximité, et que d'autres, de développement économique ou d'aménagement du territoire, doivent l'être à une échelle plus vaste. Le choix proposé, qui tient compte de la réalité du terrain, est le plus judicieux.

Au regard du problème posé, qui relevait de la quadrature du cercle, l'idée du conseiller territorial est géniale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Sur bien des points, je suis heureux que l'avis des maires de France, à l'initiative de Jacques Pélissard et avec le soutien de collègues de gauche comme de droite, ait été entendu. Cela se traduit par plusieurs amendements garantissant les droits des communes adoptés par le Sénat. D'autres l'ont été ici en commission, sur la suppression du pouvoir d'initiative du préfet pour la création des métropoles, ou encore le bénéfice du FCTVA aux communes nouvelles. J'espère que d'autres amendements le seront en séance plénière parce qu'ils répondent aux préoccupations des maires…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Pas à celles de l'Association des maires de France.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

…sans remettre en cause l'économie générale de la réforme.

J'espère de ce débat à la fois l'ouverture du Gouvernement mais aussi un changement de ton de l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) La discussion gagnerait à ce que l'opposition sorte des postures, du déni de réalité, de la mauvaise foi, de la caricature, du procès d'intention et de la surenchère verbale, qui confine au ridicule lorsque sont évoqués à cette tribune horreurs ou autres monstres. (Mêmes mouvements.) J'espère un débat à la hauteur des enjeux de ce texte,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

…qui est le futur cadre de l'exercice des responsabilités de tous les élus de la République. Ces élus méritent de notre part un travail sérieux, serein, approfondi et constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Comme d'habitude, il a pris son oreiller pour se coucher !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après ce déversement de haine et de fiel, je vais m'efforcer de ramener le calme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

N'inversez pas les rôles ! Qui parle d'horreurs et de monstres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Je suis très surpris par une telle intempérance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Pour ma part, je resterai calme et pondéré. Afin de personnaliser mon intervention, je ne répéterai pas tout ce qui a été dit. Malheureusement, cela m'obligera à rester tiède, un peu trop, et je m'en fais déjà le reproche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Crier serait une solution de facilité, aussi vais-je analyser.

M. Raffarin vous a dit : « Votre réforme n'est ni claire ni juste. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Je serais tenté d'ajouter que votre réforme territoriale a pour fondement le dénigrement et pour méthode l'opacité.

Pire, au moment où il devenait nécessaire de clarifier et de simplifier les blocs de compétences, vous laissez les collectivités locales dans un contexte budgétaire et financier de plus en plus préoccupant. Un exemple, mais vous le connaissez : pour les départements, le déficit annuel de compensation du RSA, de la PCH et de l'APA est de 3,8 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

C'est une réalité ! La réforme fiscale et la réforme territoriale sont liées. En tout cas, elles devraient l'être. On ne peut pas examiner les différents niveaux de collectivités sans aborder dans le même temps les questions financières et plus particulièrement le problème des ressources. Vous ne le faites pas, refusant d'aborder le fond du problème.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Nous, nous avons constitutionnalisé le principe de compensation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Les collectivités territoriales sont proches du citoyen ; elles sont réactives, garantes du lien social. Elles sont aussi constamment aux côtés des entreprises, des artisans, des acteurs essentiels du développement économique. Elles mènent des politiques locales volontaristes, responsables et soucieuses des besoins quotidiens des Français. Elles sont le fer de lance de l'activité économique de nos territoires.

En ma qualité de président de Tarn Habitat, j'avais envisagé de lancer des opérations immobilières. Depuis un mois, je ne cesse de recevoir des appels téléphoniques d'entrepreneurs qui attendent le lancement de chantiers. Or, à cause de cette réforme, qui est déjà initiée et dont les effets pervers se font déjà ressentir, nous ne pourrons plus investir, nous ne pourrons plus faire travailler nos entreprises. Demain, ces entreprises, qui emploient de vingt à quarante salariés, vont être dans l'obligation de déposer le bilan.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Voilà vers quoi vous nous conduisez inexorablement !

Depuis les lois de décentralisation, nous sommes unanimes pour dire que nos collectivités territoriales sont – désormais, je devrais dire « étaient » – indispensables pour garantir la mise en oeuvre de services publics efficaces, d'accès équitable pour tous, pour l'enseignement, la petite enfance, les personnes âgées, le handicap, l'insertion professionnelle, le développement de l'accès au sport, à la culture.

Depuis les lois de décentralisation – j'ose espérer que vous partagez cette analyse –, les collectivités locales ont apporté la preuve globale de leur efficacité et, ne vous en déplaise, de leur bonne gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Vous faites là un premier pas vers notre propre thèse.

Mais la capacité des collectivités territoriales à financer et accompagner les projets portés par le mouvement associatif est aujourd'hui mise en danger par votre politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Après la suppression de la taxe professionnelle et la perte des 12 milliards d'euros annuels qu'elle rapportait, après les transferts de compétences et de personnels effectués par l'État sans compensation financière, ce sont désormais les dotations de l'État qui vont être gelées.

À l'issue de la conférence des déficits, organisée le 20 mai par l'Élysée, le Président de la République a annoncé un gel « en valeur » des quelque 50 milliards d'euros de dotation versés chaque année par l'État aux collectivités locales. Les services publics locaux, notamment les services de proximité et les services sociaux, seront les premières victimes des décisions de Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Toutes ces missions étaient encore possibles et réalisables puisque les collectivités locales sont bien gérées, vous venez de le reconnaître, et que leur dette représente moins de 10 % du PIB. Dans le même temps, faut-il rappeler que celle de l'État, prompt à donner des leçons, a atteint près de 86 % du produit intérieur brut ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Comment faire quand ses recettes diminuent de 25 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Quant au pseudo-déficit, les collectivités n'ont pas la possibilité d'en faire, et c'est bien ! Leurs budgets doivent être en strict équilibre en section de fonctionnement et d'investissement.

Les collectivités refusent d'être les boucs émissaires de l'irresponsabilité du Gouvernement. Et quand on annonce la « fin de la clause générale de compétences », on doit s'interroger afin de savoir ce qui se passera demain, lorsque les départements et les régions ne pourront plus aider les communes et les intercommunalités dans le domaine sportif, culturel et même caritatif.

Êtes-vous sûrs, mes chers collègues députés maires, que vous pourrez compenser ce que faisaient dans vos communes les régions et les départements réunis ?

Êtes-vous sûrs que vous pourrez continuer à faire les investissements qui vous seront toujours demandés sur le terrain par les associations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Ếtes-vous sûrs que sans cette solidarité, vous pourrez répondre aux besoins de vos populations ? Je suis convaincu que non. Il est donc primordial que les collectivités gardent leur clause générale de compétence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Il ne doit pas y avoir de restriction aux financements croisés, qui représentent tout simplement la solidarité territoriale.

Réfléchissez un instant : s'il n'y avait eu d'apport financier de la région et du conseil général, combien de projets, en qualité de maires, auriez-vous dû abandonner ces dernières années ? Posez-vous la question ! La réponse est évidente, nous avons besoin de ces financements, de ces tours de table financiers. Avec votre gouvernement, il n'y aurait que le monde des affaires qui aurait le droit de se rassembler et d'effectuer ces fameux tours de table. Et les élus, eux, n'auraient plus cette capacité. Cela deviendrait inacceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

J'insisterai également sur le fait que l'État doit assumer son rôle tel qu'il est rappelé dans notre Constitution à l'article 72-2, alinéa 5. Cet article rappelle que la péréquation doit favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. Cette péréquation est une mission de l'État qui doit pallier aux inégalités des territoires. Dois-je vous rappeler que sur les 13 milliards de dotation globale de fonctionnement des départements, seulement un milliard est actuellement destiné à la péréquation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Nous demandons un nouveau système de péréquation verticale qui permette une véritable égalité territoriale. Nous exigeons que l'État remplisse son rôle en compensant intégralement l'ensemble des transferts de charges relevant de la solidarité nationale.

La réforme des collectivités territoriales ne peut se concevoir sans donner à celles-ci les moyens financiers d'assumer pleinement leurs compétences.

Une fois de plus, votre gouvernement se lance dans une réforme globale sans vraiment actionner tous les leviers et sans répondre à aucun moment aux réelles attentes de nos collectivités et de nos concitoyens. La réforme est nécessaire, mais, comme le disait récemment André Laignel, elle doit être solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Nous demandons une libre administration de nos collectivités, une autonomie financière de celles-ci et enfin une péréquation entre elles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Nous pensons qu'il faut clarifier les blocs de compétences, ce que vous ne faites pas dans cette prétendue réforme.

Nous voulons rétablir la répartition des financements des collectivités territoriales entre les entreprises et les ménages. Dans peu de temps, les citoyens paieront seuls 70, voire 75 % de la fiscalité locale, contre 48 % aujourd'hui.

Cette réforme fiscale et financière globale est indispensable pour moderniser la démocratie territoriale. Le système est à bout de souffle.

Nous souhaitons garantir à chaque niveau de collectivité un impôt sur les entreprises et un impôt sur les ménages qui tiennent compte de leurs ressources, simplifier les concours de l'État en les globalisant sur deux dotations, l'une de fonctionnement, l'autre d'équipement, et veiller à ce qu'elles permettent une véritable autonomie financière de chacune des collectivités.

Nous souhaitons affecter 25 % des dotations de l'État à la péréquation dans un délai de dix ans – ce serait le début d'une vraie réforme – et garantir constitutionnellement que, au cours de ces dix années, aucune collectivité n'ait une ressource financière inférieure à 80 % et supérieure à 120 % de la moyenne par habitant de la même catégorie de collectivité.

Voilà ce qu'aurait pu être une vraie réforme.

Hélas ! avec votre plan de rigueur et des collectivités locales à genou, vous êtes en train d'orchestrer un véritable pillage de notre système républicain et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Hélas ! votre gouvernement ne s'est servi de cette réforme que pour avancer ses pions et bouleverser la carte électorale avant les futures élections locales de 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

En effet, au regard des nombreux débats que nous avons pu avoir dans cet hémicycle et dans les groupes de travail, cette réforme ne vise qu'à rétrécir le pouvoir local et à le mettre sous tutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

C'est un véritable recul de notre République décentralisée et c'est surtout l'aveu que vous n'acceptez pas que les collectivités soient et restent de gauche et qu'elles vous renvoient chaque jour, par leur bonne gestion, l'image de votre incompétence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai trente-sept ans d'expérience en tant qu'élu local et ne crois pas avoir entendu, en tout cas du côté de la majorité, quelqu'un mettre en cause la compétence de nos élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Il y a 550 000 élus locaux en France, soit plus que dans toute l'Union européenne avant le dernier élargissement. Cela nous interpelle quelque peu.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

C'est dire combien la réforme des collectivités territoriales est une nécessité. Il est, en effet, essentiel de simplifier l'architecture territoriale et de redéfinir les compétences des différents niveaux de collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Monsieur Roy, je ne vous ai jamais interrompu. Faites-moi, je vous prie, l'amitié de me rendre la pareille.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

C'est l'objet de ce projet de loi qui s'articule autour de trois axes majeurs : le pôle département-région, le pôle communes-intercommunalité et le pôle création des métropoles.

Nous n'avons jamais annoncé, concernant le pôle département-région, que nous allions supprimer les départements ou les régions. Bien au contraire. Il s'agit de les rapprocher, afin de les rendre complémentaires et donc plus efficaces.

Je suis le deuxième député alsacien à prendre la parole aujourd'hui. J'ai été assez surpris des conclusions de mon collègue socialiste. En Alsace, nous sommes tous d'accord pour l'expérimentation. Le maire de Strasbourg est sénateur socialiste, le président de la communauté urbaine est maire socialiste de la deuxième ville. Ils sont tous favorables à l'expérimentation et veulent défendre le statut européen de Strasbourg, capitale de l'Europe. Mes chers collègues, vous devriez vous rappeler que si l'on combat le statut de Strasbourg capitale de l'Europe, ce n'est pas seulement les Alsaciens que l'on combat, c'est aussi le statut de la France, détentrice d'une capitale européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Il faut que cela soit rappelé de temps en temps.

Ces deux collectivités territoriales département-région se verront reconnaître, au contraire, une véritable capacité d'initiative, qui ne pourra s'appliquer qu'à des situations et des demandes justifiées par un intérêt local.

Personne n'a évoqué que le texte prévoit que tous les six ans, ces deux collectivités se mettront autour d'une table pour définir entre elle une délégation de compétences et la mutualisation de leurs services.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

M. le rapporteur l'a excellemment démontré.

La création des conseillers territoriaux. Nous vivons à Paris, dans une capitale dont les élus sont ipso facto conseillers généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Je n'ai pas l'impression que les maires d'arrondissement se promènent tout « nus » à Paris. Ils disposent de compétences et chaque arrondissement de Paris a sa particularité.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

C'est parce que le maire de Paris est socialiste que vous n'en parlez pas ? C'est une question. Je pense connaître la réponse !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Nous n'avons pas arrêté de poser des questions !

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

En ce qui concerne la création des conseillers territoriaux, je ne crois pas que nous y allions vraiment à la hache.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

En mars 2014, 3 400 conseillers territoriaux remplaceront les 6 000 conseillers généraux et régionaux actuels. Cela mettra fin à la concurrence des départements et régions et commencera à limiter un certain nombre de dépenses de fonctionnement : services, élus. Nous entendrons bientôt parler de ce genre d'éléments.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Concernant le pôle communes-intercommunalité : au 1er janvier 2014, la carte de notre intercommunalité sera redessinée.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Mon cher collègue enseignant, je pense que la première des politesses est d'écouter celui qui parle dans une classe.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ici, nous ne sommes pas dans une classe, mais au Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Avec vous, on se croirait parfois dans une cour de récréation !

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

La carte de notre intercommunalité sera redessinée en 2014 sur la base du volontariat, pour rendre notre couverture intercommunale plus cohérente. M. Perben l'a martelé partout et je ne me souviens pas d'avoir entendu beaucoup de critiques émanant des élus. Cela peut rendre notre couverture intercommunale plus cohérente.

Oui, nous avons depuis plus de trois décennies, créé, ajouté, de nouvelles structures, sans jamais rien simplifier.

Aussi notre pays est-il structuré par de nombreuses intercommunalités à fiscalité propre : les pays, les syndicats mixtes, les syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple. Ce « millefeuille administratif » français devient illisible pour la plupart de nos concitoyens. En effet, plus de 83 % des Français estiment que notre organisation administrative est beaucoup trop complexe.

Les autres pays européens trouvent également que chez nous, c'est très complexe. Je sais de quoi je parle, puisque nous travaillons au niveau international, notamment dans les villes frontalières.

Il était urgent, mes chers collègues, de lutter contre l'enchevêtrement des compétences et la concurrence entre institutions.

Le troisième élément concerne la création des « métropoles » – j'ai déjà parlé de celle de Strasbourg, afin d'offrir aux agglomérations importantes un cadre institutionnel plus adapté. Un double constat s'est imposé à nous ces dernières années : d'une part, l'organisation territoriale n'a pas suffisamment pris en compte la montée en puissance du fait urbain et, d'autre part, la compétition entre les grandes agglomérations, européennes ou internationales, n'a cessé de s'intensifier. Il devenait indispensable de proposer un nouveau cadre de gouvernance.

Ainsi, les articles 5 et 6 du projet de loi prévoient la création, facultative – j'insiste –, de métropoles pour les bassins de plus de 450 000 habitants. Nos grandes villes pourront désormais mettre en oeuvre de véritables projets d'aménagement et de développement en matière d'économie, d'écologie, d'éducation, des projets internationaux aussi, comme nous le faisons déjà à Strasbourg.

Ce texte, mes chers collègues, permettra de préserver les acquis de la décentralisation, de renforcer les libertés locales et de « libérer les intelligences territoriales ».

L'heure est à la simplification, à la rationalisation des structures, à la mutualisation des moyens et aux économies d'échelle.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Nous qui aimons tous notre pays, mes chers collègues, redonnons un nouveau souffle à nos territoires, permettons aux élus locaux de mieux travailler et à nos concitoyens de retrouver le goût de la chose publique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

C'est le sens de cette réforme. Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'État, je défendrai votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que la proposition de loi que nous avions déposée avec mon collègue et ami Jérôme Bignon voici plus de trois ans se concrétise sous la plume du Gouvernement. Je l'en félicite et l'en remercie.

Pourquoi avions-nous inventé ce concept de conseiller territorial ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Vous ne l'avez pas inventé, cela existait déjà en 1991 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Nous sommes, l'un comme l'autre élu local – c'est la preuve que ce projet n'est pas issu d'une vision parisienne centralisatrice – et nous avions conscience qu'il y avait, en permanence, télescopage, chevauchement, concurrence entre la collectivité départementale et la collectivité régionale et qu'il fallait trouver une solution pour simplifier et clarifier.

Deux solutions s'offraient à nous : supprimer purement et simplement un niveau – ce qui était quasiment inimaginable dans le système français, avec les mentalités qui sont les nôtres – ou conserver les mêmes élus pour gérer les deux assemblées.

Petit à petit, ces élus se rendront compte qu'ils peuvent mener les mêmes politiques, avec les mêmes administrations et les mêmes fonctionnaires. Nous irons directement vers la simplification, la clarification pour le citoyen et, je l'espère bien, l'allégement de la charge fiscale pour le contribuable. Tel est le but de la réforme.

Permettez-moi d'exprimer un regret, monsieur le secrétaire d'État : je déplore le choix du mode de scrutin. Nous avions, pour notre part, proposé d'introduire de la proportionnelle dans les zones urbaines, entre autres, pour régler le problème de parité, à juste titre évoqué ici et là. Cette proposition n'a pas été retenue dans le projet gouvernemental, soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

En revanche, une solution un peu meilleure peut être apportée en renforçant le rôle du suppléant. Aujourd'hui, on refuse de lui donner une véritable responsabilité et une vraie compétence. Je pense, au contraire, que les suppléants doivent pouvoir assumer la quasi-totalité des responsabilités du titulaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

…sauf d'aller siéger dans l'hémicycle de l'assemblée dans laquelle il est élu.

Cela étant, le suppléant de sexe opposé permettrait d'avoir une véritable équipe.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

On peut décider que les femmes seront des suppléantes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

On répondrait ainsi à une préoccupation qui a été quelque peu mise de côté. Voilà ma première proposition.

Permettez-moi, chers collègues de l'opposition, d'en faire une autre et de rappeler que vos amis à la tête des exécutifs locaux n'ont pas hésité à dépenser beaucoup d'argent pour dire que la réforme du Gouvernement était mauvaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Des sommes importantes ont été consacrées à l'achat d'encarts dans les journaux et à l'impression d'affiches et de tracts ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Chez moi, dans l'Oise, cela a tout de même coûté 1 500 euros par réunion dans le seul but de s'opposer au projet gouvernemental !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Combien coûte la communication des ministères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

M. Mancel est orfèvre en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Lejeune

De tels propos ne sont pas tolérables, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

J'en reviens au problème des subventions. À cet égard, permettez-moi de souligner que nous sommes dans un système qui viole systématiquement l'article 72 de la Constitution, aux termes duquel : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. »

Or lorsqu'un conseil général subventionne une commune, il exerce de fait une tutelle totale, un peu électoraliste, voire clientéliste – disons les choses comme elles sont –, ou sectaire dans bien d'autres cas. À partir de ce constat, je suggère que l'on réfléchisse bien à cette question. Je propose que l'on retire, par l'intermédiaire des dotations d'État, le montant des subventions accordées aux communes par les grosses collectivités et que ces sommes leur soient directement versées en fonction de leurs besoins et d'un système de péréquation. Cela permettrait de dégager des moyens supplémentaires pour les communes, de ne pas avoir à subir la pression des grands exécutifs et de redonner un peu d'oxygène aux collectivités départementales ou régionales pour assurer les compétences qui doivent être les leurs. Telle est ma seconde proposition.

