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Séance en hémicycle du 30 novembre 2009 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la lutte contre la fracture numérique (nos 1857, 2012, 1952).

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mesdames, messieurs les députés, nous entamons la discussion d'un texte issu d'une initiative parlementaire, celle du sénateur Xavier Pintat.

Cette proposition de loi vise, d'une part, au déploiement des réseaux à très haut débit sur notre territoire et, d'autre part, au passage à la télévision tout numérique avant le 30 novembre 2011.

Je voudrais remercier la rapporteure de la commission des affaires économiques, Mme Laure de La Raudière, pour le travail effectué en commission,…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

…, ainsi que M. Jean-Jacques Gautier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, sans oublier naturellement le président de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, dont j'ai pu constater moi-même, le 4 novembre, l'habileté et l'efficacité avec lesquelles il a mené les travaux.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Les travaux en commission ont permis d'enrichir considérablement la proposition de loi, à tel point que c'est un texte différent, renouvelé, qui vous est présenté aujourd'hui.

Les réseaux à très haut débit sont véritablement devenus un défi pour le maintien de la compétitivité de nos entreprises, comme pour le rayonnement de notre culture. C'est un enjeu industriel majeur pour la France, dont le déploiement exigera plusieurs milliards d'euros d'investissements. L'État est conscient du défi que représente le déploiement de ces réseaux dans les zones rurales ; l'examen de ce texte est une première réponse.

La loi de modernisation de l'économie, discutée ici même il y a un peu plus d'un an, a défini le cadre de développement de ces réseaux. Nous nous attachons dès lors à le mettre en oeuvre et les schémas directeurs, tels qu'ils sont proposés dans le présent texte, seront à cet égard un outil essentiel.

Le premier enjeu, mesdames, messieurs les députés, est de libérer les investissements privés. La proposition de loi prévoit plusieurs mesures pour compléter le cadre législatif dans les zones très denses. Le Gouvernement y est bien entendu favorable et nous aurons l'occasion d'en débattre une fois encore.

Au-delà des zones très denses, les différents acteurs – publics et privés – vont être amenés à coopérer, afin de mutualiser les investissements et d'éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité. La proposition de loi prévoit ainsi plusieurs dispositions visant à accélérer le déploiement des réseaux en fibre optique dans les zones les moins denses de notre territoire.

Je pense à la possibilité pour les collectivités locales – simple possibilité, je le répète, nous aurons certainement l'occasion d'en reparler au cours de ce débat – de devenir investisseur minoritaire dans les réseaux, ou à la mise en oeuvre d'un fonds d'aménagement numérique des territoires. Ces sujets ont déjà fait l'objet de discussions au Sénat.

Il s'agit là d'anticiper l'avenir et d'éviter qu'une nouvelle fracture numérique ne se développe – l'expression figure d'ailleurs dans la proposition de loi initiale. L'enjeu de notre discussion d'aujourd'hui sera de trouver un juste équilibre entre cette nécessaire anticipation et la coordination entre les fonds publics et les fonds privés.

Il existe sur le sujet une actualité récente, puisque, parmi les recommandations de la commission sur le grand emprunt, figure l'idée de réserver 2 milliards d'euros pour le très haut débit. Ces recommandations visent justement à rendre complémentaires l'investissement privé et l'investissement public. C'est là un pas décisif vers la mise en place d'un programme national pour le très haut débit, que la proposition de loi permettra de concrétiser. Ainsi, le programme sera complet.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les députés, le passage à la télévision tout numérique permettra de libérer des fréquences de bonne qualité, dites « fréquences en or » ; c'est ce qu'on appelle le « dividende numérique », qui permettra, notamment pour les zones les plus reculées, de développer des services à très haut débit.

Voilà qui m'amène au second point de mon propos, consacré au passage à la télévision tout numérique terrestre. En effet, le texte issu de la commission – ce n'était pas forcément le projet initial du sénateur Xavier Pintat – aborde les enjeux structurants de la télévision numérique terrestre, dans le cadre de l'extinction de la télévision analogique sur tout le territoire avant le 30 novembre 2011. À cette date, 100 % des foyers recevront la TNT ; le Gouvernement y veillera.

Le passage à la TNT, mesdames, messieurs les députés, n'a, vous le savez, rien d'anodin. C'est un enjeu de société, qui touche tous les Français. Chacun d'entre nous aura accès demain à dix-huit chaînes gratuites, en haute définition, et pourra en outre bénéficier de nouveaux services numériques.

La réussite de ce programme est une bataille décisive dans le combat résolu que nous menons contre la fracture numérique, en raison de son objet même, mais aussi des fréquences qu'il libère. Pour remporter cette bataille et concrétiser le dividende numérique, il nous faut d'abord accompagner et informer tous les foyers, en premier lieu les plus défavorisés et les publics sensibles, dans le cadre du programme de basculement progressif et régional que nous avons adopté.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

C'est tout l'objet du programme national d'accompagnement que le Gouvernement a mis en place pour tous les Français, en y consacrant 277 millions d'euros, dont 40 millions qui ont été rajoutés dès le mois de juillet, à la suite des débats intervenus au Sénat lors de l'examen du présent texte.

Nous disposons donc déjà en la matière d'un dispositif assez complet, qui prend en considération les enjeux humains et sociaux, tient compte de la diversité des territoires et met en oeuvre un accompagnement financier approprié.

L'enjeu, encore une fois, est de taille, et les députés l'ont démontré lors des travaux en commission. Le 21 octobre dernier, fort des enseignements des premières expériences pilotes du passage à la TNT, le Premier ministre a souhaité renforcer le dispositif national d'accompagnement en le complétant d'un certain nombre de mesures.

J'ai donné, avec vous, une première réalité à ces mesures en proposant de les inscrire sans délai dans cette proposition de loi, le 4 novembre, lors de son examen en commission des affaires économiques – son président et sa rapporteure doivent s'en souvenir.

Que vont-elles changer, ces mesures ? D'abord, elles vont permettre d'améliorer la couverture hertzienne, c'est-à-dire la réception par l'antenne râteau de la télévision numérique, grâce à une augmentation raisonnée de la puissance des émetteurs. Les effets n'en seront pas négligeables, puisque le taux de couverture moyen devrait progresser de 1,6 %. Il s'agit là d'une moyenne nationale : dans certains départements – justement ceux dans lesquels le basculement vers la TNT était le plus délicat –, ce sont jusqu'à 4 ou 5 % de la population qui verront leur couverture améliorée.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Ensuite, tous les foyers situés en zone d'ombre de la réception hertzienne, c'est-à-dire ceux qui ne bénéficieraient pas de la réception de la télévision numérique par l'antenne râteau, alors qu'ils recevaient la télévision analogique – se verront octroyer une aide pour accéder à la télévision numérique, notamment par le satellite. C'est un effort financier conséquent, qui représentera 56 millions d'euros supplémentaires, à rajouter aux 40 millions dont j'ai déjà parlé. Au total, ce sont donc environ 100 millions d'euros qui seront consacrés à accompagner ces foyers qui recevaient la télévision analogique par l'antenne râteau et qui, ne pouvant plus capter la télévision numérique par ce procédé, devront s'équiper d'une parabole. Nous demanderons aux chaînes de participer à ce nouvel effort, comme le réclamaient à juste titre de nombreux élus.

Dans cette zone d'ombre, certaines collectivités – quelques-unes d'entre elles ont déjà fait part de ce souhait – veulent maintenir la diffusion hertzienne, parfois pour un nombre limité de foyers. C'est là un choix qui leur appartient. L'État accompagnera financièrement les élus de ces collectivités dans cette démarche d'investissement, en tenant compte des aides qu'il aurait accordées aux foyers ayant préféré s'équiper d'une parabole.

L'examen du présent texte sera l'occasion d'envisager avec vous de nouvelles mesures complémentaires. Je pense en particulier à la création de commissions territoriales pour la TNT, qui réuniront les élus, le groupement d'intérêt public et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, afin de s'assurer que le passage au tout numérique se fasse dans des conditions d'équité territoriale.

Ces mesures, enfin – il faut le signaler – ont toutes été déjà testées dans le Nord-Cotentin, où la troisième et dernière opération pilote de passage au tout numérique vient de s'achever. C'était au cours de la nuit du match France-Irlande. Les résultats sont très positifs – et je ne parle pas du match ! (Sourires.)

Tout a été fait pour réduire au maximum le risque d'écran noir et associer les élus à cette transition pleine de promesses. Un dispositif d'accompagnement spécifique a été mis en place après l'arrêt, afin d'aider les derniers foyers du Nord-Cotentin qui ne se seraient pas équipés à temps à rattraper le train.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

J'espère que cela ne vaudra pas pour les résidences secondaires !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Les enseignements que nous tirerons de cette expérience pilote nous permettront d'enrichir notre dispositif en vue du passage au tout numérique de l'Alsace le 2 février prochain.

La fracture numérique, mesdames et messieurs les députés, ce n'est pas une fatalité. L'écran noir ne l'est pas davantage. Nous devons accompagner nos concitoyens et les collectivités dans cette transformation qui va leur offrir des services nouveaux. C'est là notre engagement et l'objectif qui sous-tend cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'était quand même un discours en compression numérique ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à Mme Laure de La Raudière, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, vous le savez tous : nous sommes seulement au début de la révolution numérique.

Les impacts des services numériques sur notre société se mesurent déjà, mais ceux-ci n'ont pas encore révolutionné notre société. Le numérique, pourtant, est bien une révolution. Lors du séminaire stratégique intitulé « Numérique : investir aujourd'hui pour la croissance de demain », que vous avez organisé, madame la secrétaire d'État, le 10 septembre dernier, de nombreux intervenants, parmi lesquels le Premier ministre, l'ont rappelé : le numérique est une révolution technologique et industrielle, mais c'est aussi une révolution sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Cette révolution numérique a déjà des impacts sur notre façon de communiquer ou de travailler ; elle changera en profondeur notre façon de nous former, ou encore de nous soigner. De même, elle transforme totalement notre modèle économique et nos systèmes de production.

Ce n'est pas seulement une affaire d'infrastructures – une affaire de réseaux, de tuyaux, de faisceaux hertziens, dont nous allons beaucoup parler tout à l'heure. C'est l'ensemble de la société qui est concernée : création, formation, production, distribution, communication, administration. Tous les secteurs sont concernés.

Ce sont là autant d'occasions porteuses de croissance, que la France doit saisir. En Europe, dès aujourd'hui, le numérique est la source d'un quart de la croissance ; il compte pour 40 % des gains de productivité. Le fait est connu : notre pays n'exploite pas assez ce gisement de croissance. Je me réjouis des annonces de la commission du grand emprunt, qui propose d'affecter 4 milliards d'euros à l'économie numérique.

Nul ne doit être exclu des bénéfices du numérique. C'est une question d'équité : équité territoriale, qui va être l'objet principal de nos débats aujourd'hui, mais aussi équité sociale, dont je voudrais dire un mot.

Aujourd'hui, la France a plus que rattrapé son retard en matière d'accès à l'internet haut débit, puisque nous avons une offre parmi les plus performantes au monde : 66 % des Français sont connectés à l'internet haut débit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

C'est vrai.

Pour les 2 % des Français qui ne peuvent pas bénéficier d'un accès ADSL, les récentes offres satellitaires présentent un solution alternative intéressante pour que chaque Français puisse bénéficier d'une solution d'accès au haut débit.

La fracture se situe plutôt aujourd'hui entre celui qui sait, qui est initié, qui a aussi les possibilités de s'équiper et de s'abonner, et celui qui ne sait pas, qui n'est pas formé ou encore qui n'a pas suffisamment les moyens de s'équiper.

Cette fracture sociale doit être combattue avec la même vigueur que la précédente. Il ne sera pas possible que certains restent exclus des progrès, et du fonctionnement numérique de la société de demain. Je tiens ici à saluer les initiatives du Gouvernement, relayé par certaines collectivités, concernant la mise en place des établissements publics numériques, les écoles numériques rurales, ou encore les facilités accordées aux entreprises pour recycler leurs ordinateurs amortis et en faire don à des associations. Ces actions doivent nous inciter à poursuivre les investissements, pour que chacun de nos concitoyens s'approprie ces outils et qu'aucun ne soit exclu de cette évolution de notre société.

Le numérique apporte l'accès au savoir pour tous, partout ; il permet le libre échange, facilite les contacts, les échanges de tous et en tout genre. Il est un support à la vie associative, au développement économique, au développement du commerce, aux échanges internationaux, à l'innovation. Mais il permet aussi à des pratiques moins honnêtes, voire criminelles, de se développer.

Nous en sommes tous conscients ; et, tout en prônant le développement des usages du numérique, nous devons aussi nous préoccuper de trouver des équilibres nouveaux entre bonnes pratiques et mauvaises pratiques. Nous devons nous interroger sur la conservation des données personnelles et sur le droit à l'oubli, comme vous l'avez fait, madame la secrétaire d'État ; nous devons réfléchir à la protection de la création artistique, à la valeur de l'information toujours plus diffuse et instantanée, à la sécurité des réseaux et systèmes, et aussi à la sécurité des Français. Le numérique est aussi un véritable facteur de progrès humain, dans le sens où il permet une nouvelle et véritable communication entre le plus grand nombre. C'est un formidable facteur de démocratie.

Nous allons étudier aujourd'hui une proposition de loi de notre collègue sénateur Xavier Pintat, visant à lutter contre la fracture numérique. Elle aborde deux sujets distincts : le passage à la télévision numérique d'ici au 30 novembre 2011 et le développement du très haut débit pour tous.

Sur ces deux sujets, il me semble important de viser un même objectif : celui de l'équité territoriale et sociale. Il nous faut offrir les mêmes services – qu'il s'agisse de télévision numérique ou d'accès à internet très haut débit – de façon coordonnée, sur l'ensemble du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Concernant la télévision numérique, nous sommes tous conscients ici d'une part des différences de couverture entre la diffusion analogique et la diffusion numérique– ceci étant dû à la caractéristique du signal numérique, qui diffuse moins bien que l'analogique –, et d'autre part des différences de couverture entre les départements – ceci étant dû à différents facteurs topographiques. C'est vrai, cher Jean Dionis du Séjour, qu'il y a une différence entre le Lot-et-Garonne, où la couverture prévue est de 78,7 % et Paris, couvert à 100 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Nous en avons longuement débattu lors de la réunion de notre commission : allumer d'autres émetteurs que ceux prévus par le CSA n'est pas la meilleure solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Maintenir l'ensemble des émetteurs analogiques existants et les passer en numérique ne procurerait que 0,3 % de gain de couverture de la population.

La question de la couverture est un sujet crucial ; c'est un enjeu important pour tous les territoires ruraux et de montagne. Nous ne souhaitons pas que les territoires les moins bien couverts, du fait de leur moindre densité ou du caractère accidenté de leur géographie, soient pénalisés : nous avons souhaité que cette population soit accompagnée financièrement pour le passage à la solution alternative qu'offre le satellite, dont l'installation – vous le savez bien, mes chers collègues – est plus chère que celle d'un simple émetteur TNT.

Je tiens à saluer la façon dont monsieur le président de la commission des affaires économiques a conduit les travaux de la commission : sa décision de suspendre la séance de la commission nous a permis de prendre le temps de travailler avec les différents acteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Je tiens aussi à saluer le Gouvernement, et tout particulièrement vous, madame la secrétaire d'État, qui avez su tout d'abord écouter des députés ruraux et montagnards, et ensuite agir pour trouver les bonnes solutions.

La commission a donc adopté plusieurs amendements du Gouvernement, qui permettent notamment d'ouvrir un fonds d'aide à tous ceux qui ne recevraient pas la télévision numérique par la voie hertzienne, sans conditions de ressources. C'était une grande attente de tous les députés ruraux et montagnards.

Vous avez aussi permis que le CSA fixe la puissance d'émission des antennes, et qu'il puisse la doubler afin d'améliorer la couverture de la télévision numérique par voie hertzienne. C'est de loin la solution la meilleure pour gagner en couverture : ainsi, dans les vingt départements les moins bien couverts, le gain dû au doublement de la puissance représente en moyenne 4 % de couverture de la population en plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Je suis convaincue que la réussite du passage à la télévision numérique pour tous passe par un bon accompagnement pédagogique, en particulier pour les personnes de plus de soixante-cinq ans. C'est l'analyse que l'on peut faire du passage au tout-numérique de Cherbourg et de ses alentours : ces étapes de communication, d'information et ensuite d'assistance sont les étapes-clés du succès. Il faut également un bon accompagnement financier : ce sont les dispositions qui ont été votées en commission.

Je ne doute pas de la réussite du passage à la télévision numérique, porteuse de progrès : nouvelles chaînes, diversité des programmes, meilleure qualité.

Mes chers collègues, il serait très dommageable pour les Français que nous ne respections pas le plan de déploiement prévu, région par région, par le CSA, et qui doit se terminer le 30 novembre 2011. En effet, comme vous le savez, le passage au tout-numérique va libérer des fréquences dites « en or », c'est-à-dire ayant des propriétés de diffusion particulièrement intéressantes pour la couverture du territoire. Cela fait naturellement le lien avec la seconde partie du texte, qui concerne l'augmentation des débits et le déploiement du très haut débit. Ces fréquences « en or » permettront en particulier la mise en place de réseaux mobiles à très haut débit, qui constituent dans certains secteurs une véritable alternative au déploiement de la fibre optique.

Saluons ici l'initiative du sénateur Pintat et l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de nos assemblées. Les enjeux sont majeurs : si nous n'y prenons garde, la fracture numérique du très haut débit sera plus importante encore que celle du haut débit, que nous avons vécue et vivons encore dans certains endroits.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Nous devons prévoir un développement coordonné du très haut débit sur l'ensemble du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Nous devons nous fixer l'objectif de remplacer, pour tous les Français, le réseau cuivre par le réseau fibre optique. Mais soyons réalistes : cet objectif n'est pas réalisable en une seule étape. Toutes les solutions alternatives, existantes ou à venir, doivent être étudiées en fonction de la spécificité de chaque parcelle de terre ou de montagne française. C'est ce que permet l'élaboration des schémas directeurs territoriaux prévus par la proposition de loi du sénateur Pintat.

Cela me paraît une excellente initiative, propre à optimiser l'utilisation des fonds publics, et à permettre la coordination avec les acteurs privés sur les territoires les moins denses – soit les zones 2 et 3 définies par l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Je souhaite d'ailleurs vivement que le déploiement dans les zones 2 et 3 de l'ARCEP se fasse de façon concomitante, quitte à utiliser des technologies différentes, mais en étant ainsi certains de ne laisser personne au bord du chemin du très haut débit.

C'est clair : la volonté politique est là. Nous souhaitons vivement, madame la secrétaire d'État, que ce fonds d'aménagement du territoire que crée la loi soit abondé. Le grand emprunt est une piste : nous souhaitons vraiment que vous insistiez pour que le Gouvernement s'y engage.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Le déploiement rapide du très haut débit en France renforcera notre compétitivité sur le plan européen, voire mondial. C'est une occasion à ne pas manquer. Notre pays peut ainsi devenir le lieu d'épanouissement des nouvelles technologies numériques, consommatrices de vidéo et d'image, porteuses d'innovation, créatrices d'emplois. Nous avons ces talents. Sachons leur donner les moyens de s'épanouir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, saisie pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles et de l'éducation a été saisie pour avis sur le titre premier de cette proposition de loi de lutte contre la fracture numérique, qui concerne le passage à la télévision numérique.

Cette révolution numérique – car il s'agit bien d'une révolution, tant pour notre économie que pour notre société – a en effet deux enjeux, liés, et tous deux d'actualité.

Il y a va en effet de la couverture de nos territoires, non seulement pour la télévision numérique – notamment la TNT, je fais volontairement le distinguo…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

… mais encore pour le haut débit et le très haut débit.

Ce sont deux enjeux d'actualité : le basculement de l'analogique vers le numérique a déjà commencé, et s'achèvera, comme vous le savez, le 30 novembre 2011. Ils sont liés, car ils posent la même question : celle de l'équité sur nos territoires, autrement dit, pour paraphraser La Fontaine, de l'internet des villes et de l'internet des champs. (Sourires.) Je sais que beaucoup ici y sont sensibles.

En raison de la libération des fréquences entraînée par le passage de l'analogique au numérique, comme Mme la rapporteure le rappelait, ce basculement nous ouvre de nouveaux horizons – le numérique consomme en effet six fois moins de fréquences. Les fréquences libérées deviennent en effet disponibles pour le futur réseau mobile de quatrième génération, véritable alternative à la fibre optique, ce qui permettra bien sûr d'améliorer la couverture de nos territoires ruraux en haut débit et en très haut débit.

Vous l'avez compris : plus vite on passera à la TNT, plus vite on libérera les fréquences, plus vite on mettra en place le réseau mobile de quatrième génération, et plus vite on améliorera la couverture en haut débit et très haut débit de nos territoires – notamment de nos territoires ruraux.

Si la TNT est un progrès, c'est aussi un succès, en termes de couverture du territoire, en termes d'équipement des ménages, en termes d'audience : le taux de couverture atteint 88 % et près de 70 % des ménages sont équipés. Les nouvelles chaînes de la TNT gagnent des parts de marchés : plus de 15 % en quelques mois.

Cependant, la télévision numérique suscite encore, ne le nions pas, quelques interrogations chez les élus, et a fortiori chez les citoyens. La première de ces questions, la plus prégnante, celle qui est revenue avec insistance lors de nos auditions, c'est la peur de l'écran noir : d'où la nécessité d'informer, d'aider, d'expliquer. Il faut le redire : tout le monde pourra recevoir gratuitement la télévision numérique ; 100 % de la population – ce chiffre est inscrit dans la loi – aura accès au numérique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Il n'y aura donc ni écran noir ni zone blanche. Il y aura simplement des façons différentes de recevoir la télévision numérique. Le terme de TNT est d'ailleurs trompeur : il sous-entend télévision hertzienne, avec antenne râteau. Ceci est réducteur : si la voie hertzienne est prédominante – plus de 95 % –, elle ne saurait être unique ; il faut ajouter l'ADSL, le câble, et le satellite. Cela nous permettra d'achever la couverture de notre territoire par la télévision numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Mais où ce chiffre de 100 % est-il écrit ? Car il importe que le rapporteur soit précis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Il faut d'ailleurs rappeler que la qualité est toujours très bonne quelles que soient les technologies, et parfois même meilleure par le satellite. Car, monsieur Brottes, vous le savez : la bande passante est plus large.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous sommes d'accord là-dessus ! Mais ce chiffre de 100 %, où est-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Cela nous permet d'ailleurs recevoir plusieurs chaînes, et un bouquet satellitaire parfois plus important que celui de certains relais anciens, desservant une population très faible, où l'on a uniquement quelques chaînes historiques.

