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Commission de la défense nationale et des forces armées

Séance du 13 décembre 2011 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CFM
  • CSFM
  • instances
  • militaire

La séance

Source

La Commission procède à l'examen du rapport de la mission d'information sur le dialogue social dans les armées (MM. Gilbert Le Bris et Étienne Mourrut, rapporteurs).

La séance est ouverte à dix-sept heures.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Le rapport que nous présentent aujourd'hui nos collègues Gilbert Le Bris et Étienne Mourrut conclut les travaux de la mission d'information que notre Commission leur a confiée le 1er décembre dernier sur le dialogue social dans les armées. C'est un sujet important : dans un contexte où l'on demande des efforts considérables aux militaires, le bon fonctionnement du dialogue social – dans le respect des spécificités de la condition militaire – constitue un élément clé pour la réussite des réformes.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Nous sommes ici pour vous présenter le résultat des travaux de la mission d'information sur le dialogue social dans les armées.

Depuis le 1er décembre 2010, nous avons procédé à une vingtaine d'auditions, à cinq tables rondes et à sept déplacements sur le terrain, à la rencontre des militaires dans leur cadre de service ou au sein des instances représentatives de la fonction militaire.

Ces travaux nous ont permis de dresser un bilan du système actuel de dialogue social dans les armées – qui a ses forces mais aussi ses faiblesses – et d'élaborer après une sorte de travail d'instruction une série de propositions visant à l'améliorer, de façon à répondre mieux aux attentes des personnels sans nuire à l'efficacité qui – comme chacun en convient – est, a toujours été et doit demeurer l'objectif principal des pouvoirs publics dans l'organisation de nos forces armées.

PermalienPhoto de Étienne Mourrut

Avant toute autre chose, nous nous sommes en effet attachés à dresser un bilan objectif du système actuel de dialogue social dans les armées. Sans m'attarder trop à une description détaillée de ce système, je le décrirai simplement en ces termes : il est le résultat d'une conciliation entre, d'une part, une contrainte forte : les restrictions à l'exercice des libertés publiques prévues par le statut général des militaires et, d'autre part, une tendance historique forte : un besoin croissant de dialogue dans notre société, qui touche naturellement l'armée.

Il faut en effet rappeler que le statut des militaires comporte des restrictions importantes à l'exercice des libertés publiques : ils ne peuvent s'exprimer librement qu'en dehors du service et dans le respect d'une stricte obligation de réserve ; ils ont l'interdiction absolue de faire grève ; ils n'ont pas le droit d'adhérer à des syndicats, ni même à de simples associations professionnelles ; il y a des limites strictes à leur liberté de réunion ; enfin, ils n'ont le droit ni de manifester, ni de présenter des réclamations ou des recours collectifs, même gracieux. Autant de mesures qui limitent considérablement leur capacité d'expression collective.

Pour tenir compte du besoin croissant de dialogue social, et pour canaliser en quelque sorte les revendications des militaires, on a mis en place progressivement un système complexe.

Au niveau local, des « présidents de catégories » élus sont chargés de représenter le personnel auprès du commandement, et des « commissions participatives » réunissent les représentants des militaires et la hiérarchie pour discuter de l'organisation de la vie quotidienne de chaque unité.

Au niveau national, on a créé des instances de concertation, d'abord interarmées – le Conseil supérieur de la fonction militaire, ou CSFM –, auquel on a adjoint sept conseils de la fonction militaire (CFM) propres à chaque armée ou grand service. Si les membres du Conseil supérieur sont élus parmi ceux des CFM, ces derniers sont aujourd'hui tirés au sort.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Il faut bien l'avouer, le système tel qu'il existe aujourd'hui est de plus en déconnecté des attentes de la communauté militaire et des évolutions de la société.

Nous avons constaté, tout d'abord, une grande défiance à l'égard des instances nationales de concertation.