Enfin, je me réjouis de constater que sur l'intercommunalité, on va désormais flécher les futurs élus communautaires ce qui est une bonne chose pour asseoir la légitimité de l'intercommunalité. En outre, cela mettra fin au panachage, à ce scrutin « des règlements de comptes » ! Je salue donc cette bonne initiative.

Je conclurai par un dernier point, qui ne sera sans doute consensuel ni à droite ni à gauche : avec le conseiller territorial, j'ai le sentiment qu'un jour ou l'autre, il faudra s'intéresser au problème du non-cumul des mandats, car je vois mal comment il est possible d'arriver à siéger un jour au chef-lieu de département, un autre jour au chef-lieu de région, un autre jour encore à Paris, et le suivant dans sa communauté de communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Je vous laisse méditer cette réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 20 octobre 2009, à Saint-Dizier, le Président de la République avait promis une réforme de notre organisation territoriale sans précédent dont les deux piliers majeurs devaient être la création du conseiller territorial et une parfaite lisibilité des compétences reconnues à chaque collectivité. Une réforme initiée dans un objectif précis : renforcer la démocratie locale en mettant fin au fameux « millefeuille territorial ».

Aujourd'hui, disons les choses comme elles sont : la simplification annoncée ne sera pas au rendez-vous d'un projet de loi qui crée la confusion et réunit tous les ingrédients du « pudding territorial ».

Après nos collègues sénateurs – pour le moins divisés sur les prétendus bienfaits de ce texte –, il nous appartient de nous prononcer sur le premier projet de loi de ce que le Gouvernement présente comme une « réforme territoriale » mais qui, en réalité, j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, n'est rien d'autre que la première des « lois de recentralisation ». Et je pèse mes mots.

En effet, en l'absence de consensus, au mépris des rapports parlementaires, ce texte entend instaurer une recentralisation partisane par le biais de la création du conseiller territorial, doublée d'une recentralisation des compétences, de la suppression de la clause de compétence générale reconnue jusqu'alors et du retour en force du pouvoir exorbitant confié aux préfets.

Au nom de mes collègues députés radicaux de gauche – Gérard Charasse, Dominique Orliac et Joël Giraud notamment –, je m'attarderai sur deux articles de ce projet de loi révélateurs du dessein gouvernemental, les articles 1er et 35, tant leurs effets seront ravageurs pour nos territoires, pour nos concitoyens et pour la démocratie de proximité.

L'ensemble de cette réforme est une insulte au bon sens, qui en révèle la véritable nature, à savoir une gigantesque manoeuvre politicienne. Une manoeuvre dont les tractations prêteraient à sourire si l'avenir de la décentralisation n'était pas en jeu.

Mais revenons à la création du mandat de conseiller territorial. Disons-le clairement : elle relève du non-sens, de l'erreur grossière d'appréciation. Il s'agirait de créer un super-élu – homme de préférence –, doté de super-pouvoirs – parmi lesquels le don d'ubiquité –, un élu condamné de surcroît au cumul des mandats.

Encore plus incroyable : nous devons nous prononcer sur la création du conseiller territorial alors même que la question essentielle des compétences qui lui seront attribuées dans le cadre de son mandat est remise à plus tard.

Que penser du dépôt en toute hâte d'un amendement du Gouvernement venant fixer le nombre de ces futurs élus et leur répartition par région et département ? S'agirait-il de l'ultime concession avant rupture du fait majoritaire ?

Le scénario, digne d'un vrai vaudeville, s'est joué en plusieurs actes. Dans un premier temps, il était question de faire élire 80 % des conseillers territoriaux au scrutin uninominal majoritaire à un tour, 20 % des sièges étant attribués à la proportionnelle. Puis, le moment crucial fut le passage du texte en première lecture au Sénat. Afin de s'assurer les faveurs du plus grand nombre et de dégager une majorité, un article additionnel vient préciser les orientations du mode de scrutin : on consent à garantir un scrutin uninominal avec une dose de proportionnelle, ainsi que la parité.

Enfin, dernier rebondissement sur fond de défaite aux élections régionales, le Premier ministre change son fusil d'épaule et sort du chapeau une nouvelle mouture : il est alors question d'un scrutin uninominal majoritaire à deux tours sans dose de proportionnelle.

De toute évidence, le Gouvernement ne fait plus l'économie de ses propres contradictions et, sentant le vent tourner, fait adopter in extremis par la commission des lois un amendement précisant le mode de scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

On peut aisément le comprendre, car, devant la faiblesse de ce texte, il fallait le renforcer pour éviter à la « maison UMP » de vaciller !

Ultime coup fourré, alors que l'examen du texte en commission touchait à son terme, pas plus tard qu'avant-hier, le Gouvernement sort de son chapeau un amendement fixant rien de moins que le nombre et la répartition des conseillers territoriaux par région et par département. Et voici comment, dans des tractations de couloirs, le Gouvernement supprime la moitié des effectifs de certains conseils généraux ruraux.

Alors que le Gouvernement prétend vouloir faire des économies, il oublie de prendre en compte le coût des travaux que devront engager les collectivités pour adapter leurs locaux, le montant des indemnités des élus ou encore les frais de fonctionnement liés au nombre d'élus siégeant à la région et qui, de manière inéluctable, viendront alourdir la facture. En Midi-Pyrénées, vous multipliez quasiment par trois le nombre d'élus ; de 91, on passe à 255, soit trois fois plus d'élus, donc trois fois plus de frais. Bref, vous nous proposez un système coûteux, qui brise le lien de proximité entre les élus et leurs concitoyens.

Au final, que doit-on retenir de tout cela ? Seule une réelle et indéfectible volonté gouvernementale, qui consiste à démolir l'édifice institutionnel local en mettant les parlementaires au pied du mur. Une volonté confirmée à l'article 35 du projet de loi, qui supprime la clause de compétence générale et verrouille la pratique des financements croisés.

Comment ne pas s'inquiéter de la suppression de la clause de compétence générale, outil essentiel au service des départements et des régions qui leur permet d'adapter les politiques d'aménagement du territoire pour mieux prendre en considération les besoins locaux ?

Là encore, la réécriture de l'article 35 vise à assurer in extremis une large majorité de votes : si le principe posé est bien celui de l'exclusivité des compétences pour chaque catégorie de collectivité, le Gouvernement a multiplié les exceptions de dernière minute de sorte qu'aucune suppression pure et simple de la clause de compétence générale ne puisse être opposée lors des débats parlementaires. En matière de simplification, on a fait mieux.

N'en déplaise à M. le rapporteur, la grossièreté d'une telle manoeuvre ne parviendra pas à apaiser des inquiétudes aussi nombreuses que légitimes.

Au-delà de l'exception accordée à la culture et au sport, qu'en sera-t-il précisément du tourisme ou encore de l'agriculture ? Sur ce dernier point, faut-il rappeler que tout le monde n'est pas élu des villes ?

Par ailleurs, loin des objectifs initiaux de simplification mis en avant par Nicolas Sarkozy, on constate que ce projet de loi prévoit désormais la possibilité pour une région et ses départements d'élaborer un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services. De quoi contribuer largement au micmac territorial que ce texte est censé combattre !

Il paraît également très surprenant de chercher à verrouiller les financements croisés quand on sait que l'État est le premier à solliciter les collectivités pour réaliser des projets structurants tels que la ligne à grande vitesse, dans ma région par exemple.

En dépit de la démonstration en mars dernier de l'attachement de nos concitoyens à la manière dont les élus régionaux et départementaux aménagent les territoires et mènent leurs politiques, il serait naïf de ne pas voir dans ce projet de loi une tentative grossière de reprise en main des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Après avoir piétiné le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, mis fin à leur autonomie financière en supprimant la taxe professionnelle, et créé des collectivités «hors sol », l'heure est venue de réduire leurs champs d'action, d'organiser, pas à pas, la perte de proximité entre citoyens et élus, d'asphyxier la démocratie locale et, au passage, d'étrangler financièrement l'échelon départemental, garant des solidarités sociales. Tout cela bien sûr, sous couvert de simplification et de réduction des dépenses publiques.

Le texte initial était l'oeuvre de personnes ne connaissant visiblement pas les réalités des collectivités. Le texte amendé n'atteint aucun des buts que ses promoteurs lui avaient assignés : il ne permet pas une simplification de l'organisation territoriale, il ne sera en rien source d'économies.

Le Gouvernement a beau jeu de dénoncer les augmentations de personnel des collectivités, car c'est l'État qui s'est défaussé sur elles en leur imposant par exemple la gestion des personnels TOS, des routes nationales, du RMI-RSA. Ce transfert de charges ne s'est pas accompagné de transferts de finances, pourtant promis par l'État « à l'euro près ». Nous apprenons même que dans le cadre de la nouvelle politique de rigueur, l'État réduira encore ses obligations de financement vis-à-vis des collectivités par le gel des dotations.

Ne vous trompez pas de combat, monsieur le secrétaire d'État, n'intentez pas de faux procès : les collectivités territoriales et les élus locaux ne sont nullement responsables du déficit abyssal de notre pays, généré à 90 % par l'État et ses administrations.

Pour toutes ces raisons, les députés radicaux de gauche voteront contre ce texte, qui contribue largement à ruiner l'oeuvre de la décentralisation. Face à ce constat d'échec, nous invitons le Gouvernement à renoncer à cette réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans cette longue discussion générale, je ne reviendrai pas sur les observations longuement développées par Bernard Derosier et les membres du groupe socialiste qui ont montré en quoi votre réforme est aberrante et dangereuse pour nos concitoyens. Elle menace la relation qu'ils avaient établie avec les conseils généraux et les conseils régionaux.

Je souhaite m'intéresser au mode de scrutin et au tableau des effectifs que vous nous avez distribué. La question est peut-être fastidieuse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

…mais je souhaite que les choses soient dites une première fois pour nourrir le recours que nous ferons contre le conseiller territorial par le groupe socialiste. À l'évidence, ce recours sera fondé – cela a été indiqué à plusieurs reprises.

Je rappelle que c'est par amendement que nous avons eu connaissance du mode de scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Quant au tableau des effectifs, nous en avons pris connaissance par voie d'amendement déposé au titre de l'article 88, c'est-à-dire, pour ceux qui nous écoutent, au dernier moment, lors d'une réunion qui ne permet aucune véritable observation ou analyse.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous sommes donc contraints d'effectuer ici, en séance, un travail qui n'a pu être mené à bien auparavant.

En ce qui concerne tout d'abord le mode de scrutin, celui que prévoyait initialement la loi était mort-né. On trouve encore, sur le site de l'Assemblée nationale, l'encadré présentant le projet initial du Gouvernement, dont il n'est plus question aujourd'hui : un mode de scrutin à un tour, et la proportionnelle pour 20 % des sièges. Mais ce mode de scrutin a vécu.

Je n'y reviens pas ; mais, quand un mode de scrutin ne passe même pas le cap de la discussion parlementaire, c'est que l'on n'y a pas suffisamment réfléchi et qu'il n'a fait l'objet d'aucune concertation. La leçon que nous devons tirer de ce rejet, la voici : dans notre pays, pour tous les modes de scrutin à l'exception de la proportionnelle intégrale – que vous ne souhaitez pas, et que nous ne souhaitons pas non plus –, il faut deux tours. Eux seuls confèrent aux élus la légitimité qu'en attendent les Français.

Il est d'autres dimensions auxquelles vous auriez dû vous intéresser. La première est la parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

De ce point de vue, vous avez choisi le pire mode de scrutin possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je ne reviendrai pas, car vous les connaissez, sur les raisons pour lesquelles ce mode de scrutin, loin d'assurer la parité, aura des résultats catastrophiques par rapport aux effectifs actuels des conseils généraux. Mais je souhaite vous poser deux questions à ce sujet.

Tout d'abord, je prends acte du fait que vous vous êtes référé à la proposition de loi de Mme Brunel, qui n'était toujours pas disponible à la distribution lorsque je m'y suis rendu il y a quelques minutes, alors que, selon le blog de Mme Brunel, elle aurait dû être déposée il y a un mois, le 26 avril dans l'après-midi – voilà qui est précis !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Considérons cela comme un petit contretemps. J'observe en tout cas que, dans l'exposé sommaire de l'amendement adopté en commission, vous souhaitiez que cette proposition de loi soit appliquée. Voici donc mes deux questions : puisque vous y faites référence dans le texte que nous examinons, quel échéancier le Gouvernement prévoit-il pour la discussion de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Seconde question : comment pourrez-vous concilier la pénalité qu'encourraient les élus avec un mode de scrutin – celui de l'élection des conseillers territoriaux – à propos duquel il n'est pas aujourd'hui question d'une dotation publique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

En effet, de deux choses l'une : soit vous n'avez aucun moyen de pénaliser les partis, soit vous modifiez le mode de calcul de la dotation publique dont ils bénéficient. Nous souhaitons donc savoir si vous vous apprêtez à déposer un projet de loi modifiant cette dotation pour en fonder une partie sur les conseillers territoriaux. S'il n'en est pas question, les dispositions prévues n'auront aucune efficacité, puisque aucune sanction ne sera possible.

Ces deux questions ne sont pas polémiques ; nous souhaitons simplement obtenir des réponses précises du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Là, tu les surestimes : tu fais comme s'ils pensaient ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Vous avez donc choisi le pire mode de scrutin, alors que d'autres étaient possibles – j'ai entendu M. Mancel tout à l'heure : par exemple, le scrutin de liste avec prime majoritaire et assorti d'un seuil requis pour se maintenir, éventuellement par arrondissement, afin de garantir la proximité.

Aucun obstacle constitutionnel ne me semble non plus s'opposer à la cohabitation, dans un département, entre un mode de scrutin majoritaire uninominal pour les espaces les plus ruraux et un mode de scrutin proportionnel, toujours avec prime majoritaire, pour les plus urbains.

D'autres modes de scrutin pouvaient donc assurer une bonne représentation et garantir la proximité et la diversité ; pourtant, du point de vue de ces différents objectifs, vous avez choisi le pire. Mais ce mode de scrutin vous permet de faire ce que vous souhaitiez : un nouveau redécoupage cantonal.

Il s'agit du second aspect que je souhaite aborder. Sur ce point, un grain de sable a contrarié les souhaits du Gouvernement. Deux amendements ont été présentés en commission des lois : l'un a été adopté, même si nous y rechignions, car nous le découvrions au dernier moment ; l'autre a été rejeté à l'unanimité, chose rare. Il s'agissait de donner au Gouvernement tout pouvoir pour fixer le tableau des effectifs et le nouveau découpage cantonal…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

… sans consulter les conseils généraux et régionaux. Ce n'était pas possible, car ce n'était pas juste.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Et vous, comment avez-vous fait ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

L'amendement a donc été repoussé par la commission des lois.

Le Gouvernement a ensuite déposé un nouvel amendement au titre de l'article 88. On aurait pu s'attendre à ce que le tableau des effectifs qu'il contenait tentât de corriger les inégalités entre régions et entre départements. Je veux démontrer au contraire que, loin de s'employer à les gommer, ce tableau les amplifie.

Les principes qui le sous-tendent sont donc incompréhensibles – à moins, comme l'indiquait le Bulletin quotidien paru lundi dernier, que cet amendement ne résulte d'un accord entre le Gouvernement et les députés UMP sur la répartition des conseillers territoriaux par région et par département. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes heureux d'apprendre que ce tableau, s'il n'a pu être travaillé ici, dans le cadre d'une concertation, a fait l'objet d'un tel accord ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Mais je vais m'employer à démontrer ici en quoi, malgré cet accord, le tableau est mauvais.

Je me suis d'abord efforcé de déterminer ce que valait un conseiller territorial. La question n'est pas anodine : il s'agit d'un grand électeur, qui prendra part à l'élection des sénateurs et possède à ce titre une certaine responsabilité ; le soir de l'élection des conseillers territoriaux, on collationnera les chiffres au niveau national pour en interpréter la signification.

J'ai ainsi trouvé qu'un conseiller territorial valait 7 910 habitants dans le Limousin, mais presque 38 000 en Île-de-France. En d'autres termes, un conseiller territorial en Île-de-France, c'est presque cinq conseillers territoriaux dans le Limousin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Mais les deux régions ne sont pas limitrophes, et je concède que l'écart peut s'expliquer par des singularités géographiques.

Prenons donc l'exemple de l'Alsace et de la Franche-Comté, qui sont, elles, limitrophes. En Alsace, il y aura un conseiller territorial pour 28 000 habitants ; en Franche-Comté un pour 11 000. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En Auvergne – j'y reviendrai dans quelques instants –, un conseiller territorial pour 9 594 habitants. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

En Rhône-Alpes, région limitrophe, un conseiller territorial pour 21 000 habitants, c'est-à-dire plus du double. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Dans le Nord - Pas-de-Calais, un conseiller territorial pour 30 000 habitants ; en Picardie, un pour 19 000.

Je n'ai trouvé aucune raison qui explique ces disparités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

En effet, il n'y a aucune raison géographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous constatons de fortes inégalités de représentation, dont nous souhaiterions qu'elles disparaissent.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Nous les avons corrigées !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Votre projet n'est donc pas juste du point de vue de la représentation et de l'égalité des suffrages.

Ensuite, nous nous sommes demandé pourquoi de si grands écarts de population séparaient les départements dotés d'un même effectif de conseillers territoriaux. En voici de nouveau quelques exemples, monsieur le secrétaire d'État. En Lorraine comme en Poitou-Charentes, il y a 120 conseillers territoriaux, alors qu'il y a une différence de plus de 600 000 habitants entre la population des deux régions. En Picardie, il y a 102 conseillers territoriaux et, en Franche-Comté, il y en a 100, alors que la différence de population atteint 750 000 habitants.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

La population n'est pas le seul critère !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Certes, monsieur le secrétaire d'État, et vous pourrez vous défendre lors du recours que nous déposerons contre votre projet. Mais votre amendement fixe si peu de critères : nous pensions que vous profiteriez de la réforme pour réduire les inégalités entre territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Vous les amplifiez, au contraire. Il s'agit d'éléments objectifs à propos desquels nous souhaitons susciter le débat, afin de montrer que la création du conseiller territorial et le découpage auquel vous procédez ne sont pas fondés sur des critères objectifs, mais sur des critères politiques et, selon nous, partisans, dans nombre de départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Vous allez vous faire retoquer, monsieur le secrétaire d'État, c'est sûr ! M. Debré va se régaler !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je continue ma démonstration.