La seconde interrogation, liée à la première, a trait à l'objectif fixé par le Premier ministre d'équiper au moins 1 626 sites d'émission en numérique. Certains voudraient davantage. Il faut faire attention à ne pas sanctuariser une seule technologie : le paysage a changé, les technologies ont évolué et se sont diversifiées. Ne confondons pas télévision numérique et télévision numérique terrestre.

Installer des centaines d'antennes supplémentaires serait, à n'en pas douter, peu efficace : le gain de couverture est estimé à 0,3 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Ce serait en outre très onéreux : 10 000 euros, voire 20 000 euros, chaque année, à comparer aux 250 euros payés pour une parabole, une bonne fois pour toutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ne dites pas cela, tout dépend du nombre de gens intéressés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Qui plus, cela induirait un retard dans le calendrier, autrement dit dans la perception du dividende numérique et la mise en place du réseau de quatrième génération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Le service enfin ne serait pas forcément au rendez-vous, puisque le nombre de chaînes est parfois inférieur à celui offert par le bouquet satellitaire.

S'il ne me paraît pas bon de multiplier indéfiniment les émetteurs, je crois qu'il serait utile d'augmenter la puissance, d'autant que nous avons de la marge puisque la puissance nécessaire à la transmission du numérique est dix fois inférieure à la puissance qu'exige l'analogique. On peut donc doubler la puissance tout en réduisant l'exposition aux ondes électromagnétiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je vous prie de conclure, monsieur le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Enfin, la réception par satellite permettra d'achever la carte et la couverture numérique sans frais pour nos concitoyens, car le Premier ministre a annoncé une aide à l'équipement, d'une part, des foyers les plus modestes, conformément aux dispositions de l'article 102 de la loi de mars 2007, d'autre part, de tous ceux qui sont situés en zone d'ombre et qui donc ne pourraient pas recevoir la télévision en numérique, à hauteur de 250 euros par parabole. Ainsi, mes chers collègues, la TNT deviendra non seulement la télévision numérique terrestre mais surtout la télé numérique pour tous.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis approuve l'esprit de ces articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique arrive aujourd'hui en discussion en séance après quelques rebondissements. En tant que président de commission, je souhaite être entièrement transparent sur ce point.

Lorsque nous avons commencé à examiner ce texte en commission, il n'existait pas, c'est vrai, de consensus sur son adoption, ni avec l'opposition ni même, à un certain moment, au sein de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Un énorme quiproquo est né, à la suite de la divulgation par un opérateur de documents contenant de fausses informations. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

La perspicacité du ministre Mercier était, elle aussi, remarquable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il n'y avait pas de quiproquo, seulement un projet mal conçu !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Ce quiproquo a suscité des réactions d'inquiétudes, parfaitement légitimes, de la part des élus des territoires les plus sensibles – je vois que M. Descoeur, qui est un des responsables des élus de la montagne, approuve, M. Brottes le sait aussi. Ayant été, pendant quinze ans, député de la montagne, je sais ce que peuvent ressentir les populations de ces territoires fragiles. Lorsque l'inquiétude les gagne, elles réagissent, c'est légitime, de manière brutale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il n'y a pas que la montagne, la vallée aussi a réagi !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

En effet, dans le Lot-et-Garonne également, monsieur Dionis du Séjour.

Pour la première fois depuis que j'ai l'honneur de présider la commission des affaires économiques, j'ai suspendu les travaux de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je l'ai fait parce que j'ai estimé que ce quiproquo ne pouvait pas perdurer : il nous aurait entraîné dans une situation d'incompréhension qui aurait à coup sûr porté tort à la finalité de l'action que souhaite conduire le Gouvernement.

Nous avons donc suspendu la discussion des articles…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

À la demande du groupe socialiste, c'est dans le compte rendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Bien que président de la commission, j'appartiens tout de même à la majorité, monsieur Brottes.

Nous avons auditionné le CSA et l'ARCEP. Une clarification a ainsi été obtenue et je tiens sur ce point à vous rendre hommage, madame la secrétaire d'État. Alors que nous nous étions tournés vers vous, vous avez apporté, avec une grande compétence et autorité, les clarifications que nous attendions. Je vous en remercie au nom de la commission. Ces éclairages nous ont permis, grâce à l'excellent travail de la rapporteure, Laure de La Raudière, à qui je tiens à rendre hommage…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

…de lever une à une toutes les appréhensions que les uns et les autres pouviez avoir.

L'évolution substantielle de la position du Gouvernement sur la question de la TNT est donc probablement due, d'une part, à la fermeté de tous les membres de la commission des affaires économiques, d'autre part, à votre détermination, madame la secrétaire d'État, à faire entendre la voix de ceux qui légitimement posaient ces questions. La réunion à Matignon autour du Premier ministre m'a permis de dire ce que je pensais de tout cela, mais également de vous entendre, madame, défendre avec beaucoup d'autorité ces territoires en essayant de faire valoir des avancées essentielles pour emporter l'adhésion de toutes et tous ici. Cela a été extrêmement positif.

L'arbitrage rendu par le Premier ministre règle pour l'essentiel, les rapporteurs l'ont souligné, les problèmes soulevés.

Premièrement, il n'y aura pas d'écran noir et si d'aventure il devait y en avoir, les frais d'acquisition de paraboles pour les foyers éventuellement menacés seraient pris en charge – cela représente 90 millions d'euros, ce qui n'est pas rien.

Deuxièmement, vous avez pris des engagements très forts non pas sur l'installation de nouveaux relais, mais sur le renforcement de la puissance des émetteurs. Cela aussi a un coût et je rends hommage au Gouvernement d'avoir accepté d'engager ces dépenses pour assurer à l'ensemble des zones, notamment des zones de montagne, mais également, monsieur Dionis du Séjour, des zones de plaine qui viendraient à ne pas être couvertes, la couverture maximale.

Troisièmement, une aide financière est prévue pour les collectivités locales qui pourraient éventuellement installer des émetteurs supplémentaires, qui n'est pas négligeable non plus.

Ces éléments mettent un terme, je crois, au questionnement des uns et des autres. Ainsi, nous avons pu reprendre sereinement les travaux de la commission – je vois M. Villaumé qui approuve.

La difficulté venait en partie du caractère composite de ce texte. La proposition initiale de M. Xavier Pintat avait pour objet d'assurer le déploiement équitable des réseaux de communications électroniques très haut débit, notamment en fibre optique, à travers une taxe sur les opérateurs qui aurait abondé un fonds de péréquation. Madame la rapporteure l'a signalé, le fonds est resté, mais la taxe est partie.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Pourriez-vous envisager de conclure, s'il vous plaît, monsieur Ollier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je vais conclure, madame la présidente.

En attendant que soit arrêté l'usage des fonds que le grand emprunt permettra de lever, je sais que vous vous battez, madame la secrétaire d'État, pour obtenir une partie de ces fonds et vous pouvez compter sur nous pour vous aider à emporter la décision le moment venu.

Je suis heureux que nous puissions voter ce texte aujourd'hui. Il était urgent de le faire, maintenant que toutes les inquiétudes sont levées, si nous voulons que, dès le début de l'année prochaine, comme vous l'avez fort bien dit, les basculements vers la TNT, notamment, monsieur Herth, pour la région Alsace, puissent être mis en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

L'Alsace, la seule région où on ne travaille pas le dimanche !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Tout temps perdu serait regrettable pour l'ensemble du territoire national.

Je crois, mes chers collègues, que la commission des affaires économiques a fait oeuvre utile en matière d'aménagement du territoire et de prise en compte des zones fragiles et sensibles, et cela en grande partie grâce à vous, madame la secrétaire d'État, et je tenais à vous en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Corinne Erhel.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique arrive dans l'hémicycle.

Après avoir été votée rapidement au Sénat, au beau milieu de l'été, cette proposition de loi a connu un destin beaucoup moins paisible, pour la bonne cause, à l'Assemblée nationale.

Le texte initial du sénateur Pintat a été profondément modifié afin d'intégrer des dispositions relatives à l'extinction de la télévision analogique, le Gouvernement souhaitant sécuriser les décisions du CSA en la matière.

La couverture en télévision numérique a donc fait l'objet d'une attention toute particulière, des députés s'interrogeant sur les conséquences des arbitrages du CSA.

L'objectif n'est en effet pas la couverture totale de la population, mais seulement une couverture dite minimale qui en dit long sur la manière dont les arbitrages ont été rendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'une telle rédaction signifie que les critères économiques des chaînes de télévision ont été préférés à l'objectif d'intérêt général, pourtant évident, à savoir assurer la continuité du service.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Le Gouvernement, la majorité et le CSA nous répondent tout d'abord que les chaînes de télévision se trouvent dans une situation économique délicate.

À ce stade, il importe de rappeler que les chaînes de télévision, du moins certaines, vont, au bout du compte, réaliser des économies substantielles grâce au passage au numérique. Le nombre d'émetteurs à leur charge sera divisé par deux puisqu'ils passent de 3 500 sites analogiques contre 1 626 émetteurs numérisés. Le coût annuel d'entretien d'un seul de ces émetteurs sera par ailleurs bien inférieur à celui d'un de ces prédécesseurs analogiques. TF1 par exemple réalisera une économie annuelle considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

L'argument de la situation économique des chaînes ne tient donc pas.

S'agissant des aides conçues pour venir en aide aux foyers privés de télévision, le dispositif soulève plusieurs remarques – même si, dans son principe, c'est une bonne chose, nous en sommes d'accord.

Tout d'abord, les dotations et les contours du fonds n'ont cessé d'évoluer au fil de l'examen du texte, ce qui en dit long sur le flou entourant les estimations quant au nombre exact de foyers qui se retrouveront sans télévision. Initialement doté de 40 millions, le fonds d'aide à la parabole sera finalement doté de 96 millions d'euros alors qu'un équipement satellitaire coûterait, Mme la rapporteure l'indique dans son rapport, environ 250 euros.

La question de l'estimation du nombre de foyers qui se retrouveront dans cette situation est donc essentielle. Les débats et auditions menés en commission, grâce notamment à François Brottes, ont révélé les difficultés du régulateur à estimer ce chiffre.

Face aux estimations contradictoires du futur taux de couverture en TNT, le Gouvernement s'en est ouvertement pris à une société, TDF pour ne pas la nommer, accusant cette société d'agiter le chiffon rouge de l'écran noir. (Sourires.)

Or c'est bien, convenons-en, suite à la communication de ces chiffres par TDF que le Gouvernement a enjoint le CSA à préciser ses estimations et à proposer des solutions, comme l'augmentation de la puissance des émetteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Tout à fait.

Le Gouvernement critique donc sévèrement une société qui alerte les parlementaires sur des questions essentielles alors que cette même société est encouragée à investir dans un autre dossier extrêmement important qui peine à avancer, la télévision mobile personnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

La diffusion analogique couvre aujourd'hui 98 à 99 % de la population. Il est inconcevable, pour nous, que les objectifs de couverture numérique – 95 % de la population et 91 % de la population de chaque département – soient aussi éloignés de l'actuelle couverture analogique du territoire.

Malgré la solution d'augmentation de la puissance des émetteurs proposée par le CSA, le risque de fracture entre les territoires existe : même après l'optimisation des puissances, quatorze départements resteront en deçà du seuil minimal de 91 % de couverture et plus de vingt départements atteindront ce seuil sans pour autant parvenir à l'objectif de 95 % fixé au niveau national.

La distinction entre les chaînes historiques et les chaînes dites nouvelles doit également être prise en considération. Leurs acteurs n'ont pas les mêmes obligations de couverture et il est probable qu'un grand nombre de Français ne pourront accéder aux dix-huit chaînes de la TNT, alors même que leur nombre a été présenté comme le principal progrès de la TNT.

Le Gouvernement et la majorité minimisent les écarts de couverture en présentant le recours aux équipements satellitaires comme solution de substitution. Nous aurions préféré que d'autres pistes soient examinées. C'est pourquoi, malgré certaines avancées, nous exprimons certaines réserves à l'égard de cette partie du texte, à propos de laquelle je ne partage pas le point de vue de M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Elle suscite en effet plusieurs interrogations et ne règle pas tous les problèmes. Disposons-nous d'informations assez précises pour identifier le meilleur équilibre entre le nombre d'émetteurs à numériser et les ressources du fonds d'aide à l'équipement ? Autrement dit, l'arbitrage entre les obligations des chaînes de télévision et les voeux de la population est-il conforme à l'intérêt général ?

De plus, la transition vers la télévision numérique terrestre a-t-elle été suffisamment étudiée au niveau local ? Malgré certains efforts de communication, le fait que les dispositions découlent de négociations entre le CSA, qui, à ma connaissance, ne dispose pratiquement pas d'antenne dans nos territoires, et de chaînes pour la plupart parisiennes ne peut que renforcer notre appréhension.

L'ajout de réémetteurs hertziens numérisés serait justifiable si l'on avait pris de temps de procéder à un examen approfondi des situations locales en vue de bénéficier d'un soutien financier de l'État. Cela aurait permis, convenons-en, de limiter les nuisances visuelles, notamment dans l'habitat groupé.

Le sentiment d'impréparation a été conforté par l'intégration de la section relative à la TNT dans un texte initialement prévu pour répondre aux défis du déploiement des réseaux très haut débit. Même si les sujets sont voisins, le déploiement du très haut débit prendra plusieurs années, tandis que la transition vers la TNT sera achevée dès 2011. Le texte mélange donc des objectifs de très court et de moyen terme, sans traiter pleinement aucun d'entre eux.

Le second volet de la proposition de loi concerne le très haut débit, dont elle ne garantit aucunement le déploiement dans les zones les moins denses. Faute de cadre juridique et de financement clairs, le risque d'exclusion numérique subsiste, là encore.

Pourtant, le but de la proposition de loi est louable, reconnaissons-le : qui pourrait se déclarer opposé à la réduction de la fracture numérique, alors même que l'accès aux services distribués par les réseaux numériques bouleverse nos économies en faisant évoluer nos habitudes de consommation, d'investissement, d'information et de divertissement ? Ces réseaux sont un espace d'innovation, un réservoir de croissance non négligeable et un outil d'aménagement du territoire. Sur le principe, les députés ne peuvent donc accueillir que favorablement une proposition de loi visant à réduire la fracture numérique.

Mais que recouvre cette expression ? S'agit-il de supprimer les inégalités de débit liées à la localisation ou d'associer plus largement les populations qui, compte tenu du coût de l'équipement informatique et de l'abonnement, ne peuvent assumer les frais d'une connexion ? N'oublions pas que la moitié des Français gagnent moins de 1 500 euros par mois et qu'internet, commodité devenue essentielle, demeure un luxe pour beaucoup d'entre eux. Un État moderne ne peut se permettre de laisser une grande partie de sa population non connectée ou exclue numériquement pour des raisons sociales ou financières.

Internet devient de plus en plus un outil permettant à chacun de communiquer, de s'informer et de rechercher un emploi. Comme l'a écrit le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2009, après avoir examiné et censuré la loi HADOPI, c'est un média essentiel à « la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions ». Dès lors, est-il envisageable de promouvoir l'économie numérique sans intervenir sur le taux d'équipement des ménages, qui atteint 90 % chez les cadres mais tombe à 30 % chez les non diplômés ?

Si notre ambition est que chaque Français dispose d'un accès, avons-nous réfléchi à la manière de sensibiliser ceux qui n'ont jamais utilisé internet, notamment les plus âgés ? De plus, si les plus jeunes évoluent dans une société où les écrans interactifs sont omniprésents et maîtrisent diverses applications avec un naturel déconcertant, avons-nous pensé aux inégalités réelles qui peuvent trouver leur prolongement sur le réseau ? Il serait illusoire de croire que les digital natives sont tous égaux devant le Net sous prétexte qu'ils sont nés à un moment où la toile avait définitivement bouleversé nos habitudes. Pour réduire la fracture numérique, il faut aussi lutter contre les inégalités numériques qui prolongent et parfois augmentent les inégalités sociales. Or ce thème n'est pas traité dans le texte.

Au-delà de ces observations, des inégalités demeurent entre les internautes du fait de la structure même du réseau. Bon nombre de citadins surfent de manière confortable, téléchargent des fichiers volumineux, envoient sur les réseaux sociaux photos ou vidéos, et consultent régulièrement des sites de partage de vidéos qui diffusent en streaming.

L'ADSL, qui utilise le bon vieux réseau de cuivre par lequel a transité le signal téléphonique pendant de longues années, a permis une grande évolution des usages grâce en améliorant les niveaux de débits. Ainsi la télévision est désormais diffusée par l'ADSL.

Mais ne nous y trompons pas : 55 % de foyers ne peuvent bénéficier des offres haut débit dites triple play. De plus, 550 000 foyers n'ont accès qu'au bas débit, qui permet seulement la lecture et l'envoi de courriels, pour peu que ceux-ci ne contiennent pas de pièce jointe. La fracture numérique est aujourd'hui une réalité et la présente proposition de loi ne permet pas de la résorber.

Le volet du texte qui traite des réseaux n'aborde que la problématique du très haut débit, certes essentielle, compte tenu de la demande croissante et de la nécessité de renouveler les infrastructures afin qu'elles puissent accueillir les services et les usages nouveaux. Mais le déploiement des réseaux prendra de longues années. Les fournisseurs d'accès à internet l'ont souligné.

Par ailleurs, l'inscription de ce chantier dans les priorités du grand emprunt prouve le caractère prospectif du développement des réseaux. Nous ne disons pas qu'il ne faut pas anticiper : la lourdeur des travaux impose de le faire. Mais, si le très haut débit et la fibre optique laissent entrevoir un avenir radieux, avec la transmission des données à des débits de dix à cent fois supérieurs au haut débit actuel, l'éclat de cette promesse ne doit pas faire oublier la réalité du moment.

Favoriser des sauts technologiques de manière précipitée…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Il n'y a eu aucune précipitation de notre part. Bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

…pourrait, si l'on n'y prend garde, aggraver la fracture. Certaines dispositions nous le font craindre.

Le texte entérine le partage du territoire en trois zones et prévoit pour chacune un mode de déploiement sur mesure.

La première, correspondant aux territoires très densément peuplés, principalement aux grandes villes, sera le terrain des opérateurs. Chacun installera son réseau, la concurrence fera rage et chacun partira à la conquête de ses abonnés, potentiellement assez nombreux pour assurer un retour sur investissements rapide.

Dans la seconde zone moyennement dense, donc moins attrayante pour les opérateurs, vous prévoyez une mutualisation des investissements tant privés que publics. On parle d'opérateur mutualisé ou d'appel à projets. Quelle solution sera finalement retenue ? Je n'ai toujours pas eu la réponse. La participation des collectivités est, une nouvelle fois, attendue.

Pour la troisième zone, enfin, qui regroupe les zones rurales et peu denses, un financement public est très attendu.

À chaque zone ses règles et ses lenteurs. Nous émettons des réserves sur les choix arrêtés par la proposition de loi.

Celle-ci favorise des choix technologiques augurant une concurrence extrême entre les opérateurs pour capter les parts de marché dans les zones très denses, où ils ont d'ores et déjà commencé à installer des réseaux de fibre optique. Cette concurrence acharnée risque fort d'accélérer l'apparition d'une fracture numérique territoriale, puisque les installations en zones 2 et 3 dépendent de mécanismes qui exigeront plus de temps avant que leur déploiement soit opérationnel. Si le cadre juridique semble stabilisé pour la zone 1, nous sommes dans le flou le plus total pour les conditions de déploiement dans les zones 2 et 3.

Par ailleurs, sommes-nous assurés que tous les opérateurs seront prêts à co-investir dans en zone 2 ? Il ne serait pas moral d'offrir du très haut débit aux alentours de trente euros par mois dans les villes une fois que les opérateurs auront finalisé leurs infrastructures, c'est-à-dire très vite, puisqu'il est prévu que la fibre soit rentable, mais seulement du haut débit – et encore... – dans les zones rurales. Une telle inégalité entraînerait un déficit d'attractivité pour ces territoires et renforcerait l'exclusion d'une partie de la population. Pour ma part, je préférerais, comme certains de mes collègues, une montée en débit dans les territoires, laquelle doit néanmoins être conçue de manière à préparer progressivement, à terme, le câblage en fibre optique le plus large possible.

Enfin, la proposition de loi prévoit la création d'un fonds de soutien à l'aménagement numérique du territoire, afin de financer le déploiement dans les zones peu et très peu denses. Malheureusement, le fonds est dépourvu de financements pérennes. Heureusement, me direz-vous, le grand emprunt est passé par là. Vous avez annoncé, madame la secrétaire d'État, que 2 milliards d'euros seraient engagés pour le déploiement du réseau de fibre optique en zone 2 et 3. Cependant, la somme, importante en elle-même, reste faible eu égard à l'ampleur du chantier, puisqu'on évalue à plus de 40 milliards le montant du fibrage sur le territoire français. En outre, quelles sont les autres sources de financement, que vous n'avez toujours pas détaillées ? Nous vous avons interrogée à ce sujet lors de la réunion de la commission. J'espère que vous allez enfin nous répondre.

Afin de ne pas ouvrir de polémique stérile quant au coût du déploiement de la fibre optique sur le territoire français, je m'en tiendrai à une seule information. Le département des Hauts-de-Seine, le plus densément peuplé après Paris, va subventionner en partie un réseau très haut débit. Le coût global de l'opération est estimé à 422 millions d'euros, alors que ce département arrive en avant-dernière position pour la taille de son territoire. De ce fait, il y a fort à parier que les départements français – nécessairement moins denses, plus vastes et moins riches – devront, s'ils comptent sur les dispositions gouvernementales, se satisfaire d'enveloppes bien maigres comparées à l'ampleur des dépenses nécessaires.

Compte tenu des incertitudes financières liées aux réformes en cours – taxe professionnelle, réforme des collectivités territoriales –, il me semble difficile de s'en remettre à un système qui place les collectivités au pied du mur en ne leur laissant le choix que de participer au financement du réseau ou de n'être pas connectées. Vous prenez ainsi le risque de creuser le fossé entre les collectivités riches, comme les Hauts-de-Seine, et d'autres, moins bien dotées et soumises aux pertes de recettes découlant des lois de recentralisation. Il y a fort à parier que ces lourdes dépenses d'investissement seront reportées sine die.

En somme, bien qu'il poursuive un but louable, le texte appelle des réserves de notre part. Parce qu'il se concentre exclusivement sur le déploiement de la fibre optique, il néglige les conséquences de certaines dispositions. On ne doit encourager le déploiement de réseaux très haut débit qu'à condition de ne pas amplifier la fracture numérique existante.

La vision doit également être prospective – les délais de déploiement l'imposent. Mais je déplore que les discussions sur les réseaux et les services de demain se limitent toujours au trio que forment opérateurs, fournisseurs de services et usagers.

