Merci, M. le ministre, d'avoir répondu à notre invitation au terme nos travaux. Même si la recherche fait figure d'exception en matière de réduction des dépenses publiques, la MEC juge important que le Parlement dispose d'une vue d'ensemble des financements qui seront affectés aux universités et à la recherche. Nous voulons pouvoir nous assurer à l'avenir de l'absence de diminution de crédits, ce qui mettrait à mal une ambition portée par des investissements lourds.
Selon l'usage de la MEC, nous serons accompagnés par la Cour des comptes, en la personne de M. Jacques Tournier, conseiller-maître.
Monsieur le ministre, comment l'État peut-il jouer son rôle de stratège à travers les différents outils dont il dispose – crédit d'impôt recherche, Agence nationale de la recherche (ANR), crédits récurrents du ministère et Grand emprunt ? Autrement dit, peut-il déterminer ses priorités ? N'y a-t-il pas un risque d'interférence entre les différents financements ?
S'agissant du Grand emprunt, je souscris totalement à votre choix de jurys internationaux. Cependant, en juin, le Président de la République s'est étonné que certains secteurs ne soient pas concernés après la première vague de projets sélectionnés par ces jurys.
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la gouvernance du Grand emprunt et de l'ANR ? Des corrections doivent-elles être apportées, ou considérez-vous le dispositif opérationnel ?
La gouvernance des investissements d'avenir a exigé que le Commissariat général à l'investissement (CGI) apprenne à travailler avec le ministère, et que ce dernier apprenne à faire travailler le CGI avec l'ANR. Aujourd'hui, chacun a trouvé sa place, en s'appuyant sur l'expertise des autres.
Nous avons besoin de l'ANR. Elle possède une grande expertise en matière de jurys et sait organiser des appels à projets.
Nous avons également besoin de la vision apportée par le CGI. En effet, compte tenu de la particularité des dispositifs de financements du Grand emprunt, le pilotage du CGI permet de s'assurer d'un niveau d'exigence qui réponde au défi de l'investissement d'avenir dans son ensemble. De ce point de vue, le conventionnement, piloté par l'ANR, mais sous le contrôle commun du CGI et du ministère, est indispensable.
Une première difficulté résidait dans la nécessité de discussions régulières. Elle est résolue puisque le comité de pilotage, qui rassemble tous les acteurs, se réunit tous les quinze jours et a aujourd'hui trouvé sa vitesse de croisière.
La seconde difficulté était due aux dossiers en souffrance en raison d'études d'impact non reçues ou de conventionnements plus longs que prévu. Fort heureusement, les investissements d'avenir ont connu une forte accélération, en particulier grâce à la mise en place d'une sorte de task force qui se réunit à la demande très rapidement en cas de retard sur le calendrier ou de blocage d'un dossier.
Ainsi, dans cette gouvernance, le travail en commun de chacun des acteurs est à peu près correctement organisé aujourd'hui.
Votre question sur le pilotage stratégique de l'État est très délicate, car elle renvoie à la capacité de celui-ci de choisir son modèle en matière de recherche. Doit-il s'agir d'un modèle de type coréen, concentré sur quelques domaines seulement ? Ou bien la France a-t-elle vocation à porter plusieurs domaines d'excellence ? Dans le cadre de notre stratégie nationale de recherche et d'innovation, cinq domaines assez larges ont été identifiés. Nous nous inscrivons donc clairement dans une logique de fixation des priorités.
Les investissements d'avenir sont conformes à ces cinq priorités. Le pétrole vert, par exemple, faisait partie de la priorité environnement. En outre, en matière de nanotechnologies, notre pays affiche une vraie longueur d'avance : la plupart de vos téléphones cellulaires sont en effet équipés de processeurs mis au point par un laboratoire du CNRS, ce qui a donné lieu à la création d'une start up qui détient aujourd'hui les trois quarts du marché mondial.
Ainsi, le pilotage assure progressivement l'émergence de priorités.
Les alliances de recherche déclinent ces priorités. Pour autant, nous avons besoin d'aller plus loin en matière d'alliances. En partenariat avec l'ANR, elles doivent nous aider à renforcer notre capacité à faire des choix stratégiques. C'est pour moi la voie d'avenir.
Pour finir, je voudrais insister sur le fait que les universités et les organismes de recherche, c'est l'État. Que l'ANR contribue à mettre en place notre stratégie ou que les alliances nous aident à définir notre stratégie d'État ne me pose pas de problème. Ce dont j'ai besoin, c'est d'instances capables d'animer une démarche proactive.
Tout à fait. Reste à savoir comment faire évoluer le rôle, notamment stratégique, des alliances.
Sans que la responsabilité en revienne exclusivement à l'État, l'opération Campus accuse un retard financier. En effet, les universités ont peiné à mettre en place un certain nombre de conventions et, aujourd'hui, 35 millions d'euros sont décaissés pour ce plan, ce qui est faible.
Notre débat sur la loi relative à l'autonomie des universités n'a pas dissipé le flou sur le périmètre juridique des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Ces derniers sont-ils opérationnels aujourd'hui ? Pendant un temps, les organismes de recherche se sont contentés de les observer, ce qui n'a pas empêché des fusions exemplaires d'université dans certaines zones. Ces PRES sont-ils le bon outil pour la mise en oeuvre de l'opération Campus ?
Les PRES nous ont permis de créer des embryons de coopération commune entre les grandes écoles et les universités. Vous me permettrez d'ailleurs de les associer aux fondations de coopération scientifique. Les PRES sont un maillon important dès lors que nous n'avons pas fait le choix d'imposer des fusions d'universités. Ils constituent donc un cadre souple pour notre enseignement supérieur auquel il est demandé une grande adaptation en termes de gouvernance.
Cependant, les PRES situés sur des territoires très larges fonctionnent difficilement, tandis que ceux installés dans des territoires trop petits ont manqué des interfaces. Ils ont donc, selon moi, vocation à s'améliorer.
J'en viens au plan Campus et à son pilotage. À ce jour, nous avons lancé des appels d'offre pour 94 projets qui représentent 1,2 milliard d'euros. Notre objectif est de passer à 120 projets pour 2 milliards d'euros au début de l'année 2012.
Le démarrage des opérations a été ralenti. En effet, il faut d'abord que la structure capable de porter un projet émerge – d'où la question de l'adaptation du statut des PRES. Il est ensuite nécessaire d'attendre les engagements formels des partenaires, notamment des collectivités territoriales. Enfin, comme le savent les élus locaux, il s'écoule un délai de trois à quatre ans entre la conception d'un projet et sa réalisation.
Un appel à projets s'est déroulé de février 2008 à février 2009, et les annonces de la répartition ont été faites entre le mois de février 2009 et l'été 2009. À présent, les travaux démarrent.
Au demeurant, n'oublions pas que l'opération Campus vise non pas simplement à couler du béton, mais à faire émerger une véritable conception urbaine.
Le déblocage anticipé des intérêts d'emprunt a permis de cibler en priorité des opérations pouvant être mises en oeuvre immédiatement. 270 millions d'euros ont d'ores et déjà été engagés, et 170 millions supplémentaires le seront l'année prochaine.
Ainsi, après la mise en place des structures juridiques, l'opération Campus est entrée dans sa phase opérationnelle.
Oui. Une petite centaine de chantiers sera en phase opérationnelle. C'est un vrai changement.
S'agissant des investissements d'avenir, les engagements des crédits consommables s'élèvent, d'après les chiffres dont je dispose, à 5,23 milliards, les engagements des crédits non consommables à 6 milliards, les crédits consommables décaissés à 1,41 milliard, et les crédits non consommables décaissés à 7,1 millions d'euros. Ces chiffres sont-ils toujours d'actualité ?
Une somme de 11 milliards d'euros est d'ores et déjà engagée sur 219 projets. Nous vous fournirons ultérieurement la répartition précise entre crédits consommables et crédits non consommables, en complément du dossier d'information que je vous ai fait remettre au début de cette réunion.
Aucun versement n'a été réalisé au cours du deuxième trimestre. Y a-t-il une raison particulière à cela ?
Il faut distinguer engagements et versements. En fonction du niveau d'avancement des conventionnements, des versements ont déjà pu être effectués, d'autres non. De ce point de vue, un important travail a été réalisé pendant l'été pour accélérer la politique de conventionnement et la maturation des projets.
En effet, la procédure était devenue extrêmement lourde, notamment en raison d'un surcroît de documents demandés pour les conventionnements, en particulier des études d'impact socio-économiques ou environnementales. Nous avons remédié à ces difficultés.
D'ici à la fin de l'année et avant la seconde vague des investissements d'avenir, tous les projets de la première vague devront avoir reçu un financement, ce qui devrait représenter environ 418 millions d'euros. En outre, les décaissements devront représenter 1,3 milliard d'euros à l'horizon 2012. Tels sont nos objectifs.
La moitié des projets sélectionnés a reçu un premier versement, ce qui représente au total 111 millions d'euros.
Sur l'opération Campus, la Caisse des dépôts et consignations hésitait quant à la nécessité d'un recours à la loi pour chaque partenariat publicpublic. Nous avons réussi à lever ces blocages, en particulier grâce à l'esprit constructif des responsables de la Caisse.
Jusqu'au mois de juin, aucun Labex (laboratoire d'excellence) n'était conventionné ; aujourd'hui, ils sont une centaine à l'être. La même accélération a bénéficié aux Equipex (équipement d'excellence) grâce à une plateforme de suivi qui nous a permis de suivre les projets et leur montée en puissance. En outre, un système d'avance a été mis en place, notamment pour les Idex (initiatives d'excellence) avec de premiers versements à hauteur de 10 millions d'euros par Idex qui seront versés sous 1 mois.
Le décaissement immédiat de nos intérêts, alors même que les contrats de partenariat du plan Campus n'ont pas forcément été signés, constitue nos avances au titre de ce plan.
En tant que ministre des Universités et de la recherche, pourrez-vous récupérer la rémunération du capital de 3,7 milliards d'euros issu de la cession de titres d'EDF, conservée depuis décembre 2007 sur le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État ?
Les intérêts de ces 3,7 milliards liés à l'opération Campus ont déjà commencé à revenir aux universités.
Entre la vente et les premiers versements, le capital a été rémunéré. Pendant une période d'au moins dix-huit mois, les intérêts n'ont donc pas été reversés.
Le placement a été effectué à partir du mois d'août 2010. Ce choix a été fait par Bercy. Depuis août 2010 et jusqu'à la signature des contrats en 2012, les intérêts produits représentent environ 440 millions d'euros d'intérêts. L'objectif est que ces intérêts soient rendus aux universités, et c'est ce que nous faisons avec les décaissements des avances sur intérêts.
Il y a donc bien un écart, monsieur le président, mais je ne peux pas récupérer de l'argent qui n'a pas été placé. Sur ces 440 millions d'euros d'intérêts, 270 millions ont d'ores et déjà été engagés, et 170 le seront à nouveau dans les prochaines semaines.
C'est une décision politique. L'État a utilisé à d'autres fins une part d'intérêts ou de moindres besoins de trésorerie.
Cette somme n'a pas été placée : elle a servi au désendettement et n'a donc pas produit d'intérêts. Mais dès le moment, en 2010, où cette somme en capital a été placée et a produit des intérêts, l'argent a été intégralement réorienté en direction des universités.
Quel sera le rôle de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) pour l'évaluation des investissements d'avenir ? A-t-elle trouvé sa vitesse de croisière ?
L'AERES est une institution fondamentale dans notre dispositif d'enseignement supérieur. Nous avons en effet besoin d'une instance d'évaluation – comme il en existe d'ailleurs dans tous les systèmes étrangers. Cette agence doit évoluer pour nous permettre d'avancer vers une vision plus stratégique : au-delà d'une évaluation scientifique de qualité, laboratoire par laboratoire, formation par formation, elle doit nous aider à être une force de proposition pour les futures décisions stratégiques.
S'agissant de l'évaluation des investissements d'avenir, il faut distinguer trois niveaux.
Le premier est la convention, réalisée avec l'ANR. Nous devons nous assurer que les objectifs sur lesquels se sont engagés les différents laboratoires ou structures avec lesquels nous avons conclu la convention sont honorés.
Le deuxième niveau d'évaluation est macroéconomique : il s'agit de savoir quel surcroît de compétitivité et de taux de croissance cet investissement d'avenir a apporté à la France. C'est l'évaluation du CGI.
Le troisième et dernier niveau consiste à savoir comment l'argent investi permet à la France de gagner des places dans la compétition mondiale, de quelle manière il fait progresser nos laboratoires pour les positionner sur un niveau d'excellence. C'est le rôle central de l'AERES, sur lequel nous nous appuierons.
L'heure est à la stabilisation des crédits de l'ANR, et je pense qu'un problème se posera à terme pour les crédits récurrents.
Les crédits extrabudgétaires à travers le Grand emprunt pourraient-ils se substituer à des crédits budgétaires ?
Les dépenses d'investissement d'avenir, pour une partie d'entre elles, ont un caractère récurrent. Autrement dit, nous avons voulu les inscrire dans la durée. Pour autant, il ne doit pas y avoir de confusion entre le rôle des crédits récurrents, celui des financements de l'ANR et celui des crédits extrabudgétaires. En aucun cas, ces derniers ne peuvent se substituer aux premiers.
En effet, les crédits récurrents permettent aux laboratoires de fonctionner au quotidien, alors que les dépenses d'avenir sont destinées à atteindre un niveau d'excellence avec un investissement plus particulier sur tel élément de la structure du laboratoire ou telle partie de la recherche.
Cela va peut-être amener les organismes de recherche à répartir autrement leurs crédits récurrents entre les différents laboratoires.
Certes, mais il faudra y être attentif car le but des investissements d'avenir est de produire un effet de levier, et non un jeu de chaises musicales. D'où l'utilité du suivi assuré par l'ANR et l'AERES.
Cela pose d'ailleurs la question des préciputs. En effet, dans le cadre de l'accompagnement des Labex et des Equipex, on peut se demander si la partie du laboratoire qui bénéficie de l'investissement d'avenir ne doit pas contribuer au fonctionnement global de la structure de recherche.
Nos économies sur la partie des organismes de recherche se montent à 37 millions d'euros. Je vous rappelle que l'apport financier des investissements d'avenir s'élève à 1,2 milliard d'euros en 2012.
Dans le cadre des investissements d'avenir, la sûreté nucléaire a été oubliée par le conseil de surveillance du Grand emprunt, alors qu'elle est essentielle. Une ligne a été ouverte, me dit-on, au niveau de l'ANR.
De façon générale, la recherche doit être menée sur la durée et non gérée en fonction des à-coups médiatiques. S'agissant de la sûreté nucléaire, notre travail a porté sur la durée, avec des évolutions intéressantes, notamment en termes de gouvernance pour la gestion de crise, la gestion des flux de transport, la transmission d'information, etc. Dans ce domaine, la recherche française a donc été considérablement décloisonnée : d'abord très concentrée sur les aspects purement techniques, elle a aujourd'hui investi des travaux beaucoup plus larges.
En outre, la recherche en matière de sûreté nucléaire est réalisée en coopération étroite avec les États-Unis et le Japon depuis plusieurs années. Nous allons bien sûr tirer toutes les leçons de l'accident de Fukushima, en nous appuyant sur le travail des alliances de recherche.
Par ailleurs, un appel à projets est en préparation sur le thème précis de la sûreté nucléaire. Il correspond à une demande formulée fin juin par le Président de la République.
Nous sommes en train de l'arrêter car le périmètre est interministériel.
Il devrait être de cet ordre, mais il faut prendre en compte l'ensemble du périmètre, en particulier les actions qui existent déjà entre les différentes alliances.
S'agissant des conventions, l'ANR ne nous a pas fourni l'état des cofinancements – entre le secteur privé et les collectivités locales – que nous lui avions demandé.
Nous allons nous en occuper.
Nous aimerions avoir un document qui nous permette de voir converger tous les efforts, y compris des collectivités territoriales car les financements à travers les contrats de projets État-régions (CPER) sont loin d'être négligeables pour la structuration des campus et des laboratoires.
Certes, mais il nous manque des engagements fermes de certaines collectivités locales : elles ont une position de principe, mais n'ont pas voté l'engagement des crédits. Or dans le cadre du conventionnement, chacun doit assumer sa part de responsabilité.
Non. Il faut distinguer les projets identifiés et portés par les campus d'avenir et les contrats de projets État-régions qui, vous le savez, peuvent faire l'objet de reports d'engagements.
La difficulté que rencontre la commission des Finances est de relever les efforts réels consacrés à la recherche à travers les différents outils. Vous deviez nous fournir des bases de données sur les montants éligibles à l'ANR et au Grand emprunt.
La MEC avait demandé une évaluation région par région : elle vous est fournie dans le dossier que nous venons de vous distribuer.
Pouvez-vous nous fournir un tableau distinguant les investissements directs et les subventions, à l'image des titres 5 et 6 du budget de l'État ?
Ce sont des données dont on dispose.
Notre première priorité a donc été de fournir une vision région par région. Elle est d'ailleurs très intéressante car elle permet de voir les choses avec objectivité. À cet égard, la région Aquitaine a été très bien traitée, contrairement à ce que prétend son président !
À présent, nous travaillons sur la vision établissement par établissement. Cela est beaucoup plus difficile, car un projet peut rassembler cinq à six établissements, comme le CNRS, l'INRIA, deux universités, etc.
La répartition est très compliquée à faire.
Les universités ne souffrent-elles pas d'un déficit humain en matière de gestion pour conjuguer leur autonomie ?
Il y a eu une période d'apprentissage – tout à fait normale pour une des plus grandes révolutions culturelles dans le domaine de gestion de l'État depuis la décentralisation. Passé cette période, les outils sont toujours en devenir, mais commencent à prendre une vraie vitesse de croisière. La preuve en est l'accélération en termes de décaissements, de versements et de projets conventionnés.
Auparavant, les principaux travaux réalisés par les universités consistaient en des coups de peinture au plafond. Aujourd'hui, elles doivent être capables de porter un projet de plusieurs dizaines de millions d'euros. C'est une vraie métamorphose. Cette autonomie suppose des équipements, mais aussi la montée en puissance de hauts fonctionnaires qui vont se spécialiser autour de cette thématique de gestion des universités en traitant de dossiers passionnants.
Ils sont en effet les parents pauvres aujourd'hui, y compris au niveau de l'État : dans les rectorats, le service le plus faible est souvent celui des universités.
Tout à fait. C'est pourquoi je demande aux recteurs de consacrer beaucoup plus de temps à l'enseignement supérieur et à la recherche, car leur mission en la matière est fondamentale en termes de compétitivité et d'emplois pour notre pays. Cela étant dit, pour être généralement issus du monde universitaire, nos recteurs sont sensibles aux enjeux de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce qui est un atout.
Le nombre des agents de catégorie A dans les personnels administratifs est encore trop faible – 12 % dans les universités contre 25 % dans les organismes de recherche. Ainsi, une force administrative d'aide à la recherche se constitue progressivement.
Les deux logiques à l'oeuvre dans votre ministère - une logique de sites orientée vers l'enseignement supérieur, et une logique d'excellence scientifique portée par les jurys du Grand emprunt et orientée vers la recherche – ne se recoupent pas. Il y a quelques années, on décidait de construire dix pôles d'excellence géographiquement localisés et identifiés. Aujourd'hui, la superposition d'outils que sont les PRES, le plan Campus et les investissements d'avenir, avec leur déclinaison en Idex, Labex et Equipex, aboutit à un système plus tranché.
Le ministère trouve-t-il une cohérence dans ce dispositif et, au final, a-t-il une vision de l'objectif cible ? Ou bien souhaite-t-il que « fleurissent cent fleurs » en espérant que le système finira par trouver son point d'équilibre ?
En Île-de-France, d'un côté, des PRES tentent de se constituer, de l'autre, Paris Sciences et Lettres (PSL) « sort du bois » et est labellisé, alors même qu'il n'était pas forcément prioritaire. C'est un exemple parmi d'autres.
D'abord, l'enseignement supérieur doit impérativement être couplé à la recherche. Un bon chercheur est un chercheur qui enseigne – notre nouveau prix Nobel, le professeur Hoffman, en est la parfaite incarnation. De la même façon, les bonnes unités de recherche comportent des doctorants.
L'État stratège doit avoir une vision qui s'appuie sur les acteurs de terrain et sur ce qu'ils sont capables de construire. Ce n'est ni la vision archaïque à la façon du Gosplan, ni celle de la prolifération désordonnée des « cent fleurs ». De ce point de vue, me méfiant d'une vision étroitement parisienne de l'excellence, je trouve intéressant en termes d'aménagement du territoire que parmi les trois premiers Idex, deux soient élaborés hors de l'Île-de-France.
Nous misons sur une approche de sites, mais aussi sur la nécessité d'une vision nationale. Autrement dit, il faut à la fois laisser vivre la conception des acteurs de terrain et conserver une vision nationale dans tous les domaines.
Il est possible de mener une politique de réseaux intelligente à partir de pôles d'excellence.
Bien sûr. Un laboratoire d'observation de la biodiversité en Guyane, par exemple, ne peut pas travailler avec un seul site. C'est pourquoi le travail en réseau et notre capacité à coordonner les initiatives sont primordiaux. Ce gage de confiance envers l'enseignement supérieur et la recherche permet de démultiplier les initiatives.
Chacun ici est persuadé que l'enseignement supérieur et la recherche vont de pair. Mais ne craignez-vous pas, à terme, une tension entre la logique d'un jury international pour lequel une politique de sites n'est pas forcément une priorité, et celle du ministère plutôt orientée vers une politique de sites ?
Je ne mène pas une politique de sites à tout prix.
Bordeaux ne figurait pas forcément sur la carte du spectroscope, mais le jury et la mise en concurrence ont permis de faire émerger ses atouts. Tant mieux. Cela nous amène d'ailleurs à remettre en cause l'idée reçue selon laquelle l'excellence ne se trouve qu'à Paris.
De la même manière, un Idex a permis de révéler la richesse de Strasbourg. Le jury nous a permis d'apprécier la présence d'une des plus grosses universités européennes, capable de s'imposer dans une région à la confluence du Luxembourg, de l'Allemagne et de la Suisse. Ce n'est pas forcément ce que l'administration centrale avait en tête initialement.
Vous vous demandez sans doute ce qu'il adviendra de Saclay et des PRES de Paris II-IV-VI et de Paris III-V-VII. Laissons faire… L'ensemble des pôles parisiens font actuellement un travail remarquable, notamment en matière de gouvernance pour améliorer leur projet.