Les Pays de la Loire et le Centre comptent respectivement 170 et 172 conseillers territoriaux, pour un écart de population d'un million d'habitants.

Dernier exemple : la Bourgogne, le Nord - Pas-de-Calais et la Champagne-Ardenne. Ces trois régions auront entre 135 et 138 conseillers territoriaux, alors que l'écart de population entre la plus et la moins peuplée dépasse 2,7 millions d'habitants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

On peut dire que la population n'est pas le critère ; mais, en l'occurrence, l'écart n'est vraiment pas fondé sur la population ! Or je veux bien que le choix de circonscriptions et de modes de scrutin soit fondé sur d'autres critères que la population ; mais, dans ce cas, lesquels ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je continue de tenter de montrer que votre projet n'est pas acceptable.

Vous avez invoqué le raisonnement suivant : à l'intérieur d'une même région, les départements les plus peuplés doivent avoir davantage de conseillers territoriaux que les moins peuplés. J'ai voulu le vérifier au niveau des régions, en prenant l'exemple de l'Auvergne, puisque je pensais que M. Hortefeux serait aujourd'hui au banc du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je rappelle qu'il y a en Auvergne 144 conseillers territoriaux, soit davantage qu'en Basse-Normandie, région qui compte pourtant 123 000 habitants de plus. Cela pourrait ne pas être grave. Mais je vais anticiper sur ma démonstration : il y a en Auvergne 78 conseillers territoriaux de plus qu'en Alsace…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

…, qui compte pourtant quelque 400 000 habitants de plus.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Mais à quel département cela profite-t-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Enfin, il y a en Auvergne 8 conseillers territoriaux de plus que dans le Nord - Pas-de-Calais, qui compte 2,7 millions d'habitants supplémentaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

C'est scandaleux ! Quel mépris pour les habitants du Nord - Pas-de-Calais !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Dès qu'il y a trois Auvergnats, ça craint ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

On voit que le critère de population n'existe absolument plus, ce qui rend la situation incompréhensible.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Demandez-vous à quel département cela profite !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le secrétaire d'État, il y a une différence entre nous : lorsque nous constatons des inégalités, nous ne cherchons pas à savoir à qui elles profitent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

C'est toute la différence entre vous et nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Avec Marleix, c'est forcément l'UMP qui en profite, et tant pis pour le Nouveau Centre !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous constatons ces inégalités, et nous vous disons que vos conseillers territoriaux sont marqués par un péché originel : ils ne représentent pas la population de notre pays, alors que l'on pouvait s'attendre à des écarts beaucoup moins importants.

J'en termine. Vous nous objecterez qu'il s'agit d'écarts entre régions. Je me suis donc également intéressé aux départements, à l'intérieur d'une même région. J'ai ainsi constaté que, en Aquitaine, il y a un conseiller territorial pour 12 000 habitants en Lot-et-Garonne, mais un pour 18 500 en Gironde, soit un écart de 40 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Pour vous, ce n'est une question de rien du tout ! Les inégalités s'expliqueraient par le fait qu'on les a décidées ! Non, monsieur Censi : ce que nous vous disons, c'est qu'aucun critère objectif n'a présidé à l'établissement de ce tableau des effectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Dans les Landes, j'ai moins de conseillers territoriaux, avec 60 000 habitants de plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

En Languedoc-Roussillon, un conseiller pour 5 339 habitants en Lozère, un pour 18 712 habitants dans l'Hérault, soit un rapport de 1 à 3,5 à l'intérieur d'une même région !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

C'est l'exception ruralité, la défense de la ruralité. Je défends la Lozère ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

On peut dire qu'il y en a quinze par département. Vous vous êtes expliqués, et vous continuerez de le faire. Mais je dénonce à cette tribune l'inégalité qui caractérise les choix du Gouvernement en matière de représentation des conseillers territoriaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comment voulez-vous faire valider par la loi de tels écarts, monsieur le secrétaire d'État ? Ce tableau des effectifs relève soit de l'improvisation – ce que je me refuse à croire –, soit de la politique, ce qui me paraît plus probable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

De tels écarts ne sont pas justifiables. En l'absence de règles, toutes les manoeuvres sont possibles. Après le mode de scrutin, elles ont aujourd'hui lieu à travers ce tableau.

C'est la raison pour laquelle nous déférerons les dispositions portant création du conseiller territorial au Conseil constitutionnel. Nous avons quelques raisons de croire qu'il examinera avec attention les inégalités que vous avez créées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, longtemps, l'histoire de notre pays s'est confondue avec une volonté de centralisation et une lutte contre les féodalités. À partir de la Révolution française, la rationalisation administrative est en marche avec la négation des réalités socioculturelles locales et la création des départements. Le découpage retenu est alors conforme à la règle selon laquelle la distance de tout point d'un département à son chef-lieu doit être parcourue en une journée de cheval au maximum. Mais l'enjeu de pouvoir se focalise entre la ville capitale, jalouse de son indépendance, et le reste du pays.

Il faut attendre la préfiguration des régions, puis les réformes de décentralisation, en 1982 puis en 2003, pour donner plus de poids aux collectivités locales et les dégager quelque peu de la tutelle encombrante de l'État.

Toutefois, avec la création de nouvelles structures intercommunales, cette décentralisation a contribué à l'illisibilité de notre fameux millefeuille administratif : incohérences, financements croisés, lenteurs, voire blocages. Dans le même temps, la déconcentration, notamment avec les lois de 1992, a multiplié les échelons et créé des doublons dans les compétences comme dans les ressources humaines et immobilières.

Chaque pays a une histoire et un système politique qui lui sont propres. S'il ne s'agit pas de copier des solutions toutes faites chez nos voisins européens, dont certains ont engagé depuis longtemps – trente ans, parfois – un processus de modernisation de leur organisation administrative et territoriale, il était grand temps de lutter contre l'inertie du conservatisme et de réfléchir à ce qui sera bon pour la France du XXIe siècle.

Je salue aujourd'hui le Gouvernement d'avoir la volonté de nous proposer une réforme essentielle et courageuse, attendue par la majorité de nos concitoyens, pour les raisons que l'on connaît. Je regrette cependant, monsieur le secrétaire d'État, qu'elle soit moins ambitieuse que prévu et que l'on n'ait que trop peu l'occasion d'aborder la répartition des compétences.

Au fond, quel est l'objectif du texte que vous nous proposez et auquel, avec d'autres parlementaires de la majorité, j'ai apporté ma contribution, éclairée par mon expérience de terrain et par la lecture de nombreux rapports ? Il vise à améliorer l'attractivité de nos territoires face aux défis sans cesse croissants de la mondialisation et à leur redonner une dynamique, ce qui passe forcément par une révision de la gouvernance.

Son dessein, louable s'il en est, est de renforcer l'efficacité des actions des collectivités territoriales et des services qu'elles apportent à nos concitoyens dans un esprit de transparence et de clarté au sein d'une démocratie locale revivifiée, mais aussi selon un impératif de respect des élus locaux et de leurs engagements, même s'il leur revient à eux aussi de mettre en cause à la fois leurs intérêts personnels et leurs positions de pouvoir. À cet égard, je préconise un vrai statut de l'élu local, monsieur le secrétaire d'État.

Le texte doit également répondre à un souci d'efficacité dans la conduite des projets. Devant l'évident constat du doublement des compétences exercées par les collectivités locales et, en conséquence, de l'explosion de leurs dépenses,…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

…nous devons, ensemble, mettre en place des synergies entre elles, dans une logique de complémentarité et non de concurrence.

La réforme vise également un objectif d'efficacité et de rationalisation des dépenses publiques : l'État s'étant engagé dans cette voie avec la RGPP, il serait cohérent de demander aussi aux collectivités locales un effort financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, il est nécessaire de considérer la grande diversité de nos territoires comme un atout. Cela doit nous conduire à renoncer au modèle du jardin à la française, qui aligne toute la décentralisation sur un même mode d'organisation, et à privilégier la possibilité de concevoir des dispositifs parfois différents selon les lieux, procédant le cas échéant par expérimentation, au risque d'aller contre notre tradition jacobine.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Nos identités locales sont une réalité. Ainsi, dans ma circonscription très rurale à plus de deux heures de la capitale régionale, Amiens, j'ai depuis longtemps conscience que la logique la plus pertinente est celle des bassins de vie et d'emplois, ce qui exige de faire preuve de souplesse et d'envisager des possibilités de partenariats.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Je souhaite que les amendements défendus par la majorité améliorent le texte en ce sens pour plus d'efficacité et de lisibilité. C'est un gage de modernité. Soyez assuré, monsieur le secrétaire d'État, que je voterai en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Monsieur le secrétaire d'État, pour justifier votre réforme, vous avez mis en avant la simplification et l'amélioration de la compréhension qu'ont nos concitoyens du fonctionnement des collectivités territoriales. Or la lecture du texte, article après article, montre surtout que vous ajoutez de la complexité à la complexité. C'est particulièrement flagrant pour l'articulation à la carte entre les métropoles, les départements et les régions : dans ces départements dotés d'une métropole, quel citoyen, quel élu saura précisément qui fait quoi ? C'est également le cas pour les communes nouvelles, leurs communes déléguées et le renforcement de l'intercommunalité : quel citoyen saura distinguer ces trois échelons de responsabilités locales ?

Vous souhaitiez que nos concitoyens sachent mieux qui décide de quoi et vous prétendiez que votre texte allait apporter de la clarté. Or il aboutit au résultat inverse, avec son flot de messages complexes, très technocratiques, qui troubleront considérablement les élections de 2014. Vos chiffres sur le nombre de conseillers territoriaux siégeant aux conseils régionaux laissent percevoir une augmentation, alors que vous aviez annoncé une diminution du nombre des élus. En Bretagne, par exemple, les élus siégeant au conseil régional passeront de 83 à 191. Nos concitoyens n'y comprendront rien.

Chacun aura noté que, depuis 2001, les élections locales sont marquées par une forte montée de l'abstention : hélas, vous n'allez qu'amplifier ce phénomène.

Le comble du bricolage électoral est atteint avec la création du conseiller territorial. Vous avez inventé ce nouvel élu en le présentant comme la pièce majeure de votre réforme, décrivant ce que seraient, sur le papier, les avantages de l'interlocuteur unique pour nos concitoyens. J'ai la nette impression que nous sommes face à un montage théorique construit en cabinet, qui sera inopérant et, de surcroît, insupportable pour les élus eux-mêmes.

Tous ceux qui ont siégé dans un conseil général ou un conseil régional – je veux parler de ceux, nombreux, qui y ont vraiment siégé –, tous ceux qui assistent aux réunions des commissions permanentes et thématiques et des comités techniques, tous ceux qui remplissent les obligations liées aux délégations que leur a confiées leur assemblée dans de très nombreuses institutions, tous ceux qui répondent aux nombreuses sollicitations de rendez-vous liés à leur mandat savent qu'il est impossible d'être à la fois conseiller général et conseiller régional, à moins d'exercer ces fonctions à temps plein et de renoncer à toute activité professionnelle. Si tel est le cas, il faut dire clairement que le conseiller territorial nouvellement élu deviendra un professionnel de la politique ou que seuls des professionnels de la politique pourront se présenter à cette élection.

Pourtant, vous êtes très flou sur le statut de ces futurs conseillers territoriaux. Tout juste évoquez-vous une légère augmentation de l'indemnité. Rien n'est dit de leur statut social. Dans ces conditions, en dehors des retraités, qui pourra accepter d'être conseiller territorial à temps plein ? En d'autres termes, qui pourra assumer ce mandat ? Un maire ou un président de communauté de communes qui cumulera les indemnités pour financer lui-même sa protection sociale et qui s'appuiera sur le travail de son cabinet pour faire face aux obligations de pas moins de quatre assemblées délibérantes – municipale, intercommunale, départementale, régionale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Un membre de cabinet suffisamment disponible pour siéger dans les deux assemblées, départementale et régionale ? Ou encore une personne suffisamment installée professionnellement et socialement pour être dégagée de tout souci matériel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Non, monsieur Censi, il s'agit d'un constat ! Déjà, parmi le personnel politique actuel, les exemples ne manquent pas. Ce projet de loi ne fait que renforcer la sélection professionnelle et sociale pour l'accès aux mandats politiques. Les actifs, salariés ou non, seront éloignés de ce type de mandat, d'autant qu'ils seront de plus en plus inquiets pour le financement de leurs retraites.

Vous faites exactement l'inverse de ce que demandent nos concitoyens. Un citoyen exerçant une activité professionnelle ordinaire sera dans l'impossibilité de remplir ce mandat. Vous faites donc le choix d'éloigner encore un peu plus les élus des citoyens en activité professionnelle, lesquels auront de moins en moins le sentiment d'être représentés.

Le conseiller territorial est en soi un cumulard et l'absence de statut à la hauteur de l'implication nécessaire encouragera le cumul avec d'autres mandats locaux. C'est une régression démocratique. Ce concept de conseiller territorial est une invention, mais c'est aussi la marque de grands barons de la politique qui préfèrent favoriser l'émergence de nouveaux grands notables locaux leur ressemblant plutôt qu'un système qui ouvre les élections territoriales à la diversité des parcours professionnels et sociaux.

Cette tendance est renforcée par le mode de scrutin que vous proposez. Vous aviez imaginé un mélange de scrutin uninominal à un tour et d'une dose de proportionnelle. Les élections régionales vous ont refroidis. Vous considérez désormais qu'un scrutin uninominal à deux tours dans de gros cantons permettra de composer les deux assemblées régionale et départementale. Or le scrutin uninominal dans des cantons élargis encouragera des cooptations entre élus locaux. Vous contribuez ainsi à fermer un peu plus le système d'accès aux fonctions électives aux femmes, aux jeunes, aux catégories sociales moins visibles dans l'espace public et à d'autres sensibilités politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Pourtant, depuis 1992, le scrutin proportionnel des régionales a largement contribué à diversifier la représentation politique. Cette diversité a également eu un impact positif sur la composition de notre assemblée et du Sénat, puisque nombre de parlementaires, hommes et femmes, sur tous les bancs, ont émergé grâce à un mandat de conseiller régional avant d'avoir un mandat national.

En fait, chacun voit bien que ce statut de conseiller territorial n'est ni durable ni tenable. Les dysfonctionnements qu'il produira aux niveaux régional et départemental conduiront inévitablement à remettre en cause l'une des deux assemblées, régionale ou départementale.

Avec votre texte, vous n'aurez ni clarifié ni simplifié, vous aurez tout simplement régressé dans l'égalité d'accès de nos concitoyens aux fonctions électives, alors qu'il faudrait, au contraire, agir de manière urgente pour que les électrices et les électeurs se reconnaissent mieux dans la diversité sociale de leurs élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Faure

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après avoir supprimé brutalement la taxe professionnelle afin de réduire les collectivités territoriales à la portion congrue, le Président de la République a décidé de les écraser définitivement en même temps que leurs élus. Pour cela, il a forgé un marteau-pilon : la réforme des collectivités territoriales.

On réforme beaucoup sous le règne de Nicolas Sarkozy, mais, en l'occurrence, cette réforme-là est particulièrement pernicieuse. Associée à la disparition de la taxe professionnelle, elle s'apparente à une recentralisation qui ne veut pas dire son nom, mais qui se traduira immanquablement par un appauvrissement des services publics locaux et du monde associatif, c'est-à-dire qu'elle s'accomplira au détriment des Français les moins favorisés.

Pour alléger le prétendu millefeuille territorial, le Gouvernement créerait 3 000 conseillers territoriaux destinés à remplacer les 6 000 conseillers généraux et régionaux existants. Pourtant, l'on entend déjà çà et là que l'on pourra leur adjoindre des remplaçants : 3 000 conseillers additionnés à 3 000 remplaçants, cela fera toujours 6 000 !

Que signifie cette tactique ? La réponse, c'est Édouard Balladur qui la donne avec une grande désinvolture : « Cette réforme porte en germe l'évaporation progressive des départements. » « Évaporation progressive » : « Ah ! qu'en termes galants, ces choses-là sont mises ! »

En vérité, il s'agit pour vous d'escamoter les conseils généraux et régionaux au profit d'une espèce de conseil territorial où les élus seront sous l'autorité suprême des préfets, lesquels recevront directement leurs ordres de l'Élysée. Il suffit d'observer le comportement actuel des préfets de région qui se croient tout permis et n'hésitent même plus à vanter la réforme en toutes circonstances, transgressant sans la moindre vergogne les règles républicaines.

Ce conseiller territorial devra, comme le Petit Poucet, se munir de bottes de sept lieues pour bondir d'un département à l'autre, d'un hémicycle à l'autre. Il risque d'ailleurs de ne pouvoir être accueilli dans certains hémicycles régionaux, faute de place. Ainsi, la région Aquitaine, que je connais bien, qui comprend cinq départements, a aujourd'hui 235 conseillers généraux et 85 conseillers régionaux, et on annonce pour demain 211 conseillers territoriaux. Le président du conseil régional le disait ce matin : il n'a plus qu'à agrandir l'hôtel de la région, ou à en construire un nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Faure

Vous nous y amenez ! Toujours est-il que, en matière d'économies, c'est raté !

En outre, trop souvent, ce conseiller territorial sera un homme, car vous n'hésitez pas à sacrifier la parité que nous pensions gravée dans le marbre de la Constitution depuis 1999. Vous avez beau prétendre le contraire, les chiffres sont têtus : 20 % seulement des conseillers territoriaux seront des femmes. Monsieur le secrétaire d'État, vous devriez relire Stendhal, qui écrivait il y a près de deux siècles : « L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Elles n'ont qu'à se présenter ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Faure

Je vous en prie !

Plus généralement, l'état d'esprit qui accompagne la présentation de ce projet de réforme est inacceptable. Multiplier les contrevérités sur la gestion financière des collectivités pour installer la méfiance, dénigrer des élus qui sont l'expression même de notre démocratie, les montrer du doigt comme s'ils étaient de redoutables malfaiteurs sous prétexte qu'ils perçoivent une indemnité, ce sont des arguments de pure démagogie qui ne visent qu'à désigner des boucs émissaires et à diviser le pays pour mieux régner en opposant élus et citoyens.

Ce projet de loi va porter le coup de grâce au monde rural, qui sera bientôt privé de ses élus de proximité, comme il a été privé peu à peu de ses hôpitaux, de ses tribunaux, de ses banques, de ses bureaux de poste.

Une réforme digne de ce nom devrait permettre de progresser, d'aller du médiocre vers le bon et du bon vers le meilleur, mais ce qui nous est proposé ici n'est que régression, confusion, manipulation.

Ce texte est dangereux. La seule rupture qu'il propose, c'est celle du lien de proximité entre les habitants d'un territoire et leurs élus. Son application serait désastreuse. C'est pourquoi de nombreux députés, qui ne sont pas tous socialistes – j'ai écouté attentivement toutes les interventions –, refusent ce projet de loi et continueront à le combattre âprement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en mars 2003, vingt ans après l'impulsion de 1982, le Gouvernement de la France consacrait la République décentralisée dans notre constitution. Chacun avait alors reconnu, selon l'expression de Jacques Chirac, que notre pays avait besoin d'un nouveau souffle démocratique. Il s'agissait, et il s'agit encore aujourd'hui, de mettre les clés du développement des territoires dans les mains de la démocratie locale.