Certes, les premiers fournissent l'accès, les seconds les contenus et services, et les derniers les rétributions nécessaires à la viabilité économique des réseaux, mais on oublie trop souvent que la révolution numérique est aussi une révolution industrielle due initialement aux innovations technologiques dans le secteur des télécommunications. Les équipementiers, qui fournissent aux opérateurs les matériels nécessaires au fonctionnement des réseaux, ont eux aussi un rôle essentiel à jouer dans le développement de l'économie numérique. Étant à la base de la dimension physique des réseaux, ils garantissent leur fiabilité et leur sécurité. Cette dimension doit être prise en compte. Vous n'êtes pas sans savoir que les équipementiers connaissent actuellement de graves difficultés économiques, qui se traduisent par des fermetures de site et des délocalisations qui plongent les salariés dans une profonde détresse – je l'ai mesuré dans ma circonscription.

Le risque est de voir ces industries de pointe disparaître de notre territoire au bénéfice de concurrents qui ne se battent pas avec les mêmes armes et recourent au dumping social. L'État a donc le devoir de s'engager aux côtés de cette filière stratégique, car il est nécessaire de disposer de réseaux fiables et sécurisés et faire jouer une concurrence équitable.

Au-delà de ces aspects économiques importants, une chose m'a frappée au fil des débats : trop souvent, on a le sentiment que tout est déjà joué – le CSA ou l'ARCEP avaient déjà procédé à des arbitrages sur le mode de déploiement vertical de la fibre ou le nombre d'antennes relais à numériser, avant que le texte n'arrive à l'Assemblée. Les décisions des régulateurs se retrouvent dans certains articles. Or nous devons évidemment conserver notre pouvoir d'orientation et de décision dès lors qu'il s'agit d'aménagement du territoire et d'égalité des citoyens dans l'accès aux moyens de communication. Tel est le sens de la motion que nous vous présentons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous passons aux explications de vote sur la motion.

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Madame Erhel l'a dit, nous avons parcouru un chemin significatif depuis le début de la discussion du texte mais nous ne sommes pas pour autant au bout du chemin. L'accès à la TNT ou au haut débit est une question technologique et non politique : nous sommes, sur tous les bancs, favorables à ce que le numérique soit accessible à tous, car il est gage d'une meilleure qualité et d'une offre plus large de télécommunications et de produits audiovisuels. La loi de 1986 relative au passage au numérique a malheureusement été traitée essentiellement par la commission des affaires culturelles. J'ai énormément de respect pour cette commission, mais la rapporteure du présent texte ne m'a pas convaincu que cette loi assurait une couverture à 100 % : c'est un objectif, non une contrainte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

A ceci près que dans la loi suivante, on passe à 95 % !

Elle ne m'a pas convaincu non plus qu'en augmentant la puissance des antennes, on diminuait l'intensité des ondes diffusées… Cela relève de l'extravagance !

Dans la mesure où la loi n'a pas lié les engagements sur la télévision et ceux sur le haut débit, nous avons aujourd'hui du mal à conjuguer les deux. J'en veux pour preuve les missions confiées au CSA – mais je sais que Mme la rapporteure songe à y travailler à l'avenir : on ne peut pas confier à une instance qui s'occupe des contenus la gestion de l'attribution des contenants. Ces derniers doivent être neutres et en tout état de cause, dans la mesure où le passage à la TNT, question plus technologique que politique certes, devient une affaire politique dès lors que l'on aborde le plan financier, ceux qui sont susceptibles de financer le passage au numérique se crispent au point qu'il nous a fallu demander, le 6 octobre, un arrêt des débats en commission, ce que le président a accepté. L'opposition a au moins servi à ce que la majorité, pour une fois, se sente autorisée elle aussi à pousser un coup de gueule…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Un peu quand même… En l'occurrence, la colère a monté car, pour nous tous, il était inacceptable de supprimer 54 % des émetteurs sans donner de perspective crédible pour la couverture du territoire.

Aujourd'hui, si nous proposons le rejet de ce texte, c'est que le fonds créé au Sénat n'a pas… de fonds. Madame la secrétaire d'État a indiqué que l'État y consacrerait 277 milliards. Quinze euros par foyer, je ne suis pas sûr que cela suffise à assurer le passage au numérique pour tous. Il va falloir réévaluer les crédits… . Peut-être le grand emprunt sera-t-il l'aubaine pour le faire. Ce n'est qu'une possibilité ; Mme de La Raudière a évoqué des pistes ; mieux vaudrait avoir des certitudes. Pour rassurer nos concitoyens sur le fait qu'ils accèderont à la TNT, et que les collectivités seront aidées – je remercie Mme la secrétaire d'État d'avoir évolué sur ce point…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…nous voudrions avoir des assurances sur le financement, sinon nous ne votons que des voeux pieux et nous fixons un objectif de 100 % qui ne pourra jamais être réalisé. En attendant d'avoir ces certitudes, nous proposons de voter cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Madame la secrétaire d'État, et madame la rapporteure, nous sommes tous d'accord pour dire que le numérique est un enjeu de première importance. Dès lors, pourquoi ne pas en tirer toutes les conclusions ?

Il y a un demi-siècle, en France le réseau routier, autoroutier, ferroviaire, fluvial, et même le réseau de télécommunications étaient insuffisants pour les besoins de ce qui constituait une révolution industrielle. Comment s'en est-on sorti ? Par la volonté de l'État qui a imposé à un certain nombre de grandes entreprise publiques, dont France Télécom, de rattraper ces retards accumulés ; et cela s'est fait en quelques années.

En ce début de XXIe siècle, nous faisons face au même défi. Or, après avoir reconnu toute l'importance du haut débit, vous laissez subsister dans notre pays des insuffisances de même nature qu'il y a un demi-siècle. Qu'est-ce qui empêche de décider aujourd'hui d'un plan numérique 2012, comme on l'avait annoncé il y a quelques années, pour l'ensemble du territoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Non, ce n'est pas ce que vous faites. Certes, il n'y a pas de souci dans la zone 1, où les investissements privés se feront si les résultats sont garantis. Mais dans les zones 2 et 3, il faudra bricoler pour rassembler des investissements venant de toutes parts.

On nous objecte le coût. Mais, j'y reviendrai, il équivaut tout simplement à ce que donnerait la suppression du bouclier fiscal, et c'est bien peu finalement au regard des enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

C'est pourquoi nous voterons la motion de renvoi.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Évitons de réécrire l'histoire de ce texte, notamment en ce qui concerne la TNT, dans une version rose si je puis dire. Cette histoire se déroule en cinq temps. Premier temps : la loi relative à la télévision du futur fixe un objectif très jacobin de couverture de 95 % de la population par le numérique terrestre. Deuxième temps, le conseil d'administration du CSA du 12 juillet 2007 considérant qu'on a oublié une bonne partie des territoires, décide qu'il faut les couvrir à hauteur de 91 %, département par département. Troisième temps – et Corinne Erhel a eu raison de le dire – des négociations très âpres ont lieu entre les chaînes de télévision ; le résultat en fut un texte, déposé au Sénat, selon lequel le CSA n'avait plus pour compétence que d'assurer une couverture minimale département par département. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quel recul ! Pourtant le Sénat, assemblée représentant les collectivités territoriales, ne dit rien. D'où, quatrième temps, la révolte de notre commission des affaires économiques, toutes sensibilités confondues, comme le président Ollier a bien voulu le rappeler. En sept ans de vie parlementaire, je n'avais jamais vu cela. Il était bon que le Lot-et-Garonne, auquel on concédait une couverture de 73 % pour la TNT, déclenchât cette révolte… Cinquième temps, et je lui en donne acte, le Gouvernement a corrigé cette politique : la secrétaire d'État a élaboré quatre mesures fortes, que le Premier ministre a présentées.

Sur cette base, nous pouvons désormais poursuivre l'examen de ce texte qui nous était arrivé au sortir de l'été bien mal ficelé, parce que le CSA avait subi la pression des chaînes de télévision. Le Gouvernement a corrigé le texte, bien des améliorations sont encore possibles et nous pouvons y travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Une motion de rejet préalable a pour objet de faire reconnaître que le texte est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider qu'il n'y a pas lieu d'en délibérer. Mais sur la TNT, qui s'imposera partout au 30 décembre 2011, il y a vraiment lieu de délibérer !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Pour ce qui est du haut débit, le but de ce texte est de donner un cadre de travail à l'ARCEP. Certaines décisions doivent être prises très rapidement, car des investissements énormes sont en jeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

S'agissant de la TNT, et en particulier de la diminution d'un nombre d'émetteurs, effectivement, madame Erhel, nous avons fait le choix d'augmenter la puissance de ceux-ci et de mettre en place des paraboles pour ceux qui ne seraient pas couverts. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Combien de personnes seront concernées ? Les données du CSA et de TDF ne fournissent pas ce chiffre exact. De cela aussi nous allons débattre, et c'est bien. Pour faire comprendre les choses, il faut travailler avec les élus locaux. Il est important que chaque député rencontre les maires de sa circonscription ; pour ma part j'ai commencé à le faire. Il faut donner des explications, car ce sujet est aussi important que l'ADSL, afin d'éviter les problèmes lors du passage à la TNT. Celui-ci se fera de façon sécurisée avec la mise en place des GIP, nous y reviendrons.

Vous nous dites que cette proposition de loi fait un état des lieux du très haut débit et qu'elle ne parle que de ce sujet. Mais je tiens à vous rassurer : nous avançons aussi en matière de haut débit.

Ainsi, dans un certain nombre de départements, des collectivités qui ont choisi d'assumer la compétence « communications électroniques » mettent en place des solutions pour résorber les zones d'ombres. Le problème essentiel auquel elles sont confrontées reste celui du coût.

Pour prendre un exemple, la Haute-Savoie compte trente zones d'ombre. L'investissement nécessaire pour couvrir vingt lignes est de l'ordre de 60 000 euros pour un réseau en cuivre, et de plus de 250 000 euros pour un réseau en fibre optique. Il faut donc faire des choix. Optera-t-on pour ces solutions ou pour une couverture satellitaire ?

En ce qui concerne les zones 1, 2 et 3, nous parlerons de mutualisation, de multifibres, de montée en débit.

Je le répète, je ne vois pas ce qui motive cette motion de rejet préalable, d'autant que, dans le débat, nous pourrons nous exprimer sur l'ensemble des questions posées. Par ailleurs, comme l'a souligné la secrétaire d'État, beaucoup de mesures nouvelles ont été ajoutées dans la proposition de loi. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique est désormais un texte bien éloigné de celui rédigé par notre collègue sénateur Xavier Pintat, par ailleurs président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies.

En effet, sa proposition de loi avait initialement pour seul objectif le déploiement de l'internet à très haut débit, et elle s'appuyait sur le postulat suivant : « Le très haut débit va faire figure, comme l'électricité, de service vital rendant insupportable toute fracture territoriale dans ce domaine ». Ce n'est pas le groupe SRC dont les membres ont, durant de longs mois, combattu le funeste projet du Gouvernement visant à couper l'accès à internet de nos concitoyens par tous moyens et initialement, rappelons-le, par une simple autorité administrative, l'HADOPI, qui donnera tort à notre collègue sénateur, même si, jusqu'à ce jour, nous n'avons jamais osé qualifier l'internet de « service vital ». Mais passons sur le choix des termes, et restons-en aux objectifs que nous jugeons essentiels.

Si, actuellement, plus de dix-huit millions de nos concitoyens sont abonnés à l'internet à haut débit, malheureusement, un constat s'impose : une grande diversité affecte les services offerts localement, selon la bande passante dont disposent les internautes, et selon qu'ils peuvent choisir ou non entre plusieurs opérateurs de services. Cette disparité affecte évidemment les particuliers, mais elle devient insupportable pour les entreprises qui, ayant en général des fichiers importants à échanger, sont tentées de délaisser les zones pauvrement desservies, faute de pouvoir s'y développer.

C'est ainsi que ce que l'on appelle communément le fossé ou la fracture numérique revêt différentes formes et concerne à la fois l'accès, l'usage et le contenu. De plus, au fil du temps et du développement des technologies, on constate, hélas ! que de nouvelles disparités apparaissent, alors même que les précédentes ne sont pas résorbées.

C'est pourquoi nous considérons que, pour lutter contre la désertification et pour permettre aux communes rurales d'être attrayantes pour accueillir de nouvelles familles et des activités économiques, mais aussi pour garantir l'universalité d'accès aux contenus, il est indispensable que l'État prenne en charge la mise en place du haut débit sur l'ensemble du territoire, c'est-à-dire partout où subsistent des zones d'ombre, avec la même démarche que celle adopté pour la téléphonie fixe, c'est-à-dire en l'incluant dans le service universel.

À l'origine, au-delà de la question du haut débit, cette proposition de loi voulait donner à notre pays des objectifs ambitieux visant à mettre fin à ces inégalités, à ne pas en créer d'autres, et à ne pas les accroître dans les années à venir, en développant, dès aujourd'hui, une politique volontariste de déploiement de l'accès au très haut débit.

Le développement du haut débit reste, pour ceux qui en sont exclus, une priorité. Mais nous devons d'ores et déjà penser à l'avenir et viser, dès aujourd'hui, le très haut débit. C'est fondamental. Cela suppose de veiller au déploiement des réseaux qui permettent son développement, et notamment des réseaux de fibre optique. Le rapport Attali soulignait déjà que : « Le déploiement d'une nouvelle génération d'infrastructures, fondée sur la fibre optique sera l'un des plus grands chantiers des années à venir ». Quant à notre rapporteure au fond, elle mentionne les études disponibles en la matière, qui évaluent le coût nécessaire pour combler le retard français et « fibrer » la majeure partie du territoire à plus de 40 milliards d'euros.

En réalité, la France est à la traîne dans ce domaine. L'ARCEP a mis en place, en avril 2009, un premier tableau de bord du très haut débit fixe permettant de suivre l'état du déploiement de la fibre sur le territoire, l'utilisation des offres de gros de génie civil de France Télécom, et la mise en oeuvre de la mutualisation des réseaux en fibre optique jusqu'aux abonnés par l'ensemble des opérateurs. Si développement il y a, force est de constater qu'il est très localisé.

Le nombre d'abonnements à un service très haut débit progresse aussi, mais il est encore limité. À la fin du mois de juin 2009, le nombre total des abonnements, toutes technologies et tous opérateurs confondus, s'élevait à plus de 230 000, dont plus de 50 000 à des offres très haut débit en fibre optique jusqu'aux abonnés – soit une croissance de 25 % depuis le 1er janvier 2009 – et environ 180 000 aux offres très haut débit en fibre optique avec terminaison en câble coaxial – soit une croissance de 38 % pour la même période.

Cet accès est, de fait, réservé à un trop petit nombre de nos concitoyens, alors même que de nouveaux usages se développent à grande vitesse et que les potentialités offertes nécessiteront très rapidement l'accès à un réseau donnant la rapidité de transfert adéquate.

Le très haut débit est d'ores et déjà indispensable pour de nombreuses entreprises qui interconnectent les systèmes informatiques de leurs différents sites ou qui ont besoin de communications performantes avec leurs clients ou leurs donneurs d'ordre. Au-delà, pour les ménages, la généralisation de la haute définition pour la télévision et la vidéo créera une demande en très haut débit. Ainsi, l'équipement croissant des foyers en équipements participant aux communications électroniques, comme le PC, la télévision, les consoles de jeux, les caméscopes, les stockages numériques, et la multiplication des cas de simultanéité d'usages dans un même foyer amèneront nos concitoyens à avoir besoin du très haut débit.

Et puis, nous le savons, les services fournis à l'internaute vont s'adapter à l'existence du très haut débit, ce qui, à terme, fera émerger de nouveaux usages, qui eux-mêmes entraîneront une nouvelle adaptation de l'offre, et ainsi de suite. Depuis des années déjà, nous voyons bien à quelle allure les nouvelles technologies se développent et à quelle vitesse les usages évoluent.

C'est la raison pour laquelle nous devons anticiper pour ne pas créer une fracture entre ceux qui pourront bénéficier des réseaux de fibre optique et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il est nécessaire de développer au maximum la fibre optique tout en déterminant parallèlement les zones qui sont déjà les moins bien desservies en haut débit pour lesquelles nous savons que la fibre ne sera pas une solution. Il faut en effet que ces dernières puissent bénéficier de solutions alternatives. À la fin de l'année 2008, l'Assemblée des régions de France a publié une étude montrant que si nous n'agissons pas maintenant, en 2020, 60 % de la population française sera exclue du très haut débit.

En ce qui concerne la fibre optique, si ce texte permet notamment de donner un cadre juridique pour le déploiement en zone dense, qui concerne cinq millions de foyers, il ne règle en aucun cas les problèmes de disparité géographique. Et nous savons que nombre de travaux d'aménagement numérique ne seront pas réalisés par les opérateurs pour des raisons de rentabilité. Afin d'y pallier, la proposition de loi initiale créait un fonds d'aménagement numérique du territoire destiné à financer ces travaux. Mais, depuis son passage en commission au Sénat, ce fonds s'est vu amputé de tout financement. Il nous est désormais seulement indiqué qu'il sera financé par des aides dont le montant sera déterminé – tenez-vous bien ! – par arrêté ministériel.

Nous considérons qu'il est extravagant de créer un fonds sans savoir de quelle manière il va être alimenté. Notre collègue François Brottes s'en est ému lors d'une réunion de la commission des affaires économiques et la réponse qui lui a été apportée par le président Ollier a laissé notre groupe sans voix.

Cher président, je vous cite – ce qui va susciter, comme toujours, la plus grande attention de part de l'ensemble de nos collègues (Sourires) : « Après la deuxième lecture au Sénat, si le fonds n'est pas abondé, nous le supprimerons en commission mixte paritaire. Il est pour l'instant créé dans l'espoir d'un abondement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mes chers collègues, avouons-le : ce n'est pas sérieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il n'est pas sérieux de créer un fonds sans qu'il soit abondé, avec l'intention de le supprimer en commission mixte paritaire si, entre-temps, il n'y a pas eu abondement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Si le travail en commission a permis, ces dernières semaines, d'avancer sur un certain nombre de points, force est de constater qu'il est encore loin d'être achevé.

Car la question fondamentale reste, évidemment, celle des moyens, et c'est précisément celle qui demeure sans réponse. Attendez les arbitrages du grand emprunt, nous dit-on. Attendez les déclarations du Président de la République au mois de décembre, ajoute-t-on.

Mais le mois de décembre, c'est demain ! Et étant donné la manière dont Nicolas Sarkozy s'exprime dès qu'il s'agit d'internet qu'il considère comme une menace permanente, on ne peut qu'être saisi par le doute. En fait, il faudrait que le Président de la République pense moins à ce nouveau média qui l'obsède d'autant plus qu'il ne le maîtrise pas qu'aux enjeux de l'économie numérique, pour qu'il comprenne que les infrastructures numériques sont fondamentales et que, de fait, leur développement se doit d'être une priorité budgétaire.

En ce qui concerne l'avenir de ces réseaux à haut et très haut débit, vous avez été amenée, madame la rapporteure au fond, à introduire dans la proposition de loi un article 10 visant à ce qu'un rapport soit rendu par le Gouvernement au Parlement sur la question essentielle de la neutralité du Net.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La neutralité du réseau est le principe qui veut que les fournisseurs d'accès à internet se contentent d'acheminer les données sans discrimination, ni d'origine, ni de destination, ni de nature, et donc sans en altérer le contenu. Dans les mois et les années à venir, ce sujet sera amené à prendre une place considérable dans le débat public, comme cela est déjà le cas aux États-Unis. En la matière, il faut donc anticiper et avoir pleinement conscience des conséquences des choix qui seront faits.

L'ARCEP a d'ores et déjà engagé une réflexion sur le degré d'ingérence des opérateurs dans les contenus, sur la solidité du trafic et sur le partage de la valeur. C'est une bonne chose, et nous serons particulièrement vigilants sur cette question.

D'une manière générale, vous l'avez compris, nous considérons que les dispositions de ce texte visant « à prévenir l'apparition d'une fracture numérique dans le très haut débit », ne sont pas à la hauteur des enjeux mais, surtout, nous pensons qu'elles nous laissent, à cette heure, dans le flou le plus total sur les modalités pratiques et financières qui permettraient d'y parvenir. C'est pourquoi il nous semble indispensable de renvoyer ce texte en commission.

Un autre motif tout aussi sérieux de renvoi en commission nous est fourni par les dispositions de ce qui constitue désormais le titre I du texte. En effet, madame la secrétaire d'État, à l'occasion du débat au Sénat, le texte initial vous a servi de véhicule législatif – et vous avez été bien aidée en cela par leur rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, Bruno Retailleau. Ainsi, le titre I de la proposition de loi s'intitule désormais « Faciliter la transition vers la télévision numérique », titre particulièrement adapté tant, effectivement, cette transition se doit d'être facilitée alors que la situation est beaucoup moins maîtrisée que vous voulez le faire croire.

Le débat s'est donc engagé sur la question du basculement vers la télévision numérique terrestre prévu pour le 30 novembre 2011. Constatons-le : de légitimes et fortes inquiétudes se sont largement manifestées, et en disant cela je regarde autant vers la droite que vers la gauche. Le Gouvernement, sans cacher parfois son agacement, a vainement tenté de calmer la grogne. Mais comment convaincre quand, en fait, ce qui devrait constituer un progrès risque, in fine, d'être synonyme de régression pour nombre de nos concitoyens ? En effet, quelle n'a pas été notre stupeur en découvrant les objectifs de couverture poursuivis par ce texte en matière de TNT !

Rappelons au préalable que la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, s'est fixé comme but de rendre accessible la télévision numérique par voie hertzienne terrestre à 95 % de la population du territoire.

La loi a par ailleurs confié au CSA le soin de fixer les modalités permettant d'atteindre ces objectifs en matière de couverture par la TNT. Or, il est désormais question, dans l'article 1er BA de la proposition de loi, de donner compétence au CSA, non pas pour atteindre cet objectif, mais pour assurer une couverture minimale – je dis bien minimale – de la population par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans chaque département.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Cet article consiste, nous dit-on, à donner une assise législative au correctif départemental de 91 % ajouté par le CSA dans ses prescriptions à l'objectif global de couverture de 95 % de la population. Comment ne pas y voir une régression manifeste ? Se contenter d'une couverture minimale après l'extinction de la diffusion analogique accroîtra encore les inégalités entre les territoires, ce qui va à l'encontre de l'objectif affiché par la loi actuellement en vigueur et par l'intitulé même de la proposition de loi dont nous débattons.

Actuellement, la diffusion analogique couvre de 98 % à 99 % de la population, avec environ 3 500 points d'émission et de réémission. Or, les 1 626 émetteurs ou réémetteurs retenus par le CSA pour la diffusion en mode numérique ne permettront pas de couvrir le même pourcentage de la population. La conversion au numérique d'un plus grand nombre d'émetteurs n'a pas été retenue, principalement pour une raison de coût. Nous aurions d'ailleurs souhaité que celui-ci soit précisé. Le CSA a indiqué qu'il n'était pas supportable par les chaînes, mais aucun chiffrage ne nous a été annoncé. Or, il est indéniable que le coût de diffusion numérique pour les chaînes sera considérablement diminué par rapport à celui de la diffusion analogique. Il eût été utile pour notre débat de connaître le coût global de l'équipement numérique des pylônes existants, que nous aurions ainsi pu comparer au nouveau coût de diffusion des chaînes.