Alors que les présidents de catégorie sont connus et appréciés de leurs pairs, les membres des instances nationales de concertation nous ont semblé isolés. Leur statut ne leur permet en effet pas de remplir correctement leurs fonctions. Ils ne disposent que d'une dizaine de jours par an pour préparer les sessions nationales, là où beaucoup de présidents de catégorie disposent d'un temps plein. Ils sont peu formés – deux à cinq jours en début de mandat – et, hormis ceux qui occupent des postes dans le domaine des ressources humaines, ils n'ont pas toujours l'expertise suffisante pour se pencher sur des sujets souvent difficiles, et parfois juridiquement très techniques.

Mais c'est surtout leur mode de désignation qui n'est pas satisfaisant. Tirés au sort, ils ne représentent qu'eux-mêmes aux sessions des instances nationales et ne savent souvent pas se faire les porte-paroles de leurs camarades. Certains de nos interlocuteurs nous ont d'ailleurs dit, avec humour, que leur désignation relevait parfois plus du « triage au sort » que du « tirage au sort ». Beaucoup de militaires se sont plaints de ne pas voir leurs attentes relayées au niveau national par les membres des CFM et du CSFM, ce qui pose un réel problème de confiance envers ces institutions.

Le mode de fonctionnement de ces instances ne donne pas non plus pleinement satisfaction. S'il est exagéré de voir en elles de simples chambres d'enregistrement des décisions de l'administration centrale du ministère, il est vrai que la marge de manoeuvre des membres est très réduite, que cela soit en termes de fixation de l'ordre du jour ou de choix des questions auxquelles le ministre va répondre. Nous avons assisté aux séances de trois CFM et d'un CSFM. Les membres nous ont tous semblé pleinement investis dans leur rôle mais, il faut l'avouer, leur expertise est très faible face aux représentants de la direction des ressources humaines du ministère de la défense. On a eu le sentiment qu'ils perdaient beaucoup de temps sur des détails et étaient très dépendants des informations qui leur étaient délivrées par le ministère.

Au final, cela procure de la frustration dans la communauté militaire, qui a l'impression, très largement relayée par les audits effectués en 2008, que ses intérêts ne seraient pas défendus et que tout le système de concertation ne sert qu'à donner bonne conscience au commandement. Beaucoup de militaires expriment leur mécontentement sur les nombreux sites Internet et blogs. Les associations, comme Gendarmes et citoyens ou l'ADEFDROMIL, jouent également un rôle important. Il est difficile de mesurer leur représentativité et leur audience mais il est certain qu'elles relaient beaucoup de préoccupations légitimes, disposent d'une réelle expertise juridique et que le haut commandement a concédé suivre de près leurs travaux.

Le système actuel parait aussi en décalage avec son contexte. Quand je dis : son contexte, je pense d'abord au reste de la société française, où les modes d'expression de l'autorité et le « management » ont connu des mutations profondes ces dernières années. Mais je pense aussi aux autres armées occidentales, aux côtés desquelles nos soldats sont régulièrement engagés, notamment en opérations extérieures : partout, on observe une tendance au renforcement des mécanismes de concertation, avec notamment un assouplissement des restrictions apportées à la liberté d'association.

PermalienPhoto de Étienne Mourrut

Ni le commandement ni l'administration centrale du ministère n'ignorent ces insuffisances, et une réflexion approfondie a été mise en oeuvre après l'adoption du nouveau statut général des militaires, en 2005, pour renforcer notre système de concertation. Je tiens d'ailleurs à souligner que l'enjeu est double : d'une part, organiser le dialogue social, c'est canaliser les revendications pour éviter qu'elles prennent des formes incontrôlables ; d'autre part, des soldats qui ont le sentiment d'être mieux respectés sont à coup sûr des soldats plus dévoués, plus efficaces.

C'est dans cette optique que plusieurs mesures ont été prises en 2010 et 2011. Les principales concernent la gendarmerie : depuis 2010, un seul et même président du personnel militaire est élu par toutes les catégories de gendarmes dans chaque arrondissement, des référents et des conseillers chargés d'animer le dialogue social sont désignés dans chaque groupement et chaque région, et les commissions participatives ont été réorganisées de façon à mieux impliquer le commandement. Pour l'ensemble des militaires, trois ans de travaux ont abouti à la publication en 2011 d'une « charte de la concertation » qui a rappelé les principes fondamentaux de la concertation et précisé certaines modalités de leur mise en oeuvre. En outre, des correspondants du personnel ont été désignés auprès de chaque chef d'état-major d'armée.