L'objectif premier, c'est que nos concitoyens aient réellement une prise directe sur la maîtrise de leurs destins, une implication dans les projets qui engagent leur territoire. Cette démarche bien tardive venait d'ailleurs en écho au discours que le général de Gaulle prononça à Lyon, et qui finissait en ces termes : « L'évolution multiséculaire de centralisation ne s'impose plus désormais. » C'était en 1968, et force est de constater que, en dépit de toutes les réformes, nous n'avons pas encore répondu à l'enjeu d'une vraie subsidiarité.

En effet, jusqu'à présent, la décentralisation a essentiellement consisté à transférer des compétences de l'État vers les collectivités territoriales, sans véritable évolution du fonctionnement, sans amélioration de ce que l'on appelle le « bloc local », sans jamais vraiment chercher à clarifier ou à réorganiser pour une meilleure régulation. Brice Hortefeux rappelait à juste titre que, jusqu'à aujourd'hui, l'on a en quelque sorte plaqué des transferts de compétences sur une réalité institutionnelle uniforme et relativement figée.

J'ajoute que cette réalité apparaît souvent aux yeux de nos concitoyens comme lourde et compliquée. Elle n'est pas complexe, contrairement à ce que l'on dit souvent, elle est compliquée et paradoxalement très peu adaptée à la diversité et à la complexité du terrain. En fait, elle répond plus à des objectifs de gestion et d'administration, et très peu à des enjeux de développement et à la construction de territoires de projet.

Il y a un point, monsieur le secrétaire d'État, sur lequel votre projet de loi apporte une véritable et nouvelle réponse à cet enjeu. Il n'est pas anodin puisqu'il concerne environ 80 % du texte, c'est-à-dire l'essentiel : je veux parler de l'intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Le projet de loi que vous nous présentez reprend en fait la totalité des propositions du Livre blanc de l'intercommunalité présenté en convention de l'ADCF, l'assemblée des communautés de France, en 2008 à Montpellier. Je tiens d'ailleurs à féliciter à ce titre non seulement le secrétaire d'État, mais la commission des lois et son rapporteur, ainsi que Michel Piron.

L'acte II de la décentralisation n'avait pas vraiment passé le cap du département, et je suis étonné que nos collègues socialistes ne reconnaissent pas ce progrès qu'ils réclamaient depuis plusieurs années.

Il est à donc à présent essentiel de conforter l'acquis de l'intercommunalité en parachevant son édifice. Les communes encore isolées doivent être aidées à rejoindre l'intercommunalité de leur choix à brève échéance, dans une démarche de mutualisation et de concertation.

Si le mouvement de regroupement intercommunal a jusqu'à présent remporté un réel succès – 93 % des communes –, c'est parce qu'il s'est articulé autour des principes de libre adhésion et d'incitation, dans le respect de l'identité et de la diversité des communes, en vue de l'élaboration d'un projet commun sur un périmètre pertinent. À ce titre, il est essentiel de redonner tout son poids à la commission départementale de l'intercommunalité plutôt que de mettre un bâton dans les mains du préfet, qui ne sera jamais mieux placé que des maires.

Je salue à ce sujet les propositions du rapporteur Dominique Perben. Conçue comme un formidable outil de solidarité territoriale et de mutualisation, l'intercommunalité ne saurait se concevoir sans les principes de dialogue, de responsabilité et de volontariat qui ont toujours guidé l'action de nos élus locaux et qui ont fait son succès. Je crois d'ailleurs que c'est dans ce processus que le pays a pu atteindre une véritable maturité dans les logiques contractuelles et, notamment, la construction des territoires de projet.

Ainsi, l'intercommunalité n'est pas qu'une question technique, de gestion ou d'économies d'échelle. Sans contenu de projet, elle est une coquille vide. Qui dit projets, dit choix politiques et implication de nos concitoyens. C'est alors que se pose un autre problème de démocratie. Aujourd'hui, l'on pourrait très bien voir atterrir à la présidence d'une communauté d'agglomération de 50 000 habitants un conseiller municipal que 80 % des administrés n'auraient pas choisi et dont ils n'auraient jamais entendu parler auparavant. De la même façon, il faudra bien tenir compte de cette fonction pour la limitation du cumul des mandats.

Monsieur le secrétaire d'État, l'enjeu de progrès démocratique du projet de loi est fondamental. Il concerne évidemment la représentation des conseillers territoriaux. Je souscris à leur création, et je trouve indispensable qu'il y ait un lien entre un élu et son territoire. On a vu, à l'occasion du dernier scrutin régional, des candidats passer d'un département à un autre entre les deux tours, dans des tractations auxquelles nos concitoyens assistent avec effarement. Notre collègue socialiste a parlé tout à l'heure du Petit Poucet. Je connais un conseiller municipal socialiste de Rodez qui est conseiller régional du Tarn : lui aussi aurait besoin des bottes de sept lieues. C'est totalement antidémocratique. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Je crois que quelqu'un a été maire de Paris tout en étant conseiller général de Corrèze…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Dans ce cadre, deux points me paraissent essentiels. D'une part, il faut conserver le scrutin uninominal, gage indispensable à la totale mise en responsabilité des élus face à chacun de nos concitoyens, qui les aura choisis directement. D'autre part – et c'est capital pour l'élu d'une circonscription rurale et de montagne que je suis –, il faut assurer une juste représentation des habitants de tous les territoires, notamment les moins peuplés. Je suis sûr que vous ferez preuve de la meilleure écoute dans le débat sur le seuil minimal d'élus, qui sera une condition indispensable à la réussite de cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Gouvernement a élaboré son projet de réforme des collectivités territoriales suivant les directives du Président de la République dans son discours de Saint-Dizier du 20 octobre 2009.

Ce texte analyse la complexité du système local français du point de vue quasi exclusif des élus, et les nombreuses réactions qui ont suivi montrent que les diverses catégories d'élus ont également parlé pour défendre leurs institutions. Pour ma part, avec les membres de l'association « Le coeur à gauche » que j'ai créée dans ma circonscription, j'ai envisagé cette réforme du point de vue du citoyen.

Que l'on habite en milieu rural ou en milieu urbain les préoccupations du citoyen envers leurs collectivités locales sont les mêmes : disposer de services publics locaux de qualité – école avec garderie et restauration, enlèvement et traitement des déchets ménagers, fourniture d'eau potable pure, évacuation des eaux usées –, disposer d'équipements sportifs, culturels, sociaux pour lui-même et sa famille. Voilà ce qu'il attend de la commune où il réside, besoins que cette dernière, compte tenu de ses moyens financiers limités, n'est pas toujours en mesure de satisfaire.

Ces services sont désormais fournis par des structures qui se sont développées depuis vingt-cinq ans sous l'appellation d'intercommunalités, au point de regrouper aujourd'hui 90 % de la population française, quasiment 100 % dans l'Aisne.

Sous des appellations diverses – communautés urbaines, d'agglomération ou de communes –, ces organismes disposent de gros budgets, 28 milliards d'euros, soit davantage que les régions, et le citoyen, qui ne connaît guère ces structures, est toutefois plus sensible à la fiscalité communautaire, dont l'évolution est, depuis plusieurs années, responsable de la hausse de la fiscalité locale. En 2008, les communautés ont décidé un prélèvement fiscal de 17 milliards d'euros, près de deux fois supérieur à celui des régions, 9 milliards, hors TIPP transférée.

En moins d'un quart de siècle, ces organismes, qui ne sont que des groupements de communes, se sont développés au point de devenir compétents dans tous les domaines stratégiques de l'action locale – développement économique, logement, aménagement de l'espace, environnement, équipements sportifs et culturels –, laissant aux communes l'administration générale, c'est-à-dire l'état civil et les élections.

Chaque année, de nouveaux transferts sont décidés en leur faveur, et le texte qui nous est proposé va encore les encourager, au point que de nombreuses communes sont devenues des coquilles vides.

Désormais, on évoque non plus les seules communes mais le bloc communal, à l'intérieur duquel l'intercommunalité pèse un peu plus chaque année : 12 % en 1996, le double en 2008. Quant aux impôts locaux votés par l'intercommunalité, ils représentaient 11 % en 1996, ils représentent 34 % aujourd'hui.

Cette transformation du système local, le citoyen l'ignore pour l'essentiel, parce que ces structures ont un fonctionnement opaque. Elles sont composées de délégués désignés par les conseils municipaux, qui constituent le conseil communautaire. La dimension des conseils communautaires ne favorise pas les débats : en moyenne, ils comptent soixante membres, mais il n'est pas rare qu'ils atteignent quatre-vingts ou cent membres, voire plus. Les réunions se bornent souvent à entériner les décisions prises au sein d'un organisme plus restreint, le bureau.

La composition de ce bureau vise à préserver les équilibres géographiques, entre communes de taille différente, et politiques, entre élus de sensibilités diverses. Il en résulte que les décisions y sont prises le plus souvent de manière consensuelle, voire unanime. Dans ces conditions, l'assemblée communautaire n'a plus qu'à les ratifier, le plus souvent sans débat, puisqu'il n'y a pas matière à débattre.

C'est ce que la Cour des comptes résume dans son rapport sur l'intercommunalité en soulignant que la recherche systématique du consensus est l'une des caractéristiques de la gouvernance communautaire.

Ces séances, bien que publiques, attirent d'autant moins de spectateurs que l'on ignore souvent leur date et leur lieu. Ainsi, le fonctionnement de l'intercommunalité se traduit par une dépolitisation des questions étudiées, alors même qu'elles concernent des enjeux lourds – politique du logement et du développement urbain, par exemple.

Pour ma part, je considère que ce mode de fonctionnement est dangereux pour la démocratie. Éviter les débats politiques, laisser le citoyen dans l'ignorance, réduire toutes les questions à leurs seuls aspects techniques, bref, dépolitiser l'action locale au nom d'une pratique managériale, ne peut qu'éloigner le citoyen de la conduite des affaires publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Dès l'édition de 1988 de mon ouvrage La Commune et ses finances, j'écrivais en conclusion : « Apparaît la différence fondamentale entre la gestion de l'entreprise et la gestion locale : la commune est un corps politique. Politique au sens courant du terme, c'est-à-dire arbitrage entre les conceptions idéologiques ou partisanes, ainsi qu'entre les intérêts catégoriels ou de groupes sociaux. Mais de façon plus riche et profonde, politique au sens originel du terme, c'est-à-dire que la gestion de la commune est l'affaire des citoyens, de tous les citoyens. Dans la cité, il n'y a pas de vérité managériale mais le dialogue entre administrés, usagers, contribuables, électeurs tout à la fois – et les élus du suffrage universel. » Ce passage figure encore intégralement dans l'édition 2008 – que Gilles Carrez m'a fait l'amitié de préfacer –, avec, cette fois, une référence à l'intercommunalité.

Longtemps, on a dit que la commune était l'école de la démocratie. C'est de moins en moins exact. Regardons la participation aux élections municipales. Jusque dans les années quatre-vingt, elle est forte, de l'ordre de 80 %. En 1995, elle tombe à 70 % et, en 2008, elle chute encore, à 65 %.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Entre 1983 et 2008, le taux d'abstention est passé de 22 % à 34 %, augmentant dans la même proportion quelle que soit la taille des communes. Pour prendre quelques exemples encore plus précis, entre 1989 et 2008, l'abstention est passée de 25 à 42 % dans ma ville de Laon, de 31 à 45 % à Amiens et, monsieur le rapporteur, de 30 à 43 % à Chalon-sur-Saône.

Je me garderai bien d'expliquer cette montée de l'abstention par l'existence de l'intercommunalité, mais la dépolitisation qui caractérise son fonctionnement n'est certainement pas de nature à favoriser la participation électorale au niveau local.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Pourquoi les habitants se déplaceraient-ils pour participer à des élections municipales devenues sans enjeux véritables alors qu'on les tient à l'écart de l'intercommunalité, là où existent de vrais enjeux stratégiques ?

Tous ceux qui réfléchissent sur l'intercommunalité ne peuvent d'ailleurs plus ignorer le déficit démocratique de ces structures. Ce qui n'est pas le cas pour les régions : regardez ce qui s'est passé récemment lors des élections régionales. L'UMP n'a cessé de dénoncer le matraquage fiscal des conseils régionaux et, de son côté, la gauche a souligné les réalisations effectuées pour améliorer la vie des habitants ; l'électeur a tranché et bien tranché. Mais, avec ces élections, un débat a pu s'instaurer, les élus ont rendu compte de leur action et de leurs décisions fiscales. Ce débat n'existe pas pour les intercommunalités, qui prélèvent pourtant, je le rappelle, deux fois plus d'impôts que les régions. Un républicain ne peut accepter qu'un prélèvement fiscal de cette importance soit le fait de gens irresponsables. Voilà pourquoi il est impératif d'élire au suffrage universel direct les élus de l'intercommunalité.

« Justement », allez-vous me dire, « nous y voilà », puisque votre texte prévoit que, en 2014, on choisira les élus intercommunaux au suffrage universel. Cela signifie-t-il qu'une campagne électorale aura lieu ? Va-t-on débattre des enjeux de l'intercommunalité, de l'évolution et du choix de la fiscalité, des projets à mettre en oeuvre, de la répartition des compétences entre les communes et l'intercommunalité ? Hélas, il n'en sera rien !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Car vous proposez une procédure applicable aux conseils d'arrondissement des villes de Paris, Lyon et Marseille, et qui est complètement inadaptée à l'intercommunalité. Ce que vous appelez abusivement une élection au suffrage universel, c'est faire figurer sur la liste des élections municipales une indication permettant de distinguer celles et ceux qui, élus au conseil municipal, siégeront en plus au conseil communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

La demande en était unanime, y compris de la part du parti socialiste ! C'est quand même phénoménal !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cette procédure est totalement inadaptée. Les conseils d'arrondissement à Paris, Lyon et Marseille sont des assemblées locales entièrement subordonnées au conseil municipal. Leur maire est obligatoirement un conseiller municipal. Ces conseils d'arrondissement ne votent pas d'impôts puisque leur budget provient d'une double dotation du conseil municipal.

En ce qui concerne l'intercommunalité, nous pourrions concevoir que cette procédure du « fléchage » s'applique aux délégués communaux dans les syndicats à vocation simple ou multiple, qui fonctionnent avec une participation-subvention de la commune et ne votent pas d'impôts, mais certainement pas envers des élus qui disposent d'un pouvoir fiscal important et de compétences autonomes et étendues. Mettre en place ce système en indiquant que, désormais, les élus intercommunaux seront élus au suffrage universel est, au mieux, un abus de langage, au pire, une supercherie.

Chacun voit bien que, dans ces conditions, le débat ne pourra pas porter sur le projet de développement intercommunal : il s'agira de listes municipales.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Il ne portera pas sur la fiscalité intercommunale, alors que, en ce domaine le conseil communautaire dispose d'une grande autonomie, ne serait-ce que pour fixer les abattements en matière de taxe d'habitation.

Une fois l'élection municipale passée, ces élus continueront de choisir entre eux, dans le consensus, le président et les vice-présidents, et tout continuera à fonctionner de manière aussi opaque qu'aujourd'hui.

D'ailleurs, s'il s'agissait d'une véritable élection au suffrage universel direct, les établissements publics que sont les structures intercommunales deviendraient des collectivités locales, ce qui n'est absolument pas le cas avec votre texte.

Il manque à votre projet, monsieur le secrétaire d'État, une dimension démocratique, à savoir l'élection au suffrage universel direct et sur l'ensemble du territoire communautaire de l'exécutif collégial – entre quatre et douze membres – de la communauté. Cette élection, qui se déroulerait le même jour, avec un scrutin de liste majoritaire à deux tours, permettrait à la population de se prononcer sur un véritable projet de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Élu, cet exécutif serait distinct de l'assemblée communautaire, dont les membres pourraient, dans ce cas, être élus en même temps que le conseil municipal.

C'est une proposition voisine de celle que formulait déjà en 2007 l'Institut de la décentralisation, qui regroupe les élus rénovateurs de droite et de gauche, comme l'a rappelé Jean-Pierre Balligand.

En opérant cette distinction, fondamentale en démocratie, entre le pouvoir exécutif et le pouvoir délibératif, nous ferions un pas important en matière de fonctionnement démocratique au niveau local. Faut-il rappeler la fameuse maxime de Montesquieu, dans L'Esprit des lois : « Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutive, il n'y a point de liberté » ?

Cette élection n'entraînerait pas l'effacement des communes, qui, en réalité, se réalise actuellement de manière insidieuse, mais conduirait à mieux répartir les compétences exercées par ces collectivités, en réservant aux communes la gestion de proximité. Ce serait en même temps l'occasion de réduire dans les petites communes les effectifs du conseil municipal, tout en conservant le maire et les adjoints.

Procéder ainsi remettrait sans doute en cause le fonctionnement traditionnel et ordonné de la commune, mais rappelons-nous qu'« il y a des ordres apparents qui sont les pires désordres », selon la belle formule de Charles Péguy dans Notre jeunesse, ouvrage dont on célèbre le centenaire cette année.

Si l'on considère maintenant la maîtrise de la dépense publique, cette élection au suffrage universel serait source d'économies considérables, d'abord parce que c'est au niveau du « bloc communal » que les budgets sont les plus importants – 123 milliards d'euros, soit 60 % des dépenses locales – ; ensuite parce que le fonctionnement actuel entraîne des dérives financières.

L'irresponsabilité des élus intercommunaux devant les électeurs ne favorise pas la modération fiscale. L'opacité qui règne dans la répartition des compétences entre conseil municipal et conseil communautaire, et l'autonomie dont dispose ce dernier entraînent de multiples doublons en matière de dépenses. La pratique du consensus conduit à des compromis financièrement coûteux, puisque chacun doit y trouver son intérêt. Que dire, en outre, de la constitution d'un second niveau d'administration locale, avec son personnel et ses locaux ? Enfin, l'intercommunalité offre à certains élus l'opportunité d'une professionnalisation politique, grâce aux indemnités intercommunales : avec 163 millions d'euros en 2007, ces indemnités sont devenues de 35 % supérieures à celles de l'ensemble des conseillers généraux. Autant de motifs de dérive financière qui disparaîtraient avec une véritable élection au suffrage universel.

En réalité, lorsque l'on considère objectivement le fonctionnement du système local, la simplification et les économies à réaliser se trouvent au niveau du bloc communal. C'est à ce niveau que, du point de vue du citoyen, la confusion est devenue complète, l'opacité totale, la dépense excessive et la fiscalité écrasante. C'est là qu'il faut simplifier, et vous ne le faites pas. C'est là qu'il faut économiser, et vous ne le faites pas. C'est là qu'il faut démocratiser, et vous ne le faites pas.

Faire surgir la commune du XXIe siècle, celle qui sera capable d'assurer à chaque Français une égalité de traitement en matière de services publics, celle qui développera des espaces de liberté et de démocratie en distinguant pouvoir exécutif collégial et pouvoir délibératif, celle qui remettra la politique, et donc le rapport entre les citoyens au centre du débat local, voilà la vision d'avenir qui manque à votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le secrétaire d'État, il y a pour le moins beaucoup d'incompréhension entre nous sur ce texte. Cette incompréhension porte d'abord sur la méthode – et, malheureusement, cela a tendance à devenir une habitude. En effet, la précipitation est désormais la règle, et le débat serein qu'on nous avait promis tourne à la confusion. On a l'impression que vous découvrez le texte au fur et à mesure que nous avançons. En témoigne votre amendement sur le nombre de conseillers territoriaux, que vous présentez à la dernière minute et qui révèle des situations très inégales et par conséquent injustes ; il n'y a rien à ajouter à la démonstration faite toute à l'heure par Bruno Le Roux.

Bien entendu, nous n'avons pas du tout été consultés sur les départements. Quand je dis « nous », je parle des élus de l'opposition, puisque je sais qu'il n'en a pas été de même pour les élus de la majorité. C'est, monsieur le secrétaire d'État, une république à deux vitesses, que je dénonce régulièrement et que je n'accepte pas, car chaque parlementaire de notre assemblée a la même légitimité et devrait pouvoir au moins donner un avis. Nous avons connu, convenons-en ensemble, des moments plus respectueux qu'actuellement.

Vous voulez inscrire une nouvelle étape de la décentralisation. Nous le comprenons et l'apprécions d'autant plus que, dans ce domaine, vous avez d'abord été des opposants farouches au principe de la décentralisation.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Vous aussi, contre le général de Gaulle !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Contre le général ? Nous n'étions pas nés ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Il fallait pour cela chercher à définir plus précisément qui fait quoi entre les collectivités territoriales et l'État sans casser l'organisation actuelle, même si elle contrarie vos projets politiques et partisans.

Vous n'avez cessé de critiquer les collectivités. Les électeurs vous ont répondu très clairement il y a quelques semaines.

Vous avez donc décidé d'aller plus loin et vous avez inventé le « super-élu » territorial, qui sera forcément professionnel – mais sans le salaire – car, compte tenu de la charge de travail que vous lui promettez, il n'aura guère la possibilité d'avoir une autre activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

C'est peut-être d'ailleurs le début de solution que vous avez trouvé au travail des seniors hommes. Pour ce qui est des femmes, je crains qu'elles ne soient oubliées, je veux dire sacrifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Vous considérez que ce petit monde d'élus est bien trop payé et que tout cela est source de dépenses superflues. C'est ridicule et dangereux. Monsieur le secrétaire d'État, il faut aborder dans la transparence la question de ces indemnités que certains, quitte à décrédibiliser le monde politique, jugent scandaleuses. Il faut cesser de mettre en accusation ces formidables élus locaux qui dépensent beaucoup d'énergie pour le développement de leurs territoires et qui, pour beaucoup d'entre eux, le font bénévolement.

Au lieu de clarifier, le schéma que vous proposez va considérablement affaiblir nos territoires – mais peut-être avez-vous d'autres idées en tête, que nous découvrirons au fur et à mesure du débat. Pourtant, il faut être attentif à ce que disent les associations d'élus, notamment l'association des maires de France, dont le président était présent tout à l'heure – je siège à ses côtés au bureau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

Il est revenu pour vous, monsieur Vergnier ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez vu avec quelle détermination cette association s'est employée à vous faire reculer sur certains points. En l'occurrence, il ne s'agissait pas d'être de droite ou de gauche, mais d'être un élu.

Bien entendu, vous vous sentez fort de votre majorité. Il est vrai qu'elle est particulièrement docile, mais vous n'êtes sans doute pas tout à fait au bout de vos surprises. En première lecture au Sénat, l'avertissement a été sans frais, mais il s'en est fallu de quatorze voix. Je ne suis pas certain qu'il en sera de même à la prochaine lecture. Vous n'êtes donc pas au bout de vos peines. Les majorités, vous le savez, sont fragiles.

Avant de conclure, je veux évoquer l'article 35 ter qui limite les cofinancements. Son adoption entraînerait une diminution forte et durable des investissements des collectivités locales à un moment où ils constituent un moyen de sortir de la crise actuelle. Les élus de l'association des maires de France ont déclaré une opposition totale à cet article. Nous présenterons un amendement de suppression. S'il n'était pas voté, nous vous demanderions de prendre au moins en compte le critère de la richesse fiscale des collectivités pour déterminer leur capacité financière à investir – je parle de la participation minimale de 20 % à 40 % en tant que maître d'ouvrage –, et non pas le seul critère de la population. Car, bien qu'elles aient moins d'habitants que d'autres, certaines communes ou communautés sont riches, alors que certaines, qui ont plus d'habitants, sont pauvres. Si l'on ne retient que le critère démographique pour décider si la participation minimale sera de 20, de 30 ou de 40 %, on risque d'aller au-devant de sérieuses difficultés. Le nombre d'habitants ne peut pas être le critère unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le secrétaire d'État, en vous en prenant brutalement aux collectivités, c'est aux Françaises et aux Français que vous vous attaquez.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Moins de marges de manoeuvre, ce sera moins de services publics. Je sais bien que les mots « services publics »…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

…vous écorchent les oreilles. Mais moi, je suis fier de les défendre, j'en suis honoré. La population sera directement concernée, car moins de services publics, c'est moins d'aide aux personnes âgées, d'aide à la petite enfance, moins de tout ce que les collectivités locales ont mis en place et qu'elles ne pourront plus soutenir.

Certes, il restera la solution de la privatisation, mais, même si elle profite à certains, elle ne garantit plus le principe d'égalité des citoyens dans le domaine concerné.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

En matière de privatisation, Jospin était le roi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le secrétaire d'État, il y a des limites à ne pas dépasser et que votre texte a franchies. Même si ce projet de loi est voté, je ne doute pas une seconde que, pour vous, ce sera une bombe à retardement, et que les Français sauront vous le faire comprendre dans quelque temps, car ils n'accepteront pas que vous ayez cassé tous les équilibres de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour aller dans le même sens que mon collègue Vergnier, j'ai bien peur que les articles 35 et suivants, tels qu'ils ont été adoptés par la commission, soient en fait l'acte de décès de la politique de la ville. J'ai du mal à suivre la logique du Gouvernement. Alors que le Premier ministre a annoncé le report de la réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville ainsi que le maintien des CUCS – les contrats urbains de cohésion sociale –, vous proposez à la fois la suppression des cofinancements et des cofinancements croisés, l'interdiction faite au porteur de projet d'obtenir plus de 50 % de financement – sauf pour le renouvellement urbain – et l'interdiction de partager une compétence qui serait exclusivement réservée par la loi à un type de collectivité territoriale.

Or – et ce n'est pas Éric Raoult, ancien ministre de la ville, qui me contredira –, le principe de la politique de la ville depuis trente ans est basé sur les financements croisés et le décloisonnement total. Dans le cadre de l'ANRU, que votre majorité a mis en place, il est ainsi fréquent que les villes les plus pauvres bénéficient de 100 % de financements extérieurs pour les équipements publics installés sur leur territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

De même, les contrats urbains de cohésion sociale sont financés par de nombreuses collectivités locales et territoriales, ainsi que par l'État. Je me suis demandé si ces contrats – y compris ceux signés avec l'ANRU – seraient applicables dans le cadre des nouvelles dispositions que vous proposez : la réponse, hélas, est négative. En effet, l'article 35 quater dispose que, si un projet est financé par le département, il ne peut pas l'être par la région, car le cumul de financements est alors interdit. Or aucun projet de la politique de la ville ne pourrait être uniquement financé par la commune – souvent très pauvre –, par le département ou par l'État.

Il faut souvent que la région y participe aussi pour que le budget prévisionnel du projet soit bouclé. Les communes concernées par la politique de la ville se situent plutôt dans des départements extrêmement paupérisés – on a évoqué le département de la Seine-Saint-Denis, mais je pense aussi à celui du Val-d'Oise –, qui ne sont pas en mesure de financer le projet. Monsieur Raoult, vous pouvez toujours aller expliquer à Claude Bartolone que, la région ne pouvant plus cofinancer avec le département et la commune devant mettre 50 % des fonds, il faut que le département finance le reste, il vous répondra, j'en suis sûr, qu'il n'en a pas les moyens. Comme la région ne pourra plus venir en aide au département, le projet ne verra pas le jour.

Je me demande si Mme Amara a validé ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Je doute qu'une personne qui connaisse la politique de la ville ait pu accepter une telle rédaction.

Pour bien illustrer mes propos, je vais prendre un exemple très précis. L'article 35 prévoit, à l'alinéa 15, que « lorsque la loi a attribué à une catégorie de collectivités territoriales une compétence exclusive, les collectivités territoriales relevant d'une autre catégorie ne peuvent intervenir dans aucun des domaines relevant de cette compétence ». Or, pour les communes, l'article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales dispose que « le conseil municipal décide de la création et de l'implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles d'enseignement public après avis du représentant de l'État dans le département ». Bref, la commune est la seule collectivité compétente dans le domaine des écoles primaires. Mais, si l'alinéa 15 est voté dans sa rédaction actuelle, aucun cofinancement ne pourra être destiné à des écoles publiques, y compris dans les quartiers populaires où aucune école publique n'a pu être rénovée, construite ou agrandie sans des financements croisés de l'État, de la région et du département.

Monsieur le secrétaire d'État, j'espère donc que, au cours de la discussion des articles, vous accepterez les amendements qui permettraient de sauver la politique de la ville, car, je le répète, la rédaction actuelle du texte signe sa disparition, en raison de la suppression des cofinancements ; ce serait la fin d'une politique qui a tout de même porté ses fruits.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Ils s'en foutent ! Il n'y a que l'UMP qui les intéresse !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

L'adoption de ce texte ne ferait que renforcer la vive inquiétude qu'éprouvent les élus de banlieue – inquiétude nourrie par le contexte international –, car ils n'auraient plus la possibilité de travailler efficacement dans les quartiers les plus défavorisés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Même si le Gouvernement s'en fout, bravo tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet, adopté par le Sénat, est à la fois contesté et contestable pour au moins trois raisons : sa méthode, ses motifs et ses effets. Beaucoup de mes collègues socialistes ont fait part de leurs interrogations et critiques, et je vais m'efforcer de compléter leur propos.

Tout d'abord, ce texte est critiquable par la méthode retenue. Le budget 2010 a déjà modifié en profondeur les impôts locaux sans que la représentation nationale ait pu, au demeurant, en mesurer les conséquences. Ce projet, quant à lui, modifie l'organisation territoriale et, parmi bien d'autres dispositions, fusionne les assemblées des conseils généraux et régionaux, et crée un nouveau type d'élu local, le conseiller territorial ; il renvoie d'ores et déjà à un autre projet de loi dont l'objet sera de fixer, en suivant certains principes discutés ici, les compétences des collectivités existantes ou nouvellement créées ; parallèlement, un autre projet de loi vise à modifier l'organisation des juridictions financières avec, pour point de mire, la suppression des chambres régionales des comptes. Logiquement, il aurait d'abord fallu fixer les missions et le bon niveau d'exercice de celles-ci pour, ensuite, déterminer l'organisation et les moyens, et s'interroger sur la meilleure façon d'assurer, dans la transparence, une bonne gestion des deniers publics au plus près des collectivités territoriales. Le Gouvernement a fait l'inverse, comme en matière de réforme de l'État où il décime les organisations et les fonctionnaires avant de réfléchir aux priorités et aux missions.

Cette méthode n'est pas seulement une erreur, elle est l'expression d'une volonté. Pour paraphraser les dialogues d'Audiard dans le film Les Tontons flingueurs, c'est la volonté de « dynamiter… disperser… ventiler » la discussion parlementaire avant de « correctionner » les collectivités territoriales elles-mêmes, en faisant de simples guichets d'une dépense que l'État va contraindre de plus en plus et dont il entend rendre responsables les élus locaux. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Je crois que c'est Bernard Blier ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Il y a aussi : « Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Si la méthode n'est pas bonne, les motifs eux-mêmes paraissent fallacieux en ce sens qu'ils cherchent à induire en erreur.

En effet, pour justifier la réforme, l'exposé des motifs évoque « un coût élevé pour le contribuable ». Or une étude faite à la demande de l'Assemblée des départements de France met en évidence que, en matière de fonctionnement, 70 % des dépenses sont spécifiques à chaque niveau de collectivité, 20 % relèvent de compétences partagées mais consacrées à des catégories de dépenses pour des services ou publics distincts, 5 % visent des interventions complémentaires sur un même domaine de compétence mais sur des actions distinctes par leur nature et les publics touchés, 5 % visent des dépenses opérationnelles qualifiables de financements croisés et répondant le plus souvent aux intérêts complémentaires des contribuables locaux, départementaux et régionaux.

De plus, en matière d'équipement, 30 % des dépenses porteraient sur des opérations où les compétences seraient partagées. Qu'une région finance dans une ville et un département un équipement à vocation régionale ou départementale ne paraît pas incongru ni déraisonnable.

L'étude d'impact jointe au projet de loi donne des chiffres sur les dépenses ventilées entre compétences exclusives, non exclusives ou intermédiaires, mais ne chiffre pas les supposées économies qu'apporterait la nouvelle organisation. J'ai interrogé à ce sujet trois ministres, et aucun n'a été en mesure de m'indiquer leur montant. Par contre, ce qui se confirme depuis la réforme des impôts locaux, c'est que les ménages pourraient, à l'avenir, payer jusqu'à 70 % des impôts locaux, contre 50 % aujourd'hui.

Si la méthode n'est pas logique et si les motifs sont fallacieux, il convient aussi de s'interroger sur certains de leurs multiples effets : recul de la parité, complexité accrue de l'organisation, et risque sérieux et réel d'amoindrissement de la vie associative.

L'article 1er A crée le mandat de conseiller territorial, élu au scrutin uninominal. Le projet de loi prend le soin de préciser que ce mode d'élection garantira « l'expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité ». En fait, et nous le savons bien, le texte remet en cause la parité entre hommes et femmes.

Le texte supprime les modes d'élection des conseils régionaux et des conseils généraux dont le premier a fait toute sa place à la parité. Il y a 48 % de conseillères régionales contre seulement 12 % de conseillères générales. Selon l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, le recours au scrutin majoritaire, même mâtiné de proportionnelle, pourraient aboutir à l'élection de 20 % de conseillères pour 80 % de conseillers.

Lors de la discussion à venir sur le mode de scrutin électoral des conseillers territoriaux, il y a fort à parier que la parité sera définie comme étant la désignation d'un titulaire et d'un suppléant de sexes différents. A posteriori, les citoyens pourront s'étonner du résultat et constater que la politique reste décidément une affaire d'hommes.

Certains ministres n'ont-ils pas déclaré que la parité progresserait demain au niveau communal, et que le niveau supérieur pourrait en quelque sorte s'en passer ? Cela revient à dire que les femmes peuvent s'asseoir dans les wagons de deuxième classe occupés jusque-là majoritairement par les hommes, à partir du moment où il est créé une super première classe réservée à titre principal et majoritaire aux hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Ce projet de loi conduit aussi à une complexité accrue de l'organisation territoriale alors qu'il prétend la rationaliser – la lecture du texte en fait douter.

Aux communes, départements et régions quasi-fusionnés, s'ajoutent les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, en attendant les métropoles, les pôles métropolitains et les communes nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

En matière de rationalisation de l'organisation territoriale, le projet ne choisit donc ni la simplicité ni l'intelligibilité par le citoyen.

Dernier point : le projet organise un risque sérieux et réel d'amoindrissement de la vie associative par assèchement des aides.

S'il ne donne pas la possibilité de discuter au fond de la nature des missions et des actions dévolues aux différents niveaux de collectivités, ce qui est surprenant, il prive les régions et les départements de la compétence générale et exclut un financement croisé de projets qui ne seraient pas d'envergure.

À cet effet, l'article 35 prévoit que la région et le département exercent, en principe exclusivement, les compétences qui leur sont attribuées par la loi, et précise que, dès lors que la loi a attribué une compétence à l'une de ces collectivités, cette compétence ne peut être exercée par une autre collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

À l'avenir donc, seules les communes garderont une compétence générale. Ainsi les régions et les départements ne pourront financer de nombreux projets locaux ; ils ne pourront plus aider les associations culturelles et sportives pourtant si actives et si utiles au développement local.

Les organismes non lucratifs se tourneront alors vers les seules communes qui auront encore le droit de répondre à ces demandes, mais n'en auront pas les moyens. Il y a donc un risque sérieux et réel d'amenuisement de la vie associative et des services qu'elle rend aux citoyens.

Que conclure face à un tel projet ? Dans le fameux film déjà cité, Les Tontons flingueurs, le jeune homme épris de la fille d'un des truands dit à propos de son propre père : « Il comprend rien au présent, rien au passé, rien à l'avenir, enfin rien à la France, rien à l'Europe, enfin rien à rien… Mais il comprendrait l'incompréhensible, dès qu'il s'agit d'argent. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

L'ensemble des projets dont nous débattons « façon puzzle » a sa logique : l'argent, celui que l'État n'a plus. À la hâte, l'État réforme donc les collectivités territoriales, en espérant transformer le contribuable local en financeur des dépenses qu'il imposera à des collectivités à l'autonomie restreinte et aux charges contraintes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la réforme dont nous discutons est organisée autour de deux axes majeurs – les couples commune-intercommunalité et département-région – et tend à la simplification des structures, à la clarification des compétences et à l'optimisation de l'usage des fonds publics.

Mais il existe aussi une autre césure qui devient prégnante dans notre pays, celle qui coupe l'urbain du rural.

Si, en zone urbaine, la création des métropoles et des pôles métropolitains illustre la nécessaire simplification des structures, la clarification des compétences et la nécessité d'une coopération territoriale sur une échelle plus large, il n'en va pas de même pour les territoires ruraux.

Nombre de travaux portent sur les zones non urbaines et rurales : ceux des Assises des territoires ruraux, ceux de notre rapporteur qui a rencontré les responsables de plus de cinquante-cinq départements, ceux du Conseil général de l'agriculture et des espaces ruraux, ceux du Conseil général de l'environnement et du développement durable, ceux de l'Inspection des finances dont le rapport, datant de novembre 2009, vient d'être publié. Tous relèvent un même besoin de coopération, de mutualisation des moyens ; tous constatent que les attentes des habitants sont comparables en zones rurales ou urbaines. Ces travaux insistent sur la notion de territoire de projet à rapprocher des zonages, notamment en matière de revitalisation rurale.

La démarche de projet porte sur un territoire pertinent, où s'articule une politique d'aménagement du territoire dont les thématiques nécessitent une coopération entre intercommunalités à l'échelle infradépartementale et infrarégionale.

Ce territoire représente une certaine importance géographique, économique et démographique, qui dépasse le cadre d'une intercommunalité et se caractérise par le sentiment d'appartenance des habitants.

L'esprit de la réforme étant de simplifier les structures et d'optimiser l'usage des fonds publics, la démarche de projet y répond et les outils existent.

Le syndicat mixte, éventuellement à la carte, permet de rassembler dans une structure unique les missions exercées jusque-là par une pluralité de syndicats et d'intercommunalités, permettant ainsi une mutualisation des moyens humains, techniques et financiers.

Sur le plan de la méthode, le principe de subsidiarité au niveau infradépartemental et infrarégional, permet de clairement définir les missions et les responsabilités respectives.

En dernier lieu, la contractualisation – que ce soit entre collectivités ou avec l'État ou l'Union européenne – est l'outil de mise en oeuvre de ces projets par les acteurs du territoire. Cette contractualisation permet l'indispensable mise en cohérence des politiques publiques sur un territoire donné.

Sur 370 territoires, ces outils sont utilisés par les pays. Pourtant, la réforme propose de supprimer la base légale des pays qui s'inscrivent dans cette démarche et confie le sujet aux seules intercommunalités. Or, dans leur immense majorité, ces dernières ne possèdent pas la taille critique et leur élargissement à la taille des pays prendra des années, ce que ne peut ignorer M. le secrétaire d'État.

L'État doit rester le garant d'une politique d'aménagement du territoire en milieu rural. L'aménagement de nos territoires ruraux ne peut être ni sous-traité aux régions ni laissé à la bonne volonté locale et au volontariat.

Les interventions du rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Jérôme Bignon, ainsi que de son président, Christian Jacob, ont démontré l'ambiguïté de la situation des pays, préjudiciable à la cohérence de l'action territoriale en milieu rural.

Si les dispositions du texte visant à compléter le rôle de la Commission départementale de la coopération intercommunale sont intéressantes et offrent des garanties, le rejet systématique – voire la déclaration d'irrecevabilité sur la base de l'article 40 – des amendements visant à mieux organiser les outils de cette politique d'aménagement du territoire est incompréhensible.

Notons au passage qu'il y aurait beaucoup à dire sur l'application de l'article de 40 par l'Assemblée nationale ou le Sénat. Des amendements discutés au Sénat tombent ici sous le coup de l'article 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Ce n'est pas nouveau, mais ce n'est pas satisfaisant !

Comme le Gouvernement veut mettre fin à la création de nouveaux pays – tout en affirmant maintenir les pays existants –, il supprime leur base législative par la suppression de l'article 22 de la loi d'orientation et d'aménagement du territoire de 1999.

Dans ces conditions, force est de constater que la réforme déstabilise de fait gravement la politique d'aménagement du territoire des espaces ruraux et non urbains.

Au nom des pays, dont l'utilité de l'action a été reconnue, la discussion parlementaire doit clarifier la situation et organiser la nécessaire coopération entre intercommunalités en matière d'aménagement du territoire au niveau infradépartemental et infrarégional.

Je crois avoir démontré que tous les outils existaient. À mon sens, il est absolument capital que le Gouvernement fasse un premier pas en affirmant, dans le présent débat, que la démarche de projet sur un territoire pertinent n'est pas remise en cause par le texte et que les outils d'une telle politique d'aménagement pourront être mis en oeuvre dans le cadre du schéma départemental de coopération intercommunale.

Sinon, monsieur le secrétaire d'État, ce serait vraiment à ne plus rien y comprendre et ce serait ressenti comme un terrible recul pour tout le milieu rural de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

L'UMP n'est pas unanime sur le sujet, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, dans toute la France, les acteurs culturels se mobilisent pour défendre l'art et la culture contre la réforme des collectivités territoriales dont nous débattons aujourd'hui, mais aussi contre la révision générale des politiques publiques.

Avec ce projet de loi, nous assistons à une remise en cause brutale de la décentralisation culturelle qui, depuis trente ans, dans la foulée de la décentralisation théâtrale, fait rimer développement des territoires et création d'emplois.

Entre la suppression de la taxe professionnelle et la non-compensation par l'État des charges qu'il transfère, le Gouvernement porte un coup fatal au financement public de la culture, actuellement assuré à 70 % par les communes, les départements et les régions. Il provoque une inquiétude qu'ont exprimée avec force les 31 000 signataires de la pétition lancée par Claude Bartolone et Jack Ralite.

Il faut bien comprendre que le coup porté est à double détente : remise en cause de la clause de compétence générale d'un côté ; asphyxie budgétaire de l'autre.

En ce qui concerne la clause de compétence générale, le texte du Gouvernement modifié par le Sénat prévoyait la promulgation, dans un délai de douze mois, d'une loi précisant la répartition des compétences des régions et des départements, ainsi que les règles d'encadrement des cofinancements entre les collectivités territoriales.

Mais l'article 35 a été intégralement réécrit la semaine dernière par la commission des lois de notre assemblée, afin d'inscrire d'ores et déjà dans le code général des collectivités territoriales une ébauche de répartition des compétences exclusives des régions et départements.

Nous considérons que c'est une erreur et que les collectivités territoriales doivent continuer à disposer de la clause de compétence générale. En effet, celle-ci leur permet d'adapter les politiques locales à la spécificité des territoires et de prendre en charge des problématiques émergentes afin de mieux répondre aux besoins des citoyens.

Le ministre de la culture ne cesse de répéter que les régions et les départements pourront continuer à financer ou à cofinancer la culture. De fait, il est nécessaire de l'écrire clairement et simplement dans la loi, sans paraphrase ni formule qui prête à confusion.

À cet égard, monsieur le rapporteur, le texte que vous avez amendé en commission permet une compétence partagée entre communes, départements et régions en matière de « création artistique » et de « patrimoine », sans vraiment rassurer.

Cette rédaction crée, en effet, une grande incertitude tant les notions évoquées sont floues. La diffusion est-elle concernée par cette formulation ? L'aide des collectivités territoriales à l'équipement numérique des salles de cinéma – sujet d'actualité, dont notre assemblée débattra prochainement à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi – sera-t-elle possible ?

Outre l'insécurité juridique qui en découle, cette rédaction évasive, force est de le constater, laisse entrevoir de graves risques d'inégalité territoriale, les collectivités pouvant interpréter les notions de « création artistique » et de « patrimoine » de manière très différente. C'est pourquoi notre groupe propose de remplacer ces formulations, notamment celle de « création artistique », par le mot simple et générique de « culture », qui, seul, permettra de lever toute ambiguïté.

Parallèlement, départements et régions, obligés de financer d'abord les actions relevant de leurs compétences obligatoires, risquent, dans une situation budgétaire extrêmement tendue, de ne plus être capables d'assurer le financement de leurs politiques culturelles. Il est à craindre que, à court terme, cet étranglement budgétaire n'entraîne la disparition de nombreux festivals, compagnies, lieux d'art et spectacles. Ne l'oublions pas, en effet : c'est toute une économie nationale et locale, tout un maillage culturel de notre territoire qui risque ainsi de disparaître.

Dans le même temps, la révision générale des politiques publiques, dite RGPP, agit tel un rouleau compresseur : sous couvert de modernité et d'efficacité, elle restreint fortement les capacités artistiques des structures culturelles. L'intention clairement exprimée par le Premier ministre d'aller encore plus loin dans cette voie en élaborant, via ce qu'il est convenu d'appeler la « RGPP 2 », des propositions « ambitieuses, innovantes, sans a priori ni tabou » – selon les termes qu'il a employés dans une lettre de mission adressée à Mme Miquel – fait froid dans le dos. Pour le Gouvernement, en effet et malheureusement, ambition rime trop souvent avec régression, et innovation avec précarisation.

Nous ne pouvons enfin que nous inquiéter de la nouvelle lettre de cadrage envoyée par le Premier ministre aux ministères afin de réduire de 10 % en valeur les dépenses d'intervention pour la période de 2011 à 2013. Nous craignons pour l'avenir des politiques culturelles dans notre pays, et nous regrettons que s'effrite progressivement le socle sur lequel se sont construits les grands équilibres en matière d'intervention publique.

C'est, dans le sillage de la lettre de mission adressée par Nicolas Sarkozy à Christine Albanel il y a bientôt trois ans, un large consensus national sur l'effort public en faveur de la culture qui explose, consensus qui avait pourtant su résister à toutes les alternances depuis André Malraux et la création du ministère de la culture, il y a un demi-siècle.

Ainsi, nous le disons clairement, à cause de la RGPP et de ce projet de loi, la culture est en danger dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d'abord vous dire, en guise d'introduction, que je soutiens les grands principes de ce texte. Il est en effet urgent, pour notre pays, de faire ce que la plupart des autres pays européens ont fait depuis vingt ans, en laissant beaucoup moins de liberté aux initiatives locales que le projet qui nous est soumis.

Il est également urgent d'apporter de la transparence et de la lisibilité pour nos concitoyens – lesquels, il faut bien le reconnaître, ne comprennent plus rien à notre organisation territoriale – et, pour les élus eux-mêmes, de simplifier le fonctionnement des structures en rationalisant leur nombre.

Je soutiens également le fléchage pour les élus intercommunaux : quand on lève l'impôt, on doit, me semble-t-il, répondre de ses actes devant le suffrage universel direct. Quant au conseiller territorial, il permettra d'établir enfin un lien direct entre les élus et leur territoire ; nos conseillers régionaux seront enfin connus et identifiés par nos concitoyens. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Je soutiens également ce texte, car l'initiative locale est très largement laissée aux élus locaux : je pense notamment à la CDCI, la commission départementale de coopération intercommunale, qui aura un pouvoir de proposition, et à la future représentativité au sein des intercommunalités, puisque, là encore, l'initiative est laissée aux élus, pour peu qu'ils se mettent d'accord. Je tiens enfin à souligner la large concertation qui a été menée par la commission Balladur, le Gouvernement et notre rapporteur, dont le travail colossal a permis des avancées, même si nos débats doivent encore jouer leur rôle. Ces avancées ont été notamment obtenues grâce au dialogue avec l'association nationale des élus de la montagne et l'association des maires de France, dont j'ai l'honneur d'être le vice-président et dont le président, Jacques Pélissard, est parmi nous cet après-midi.

Compte tenu du nombre d'inscrits dans la discussion générale, je me contenterai de témoigner de l'utilité du texte pour les territoires tels que celui dont je suis l'élu : un territoire où l'on ne trouve quasiment pas d'EPCI à fiscalité propre, un territoire de montagne et frontalier, puisqu'il est bordé par deux frontières et situé non loin d'une troisième.

Oui, cette réforme est indispensable, tout d'abord pour achever la carte des établissements publics de coopération intercommunale. Il faut bien reconnaître que les territoires qui, à ce jour, n'en sont pas dotés, ont eu de longues années pour le faire. Il est temps d'accélérer le calendrier, car les situations sont aussi connues que les solutions, et il sera temps, bientôt, de rationaliser les EPCI existants. Aussi, je suis favorable à la couverture intégrale des zones dites blanches, comme je suis favorable, monsieur le secrétaire d'État, à l'accélération du calendrier s'agissant du travail de la Commission départementale, afin de ne pas bloquer le fonctionnement de nos territoires.

Les critères d'élaboration du schéma départemental sont, rappelons-le, sociaux et économiques, mais aussi, à la faveur d'un amendement que nous avons fait adopter par la commission du développement durable avec Jérôme Bignon et Christian Jacob, écologiques.

Je me permets par ailleurs d'appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la gestion de la période intermédiaire qui nous sépare de la mise en place de la CDCI sur les territoires dépourvus d'EPCI à fiscalité propre. Il convient en effet d'être vigilant, durant cette période, sur les éventuelles créations d'EPCI d'opportunité ou de défense ; en d'autres termes, pourquoi ne pas le dire, de coquilles vides promptement créées par des maires de communes riches afin de se soustraire aux dispositions prévues.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, doit soutenir les préfets afin qu'ils veillent à empêcher de telles initiatives dans les semaines et les mois qui viennent, mais aussi les élus qui, comme moi, souhaitent que ceux qui, en vingt ans, n'ont pas créé d'EPCI, attendent désormais la création de la CDCI. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

La France n'est pas uniforme : comme vous le disiez, monsieur le rapporteur, notre pays a besoin d'une vraie gouvernance urbaine ; ce texte y contribuera. Néanmoins, nous ne devons pas oublier – ce qui n'est pas votre cas, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur – 80 % du territoire, à savoir le monde rural, les zones de montagne et littorales.

Les élus de la montagne militent en effet depuis le début pour que soient prises en compte les spécificités de leur territoire : densité et variations saisonnières de la population, qui mettent en jeu la notion de représentativité ; temps de déplacement, critère préférable à celui de la distance, et qu'il faut prendre en considération dans toute politique d'aménagement du territoire ; solidarité financière, enfin, de façon que les EPCI ne soient pas riches ici et pauvres là, à l'image des communes – c'est d'ailleurs un autre objectif du texte.

Je remercie M. le rapporteur, M. le président Warsmann et le Gouvernement d'avoir accepté la fixation d'un seuil minimal de quinze conseillers territoriaux par département, ce qui assure un équilibre dans la représentativité des populations et des territoires. C'est là le fruit d'un travail important entre l'association nationale des élus de la montagne et le Gouvernement ; vous-même, monsieur le secrétaire d'État, étiez venu au congrès de l'ANEM à l'automne dernier pour annoncer ce seuil, et je me permets, en tant que président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, dont je relayais la demande à ce sujet depuis plusieurs mois, de vous remercier en son nom.

Deux critères particulièrement restrictifs pour les zones de montagne continuent néanmoins de nourrir notre inquiétude, et nous souhaiterions les voir assouplis : d'une part le seuil minimum d'habitants requis pour créer un EPCI, 320 EPCI de zone de montagne administrant actuellement des territoires de moins de 3 000 habitants ; de l'autre, les financements croisés des investissements. Pour ces deux critères – et je salue au passage l'arrivée sur nos bancs de M. le ministre de l'intérieur –, les territoires les moins favorisés devraient, me semble-t-il, pouvoir bénéficier de dérogations, pourquoi pas avec le concours du préfet du département.

Pour ce qui concerne enfin les zones frontalières, si nombreuses en France, les situations sont très diverses ; il faut donc de la souplesse. Ce texte doit poser les bases d'une organisation territoriale spécifique pour les zones transfrontalières, sans pour autant remettre en cause les grandes prérogatives de l'État. C'est dans cet esprit que, avec Étienne Blanc, parlementaire en mission sur les questions frontalières, j'ai déposé un amendement proposant de fixer à 50 000 habitants le seuil minimal d'identification d'une agglomération susceptible de participer à la coopération transfrontalière. L'exemple du projet d'agglomération franco-valdo-genevoise en Haute-Savoie, auquel le Gouvernement et la DATAR travaillent beaucoup, illustre parfaitement le bien-fondé de ce seuil ; je souhaite donc que le Gouvernement, en utilisant son droit d'amendement, l'abaisse à 50 000 habitants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Reprise de la discussion

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Reprise de la discussion

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cacheux

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après nombre d'orateurs – qui appartenaient bien entendu à mon groupe, mais également aux autres groupes –, je voudrais dire la profonde déception, et même la colère, de tous ceux qui espéraient que ce texte donnerait l'occasion d'approfondir, sur certains points, la décentralisation, processus qui a dynamisé de nombreux territoires, et de pousser plus avant la rationalisation de l'organisation administrative de notre pays. Il s'agissait notamment, selon les déclarations du Gouvernement, d'accroître l'efficacité des collectivités locales en limitant les doublons et, ainsi, d'éviter un gaspillage d'argent public, nonobstant le fait que tous les rapports sérieux attestent de la bonne gestion de nos collectivités locales. Il s'agissait, toujours selon vos déclarations, de simplifier notre organisation administrative et de rendre plus lisible l'action de chaque collectivité, notamment auprès de nos concitoyens, de préparer l'avenir grâce à la possible future absorption des départements par les régions, la création des conseillers territoriaux étant censée l'anticiper.

Or que constate-t-on à l'arrivée ? Le débat sur l'efficacité s'est réduit à une discussion dérisoire sur le nombre d'élus départementaux et régionaux, qui devrait être divisé par deux, ainsi que sur leur coût. De même, la remise en cause de la clause générale de compétence des départements et des régions, censée supprimer les doublons et qui a suscité de fortes protestations dans le monde de la culture et du sport amateur – Patrick Bloche le rappelait il y a quelques instants –, est aujourd'hui très largement vidée de sa substance, même s'il faut rester vigilant.

Votre « simplification » du millefeuille se traduit concrètement par l'apparition de deux niveaux supplémentaires, notamment les métropoles qui ne se distinguent pas clairement des communautés urbaines actuelles.

Enfin, bien loin de faciliter l'émergence des régions, le mode d'élection finalement retenu pour les conseillers territoriaux risque de cantonaliser lourdement l'action régionale…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cacheux

…lui faisant abandonner sa vision stratégique que favorisait l'élection par scrutin de liste, sans parler du recul inévitable de la parité.

Pis encore, non seulement ce texte n'apporte aucune avancée significative en termes d'émergence d'une architecture territoriale moderne, en dehors de l'achèvement de la carte de l'intercommunalité, mais il doit être mis en regard du contexte d'autres décisions qui concernent les collectivités locales.

La première, bien sûr, concerne la réforme de la taxe professionnelle qui va supprimer la dynamique de leurs ressources, l'État n'ayant pris aucun engagement sur l'évolution de la dotation de compensation – dont on annonce d'ailleurs la disparition progressive. Cette décision pénalise particulièrement les collectivités possédant un tissu industriel traditionnel, nombreuses dans la région Nord-Pas-de-Calais.

La seconde concerne l'annonce récente par le Gouvernement de son intention de geler pour les trois prochaines années les dotations de l'ensemble des collectivités. Et ce qui vaut pour l'ensemble des collectivités locales vaut en particulier pour les métropoles.

L'idée de faire émerger dans les régions, en dehors de Paris, ville de rayonnement mondial, une dizaine de grandes métropoles capables de se mesurer à leurs concurrentes européennes que sont Barcelone, Milan, Munich, Amsterdam ou encore Manchester, est une idée forte. Mais le résultat auquel on arrive est particulièrement décevant. Vous le reconnaissez vous-même dans votre rapport, monsieur Perben, en rappelant que nous sommes éloignés des propositions de votre précédent rapport de 2008 intitulé « Imaginer les métropoles d'avenir », ainsi que des souhaits de la DATAR, du rapport de MM. Warsmann, Quentin et Urvoas sur le « big bang territorial », d'octobre 2008, et même du rapport Balladur.

Qu'en reste t-il à l'arrivée, même si la commission des lois a corrigé quelques frilosités du Sénat ? Un statut d'EPCI et non de collectivité à part entière, les obligeant à retourner à chaque fois devant les communes pour intervenir dans un domaine nouveau ; une légitimité démocratique qui ne sera guère renforcée, puisque l'élection municipale restera le pivot de leur désignation.

Vous avez souhaité éviter le conflit de légitimité entre communes et intercommunalités, mais ce conflit existe déjà dans la réalité, dans des domaines particulièrement sensibles : je pense en particulier à celui de l'habitat. Or en conservant le même poids à la légitimité démocratique respective des communes et de l'intercommunalité, vous n'opérez pas le changement qui pourrait permettre la prise en compte d'une politique de l'habitat.

Enfin, le texte leur accorde des moyens limités, suite à la suppression de la taxe professionnelle et à l'octroi de dotations équivalentes à celles des communautés urbaines – mais guère supérieures.