Ainsi que l'ont rappelé Corinne Erhel et François Brottes, nous demandons le maintien de la couverture par voie hertzienne en mode numérique de 95 % au moins de la population de chaque département, ainsi qu'une péréquation entre les départements afin d'éviter que, dans certains d'entre eux, le taux de couverture ne tombe à 90 %.

Nous saluons, à cet égard, l'initiative de nos collègues sénateurs socialistes, qui ont introduit l'article 1er CA prévoyant que les maires des communes qui sont actuellement couvertes par des émetteurs de télévision en analogique, mais qui ne le seront pas en mode numérique terrestre, soient directement informés par le CSA, afin qu'ils puissent alerter leurs administrés, évaluer les conséquences qui en découleront et élaborer une stratégie pour faire des choix en amont et assurer une couverture numérique de leur commune par d'autres technologies.

Il serait également plus qu'utile que le CSA fournisse, à la demande des conseils généraux et régionaux, les éléments de calcul des zones de service et les cartes qui correspondent aux obligations de couverture départementale en mode numérique terrestre au moins un an avant la date d'extinction de la diffusion analogique. Ces données permettraient en effet, en particulier dans les zones de service, multiplex par multiplex, d'identifier les populations effectivement desservies à l'intérieur des zones couvertes, une fois déduites les éventuelles zones d'ombre.

La moindre des choses est d'informer les responsables des collectivités territoriales de la situation à laquelle ils vont être confrontés et ce, le plus en amont possible. Mais, plus encore que des informations, ils attendent des solutions et une aide. Face à leur inquiétude, le Gouvernement et le CSA ont, pour toute réponse, accusé le PDG de TDF – quelle facilité ! – de les avoir faussement affolés, en déclarant notamment que 300 émetteurs supplémentaires par rapport à ce qui est actuellement prévu seraient nécessaires pour atteindre l'objectif d'une couverture de 95 %. Vous-même, madame la secrétaire d'État, avez dénoncé sèchement, les chiffres qui avaient été cités par la société TDF concernant le nombre de foyers risquant l'écran noir. Soit, mais êtes-vous en mesure de nous dire quels sont les chiffres exacts ? On peut dénoncer le chiffrage de TDF, encore faut-il pouvoir le justifier !

Le 21 octobre dernier, devant la commission des affaires économiques et celle des affaires culturelles de notre assemblée, Alain Méar, membre du collège du CSA, indiqua que 500 000 foyers se retrouveraient sans télévision en 2011. TDF, de son côté, estima leur nombre à plus d'1 million. Quant à notre collègue Jean Dionis du Séjour, il rappela que, pour son département, le Lot-et-Garonne, une couverture de 73 % était annoncée, alors qu'elle est actuellement de…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…91 % pour la diffusion analogique. L'écart n'est pas anodin.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le risque de l'écran noir fait légitimement peur dans nombre de territoires ; il n'est pas négligeable dans les zones montagneuses, maritimes et frontalières – un certain nombre de nos collègues y reviendront sans doute dans la discussion générale. N'oublions pas qu'avec la TNT, il n'y aura plus de zones où, comme avec la diffusion analogique, on recevra une image, mais de mauvaise qualité. C'est beaucoup plus radical : ou bien l'image est nette, ou bien elle n'existe pas et c'est l'écran noir – même pas un écran avec de la neige, comme on disait dans le temps.

La fin de la télévision analogique étant prévue au 30 novembre 2011, il est plus que temps d'apporter à ces questions des réponses claires. Or, en raccrochant à cette proposition de loi un volet relatif à la TNT et en précipitant la discussion sans que la représentation nationale ait les éléments lui permettant de travailler correctement, le Gouvernement a lui-même alimenté le doute. Il a ainsi fallu que nos collègues de la commission des affaires économiques suspendent leurs travaux et exigent une audition du CSA pour tenter d'obtenir des réponses à leurs interrogations. Ce n'est pas sérieux ! Le travail n'a pu être correctement effectué et, sur un sujet qui n'est pas mineur, nous jugeons qu'il doit être poursuivi en commission car, à cette heure, les réponses, y compris celles du CSA, aux nombreuses questions posées ne sont pas satisfaisantes.

Pour éviter le risque de l'écran noir, plusieurs solutions sont avancées. Le CSA a ainsi indiqué que la suppression de 2 074 pylônes TDF dans les zones d'ombre serait en partie compensée par le doublement de la puissance des émetteurs. C'est aussi ce que préconise notre rapporteure au fond, qui considère « qu'il paraît opportun d'accroître la puissance des émetteurs numériques. » Cet accroissement pourra sans doute faire gagner un peu de surface terrestre, mais pas autant que nécessaire et, surtout, pas autant qu'annoncé. Il sera ainsi inévitablement nécessaire de maintenir des pylônes supplémentaires dans les zones difficiles, car, dans les zones de montagne, la puissance des émetteurs ne règle pas tous les problèmes : vous pourrez augmenter la puissance des émetteurs tant que vous voudrez, les ondes ne pourront jamais traverser les montagnes. Et, pour en revenir à la question précédente et au haut débit, certaines vallées qui étaient auparavant desservies par des pylônes ne pourront pas, si on les démantèle, recevoir le haut débit et le satellite ne leur permettra pas d'accéder à internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Aussi est-il préconisé d'équiper en parabole les foyers qui ne seraient pas desservis par le numérique hertzien,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…quitte à les aider en subventionnant leur équipement. Dans certains départements, le taux d'équipement en paraboles peut être significatif, mais, en ce qui concerne les zones de montagne, ce ne peut être une solution, notamment en raison de l'inadaptation des paraboles aux conditions climatiques de ces zones.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Au-delà, si le choix de la parabole est privilégié, les foyers situés dans les zones d'ombre ne pourront bénéficier de trois innovations technologiques à venir. En effet, en débranchant les pylônes TDF, on privera des zones entières de la télévision mobile personnelle, de la radio numérique terrestre et, surtout, du très haut débit terrestre. Encore une fois, gardons-nous de créer de nouvelles fractures numériques.

Il est à noter, par ailleurs, qu'en ce qui concerne l'aide financière versée pour l'installation d'une parabole, l'État dit qu'il sera généreux ; à cette heure, cette aide n'est pas conditionnée. En revanche, l'aide à l'équipement ou l'aide à l'antenne ont été réservées aux foyers exonérés de la redevance audiovisuelle et sous conditions de ressources. Parallèlement, le groupement d'intérêt public France Télé Numérique, organisme réunissant l'État et les chaînes de télévision – également connu sous l'appellation « Tous au numérique » – propose également une aide technique. Philippe Lévrier, ex-président de France Télé Numérique expliquait il y a peu : « Notre rôle consiste à informer, expliquer, assister certains publics, notamment les personnes âgées ou souffrant de handicap, et à apporter une aide financière et technique. Il existe également un programme de collaboration avec les élus, déployé région par région ». Cette disponibilité a été bien mal récompensée, puisqu'au moment même où le basculement vers le tout numérique commence et que vous nous proposez, par ce texte, d'assouplir la gouvernance du GIP France Télé Numérique, en créant deux postes distincts de président et de directeur général, M. Lévrier vient d'être remplacé par Louis de Broissia.

Pour revenir à la question des aides financières, deux d'entre elles, ainsi que je viens de le rappeler, ne sont accessibles qu'aux foyers exonérés du paiement de la redevance audiovisuelle. Or, à l'occasion du passage du RMI au RSA, nombre de nos concitoyens qui étaient préalablement bénéficiaires du RMI, et donc exonérés de la redevance audiovisuelle, vont devoir désormais s'en acquitter, du fait de leur passage au RSA. Ainsi, selon les chiffres communiqués par Martin Hirsch lui-même, un bénéficiaire du RMI qui gagnait 200 euros par mois en travaillant à temps partiel, ne payait ni taxe d'habitation ni redevance. Désormais, un bénéficiaire du RSA qui gagne 200 euros en travaillant à temps partiel, paiera sa taxe d'habitation et sa redevance audiovisuelle. Il sera, de fait, inéligible aux deux aides annoncées.

Dans un autre domaine, nous ne comprenons pas que, sous prétexte de « simplification administrative », une disposition de ce texte supprime une nouvelle consultation publique préalable à l'attribution des fréquences lorsque le CSA a déjà organisé une consultation publique dans la zone géographique considérée en vue du lancement d'un appel à candidatures pour des services de radio et de télévision.

En effet, la loi de 1986 relative à la liberté de communication dispose que le CSA doit procéder à des consultations publiques lorsque des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur le paysage radiophonique ou de modifier de façon importante le marché en cause. Lorsque certaines fréquences n'ont pas été attribuées suite à un appel d'offres, la jurisprudence administrative interdit au CSA de les laisser en jachère. Celui-ci se trouve donc dans l'obligation de procéder à un nouvel appel d'offres et, préalablement, à une nouvelle consultation publique. Cette rédaction aurait pour objectif, nous dit-on, de poursuivre la simplification des procédures.

Or, d'une part, le terme choisi laisse la porte ouverte à l'organisation de consultations publiques seulement nationales préalablement à des appels à candidature locaux et,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…d'autre part, l'absence de terme temporel de la dispense offre au CSA la possibilité de ne pas organiser à nouveau de consultations pour l'attribution de fréquences radioélectriques, même des années après la dernière consultation.

Aussi faudrait-il au moins restreindre la dispense à deux cas précis qui apparaissent entièrement légitimes : premièrement, lorsque le CSA retire des fréquences – soit lorsque le titulaire de ces fréquences les restitue ou fait l'objet d'une liquidation judiciaire, soit lorsque le retrait de l'autorisation constitue une sanction – ; deuxièmement, lorsque le CSA organise à nouveau un appel à candidatures peu de temps après avoir organisé une consultation sur un territoire semblable et pour les mêmes services.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je m'en réjouis, madame la rapporteure. À défaut d'une telle modification, nous considérerons que la suppression des consultations locales préalables aux appels à candidature sera nuisible au pluralisme.

En résumé, mes chers collègues, ce texte fait l'objet de bien trop d'approximations en ce qui concerne le passage au numérique et de bien trop peu d'ambition sur la question fondamentale du développement du très haut débit. L'accès de nos concitoyens à la télévision ne peut être traité avec autant de légèreté. Quant au développement du très haut débit, il touche à l'enjeu essentiel de l'aménagement du territoire et devrait, à ce titre, faire l'objet d'un débat d'une tout autre nature. Les collectivités territoriales qui, elles, ont compris les enjeux et savent qu'il est vital d'avancer vite en la matière, méritent mieux que des objectifs flous et non financés. Pour toutes ces raisons, en votant cette motion de renvoi en commission, vous aurez le réflexe républicain de marquer votre attachement indéfectible à l'égalité des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je veux, en ma qualité de président de la commission saisie au fond, répondre à M. Bloche au sujet de la motion de renvoi en commission qu'il vient de défendre. De deux choses l'une, monsieur Bloche : ou bien vous n'avez pas lu le texte issu des travaux de la commission, ce qui est fort possible, ou bien il y a un vrai problème de compréhension entre nous, ce qui m'étonnerait, car j'ai, jusqu'à présent, très bien compris tout ce que vous disiez.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

N'y voyez pas malice de ma part, monsieur Bloche, mais j'aurais préféré que cette motion de renvoi en commission soit défendue par un membre de la commission des affaires économiques. C'est avec plaisir, cher collègue, que je vous aurais accueilli à la commission des affaires économiques. Hélas, je ne vous y ai vu que lors d'une seule audition !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Vous êtes injuste ! J'ai participé aux réunions de la commission des affaires culturelles, saisie pour avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je dis seulement que la commission saisie au fond n'a pas eu le plaisir de votre présence. Vous étiez libre d'y venir. Or, c'est bien du renvoi du texte devant la commission saisie au fond que nous discutons, en vertu du règlement de notre assemblée. Il aurait donc été préférable que la motion de renvoi en commission fût défendue par un membre de notre commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ce n'est pas très sympathique pour la commission des affaires culturelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je ne mets pas en cause la commission des affaires culturelles, monsieur Bloche, je vous dis simplement qu'il est plus logique qu'une motion de renvoi en commission soit défendue par un membre de la commission saisie au fond ! En dépit de votre expérience en tant que député, je vais finir par me demander si vous connaissez le règlement de l'Assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Vous êtes inutilement désagréable avec moi et avec la commission des affaires culturelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

C'est vous qui cherchez à être désagréable, je vous rends la pareille ! Je ne cherche nullement à mettre en cause la commission des affaires culturelles, pour laquelle j'ai le plus grand respect ; je dis seulement que vous défendez une motion de renvoi devant la commission des affaires économiques, non devant la commission des affaires culturelles. Je le répète, vous ne connaissez pas règlement de notre assemblée, ce qui est désolant pour vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je connais parfaitement le règlement ! C'est vous qui vous obstinez à ignorer que la commission des affaires culturelles a été saisie pour avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Si vous aviez assisté aux réunions de la commission saisie au fond, vous auriez pu constater que nous nous sommes auto-saisis…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Vous avez suspendu vos travaux, c'est différent !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Allons, monsieur Bloche, vous n'étiez pas là, comment pouvez-vous savoir ce que nous avons fait ? Vos interrogations ont trouvé une réponse très concrète lorsque nous avons auditionné le CSA et l'ARCEP – vous étiez présent, ainsi que Mme Tabarot et M. Gaultier ; Mme de La Raudière, qui a reçu vingt-cinq institutions différentes et organisé des confrontations entre plusieurs opérateurs, a effectué un travail remarquable qui ne saurait être remis en cause par votre demande de renvoi.

La commission a travaillé au total durant vingt heures, auditionnant M. Mercier le 6 octobre, le CSA le 21 octobre, l'ARCEP le 3 novembre ; enfin, Mme Kosciusko-Morizet a été entendue le 4 novembre, ce qui lui a permis de répondre à toutes les interrogations de la commission – notamment à la plupart de celles que vous avez formulées tout à l'heure.

Mme la rapporteure aura certainement l'occasion de revenir, tout au long du débat, sur les différents points que vous avez évoqués, qu'il s'agisse de la puissance augmentée ou des incidences du climat sur le fonctionnement des paraboles. Pour ma part, j'ai chez moi, dans les Hautes-Alpes, une parabole dont le fonctionnement n'a jamais été altéré par des problèmes climatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Sans doute y a-t-il moins de neige chez vous que chez moi, monsieur Brottes ; toujours est-il que je n'ai jamais eu de problèmes avec ma parabole !

Vous suscitez des inquiétudes non fondées, monsieur Bloche, et je regrette sincèrement que vous ayez jugé bon de recourir à une argumentation qui n'est plus de mise aujourd'hui. Le travail a été fait, et très bien fait, par la commission saisie au fond et la commission saisie pour avis, ainsi que par Mme Kosciusko-Morizet, qui nous a fourni toutes les réponses que nous souhaitions. Dans ces conditions, il me paraît urgent de poursuivre le débat ; je souhaite par conséquent que l'on rejette cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous me faites beaucoup de peine, monsieur le président de la commission des affaires économiques (Rires et exclamations) car vous n'avez, malheureusement, pas écouté ce qu'a dit Patrick Bloche. J'en veux pour preuve le fait que vous ayez utilisé l'argumentation classiquement opposée à une demande de renvoi en commission, contestant que la commission ait mal fait son travail. Or, nous n'avons rien prétendu de tel ! Notre commission a très bien travaillé…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…n'hésitant pas à renvoyer le texte à plusieurs reprises, ce qui lui a permis de beaucoup avancer. Nous avons bien travaillé parce que nous aimons travailler en commission, monsieur le président ! Le problème est que nous n'avons pas travaillé autant que nous l'aurions dû, sous votre autorité marquée par un sens de la mesure – dont vous ne montrez pas, il est vrai, toute l'étendue dans l'hémicycle... Le Gouvernement s'y est repris à deux fois, et nous avons apprécié que Mme la secrétaire d'État finisse par nous rejoindre…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

La première fois, j'étais en train d'accoucher !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…une fois l'heureux événement survenu, car il était temps !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Désolée, cela prend neuf mois ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

M. Mercier a mis, lui aussi, un certain temps à accoucher, mais nous avons tout de même bien travaillé !

Même s'il n'y a pas urgence sur ce texte, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi, trop de questions n'ont pas reçu leurs réponses en commission. Je ne reviens pas sur le montant du fonds, mais force est de constater que l'on crée un fonds sans fonds : il faudra bien, à un moment, nous expliquer par quoi il sera abondé !

Je me souviens du président du CSA disant : « Il faut que la loi m'aide à prendre des dispositions coercitives. Seule la loi peut m'amener à contraindre les chaînes à venir à de meilleurs sentiments sur cette question ». Je n'ai pas l'impression que le texte, en son état actuel, donne les moyens au président du CSA de contraindre les chaînes, notamment à contribuer au fonds. Telle est également l'intention du Gouvernement, comme nous l'a dit Mme la secrétaire d'État tout à l'heure. Faut-il attendre un autre texte pour que soient adoptées des dispositions contraignantes pour les chaînes ? Faisons-le maintenant, plutôt que d'être obligés, dans quelque temps, de remettre l'ouvrage sur le métier. Si nous souhaitons que la commission continue à travailler, c'est pour lui permettre d'apporter des solutions aux questions qui restent posées.

J'avais, au nom de mon groupe, demandé à Mme la secrétaire d'État de nous communiquer les décrets de mise en oeuvre du fonds. Si elle m'a répondu qu'elle allait s'y employer, cela n'a pas été fait jusqu'à présent. Or, il est important que nous sachions quels seront les droits de tirage des uns et des autres sur les décrets de mise en oeuvre.

En ce qui concerne le financement, les chaînes vont réaliser une double économie, comme l'a dit Patrick Bloche. Premièrement, si l'on prend l'exemple de TF1, la diffusion en numérique lui coûtera 6,6 millions d'euros au lieu des 60 millions d'euros nécessaires jusqu'à présent à la diffusion en analogique. Mais, comme si cela ne suffisait pas, il faut une deuxième économie, qui sera obtenue en diminuant le réseau – 50 % d'émetteurs en moins –, ce qui n'est pas acceptable pour les territoires ruraux, qui vont subir une double peine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En effet, les territoires ruraux n'ont accès ni à la TNT, ni à l'internet à haut débit.

De grandes interrogations demeurent, par ailleurs, sur le coût de la radio numérique terrestre, donc sur l'existence des radios associatives qui, demain, risquent de ne pouvoir financer le passage au numérique.

De même, l'avenir des pylônes est encore incertain. On a injustement accusé TDF qui, grâce à certains de ses agents ayant encore l'esprit du service public, nous a alertés, dans le Lot-et-Garonne comme ailleurs, sur le risque de se retrouver avec un écran noir.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

C'est un scandale !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le président du CSA nous a affirmé que le passage au numérique aurait très peu d'impact sur la desserte – selon lui, on obtiendrait même, au prix d'une véritable prouesse, une certaine amélioration. Cette affirmation n'est que partiellement exacte, car elle ne concerne que les zones où l'analogique était diffusé à une qualité optimale. Or, comme je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, dans nos territoires ruraux et de montagne, on ne regarde pas si la qualité de la télévision est de 100 % : on s'estime heureux quand on la reçoit ! « Monsieur le député, avant, j'avais la télévision, maintenant je ne l'ai plus ! », voilà ce que les élus risquent d'entendre !

De grâce, prenons garde à ce que l'attachement à certains repères ne se traduise pas par l'apparition d'écrans noirs ! Il reste encore énormément de chemin à parcourir, monsieur le président de la commission, c'est pourquoi nous souhaitons que ce texte soit renvoyé en commission, où nous travaillerons à son amélioration avec une passion intacte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Il conviendrait de faire respecter deux principes très simples. Le premier est de permettre l'accès de tous aux chaînes de la TNT – ce dont nous sommes, à l'évidence, encore loin, puisqu'il est question d'une couverture minimale.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Dans ma région, la Haute-Normandie et la Basse-Normandie vont passer à la télévision numérique à des dates différentes. Or, une partie de la Haute-Normandie est couverte par les émetteurs de Basse-Normandie. Comment cela va-t-il se passer – étant précisé que la question concerne une bonne partie de l'agglomération havraise ? Nous ne disposons pour le moment d'aucune information sur ce point. Quels sont les foyers havrais captant actuellement l'émetteur de Caen, qu'il conviendrait d'accompagner vers le numérique dès le moment où la Basse-Normandie va adopter ce mode de diffusion ? Le CSA n'a toujours pas publié la carte de couverture, ce qui nous empêche de déterminer avec précision les conséquences du passage au numérique sur la ville du Havre – et j'imagine que notre région n'est pas la seule à se trouver dans cette situation.

Par ailleurs, la région havraise fait l'objet d'un décrochage local de France 3, appelé France 3 Baie de Seine, qui se fait tous les soirs vers dix-huit heures quarante, avec une reprise à la suite du journal Soir 3 à vingt-deux heures trente. Comment ce décrochage sera-t-il diffusé après le passage au numérique, et quels sont les foyers havrais qui pourront le capter ? Comme l'a dit François Brottes, les gens se moquent bien que la télévision soit numérique ou non, ils craignent avant tout de se retrouver devant un écran noir. Il faut donc veiller à assurer la continuité de la réception au moment du passage à la TNT qui va s'effectuer dans quelques mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Ces questions, qui viennent s'ajouter à toutes celles qui ont été évoquées depuis le début de cette demande de renvoi en commission, justifient que l'on se rapproche à nouveau des organismes compétents – je pense en particulier au CSA – pour obtenir qu'ils nous fournissent les réponses appropriées.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ce texte nous donne l'occasion d'assister à des moments formidables. Je remercie le député du 11e arrondissement de Paris d'avoir cité le Lot-et-Garonne à la tribune : c'est là l'exemple d'une solidarité qui ne s'exprime que trop rarement, et que nous apprécions à sa juste valeur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'est ce qu'on appelle les huiles essentielles ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

C'est plutôt un petit parfum d'HADOPI que l'on sent flotter sur nos débats. (Sourires.)

