– Examen du projet de rapport d'information de MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue sur l'évaluation de l'aide médicale d'État
– Nomination de rapporteurs
Hôtel de Lassay
La séance est ouverte à onze heures.
-Évaluation de l'aide médicale de l'État : examen du rapport (rapporteurs MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue)
Le premier point de notre ordre du jour est la présentation du rapport sur l'aide médicale de l'État (AME) par les deux rapporteurs, Claude Goasguen et Christophe Sirugue. Je rappelle que ce sujet avait été proposé par le groupe UMP, et que le projet de rapport vous a été distribué et envoyé la semaine dernière.
En accord avec Claude Goasguen, je commencerai par resituer le sujet avant de vous faire part de nos préconisations communes, sachant que le rapport présente également des préconisations spécifiques à chaque rapporteur.
Qui sont les bénéficiaires de l'AME ? Il s'agit, pour 90 % de la dépense, de tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, pour 9 % de la dépense de personnes ayant besoin de soins d'urgence et, enfin, à la marge, puisque le budget se limite à un million d'euros, de l'aide médicale d'État humanitaire.
Les conditions d'obtention de l'AME sont les suivantes : justifier de son identité et d'une durée de résidence ininterrompue de trois mois sur le territoire ; disposer de ressources n'excédant pas un plafond de 634 euros ; et depuis le 1er mars 2011, acquitter un droit de timbre de 30 euros.
Au 30 septembre 2010, 227 705 personnes bénéficiaient du dispositif : 81 % d'entre elles ouvrent des droits pour elles seules ; 9 % pour elles et une personne ; et moins de 5 % pour elles et deux personnes.
Le budget de l'AME, délégué à la CNAMTS par l'État, s'élevait à 623 millions d'euros en 2010. Il est estimé à 640 millions pour 2011, sachant que seulement 590 millions ont été inscrits au budget et que l'État doit encore rembourser à la CNAMTS près de 83 millions de dépenses nettes, principalement au titre de 2010.
Les dépenses hospitalières représentent les trois quarts de la dépense totale, et les consultations de spécialistes 14 %.
Il faut également préciser que les dépenses de l'AME sont très concentrées. À Paris, par exemple, moins de 1 % des bénéficiaires concentrent la moitié de la dépense hospitalière.
Ces dépenses sont en très forte hausse. Après une montée en puissance du dispositif entre 2000 et 2005, elles sont passées de 377 millions d'euros à cette date à 623 millions en 2010. Elles ne représentent cependant que 0,19 % du budget de l'État et 0,34 % du montant de l'ONDAM.
Quelles sont les causes qui peuvent expliquer un tel accroissement ? Nous en avons d'emblée exclu trois. En premier lieu, nous n'avons pas noté d'explosion du nombre des ayants droit à l'AME, qui reste stable. Nous n'avons pas davantage constaté d'explosion de la consommation médicale ; hormis une petite hausse en 2009, celle-ci est restée constante depuis 2001. Quant à la fraude, elle existe mais ne représente, aux dires de la CNAMTS, que 0,3 % du total des fraudes, tous dispositifs confondus.
Les facteurs de l'augmentation des dépenses que nous avons identifiés sont au nombre de deux. Il s'agit tout d'abord de l'augmentation du nombre des bénéficiaires, passé de 79 000 en 2000 à 189 000 en 2005 et à 227 000 en 2010. Le nombre des ressortissants communautaires admis à l'AME a notamment augmenté à la suite d'une directive de 2004 – transposée en 2006 par une loi dont le décret d'application a été publié en 2007 – aux termes de laquelle un ressortissant communautaire inactif ne peut s'installer en France et se prévaloir d'un droit au séjour s'il ne dispose pas d'une couverture maladie. Le nombre de demandeurs d'asile a par ailleurs augmenté, avec une hausse de 20 % entre 2007 et 2008. Des dysfonctionnements concernant les conditions d'application de la procédure « étranger malade » semblent enfin en cause, l'appréciation restrictive de la condition relative à la durée de résidence en France conduisant à un basculement vers l'AME de personnes qui devraient bénéficier de ce dispositif « étranger malade ».
La deuxième cause d'accroissement des dépenses de l'AME tient à l'augmentation considérable de la facturation hospitalière. Non seulement les hôpitaux, confrontés à des difficultés budgétaires, cherchent désormais systématiquement à connaître les droits de leurs patients à une couverture maladie au lieu d'admettre les créances non recouvrées en non-valeur dans leur budget, mais, de plus, le mode de tarification des actes délivrés aux bénéficiaires de l'AME est le tarif journalier de prestation (TJP), et non la tarification à l'activité. Or les tarifs journaliers de prestation sont très élevés et inégaux : en 2010, le TJP s'établissait ainsi à 1380,69 euros pour l'AP-HP, contre 410 euros pour le centre hospitalier d'Aulnay-sous-Bois ! Autrement dit, il est utilisé comme variable d'ajustement budgétaire par les hôpitaux. Le surcoût lié à cette différence de tarification est estimé entre 100 et 200 millions d'euros, soit au moins un cinquième de la dépense totale de l'AME.
Forts de ces constats, Claude Goasguen et moi-même avons défini des préconisations communes pour améliorer les modalités de gestion de l'AME. Il nous paraît important de maintenir ce dispositif, qui est adapté à la population concernée et répond à des considérations humanitaires, mais aussi à de vrais enjeux de santé publique : sans accompagnement de ces personnes, le risque de voir se propager des maladies contagieuses comme la tuberculose ou le sida est très réel.
Nous souhaitons ensuite voir adopter progressivement une tarification de droit commun. Il faut sortir de la tarification « souple » que constitue le TJP pour les administrations hospitalières, car elle représente des sommes considérables. Cette sortie ne pourra cependant être que progressive, les incidences du passage à la tarification à l'activité étant loin d'être négligeables, tant pour les hôpitaux que pour les bénéficiaires.
Il est d'autre part nécessaire d'avoir des statistiques fiables. Nous devons sortir du flou statistique pour améliorer la connaissance de la population en cause. Nous sommes ici confrontés à une difficulté, puisque la loi ne permet pas de préserver les données au-delà de deux ans. Or nous avons besoin de le faire pour disposer de statistiques fiables sur les bénéficiaires du dispositif. Il faut donc envisager de remettre cette limite en cause.
Nous souhaitons également que les besoins soient budgétisés correctement en loi de finances initiale. J'ai rappelé tout à l'heure que la dette de l'État envers la CNAMTS s'élevait déjà à 83 millions d'euros, ce chiffre étant appelé à augmenter puisque l'inscription budgétaire pour 2011 n'est pas à la hauteur de l'estimation des dépenses.
Par ailleurs, nous préconisons la mise en place d'une visite de prévention à l'entrée dans le dispositif. Ce « filtre » permettrait de s'assurer de la réalité de la situation des personnes, à la fois dans un souci de maîtrise du dispositif et dans un souci de santé publique.
De même, il convient d'améliorer la prise en charge d'aval des bénéficiaires hospitalisés, car les dispositifs permettant de sortir de l'hôpital font défaut pour les personnes relevant de l'AME.
Enfin, nous appelons à prendre en compte le cas particulier de Mayotte, nouveau département français. Il est prévu que l'harmonisation avec le droit commun se fasse sur une période de vingt à vingt-cinq ans. Mais l'État a déjà été condamné pour le non respect de droits à Mayotte. Il nous semble donc que s'agissant du RSA ou de l'AME, nous ne pouvons nous permettre d'attendre aussi longtemps, d'autant que le nombre de personnes susceptibles d'être concernées n'est pas négligeable.
Voici donc les principaux éléments de notre rapport, sachant que nous présenterons ensuite chacun des préconisations spécifiques.
Je remercie nos deux rapporteurs d'avoir conduit ce lourd travail sur un sujet qui est à la fois grave sur le plan humain et politiquement sensible, à telle enseigne qu'ils ont eu quelque difficulté à se retrouver sur des préconisations communes. Beaucoup le sont, mais, sur quelques points, ils ont conservé des positions différentes. Il n'est certes pas aisé, pour deux rapporteurs de sensibilités différentes, de proposer des solutions convergentes – nous avons nos opinions, et elles ne sont pas toujours solubles dans des positions communes. Sans dramatiser à l'excès, je ne souhaite cependant pas que cette situation – lorsqu'elle se traduit dans le rapport – se renouvelle trop souvent. C'est lorsqu'elle sait trouver des solutions partagées que notre assemblée a la plus grande force.
Je remercie chaleureusement l'équipe qui nous a assistés dans notre travail sur ce sujet très difficile. Celui-ci a en effet été dramatisé sur le plan politique, avec des positions extrêmes qui remettent en cause jusqu'à l'existence du dispositif, tant à droite qu'à gauche. Ainsi, pour Médecins du Monde, l'AME ne devrait pas exister : la politique de santé publique devant être la même pour tous, le dispositif devrait être intégré à la CMU, voire au système social de droit commun. À l'inverse, les apôtres du Front national prônent la suppression de l'AME au nom de la justice sociale. Parvenir à un accord sur la nécessité de l'existence de l'AME n'était donc pas une mince affaire. Cela nous permettra cependant de répondre à nombre d'arguties qui ne manqueront pas d'être développées dans l'année qui vient. Avec les réponses au questionnaire que nous avons adressé à l'ensemble des caisses de sécurité sociale et le rapport de l'IGAS et de l'IGF, nous disposons d'un fonds documentaire qui permettra d'éviter les dérapages dramatisants et populaciers si désagréables dans les campagnes électorales. La seule manière de traiter ce genre de problèmes est d'avoir des documents sérieux et incontestables. Je regrette donc que cette démarche n'ait pas été conduite plus tôt : cela nous aurait évité des débats inutiles.
Mes préconisations touchent d'abord au domaine budgétaire. Comme un certain nombre de nos collègues, j'ai longtemps pensé que la fraude n'était pas négligeable. En réalité, le système de l'AME n'est pas plus touché par la fraude que les autres, mais sa gestion a besoin d'être profondément réformée, et il ne faut pas se dissimuler que ce sera difficile.
Un élément nous a frappés tous deux : l'absence de coordination entre les hôpitaux publics et la sécurité sociale, que l'IGF et l'IGAS ont identifiée comme l'élément essentiel du dérapage des dépenses de l'AME. Il faut bien voir que le surcoût lié à la tarification sur la base des TJP représente presque le quart du budget de l'AME. C'est un problème d'écritures : cette charge devrait être assumée par le budget de la sécurité sociale, non par celui de l'État. Nous ne ferons certes pas beaucoup d'économies, mais je suis attaché à la règle de bonne gestion. Il ne s'agit pas de sanctionner les hôpitaux, mais d'imputer au budget de la sécurité sociale ce qui relève de la sécurité sociale, et à celui de l'AME ce qui relève de l'AME.
D'autre part, nous ne sommes pas assez rigoureux en ce qui concerne l'AME lors de l'élaboration de la loi de finances initiale, dans la mesure où nous avons choisi d'en appeler systématiquement aux lois de finances rectificatives. Or, dans ce domaine, cela constitue un appel d'air : savoir que la somme est sous-évaluée et qu'elle sera augmentée pousse à la consommation. J'appelle donc à une vraie rigueur dans l'établissement du budget de l'AME : les parlementaires doivent avoir connaissance de tous les éléments statistiques, et l'affectation de la somme doit être connue. Enfin, l'enveloppe arrêtée ne doit pas, sauf exception, être modifiée en loi de finances rectificative.
Je suis par ailleurs plus restrictif que mon collègue quant à la méthode de soins et au caractère universel du panier de soins, qui, soit dit en passant, reste une exception en Europe. Je ne propose pas de le supprimer, mais d'adopter un système un peu plus rigoureux en le divisant en deux parties. La première serait constituée des soins indispensables au maintien de la santé, à savoir les urgences, l'hospitalisation, la prophylaxie et la prévention, les soins aux femmes enceintes et tous les soins aux mineurs. Ces soins ne seraient dispensés que par les hôpitaux publics et les dispensaires – dont le nombre est dramatiquement insuffisant. Un deuxième niveau de soins – qui comprendrait les soins plus généraux ou les dispositifs médicaux – serait soumis à entente préalable de la sécurité sociale.
Je suggère également qu'une seule caisse primaire de sécurité sociale gère l'AME. Cela permettrait d'assurer une meilleure harmonisation, de développer un système de contrôle informatique plus efficace et d'avoir des statistiques beaucoup plus fiables. Les différences entre les caisses sont en effet considérables, celles de Paris et de Seine Saint-Denis gérant la quasi-totalité du budget de l'AME.
J'en viens au droit de timbre de 30 euros, qui a suscité tant de polémiques et sur lequel nous ne sommes pas d'accord. À l'origine, je n'étais pas favorable à cette mesure, que je considérais comme une « mesurette ». Je l'ai finalement votée, la ministre compétente, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, estimant qu'il était utile de faire un geste symbolique. L'IGF et l'IGAS ont considéré que, sur le plan financier, elle n'était pas intéressante. Néanmoins, elle a quelques vertus : non seulement elle n'est pas excessive quant à son montant et peut le cas échéant être financée par des subventions, mais, de plus, elle a un aspect symbolique fort. Elle n'est d'ailleurs guère contestée en-dehors des milieux médicaux.
Cette mesure n'empêche pas la France de rester – contrairement à ce que j'entends souvent dire – un pays exceptionnel du point de vue des droits sociaux. Aucun de nos voisins – hormis l'Espagne, mais avec moins de succès que nous – ne mène une politique aussi généreuse. N'oublions pas que les populations dont il s'agit sont dans une situation particulière sur le plan juridique. Une somme de 30 euros, c'est tout de même peu si l'on songe aux Français qui sont eux-mêmes en difficulté ou aux immigrés qui sont en situation régulière, voire qui prennent le risque de demander leur régularisation.
Cela devrait en outre permettre – c'est en tout cas la proposition que nous faisons – de financer la carte de bénéficiaire avec photo ainsi que la visite de prévention dont a parlé Christophe Sirugue.
Je l'ai dit, le premier niveau de soins que je propose devrait relever des seuls hôpitaux publics et dispensaires. Je suis en effet très réservé – sauf insuffisance des équipements sanitaires dans un département – sur l'intervention des médecins libéraux en matière d'AME. Le Conseil de l'Ordre m'opposera sans doute le sacro-saint serment d'Hippocrate, mais je pense que les médecins libéraux participant à l'AME devraient être agréés par la sécurité sociale et ne dispenser que les soins relevant du deuxième niveau.
Pour conclure, je voudrais dire que nos préconisations communes restent plus importantes que nos divergences. Simplement, l'un a vu le verre à moitié plein et l'autre le verre à moitié vide … Je me félicite en tout cas du travail que nous avons conduit ensemble.
Je m'associe à Claude Goasguen pour remercier l'équipe du secrétariat du Comité qui a travaillé à nos côtés.
Le dispositif de l'AME connaît-il des difficultés de fonctionnement ? Non. Il faut certes lui apporter quelques modifications ou clarifications, notamment pour nous permettre de disposer d'informations plus fiables, mais son mode de fonctionnement n'est pas remis en cause. Aucune des auditions auxquelles nous avons procédé ne nous a en tout cas menés à cette conclusion.
Les caisses s'efforcent-elles d'améliorer le dispositif ? Oui. Il existe désormais une carte avec photographie, qui permet d'identifier plus sûrement la personne. Les caisses ont toutes développé des dispositifs d'accompagnement et de contrôle des bénéficiaires de l'AME, même si vérifier la situation de personnes en situation irrégulière reste un exercice passablement délicat… Je ne suis donc pas du tout favorable à ce qu'il y ait une caisse spécifique pour l'AME : la proximité et le lien direct avec les praticiens justifient à mon sens le maintien du système existant.
Nous n'avons sans doute pas assez insisté sur le fait que beaucoup de personnes qui pourraient avoir accès à l'AME ne font pas la démarche de la demander. Réduire le nombre des portes d'entrée ne ferait qu'accentuer cette tendance.
En ce qui concerne le droit de timbre de 30 euros, je préconise sa disparition. Le rapport de l'IGAS et de l'IGF montre d'ailleurs qu'il coûte plus cher qu'il ne rapporte. À cet égard, nous déplorons que ce rapport, qui était connu avant le débat parlementaire, ne nous ait pas été transmis : s'il l'avait été, je ne suis pas sûr que le droit de timbre aurait été adopté. Certes, ce dernier peut paraître symbolique, mais, pour ma part, j'y vois un obstacle de plus à l'entrée dans le dispositif. Or les associations nous ont clairement alertés sur le risque que cela présente en termes de politique sanitaire : plus ces personnes tarderont à entrer dans le dispositif d'accompagnement médical, plus des pathologies que l'on avait pourtant éradiquées risquent de s'étendre.
S'agissant des niveaux de soins proposés par Claude Goasguen, j'observe d'abord que les dispensaires ne sont pas légion. Mais surtout, il y a un risque à créer une spécificité pour les bénéficiaires de l'AME. N'aura-t-on pas la tentation d'y « basculer » un jour les bénéficiaires de la CMU ? Au final, on se retrouverait avec deux systèmes : un système de droit commun et un autre pour les « assistés ». Dans le contexte politique que Claude Goasguen a rappelé, ce risque est réel.
Je rappelle enfin que plusieurs décrets ne sont pas sortis. Ce rapport pourrait être l'occasion d'insister auprès du Gouvernement pour remédier à cette situation.
Le travail de nos collègues démontre l'utilité du CEC. Sur un sujet qui donne lieu à des polémiques, à des rumeurs et à des fantasmes, ils sont parvenus à établir des faits. Que leurs préconisations puissent ensuite diverger ne m'étonne nullement : le débat politique est ainsi fait. L'important est que ces divergences reposent, non sur des fantasmes ou des rumeurs, mais sur des faits. On le voit, ce travail commun de la majorité et de l'opposition permet d'aboutir à un débat politique plus serein.
Cela dit, les statistiques relatives à l'AME paraissent particulièrement sujettes à caution et mériteraient un approfondissement. De plus, comme dans d'autres domaines, les indicateurs de performance ne sont pas satisfaisants. Si l'Assemblée consacrait plus de temps à l'examen des lois de règlement, donc aux résultats, elle serait mieux à même de remettre en cause ces indicateurs.
Les rapporteurs soulignent également la situation particulière de la Guyane et les risques qui existent à Mayotte. Le rapport entre les étrangers et les populations françaises est si tributaire de la situation géographique et de l'histoire de ces deux départements qu'il serait illusoire de vouloir résoudre les problèmes comme si l'on était en métropole. Les réponses doivent être tout particulièrement adaptées. À Mayotte, la moitié de la population est aujourd'hui constituée d'étrangers en situation irrégulière. Malgré la distance qui nous sépare de ces régions, nous devons être très attentifs.
Je souhaite bien entendu que ce travail connaisse des suites législatives.
La qualité de ce travail doit en effet être saluée.
Je suis cependant totalement hostile à l'idée d'une caisse dédiée à l'AME car il y aurait forcément stigmatisation.
Je ne propose pas la création d'une nouvelle caisse mais l'attribution de la gestion de ce secteur à une caisse primaire existante, une sorte de caisse pivot.
Quoi qu'il en soit, je doute que cela rende les contrôles « plus efficaces que les contrôles aléatoires et répartis sans véritable efficacité sur le territoire », comme vous l'écrivez. J'ai déjà souligné lors des auditions que les dossiers des bénéficiaires de l'AME sont soumis à un traitement différent de celui des dossiers de tous les autres assurés. On ne peut établir de parallèle avec les bénéficiaires de la CMU, ni affirmer que les deux catégories ont les mêmes droits. Quel que soit le professionnel de santé, tous les dossiers d'aide médicale de l'État sont envoyés sous forme papier et font l'objet d'un traitement individuel par les salariés de la sécurité sociale. Il est en effet impossible de transmettre des lots sécurisés : les lots sont dits « dégradés » et sont traités un à un. L'argument de M. Goasguen concernant une éventuelle amélioration du suivi et du contrôle ne tient pas.
Je suis également contre le droit de timbre de 30 euros. Si l'on ne constate pas un très grand nombre de refus, c'est que les personnes qui se présentent aujourd'hui ont les moyens de payer – qu'elles soient aidées par des collectivités, par des associations ou par des particuliers. Les personnes qui n'ont pas les moyens ne se présentent tout simplement pas.
Au sujet de la carte avec photographie, nous avons entendu dans le cadre de la MECSS plusieurs professionnels de santé exprimer leurs réticences, estimant qu'ils n'avaient pas vocation à faire la police.
La barrière des 30 euros provoque déjà l'augmentation de la fréquentation des CASO – centres d'accueil de soins et d'orientation – de Médecins du Monde.
Enfin, le fait que les dépenses hospitalières représentent les trois quarts de la dépense totale me conduit à regretter que la loi HPST n'ait pas mis en place le testing. Si les personnes qui bénéficient de l'AME font beaucoup plus appel à l'hôpital, c'est qu'il n'est pas simple pour elles de pousser la porte du cabinet d'un médecin libéral, d'autant qu'il peut y avoir un problème de langue. De plus, certains médecins libéraux estiment que l'AME les contraint à des tâches administratives dans la mesure où il n'y a pas de transmission par carte Vitale. Bref, l'accès à la médecine ambulatoire doit être amélioré.
Je m'associe aux éloges adressés à ce travail dont la qualité première est la pédagogie. Alors que la question faisait l'objet d'une certaine diabolisation, nous disposons désormais d'un état des lieux exhaustif qui met fin aux légendes urbaines ayant prospéré ces derniers temps. Ce constat partagé de la réalité budgétaire et sanitaire révèle cependant une relative méconnaissance de la situation, en raison de la difficulté à collecter les informations. Il nous renvoie donc au problème plus général de la faiblesse des systèmes informatiques de l'assurance maladie, faiblesse que la MECSS dénonce depuis 2004. Les conclusions que l'on pourra en tirer en matière de santé publique et de moyens seront d'autant plus malaisées.
Permettez-moi cependant de formuler à nouveau une suggestion que j'ai déjà exposée aux rapporteurs et à la commission des Affaires sociales.
L'aide médicale de l'État est en définitive une sorte de coopération sanitaire à front renversé puisqu'elle s'adresse à une population étrangère sur le territoire national. Au titre du parallélisme des formes, il ne serait donc pas absurde de rattacher son budget – dont il ne s'agit pas ici de contester le volume – au budget du ministère de la coopération, qui finance déjà, par exemple, les études des étrangers en France.
Sur le fond, ce transfert nous permettrait d'avoir enfin une vision globale de la prise en charge sanitaire de citoyens étrangers, qu'ils soient sur le territoire national ou au-delà des frontières. À Saint-Laurent-du-Maroni, par exemple, ville de Guyane située à la frontière avec le Suriname, la moitié des femmes qui accouchent sont surinamaises. Se crée ainsi une sorte d'aspirateur sanitaire et social qui contribue à l'accroissement des budgets. Pourquoi ne pas affecter une partie de ces crédits à la construction de structures de santé dans les pays de départ de l'immigration ? Le ratio coûtefficacité serait bien supérieur et cette logique sanitaire internationale nous permettrait tout à la fois de relancer l'influence française dans le monde et de nous retrouver autour des fondamentaux de la République. De surcroît, les pays bénéficiant de cet effort privilégieront en retour nos intérêts économiques.
Bref, il s'agirait d'instaurer un cercle vertueux où les recettes alimenteront des dépenses réalisées au nom de la solidarité et des valeurs de la République.
Pour en revenir à vos observations concernant les éventuelles divergences entre rapporteurs, monsieur le président, je dois avouer que je vis plutôt bien une situation semblable au sein de la MECSS, où il arrive que les deux co-présidents, Pierre Morange et moi-même, soient en désaccord sur certains sujets. L'important est de bien identifier l'objet des désaccords moyennant un diagnostic partagé quant à la réalité des situations. Les divergences au sujet des préconisations sont inhérentes au débat politique. Au moins ce débat s'appuiera-t-il sur des bases saines !
Le travail des co-rapporteurs servira donc le débat parlementaire car il dissipe certaines divergences d'appréciation a priori. À cet égard, je doute que les conclusions communes correspondent aux attentes de ceux qui ont réclamé cette étude !
La démarche du CEC aura également une utilité pour le Gouvernement. En effet, si le débat budgétaire de l'automne s'est déroulé sur des bases contestables, c'est parce que celui-ci avait gardé par-devers lui un rapport de l'IGASS et de l'IGF daté de novembre, sans doute disponible dès octobre et, comme par hasard, livré à la presse le 30 décembre ! Or ce rapport ne recommande pas, arguments à l'appui, la mise en oeuvre d'un droit d'entrée dans l'AME. Je suggère qu'il soit porté en annexe du rapport du CEC.
Par ailleurs, nos rapporteurs estiment le montant de la fraude à 0,3 % des dépenses, soit un taux légèrement inférieur à celui du régime général d'assurance maladie s'il s'agit de la fraude constatée, et une proportion infime s'il s'agit de la fraude estimée.
J'ai été très choqué que l'on inscrive dans la loi le montant du droit de timbre. Cela signifie que toute augmentation ou diminution impliquera une modification législative !
L'importance des dépenses d'AME dans le secteur hospitalier nous renvoie à une problématique que nous connaissons bien : le mode actuel de tarification incite les hôpitaux à prendre l'argent là où ils le peuvent. Il était opportun de le faire apparaître clairement.
Je considère moi aussi que ce rapport est excellent. C'est l'honneur de notre pays d'avoir institué l'aide médicale de l'État, et je me réjouis que l'on souhaite la préserver. Du reste, même les recommandations spécifiques de chacun des deux rapporteurs ne me semblent pas présenter de si grandes différences.
La visite de prévention me paraît fondamentale. Pour avoir rédigé différents rapports relatifs aux risques épidémiques, je pense qu'elle devrait permettre la détection de trois pathologies majeures : la tuberculose, le sida et la malnutrition.
Il serait également logique d'établir une procédure d'entente préalable, à l'instar de ce qui se pratique pour les autres patients.
Je crois qu'il faut maintenir le droit d'entrée – que j'ai d'ailleurs voté – afin de préserver une équité entre tous les patients, qu'ils relèvent de l'AME ou qu'ils relèvent du régime général. La deuxième catégorie est soumise à une franchise annuelle de 50 euros ; pourquoi la première n'acquitterait-elle pas, elle aussi, une contribution symbolique ?
Le directeur général de la CNAMTS, M. Frédéric Van Roekeghem, fait état de dérives et considère qu'il faut transférer le budget de l'AME à l'assurance maladie. Cela me semble logique.
Vous rejoignez donc les préconisations de la commission Raoul Briet, à laquelle j'ai participé. Il est important de préciser sur quel budget s'imputent les dépenses hospitalières.
Il faudrait par ailleurs abandonner le mot « dispensaire », qui appartient au vocabulaire d'avant-guerre. Les mutuelles et les caisses d'assurance maladie ont des « centres médicaux » : pourquoi ne pas retenir ce terme ?
S'agissant enfin des médecins libéraux, il faut rappeler que les médecins doivent recevoir tous les patients. Si certains refusent la consultation aux bénéficiaires de l'AME ou de la CMU – ce qui est loin d'être le cas général –, il appartient au Conseil de l'Ordre d'appliquer le code de déontologie.
Il ne faut pas faire un drame des divergences : elles relèvent du débat politique, donc de notre compétence au premier chef. Cela étant, le diagnostic partagé par la majorité et l'opposition et les préconisations communes sont des points essentiels. C'est ce qui fait la force de nos rapports et ce qui détermine nos exigences envers le Gouvernement en matière de suivi.
Je vous propose, mes chers collègues, d'autoriser la publication de ce rapport. Je ne crois pas, monsieur Mallot, qu'il faille y annexer le rapport commandé par le Gouvernement à l'IGASS : ce document est public et, du reste, nos rapporteurs y font référence.
Conformément aux dispositions de l'article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport d'information.
Le rapport sera distribué et publié sur le site internet. Il sera transmis au Gouvernement.
-Évaluation des incidences de la stratégie de Lisbonne sur l'économie française : nomination de rapporteurs
L'ordre du jour appelle maintenant la désignation de deux rapporteurs sur l'évaluation de l'incidence sur l'économie française de la stratégie de Lisbonne.
C'est à la demande du groupe GDR, dans le cadre de son « droit de tirage », que le Comité a inscrit ce sujet à son programme.
Les commissions des affaires européennes, des affaires culturelles, des affaires économiques, du développement durable et la commission des finances ont désigné à ce jour des membres pour participer aux travaux. Leurs noms figurent dans le tableau qui vous a été distribué (cf. annexe).
En ce qui concerne nos rapporteurs, sont proposés : pour la majorité, M. Philippe Cochet, du groupe UMP ; pour l'opposition, M. Marc Dolez, du groupe GDR.
M. Philippe Cochet et M. Marc Dolez sont nommés rapporteurs sur l'évaluation de l'incidence sur l'économie française de la stratégie de Lisbonne.
- Questions diverses
Le Comité prend acte de la désignation, postérieurement à sa dernière réunion du 5 mai 2011, par les commissions permanentes concernées de leurs membres qui participeront aux travaux des rapporteurs du Comité.
Compte tenu du calendrier électoral de l'an prochain, le CEC devrait connaître une période de vacance avant le redémarrage de ses travaux après les élections.
Je propose donc de demander à la Cour des comptes de traiter deux sujets consensuels durant la période courant d'octobre 2011 à fin septembre 2012, dont les rapports seraient ainsi rapidement disponibles pour le Comité. Je vous ferai des propositions lors de notre réunion du 30 juin prochain.
Je crois que c'est de bonne méthode. Toutes les organisations internes de l'Assemblée nationale sont confrontées à la difficulté du passage d'une législature à l'autre. Si nous ne préparons rien, il s'ensuit un départ arrêté qui rend la première année peu productive. Si nous anticipons un programme, nous prenons en revanche un risque par rapport à ce que nos successeurs décideront de faire. La deuxième solution nous paraît néanmoins la meilleure et nos groupes pourraient proposer un ou deux sujets sur lesquels il serait permis à nos successeurs, quels qu'ils soient, de travailler sans délai.
Des sujets consensuels, si possible.
Par ailleurs, pour donner aux travaux de suivi de nos rapports toute la place qu'ils méritent, la première séance de la rentrée 2011, au début du mois d'octobre, pourrait être consacrée à la présentation des rapports de suivi sur les trois premiers rapports d'évaluation publiés par le CEC (principe de précaution, politique en faveur des quartiers défavorisés, autorités administratives indépendantes).
Une de mes priorités est de ne pas laisser le Gouvernement oublier nos recommandations. L'Assemblée nationale publie annuellement de l'ordre de 150 rapports d'information de grande qualité, et il est regrettable que l'exécutif ne prenne en compte qu'une partie limitée des recommandations qui y sont formulées.
Notre prochaine réunion est prévue le 30 juin prochain.
La séance est levée à douze heures quinze.