Qui peut croire qu'en confiant aux métropoles la gestion des routes départementales ou encore des collèges – ce qui, s'agissant des collèges, ne serait d'ailleurs qu'un retour –, on fera émerger de puissants pôles urbains, à même de jouer dans la compétition européenne ?

Quant aux compétences conventionnées, issues des départements et des régions, la loi Joxe de 1992 sur l'administration territoriale de la République l'envisageait déjà, mais n'avait donné aucun résultat. Nous aurons l'occasion, notamment dans la discussion sur l'article 5, de développer certaines de nos remarques sur les métropoles.

En conclusion, éclairé par d'autres décisions, le texte proposé s'inscrit bien dans une stratégie d'affaiblissement des collectivités locales…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cacheux

…de limitation de leur pouvoir – elles sont principalement animées par la gauche –, afin de réduire tous les contre-pouvoirs, comme vous l'avez fait dans l'audiovisuel public, dans la justice, dans les entreprises publiques, et même au Parlement au travers de la pseudo-réforme constitutionnelle et du nouveau règlement de notre assemblée.

C'est la raison pour laquelle nous nous y opposerons de toutes nos forces. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, mes chers collègues, je suis tout à fait favorable à une réforme des collectivités territoriales…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais pas à celle-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

…qui simplifie, clarifie et rationalise.

Je suis tout à fait favorable à une réforme fondée sur un double couple : région-département et commune-intercommunalité.

Oui, nous devons constater, parfaire, voire corriger.

Nous devons constater un doublement indéniable de certaines compétences, donc de dépenses, entre régions et départements.

Nous devons également constater une désaffection de nos concitoyens pour l'élection des conseillers régionaux qui n'ont pas, jusqu'à ce jour, d'accroche territoriale.

Nous devons, enfin, constater une réelle progression de l'intercommunalité, que nous avons souhaitée et incitée.

Mais permettez-moi, monsieur le ministre, de demeurer pour le moins perplexe sur certains aspects du texte présenté aujourd'hui.

Je ne reviendrai pas, dans le temps qui m'est imparti, sur le couple région-département, déjà largement débattu, et sur une avancée qui me paraît positive tant sur le mode de scrutin que sur la considération de la diversité démographique de nos territoires.

Je me concentrerai sur l'intercommunalité et sur la notion de pays.

J'ai toujours soutenu le développement de l'intercommunalité, mais dans le respect des identités communales qui font la richesse de notre pays et sur la base de projets volontairement et consensuellement décidés, ce qui ne peut que garantir leur réussite.

Cela doit rester le cas dans le renforcement de cette intercommunalité, de plus en plus à fiscalité propre, surtout si nous appelons à fusionner entre elles de petites intercommunalités. Cela doit rester le cas jusqu'aux métropoles prévues dans le projet de loi. Je me félicite du système d'élection retenu du conseiller communautaire par fléchage, sur une même liste, des candidats au mandat de conseiller municipal et aux fonctions de délégué communautaire.

Par contre, je ne puis accepter le nouveau transfert de taxes communales aux métropoles, ce qui ne laisserait aux communes membres d'une métropole que la seule taxe d'habitation. Je ne puis accepter que les DGF communales puissent être transférées à la métropole par une majorité qualifiée de communes, et non par délibérations concordantes de toutes les communes. Pis encore, je ne peux concevoir que le transfert du foncier bâti soit de plein droit. Quels moyens, quelle possibilité d'initiative resteraient aux communes et notamment aux plus petites, initiatives qui ne sauraient en rien faire ombre au développement métropolitain, bien au contraire.

Enfin, pour ce qui est des pays, je suis contre leur disparition programmée à court terme – car c'est ce qu'annonce le texte, tel que je le comprends. J'appuie en ce sens l'intervention de notre collègue Émile Blessig, président national des syndicats mixtes de pays. Je me suis souvent exprimé sur cette question. J'ai initié un syndicat mixte de pays et l'ai présidé pendant près de vingt ans. Jamais je n'ai constitué une structure administrative supplémentaire de gestion, mais bien un espace de projets, un espace de valeur ajoutée, avec seulement quelques emplois permanents d'un certain niveau autour des élus, un espace de synergie et de développement d'un territoire, d'un terroir, d'un bassin de vie. Les pays font aussi la richesse de la France.

Alors, monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que les pays constitués pourront continuer d'exister, mais le texte fait état de la suppression de leur fondement, à savoir la loi de 1995, et précise – je cite : « les contrats conclus par les pays antérieurement à cette abrogation sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance ».

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Je crains donc, comme je le disais tout à l'heure, qu'il ne soit question de programmer la fin rapide de ces contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Je souhaite vraiment vous entendre sur ce point, monsieur le ministre, car vous avez bien compris que si je suis très favorable à l'instauration des conseillers territoriaux, je ne partage pas certains autres aspects du texte et défendrai en conséquence plusieurs amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous ne pouvons pas animer, gérer, développer la France du XXIe siècle avec un système territorial fondé dans les débuts de la Troisième République – gloire à elle ! – avec une sédimentation progressive, parfois nécessaire, souvent redondante, qui s'est développée particulièrement depuis une trentaine d'années.

C'est pourquoi il faut saluer le courage du Président de la République et du Gouvernement, que vous représentez, messieurs les ministres, d'avoir osé engager cette réforme, dont on parle au minimum depuis le rapport de Pierre Mauroy, et dont le rapport de M. Balladur a bien posé le diagnostic et utilement tracé le cadre.

Pour l'essentiel, les dispositions concernant le bloc communes-intercommunalités font consensus, et je n'y reviendrai pas. La seule question qui se pose parfois est celle du seuil de population à retenir pour le maintien du panachage électoral, qui fait l'objet d'appréciations diverses. Mais j'ai bien noté que la commission en était restée au seuil de 500 habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

La véritable révolution, bien sûr, est la création du mandat de conseiller territorial, proposition que j'ai faite et défendue depuis plus de dix ans, qui me semble être une évidence, pour au moins trois raisons.

Il faut d'abord un lien direct entre l'électeur et son représentant, sur la base d'un territoire clairement identifié : c'est chose faite, et cette réforme pallie le manque d'identification dont souffrent aujourd'hui les élus régionaux. Quand j'entends dire que cette réforme va cantonaliser les élus…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

…je ne vois pas en quoi le canton est péjoratif. Souvenez-vous de François Mitterrand qui disait : « Il faut toujours défendre et aimer les cantons » ! Nous, parlementaires, sommes élus dans des circonscriptions législatives qui représentent un morceau de France. Ce n'est pas pour autant que nous sommes de mauvais députés nationaux ! De même on peut défendre utilement les intérêts légitimes de son canton tout en étant un jour un défenseur de l'intérêt départemental et, le lendemain, de l'intérêt régional. De grâce, cessons les faux procès !

Par ailleurs, la clarification des compétences entre le département et la région se fera plus naturellement avec les mêmes élus siégeant dans les mêmes assemblées. De ce point de vue, il faut saluer le pragmatisme de notre excellent rapporteur, Dominique Perben, qui a imaginé une bien meilleure solution que d'avoir à recourir à une future loi pour régler la question des compétences. Cette répartition, pragmatique, et donc différente selon les régions, se fera en début de mandat, en fonction des équilibres et des spécificités locales. Ce qui est valable pour une région à deux ou trois départements ne l'est pas forcément pour une région qui en compte huit !

Enfin, l'élection des présidents d'intercommunalité au suffrage direct justifie encore davantage l'agrandissement des cantons actuels, notamment en zone rurale et de montagne, afin d'éviter les redondances apparentes de mandat sur un même territoire.

Concernant le mode de scrutin, ayant pris position très tôt pour le scrutin républicain uninominal à deux tours, je me félicite de l'accord que nous avons trouvé, même si je regrette qu'avec la possibilité d'élections triangulaires, on puisse être élu avec seulement 40 % des suffrages.

Cette réforme est majeure. Elle est nécessaire. Bien sûr, les éternels conservateurs vont crier à la remise en cause de la République et les démagogues à la recentralisation. Mais on voit mal en quoi ce serait porter atteinte à la République que de vouloir mieux l'organiser. Ni en quoi ce texte porterait quelque trace que ce soit de recentralisation.

La majorité à laquelle j'appartiens, il faut le reconnaître, a eu tort de s'opposer aux lois de décentralisation de 1982. Je dis donc à nos amis de l'opposition : soyez plus intelligents que nous ! Soutenez, avec nous, cette indispensable réforme.

Je voterai sans états d'âme le texte issu des travaux en commission. Toutefois, je ferai plusieurs suggestions pour améliorer notre travail législatif.

D'abord, la diminution du nombre de cantons me semble aller de soi, mais on ne peut pas aller au-delà d'une réduction de 30 % par département, car il faut tenir compte de l'existant et de la spécificité des territoires.

Ensuite, le découpage des futurs cantons doit être pragmatique pour tenir compte des communautés de vie. Il faut s'affranchir en particulier des limites des circonscriptions législatives, qui répondent à des critères purement démographiques.

Enfin, pour enraciner cette nouvelle élection, il ne faut pas qu'elle se déroule le même jour que les élections municipales.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Ce n'est certes pas le sujet d'aujourd'hui, mais, en deuxième lecture, je proposerai qu'elles se déroulent en septembre 2014.

Enfin, en tant qu'élu savoyard, je salue la disposition qui facilite le regroupement des départements. Nous avons commencé de le faire avec nos amis Hauts-savoyards depuis 2001 en créant l'Assemblée des pays de Savoie et nous sommes heureux que cette disposition, utilement amendée au Sénat par Michel Charasse, juste avant sa nomination au Conseil constitutionnel, permette de faciliter le regroupement des départements qui le veulent.

Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler sur ce texte que je voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Vous avez vu, monsieur Domergue : quatre ministres sont là pour vous écouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

J'en suis très honoré et un peu impressionné !

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le présent texte me semble très important car il va permettre une clarification de ce qu'on appelle communément le millefeuille administratif français.

Toutefois, je formulerai quelques remarques qui n'iront pas nécessairement dans le sens de ma sensibilité politique.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Alors on s'en va ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Il me paraît important que la notion de compétence générale inscrite à l'article 35 soit supprimée au niveau des départements et des régions parce que, contrairement à ce que j'ai entendu sur ces bancs, on s'y perd totalement dans les financements croisés où se superposent la région, le département, les communes et les agglomérations. L'amincissement, si je puis dire, du millefeuille ainsi que la clarification des compétences permettraient de mieux savoir qui fait quoi et constitueraient donc une avancée considérable.

S'agissant de la désignation des conseillers territoriaux, je serai moins enthousiaste. Le scrutin uninominal à deux tours, communément reconnu dans notre pays, est la solution retenue. En la matière, je préférais les avancées qui avaient été faites initialement, prévoyant un mode d'élection mixte. En faisant fusionner les conseillers généraux et les conseillers régionaux, les uns étant élus au suffrage uninominal et les autres au scrutin de listes, on entérine le fait qu'on va mélanger deux systèmes différents avec leurs avantages et leurs inconvénients. La parité sera considérablement affectée, de même que la pluralité politique : il en résultera un déséquilibre qu'on aurait pu corriger en introduisant une dose de proportionnelle, notamment dans les grandes agglomérations.

J'en viens maintenant aux problèmes matériels. Au vu du nombre de conseillers territoriaux qui seront élus, on se rend compte que, sauf désignation d'une assemblée restreinte qui pourrait prendre des décisions in fine, on se heurtera à des problèmes techniques pour réunir ces assemblées. En effet, les hémicycles des conseils régionaux ou des conseils généraux ne seront pas assez grands pour accueillir tous les élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Pour éviter que chaque région soit amenée à reconstruire des locaux, ce qui, dans la période difficile que nous connaissons, constituerait un message négatif en direction de nos compatriotes, il est important de définir quels conseillers territoriaux siégeront dans l'une ou l'autre des assemblées.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il faudrait donc des conseillers régionaux et des conseillers généraux et deux modes de scrutin différents ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Mes chers collègues, je vous demande d'écouter M. Domergue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Je vois que le débat est ouvert !

La personne qui devra assurer ces deux fonctions le fera inévitablement à plein-temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

C'est la raison pour laquelle la logique voudrait que les conseillers territoriaux soient concernés par la notion de mandat unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Il suffira, pour ce faire, de voter mon amendement, monsieur Domergue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Enfin je tiens la création des métropoles pour une bonne chose. Et le fait que la métropole garde la compétence générale est en soi un élément important.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Ce n'est même pas une collectivité territoriale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Le transfert des compétences des départements et des régions vers la métropole et le renforcement de l'omnipuissance de la métropole sur son propre territoire, font que celle-ci deviendra, in fine, maîtresse de toutes les actions sur le territoire dont elle a la charge, ce qui n'est pas le cas actuellement. Voilà donc une avancée positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

D'autant qu'il a été réélu avec 65 % de voix aux dernières élections régionales !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Grand, vous n'êtes pas obligé d'intervenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Messieurs les ministres, je suis heureux que vous ayez été nombreux à m'écouter car, même si ce texte comporte des avancées très importantes, il n'en demeure pas moins que des améliorations restent possibles...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

..afin que cette réforme soit compréhensible par nos concitoyens et qu'elle apparaisse vraiment comme une simplification et une clarification des compétences des uns et des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, être le cent vingtième orateur à intervenir dans la discussion générale expose au risque de ne pas apporter d'élément décisif dans ce débat portant sur la réforme des collectivités territoriales. Pourtant, j'insisterai sur deux points.

Le premier, que beaucoup d'intervenants ont souligné, concerne le rôle primordial des départements dans l'aménagement ou plutôt l'équilibre des territoires, notamment en zone rurale.

Le second concerne les finances des conseils généraux. La meilleure réforme du monde n'aura aucun effet si la pérennité des finances départementales n'est pas assurée. Je ferai quelques propositions concrètes, à la suite de la réunion qui a eu lieu ce matin avec un certain nombre de présidents de conseils généraux appartenant au groupe DCI de l'Assemblée des départements de France.

Les départements ruraux, ce sont ceux que les démographes et les statisticiens dessinaient il y a quelques années, sur les cartes de la DATAR, comme une banane bleue qui traversait la carte de France et comprenait – je le sais pour le vivre – des territoires parfois situés à moins de 200 kilomètres de Paris.

La France est diverse. L'histoire, la géographie, les évolutions sociologiques et démographiques ont fait qu'aujourd'hui 80 % de la population vivent sur 20 % du territoire et que, partout, les territoires ruraux ont besoin d'équipements structurants qui ont été financés par les conseils généraux – routes, équipements scolaires, internet haut débit, maisons médicales, voire desserte TGV ou antenne universitaire, comme dans notre département de l'Yonne, n'est-ce pas, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement ?

Ces territoires ont besoin de renforcer leur attractivité afin d'éviter leur enclavement. Les départements, collectivités de proximité, n'ont pas seulement assumé le mieux possible leurs responsabilités en matière d'action sociale, domaine en permanente évolution, ils ont aussi participé à l'effort d'équipement sans précédent de ces trente dernières années. Ils l'ont fait directement ou par l'intermédiaire des communes et des intercommunalités, et aussi grâce aux financements complémentaires apportés par l'État, l'Europe et la région.

Si la clarification des compétences est nécessaire, si des économies sont indispensables, il est important de souligner, dès aujourd'hui, que la rédaction actuelle de l'article 35 comporte le risque majeur d'interrompre l'effort considérable effectué par les conseils généraux des départements ruraux.

Dans mon département, dont l'extrémité nord n'est qu'à 150 kilomètres de la tour Eiffel, 95 % des 455 communes comptent moins de 2 000 habitants. Que pourraient-elles faire seules sans le conseil général ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

La réforme des collectivités territoriales est nécessaire. Toutefois, le rôle du département n'est pas le même en Ile-de-France et dans les contreforts du Morvan.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Le second point que je souhaite aborder concerne les finances des conseils généraux qui, nous le savons, sont exsangues, la crise n'étant pas la seule responsable. Le rapport Jamet, le rapport Carrez et l'agence Standard & Poor's ont souligné les difficultés de la situation.

Le rapport de Standard & Poor's montre certes la diversité des situations financières des conseils généraux, mais aussi la rapidité de la détérioration à laquelle les départements sont confrontés depuis deux ans et qui ne trouve pas son équivalent au sein des autres collectivités. La détérioration est liée à la structure même des budgets, à l'augmentation régulière des dépenses sociales et à la diminution des recettes.

Aussi, je vous le répète, messieurs les ministres, la plus belle des réformes, voire la réforme idéale, celle à laquelle nous aspirons tous, la plus consensuelle, celle dont chacun de nous peut rêver, ne sera qu'un texte supplémentaire inutile si l'on ne règle pas les difficultés budgétaires structurelles des départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Avec mes collègues présidents de conseils généraux, nous attendons avec impatience l'ouverture du chantier de la couverture dépendance promis après celui des retraites. Mais, dans l'attente de ces mesures, étant donné la situation difficile des finances publiques et sociales de la Nation, si nous comprenons la nécessité de geler les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, nous sommes aussi conduits à demander, en échange, le gel des dépenses liées aux allocations universelles.

La neutralisation de ces dépenses conduirait évidemment à la prise en charge intégrale, par l'État et la solidarité nationale, du surplus constaté, dès 2010, en tenant compte de l'éventuel accroissement des droits de mutation si la crise de l'immobilier s'atténue. Je vous ferai, dans quelques instants, des propositions pour trouver les financements nécessaires à la constitution d'un fonds d'urgence dont les budgets départementaux ont besoin.

Concrètement, pour maîtriser la dépense locale, nous vous demandons de geler le montant des prestations sociales servies par les conseils généraux, de mettre en oeuvre les préconisations du rapport Jamet, de dresser un moratoire des normes et de toiletter les règles anciennes afin d'améliorer la lisibilité et limiter les coûts pour les départements.

En attendant la réforme du financement de la dépendance, nous demandons qu'un fonds d'urgence soit mis en place pour boucler les budgets 2011. Outre les excédents du fonds national de solidarité active, qui sont actuellement d'environ 500 millions d'euros, une révision de certaines orientations budgétaires des crédits de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – pourrait permettre de l'alimenter.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, ministre de l'espace rural

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Nous vous proposons un dispositif ouvert à tous les départements qui accepteraient de s'engager dans une démarche contractuelle avec l'État en échange d'une optimisation de la dépense locale, hors allocations universelles. Ce dispositif permettrait aux départements de continuer à assumer leurs responsabilités en matière de solidarité et de participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique.

L'euro a été sauvé en quarante-huit heures par la volonté du Président de la République et de la Chancelière allemande.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

C'est ce que l'on raconte aux enfants le soir pour les endormir…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Moins de temps serait nécessaire, si nous nous accordons tous sur la nécessité de pérenniser les finances départementales afin de permettre aux départements ruraux de continuer à exercer leurs responsabilités en matière sociale et en faveur de l'équilibre du territoire.

Permettez-moi de conclure en citant un auteur dont je n'ai pas l'habitude : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ». ( « Ha ! »sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Marcon

Depuis 1982, considérée comme l'année du premier acte de la décentralisation, de nombreux textes sont venus régulièrement enrichir et renforcer notre vie démocratique, avec le souci constant de rapprocher les citoyens des lieux de décision.