Cela suffira-t-il à répondre au besoin de dialogue social au sein des armées ? Nous n'en sommes pas certains. En effet, la « charte de la concertation » est surtout un outil pédagogique, qui n'a pas modifié le cadre réglementaire actuel – tout au plus en a-t-elle précisé certains aspects. Même pour la gendarmerie, la réforme de 2010 s'est arrêtée à la porte du CFM : rien n'a été fait au niveau national.

En un mot, pour utiles qu'elles soient, ces mesures ne font pas une réforme à la hauteur des aspirations des personnels.

Nous proposons donc une réforme complète des instances de concertation qui, sans remettre en cause l'architecture globale du système, a pour principale ambition de le rééquilibrer au profit des membres de ces instances et, par là, de lui redonner tout son crédit.

Nous avons donc listé seize propositions.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Mentionnons les plus importantes. Nous voulons tout d'abord améliorer la représentativité du système. Pour cela, il est indispensable de mettre en place l'élection des membres des conseils de la fonction militaire. Cela leur donnera une réelle légitimité pour parler au nom de leurs pairs et les obligera à partir plus souvent à leur rencontre pour les écouter et leur rendre compte. Cela contribuera donc à rapprocher ces instances de la communauté militaire.

L'élection permettra aussi de mettre fin à la perpétuelle recherche d'une pseudo-représentation statistique parfaite de la communauté militaire, impossible selon nous à atteindre. Par le biais du mandat, les élus devront prendre en considération les aspirations de tous.

La communauté militaire est en majorité hostile à l'élection. Nous la jugeons pourtant indispensable pour redonner du crédit à l'ensemble du système. Nous proposons que les membres du CFM soient élus par des grands électeurs, les présidents de catégorie et les membres des commissions participatives d'unité, à l'occasion des sessions régionales de préparation des CFM, qui existent déjà. On ne voit pas d'obstacle pratique insurmontable à un tel système. Il aurait pour vertu de créer une véritable chaîne élective continue, de la base au sommet.

Nous sommes en revanche opposés à la création d'un huitième CFM, un CFM interarmées pour représenter tous les métiers du soutien. Dans ce contexte de réforme permanente, les militaires ont besoin de stabilité. Même s'ils exercent dans un contexte interarmées, ils restent très attachés à l'identité de leur armée d'appartenance. Leur ancrage dans une armée est fort ; il doit être pris en compte dans toute réforme du système. Reconnaître aujourd'hui l'existence d'une « armée du soutien » nous parait donc prématuré. Il y a là, il nous semble, un vrai clivage entre l'administration centrale et les états-majors.

Nous proposons ensuite plusieurs mesures pour conforter les membres des instances nationales de concertation : leur accorder des dispenses d'activité plus grandes, proches d'un mi-temps, améliorer leur formation et reconnaître leur compétence au titre de la validation des acquis de l'expérience. Contrepartie de ce plus grand professionnalisme, le nombre de leurs mandats serait limité à deux. Nous proposons également de leur octroyer un signe distinctif sur leur uniforme. Les membres du CSFM en disposent un depuis juin dernier : il s'agit d'un casque corinthien. Ce casque avait pour principal défaut de réduire les capacités auditives et le champ de vision des soldats qui le portaient ce qui, pour symboliser le dialogue, n'est pas un choix très heureux !

Enfin, nous faisons plusieurs propositions pour améliorer le fonctionnement des instances nationales de concertation.

Nous proposons notamment de libérer l'ordre du jour des CFM en supprimant l'inscription automatique de l'ordre du jour de la session correspondante du CSFM. Notre idée générale est de redonner de la vigueur aux CFM d'armée, aujourd'hui cantonnés à des chambres de préparation du CSFM. Nous voulons donc qu'ils puissent dégager du temps pour examiner des sujets propres à leur armée, que la condition militaire soit privilégiée par rapport à l'examen des textes, et que l'ordre du jour soit partagé entre leur président et les membres. Nous proposons aussi que leur présidence effective soit confiée, non plus au ministre, mais à chaque chef d'état-major.

Nous souhaitons également voir leur capacité d'expertise renforcée. Pour cela, nous proposons que le Haut comité d'évaluation de la condition militaire, organisme indépendant, composé de civils, créé en 2005, puisse être saisi par les instances nationales de concertation et puisse effectuer des études pour leur compte, un peu à l'image de ce que fait la Cour des comptes pour le Parlement. Les membres des instances pourraient aussi saisir les inspecteurs généraux de demandes du même type. Notre but est que ces instances disposent d'informations et d'expertises autres que celles fournies par la seule administration du ministère. Dans le même ordre d'idée, nous voulons aussi institutionnaliser les groupes de travail entre les sessions.

Reste la question la plus délicate, celle de la liberté d'association professionnelle des militaires. Après beaucoup d'interrogations, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il était de plus en plus insatisfaisant de continuer à la leur refuser. Nous avons reçu toutes ces associations et nous n'avons pas eu le sentiment d'avoir à faire à des excités ou de simples déçus du système.

Ces associations existent et prodiguent conseils et informations de grande qualité. Pourquoi seuls les militaires d'active ne pourraient-ils y avoir accès ? Il ne s'agit naturellement pas de permettre à ces associations de siéger aux conseils de la fonction militaire ou de leur reconnaître un quelconque rôle institutionnel, incompatible avec la discipline militaire. Nous souhaitons simplement permettre aux militaires de s'appuyer sur elles pour connaître leurs droits.

Reconnaître une pratique jusqu'ici « clandestine » ne nous semble pas faire un pas vers le syndicalisme, que nous ne souhaitons pas. Il s'agit seulement de rééquilibrer un peu le système en faveur des militaires qui, nous le savons tous, feront preuve d'esprit de responsabilité.

PermalienPhoto de Daniel Boisserie

Avez-vous pris en compte la question du harcèlement dans les armées ? Vous êtes-vous intéressés au dialogue social avec les personnels civils ?

PermalienPhoto de Guy Teissier

Les personnels civils ont des organisations syndicales. Le harcèlement est un problème relevant du commandement et non de la représentation des personnels. Le relationnel avec la hiérarchie compte beaucoup pour régler cette question.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Nous nous sommes surtout intéressés à l'architecture du système, plus qu'aux problématiques relevant du moral des troupes. Le dialogue des personnels civils n'entrait pas dans le champ de notre mission. Je relève que la notion même de « dialogue social dans les armées » a fait débat, certains de nos interlocuteurs préférant les expressions « dialogue de commandement » ou « dialogue militaire »… Mais, au final, elle nous semble être pertinente.

PermalienPhoto de Michel Grall

Comment s'organise le dialogue social dans les armées compte tenu des mouvements de fond qui les touchent aujourd'hui : révision générale des politiques publiques (RGPP), réforme de la carte militaire, ou encore intensification des OPEX ?

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Tout ce qui concerne les OPEX relève par nature du commandement et non du dialogue social. Néanmoins, les évolutions que vous mentionnez sont caractéristiques du contexte général dans lequel s'inscrit notre travail, au même titre que la fin de la conscription.

Les bases de défense (BdD) auront leur place dans l'organisation future du dialogue social. Les élections auront certainement lieu à leur échelle à l'avenir. Mais pour l'heure, les militaires demeurent attachés à leur armée d'appartenance et à leur identité de corps. Ce sont les présidents de catégorie de chaque armée qui représentent le mieux les personnels.

PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Il s'agit d'un domaine insuffisamment abordé et je félicite les rapporteurs pour leur travail. Le dialogue social n'occulte pas le lien des militaires avec leur corps d'appartenance. Pour avoir souvent travaillé avec l'association solidarité défense, j'ai pu constater qu'un chef se doit d'être à l'écoute de ses hommes pour commander efficacement.

Le plus souvent les problèmes sont résolus sur le plan local. Les parlementaires sont parfois saisis. La création d'un médiateur militaire est-elle envisagée ? Il pourrait faire remonter des propositions à la faveur de son positionnement « neutre », à l'exemple de ce qui existe dans l'Éducation nationale.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Le rôle de « père du régiment » traditionnellement dévolu au chef existe encore, mais il ne correspond plus vraiment à la réalité.

Plutôt que de mettre en place un médiateur, nous préconisons de renforcer le rôle de l'inspection générale des armées. Cela supposera de renforcer la publicité sur leurs prérogatives dans ce domaine.

PermalienPhoto de Philippe Vitel

La constitution des BdD a déjà favorisé le dialogue entre les militaires au niveau local.

Nous gardons l'image des femmes de gendarmes manifestant dans les rues, leurs époux n'ayant pas ce droit. La tutelle du ministère de l'intérieur sur la Gendarmerie aura-t-elle un impact sur le fonctionnement de son dialogue social ?

PermalienPhoto de Guy Teissier

Je note tout de même que l'on a vu des gendarmes manifester dans les rues – et, qui plus est, en uniforme –, ce qui constituait selon moi un précédent grave. Il me semble que le corps des gendarmes se caractérise par des spécificités déjà suffisamment nombreuses pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en ajouter de nouvelles. Dans tous les cas, leur rattachement au ministère de l'intérieur ne remet pas en cause leur statut militaire.

PermalienPhoto de Étienne Mourrut

Les gendarmes sont un corps particulier, relativement sensible en ce moment. Tous affirment tenir à leur statut militaire. Ils ont cependant le sentiment que les discussions conduites au niveau du Conseil supérieur de la fonction militaire sont relativement éloignées de leurs préoccupations.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

La Gendarmerie est allée plus loin que les autres corps dans le domaine de la concertation. Le choix des représentants se fait au niveau du groupement, le colonel y choisissant lui-même ses interlocuteurs. Si des évolutions devaient toucher les autres forces armées, la Gendarmerie devrait bien évidemment être concernée.

PermalienPhoto de Philippe Nauche

S'ils sont soumis à des règles spécifiques, les militaires n'en sont pas moins des citoyens à part entière. Il convient dès lors de trouver les moyens adéquats pour faire vivre cette citoyenneté dans les armées.

Comment s'organise la représentativité dans les bases de défense ? Compte tenu de leur diversité de taille et de composition, est-il possible d'imaginer un système commun ou faut-il encore passer par les présidents de catégorie ?

Je constate par ailleurs que la réforme génère beaucoup d'interrogations, souvent relayées sur des blogs ou des sites Internet. Or les éléments publiés sont souvent inexacts, voire totalement faux. Comment les armées réagissent-elles ? Comment répondre aux légitimes interrogations liées aux restructurations ?

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Les bases de défense changeront la donne d'ici une dizaine d'années. À ce stade, la représentativité doit toujours passer par le système classique propre à chaque armée. C'est d'ailleurs pertinent car cela permet à chaque militaire d'avoir un correspondant issu du même corps, quelle que soit son unité de rattachement. Quand l'interarmisation aura progressé, il sera temps de faire de la base de défense l'élément de référence pour la représentativité.

Les moyens de communication modernes ouvrent de nouveaux champs d'expression ; cela fonctionne plutôt bien et sans dérive manifeste. Ils ne peuvent toutefois remplacer un dialogue social en bonne et due forme.

PermalienPhoto de Yves Fromion

Le rapport que vous nous présentez me semble très important car il va répondre aux interrogations croissantes des jeunes officiers. Ils manifestent en effet un besoin et une envie de s'exprimer, ne serait-ce que pour expliquer la spécificité de leur statut et éviter d'être marginalisés.

Pour les bases de défense, je rejoins totalement votre analyse. À ce stade, il ne s'agit que de structures administratives et logistiques qui ne peuvent pas remplacer l'unité militaire. À Bourges, je constate que les militaires de la base de défense sont très attachés à leur armée d'origine. L'esprit de base n'a pas encore remplacé l'esprit de corps. J'ajoute qu'il est difficile de faire de la base de défense l'élément de référence alors que son périmètre n'est pas définitivement arrêté.

Vous proposez de mobiliser plus largement les inspecteurs généraux. C'est une idée excellente car elle permettra de sortir le dialogue social de la relation hiérarchique. Pour autant, il faut organiser les relations des militaires avec les inspecteurs généraux en créant par exemple un référent au sein de chaque unité, à condition que ce personnel ne devienne pas une sorte « d'oeil de Moscou » au sein du régiment.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Lors de vos échanges avec les militaires, quelles étaient les questions qui revenaient le plus souvent ? S'agissait-il de la solde, des aspects familiaux, de la mobilité géographique ? Parlent-ils du rapport à la hiérarchie ?

PermalienPhoto de Étienne Mourrut

À ma grande surprise, la question salariale n'a presque jamais été posée. Les interrogations sont très variées même si les questions relatives à la famille sont majoritaires. L'exigence de mobilité est en effet un facteur difficile à prendre en compte, surtout pour les conjoints. Notre attention a également été attirée sur la faible diffusion des informations. Les militaires disent par exemple ne pas avoir de retour sur les conclusions ou les débats du CSFM.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

La réforme est sans nul doute l'élément qui génère le plus de questions. Comme vous le savez, le dialogue s'organise à trois niveaux : celui de représentation avec les présidents de catégorie, celui de la participation avec une réflexion d'unité et celui de la concertation avec le CSFM et les CFM d'armées. Les enjeux ne sont pas les mêmes : plus on gagne en généralité, plus le rapport à l'autorité apparaît dans les débats. Les représentants du CSFM regrettent par exemple que la complexité juridique des textes qui leur sont soumis occulte le débat de fond sur le statut et la vie militaire, certains allant jusqu'à parler de technique « d'enfumage ». Ils regrettent également que le dialogue social ne fasse l'objet d'aucun enseignement dans les écoles.

PermalienPhoto de Étienne Mourrut

J'ajoute que les préoccupations sont très différentes selon les armées.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Si tous les militaires sont soumis au même statut, ils n'exercent pas le même métier et n'ont donc pas les mêmes préoccupations. L'exigence de mobilité géographique est par exemple beaucoup plus forte pour un sous-officier de l'armée de terre que pour un sous-officier de l'armée de l'air.

Lors de visites d'unités, j'ai constaté que la vie familiale est de plus en plus un sujet de préoccupation. Les épouses des militaires ont désormais presque toutes une activité professionnelle, ce qui est difficilement compatible avec des déménagements réguliers, sauf à renoncer à une deuxième source de revenus. C'est un point qu'il faut surveiller, le taux de divorce chez les militaires étant beaucoup plus élevé que la moyenne nationale.

Les interrogations des militaires ne portent toutefois nullement préjudice à leur action. En opérations, ils font preuve d'une conscience professionnelle remarquable. Devant le groupe de travail franco-britannique qui s'est réuni ce matin, l'ancien commandant du Charles de Gaulle a confirmé ce sens de la mesure et de la responsabilité de tous les personnels. Pendant l'engagement du bâtiment au large de la Libye, les moyens de communication ont été maintenus sans qu'une seule information stratégique ne soit transmise.

PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Avez-vous rencontré les associations d'épouses de militaires ?

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Nous avons auditionné les associations de retraités ainsi que les associations liées aux armées mais pas spécifiquement les associations d'épouses. Néanmoins lors de nos déplacements sur les sites, nous avons rencontré les épouses des militaires. À chaque fois, nous avons eu le sentiment que le dialogue était satisfaisant et que les préoccupations des conjoints étaient bien prises en compte.

La Commission autorise, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d'information en vue de sa publication.

La séance est levée à dix-huit heures.