En ce qui concerne la TNT, je voudrais que l'on arrête d'opposer les chiffres TDF aux chiffres CSA. À défaut, notre débat va finir par partir en vrille ! Prendre TDF pour bouc émissaire n'est pas juste. On peut discuter et argumenter sur les chiffres, mais on ne peut pas dire n'importe quoi sur TDF, qui a joué un rôle déterminant dans la prise de conscience de la commission des affaires économiques. Il me paraît donc nécessaire de faire preuve d'un peu plus de mesure et d'équilibre. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Patrick Bloche a, à juste titre, souligné le caractère hétérogène du texte : TNT, fibre optique, fracture numérique, cela part un peu dans tous les sens. Cela m'amène d'ailleurs à considérer que les sujets majeurs ne devraient sans doute pas être abordés par le biais d'une proposition de loi. La réduction de la fracture numérique est un enjeu sociétal et territorial majeur qui aurait mérité une autre analyse, impulsée par le secrétariat d'État à l'économie numérique, qui prenne en compte le caractère permanent de la fracture qu'entraîne chaque innovation technologique, qui souligne l'enjeu stratégique pour notre pays d'une diffusion plus rapide de l'innovation sur l'ensemble de la société et du territoire, qui mette en place enfin des financements pérennes.

Aujourd'hui, nous avons ce texte. Il est vrai qu'il était mal ficelé au départ et qu'il prévoit un « fonds sans fonds », mais c'est mieux que rien. Surtout, je retiens que le Gouvernement a décidé de l'améliorer. Sans méconnaître, donc, ses lacunes, je crois qu'au lieu de voter le renvoi en commission que propose Patrick Bloche, mieux vaut nous en tenir à cette dynamique d'amélioration, et ce pour quatre raisons.

Premièrement, il faut tenir le calendrier TNT. La TNT est un progrès, et libérera en outre des fréquences très utiles.

Deuxièmement, et malgré l'annonce peu sérieuse, scandaleuse même, de ce fonds sans fonds, l'arbitrage en faveur du numérique dans le cadre du grand emprunt – 2 milliards d'euros – permettra d'amorcer un certain nombre de projets.

Troisièmement, le Gouvernement a apporté plusieurs mesures correctrices. Je pense notamment à l'augmentation de puissance, aux 56 millions supplémentaires pour le fonds d'équipement et aux 50 millions pour le fonds d'accompagnement. Nous pourrons demander à Mme la secrétaire d'État des précisions sur ces différents points, et lui demander aussi comment les chaînes vont payer. Nous devons jouer notre rôle de parlementaires.

Quatrièmement, le Gouvernement, et je m'en réjouis, a accepté, pour cette transition, de passer d'une gestion jacobine à une gestion girondine et décentralisée.

Voilà les quatre raisons pour lesquelles le Nouveau Centre, qui n'ignore rien des lacunes de ce texte, ne votera pas le renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

En préambule, je voudrais souligner l'ambiguïté du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

En effet, alors que Mme Erhel, défendant la motion de rejet préalable, nous a expliqué qu'il ne fallait pas légiférer, M. Bloche affirme qu'il est au contraire vital d'avancer aussi vite que possible.

S'agissant du très haut débit, M. Bloche nous a reparlé de la fracture numérique et des zones 2 et 3. Je rappelle que nous allons, avec ce texte, fixer un cap à l'ARCEP, qui devra trouver des solutions. Nous aurons ainsi l'occasion de revenir sur les schémas directeurs et de favoriser la mise en place de réseaux d'initiative publique.

M. Bloche a également évoqué un service universel pour le très haut débit. Pourquoi pas ? Mais, les sommes en jeu étant de l'ordre de 30 à 40 milliards, je préfère une montée en débit. Commençons par équiper en cuivre toutes les zones d'ombre – ce qui garantira un débit de 25 méga-octets – avant de parler de très haut débit pour tous. Il y a là une réalité économique incontournable.

Sur les usages du très haut débit, nous sommes tous d'accord, mais nous ne pouvons pas faire table rase du passé…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Nous ne comptons pas sur vous pour cela ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Ne rêvons pas : cela prendra plusieurs années.

Enfin, M. Bloche a considéré que le texte n'était pas à la hauteur des enjeux. Je ne partage pas son avis. J'estime, pour ma part, qu'il est urgent de légiférer.

S'agissant du basculement vers la TNT, il a exprimé sa vive inquiétude, notamment quant à un risque de régression. Ce risque, en tout cas, épargnera la qualité de l'image et du son, ainsi que les possibilités de développer des chaînes locales. Puisque chacun cite son département, je rappellerai que la Haute-Savoie a sa chaîne locale – TV8 Mont-Blanc – sur la TNT.

La TNT, c'est encore la porte ouverte à la radio numérique, à la télévision mobile personnelle. Tout cela justifie que nous fassions preuve d'un certain engouement pour cette technologie.

Sur la couverture, le débat est ouvert. Nous trouverons des solutions dans le cadre de l'examen des articles.

À propos, enfin, de l'information des élus, nous demanderons au CSA et à TDF d'user de tous les moyens à leur disposition pour dispenser celle-ci. Mais c'est aussi le rôle des parlementaires que d'assurer le « service après vente » : rien ne vous interdit, chers collègues, de demander au CSA et à TDF des informations complètes sur les zones de couverture… Le groupement d'intérêt public France Télé Numérique apportera également une aide aux élus.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre le renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1. J'aurais pu évoquer l'alinéa 4, consacré aux faits personnels, mais je n'aurais eu la parole qu'en fin de séance.

Je tenais à rappeler au président de la commission des affaires économiques qu'il existe une jeune et belle commission, la commission des affaires culturelles et de l'éducation (Sourires), présidée par Mme Tabarot, et que cette commission s'est justement saisie pour avis de ce texte, ce qui a donné lieu à l'excellent rapport – sur la forme, en tout cas – de M. Gaultier.

Monsieur Ollier, je connais votre honnêteté intellectuelle. Vous m'avez pris à partie, en faisant observer que je n'avais pas été présent en commission des affaires économiques. C'est en commission des affaires culturelles et de l'éducation, en effet, que j'ai examiné ce texte ; j'y ai même été l'intervenant principal de mon groupe. J'ai également participé à l'audition du CSA par les deux commissions. Mais je n'ai pas le don d'ubiquité…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je suis membre d'une commission aux travaux de laquelle je participe activement.

Je tenais à préciser, dans le cadre de ce rappel au règlement, que la commission des affaires culturelles et de l'éducation avait joué tout son rôle. Le développement de la TNT est un sujet qui nous a tous mobilisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Frédérique Massat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En effet, monsieur Brottes.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « l'objectif ambitieux de voir à la fin de l'année 100 % des communes de France avoir accès à la téléphonie mobile, à l'internet à haut débit et à la télévision numérique est en passe d'être atteint » : ainsi parlait le ministre chargé de l'aménagement du territoire en 2007. Force est de constater que cet objectif ambitieux est loin d'être atteint fin 2009.

La fracture numérique accentue les disparités territoriales, notamment en zone rurale et plus encore en zone de montagne. Eu égard à ce retard et à ces inégalités territoriales, on peut se demander pourquoi, face à l'enjeu majeur que constitue le désenclavement numérique, l'État n'est pas à l'origine d'une initiative législative – puisque nous sommes saisis d'une proposition de loi.

Le numérique représente un formidable espoir de désenclavement pour les territoires ruraux et de montagne. II participe du développement et de l'aménagement du territoire en renforçant l'attractivité économique et l'égalité des chances pour notre jeunesse.

Toutefois, si l'utilisation de l'internet est potentiellement un facteur incontestable de désenclavement des zones rurales et reculées, la réalité est malheureusement tout autre. De nombreux obstacles techniques empêchent en effet que tous les citoyens français aient accès à une qualité de service identique.

À l'origine de cette inégalité, on retrouve l'architecture du réseau téléphonique, sur lequel s'appuie la grande majorité des accès à haut débit. Or, dans un département de montagne comme l'Ariège, plusieurs communes n'ont pas accès à la téléphonie fixe. Leurs habitants ont beau être reliés au réseau France Télécom et payer leur abonnement, ils sont dans l'incapacité de téléphoner en raison de la vétusté et du manque d'entretien du réseau.

Si les collectivités territoriales jouent un rôle très important dans le développement des réseaux et dans la couverture des zones dites blanches, leur situation financière ne leur permettra pas d'assumer le déploiement des réseaux à très haut débit.

L'Ariège, territoire caractérisé par des zones peu denses présentant une rentabilité trop faible pour les opérateurs privés, a néanmoins pris l'initiative d'offrir à ses habitants un avenir numérique. On peut regretter que la solidarité nationale ait fait défaut aux Ariégeois, qui ont dû financer cet équipement par leurs impôts locaux.

Ainsi, le conseil général de l'Ariège a mis en place, dès 2004, un « plan haut débit » d'un montant de 30 millions d'euros, subventionné par la région Midi-Pyrénées et l'Europe, l'État étant « aux abonnés absents » pour la mise en place et l'exploitation des 400 kilomètres de fibre optique qui permettront de couvrir une partie de la population.

Aujourd'hui, un programme complémentaire de 4 millions d'euros est à l'étude et, eu égard aux annonces faites par le Gouvernement, eu égard à ce texte, j'espère, madame la secrétaire d'État, que l'État pourra, cette fois-ci, accompagner le département dans son initiative.

Le présent texte a le mérite de tenter d'apporter des solutions à cette lourde problématique. Malheureusement, de nombreuses interrogations subsistent après son examen en commission. Elles portent notamment sur le principe, affiché dans la proposition de loi, d'une couverture minimale ; ce principe est en effet sans réelle portée, puisqu'il n'est assorti d'aucun engagement. Elles ont trait également au fonds d'aménagement numérique, dont on ignore comment il sera alimenté et s'il sera investi d'une véritable mission de péréquation. Elles concernent enfin les schémas territoriaux d'aménagement numérique, dont l'architecture reste très floue.

Cette proposition de loi traite aussi de la télévision numérique. Or le passage au tout-numérique préoccupe fortement les territoires ruraux et de montagne. Lors du congrès de l'Association nationale des élus de la montagne, qui compte d'illustres représentants dans cet hémicycle, vous avez déclaré, madame la secrétaire d'État : « La TNT sera bien une télévision numérique pour tous, dans les mêmes conditions d'équité financière. »

Dans les territoires de montagne, ces objectifs semblent cependant difficiles à atteindre. En Ariège où une trentaine de communes seulement seront équipées de relais numériques – trois fois moins que pour l'analogique –, il n'y aura pas d'autre solution que de recourir massivement aux paraboles. En effet, le doublement de la puissance en numérique ne permettra de couvrir que 88 % de la population, contre 96 % actuellement en analogique. Or, en zone de montagne – n'en déplaise au président de la commission, nous vivons, nous aussi, en zone de montagne –, la parabole n'est pas fiable car, dès qu'il y a du gel, de la neige, des rafales de vent, la réception est perturbée, voire nulle, et ces conditions climatiques sont précisément le quotidien des habitants, l'hiver, en montagne.

De plus, la durée de vie d'une parabole soumise à de telles intempéries n'excédera pas cinq ans. Il faudra donc renouveler régulièrement le parc. Qui paiera ? L'État sera-t-il au rendez-vous pour renouveler le matériel dans cinq ans ? Nous attendons des réponses.

Enfin, au-delà de ces questions de coût, les paraboles constitueront une pollution visuelle dans ces zones protégées.

Pour conclure, je souhaite que l'ambition portée par l'intitulé de cette proposition de loi prenne forme grâce au débat que nous nous apprêtons à mener, ainsi qu'à nos amendements dont la seule ambition est de réduire la fracture numérique pour tous les citoyens montagnards, ruraux ou urbains, dans un souci d'équité et de solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je demande à chaque orateur de bien vouloir respecter son temps de parole.

La parole est à M. Daniel Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le dossier de l'aménagement numérique de notre territoire est sans doute l'un des dossiers économiques majeurs des décennies à venir. Parmi les divers défis auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés, le déploiement des moyens d'accès à l'internet à très haut débit figure en bonne place.

Les effets de son déploiement seront profonds et viendront certainement bouleverser notre façon de communiquer, de nous cultiver, de nous informer, de nous former et de travailler. Le monde de la culture, comme celui du travail, de l'enseignement, de la santé, des services publics, de l'audiovisuel, de la recherche en subiront les impacts.

L'enjeu du déploiement des réseaux de communication électronique à très haut débit est tel que nous devons tout faire pour permettre à l'ensemble de nos concitoyens, de nos territoires et de nos entreprises, d'en bénéficier dans les meilleurs délais, d'autant que la France, comme ses voisins européens, est à la traîne par rapport aux États-Unis ou au Japon.

Au regard du désenclavement qu'il permet et des possibilités qu'il ouvre, le très haut débit deviendra bientôt un service vital à l'instar de l'électricité, ce qui rend insupportable toute fracture territoriale en la matière.

À l'aune des enjeux, nous ne sommes pas seuls à penser que cette proposition de loi manque crucialement d'ambition. Il aurait été préférable d'adopter une logique de couverture totale du territoire par la fibre optique dans les plus brefs délais. Vous avez fait un autre choix et vous jouez « petit bras » : vous vous contentez d'afficher une ambition modeste et un consensus a minima de couverture « dans des délais raisonnables ».

Certes, des efforts ont été accomplis pour améliorer le texte initial ; mais vous vous heurtez à la logique européenne et à la nécessité de faire place au privé.

La première partie de la proposition, qui s'inscrit dans la continuité de la loi de 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur et de la loi de 2008 dite de modernisation de l'économie, n'appelle de ma part que quelques questions et observations, dans la mesure où le texte et le rapport qui l'accompagne dissipent en partie les craintes exprimées ici ou là, notamment celle du syndrome de l'écran noir. Je me bornerai donc, pour le moment, à trois questions.

La première est relative à mon département : elle concerne le cas particulier de la commune d'Étretat, située dans ce que l'on appelle en Normandie une valleuse et en Bretagne une ria ou un aber ; classée au patrimoine mondial de l'humanité, elle ne peut donc couvrir ses toits de paraboles et risque de se retrouver dans l'obscurité au premier semestre 2011. Quelle solution préconisez-vous ?

Je rappelle que je m'interroge également sur la situation particulière du Havre, que j'ai évoquée tout à l'heure : son territoire est pour partie couvert par un émetteur de Basse-Normandie, qui passera à la TNT un an avant la Haute-Normandie, le 9 mars 2010. En outre, qu'en sera-t-il du décrochage quotidien de France 3 sur la baie de Seine ?

Ma troisième question concerne directement nos concitoyens. Nous prenons acte de votre proposition de prise en charge par l'État des éventuelles acquisitions et adaptations qu'auraient à effectuer les téléspectateurs pour assurer la continuité du service. Mais ces sommes forfaitaires destinées à l'équipement des ménages – parabole, adaptation d'antenne, etc. –, qui ne concernent pas toutes les familles, couvrent-elles les frais de déplacement et d'intervention des techniciens ? Je songe également, là encore, à la situation à laquelle Le Havre sera confronté un an avant les autres communes du département.

Enfin, même si nous nous doutions du sort qui lui serait réservé, nous regrettons qu'ait été déclaré irrecevable notre amendement à l'article 1er DC, qui tendait à inscrire dans le texte le principe de la compensation intégrale des investissements consentis par les collectivités territoriales afin d'assurer la continuité de la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique.

La commune de Ry, dans mon département, vous a du reste adressé en octobre dernier, madame la secrétaire d'État, une lettre dont j'ai ici la copie, que je pourrai vous transmettre tout à l'heure. Elle y proposait que les dépenses de maintenance, qui lui coûtent d'ores et déjà 3 000 euros par an – pour 700 habitants ! –, soient couvertes par un prélèvement sur les recettes publicitaires des chaînes.

La seconde partie de cette proposition suscite beaucoup plus de critiques. Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique à l'échelle minimale d'un territoire départemental, qui ont vocation à assurer une péréquation entre les zones plus denses et les zones moins denses, en organisant et en favorisant le partage des infrastructures entre réseaux de communications électroniques, constituent sans doute des outils appropriés pour rationaliser le déploiement de la fibre optique, accorder les différentes initiatives en la matière et en maîtriser ainsi les coûts. Si nous accueillons donc favorablement ce nouvel outil, nous sommes en revanche sceptiques, voire inquiets, à deux égards.

S'agissant tout d'abord du fonds d'aménagement numérique des territoires, l'incertitude est totale quant à son volume et à l'origine des ressources qui viendront l'abonder : s'agira-t-il de l'impôt, des fonds structurels européens ? Ce brouillard financier nous fait craindre que les collectivités territoriales ne doivent en définitive mettre une fois de plus la main à la pâte et à la poche. Ce serait un comble, alors que le Gouvernement ne cesse d'incriminer la progression de leurs dépenses pour justifier ses réformes – suppression de la taxe professionnelle, réforme territoriale, etc.

Les élus locaux seront donc confrontés à un choix cornélien : accepter de financer le progrès que constitue le déploiement de la télévision numérique et du très haut débit malgré la diminution constante de leur dotation globale de fonctionnement et les inéluctables baisses de ressources qu'entraînera la suppression de la taxe professionnelle, ou être stigmatisés pour leur archaïsme, leur hostilité au progrès et leur désinvolture à l'égard de l'attractivité territoriale.

Rappelons ensuite que nous sommes fermement opposés à l'article 1er IA, qui permet aux collectivités territoriales de participer au capital de sociétés commerciales se consacrant à l'établissement et à l'exploitation d'infrastructures passives de communications électroniques, et aux représentants des collectivités siégeant au conseil d'administration de ces sociétés d'être rémunérés par ces dernières. Certes encadrée par plusieurs garde-fous, cette nouvelle forme de partenariat public-privé n'en reste pas moins inacceptable à nos yeux, notamment en raison des problèmes évidents de conflits d'intérêts qu'elle pose. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles et des amendements.

Alors que le plan « France numérique 2012 » était porteur d'une grande ambition – faire de la France l'un des pays leaders en matière de très haut débit –, alors que le titre de la proposition, qui fait référence à la lutte contre la fracture numérique, est prometteur, la partie traitant de cette question s'intitule désormais « Prévenir l'apparition d'une fracture numérique dans le très haut débit ». Si vous affichez par là une certaine lucidité, vous vous dérobez manifestement face à ce qu'exigerait la situation, si bien que l'on peut évoquer sans hésiter un manque d'ambition.

Mieux aurait valu intituler cette proposition « Abolition de la fracture numérique » et lui donner pour ambition de déployer la fibre optique dans les plus brefs délais, plutôt que dans des délais « raisonnables ». Malheureusement, vous calez faute de volonté politique et de moyens. Certes, les 40 milliards d'euros que l'on évoque ne sont pas négligeables ; mais une telle somme répartie sur cinq à dix ans, s'agissant d'un « grand chantier » destiné à préparer l'avenir, est tout à fait réaliste. Je ne rappellerai pas les sommes englouties par certains groupes, celles que vous avez mises sur la table depuis quelques mois pour les tirer d'affaire, ni le montant annuel du bouclier fiscal, qui permettrait à lui seul de financer un plan numérique national en une législature.

Ainsi rédigé, ce texte, s'il rationalise opportunément les futurs chantiers de déploiement du très haut débit – on reconnaît la marque du travail accompli en commission –, entérine l'existence d'une nouvelle fracture numérique qui s'ajoutera à la première, puis s'y substituera, avant d'être éventuellement résorbée. Faute de crédits budgétaires dédiés, cette proposition de loi, finalement décevante, ne sert pas l'intérêt général.

À nos yeux, la fracture numérique constitue un sujet de société – car elle reflète les inégalités sociales et territoriales –, mais aussi un véritable enjeu économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

À ce double titre, elle mérite bien plus que ce traitement superficiel qui entérine le désengagement de l'État au profit du marché, conformément aux souhaits de la Commission européenne.

La dérégulation du secteur stratégique d'intérêt général que constitue le secteur des communications a conduit à renforcer les prérogatives des grands groupes privés, qui accroissent leurs bénéfices en exploitant les zones denses, mais sont « aux abonnés absents » lorsqu'il s'agit de couvrir ceux de nos concitoyens qui vivent loin des centres d'activité, dans des territoires non desservis ou mal desservis par les technologies numériques, qu'il s'agisse de l'internet, de la téléphonie mobile, de la télévision ou de la radio.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Au lieu de placer au coeur du dispositif un pôle public des télécommunications qui soutiendrait le développement des réseaux de fibre optique, des réseaux sans fil ou des boucles WiMax, vous préférez permettre aux grands groupes privés de capter le dividende numérique et de renforcer leurs positions oligopolistiques au détriment des collectivités territoriales – qui devront financer des infrastructures lourdes – et, en dernier ressort, du portefeuille de l'usager final.

Ce texte accentue donc un peu plus la logique de libéralisation du secteur des télécommunications voulue par Bruxelles,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…qui aboutit inévitablement à un partage entre les segments du marché réservés au secteur privé – les zones denses, où les investissements sont peu coûteux et très rentables – et les autres, portés à bout de bras par la puissance publique sans que les moyens financiers soient pour l'heure définis.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Comme dans de nombreux secteurs stratégiques, cette logique conduit inévitablement à creuser des inégalités territoriales et sociales déjà fortes.

À ces solutions inégalitaires, nous préférons un service universel du numérique, appuyé sur un réseau national public de communications électroniques à très haut débit, dont la neutralité serait assurée par une autorité indépendante.

Nous sommes par ailleurs partisans d'une intervention importante de l'État en faveur des zones blanches, dont les habitants doivent se voir garantir l'accès aux technologies numériques dont bénéficient leurs concitoyens en zone dense. Car le recours accru au marché et à la libre concurrence ne permettra pas de réduire la fracture territoriale, sociale, culturelle et économique qui résulte des inégalités d'accès aux technologies.

En son état actuel, nous voterons donc contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, la fracture numérique, sur laquelle porte la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, est un sujet important.

À l'origine, cette proposition de loi de Xavier Pintat se bornait pour l'essentiel, modestement, à créer des schémas territoriaux et un fonds d'aménagement numérique. Puis le Gouvernement lui a ajouté les dispositions relatives à la transition vers la télévision numérique, après les premiers basculements et le changement de doctrine en matière de déploiement de la fibre optique.

Il en résulte un texte assez hétérogène, qui porte à la fois sur la TNT, sur la fibre et sur le très haut débit internet. En outre, et c'est là notre critique fondamentale, il ne traite pas entièrement le problème que pose la fracture numérique : sa permanence et sa récurrence.

En effet, chaque innovation technologique en appelle une autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Exactement. Or l'histoire nous le montre : ces dernières années, chaque innovation – le GSM, puis l'ADSL, puis la fibre optique – s'est traduite par une fracture numérique. Et cela continuera de se produire, innovation après innovation.

Cela laisse à notre pays le choix entre deux visions politiques. La première reviendrait à prendre acte du fait que chaque innovation entraînera un décalage de dix, quinze ou vingt ans entre Paris et les métropoles, d'une part, et le reste du territoire français, de l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La seconde suppose de réduire à quatre ou cinq ans, grâce à l'intervention de la puissance publique, nationale et locale, ce délai de diffusion de l'innovation dans les territoires. Il s'agit d'un enjeu considérable en termes d'aménagement du territoire – on l'a dit – et, plus profondément, de croissance économique.

En effet, nous le savons tous, la diffusion de l'innovation technologique est un puissant facteur de productivité. Ainsi, la croissance française sera d'autant plus forte que toute la population, sur tout le territoire, bénéficiera également de cette diffusion.

En réalité, cette question aurait mérité un projet de loi qui en traite de manière exhaustive. Ce n'est pas faire injure au Parlement que de dire que le Gouvernement jouit d'une capacité de conception supérieure à celle des députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Reconnaissons-le, le texte actuel traite le problème de manière incomplète. En témoignent deux lacunes. Tout d'abord, la question de la gouvernance de la diffusion technologique, qui, jusqu'aux dernières versions, était très centralisée, ignorant les territoires ; ensuite, ainsi que l'ont signalé mes collègues, le financement pérenne de la diffusion : le fonds sénatorial est un fonds sans fonds !

Toutefois, nous rendons hommage aux sénateurs pour avoir ouvert ce chantier, et nous reconnaissons que le Gouvernement a commencé de combler la première de ces lacunes structurelles.

Je parlerai tout d'abord du financement de la télévision numérique. Celle-ci constitue déjà une réalité pour une grande partie des Français. Elle permet d'améliorer la qualité de l'image, on l'a dit ; en outre, elle démultiplie l'offre, le bouquet numérique contenant dix-huit chaînes gratuites. Son extension aurait dû représenter un grand événement festif ; or elle n'allait pas de soi. Comprenez l'étonnement que le député d'un département rural que je suis a ressenti en apprenant, à son retour de vacances, que le Lot-et-Garonne était généreusement gratifié d'un taux de couverture prévisionnel de 73 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il faut retracer l'histoire de ce qui restera dans les mémoires comme un grand bug gouvernemental.

La loi du 5 mars 2007 avait pourtant fixé le seuil de couverture nationale par la TNT à 95 % de la population, ce qui constituait déjà une approche jacobine, ignorante des territoires. Le CSA, constatant l'erreur, avait tenté de la corriger par une résolution du 12 juillet 2007 prévoyant que, dans chaque département, la couverture devait atteindre au moins 91 % de la population. Or, aujourd'hui, la loi ne lui confie plus d'autre compétence que d'assurer une couverture minimale de la population dans chaque département. Quel recul !

Que s'est-il donc passé entre le 12 juillet 2007 et l'été 2009 ?

La vérité, nous la connaissons : le CSA a dû s'engager dans des négociations très dures avec les chaînes de télévision qui, placées dans une conjoncture très difficile, ont eu pour objectif prioritaire la réduction de leurs coûts de diffusion au détriment du taux de couverture dans chaque département.

Le résultat, nous le connaissons également : c'est l'oubli des départements ruraux. Pour le Lot-et-Garonne, le taux de couverture n'est plus que de 78%, même après la décision gouvernementale d'augmenter la puissance de l'émetteur du Pic du Midi. En l'absence de ce correctif, 20 000 foyers de ce département auraient été privés de télévision, ce qui aurait été un recul inacceptable – et n'a d'ailleurs pas été accepté.

Il faut avoir vécu la révolte de la commission des affaires économiques pour savoir ce qu'elle a eu d'exceptionnel. Elle a, fort heureusement, été comprise par son président, Patrick Ollier, qui a été à l'origine d'un véritable travail de refonte du dispositif, au terme duquel le Nouveau Centre se réjouit d'avoir été partiellement entendu par le Gouvernement. La ligne politique de ce texte a changé, ce dont nous prenons acte, madame la secrétaire d'État. Il n'est plus question de régression ni d'écrans noirs, car vous avez choisi d'adopter la ligne politique d'une « télévision numérique pour tous », ce qui constitue une bonne nouvelle.

Des engagements forts ont été pris, sur lesquels nous vous poserons des questions, madame la secrétaire d'État, car il importe de ne pas en rester aux effets d'annonce. Je veux parler de la hausse de 30 % de la puissance émettrice des pylônes TNT, de l'octroi de 56 millions d'euros supplémentaires au fonds d'équipement numérique et satellitaire, de la création d'un nouveau fonds d'accompagnement du passage à la TNT, doté de 50 millions, et de la participation des chaînes au financement de ces fonds.

Certaines questions restent cependant en suspens. Comment s'effectuera l'arbitrage commune par commune, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ? Faut-il opter pour la réception hertzienne commune par commune, ou plutôt pour la réception satellitaire ? Il faut mettre au point une méthodologie et avancer des propositions.

Par ailleurs, il faut trouver les moyens de mobiliser les élus locaux pour assurer le succès du basculement vers la télévision numérique. Pour nous, centristes, il est fondamental que le pilotage territorial de la transition tienne compte des réalités locales. On ne saurait en effet nier l'existence de spécificités qui tiennent autant au réseau local de télécommunications existant qu'aux réalités topographiques.

Nous devons construire la gouvernance de cette transition au plus près des territoires. Le Nouveau Centre entend défendre cette position, car une gouvernance territorialisée est plus à même d'identifier les bons choix. C'est pourquoi nous proposons la création d'une commission de la transition vers la télévision numérique, enracinée dans chaque département.

S'agissant ensuite de la fibre optique, je dois dire, madame la secrétaire d'État, que ce n'est pas sans agacement que nous avons vu arriver la nouvelle ligne gouvernementale. Au printemps 2008, le Gouvernement nous avait convaincus que le segment de réseau allant du pied de l'immeuble jusqu'à la prise de l'utilisateur devait être mutualisé. Désormais, on nous explique que la concurrence serait bénéfique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

En réalité, les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. Je reste pour ma part sceptique quant à la possibilité qu'un deuxième opérateur se déclare spontanément avant l'achèvement des travaux menés par le premier. Cela me semble un peu trop beau pour être vrai. La diffusion de la fibre optique sera beaucoup plus complexe, à mon sens. Mais ne soyons pas plus royalistes que le roi : le secteur des télécommunications, dont nous connaissons la complexité, s'accorderait de manière unanime sur cette approche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Pour notre part, nous n'avons qu'une exigence : que le nouveau système soit sain, ce qui suppose que le deuxième opérateur paie l'ensemble des coûts marginaux liés au déploiement de la fibre surnuméraire.

J'en viens aux schémas territoriaux numériques et au fonds d'aménagement numérique des territoires.

Suivant la même logique que pour la télévision numérique, nous approuvons l'innovation décentralisatrice que constituent ces schémas directeurs. Nous souhaitons cependant que les intercommunalités puissent avoir la maîtrise d'ouvrage pour l'établissement des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique, et nous nous étonnons que l'amendement déposé en ce sens n'ait pas été adopté.

En ce qui concerne le fonds d'aménagement numérique du territoire, nous sommes perplexes. Nous savons que nous avons besoin de cet outil pour que notre pays parvienne rapidement à diffuser les innovations technologiques sur tout le territoire et à travers tout le corps social. Mais que penser d'un fonds que les sénateurs, dans leur prudence légendaire, n'ont pas doté d'un financement pérenne ?

Alors, madame la secrétaire d'État, nous vous disons bravo pour les arbitrages que vous avez réussi à obtenir dans le cadre du grand emprunt : 2 milliards d'euros pour le très haut débit, cela permet d'amorcer la création du fonds. Mais permettez-moi de vous rappeler que nous parlons d'un marché de 30 milliards et que seuls 5 à 6 milliards seraient financés par le marché en zone 1. Faisons le calcul : si nous soustrayons de ces 30 milliards les 6 milliards provenant du marché et les 2 milliards du grand emprunt, il reste 22 milliards de financements complémentaires à trouver !

Le Nouveau Centre estime nécessaire de pérenniser le financement du fonds d'aménagement numérique des territoires. Dans cette optique, nous devons dès aujourd'hui réfléchir à des solutions, sans quoi nous manquerions à nos responsabilités de parlementaires. Le Nouveau Centre proposera une taxe minime – 50 centimes d'euro – sur les abonnements de communications électroniques, reprenant la proposition formulée par André Marcon au Conseil économique social et environnemental. Cette taxe, dont le produit est estimé à 600 millions d'euros par an, permettrait de contracter un emprunt couvrant les 22 milliards qui manquent au financement du très haut débit.

Peut-être sommes-nous trop pessimistes, car il ne faut pas oublier que les sénateurs ont ouvert cet important chantier et que le Gouvernement a corrigé les premières lacunes, mais il reste bien du « grain à moudre » pour ce débat. Pour ma part, j'espère que nos discussions nous permettront de continuer dans la même dynamique positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Vous auriez dû voter le renvoi en commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte qui constitue un exemple de coproduction législative. Cette initiative parlementaire, au départ modeste, a pris de l'ampleur et du souffle lors de son examen au Sénat. Nous l'avons encore enrichie en commission, tout en nous inscrivant dans la continuité des choix sénatoriaux que nous avons très largement approuvés.

À toutes les étapes de la procédure, les contacts entre les deux assemblées et avec le Gouvernement ont été constants et constructifs. Par notre action, nous avons amené le Gouvernement à modifier sensiblement sa position initiale, sans psychodrame, car nous avons voulu éviter que cela tourne à la confrontation et au bras de fer. Nous ne pouvons que souhaiter que l'examen de tous les textes se déroule dans le même esprit.

Cette proposition de loi repose sur deux piliers : le passage à la télévision numérique et le déploiement du très haut débit.

Le passage à la télévision numérique a été décidé par la loi de 2007. Sans remettre en cause l'équilibre qu'elle a établi, cette proposition de loi vient régler des questions techniques, qui ont leur importance. Comme il est essentiel que le basculement vers le tout numérique soit un succès, il fallait dissiper certaines inquiétudes sur le taux de couverture réel, notamment en zone rurale et en montagne.

Les différentes auditions que nous avons pris le temps de mener en profondeur ont été finalement très utiles, car nous nous sommes rendu compte que tout n'était pas sécurisé. Des solutions ont été trouvées, et nous devons remercier le Gouvernement d'avoir pris la mesure des enjeux et d'avoir dégagé les moyens nécessaires pour que personne ne se retrouve devant un écran noir lors du passage à la télévision numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Les solutions proposées dans ce texte nous paraissent raisonnables et permettent d'établir un équilibre satisfaisant, qu'il convient de valider.

S'agissant du déploiement du très haut débit, nous sommes au contraire au tout début du processus et l'intervention du législateur est loin d'être inutile. Les décisions qui se prennent maintenant sont irrévocables car elles vont orienter d'énormes investissements.

Sur ce sujet, ce n'est pas le législateur ni même le Gouvernement qui est en première ligne, mais le régulateur. Nous ne sommes plus à l'époque où l'État s'occupait de tout dans le cadre de monopoles publics. Le déploiement de la fibre optique est l'affaire du secteur privé et, accessoirement, des acteurs publics dans les zones où, de toute évidence, les acteurs privés ne viendront pas. Avec les règles européennes, nous ne pouvons d'ailleurs faire autrement.

Cette proposition de loi a pour but, s'agissant du très haut débit, de donner un cadre et une ligne politique à l'action de l'ARCEP.

Cette autorité a déjà une ligne de conduite assez claire, celle du refus de la création d'un monopole détenu par un seul opérateur sur le réseau de fibre optique, comme c'est le cas de l'actuel réseau cuivre, propriété de France Télécom qui en tire un avantage concurrentiel décisif.

Pour que l'ARCEP puisse continuer, elle a besoin que ce choix politique soit validé. Le coeur du débat est là et le groupe UMP soutient largement cette orientation.

Si, à court terme, le choix de la technologie multifibre est effectivement plus coûteux, les gains sur le long terme sont évidents. Le consommateur ne peut que profiter d'une véritable concurrence entre opérateurs. Il gagnera en termes de prix, mais aussi de qualité de service.

Une des questions, qui n'est pas forcément réglée par ce texte, porte sur les modalités pratiques de la réalisation du déploiement du très haut débit : quel zonage choisir ? Quelles priorités retenir ? Quelle coordination des déploiements fixer en zone dense ? Quelle mutualisation des moyens opérer pour les zones les moins denses ? Faut-il procéder comme pour notre réseau ferré ou notre réseau électrique ? Qui paiera quoi ? Quel calendrier pour la montée en débit ? De tout cela, nous aurons l'occasion de débattre.

Pour ma part, il me semble important que l'État fasse prévaloir, dans certains cas, les critères d'aménagement du territoire sur ceux de la concurrence. Il faut inscrire dans la loi l'obligation d'élaborer des schémas numériques, veiller à la cohérence des réseaux et à l'application du principe de mutualisation.

Le débat reste ouvert et j'espère que nos échanges pourront le faire avancer.

Au-delà de ces questions essentielles, cette proposition de loi fournit aussi l'occasion d'évoquer, par des d'amendements, quelques sujets importants liés au numérique, au premier rang desquels la neutralité des réseaux. C'est un débat qui fait rage aux États-Unis, où la situation est, il est vrai, plus problématique. Ce débat arrive chez nous et nous aurons à nous y intéresser de très près dans les prochaines années. Il n'est donc pas inutile que nous commencions dès maintenant…

Je compte également aborder la question de l'implantation des antennes relais, qui n'est pas sans lien avec la fracture numérique, car l'internet de demain, c'est l'internet mobile, lequel nécessite des antennes. Comment concilier cet impératif avec l'angoisse que ressentent nombre de nos concitoyens, et qui les pousse à refuser l'implantation d'antennes relais ? Une des solutions réside dans la rationalisation et la mutualisation des installations. Il est temps de mettre un peu d'ordre dans les implantations d'antennes relais, et j'ai déposé des amendements en ce sens.

Mes chers collègues, cette proposition de loi est un texte intéressant et riche, que le groupe UMP soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Villaumé

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, la loi de 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur réorganisait le passage à la TNT en fixant certains principes et certaines règles à même d'accompagner 18 millions de foyers vers un nouveau mode de réception, en deux temps : arrêt des émissions analogiques puis basculement vers les fréquences définitives de la TNT.

L'objectif de couverture du territoire fixé par cette loi était d'atteindre 100 % par tous les moyens de diffusion disponibles. Or TDF estime d'ores et déjà que l'écart de couverture entre la télévision analogique et la TNT sera de 1 325 000 foyers – 500 000 seulement selon le CSA.

Il est évident que tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour réduire cet écart et que le basculement ne doit être envisagé qu'à la condition que le taux de couverture par la TNT soit équivalent à celui par l'analogique.

Une nouvelle fois, les collectivités locales, notamment les communes en zone blanche, vont-elles devoir pallier les effets des décisions injustes de l'État et contribuer à la couverture numérique de leurs propres territoires ? Dans le contexte actuel, ce serait un nouveau coup dur porté aux communes rurales.

Aujourd'hui, certains opérateurs démarchent déjà les communes pour qu'elles installent des émetteurs à leurs frais. Avec la disparition programmée des chaînes analogiques, la question de la télévision numérique devient d'une actualité brûlante dans certains territoires ruraux, notamment dans mon département, la Haute-Saône.

Le basculement numérique ne doit pas pénaliser les communes isolées et les territoires enclavés. Ce serait d'autant plus intolérable que, dans le même temps, les chaînes vont bénéficier d'économies et de profits plus importants. Pour TF1, l'économie sera de près de 53 millions d'euros.

Alors qu'il est probable que même la réactivation de l'ensemble des relais de TDF ne sera pas suffisante, des subventions se révèlent nécessaires pour l'équipement en paraboles. La TNS, télévision numérique satellite via la parabole, est en effet plus performante que la TNT, tant sur le plan quantitatif – les chaînes sont plus nombreuses – que sur le plan qualitatif. Elle doit être encouragée, et de véritables moyens être engagés par le Gouvernement pour l'équipement des ménages vivant dans les zones d'ombre.

Par ailleurs, cette formule ne présente aucun risque sanitaire et, dans de nombreux cas, l'équipement satellitaire permettrait aussi de résoudre l'accès au haut débit.

De façon générale, toutes les solutions doivent être recherchées pour donner accès à la télévision à tous les citoyens.

Mais, si l'impossibilité d'accès à la télévision numérique est une facette de la fracture numérique, elle est loin d'en être l'élément essentiel, notamment pour les espaces ruraux privés de TNT et de haut débit. Du reste, ce sont généralement les mêmes qui subissent cette double peine.

La bonne question n'est-elle pas : comment accélérer la construction d'un réseau national de fibre optique ?

Dans les territoires ruraux, cela signifie concrètement : comment amener la fibre dans chaque village, du FTTH rural en quelque sorte, à défaut de vrai FTTH tout de suite, pour fournir du triple play – internet, téléphone et télévision – aux habitants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Villaumé

Après le désenclavement ferroviaire et routier, le désenclavement numérique s'impose aujourd'hui comme une priorité pour l'attractivité, la compétitivité et le développement économique de nos territoires.

Les apports du très haut débit dans les domaines clés que sont la santé, l'éducation, l'économie et le travail collaboratif sont encore plus cruciaux, voire vitaux, à la campagne qu'à la ville.

Sachant que s'en remettre aux seules lois de la concurrence est totalement incompatible avec la mise en place de réseaux en fibre optique dès que l'on sort des grandes villes, un dispositif particulier est indispensable pour faire face à ces besoins. La fibre jusqu'au domicile est la seule technologie permettant le haut débit partout et pour tous.

Le présent texte sur la fracture numérique, bien qu'insuffisant, va dans le bon sens puisqu'il pose le principe d'un fonds de péréquation, mais il ne précise pas assez comment ce fonds sera financé. En l'état actuel du texte, il s'agit plutôt d'un fonds sans fonds.

Comme l'eau et l'électricité par le passé, l'accès au très haut débit est un impératif de développement pour la France innovante de demain. Le gouvernement britannique s'est engagé à mettre en place en 2012 un service universel de haut débit à 2 méga-octets par seconde. Qu'attendons-nous ?

Ce fonds doit être clairement abondé pour financer le très haut débit pour tous. II sera alors plus aisé aux territoires d'adopter des schémas directeurs d'aménagement numérique pour lutter contre la fracture numérique.

Aux assises des territoires ruraux, le 7 octobre dernier, le ministre de l'espace rural, Michel Mercier, confirmait l'intention de l'État d'intervenir en faveur du déploiement du très haut débit sur l'ensemble du territoire, et a pris une position claire sur la fibre optique : « La fibre optique sera nécessaire, à terme, partout, car tous les Français attendent la même qualité de service, notamment pour la télémédecine, l'enseignement à distance, le télétravail ou la visioconférence. »

En effet, nous savons bien que plus vite se développeront les réseaux de très haut débit, plus vite sera résolue la question de la généralisation de la télévision numérique.

Mes chers collègues, il appartient à notre Assemblée de voter maintenant un cadre ambitieux pour le déploiement et le financement d'un réseau national de fibre optique, en incitant, naturellement, les collectivités territoriales à élaborer des schémas directeurs, en supprimant les freins actuels, au premier rang desquels l'opacité de l'utilisation des réseaux – notamment celui de France Télécom – et les gaspillages financiers engendrés par la concurrence sur les infrastructures, et surtout en alimentant avec courage et détermination le fonds numérique national. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen du présent texte est un rendez-vous important. Il était attendu en particulier par tous ceux qui risquent d'être les victimes d'une fracture numérique dont on nous propose de repousser le spectre. Les dispositions qui nous sont soumises concernent le déploiement du haut débit ou du très haut débit, ainsi que le basculement de l'analogique vers le numérique.

Il n'aura échappé à personne que ce texte revêt une importance capitale sur chacun de ces sujets, car de notre capacité à assurer de manière équitable l'accès de tous les territoires aux services numériques dépend l'attractivité de ces territoires.

Nul ne s'étonnera non plus que j'aborde la question de la TNT, ou plutôt de la télévision numérique au sens large, ayant eu l'occasion de dire ici, à plusieurs reprises, à quel point j'étais préoccupé par le risque que plusieurs centaines de milliers de foyers, situés principalement – mais pas uniquement – dans des départements de montagne ou des départements ruraux, se retrouvent devant un écran noir au lendemain du basculement de l'analogique vers le numérique.

Ce texte qui, dans sa formule initiale, abordait peu la question de la TNT, doit ériger en principe l'égalité de traitement dans l'accès à la télévision numérique entre tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence. Je fais le choix d'une approche pragmatique, évitant tout débat sur les technologies hertziennes ou satellitaires, pour privilégier l'objectif à atteindre, c'est-à-dire la garantie d'accès à un nouveau service dans des conditions équitables, c'est-à-dire comparables.

À ce sujet, j'avais, à la faveur d'une proposition de loi cosignée par cent trente de mes collègues dont quelques-uns sont absents (Rires),...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

..émis le souhait que soit créé un fonds destiné à prendre en charge, sans condition de ressources, l'équipement des foyers qui n'auraient d'autre solution que de recourir à une réception satellitaire et, de ce fait, d'investir.

Madame la secrétaire d'État, je tiens à saluer votre engagement sur cette question et votre action décisive, et à vous redire combien les élus de la montagne, réunis à l'Argentière, ont apprécié l'annonce que vous leur avez faite au lendemain de l'arbitrage rendu par M. le Premier ministre s'agissant de la création d'un fonds complémentaire. Cette décision est capitale car elle permet d'éviter aux foyers situés dans des zones privées de diffusion hertzienne que le basculement en mode numérique ne se traduise par une dépense d'équipement.

Toutefois, je tiens à exprimer quelques réserves, et surtout à vous faire partager quelques inquiétudes, quant aux critères d'éligibilité à ce fonds.

Si l'on veut résoudre définitivement cette question et se prévaloir d'un traitement équitable, ce fonds doit être mobilisé quelle que soit la nature de la résidence, afin de répondre à la situation de tous ceux qui, dans ces territoires, seront privés de signal analogique. À mes yeux, il est indispensable que nous abordions, à la faveur de ce débat, la diversité des situations sur le terrain et que nous nous assurions qu'il en est bien tenu compte.

Le texte qui régit ce fonds introduit en effet la notion de local d'habitation. J'appelle votre attention, madame la secrétaire d'État, ainsi que celle de mes collègues, sur les locaux à usage commercial ou artisanal, les locaux d'hébergement touristique – je pense aux hôtels et aux gîtes ruraux –, les établissements sociaux ou médico-sociaux, sans oublier les résidences secondaires, qui ne sont pas mentionnés dans ce texte et qui rencontrent des difficultés s'ils ne sont pas situés à proximité d'un émetteur. J'avais déposé un amendement, mais j'ai appris qu'il avait été déclaré irrecevable au regard de l'article 40 ; vous m'en voyez très contrarié.

On vous doit, madame la secrétaire d'État, une avancée considérable – je dois également souligner le rôle du président de la commission qui a bien voulu repenser le texte – avec la création de ce fonds « paraboles », mais si l'on veut vraiment atteindre l'objectif d'équité, il est indispensable de prendre en considération la diversité de la situation des foyers. Si nous ne le faisons pas, nous n'y aurons répondu que partiellement et, au lendemain de l'adoption du texte, cohabiteront dans les territoires ruraux deux catégories de téléspectateurs, ce qui nuirait à la décision que vous aviez bien voulu prendre.

Madame la secrétaire d'État, vous avez su convaincre le Gouvernement de l'intérêt de la création de ce fonds. Je compte sur vous pour que nous puissions améliorer sensiblement ce texte, de manière à ne laisser personne au bord du chemin, encore moins devant un écran noir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, Internet et le numérique accroissent les capacités d'expression et d'action des individus et des groupes. Pour peu que leur développement s'effectue dans un cadre démocratique, ces technologies peuvent offrir un extraordinaire espace de liberté et construire une société de la connaissance ouverte. Il faut que chacun puisse y accéder, et lutter contre la fracture numérique est donc un enjeu important.

Mon propos, appuyé sur des constats locaux, complétera celui de mes nombreux collègues élus de territoires montagnards. Ils ont raison de souligner leurs difficultés, mais il existe bien des zones de plaine qui sont encore loin d'une couverture suffisante par le numérique. Je pense aux zones rurales, mais aussi à ces espaces périurbains où les insuffisances technologiques freinent le développement de l'habitat comme celui des entreprises.

Il y a deux formes de discrimination. Pour la TNT, il y a ceux qui ne recevront plus la télévision alors qu'ils y accédaient jusqu'à présent. Concernant Internet, il y a au contraire tous ceux qui se contentent d'un très bas débit et qui attendent désespérément une offre supérieure. Et ce sont souvent les mêmes. Encore ce matin, un habitant m'écrivait au sujet des problèmes qu'il rencontre et signait : « votre administré handicapé numériquement ».

Premier problème : la TNT.

Cette télévision, devenue numérique, offrira-t-elle un nouveau visage plus culturel, plus émancipateur et enrichissant, d'une plus haute qualité, ou se contentera-t-elle de fournir à Coca-Cola du « temps de cerveau disponible » ? Ce n'est pas le débat d'aujourd'hui, mais il faudrait que nous traitions aussi du contenu.

Aujourd'hui, nous parlons de la technique. En réduisant de manière drastique le nombre de pylônes, les opérateurs télévisuels vont couper l'accès à des milliers de foyers qui recevaient, jusque-là, la télévision hertzienne. En Poitou-Charentes, le basculement est pour octobre 2010, c'est-à-dire pour demain.

Les chiffres de couverture moyenne annoncés par le président du CSA dans son courrier du début de septembre ne sont pas acceptables. Votre réponse, madame la secrétaire d'État, est le recours au satellitaire. En tout état de cause, il ne faut pas que les collectivités soient à nouveau obligées de prendre en charge ces situations particulières. Les foyers plus fragiles devront être aidés financièrement et techniquement, quelles que soient les zones qu'ils habitent.

Un fonds de compensation est prévu. Nous demandons qu'il soit abondé par les opérateurs de télévision. Les économies qu'ils feront sur le nombre de pylônes et sur leur maintenance devront être réinvesties de façon à trouver une solution pour chaque foyer.

Malheureusement, le texte ne traite pas de la radio. Pourtant, la radio numérique est aussi pour demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

La mutation vers le numérique représente un investissement considérable, que nombre de radios associatives ne pourront se permettre. Et lorsque les petites stations se seront tues, on assistera à une hyper-concentration du secteur, dont on ne connaît que trop les conséquences en termes de qualité de l'information et de fonctionnement démocratique.

Le deuxième volet du texte a trait au haut débit. L'accès rapide à Internet, qui est une nécessité partout, doit devenir un droit pour tous.

J'ai assisté aux « Ateliers de l'élu 2.0 » que vous avez proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous y avons constaté une nouvelle fois la fracture générationnelle autour d'Internet et ses usages. N'y ajoutons pas une fracture territoriale.

Les élèves n'ont plus les mêmes chances selon qu'ils ont ou non, chez eux, un accès rapide à Internet. Les entreprises, quant à elles, ne sont pas égales face à la concurrence, selon qu'il leur faut une seconde ou trois heures pour envoyer ou recevoir un dossier.

Les zones blanches sont nombreuses et il est bien tard pour s'en préoccuper. Pendant des années, les collectivités locales ont tâtonné et investi des sommes considérables dans des technologies qui n'ont pas toujours fait leurs preuves. Elles se sont retrouvées démunies face à des interlocuteurs peu coopérants. L'expérimentation du WiMax dans la Vienne – mais on pourrait dire la même chose de bien d'autres départements – a demandé que soient budgétés 7 millions d'euros par l'Europe, la région et le département, alors même qu'il ne permet d'alimenter que 540 foyers ! Le conseil général va maintenant explorer d'autres pistes, comme le satellite ou le NRA-ZO dont vous connaissez le coût exorbitant : un équipement NRA coûte environ 80 000 euros.

Il me semble pourtant que l'État a la responsabilité de garantir un aménagement du territoire juste, équitable, ne laissant se développer aucune zone d'ombre, aucun désert rural par manque de services et d'infrastructures.

Une fois de plus, comme pour d'autres réseaux, les collectivités territoriales seront obligées de pallier les défaillances des opérateurs qui assurent la desserte des zones denses – mais qui se bousculent beaucoup moins dès qu'on s'éloigne des villes…

Parce qu'aucune entreprise publique n'assure le développement du réseau à haut débit, nous devons encourager, sinon contraindre, les entreprises privées à coopérer efficacement pour optimiser la couverture.

La fibre optique coûte cher, c'est entendu. Est-il souhaitable, dans ces conditions, qu'en certains endroits les opérateurs déploient plusieurs réseaux parallèles alors que personne en d'autres endroits, ne dépasse 56 kilo-octets par seconde?

Nous devons avoir pour objectif de couvrir l'intégralité des foyers en haut débit.

Rappelons enfin qu'il n'y a pas une, mais des fractures numériques. Les inégalités d'accès à l'information sont aussi les inégalités de demain. L'alphabétisation numérique pour tous, toutes générations et tous niveaux sociaux confondus, est indispensable au développement d'une société de la connaissance plus juste.

Le numérique n'est ni bon, ni mauvais : il dépend de ce que nous en ferons collectivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Plusieurs mois après nos collègues sénateurs, nous abordons aujourd'hui la discussion d'une proposition de loi dont l'importance n'échappe à personne, puisqu'elle vise à lutter contre la fracture numérique et à favoriser le désenclavement numérique de nos territoires.

Je tiens à saluer l'arrivée dans notre hémicycle de ce texte qui s'inscrit pleinement dans la continuité du plan « France numérique 2012 » et qui contribuera à faire de notre pays l'un des leaders en matière de très haut débit.

Alors que nous sommes aujourd'hui en pleine crise économique, il est devenu indispensable que nous nous attaquions à un sujet qui, depuis plusieurs années, ne cesse d'être évoqué, du fait de ses conséquences pour l'attractivité et le développement des territoires concernés.

Au nom du principe de l'égal accès de tous à l'information et aux nouvelles technologies, certains départements, comme la Corrèze, ont multiplié ces dernières années les initiatives locales pour faciliter l'accès de nos concitoyens aux nouvelles technologies. Nous ne pouvons donc que nous féliciter qu'aujourd'hui Parlement et Gouvernement se saisissent de la lutte contre la fracture numérique, prenant ainsi le relais des collectivités.

Nombreux sont ceux qui, comme moi, y voient l'un des principaux piliers de l'après-crise, tant les effets du déploiement du très haut débit seront multiples.

Les chiffres eux-mêmes nous somment d'avancer : en Europe, la France occupait, en septembre 2008, la neuvième place pour le taux de pénétration du haut débit, loin derrière les Pays-Bas ou la Suède. La fracture numérique affecte aujourd'hui 31 % de notre population et 70 % de notre territoire. Le risque d'une France numérique à deux vitesses, avec d'un côté les villes et de l'autre les territoires ruraux, est donc réel.

Le développement du très haut débit bouleversera la manière de s'informer, de communiquer, de travailler, en permettant notamment le télétravail – et Dieu seul sait combien nous sommes sollicités en zone rurale ! C'est en réalité l'ensemble de l'activité économique, sociale, administrative et culturelle de notre pays qui pourra bénéficier du saut technologique que constituera le très haut débit par rapport aux réseaux à haut débit actuels. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

S'agissant du déploiement de la TNT dans le cadre du basculement de l'analogique vers le numérique au 30 novembre 2011, permettez-moi, madame la secrétaire d'État, de vous redire l'inquiétude des élus de la ruralité face à ce nouveau défi.

La couverture hertzienne terrestre passera de 99 % à 95 % de la population, le CSA ayant même introduit un correctif inquiétant, qui fait état d'un taux départemental minimal de 91 %. Si nous devions en rester là, il s'ensuivrait une inégalité de traitement selon les territoires.

L'inquiétude est d'autant plus vive qu'au-delà de l'aspect technologique, parfaitement louable et cohérent dans le schéma de développement du numérique que nous souhaitons mettre en oeuvre, il ne faut pas négliger l'aspect social.

Comment expliquer demain dans nos circonscriptions, à nos concitoyens, que le passage à la TNT pourrait se traduire par le fameux écran noir sur leur téléviseur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Comment leur expliquer que les progrès technologiques de la TNT se traduiront pour eux par une régression et par une rupture dans le droit d'accès à l'information?

Certes, une part infime de la population serait concernée – environ 500 000 foyers selon le CSA –, mais nous ne saurions laisser de côté, même momentanément, un seul de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Je salue les améliorations apportées en commission par voie d'amendement sur le plan technique et social, ainsi que les annonces faites fin octobre par le Gouvernement, notamment sur la puissance des émetteurs qui, poussée au maximum, permettra d'augmenter la couverture de 3 ou 4% dans certains départements, ou sur le remboursement de la parabole à hauteur de 250 euros, sans condition de ressources, qui permettra à tous les ménages qui habitent dans une zone d'ombre numérique et ne reçoivent pas le hertzien terrestre de s'équiper.

J'espère cependant que notre discussion nous permettra encore d'avancer, madame la ministre, afin de lever les doutes émis par les parlementaires des départements les plus ruraux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En tout état de cause, il est important que la couverture des coûts afférents au traitement des zones d'ombre soit assurée de sorte que ces évolutions ne pénalisent ni les abonnés ni les collectivités.

Nous comptons sur la détermination du Gouvernement pour préserver l'équilibre territorial.

Nous avons pris conscience avec réalisme et optimisme du défi qui nous attend. Les enjeux du déploiement des nouveaux réseaux de communication sont tels que nous devons tout faire pour que l'ensemble de nos territoires en bénéficient dans un délai raisonnable. Puisse ce texte y répondre durablement et équitablement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Le titre de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, « Lutte contre la fracture numérique », indique par lui-même que l'égalité d'accès aux technologies de l'information et de la communication n'est pas assurée dans les faits.

La fracture numérique est de plusieurs ordres. À la fois territoriale, technologique et sociale, elle rappelle plusieurs autres fractures de notre société, souvent regroupées sous le vocable d'inégalités, et qui sont également territoriales et sociales.

On peut constater, hélas, que leur cumul est souvent le fait des mêmes populations, ce qui doit nous inviter à une démarche plus globale, impliquant l'action de l'État.

Il est en effet du devoir de l'État d'agir pour réduire ces différentes fractures, afin de contribuer à une plus grande égalité des citoyens, de leur donner accès à de nouveaux services déterminants pour leurs possibilités de développement.

Le travail accompli par le Sénat s'agissant du déploiement de la TNT, mais aussi par notre commission des affaires économiques à travers ses premiers constats, ses différentes auditions, ses nombreuses interrogations, ses réflexions et ses exigences, montrent la complexité des enjeux et des problématiques, ainsi que des défis à relever.

La partie relative au déploiement de la TNT, telle qu'elle fut largement récrite et amendée en commission, fait apparaître le risque que certains territoires ne soient pas couverts, laissant de côté une partie de nos concitoyens, à qui l'on envisage de proposer des solutions individuelles.

Si nos discussions nous ont permis d'avancer, nous devons les approfondir encore pour mieux maîtriser les aspects techniques et financiers, afin que l'arrêt de la télévision analogique et son remplacement par la TNT ne soit pas un inconvénient majeur pour les populations des territoires qui seraient mal desservis, voire non desservis.

D'ici là, l'État doit exiger que les moyens déployés soient optimisés de façon à garantir une couverture maximale, et mettre en place un accompagnement financier notable pour assurer les dessertes individuelles qui ne pourront l'être par des techniques plus globales.

À cet égard, nous devrons trouver une solution pour alimenter le fonds dont la création est annoncée, sinon il ne servira a rien. Ce fonds doit par ailleurs s'inscrire dans une démarche de péréquation.

S'agissant du titre II, « Prévenir l'apparition d'une fracture numérique dans le très haut débit », il importe que cette nouvelle définition traduise une anticipation des conséquences de ce futur déploiement. L'expérience de ces dernières années est là pour le rappeler.

Qu'il s'agisse de la téléphonie mobile ou de l'internet à haut débit, de nombreuses zones blanches empêchent encore une partie de la population d'accéder à ces technologies, à tel point que les collectivités territoriales locales ont dû prendre en charge financièrement les investissements nécessaires, ce qui n'est pas forcément leur rôle si l'on fait de l'égalité d'accès de tous les citoyens un principe fondamental.

Malgré tout, le problème demeure et nous ne devons pas l'ignorer.

Nous devons retenir ces leçons d'un passé récent pour agir efficacement en faveur du déploiement des technologies du très haut débit, qu'il s'agisse des fibres optiques, des solutions satellitaires ou d'autres technologies encore inconnues ou en phase de recherche.

Nous devons réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre et à optimiser pour assurer l'égalité de nos concitoyens sur l'ensemble du territoire.

La notion de schéma directeur territorial d'aménagement numérique paraît à ce titre fondamentale, et impose que nous nous accordions, au cours de nos débats, sur le territoire pertinent pour tisser les partenariats indispensables.

Quelles que soient les formules techniques et financières choisies ou envisagées, l'État et la puissance publique doivent garder la maîtrise de l'essentiel : permettre la desserte et l'accès du plus grand nombre et faire appel à la péréquation, facteur de justice sociale et territoriale ainsi que de solidarité.

Leur rôle et la formule choisie, éventuellement dans le cadre d'un partenariat public-privé, seront d'autant plus déterminants qu'ils s'inscriront dans une démarche de développement durable et y joueront peut-être un rôle essentiel.

Dans ce domaine, la vulgarisation et la formation doivent être l'une de nos principales préoccupations, afin que la fracture sociale ne s'ajoute pas à la toujours possible fracture technologique et territoriale.

Ce texte nous engage dans une action qui s'inscrit dans le moyen et le long termes, tant ses enjeux sont essentiels pour notre développement et pour l'ensemble de nos populations.

Aussi le contrôle de l'application de la loi, mais également la veille technologique, seront-ils indispensables à une bonne anticipation qui pourra nous amener à de nouvelles évolutions législatives et réglementaires.

Il reste à souhaiter que nos débats nous permettent de traiter les enjeux la lutte contre la fracture numérique, sachant qu'une cohérence doit aussi être trouvée au sein d'autres réformes actuellement en cours de discussion, en vue d'une véritable démarche de développement durable, d'aménagement équilibré du territoire d'égalité entre les citoyens : autant d'objectifs pour lesquels nous nourrissons les plus vives inquiétudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Merci aux sénateurs d'avoir pris l'initiative de ce texte : c'est une bonne chose que d'avoir du temps pour réfléchir ! (Sourires.) Merci également à nos collègues qui l'ont enrichi. L'enjeu est en effet de taille : l'égalité des chances dans la société de l'information.

S'agissant de la TNT, j'ai développé un certain nombre d'analyses dans le rapport spécial sur les médias que j'ai présenté lors de l'examen du budget 2010. Je me contenterai donc de reprendre quelques idées, en plus de la vingtaine d'amendements dont je suis coupable... (Sourires.)

À cette même tribune, le 9 novembre, j'ai interrogé le ministre de la culture et de la communication, M. Frédéric Mitterrand, qui m'a assuré que 100 % des foyers auraient accès à la télévision numérique par une technologie ou par une autre, et que ceux qui ne pourraient recevoir la TNT seraient aidés, sans aucune condition de ressources, à acquérir et installer une parabole satellitaire.

Madame la secrétaire d'État, quand les modalités et les textes d'application de ces excellentes décisions seront-ils définitivement arrêtés?

Il faut aussi que le basculement au numérique soit pleinement valorisé en renforçant, comme d'autres pays y sont parvenus, la part des émissions diffusées en haute définition au sein des programmes proposés par les chaînes de la TNT.

Madame la secrétaire d'État, quels sont, en la matière, les intentions du Gouvernement et ses moyens juridiques ? Convenons que l'étape du haut débit a été très réussie en France, qu'il s'agisse du réseau – c'est l'occasion de remercier l'opérateur historique et les collectivités – aussi bien que du coût et de la diversité des services accessibles au grand public – et c'est l'occasion de remercier les autres opérateurs.

Notre pays doit maintenant s'engager résolument dans la nouvelle étape où nous ont précédés, notamment, la Chine, le Japon, la Corée ou les États-Unis.

Puisque la mise en place de ce nouveau réseau prendra du temps et coûtera cher – 30 à 40 milliards d'euros –, il est important que le présent texte soit adopté pour commencer cette opération sans plus attendre et pour dépenser efficacement en assurant la cohérence des investissements.

À deux reprises, en 2001 et 2004, le Parlement a voté mes amendements visant à permettre aux collectivités territoriales d'intervenir plus facilement pour créer les réseaux quand les opérateurs du marché sont aux « abonnés absents ». Je suis donc convaincu – et ravi – par cette nouvelle avancée législative.

Aux sceptiques, je rappellerai une double évidence. D'abord, aucun habitant de notre pays ne pouvant durablement être privé d'accès aux réseaux, il faut choisir, pour équiper certaines zones, soit de permettre l'intervention des acteurs publics, les collectivités territoriales notamment, soit d'instaurer le service universel, ce qu'aucun gouvernement n'a décidé. Ensuite, bien sûr, ce ne sont pas les zones défavorisées qui trouveront seules les financements nécessaires : la solidarité départementale, régionale, nationale et européenne doit jouer tout son rôle. Et elle le jouera d'autant plus facilement qu'une cohérence concertée permettra d'emblée la couverture de l'ensemble du pays.

Lors de l'excellente réunion sur le numérique organisée le 10 septembre dernier par Mme la secrétaire d'État, le Premier ministre François Fillon a précisé que « l'internet à très haut débit mobile [pouvait] offrir dans les zones faiblement peuplées des débits comparables à ceux de la fibre optique ». Et le chef du Gouvernement d'ajouter : « Je veillerai donc à ce que l'attribution des fréquences se fasse en fonction des engagements que les candidats seront prêts à prendre en termes de couverture du territoire. »

Madame la secrétaire d'État, quel dispositif juridique, actuel ou futur, garantit le respect de cet engagement du Premier ministre de traiter simultanément le très haut débit fixe et le très haut débit mobile ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Comment sera assurée la neutralité technologique des coûts afin que les habitants des zones rurales ne paient pas plus cher l'accès au très haut débit que ceux qui en bénéficieront par la fibre, le câble ou l'ADSL ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

L'internet ne se réduit pas à la numérisation de l'existant pour circuler plus vite, mais constitue le système nerveux d'une nouvelle société. L'internet transforme notre société sur tous les plans : c'est un moyen de participation et de communication « total », touchant tous les liens sociaux.

Le présent texte va réduire ou prévenir la fracture numérique due aux réseaux. Nous devons réaliser l'objectif de la télévision numérique pour tous. Mais il restera, pour un tiers de la population française, la barrière du coût des ordinateurs et celle du savoir-faire. D'autres étapes devront être franchies pour que chaque Français trouve sa place dans la société de la connaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, chers collègues, après avoir consacré, la semaine dernière, de longues journées au Grand Paris, l'Assemblée se penche enfin, pour quelques heures, sur la situation difficile et préoccupante des territoires ruraux et du sort de leurs populations, souvent oubliées par ce gouvernement.

Il faut saluer l'initiative de notre collègue sénateur Xavier Pintat, auteur de cette proposition qui vise à lutter contre la fracture numérique en rationalisant le déploiement de la fibre optique. Il tente ainsi de pallier une carence du Gouvernement sur un sujet aussi essentiel pour nos territoires ruraux que celui du désenclavement numérique.

Il est en effet surprenant et regrettable à la fois que les gouvernements successifs n'aient jamais pris, depuis plus de dix ans, la moindre initiative en la matière. C'est à se demander si, dans le confort du conseil des ministres, l'on évoque parfois les territoires ruraux, la ruralité. La création d'un ministère de l'espace rural suffira-t-elle à inverser cette tendance lourde ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Nous sommes nombreux à dénoncer la fracture numérique et ses conséquences déplorables pour l'attractivité et le développement des territoires concernés.

Aujourd'hui, le diagnostic est sans appel. Selon l'ARCEP, le nombre d'abonnés au haut débit, qu'il s'agisse de l'ADSL, du câble ou de la fibre, est d'environ 17 millions. L'étude de l'Association des régions de France sur la couverture des territoires en très haut débit fait apparaître que seules les zones les plus denses sont couvertes. Le taux de pénétration du haut débit place la France à la neuvième place en Europe. Madame la secrétaire d'État, vous en conviendrez, ce n'est pas acceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Compte tenu des enjeux en termes d'attractivité des territoires et d'égalité des chances, il est essentiel de développer l'accès de tous au haut, puis au très haut débit, mais aussi à la téléphonie mobile et à la TNT.

Chacun doit avoir accès aux technologies de l'information, et le facteur territorial ne doit pas justifier des inégalités entre Français. Ne rien faire, c'est accepter qu'il y ait deux catégories de citoyens : ceux qui bénéficient du numérique et des multiples avantages qu'il procure, et les autres, isolés et enclavés à tout point de vue, comme dans le Lot, mon département.

Au nom des principes républicains, nous ne devons pas l'accepter. C'est à l'État de réagir et de compenser les désavantages comparatifs entre les territoires. Une politique globale et responsable d'aménagement du territoire doit intégrer la fracture numérique : la survie et l'attractivité de nos espaces ruraux en dépendent. Si nous avons besoin de routes, de trains qui s'arrêtent dans les petites gares, de bureaux de poste ouverts, d'écoles et de tous les services publics, nous avons aussi besoin de fibre optique et d'accès au haut débit.

Le texte apporte quelques solutions, en ce qu'il poursuit les objectifs d'accès de tous au haut débit à un coût raisonnable et de réduction de la fracture numérique. Si de tels objectifs affichés ne peuvent évidemment que recueillir notre approbation, les moyens nécessaires à leur réalisation ne sont pas suffisamment garantis. Quelle sera la part du financement de l'État ? Les collectivités territoriales devront-elles, une fois de plus, assumer seules le coût, alors même que leur avenir est incertain ? Quelle part pourrait y prendre France Télécom ? Pourquoi ne pas envisager une participation financière des sous-répartiteurs desservant au moins cinquante abonnés en zone blanche ?

Le texte du Sénat met en place des schémas directeurs territoriaux permettant une forme de péréquation entre zones denses et zones moins denses. Il s'agit d'un impératif ! Il propose aussi d'impliquer des syndicats mixtes dans l'aménagement numérique. Dans le même temps, le texte instaure un fonds d'aménagement numérique des territoires, ce qui est une bonne chose à condition, bien sûr, qu'il soit suffisamment alimenté.

Aussi me félicité-je que des dispositions destinées non seulement à réduire la fracture numérique existante, mais aussi à prévenir l'apparition d'une fracture numérique dans le très haut débit, aient été introduites dans le texte. Cette vision prospective devrait être généralisée à tous les textes de loi car, compte tenu des lourds investissements à venir, il apparaît nécessaire de disposer d'une visibilité à moyen ou long terme afin de pouvoir mettre en place des stratégies de développement du numérique.

Mes chers collègues, pourquoi ne pas envisager un véritable service universel pour lutter contre la fracture numérique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Pour conclure, ce texte comporte de réelles avancées, notamment en ce qu'il complète les dispositions de la loi de modernisation de l'économie et fixe des objectifs justes. Toutefois, il demeure trop imprécis sur le fonds d'aménagement numérique des territoires, en ce qui concerne aussi bien les travaux qu'il peut financer que les ressources dont il va disposer. Il ne faut pas qu'il s'agisse d'une occasion manquée.

Enfin, la présente proposition ne fixe pas un objectif suffisamment ambitieux en matière de couverture numérique hertzienne. Et le risque existe aujourd'hui que des parties reculées de notre territoire ne puissent avoir accès à la télévision. Il s'agirait là d'un regrettable retour à un passé très lointain…

Pour toutes ces raisons, les députés radicaux de gauche ne s'opposeront pas à l'adoption de cette proposition de loi. Toutefois, si sa rédaction n'était pas sensiblement améliorée, nous serions contraints de nous abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Saint-Léger

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite avant tout rendre hommage à Mme la rapporteure pour le travail remarquable qu'elle a accompli afin d'enrichir ce texte sénatorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Saint-Léger

De nombreux points restaient en effet à améliorer ou à compléter.

Sur la télévision numérique terrestre, sur le très haut débit, nos concitoyens, et en particulier ceux des départements les plus ruraux, sont en attente de réponses claires et rapides. Il était en effet impensable de ne pas avoir de garanties pour les territoires aujourd'hui desservis par la télévision analogique et qui étaient en passe de ne pas recevoir – du moins sans coûts supplémentaires – la TNT par voie hertzienne.

Au terme de nombreuses discussions – très utiles, madame la rapporteure – avec le CSA et TDF, le constat a été fait qu'avec le déploiement des 1 626 sites d'émission retenus sur les 3 400 existants, plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes n'auraient pas été mesure de capter la télévision en numérique, alors qu'aujourd'hui ils reçoivent les chaînes principales en mode analogique.

Sans solution alternative, ils se seraient retrouvés devant un écran noir – régression inacceptable, contraire au principe d'équité entre les territoires. Toutefois, heureusement, depuis le début de l'examen de ce texte par la commission des affaires économiques, des avancées notables ont eu lieu, qu'il va falloir concrétiser, mes chers collègues, ici et maintenant.

Ces améliorations sont à mettre au crédit de la commission, monsieur le président Ollier,…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Saint-Léger

…madame la rapporteure, mais aussi à celui du Gouvernement. Grâce à vous, madame la secrétaire d'État, ce dernier a compris les enjeux des territoires ruraux concernés, en s'engageant à assurer une couverture maximale.

À cette fin, et contrairement à 1'idée initialement avancée, l'augmentation du nombre d'émetteurs à numériser au-delà des 1 626 sites retenus n'est pas la solution la plus adaptée, car les gains de couverture ne seraient pas considérables.

En revanche, le doublement de la puissance de certains de ces émetteurs apporte une réponse pertinente. Cette augmentation de puissance permet de couvrir 3 ou 4 % de la population en plus, dans les départements où bon nombre de petits émetteurs ne sont pas convertis au numérique.

Du fait de la non-conversion de ces sites, une autre mesure essentielle est l'équipement en paraboles des foyers qui demeureront, malgré tout, à l'écart de la réception hertzienne au moment du basculement au tout-numérique.

Ce dispositif d'accompagnement doit permettre d'attribuer à tous les foyers, sans condition de ressources, une somme forfaitaire de 250 euros correspondant au coût de la mise en place d'une parabole. Il s'agit d'une avancée importante par rapport au texte du Sénat, qui prévoyait l'attribution de cette aide aux seuls foyers exonérés de la redevance. Globalement, cela correspond à un effort supplémentaire de 56 millions d'euros, décidé par l'État en sus du fonds initial de 40 millions,…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Saint-Léger

Il est indispensable que les chaînes, dont les dépenses d'entretien seront moindres du fait de la diminution du nombre d'émetteurs, contribuent elles aussi à l'abondement de ce fonds.

Je pense enfin, comme notre collègue Vincent Descoeur, qu'il ne faut pas exclure de ce dispositif les résidences non permanentes, non plus que les locaux à usage commercial, touristique ou professionnel qui, jusqu'à maintenant, captaient la télévision par voie hertzienne. Leur exclusion serait considérée comme un recul, et je souhaite que le Gouvernement prenne en compte cette demande légitime.

Je conclurai par un mot sur le très haut débit. Il est évident que la réalité économique incite les opérateurs à s'intéresser d'abord aux zones les plus denses et donc les plus rentables. Mais notre responsabilité est de ne laisser aucun territoire à l'écart. Afin d'éviter une nouvelle fracture numérique, il faut que le très haut débit desserve aussi les zones les moins denses et que son déploiement se réalise simultanément en milieu rural et urbain.

Une mutualisation des moyens, un rapprochement des forces de tous les opérateurs et l'établissement de schémas de desserte cohérents sont nécessaires.

L'argent public qui accompagnera ce déploiement doit être utilisé en priorité dans les zones les plus défavorisées et non l'inverse, faute de quoi, sans l'action forte de l'État, nos territoires les plus ruraux resteront toujours à la traîne comme ils le sont encore malheureusement aujourd'hui pour la téléphonie mobile et l'internet à haut débit. Au contraire, dans les zones les plus rentables, laissons la concurrence entre opérateurs s'établir le plus loin possible, le plus en aval possible.

En conclusion, je suis certain que ce texte, complété et amendé en commission avec le soutien du Gouvernement, apportera des réponses concrètes à nos concitoyens les plus exposés à la fracture numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Christian Paul, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup d'intervenants ont parfaitement évoqué les fractures numériques d'aujourd'hui : la télévision numérique terrestre, le haut débit et la téléphonie mobile. Je voudrais donc concentrer ma courte intervention sur la fracture numérique de demain.

Je n'évoquerai pas l'internet mobile. Nous y avons consacré beaucoup de temps, avec Mme la rapporteure, au sein de la mission parlementaire sur le dividende numérique. Je parlerai donc essentiellement du déploiement des réseaux numériques à très haut débit, et singulièrement de la fibre optique.

Le très haut débit, comme d'ailleurs le haut débit en son temps, est une « cible mouvante » : plus on s'en approche, plus elle s'éloigne !

Le haut débit d'aujourd'hui est le bas débit de demain. C'est pourquoi, dans en ce domaine, le temps perdu ne se rattrape guère. Notre pays, l'Europe en général, s'engage mal et avec retard dans le très haut débit. Trop longtemps, et je crois qu'on en convient sur tous les bancs, on a manqué d'une vision globale de ces questions. Notre rapporteure a d'ailleurs bien observé, dans son rapport, un retard, une absence d'ambition.

Il a fallu des années avant que l'on identifie les trois zones de déploiement, qui sont pourtant, pour le très haut débit et la fibre optique, une évidence. C'était – c'est peut-être encore, nous le verrons dans la suite des débats – la vision néolibérale habituelle : laissons investir les opérateurs privés. À cet égard, je me souviens qu'Éric Besson, avant d'aller se consacrer à l'identité nationale, se réjouissait que le plan numérique 2012 ne coûte pas un euro à l'État !

Or, c'est un domaine où cette idéologie est totalement prise en défaut : le marché ne peut pas tout. L'avenir est donc singulièrement en panne, à cause de contradictions idéologiques. Certes, parmi vous, un certain nombre de collègues ont beaucoup fait pour essayer de les dénouer. Mais, depuis 2002, vous parlez comme Colbert et agissez comme Thatcher. Le très haut débit en est un exemple parmi d'autres.

En effet, c'est une ambition, excusez du peu, à 40 milliards d'euros. Cela signifie dix ans s'il y a une action concertée, vingt ans pour la France seule, et plus si l'on reste au fil de l'eau.

Il faudrait trouver, au moins, une stratégie de rattrapage. Je crains que, pour l'instant, ce qui nous est proposé ne soit très insuffisant.

Oui, certes, il fallait clarifier les conditions de mutualisation. Sur ce point au moins, la loi de modernisation de l'économie n'était pas inutile, et la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui aurait pu apporter la vision globale qui manquait, mais elle n'est pas à la hauteur. Elle ne définit pas l'optimum de déploiement, parce qu'elle ne définit pas qui doit faire quoi. Elle ne mobilise pas non plus les moyens financiers suffisants, c'est peu de le dire.

Au fond, la question que nous nous posons, madame la secrétaire d'État, est la suivante : y a-t-il un plan caché pour le très haut débit en France ? J'en viens à l'espérer, car sinon ce serait le signal d'un déclin numérique assuré et assumé.

Je lis dans les déclarations voilées des uns et des autres, ou dans les recommandations du rapport sur le grand emprunt : « un engagement adapté de la puissance publique ». C'est beau comme à l'ENA ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Si un programme national pour le très haut débit est dans les tiroirs, il faut le mettre sur la table, madame la secrétaire d'État, et nous permettre de le discuter. Il faut en tout cas éviter les pièges et agir positivement.

Car des pièges se dessinent bel et bien. Le premier, madame la secrétaire d'État, est le passage de l'absence de l'État – depuis des années, il ne met plus un euro sur le haut débit, et pas davantage sur le très haut débit – à l'hyperjacobinisme numérique. C'est une tentation qui peut être très contagieuse en ce moment.

Deuxième piège : le risque que les pouvoirs publics se consacrent exclusivement à organiser un Yalta entre les opérateurs privés sur la zone 2.

Troisième piège : le gel, pour des années, de l'initiative des collectivités publiques. Si nous passions encore deux ou trois ans, voire plus, à étudier les conditions de financement et de co-investissement des opérateurs privés – ce qui n'est pas inutile en soi –, il y aurait lieu de craindre, en effet, un retrait et un défaut d'engagement des collectivités locales.

Comme on l'a fait pour le haut débit, on leur demandera, in fine, dans cinq ou dix ans, d'aller sur les zones les moins denses, de jouer en quelque sorte les pompiers. Or, il s'agit bien aussi de l'aménagement de leur territoire.

Quelle pourrait être la bonne vision, celle que nous attendons depuis longtemps ? Avec l'Association des régions de France, présidée par Alain Rousset, et avec beaucoup d'autres associations de collectivités, nous avons débattu il y a un an de ce que nous avions appelé un New Deal numérique. Nous l'attendons mais nous le voyons pas venir.

L'optimum, madame la secrétaire d'État, réside dans un bon co-investissement public-privé, mais à une hauteur et avec une ambition suffisantes.

Les réseaux d'initiative publique sont indispensables : une fois encore, on le constatera trop tard. Notre estimation de la somme nécessaire – en plus de ce que les opérateurs privés investissent sur la zone 1 – tournait il y a un an, mais cela n'a pas dû beaucoup changer depuis, autour de 30 milliards d'euros. C'est cette somme qu'il faut rechercher. Dix milliards, sur dix ans, devraient provenir de l'État et des collectivités locales, sous peine de faire prendre à notre pays un retard considérable. Vingt autres milliards pourraient être récupérés sur des recettes mutualisées. C'est là une esquisse de ce que pourrait être l'ambition de la France dans le domaine du très haut débit.

Bien sûr, vous vous êtes privés d'un certain nombre de ressources possibles, en particulier par un hold-up sur la télévision publique, prélevant là des sommes qui auraient pu alimenter le fond d'aménagement et la péréquation territoriale.

Nous souhaitons, quant à nous, réarmer la puissance publique pour des investissements de long terme. Dans une économie du court terme, c'est un sacré défi !

En tout cas, c'est la première fois qu'un grand réseau stratégique se déploie sans pilote national dans l'avion. La loi qui nous est proposée déborde de bonnes intentions. Elle n'exprime nulle part les moyens de l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les députés, je vais essayer de répondre le plus précisément possible aux questions extrêmement concrètes que certains d'entre vous ont posées.

Plusieurs orateurs – je pense notamment à Jean Dionis du Séjour, à Christian Paul, à Corinne Erhel, à Catherine Coutelle, à Vincent Descoeur, à Francis Saint-Léger – ont exprimé des inquiétudes relatives à la couverture du territoire par la TNT. Le texte issu de la commission me semble apporter une réponse satisfaisante. Comme le soulignait Jean Dionis du Séjour, le travail effectué avec vous a été tout à fait déterminant.

L'État consentira un effort de 277 millions d'euros sur trois ans, sans compter l'arbitrage complémentaire de 56 millions d'euros que j'évoquais tout à l'heure. Et je me permettrai de rappeler que les avancées proposées par le Gouvernement à la suite des arbitrages rendus par le Premier ministre le 21 octobre ont été votées à l'unanimité en commission – à l'unanimité des présents, pourrais-je préciser à l'intention de Patrick Bloche… (Sourires.) Ce point mérite d'être souligné, s'agissant d'un problème autour duquel, sur tous les bancs, les députés se sont mobilisés. Le Gouvernement a montré qu'il les avait tous entendus. Nous avons su sortir du débat strictement politique pour engager un travail de fond, que ce texte consacre.

Le programme de 277 millions d'euros vise avant tout l'information du public, puis, bien sûr, les aides à l'équipement et à l'accompagnement, notamment pour les publics les plus sensibles.

L'aide à l'équipement, ce sont 56 millions d'euros de plus, grâce à des mesures dont vous allez débattre tout à l'heure, mais c'est aussi, et l'on en parle trop peu, l'augmentation des puissances, qui aura beaucoup plus d'impact sur la couverture que n'en aurait eu l'ajout de nouveaux émetteurs.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

L'augmentation des puissances, notamment dans les départements les plus défavorisés du point de vue de la couverture numérique, c'est jusqu'à 4, 5 ou 6 % de couverture en plus, là où l'augmentation du nombre d'émetteurs n'atteignait pas ce chiffre.

Par ailleurs, elle est couplée à un fond d'aide, et à une aide apportée aux collectivités. J'y reviendrai.

Je voudrais dire un mot des commissions territoriales sur la TNT, qui ont été évoquées par plusieurs d'entre vous. L'idée venait, à l'origine, de Jean Dionis du Séjour. Elles permettront à l'État et aux élus locaux de mieux se concerter. Et il s'agit bien de commissions de concertation, d'accompagnement, qui ont vocation à être installées en amont du passage au numérique, et non pas seulement à suivre les décisions une fois qu'elles auront été prises. C'est là une forte volonté des parlementaires, que nous accueillons avec beaucoup d'intérêt.

On ne résoudra pas tous les problèmes ce soir. Je le dis notamment à Vincent Descoeur, dont l'intervention sur ce sujet a aussi été reprise par Francis Saint-Léger, lorsqu'il m'a interpellée sur les résidences secondaires et les locaux professionnels. Nous allons nous donner les moyens de trouver des solutions. Le sujet pourra certainement être évoqué dans les commissions locales, mais je dis très clairement que nous ne pourrons pas satisfaire toutes les demandes qui ont été relayées à la tribune.

Je voudrais maintenant répondre de manière très concrète à quelques questions très précises.

Monsieur Daniel Paul, le dispositif d'aide financière sera applicable sans délai en Haute-Normandie, même si l'analogique ne s'y arrête qu'en 2011. S'il y a des effets de bord entre différentes régions, des personnes résidant dans la région voisine de la région arrêtée pourront bénéficier du dispositif d'accompagnement. L'État remboursera bien, pour celles-ci comme pour d'autres, 250 euros aux foyers en zones d'ombre, y compris l'installation.

Il est vrai, et ce point a été soulevé par Francis Saint-Léger à l'occasion de discussions avec mes services, que pour des communes éloignées, pour lesquelles il faut prévoir des frais de déplacement, il pourrait y avoir du gâchis. C'est pourquoi des conventions pourront être passées avec le GIP afin de mutualiser les frais d'installation. On évitera ainsi des surcoûts inutiles.

Cela dit, en ce qui concerne la numérisation des émetteurs complémentaires pour les collectivités qui le souhaiteraient, l'État ne cofinancera que les coûts d'investissement, non les coûts d'entretien, car il s'agit là d'un choix éventuel des collectivités. C'est de la même manière que nous financerons les coûts d'équipement en paraboles : si une collectivité souhaite numériser un émetteur, elle sera accompagnée pour les coûts d'investissement, non pour les coûts d'entretien.

De quelle manière cette collectivité sera-t-elle accompagnée pour les coûts d'investissement ? Le dispositif est en cours de réparation, mais j'avais promis de vous donner des précisions, et je le fais. D'abord, il y aura une date limite pour déposer des demandes, afin que ces émetteurs soient effectivement mis en place en temps et en heure, c'est-à-dire afin que la décision soit prise suffisamment en amont du basculement vers le numérique. Une commune doit en effet être en mesure de décider si elle entre dans le dispositif de droit commun, les habitants demandant l'aide à la parabole, ou si elle choisit au contraire de numériser un émetteur. Dans ce dernier cas, naturellement, les habitants ne pourront pas bénéficier de l'aide à la parabole. Le délai nécessaire sera probablement de six à neuf mois, pour que, techniquement parlant, les choses puissent se faire.

Le cofinancement comportera probablement une part variable en fonction du nombre de foyers concernés, une part fixe et un plafond. Pourquoi un plafond ? Parce que, selon le nombre de foyers qui dépendraient de l'émetteur, une injustice risquerait d'être créée. Pour mémoire, un émetteur moyen coûte 15 000 euros ; un petit, 7 500 euros.

Patrice Martin-Lalande a soulevé la question des obligations de production en haute définition. Un calendrier a été fixé aux chaînes. Par ailleurs, je milite pour que nous lancions rapidement un deuxième multiplexe de haute définition. Mais je ne suis pas encore en mesure de donner des dates précises.

J'ajoute, et c'est un moyen de faire le lien avec la deuxième partie de mon propos sur le très haut débit mobile, que les fréquences du dividende numérique seront attribuées à partir de l'année prochaine. Cela nous permettra d'avoir conjointement un développement du très haut débit fixe et du très haut débit mobile. Je réponds ainsi à Patrice Martin-Lalande et à Francis Saint-Léger.

J'en viens à la montée en débit des territoires. Comme l'a souligné Francis Saint-Léger, et je souscris totalement à son analyse, nous ne pouvons pas développer les réseaux à très haut débit sans nous assurer que l'ensemble des territoires disposent déjà du haut débit dans des conditions suffisantes, sans quoi ce ne serait pas compréhensible pour nos concitoyens. C'est l'objectif du label « haut débit pour tous », qui sera mis en oeuvre dans les tous prochains jours.

C'est un service minimum, en quelque sorte un service d'urgence, qui permettra aux foyers situés dans les zones les plus reculées de disposer, généralement grâce au satellite, d'une offre d'accès pour moins de 35 euros par mois tout compris, location de matériel incluse, avec un débit garanti de 512 kilo-octets par seconde. Mais, dans les faits, les candidats à ce label proposeront plutôt une offre à deux méga-octets par seconde ; cet objectif nous guidera dans nos travaux de montée en débit des territoires.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Largement ! Même avec une photo ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Le texte issu de la commission demande un rapport et des propositions concrètes dans ce domaine. J'y travaille déjà avec l'ARCEP, qui vient de lancer une consultation publique sur le sujet. Il est clair que la migration vers le très haut débit permettra de faire monter en débit nos territoires, à condition, bien entendu, que l'argent investi reste bien réutilisable pour le très haut débit. Il s'agit d'un continuum. C'est l'esprit dans lequel nous organisons ces investissements.

Je voudrais ajouter quelques éléments complémentaires sur le coût du très haut débit. Je ne sais pas comment Christian Paul le dirait à l'ENA (Sourires), mais le grand emprunt constituera un début sérieux. Je conteste, par ailleurs, le chiffre de 30 milliards d'euros : cela signifierait que l'on raccorde 100 % des foyers en fibre optique, ce qui n'a pas de sens, car une partie d'entre eux seront bien mieux et bien plus rapidement desservis par la voie satellitaire. À terme, le coût sera plutôt de 15 milliards d'euros, avec un effet de levier…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

…et 5 à 7 milliards d'euros de subventions, la part du grand emprunt qui y sera consacrée étant, du moins selon les propositions de la commission, de 2 milliards d'euros. Plus qu'un début, cela constitue un grand pas en avant, un vrai moyen d'accompagner les collectivités, comme le demandaient tout à l'heure Frédérique Massat et Daniel Paul.

En ce qui concerne le développement des services mobiles, Lionel Tardy a évoqué la concertation sur l'implantation des antennes relais. Nous progressons – et je voudrais remercier François Brottes, qui a pris des responsabilités dans ce domaine – vers la résolution de la contradiction actuelle entre la demande de couverture et l'acceptabilité sociale des antennes. J'espère que nous pourrons travailler en concertation avec les élus sur ce sujet.

Je reviens sur un échange qui a eu lieu tout à l'heure, et qui n'a pas trouvé de réponse, sur le point de savoir si l'augmentation de puissance d'un émetteur produit plus d'ondes. Je confirme qu'un émetteur numérique émet dix fois moins d'ondes qu'un émetteur analogique. Même, donc, lorsque l'on double la puissance d'un émetteur numérique, cela fait cinq fois moins d'ondes.

Les débats qui auront lieu ce soir nous permettront de nous plonger dans la société numérique, comme Patrice Martin-Lalande l'a évoqué tout à l'heure.

Nous devons placer l'usager au centre de nos préoccupations, sans quoi nous finirions par nous noyer dans les questions techniques. C'est l'objet des travaux que je mène en ce moment sur le droit à l'oubli et la gouvernance de l'internet. Les rapports demandés au Gouvernement en plusieurs endroits de cette proposition de loi permettront de faire émerger des propositions concrètes au bénéfice de la société numérique, en complète association – ce dont je me réjouis – avec les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La suite de la discussion de la proposition de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma