Avant toute autre chose, nous nous sommes en effet attachés à dresser un bilan objectif du système actuel de dialogue social dans les armées. Sans m'attarder trop à une description détaillée de ce système, je le décrirai simplement en ces termes : il est le résultat d'une conciliation entre, d'une part, une contrainte forte : les restrictions à l'exercice des libertés publiques prévues par le statut général des militaires et, d'autre part, une tendance historique forte : un besoin croissant de dialogue dans notre société, qui touche naturellement l'armée.
Il faut en effet rappeler que le statut des militaires comporte des restrictions importantes à l'exercice des libertés publiques : ils ne peuvent s'exprimer librement qu'en dehors du service et dans le respect d'une stricte obligation de réserve ; ils ont l'interdiction absolue de faire grève ; ils n'ont pas le droit d'adhérer à des syndicats, ni même à de simples associations professionnelles ; il y a des limites strictes à leur liberté de réunion ; enfin, ils n'ont le droit ni de manifester, ni de présenter des réclamations ou des recours collectifs, même gracieux. Autant de mesures qui limitent considérablement leur capacité d'expression collective.
Pour tenir compte du besoin croissant de dialogue social, et pour canaliser en quelque sorte les revendications des militaires, on a mis en place progressivement un système complexe.
Au niveau local, des « présidents de catégories » élus sont chargés de représenter le personnel auprès du commandement, et des « commissions participatives » réunissent les représentants des militaires et la hiérarchie pour discuter de l'organisation de la vie quotidienne de chaque unité.
Au niveau national, on a créé des instances de concertation, d'abord interarmées – le Conseil supérieur de la fonction militaire, ou CSFM –, auquel on a adjoint sept conseils de la fonction militaire (CFM) propres à chaque armée ou grand service. Si les membres du Conseil supérieur sont élus parmi ceux des CFM, ces derniers sont aujourd'hui tirés au sort.