Des compétences et des pouvoirs nouveaux ont été confiés aux départements ainsi qu'aux communes qui se regroupaient progressivement dans les intercommunalités, tandis que la région devenait une collectivité publique à part entière.

Le bilan est globalement positif : cette dynamique d'émancipation des collectivités locales ainsi que les nouvelles responsabilités et compétences confiées aux élus ont permis de réaliser de nombreux équipements et de développer des services très appréciés des populations.

Si personne ne conteste, aujourd'hui, les bienfaits de cette décentralisation, de nombreux élus et citoyens critiquent son fonctionnement et dénoncent la complexité de l'organisation administrative de notre pays, caractérisée par un enchevêtrement de compétences entre l'État, la région, le département, la commune, l'intercommunalité et les nombreux groupements et syndicats.

Si ce dysfonctionnement ne favorise pas la lisibilité des choix des élus, il encourage les financements croisés, complexifie et ralentit le processus de décision, entraîne souvent des surcoûts pour les collectivités locales pour, au final, ralentir l'efficacité de l'action publique et freiner du même coup la compétitivité de notre pays. Il n'est donc pas étonnant, dans ces conditions, que le besoin de réformes devienne criant sur le terrain pour rendre plus cohérente, plus lisible et plus efficace notre organisation territoriale. Je m'étonne d'ailleurs que les élus de l'opposition s'obstinent ici à ne pas reconnaître ce dysfonctionnement alors qu'ils le dénoncent dans leur circonscription aux électeurs qui les questionnent.

Après trente ans de décentralisation il est temps de mettre de l'ordre.

À ce titre, il est déroutant que l'État, pourtant responsable, garant de la cohérence et de la lisibilité de la décentralisation, n'ait pas pu, n'ait pas voulu ou n'ait tout simplement pas eu le courage de faciliter l'adaptation de nos structures territoriales et locales à leur nouvel environnement national, européen et mondial.

Aussi me permettrai-je de rendre hommage, aujourd'hui, au courage et à l'audace de notre Gouvernement qui refuse cette inaction et propose enfin cette véritable réforme tant attendue.

« Rénover la décentralisation pour renforcer la France » proclamait notre Premier Ministre au congrès des Maires des France à l'automne 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Marcon

De ce projet de loi, que mes collègues ont très longuement commenté, je voudrais retenir deux points essentiels, à commencer par le rapprochement entre la région et le département et non, comme on le dit trop souvent, de la disparition de l'un ou de l'autre.

Dans une vie antérieure, j'ai siégé simultanément au conseil régional et au conseil général – n'est-ce pas, monsieur le ministre de l'Intérieur ? Avec un oeil dans chaque collectivité, j'ai souvent pu constater que des projets, fruits de politiques différentes, pouvaient se concurrencer, que des discordances pouvaient apparaître dans l'instruction de dossiers identiques – m'occupant du tourisme à l'époque, je puis vous assurer que monter un dossier touristique relevait du parcours du combattant –, que des querelles stériles pouvaient opposer départements et région, que des dépenses pouvaient s'avérer inutiles et conduire à des résultats décevants, que les collectivités pouvaient se livrer à la compétition et à la concurrence.

Je me réjouis donc qu'aujourd'hui le Gouvernement nous propose d'apporter plus de cohérence et d'efficacité en organisant la complémentarité entre régions et départements comme entre communes et communautés de communes et qu'il confie aux mêmes élus – les nouveaux conseillers territoriaux – le soin d'organiser ce virage de la décentralisation.

Attention toutefois à leur laisser suffisamment de temps pour préparer leurs projets de schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services entre régions et départements – je déposerai un amendement en ce sens. Six mois, c'est en effet trop court pour organiser la réflexion sur la subdélégation et valider un texte aussi important.

Quant à l'installation des conseillers territoriaux chargés d'organiser l'action des collectivités territoriales, il importe qu'ils soient facilement identifiables sur le terrain et complètement légitimés – bien différents des conseillers régionaux actuels qu'on ne connaît pas souvent. Nous aurions même pu, pour éviter une assemblée régionale trop dense, ne retenir qu'une partie seulement des conseillers territoriaux pour siéger à la région comme cela se pratique dans les communautés de communes où seuls quelques conseillers municipaux sont délégués communautaires.

Mais l'essentiel n'est-il pas que les conseillers régionaux soient responsables devant les populations ainsi que les territoires qu'ils représentent ? C'est pourquoi, tout en étant conscient des aspects constitutionnels, je souhaite vivement que dans les départements faiblement peuplés, mais avec de vastes territoires à gérer, notamment en zone rurale et de montagne, l'on puisse compter suffisamment de conseillers territoriaux. Nous attendions des réponses précises, messieurs les ministres, jusqu'à la distribution de la liste qui nous a en partie rassurés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Marcon

Deuxième point fort : le renforcement de l'intercommunalité.

J'ai déjà applaudi, en son temps, la mise en place de l'intercommunalité dans notre pays, regrettant même que de nombreux élus de ma sensibilité politique aient freiné sa mise en oeuvre.

Comme maire, puis comme président de la première communauté de communes à fiscalité unique de mon département, j'ai toujours pensé que le développement des territoires les moins peuplés – souvent les plus fragiles – passait par la collaboration pleine et entière des collectivités locales.

Malgré les obstacles, les entraves de toute nature et le difficile apprentissage de l'esprit communautaire, le bilan est aujourd'hui plutôt positif, comme on peut particulièrement le constater dans les territoires où des élus motivés et soucieux de développer leur région ont été animés de l'envie très forte de mettre en oeuvre des projets et des services communs.

J'apprécie à cet égard que le projet de loi conforte l'intercommunalité en franchissant une nouvelle étape avec le schéma départemental de coopération intercommunale qui rationalisera les multiples structures intercommunales et évitera que se chevauchent les compétences et les périmètres. L'élection des délégués au suffrage universel responsabilisera encore davantage les élus et permettra d'assurer la parité entre les hommes et les femmes.

De nombreuses collectivités rurales craignent toutefois que le renforcement de l'intercommunalité, en limitant trop strictement les cofinancements, ne les prive de ressources suffisantes pour mettre en oeuvre quelques projets structurants dont elles devraient assurer entièrement le financement. Je pense au très haut débit, qui appelle un budget important, ou aux investissements culturels et touristiques : comment voulez-vous qu'un petit village de montagne puisse rénover son village de vacances dans de telles conditions ? Je proposerai donc des amendements pour que les crédits européens soient exclus de ce dispositif.

Cette réforme territoriale est un rendez vous historique à ne pas manquer.

Elle nécessite de la créativité pour organiser et articuler les relations des couples: communescommunautés de communes et régiondépartement.

Elle requiert surtout du courage car il eût été plus simple de ne rien faire.

En franchissant cette étape de modernisation, nous offrons à nos structures territoriales un nouvel élan de dynamisme pour affronter avec plus d'efficacité les défis de compétitivité auxquels notre pays doit faire face, tout en réduisant les inégalités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Nous arrivons au terme de cette discussion générale et puisque je suis l'un des derniers orateurs, je ne reviendrai pas sur les principales critiques que l'opposition a eu raison de formuler contre ce texte.

Je souhaite concentrer mon intervention sur les impacts concrets de ces attaques contre les collectivités territoriales, appliqués à un échelon local qui me tient particulièrement à coeur, celui du Val-de-Marne. Vous comprendrez cependant que cet exemple particulier illustre une réalité qui dépasse évidemment les contours de ce seul département, ainsi que l'a déjà exprimé l'association des départements de France.

Sachant par ailleurs que la réforme des collectivités territoriales s'inscrit dans la logique et la continuité de ces attaques, elle rencontre de fortes résistances dans notre département.

Ainsi le 20 mai dernier, 500 Val-de-marnais, dont de nombreux élus, se sont rendus à Matignon pour remettre au Premier Ministre les 40 000 cartes-pétitions signées autour du thème : « le Val-de-Marne, j'y tiens ».

Depuis plusieurs mois, nous assistons à une mobilisation sans précédent pour dénoncer le chapelet de mesures plus anti-démocratiques les unes que les autres visant à démanteler ces fondements démocratiques que représentent les collectivités territoriales, en particulier les départements : suppression de la taxe professionnelle, Grand Paris pour l'Île-de-France, redécoupage des circonscriptions et, évidemment, réforme des collectivités. Le Gouvernement n'a pas hésité à sortir l'artillerie lourde pour servir l'autoritarisme présidentiel : la concentration des pouvoirs et la casse des services publics.

Le 20 mai dernier, donc, Christian Favier, président du conseil général du Val-de-Marne, et l'ensemble de la délégation présente appelaient l'État à leur allouer des moyens financiers suffisants et à prendre des dispositions législatives afin que les départements puissent poursuivre leurs missions.

Car l'incertitude est grande, et les déclarations de Nicolas Sarkozy à la conférence sur les déficits publics, reprises par la suite par François Fillon, sur le gel en valeur des dotations de l'État aux collectivités ne contribuent pas à l'apaisement, bien au contraire ! Et puisque, apparemment, le Gouvernement peine à entendre les revendications des élus locaux et des populations, qu'il refuse d'ailleurs de recevoir, je vais, monsieur le ministre, vous les rappeler.

Elles s'articulent globalement autour de deux axes : les financements et la répartition des compétences.

Concernant les financements, nous nous trouvons déjà dans une situation très délicate, puisque le Val-de-Marne, comme la plupart des départements, souffre depuis des années du non respect des engagements de l'État en matière de compensation financière liée au transfert de compétences, principe pourtant constitutionnel.

Mon prédécesseur l'a dit, plutôt que de s'attaquer aux élus, la première des réformes à mettre en oeuvre serait d'obliger l'État à payer ses dettes via la compensation à l'euro près de toutes les prestations relevant de la solidarité nationale.

Le rapport Carrez-Thénault a d'ailleurs mis en avant le caractère structurel du problème du financement des collectivités locales avec, d'un côté, l'augmentation linéaire des coûts sociaux et, inversement, la baisse des compensations. Ainsi, dans le Val-de-Marne, pour la période 2004-2010, cela représente la somme astronomique de 500 millions d'euros.

Chers collègues, il faudra, au moment du vote de ce texte, que nous ayons à l'esprit cette considération car comment penser une réforme des collectivités locales efficace si l'État s'obstine à perpétuer l'étouffement financier des départements ? Et cette question demeurera quelle que soit la configuration des territoires issue de cette réforme.

Le deuxième point d'achoppement que j'évoquais plus en amont est la question de la répartition des compétences. Il est inacceptable que le Gouvernement demande aux députés d'entériner la fin de la clause de compétence générale pour les départements et les régions et renvoie à un texte futur la définition de la nouvelle architecture des domaines de compétence. En somme, nous sommes appelés à légiférer dans l'abstraction de lois futures dont on ignore encore la substance.

La seule certitude concerne le sport, le patrimoine et la création artistique qui resteront des compétences partagées. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant : le sport et la culture ont été les premiers budgets à être affectés par les coupes claires opérées par l'État auprès des collectivités. Et si ces domaines ne devaient dépendre que d'une seule collectivité, les résultats seraient dramatiques compte tenu du désengagement de l'État, comme l'a rappelé Patrick Bloche.

Dans le Val-de-Marne, le cas du MAC-VAL – musée d'art contemporain – est en ce sens très significatif. Son existence dans une ville populaire comme Vitry est directement menacée alors qu'il s'agit d'un musée dont la renommée n'a cessé de grandir au point qu'il a accueilli, cette année, des oeuvres du plasticien Luc Boltanski, à l'instar du Grand-Palais. Le conseil général a déjà été contraint de baisser ses subventions, menaçant par là la diffusion culturelle et les emplois du musée.

Plus généralement, le présent texte fait peser de lourdes incertitudes quant à la pérennité des projets départementaux en matière de transports, de politique familiale, d'économie, de jeunesse, de logement... et je pense plus particulièrement à l'accueil de la petite enfance – les crèches –, domaine dans lequel le Val-de-Marne est en tête de tous les départements de France.

L'article 35 du projet interdit à toute collectivité d'intervenir dans un domaine relevant d'une compétence qui ne lui est pas dévolue. L'introduction en commission, par le Gouvernement, d'un article 35 ter, vient aggraver cette disposition en limitant fortement les possibilités de cofinancement entre les départements, les communes et les EPCI et entre les régions et les conseils généraux. Rien n'est prévu pour l'intervention des départements dans des projets ne relevant pas de leur champ de compétence.

Dans un département comme le Val-de-Marne, où le conseil général mène une politique sociale, économique et culturelle volontariste, en adéquation avec les besoins d'une population issue majoritairement des couches populaires, la mise en oeuvre de ce texte signera l'arrêt de nombreux dispositifs qui pourtant ont démontré leur efficacité. En tant que maire et président de l'association des maires du Val-de-Marne, je mesure en permanence l'intérêt des projets co-élaborés, cofinancés par le département et les villes, mais aussi par la région et parfois aussi par l'État.

Vous appelez cela le millefeuille ; j'y vois pour ma part tout l'intérêt de ce qu'ont créé les lois de décentralisation. Et si l'on peut parfois regretter des retards, bien souvent, les collectivités territoriales ne sont pas en tort, au contraire de l'État qui, en général, revient sur ses engagements, ses financements et procède, par un certain nombre de mesures administratives, à la destruction des projets pourtant prévus. On a cité l'exemple de l'ANRU. Notre collègue Pupponi a parfaitement raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Je ne vois pas comment nous pourrons continuer à travailler dans le cadre d'une véritable politique de la ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

C'est pour lutter contre cet écueil que les députés communistes et républicains et du parti de gauche proposent une série d'amendements à l'article 35 visant à réintroduire dans le champ des compétences partagées le logement, les transports, l'environnement, le traitement des déchets, de l'eau, etc.

Le Val-de-Marne, et plus généralement l'ensemble des départements, davantage que de simples entités administratives, sont de véritables services publics. Nous nous opposons à leur démantèlement, c'est pourquoi nous voterons contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Richard Mallié, dernier orateur inscrit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Monsieur le président, messieurs les membres du Gouvernement, messieurs les rapporteurs, ce texte passionné et passionnant a été profondément modifié par le Sénat et partiellement en commission à l'Assemblée. Or qui dit partiellement ne dit pas forcément à la marge... Je m'attacherai essentiellement à la question des métropoles, prévue à l'article 5 du texte.

En commission des lois, le champ de compétences des métropoles a été élargi à l'échelon du département et de la région. En effet, on a fortement renforcé les compétences métropolitaines en lieu et place du département, et ce n'est pas une mauvaise chose. De plus, le transfert de plein droit des compétences économiques départementales interviendra désormais dès la création de la métropole et non plus après une procédure complexe. Les compétences métropolitaines à partir de la région ont également été renforcées avec, par exemple, les activités économiques du territoire concerné.

Pour avoir travaillé depuis quelques mois sur le sujet, je suis convaincu de l'intérêt de la métropole. Cependant, pour qu'elle soit efficace et qu'elle réponde à une demande des citoyens, il faut renforcer la proximité de l'action publique et non l'inverse. Il ne suffit pas de retirer des compétences aux communes et de créer une nouvelle entité en parallèle pour améliorer le rayonnement de nos grandes villes en Europe et dans le monde. Il faut au contraire conserver ce qui fonctionne et améliorer ce qui pourrait l'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

On souhaite doter notre pays de métropoles comme en possèdent l'Allemagne ou les Pays-Bas, mais à quel prix ? N'oublions pas que la France a une histoire qui a fait de la commune l'épicentre de la vie en société. Notre pays a besoin de cet échelon territorial comme élément fédérateur.

On nous dit que nos communes, dans les métropoles, ne seront ni dissoutes, ni mises en danger. Pourtant, trois mesures votées en commission permettent d'en douter. D'abord, la commission a prévu que la métropole serait associée de plein droit aux différents schémas et documents en matière d'aménagement et de transport qui la concernent.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Dans le même temps, on a supprimé la possibilité pour les conseils municipaux de donner leur avis sur un PLU arrêté par la métropole. En matière d'urbanisme, il faut que les maires continuent de détenir exclusivement ces notions de proximité et d'application de droit des sols.

Je trouve le dispositif prévu dommageable car nul ne connaît mieux son territoire que celui qui y vit et qui a été élu par ses habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Ensuite, il est très dangereux de confier la définition de l'intérêt métropolitain à la majorité simple du conseil de la métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

À partir du moment où une commune peut détenir seule la majorité des sièges au conseil, la décision doit être prise au minimum par une majorité qualifiée, voire par l'unanimité du conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

La définition de l'intérêt métropolitain correspond à un projet commun et nécessite l'accord de la grande majorité des membres du conseil de la métropole, des petites communes comme des grandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

N'oublions pas que derrière les conseillers métropolitains se trouvent des citoyens qui, eux aussi, ont leur mot à dire sur l'évolution de leur territoire.

Enfin, la métropole perçoit la taxe foncière sur les propriétés bâties à la place des communes. Cette mesure fragilise l'autonomie fiscale des communes et les place dans une situation de dépendance fiscale et politique vis-à-vis de la métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

C'est une situation vécue, mes chers collègues, qui me fait dire cela.

En ce début de siècle, les espaces de convivialité, d'entraide ont retrouvé un nouveau souffle. Nos compatriotes expriment au quotidien le besoin d'avoir un maire à qui se confier, un adjoint avec qui débattre, ou un conseiller municipal avec qui échanger.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Cette réalité existe dans le monde rural et rurbain, monsieur le ministre, et réapparaît aujourd'hui dans le tissu urbain. Grâce à leur travail et à leur proximité, les maires, partout en France, ont réussi à créer un lien social fort au fil des années, un lien qui n'a pas de prix.

Pour être concret, il est simple de déléguer le ramassage des déchets à une entité lointaine, à une administration inhumaine. Néanmoins, lorsqu'un problème se pose, seul le maire, proche de ses administrés, est capable d'être à l'écoute et de trouver une solution. Cela se vérifie chaque jour sur le terrain dans nos territoires.

Se regrouper pour être plus forts demain est une bonne chose, mais on doit le faire dans l'unanimité, et surtout pas au détriment des communes. Or le présent projet, en l'état, est le fruit de la technocratie tant décriée par les électeurs pour son éloignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Il ne se trouve aucun député de la majorité pour protester !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Qu'on ne me reproche pas d'être contre l'intercommunalité, messieurs les ministres,…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

…car, dès le 1er janvier 1994, la commune dont j'étais maire a créé la communauté du pays d'Aix avec cinq autres communes, toutes de sensibilité opposée à la mienne.

Pour toutes ces raisons, j'ai le regret de vous dire, messieurs les ministres, que si le projet de loi reste en l'état sur la partie relative aux métropoles, je ne le voterai pas, même si je dois voter de la même manière que ceux qui s'opposent à ce texte pour des raisons différentes des miennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la discussion générale est close. Il me semble utile de vous informer que nous avons battu un record historique depuis l'avènement de la Ve République : 122 orateurs se sont exprimés dans cette discussion générale…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

…pour une durée totale de dix-neuf heures et six minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de réforme des collectivités territoriales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma