Nous accueillons maintenant l'ingénieur général de l'armement Philippe Genoux, chef de la mission « Partenariats public privés » (PPP) du ministère de la Défense. La mission que vous dirigez, monsieur l'ingénieur général, a été citée à plusieurs reprises lors d'auditions précédentes et nous sommes donc heureux que vous puissiez nous apporter aujourd'hui votre éclairage sur les externalisations.
La mission PPP a essentiellement pour vocation d'accompagner les équipes en charge des projets de partenariats public-privé ou d'externalisations menés au sein du ministère de la Défense. Elle réalise les études préparatoires et les évaluations préalables qui permettent, avant même consultation des entreprises, de comparer en termes économiques l'externalisation d'une prestation ou la conclusion d'un partenariat public-privé d'une part et d'autre part la formule de la régie. Elle a vocation à accompagner également les équipes en charge des projets lors de la passation des contrats, opération complexe sur les plans juridique et financier. Elle s'attache enfin à développer, en toute transparence vis-à-vis des équipes, des outils méthodologiques, de façon que les comparaisons puissent s'effectuer sur des bases aussi complètes et objectives que possible. Elle n'a pas encore travaillé sur les retours d'expérience, si ce n'est de façon très parcellaire, mais il nous faudra développer ces analyses, en prenant toutefois garde au risque d'être en même temps juge et partie.
Jusqu'à la création de la mission PPP en mars 2009, chaque département du ministère de la Défense menait ses études préparatoires à sa façon, sans coordination ni méthodologie commune, à l'exception, dans le cadre des partenariats public-privé, du recours aux outils préconisés par la mission d'appui PPP (MAPPP), rattachée au ministère chargé de l'Économie. En créant la mission PPP, le ministère de la Défense a souhaité capitaliser les premières expériences acquises en matière d'externalisations et de partenariats public-privé, à regrouper au sein d'une même entité l'expertise, jusqu'alors éparse, et à canaliser le recours à assistance à maîtrise d'ouvrage par les équipes en charge des projets, obstacle potentiel à cette capitalisation en l'absence de lien avec la MPPP.
Le temps d'effectuer les recrutements nécessaires, notre activité n'a réellement débuté que fin 2009. Nos équipes se composent de chargés d'affaires qui accompagnent les équipes en charge des projets, d'analystes économiques qui réalisent les évaluations préalables et procèdent aux recalages éventuellement nécessaires lors de la passation des contrats, enfin de juristes qui aident les équipes lors de la contractualisation.
Nous sommes déjà intervenus pour plusieurs opérations : RHL-1 (restauration, hébergement, loisirs), habillement – pour laquelle la procédure de passation de contrat a démarré – et Creil multi-services. Nous n'avions pu être associés à l'opération protection des bases aériennes, lorsqu'elle a été lancée, mais travaillons sur le retour d'expérience. Nous intervenons également sur d'autres projets en cours.
La mission que vous dirigez suit-elle toutes les externalisations ou seulement celles qui font l'objet d'un partenariat public-privé ?
Il faut en effet distinguer entre externalisation et partenariat public-privé. Une externalisation – à ne pas confondre elle-même avec une sous-traitance – consiste à confier à un partenaire privé la responsabilité globale d'une fonction concourant à l'exercice de nos missions et jusque-là exercée en régie, sans que cela requière de sa part d'investissements significatifs, contrairement à un partenariat public-privé, où un investissement préalable important est nécessaire, le partenaire qui le préfinance étant ensuite remboursé au travers de la rémunération prévue dans le contrat de partenariat.
La mission PPP intervient pour les deux types d'opération. Pour rappel, il y a eu deux vagues d'externalisations : certaines ont été lancées après la suspension de la conscription, d'autres dans le sillage de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Les premières ont été décidées essentiellement au niveau local, peu suivies à l'échelon central et n'ont pas fait l'objet d'une mise en perspective globale, contrairement aux secondes. C'est à ces dernières que nous avons été associés. En revanche, nous traitons la plupart des partenariats public-privé, à une exception près – celle du projet Balard, particulier de par son ampleur et son calendrier.
Très marginalement.
Les évaluations préalables à une externalisation doivent permettre de s'assurer que le service sera globalement rendu par le prestataire auquel il a été délégué dans des conditions économiques intéressantes pour le ministère de la Défense. Comment sont consolidées toutes les données de l'équation avant d'engager l'opération ?
Il ne vous a pas échappé que nous ne disposions pas d'une comptabilité analytique permettant de connaître très précisément les coûts d'une gestion en régie. Cela étant, nous pouvons distinguer, en premier lieu, les coûts de personnel qui, dans le cas d'une externalisation, représentent la principale source de l'économie escomptée. Comprenant salaire, cotisations de pension, primes et autres éléments de rémunération, ils sont connus avec précision, la direction financière et la direction des ressources humaines étant à même de fournir des données complètes. Viennent ensuite les coûts récurrents. Jusqu'à présent, pour les opérations sur lesquelles nous avons travaillé, nous avons constaté que les sites locaux possédaient des embryons de comptabilité permettant de reconstituer ces coûts de manière assez fidèle et complète ; les informations ne sont certes pas consolidées au niveau central mais elles sont disponibles au niveau local. Il y a enfin les coûts de soutien général – immobilier, personnels de l'administration générale, centrale ou locale… Ce sont ceux qui sont les plus difficiles à évaluer précisément. Ils sont toutefois assez peu élastiques aux externalisations. Quasi invariants, que les prestations soient assurées en régie ou externalisées, ils peuvent donc être neutralisés dans les comparaisons.
Nous prêtons également attention à l'impact des opérations sur les coûts de pensions à terme, jusqu'à présent négligé alors qu'il est très important, vu l'équilibre exigé du compte d'affectation spéciale Pensions, de prendre en compte l'incidence des suppressions de postes de militaires ou de fonctionnaires. Nous sommes également attentifs aux conséquences des opérations, qui peuvent différer selon qu'on se place du point de vue de l'État ou du ministère de la Défense. Ainsi lorsqu'une prestation est externalisée, le prestataire la facture avec la TVA, ce qui constitue une recette pour l'État mais une dépense nouvelle pour le ministère de la Défense. De même, certaines prestations externalisées n'en doivent pas moins être réalisées dans nos murs, ce qui oblige le ministère à mettre à disposition des prestataires diverses installations avec autorisation d'occupation temporaire (AOT) le temps du contrat. Cette AOT génère une redevance qui est neutre pour l'État mais non pour le ministère. Il peut donc arriver que des opérations soient économiquement avantageuses pour l'État mais non pour le ministère de la Défense.
Dans la plupart des cas – ainsi en ce qui concerne la flotte de véhicules –, les externalisations aboutissent à un transfert d'une part significative des personnels, conformément à l'ancien article L. 122-12 du code du travail. Depuis que les textes réglementaires nécessaires ont été pris en 2009-2010, le ministère de la Défense peut mettre des personnels à disposition. Il paie alors la différence entre le salaire versé par l'opérateur privé et celui que lui-même versait auparavant aux salariés transférés. D'autre part, il est très pénalisant pour lui d'avoir à s'acquitter de la TVA – même si c'est au final neutre pour l'État. Enfin, vous l'avez dit vous-même, certains coûts de structure ne sont pas élastiques à la baisse. À cela s'ajoute une difficulté de consolidation, tenant à ce que le ministère ne disposait pas jusqu'à présent de comptabilité analytique. Comment dans ces conditions parvenir à de réelles économies ? La rigidité à la baisse des dépenses est telle que la seule justification que je vois à tout cela est de continuer, d'une part, à diminuer les effectifs hors objectifs de la RGPP, d'autre part à rationaliser les dépenses du ministère de la Défense dans l'intérêt de l'État, qui n'est pas nécessairement celui du ministère. Bref, les externalisations ne sont-elles pas le moyen de poursuivre, sans le dire, la RGPP ?
Je suis embarrassé pour vous répondre, ne disposant pas, dans la position qui est la mienne, de tous les éléments nécessaires. Je peux néanmoins dire qu'antérieurement, les responsables de projet ne se préoccupaient pas, dans les travaux préparatoires, du devenir des personnels concernés par les externalisations. Ils ne prenaient en compte que les suppressions de postes sans se soucier du fait que certains personnels pouvaient éventuellement être réaffectés en surnombre. C'est un point auquel nous accordons, pour notre part, la plus grande importance. En effet, l'intérêt économique des opérations passe largement par la capacité du ministère à trouver des postes effectivement vacants. Le risque est, sinon, de régler la prestation au partenaire privé tout en continuant de payer des personnes employées quelque part en doublon, ce qui réduit à néant les économies en apparence réalisées.
L'une des difficultés dans les évaluations préalables est qu'on avance dans un premier temps à l'aveugle. Nous poussons désormais les chefs de projet et les services des ressources humaines à repérer le plus en amont possible les postes éventuellement libres. Par le biais d'analyses de sensibilité consistant à balayer le champ des possibles, on s'aperçoit qu'il est des situations où l'externalisation ne permet d'économies ni pour le ministère de la Défense ni pour l'État, d'autres où elle en permet pour les deux, et d'autres encore pour l'État seulement. Cette approche permet de sensibiliser très tôt les équipes en charge des projets.
Un ultime verrou a été mis en place : une fois triées les offres et sélectionnée la mieux-disante, on compare de nouveau les coûts entre régie et externalisation, non plus cette fois sur la base d'estimations des prix du privé mais d'engagements contractuels précis. Entre-temps, les personnels ont également pu être interrogés sur leurs intentions, ce qui permet de mieux savoir où l'on va. C'est ce qui a été fait pour les opérations RHL-1 et Creil multi-services, où les économies seront effectivement au rendez-vous – pour autant qu'aucun avenant ne vienne dénaturer les marchés initiaux. Nous avons en revanche recommandé d'abandonner le projet de partenariat public-privé pour la mise à disposition d'une flotte de porteurs polyvalents terrestres, qui n'aurait pas permis d'économies. Et notre recommandation a été suivie.
Cette opération a été lancée en 2007, alors que la mission PPP n'existait pas encore. Sur le marché stricto sensu, l'économie est nette. La principale question demeurait celle du devenir des personnels concernés : une étude a pu confirmer qu'ils n'avaient pas été réaffectés en doublon. La difficulté des « plans de manoeuvre » des ressources humaines est encore accrue du fait que les effectifs diminuant, les postes disponibles sont de plus en plus rares. Ces plans sont pourtant indispensables afin que les opérations présentent bien au final l'intérêt économique escompté lors de l'évaluation préalable.
Sur un effectif de cent personnes concernées par une externalisation, combien en moyenne doivent être réaffectées et combien sont transférées à l'opérateur privé ?
Cela dépend des opérations. La rationalisation et la mutualisation des moyens diffèrent d'un secteur à l'autre. Dès les évaluations préalables, on connaît grâce au parangonnage (benchmarking) les éléments de coût du secteur privé, ce qui permet de comparer régie et externalisation. Lors des consultations, on demande aussi aux candidats de préciser leur organisation en matière de ressources humaines, avec les effectifs par métier et par niveau hiérarchique. Cela permet d'une part d'effectuer une comparaison avec la nôtre – nous nous attachons à comprendre comment les effectifs nécessaires peuvent être moindres chez les opérateurs privés –, d'autre part de faire des propositions de postes à nos propres personnels, de façon qu'ils puissent en toute connaissance de cause se porter ou non volontaires pour une mise à la disposition (MALD).
Pour l'opération RHL-1, quand il fallait cent personnes en régie, il n'en faut plus que soixante à soixante-dix chez le prestataire privé. L'organisation du travail y est différente, notamment pour la restauration. Pour l'opération « protection des bases aériennes » en revanche, compte tenu du cahier des charges, la rationalisation et la mutualisation sont beaucoup plus limitées et il ne faut pas escompter un tel gain. Les travaux en cours permettent d'estimer la réalité des économies.
D'éventuels avenants peuvent déséquilibrer l'économie initiale d'un contrat et du coup remettre en question les économies escomptées au stade de l'évaluation préalable. Le suivi de l'exécution des contrats au jour le jour est également d'une extrême importance, notamment lorsque les performances peuvent influer sur la rémunération. Quel rôle votre mission joue-t-elle à cet égard ?
Je vous remercie de cette question. Ce sujet est en effet d'importance. C'est ce qui me pousse à souhaiter que nous soyons associés aux retours d'expérience. Si nous n'avons pas d'informations sur l'exécution des contrats, nous ne pouvons pas procéder de manière pertinente aux recalages éventuellement nécessaires. L'évaluation recalée constitue un verrou solide dans la mesure où elle est fondée sur des informations qui engagent le contractant. Quant aux avenants, certains se justifient pleinement, notamment si l'activité ou les besoins ont évolué, et ne remettent pas nécessairement en question l'avantage économique. D'autres en revanche peuvent être moins vertueux. C'est pourquoi il me semblerait souhaitable que la mission PPP soit parfaitement informée afin que, pour chaque opération, on puisse s'assurer que les économies attendues sont bien au rendez-vous, mais aussi que les remontées d'information nous permettent d'actualiser nos modèles.
Les procédures de suivi devraient en effet prévoir une information systématique de la mission PPP en cas d'avenant.
Comment votre action s'articule-t-elle avec celles du commissariat des armées et de l'Économat des armées – lequel est un établissement public industriel et commercial ?
C'est l'état-major des armées (EMA) qui pilote la plupart des projets d'externalisation. Le service du commissariat des armées (SCA) et l'Économat des armées (EDA) hébergent les équipes en charge des projets et mènent les projets dans les phases de contractualisation. Pour notre part, nous accompagnons les équipes. Il est établi sans conteste que nous effectuons les évaluations préalables et procédons aux recalages. Les choses sont moins simples pour la passation des contrats, le rôle de la mission PPP ayant été moins clairement défini sur ce point dans son arrêté de création. Notre intervention est plus difficile à faire admettre mais nous nous attachons à la promouvoir. Reste, je l'ai dit, à prévoir un retour d'information pendant l'exécution des contrats.
Monsieur l'ingénieur général, nous vous remercions. Nous serons attentifs aux différents points que vous avez soulevés.
Je suis heureux d'accueillir M. Philippe Jost, directeur des Plans, des programmes et du budget à la direction générale de l'Armement (DGA). La Mission vous a auditionné il y a environ un an, monsieur le directeur, sur les recettes budgétaires exceptionnelles de la Défense. Nous souhaitons aujourd'hui vous entendre spécifiquement sur les questions d'externalisation qui intéressent directement la DGA, à savoir sur les programmes Nectar de cession d'usufruit de satellites de télécommunications et des ravitailleurs en vol dits MRTT (Multi Role Tanker Transport).
Nous avions en effet déjà évoqué ensemble le programme Nectar l'an dernier. Depuis, nous avons franchi une étape importante et attendue puisque la procédure a été lancée avec l'émission du cahier des charges de la consultation, en novembre dernier. Ce fut l'aboutissement d'un long processus au cours duquel ont été réunies l'ensemble des conditions législatives et juridiques nécessaires cependant que le ministère du Budget procédait à une instruction approfondie, au terme de laquelle il rendait son avis, à l'été 2010. Ce calendrier devrait permettre de notifier l'opération à la fin de 2011, dès lors qu'elle serait jugée économiquement satisfaisante pour l'État.
Oui. En accord avec l'ensemble des parties prenantes, y compris le ministère du Budget, nous sommes convenus que cette opération n'a vocation à être réalisée que si son intérêt économique pour l'État est établi. Le cahier des charges prévoit donc expressément que le solde net des entrées et des sorties financières, en valeur actualisée, doit être plus avantageux pour l'État que le maintien du statu quo. Il précise même les modalités selon lesquelles cet intérêt économique sera évalué.
Cela étant, je dois préciser que les industriels ont demandé à différer la formulation de leurs offres. Un délai supplémentaire d'un mois leur a été accordé, de sorte que ces offres n'ont été remises qu'en mars – le mois dernier. Elles sont en cours de dépouillement. Conformément aux pratiques habituelles de la DGA dans le cadre des consultations concurrentielles, une équipe ad hoc se consacre à ce travail, en liaison notamment avec des experts de la direction interarmées des Réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information (DIRISI) auxquels seront associés incessamment des membres de la direction des Affaires financières (DAF) du ministère de la Défense. En raison de ce cloisonnement, je puis seulement vous donner des indications sur le calendrier actualisé des opérations, ainsi, bien sûr, que sur tout ce qui a été fait précédemment.
Lorsque nous vous avons entendu, l'an passé, nous nous étions demandés si la DGA était responsable du retard de l'émission du cahier des charges ou si ce délai s'expliquait par des contraintes juridiques. Le temps qui s'est écoulé depuis vous a-t-il permis de lever toutes les incertitudes à ce dernier égard ?
D'autre part, quelles sont les incidences financières de ce décalage d'un an, dans la mesure où il réduit la durée de vie résiduelle des satellites sur laquelle les industriels pourront tabler ?
Le calcul de la valeur actualisée nette des entrées et des sorties financières portera-t-il seulement sur la cession de l'usufruit et sur la redevance due pour la location des fréquences et des canaux, ou inclura-t-il également le volet « services » ? En d'autres termes, envisagez-vous d'abandonner éventuellement ce dernier élément ?
Nous avons exploré tous les tenants et aboutissants juridiques de cette opération relativement innovante. Ce processus, assez long comme je l'ai dit, s'est achevé au début de l'été de 2010, les mois de juillet à septembre étant ensuite consacrés aux discussions avec le ministère du Budget sur le contenu du cahier des charges – elles ont porté en particulier sur le partage des risques entre le titulaire éventuel de l'opération et l'État, ainsi que sur le périmètre de ladite opération et, donc, sur la prise en compte ou non des services.
Dans ce cadre, nous avons également évoqué d'autres problèmes importants, comme celui d'une possible exonération de la TVA versée au titre du contrat de services qui nous lierait à l'opérateur. Si, en la matière, une disposition de type législatif ou réglementaire paraît difficilement envisageable, il semble possible en revanche de préserver les intérêts du ministère de la Défense grâce à une compensation annuelle, inscrite en construction budgétaire.
Les satellites sont techniquement en très bon état et nous avons de bonnes raisons de penser qu'ils pourront fonctionner jusqu'en 2018 ou 2019, voire un peu au-delà. En revanche, nous ne sommes pas capables de mesurer l'incidence financière, pour l'État, d'un retard de quelques mois. Certes, la valeur de cession de l'usufruit est a priori dépendante de la durée de vie résiduelle des satellites, la réduction de celle-ci pouvant amoindrir le profit que l'opérateur tirera de la revente à des tiers d'un pourcentage de la capacité d'émission, mais cette réduction entraînera aussi une diminution du loyer que nous aurons à payer… En l'état cependant, nous sommes incapables de préciser comment se fera la balance. Peut-être au cours du dialogue compétitif, après le deuxième ou le troisième « tour de piste », quand nous aurons évalué plus finement les réponses des industriels, pourrons-nous calculer la fonction mesurant la corrélation entre durée de vie résiduelle des satellites et intérêt économique de l'État ou perception d'une recette extrabudgétaire.
Le calcul de la valeur actualisée nette intègre complètement le volet « services ». En mettant au point le cahier des charges, nous avons considéré que l'externalisation des services – de l'exploitation et de la mise en oeuvre des capacités de transmission restant utilisées par l'État – conforterait l'équilibre économique d'une opération qui, de la sorte, comporterait une part plus réduite de lease-back, ou cession-bail. Ce calcul prend donc en compte les redevances qui seront payées à l'opérateur, ainsi que les économies que nous réaliserons en supprimant environ soixante-dix emplois à la DIRISI.
Les industriels que nous venons d'auditionner se disent prêts à récupérer ces compétences en mettant à profit les dispositions réglementaires et législatives récentes qui autorisent le ministère de la Défense à les mettre à leur disposition. Le ministère devrait alors payer la différence entre le salaire qu'il versait à ces employés et celui que les entreprises verseront : dans ces conditions, peut-on effectivement parler de soixante-dix suppressions d'emplois ?
Je reconnais que l'adoption d'une disposition législative exonérant l'opération de la TVA est difficilement praticable, d'autant qu'elle risque de rouvrir le débat sur l'opportunité d'externaliser la gestion de satellites de communications. Mais, sous tous les gouvernements, les compensations promises par Bercy au ministère de la Défense ont toujours eu un caractère aléatoire : on les attend comme on attend Godot ! Ne craignez-vous pas de compromettre l'équilibre de l'opération en vous en remettant à cette solution ?
Enfin, l'État est son propre assureur et cela vaut pour les satellites de communications qu'il possède. L'industriel choisi pour l'externalisation devra, lui, s'adresser à un tiers pour couvrir ses risques. Allez-vous compenser cette dépense et, si oui, dans quelle mesure cela ne va-t-il pas affecter aussi vos calculs ?
Nous n'avons pas voulu imposer dans le cahier des charges la reprise, par les industriels, des personnels de la DIRISI actuellement chargés de ces opérations. Outre qu'ils ont un statut militaire, ils disposent de compétences pointues dans le domaine des télécommunications que le ministère de la Défense saura réemployer. De surcroît, je ne suis pas certain que les industriels souhaitent qu'il en aille autrement, même si l'on ne peut exclure qu'ils en « démarchent » quelques-uns. Je ne crois pas donc pas qu'au moins dans le cas particulier de Nectar, on s'oriente vers une mise à disposition, par l'État, de tout ou partie de ces soixante-dix emplois.
Soit, mais qu'adviendra-t-il, en cas de « manoeuvre Ressources humaines » (RH) un peu complexe, si un de ces employés demande à bénéficier d'une mise à disposition ?
Je suppose que l'on examinera ce cas à la fois en fonction de l'intérêt de cette personne et en fonction de celui du ministère de la Défense. La mise à disposition avec versement d'un complément de salaire a du sens, me semble-t-il, lorsque la compétence ou l'activité de l'intéressé rendent difficile pour l'État de le réaffecter, mais il s'agit ici de compétences que nous pouvons réemployer. Je ne crois pas que les demandes soient très nombreuses et, dès lors, elles pourront être traitées comme le sont les flux de « départs inopinés » auxquels nous avons constamment à faire face dans le domaine des télécommunications : ces spécialistes n'ont aucun mal à trouver un emploi dans l'industrie sans passer par une mise à disposition.
Il n'empêche que, si le problème se posait, cela remettrait en cause votre prévision d'une économie de soixante-dix emplois.
Il me semble peu probable qu'un industriel sollicite le bénéfice des mises à disposition alors qu'il ne s'agirait que de cas particuliers et de départs spontanés, d'autant que rien dans le cahier des charges n'est de nature à appuyer une telle demande. Quoi qu'il en soit, nous pourrons revenir plus précisément sur ce point quand nous aurons fini d'exploiter les réponses.
S'agissant de la TVA, je ne vous cacherai pas qu'une exonération par voie législative me semblerait personnellement, dans l'absolu, préférable à une compensation. Il ne semble pas toutefois que tel soit le scénario retenu car la gestion législative de l'ensemble des partenariats public-privé (PPP) mettant en jeu l'État poserait sans doute des problèmes délicats. Nous ferons donc probablement avec une compensation en construction budgétaire. Par exemple, pour un loyer annuel de 40 à 60 millions d'euros hors taxes, la TVA serait comprise entre 10 et 15 millions d'euros. Or, nous savons fort bien que, dans le cadre de leurs négociations budgétaires, les ministères de la Défense et du Budget discutent de sommes largement supérieures. Si nous disons qu'in fine le ministère de la Défense bénéficiera d'un tel montant, c'est d'une façon un peu conventionnelle.
Le transfert de risques et, donc, la question des assurances ont fait l'objet d'une attention d'autant plus soutenue que la cession de l'usufruit aura lieu en cours de vie des satellites, à la différence de ce qui s'est passé en Grande-Bretagne. Nous n'avons donc pas considéré qu'il était raisonnable, hors erreur démontrable de l'entreprise, de transférer à celle-ci le risque de perte inopinée du satellite, en raison d'une panne ou d'une destruction. L'industriel devra donc s'assurer à raison des risques dont il serait responsable, l'État continuant quant à lui d'assumer ceux qu'il a pris lorsqu'il a décidé du lancement des constellations dans un cadre patrimonial.
Oui, nous escomptons toujours une recette extrabudgétaire de l'ordre de 400 millions d'euros et le cahier des charges le mentionne expressément. Les offres seront évaluées en fonction de cet élément – ainsi que de leur rentabilité économique pour l'État.
Vous faites état d'une dépense de TVA de l'ordre de 10 millions par an, mais le versement de la recette étant prévu en une fois, cette taxe devrait porter sur la totalité des 400 millions…
Cette recette extrabudgétaire n'est pas soumise à la TVA. Celle-ci s'appliquera au loyer, année par année, pendant toute la durée de l'opération.
Nous pourrions maintenant en venir au projet de renouvellement de la flotte des ravitailleurs en vol, dit MRTT, c'est-à-dire Multi-Role Tanker Transport, avion polyvalent de ravitaillement en vol et de transport.
Dans le cadre de l'élaboration du budget triennal 2011-2013, le ministère de la Défense a été amené à prendre des mesures d'ajustement physique de plusieurs opérations d'armement. Les paiements ayant été réduits d'environ deux milliards, le programme MRTT a, pour sa part, été décalé de deux ans, la première livraison étant maintenant prévue en 2017. Nous bénéficions donc d'un délai supplémentaire pour choisir entre l'acquisition patrimoniale ou le partenariat public-privé.
Dans ce contexte, j'évoquerai trois développements récents.
Tout d'abord, la situation économique générale : le renchérissement du loyer de l'argent et l'augmentation de l'aversion au risque ne vont pas dans un sens favorable au PPP, même si cette option reste, je le répète, à l'étude.
Ensuite, le choix américain. Dans l'option patrimoniale notamment, nous ne pouvons plus compter sur les retombées des acquisitions américaines. Celles-ci auraient pu assurer des conditions financières d'autant plus favorables qu'EADS avait envisagé de mettre en place une production directe de ces avions ravitailleurs. N'ayant pas enlevé le marché américain, l'industriel va se trouver contraint, avec une production limitée à quelques dizaines d'avions, de transformer des A330 standards.
Enfin, le retour d'expérience des Britanniques. Le temps passant, ceux-ci perçoivent des inconvénients liés à l'application des contrats FSTA (Future strategic tanker aircarft), d'acquisition de services. J'en citerai deux.
D'une part, afin de sécuriser économiquement cette opération, les Britanniques ont dû convenir d'un minimum d'heures ou de redevances à verser au consortium mais, en raison de leur situation financière actuelle, les voici maintenant contraints d'examiner des scénarios capacitaires inférieurs aux planchers prévus, alors même qu'ils sont liés pour vingt ou trente ans par les contrats de services. Nous avons, quant à nous, identifié depuis quelque temps le risque d'une telle formule, ainsi que la nécessité de ménager la flexibilité indispensable sur de telles durées – nous sommes habitués, dans le domaine de la défense, aux visions de long terme, mais aussi à leurs ajustements quand c'est nécessaire ! Ainsi, alors que nous avons des projets d'acquisition de services assez avancés en ce qui concerne les bâtiments de soutien hauturiers, nous prévoyons une marge de flexibilité sur le nombre d'heures de mer qui seront nécessaires à échéance de dix ou quinze ans… La situation est encore plus délicate à gérer en ce qui concerne les MRTT ou les FSTA. Les Britanniques sont donc à la recherche de clients afin que l'industriel puisse vendre les heures dont il dispose. Nous examinons leurs offres, encore faudrait-il que leurs prix soient satisfaisants.
D'autre part, à l'issue des opérations que nous menons, les retours d'expérience conduisent en permanence à procéder à des modifications mineures de nos équipements – ainsi sur le Rafale ou le Félin. Si nous connaissons moins de ces « urgences opérations » que les Britanniques, qui y ont consacré jusqu'à environ 800 millions d'euros en un an, leur montant atteint tout de même 100 à 200 millions d'euros annuels. Même si nous devons nous réjouir que cette dépense ne soit pas si élevée que celle de nos voisins, il reste qu'il faut se réserver la possibilité d'effectuer ces aménagements. Or, alors que les Britanniques commencent à considérer qu'une évolution du FSTA serait nécessaire, ils se heurtent à la complexité des contrats de PPP, dont la révision s'apparenterait à l'ouverture de la boîte de Pandore ! Dans un cadre patrimonial, ils seraient sans doute mieux à même de s'adapter à leurs nouveaux besoins…
Cette expérience britannique, ajoutée à l'absence de revenu tiers avéré et à un contexte économique peu favorable aux PPP, contribue à assombrir le tableau. Cela étant, aucune décision n'est prise à ce jour. L'instruction se poursuit en vue de rassembler d'ici à 2012 l'ensemble des éléments techniques et économiques permettant de trancher la question.
Dans vos analyses du calendrier et du montage souhaitables pour satisfaire ce besoin capacitaire, prenez-vous en compte le coût du maintien en condition opérationnelle de nos vieux ravitailleurs, à bout de souffle ?
Quand nous avons décalé de deux ans la réalisation du programme MRTT, nous avons pris un certain nombre de mesures pour accroître la durée de vie des KC-135, les ravitailleurs actuels. Sur la durée considérée, elles sont moins coûteuses que le programme MRTT, mais elles ne peuvent évidemment pas être prolongées à l'infini.
La comparaison des options patrimoniale et PPP porte bien sur le coût global de la possession de la capacité : nous ne nous limitons pas au cadre du programme n° 146 Équipement des forces, pour reprendre la nomenclature budgétaire du budget du ministère, mais nous incluons dans le calcul le coût des personnels chargés de la maintenance et de l'utilisation de ces vieux appareils, ainsi que celui de leur maintien en condition opérationnelle.