COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Jeudi 4 novembre 2010
La séance est ouverte à neuf heures cinq.
(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l'audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), accompagné de M. Pierre Fender, directeur du contrôle, du contentieux et de la répression des fraudes à la CNAMTS, et de Mme Sophie Thuot-Tavernier, chargée de la veille législative à la CNAMTS.
Je remercie la MECSS de nous avoir invités sur ce sujet important et sensible. J'ai cru comprendre que la mission attachait beaucoup d'attention à l'application des recommandations de la Cour des comptes, et c'est sur ce point que je voudrais commencer.
La Cour des comptes est naturellement dans son rôle lorsqu'elle met en évidence les possibilités d'améliorer le système. Néanmoins, en tant qu'opérateur de la lutte contre la fraude, je voudrais montrer notre volonté d'avancer dans ce domaine, mais aussi les obstacles rencontrés, ainsi que les réactions que soulèvent nos actions et qui peuvent conduire à des demandes de modification des textes en vigueur – en effet, un certain nombre d'acteurs ressentent très mal les actions de lutte contre la fraude, les abus et les gaspillages. Il faut noter à ce propos que la question se pose de façon quelque peu différente pour l'assurance maladie que pour les autres branches prestataires, qui appliquent les textes réglementaires pour attribuer des prestations en espèces : l'assurance maladie délivre en effet surtout des prestations en nature, à l'exception des arrêts de travail par exemple, et les acteurs concernés ne sont pas seulement les assurés mais aussi les professionnels et les établissements de santé.
Ainsi, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a émis douze propositions, dont l'une sur la suppression du « délit statistique » ; la Cour des comptes ayant mis en lumière le doublement du montant des pénalités financières appliquées aux professionnels de santé entre 2007 et 2008, le syndicat l'interprète comme la preuve d'une action déterminée à l'encontre de l'exercice libéral. L'Union des généralistes de Picardie, elle, a dénoncé avec virulence dans le Courrier picard la garde à vue d'un médecin saint-quentinois. Quant au syndicat Espace Généraliste, il a annoncé il y a quelques années vouloir déposer plainte pour harcèlement contre les caisses d'assurance maladie. Enfin, plus récemment, le docteur Didier Poupardin, assigné en justice par une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et dont les feuilles de soins remises à certains malades font l'objet d'une expertise, a dénoncé dans tous les médias la volonté de ladite caisse de faire respecter les textes en vigueur – concernant en l'occurrence les ordonnances dites « bizones ». Et je n'évoque même pas la question du respect de l'intégration dans les tarifs de produits de santé hospitaliers, comme le Venofer, qui a suscité une réaction assez forte de l'Association des insuffisants rénaux.
La question de la fraude ou de l'abus emporte donc des réactions importantes, même si les textes sont clairs. En matière de contrôle des établissements de santé publics par exemple, on peut se demander si une facturation réitérée de soins externes à des tarifs internalisés, qui ne respecterait pas la circulaire sur les « actes frontières » publiée pourtant il y a plusieurs années, serait ou non considérée comme de la fraude. Mais je constate que des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – article 66 (nouveau) – tendent déjà à limiter le contrôle de l'assurance maladie, en le restreignant aux manquements « délibérés ».
Bref, si la Cour des comptes est dans son rôle en disant qu'il faut aller encore plus loin, il ne faut pas ignorer que les actions de l'assurance maladie dans ce domaine ont des implications importantes. Concrètement, mon souci, après que le Gouvernement eut décidé d'accroître la lutte contre la fraude, les abus et les fautes – et l'assurance maladie a été largement pionnière dans ce domaine –, c'est que les réactions, qui sont d'ailleurs normales en raison de l'augmentation de la pression, ne se traduisent pas justement par une diminution de notre capacité de lutte – je pense particulièrement à l'obligation d'appliquer les décisions de la commission des pénalités.
On peut aussi s'étonner de ce que la Cour des comptes n'évoque aucunement le contrôle des établissements de santé. De même, elle laisse entendre que l'assurance maladie serait moins offensive contre les offreurs de soins que contre les assurés. Or il y a eu, en 2009, 426 saisines ordinales et 305 interdictions de donner des soins aux assurés sociaux. Surtout, l'assurance maladie a déposé 185 plaintes pénales concernant des professionnels de santé, contre 911 concernant des assurés. La cour a-t-elle calculé le ratio avant d'asséner sa vérité ? Nous ne sommes pas du tout laxistes avec les professionnels de santé – comme le prouvent justement leurs réactions, si les ratios ne suffisaient pas.
Encore une fois, je ne nie pas l'existence de marges d'amélioration mais cette politique de contrôle, qui représente un changement important, suscite des réactions dont nous sommes obligés de tenir compte.
Je sais combien le sujet est sensible mais ces actions, qui visent à contrôler la bonne utilisation de l'argent public, sont légitimes. La MECSS s'est exprimée suffisamment clairement sur ce sujet, notamment sur la nécessité de contrôler les établissements de santé, pour que vous soyez assuré de sa volonté en la matière. Pouvez-vous dresser un bilan des actions que l'assurance maladie a diligentées ?
Nous publions un bilan sur ce sujet chaque année – encore faut-il bien savoir ce qu'il mesure. Depuis 2006, nous distinguons fraude, abus et faute. Cette année-là, nous avons tenté de donner une première définition de la qualification juridique de fraude, qui reprenait celle de l'Office européen de lutte anti-fraude : la fraude était définie comme un acte intentionnel de la part d'un ou plusieurs individus visant à obtenir un avantage injustifié ou illégal, lequel créait un préjudice réel, direct et certain pour l'assurance maladie. Depuis un décret du 20 août 2009, sont qualifiés de fraude les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée, au préjudice d'un organisme d'assurance maladie.
Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, la volonté n'est pas vraiment délibérée, ou alors il est difficile de la prouver. Il peut également s'agir d'un manquement aux textes, comme dans le cas des ordonnances « bizones » que j'ai déjà évoqué – un exemple intéressant dans la mesure où pour établir le manquement aux textes, le tribunal doit recourir à une expertise médicale.
Lorsqu'il s'agit de fraude donc, au sens d'action délibérée ayant des conséquences financières, nous engageons généralement une action pénale, éventuellement assortie d'une action civile, mais nous nous attachons aussi aux fautes et aux abus. Par exemple, le fait de ne pas appliquer les référentiels médicaux peut être considéré comme une faute, d'un point de vue médical, ou comme un abus.
Cette précision faite, j'en viens au bilan. Nos actions ont un impact de l'ordre de 150 millions par an, montant qui ne comprend que l'effet direct des contrôles. Par exemple, en matière d'arrêts de travail, le bilan ne tient compte que de la conséquence estimée de la mise sous accord préalable des prescripteurs excessifs.
Nous vous ferons parvenir les rapports qui mesurent les fraudes détectées et stoppées ainsi que le préjudice évité et les sommes récupérées. Chaque évaluation donne lieu à un dossier approfondi.
Dans ce bilan, le contrôle de la tarification à l'activité représente des sommes qui varient entre 30 et 50 millions d'euros. En règle générale, nous ne considérons pas que les problèmes détectés constituent une fraude, sauf lorsque des éléments nous conduisent à aller au pénal – c'est le cas pour quelques établissements. Dans la plus grande partie des cas, il n'y a pas d'enrichissement personnel des personnes qui ont procédé à la codification et nous considérons qu'il s'agit d'une faute d'application des textes. C'est pour cela qu'il faut être très prudent à propos de ce bilan et faire toutes les distinctions qui s'imposent.
Toutefois, notre évaluation n'est pas seulement financière. Nous mesurons aussi les décisions prises par la justice ou les conseils de l'ordre dans les contentieux que nous avons initiés. Depuis 2006, nous dénombrons les plaintes pénales, les signalements au parquet et les notifications d'indus, ainsi, le cas échéant, que les transactions ou pénalités financières – car il nous arrive de passer des transactions pour rentrer dans nos fonds, lorsqu'il n'y a pas d'intention délibérée. Nous comptons aussi le nombre de décisions de justice donnant lieu à condamnation. Nous constatons ainsi que le nombre de contentieux pénaux, ordinaux ou donnant lieu à des pénalités administratives augmente depuis 2006, de façon encore insuffisante, mais c'est tout de même un changement de culture assez profond. Le nombre de condamnations à des peines de prison augmente même – 273 personnes en 2009, pour 11 700 jours de prison ferme et 44 634 jours de prison avec sursis. Mais il est à noter que nos plaintes ne sont pas toutes traitées avec la même diligence, selon le degré d'occupation des juridictions locales. De manière générale, une affaire au pénal met trois à quatre années à être jugée, mais en Seine-Saint-Denis, par exemple, aucune de nos plaintes pénales n'a commencé à être instruite. C'est très différent à Paris. Évidemment, cela rend les choses plus difficiles pour la caisse de Bobigny que pour d'autres.
Il s'agit généralement de professionnels de santé. Sont-ils suspendus ? Sous entente préalable ?
Comment stopper, par exemple, une fraude au transport sanitaire ? Alors qu'une disposition législative relative à la possibilité de procéder à un déconventionnement d'office a été votée par le Parlement en 2007, le texte d'application n'a pas encore pu être publié compte tenu, semble-t-il, de la complexité du sujet… Le droit en vigueur est une des limites de notre action, et l'opérateur public que nous sommes se doit d'être encore plus sourcilleux pour ce qui est des droits de la défense. Mais malgré tout cela, on voit la vigueur des réactions aux contrôles de l'assurance maladie.
Voilà donc l'évaluation financière des résultats de nos contrôles, sachant que tout ne correspond pas à des fraudes. Car nous sommes obligés de tenir compte de nos traditions. Peut-être qu'en Grande-Bretagne la facturation à un tarif de prestation interne d'un examen oculaire – 80 euros, qui peuvent parfois être tarifés 800 – ou d'un examen d'effort cardiaque serait-elle considérée comme une fraude. De notre point de vue, ce serait « disproportionné ». Nous devons tenir compte aussi du fait que 90 % de nos prestations sont en nature, ce qui nous rend très différents des branches Famille ou Vieillesse. Parmi ces prestations en nature, une partie concerne des prescriptions médicamenteuses – et pourtant, nous pensons qu'il y a des abus de prescriptions. On pourrait se demander comment traiter un praticien qui ne prescrirait jamais de médicaments génériques… Mais nous sommes obligés de proportionner nos sanctions pour tenir compte des pratiques historiques en France et de la complexité des prestations d'assurance maladie.
Le rapport sur la fraude que nous avons demandé à la Cour des comptes est un document de travail extrêmement utile, et vous exprimez un certain nombre de divergences avec lui. La cour affirme ainsi que, malgré des annonces répétées d'amélioration, deux branches prestataires sur trois n'effectuent pas d'estimation de la fraude, que la Caisse nationale d'assurance maladie se borne à recenser l'aspect financier des fraudes qu'elle découvre, selon des approches méthodologiques hétérogènes, et que la lente progression des démarches engagées fausse la perception des enjeux en conduisant à une grave sous-estimation. Pour ce qui est du régime général, elle évalue la fraude aux prestations entre 2 et 3 milliards. Comprenez que nous sommes désireux d'en savoir plus !
La cour considère aussi que la Caisse nationale d'assurance maladie devrait généraliser les évaluations de fraudes potentielles à partir de vérifications approfondies d'échantillons significatifs de dossiers et que, du fait d'une impulsion insuffisante des caisses nationales, les actions des caisses locales restent trop limitées. Elle précise enfin que vous avez tous les outils juridiques nécessaires pour suivre les caisses et lutter activement contre cette fraude.
Encore une fois, il s'agit de 2 à 3 milliards ! On est loin de vos chiffres !
Le coût de la fraude est compliqué à estimer – le Gouvernement s'interrogeait déjà sur la question en 1996. D'abord, si l'on connaissait la fraude de façon certaine, il suffirait de la sanctionner ! La difficulté est de développer des méthodes permettant, éventuellement par échantillonnage, d'évaluer de façon exhaustive la fraude, puis de faire la preuve que l'évaluation est juste. Sur ce point, je reconnais que nous pouvons nous améliorer. Nous nous sommes d'ailleurs engagés dans la convention d'objectifs et de gestion à essayer de mesurer la fraude dans un certain nombre de champs identifiés, tels que les arrêts de travail ou la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) par exemple, sur la base d'échantillons de données exhaustifs. C'est un travail très important, qui a déjà commencé – nous disposons pour cela de 2 200 médecins-conseils répartis sur toute la France.
L'ordre de grandeur de ce que peut représenter la fraude tourne autour de 1 %. Ce n'est pas une découverte pour nous : il y a déjà quelques années que nous fournissons ce taux. La Cour des comptes a abouti au même ordre de grandeur, de même que l'Office européen de lutte anti-fraude pour l'ensemble des pays européens. Faire ensuite la preuve de la fraude et en tirer les conséquences est une autre question…
Il s'agit de 1 % de quoi ? Cela concerne-t-il à la fois les indus, les abus, les actes intentionnels ou non intentionnels ?
Les abus ne sont pas forcément intentionnels. Dans certains domaines, l'ordre de grandeur des abus est bien supérieur à 1 %. En matière d'antibiothérapie par exemple – soit environ 800 millions de remboursements –, nous nous situons 25 % à 30 % au-dessus de la moyenne des pays européens, mais cela n'entre pas dans le périmètre de la faute. Le taux de 1 % concerne donc la fraude et la faute. Je distingue les deux parce que pour pouvoir qualifier un fait de fraude, les textes et la jurisprudence nous obligent à démontrer qu'il est intentionnel et donne lieu à enrichissement.
Il s'agit de 1 % des dépenses remboursées de l'assurance maladie.
Ce taux, comme la Cour des comptes le dit d'ailleurs, n'est pas démontré : pour cela, des évaluations par échantillonnage extrêmement lourdes sont nécessaires. Il s'agit d'un ordre de grandeur constaté expérimentalement sur les champs sur lesquels nous travaillons. Il comprend les fraudes et les fautes.
J'ai évoqué les sommes provenant du contrôle de la tarification à l'activité : 30 à 50 millions d'euros. Or, le montant total de la tarification à l'activité (T2A) est de 40 milliards : ce n'est donc pas en l'occurrence 1 % des dépenses qui est redressé, mais 0,1 %, et pourtant cela déchaîne les passions ! Quand un établissement de santé facture une prestation à un prix qui, d'après les textes, n'est sans nul doute pas le bon, nous considérons qu'il s'agit plutôt d'une faute que d'une fraude, sauf pratique délibérée et réitérée, et encore. Dans certains pays, cette distinction n'existe pas. Je crois donc que notre politique est proportionnée et raisonnable.
Faute ou fraude, elle doit être corrigée. Et elle doit être sanctionnée, plus ou moins durement en fonction de l'intentionnalité ; cela relève de l'ordre judiciaire.
La France mène depuis quelques années une politique ambitieuse de sécurisation de ses titres. L'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui s'est installée à Charleville-Mézières en 2007, édite les cartes grises et les passeports, bientôt les cartes nationales d'identité et probablement les permis de conduire. Ce sont des titres extrêmement sécurisés, avec une puce et parfois de la biométrie. La carte Vitale 2, elle, est loin d'être aussi sécurisée. L'assurance maladie avait annoncé en février 2007 sa généralisation pour la fin 2010, mais seulement 15 millions de Français en disposent pour l'instant. Peut-être n'a-t-il pas été décidé à l'époque de travailler avec l'Agence nationale des titres sécurisés, mais pourquoi ne pas engager un partenariat avec elle en vue d'éditer les cartes Vitale 3, qui vont probablement bientôt voir le jour suite à l'échec de la deuxième génération ? En effet, les responsables de l'agence dessinent des perspectives de contrôle des fraudes très intéressantes.
Je ne suis pas sûr que le Gouvernement souhaite une carte Vitale 3. Il ne l'a en tout cas pas demandé dans la convention d'objectifs et de gestion que nous venons de signer.
Nous y avons veillé – je rappelle que nous n'émettons qu'environ 80 % des cartes Vitale, les autres régimes d'assurance maladie, le régime étudiant par exemple, faisant le reste. Chaque carte Vitale 2 comporte la photographie de l'assuré. Elle est envoyée à un centre de traitement qui vérifie la photocopie des pièces d'identité et la qualité de la photographie, et qui émet ensuite la carte après avoir vérifié que les droits sont ouverts. Il y a donc un contrôle.
Dans les cas que vous évoquez, par ailleurs, la sécurisation n'est pas le fait de la seule Agence nationale des titres sécurisés, mais résulte de tout un processus. Pour ce qui est des passeports par exemple, il y a d'abord un face-à-face et une instruction dans chaque collectivité locale, puis un envoi à la préfecture, laquelle valide le dossier. Ce n'est qu'ensuite que le titre est émis. Ce n'est donc pas l'agence qui sécurise le titre, mais l'ensemble du processus. Reste à savoir combien il coûte.
Lors du lancement de la carte Vitale 2, le Gouvernement n'avait pas souhaité cette procédure du face-à-face avec l'assuré, notamment parce qu'il était dans l'optique d'un renouvellement complet du parc. Aujourd'hui, il souhaite plutôt privilégier le remplacement des cartes sur le flux que sur le stock. Pour les passeports non plus, il n'y a pas de renouvellement du stock entier, ni pour les permis de conduire – qui posent pourtant un certain nombre de difficultés. En effet, les collectivités locales ne seraient pas forcément en mesure de renouveler le stock de passeports existants. Surtout, cela coûterait très cher. Nous avons pour notre part centralisé le processus de contrôle. Notre centre agit dans le cadre d'instructions précises. Il mutualise l'émission des titres pour la France entière. Et, contrairement au passeport, il n'existe pas de taxe pour financer le coût d'émission d'une carte Vitale. Certes, ce coût – 3 à 4 euros tout compris – est probablement sans commune mesure avec celui de l'émission des passeports, mais, pour nous, c'est un sujet majeur, parce que les volumes en question sont importants.
Il vaudrait la peine de s'intéresser à cette question car l'Agence nationale des titres sécurisés prétend, elle, que le coût ne serait pas plus élevé. Par ailleurs, l'agence ne s'occupe pas encore des permis de conduire. Enfin, elle ne gère effectivement que les flux, pas les stocks – mais elle les gère correctement. Tout est sécurisé de A à Z, ce qui est loin d'être le cas de la carte Vitale. Même les 15 millions de cartes Vitale 2 ne sont pas bien sécurisées. Il semble qu'il y ait de fausses cartes Vitale qui circulent.
Pouvez-vous nous en procurer une ?
Je n'ai jamais dit que l'Agence nationale des titres sécurisés ne travaillait pas bien. Et ce n'est pas à nous qu'il faut demander le coût d'émission des passeports ! En revanche, je suis capable de vous donner le coût de production de la carte Vitale 2.
Les documents qui conditionnent l'attribution de la carte Vitale vous semblent-ils atteindre un niveau de sécurisation suffisant ? Nous avons des remontées d'informations mettant en cause la production de photocopies. Avez-vous des préconisations à ce sujet ? Exiger des originaux permettrait de limiter les possibilités de détournement du système.
La différence entre la délivrance d'un passeport et d'une carte Vitale, c'est le face-à-face en mairie. Selon les textes en vigueur, la carte Vitale est délivrée au vu de photocopies. On ne peut pas nier que le face-à-face apporterait une sécurité supplémentaire. En revanche, ce serait beaucoup plus coûteux, ne serait-ce qu'en raison du temps que les agents consacreraient à cette tâche. L'opération de renouvellement du stock qui avait été initialement prévue est extrêmement lourde : tout le monde, y compris les personnes âgées de 80 ans pensionnaires d'une maison de retraite, devrait changer sa carte !
Si l'on décide de changer d'orientation, on pourrait par exemple imaginer que la demande de carte Vitale 2 se fasse en même temps que le renouvellement d'un passeport. Cela permettrait de mutualiser un certain nombre d'opérations et d'accélérer le processus d'émission de la carte. C'est possible, mais cela a un coût. Quel est-il exactement ? Est-on prêt à le payer ? Sur quel budget ? Sans compter que le sujet est politiquement sensible.
Il semblerait que tous les pays européens aillent vers une sécurisation en la matière. Passer à une carte Vitale sécurisée par le processus de l'Agence nationale des titres sécurisés aurait le grand avantage de nous permettre d'accéder ensuite à la carte européenne d'accès aux soins – l'agence fait d'ailleurs partie du réseau STORK (Secure identity across borders linked) de l'Union européenne. Nous aurions tout intérêt à entrer dans le système dès maintenant.
Les fabricants de cartes sécurisées n'attendent que ça. C'est en outre une spécialité française, qui a beaucoup de mal à se développer. Ils ont fabriqué la carte sécurisée de la sécurité sociale belge, qui fonctionne parfaitement. Ils sont en train de mettre en place la carte de sécurité sociale algérienne, qui est non seulement sécurisée mais en outre directement reliée au système de remboursement, ce qui permet d'en connaître l'évolution quotidiennement. Il n'y a aucun problème technique. Alors qu'est-ce qu'un coût de 2 ou 3 euros comparé aux 8 000 euros de remboursements par assuré social français ? J'ajoute que le contrat d'objectifs et de gestion signé avec l'État prévoyait la mise en place d'une carte Vitale sécurisée : c'est un des points qui n'a pas été atteint. Ne dites donc pas que l'État n'a pas exprimé cette volonté. Peut-être ne pensez-vous pas que c'est une priorité, mais l'État l'a demandé.
Je ne sais pas ce qu'il en est de la sécurité des remboursements d'assurance maladie algériens. En revanche, j'aimerais bien disposer d'une carte Vitale frauduleuse. C'est ce que je demande à tous mes interlocuteurs depuis cinq ans : aucun n'a pu m'en fournir une – ce qui ne veut pas dire d'ailleurs que ce ne soit pas possible. Mais j'aimerais bien savoir de quoi il est question exactement : serait-ce du chiffre d'affaires de l'Agence nationale des titres sécurisés ? Parce que pour le reste, le droit en vigueur prévoit que la délivrance de la carte Vitale 2 se fait sur la base d'un processus industrialisé, sans face-à-face. L'émission par l'agence ne changerait donc rien à la sécurisation.
Un processus de délivrance qui prévoit la production des documents originaux et la confrontation avec la personne me paraît effectivement plus sécurisé qu'un processus sans face-à-face. En revanche, cela a un coût, qu'à ma connaissance on n'a jamais évalué. C'est pourtant facile : il suffit de connaître le coût du face-à-face pour les collectivités locales – j'ai cru comprendre qu'il y avait un débat avec l'État sur ce point –, le coût de la gestion en préfecture et le coût d'émission du titre. Il faut en outre bien veiller à prévoir l'ensemble du dispositif et pas seulement le processus d'émission de la carte – nous en émettons plus de 10 millions. Il convient notamment d'assurer toute la logistique d'interface avec les bases de données des régimes afin de pouvoir vérifier que les droits sont ouverts au moment de la production de la carte.
Compte tenu de l'inertie de l'ensemble, il me semble qu'une solution concrète pourrait consister à permettre aux personnes qui renouvellent certains titres de demander en même temps leur carte Vitale 2. Cela améliorerait encore la sécurisation tout en évitant des formalités administratives inutiles. Nous avons signé des marchés qui prévoient la possibilité de flux dématérialisés. Si les textes le permettaient, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, on pourrait mettre en place une transmission de flux à partir de la validation de la préfecture en direction de notre centre d'émission. Je ne suis pas sûr que cela plairait beaucoup à l'Agence nationale des titres sécurisés mais cela me paraîtrait une réponse pragmatique à la question de la sécurisation de la carte, qui pourrait être mise en oeuvre à un horizon raisonnable et simplifierait la vie des assurés.
Vous avez évoqué 273 condamnations à des peines de prison. Sur quelle période ? Le nombre est-il en augmentation ? Quelle est la répartition entre professionnels de santé et assurés ? Et parmi les professionnels, quelles sont les fraudes principales ?
Le nombre est en augmentation : il s'agissait de 143 personnes en 2006 et de 211 en 2008. Cela s'explique tout simplement par le délai d'instruction de trois ou quatre ans dont je vous ai parlé : nous sommes encore en période de montée en puissance. Certaines de nos plaintes déposées en 2006 n'ont pas encore commencé à être traitées.
Sur la répartition, nous vous ferons parvenir les données précises.
Il y a par nature plus d'assurés que de professionnels, d'autant que ces derniers peuvent être jugés par la voie ordinale, qui va d'ailleurs beaucoup plus vite…
…mais qui est aussi fonction de la volonté des ordres et de leur homogénéité au niveau départemental. Dans un certain nombre de cas, les choses sont un peu compliquées. Cela dit, les différences de politiques des ordres professionnels sont un autre sujet.
Certaines des plaintes que nous avons déposées – pas en grand nombre, mais tout de même – concernent des fraudes « interne-externe ».
L'établissement de Marseille, où des patientes ont été « charcutées » pendant cinq ans par le docteur Maure, contre qui ont été déposées des centaines de plaintes, ne semble pas avoir été harcelé par les pouvoirs publics.
Madame Martine Carillon-Couvreur, les fraudes principales sanctionnées sont, pour les professionnels, les actes fictifs, c'est-à-dire la facturation d'actes non réalisés, et pour les assurés, les fraudes aux prestations en espèces, en particulier aux indemnités journalières, à partir notamment de fausses déclarations de salaire.
En raison de la lenteur de la procédure pénale, nous choisissons soit le dispositif des pénalités pour les assurés ou les professionnels, soit la plainte ordinale pour les professionnels.
En cas de fraude reconnue pour laquelle une plainte pénale ou une plainte ordinale a été déposée, nous devrions avoir la capacité de déconventionner si nous estimons être face à une urgence. Or le décret d'application de cette disposition votée par le législateur n'a toujours pas été publié.
Cela ne signifie pas que nous sommes totalement démunis, puisque des déconventionnements ou des interdictions d'exercer peuvent être prononcés par le juge dans le cadre d'une instruction. Je songe à l'affaire El Said, qui remonte à trois ans et dans laquelle, à la suite d'une utilisation frauduleuse de la carte Vitale, le juge a prononcé une interdiction d'exercer. Toutefois, ce système suppose une réactivité assez forte de la justice ; or, étant donné le nombre très élevé d'affaires en instance devant les tribunaux – et, souvent, d'affaires plus importantes que les nôtres –, il faudra réfléchir à des outils moins lourds, mais plus efficaces, dans les années à venir. Les établissements de santé pensent d'ailleurs que les sanctions administratives sont très lourdes, puisqu'elles peuvent atteindre jusqu'à 5 %.
Nous considérons que l'utilisation des textes par les organismes locaux peut être améliorée. Au demeurant, nous constatons encore une hétérogénéité dans l'utilisation des outils de lutte contre la fraude au sein du réseau des caisses primaires – et, en ce domaine, la Cour des comptes n'a fait que reprendre nos chiffres. Nous avons mesuré cette hétérogénéité – nous connaissons, pour chacun des organismes, le montant des fraudes détectées au niveau local et les sanctions appliquées – et nous avons constaté l'absence de lien systématique entre la taille des organismes et l'efficacité de la lutte contre la fraude, mais aussi entre le nombre de personnes engagées dans cette action et les résultats obtenus.
Nous nous sommes mis d'accord avec les pouvoirs publics pour aboutir à une unicité de reporting, avec une pression accentuée sur le reporting local pour disposer d'un étalonnage des établissements permettant de mettre en évidence les meilleures pratiques.
Nous avons déposé 911 plaintes pénales contre des assurés, 185 contre des professionnels, 12 contre des établissements et 134 contre les transporteurs et fournisseurs.
Les motifs de plainte contre les établissements sont l'absence de prestations par rapport à la facturation ou un doublement de facturation. Après récidive de la part de certains établissements qui, pour les soins de ville, facturent des prestations qui s'ajoutent au forfait, nous déposons une plainte pénale. Il faut que, dans le milieu, on sache que nous agissons en cas de récidive.
Aujourd'hui, notre stratégie consiste plutôt à analyser les surfacturations en tarification à l'activité (T2A) et l'internalisation de soins externes, non conforme à la circulaire sur les « actes frontières ». En cas par exemple de facturation des transports au sein des assistances publiques (AP), nous considérons qu'il s'agit de fautes de facturation. Par contre, si un établissement facture des actes en répartissant sur un même patient les professionnels de manière à ne pas appliquer le taux d'abattement des actes et qu'il y a réitération, nous considérons qu'il y a suspicion de fraude, il s'agit de cas très précis et identifiés.
Nous menons une instruction préalable du dossier avec des critères stricts. Sans la certitude de graves suspicions d'actions délibérées ayant pour volonté de nuire, nous utilisons d'autres voies que la procédure pénale, car il me semble inutile de déposer un grand nombre de plaintes qui risqueront d'être classées sans suite pour insuffisance d'éléments de preuve.
Pour les professionnels de santé, nous pouvons dans certains cas non seulement utiliser les sanctions administratives car l'assurance maladie subit un dol, mais aussi saisir le conseil de l'ordre si nous constatons des manquements importants à la déontologie – le conseil de l'ordre ayant la possibilité, depuis peu, de prononcer des pénalités financières.
En revanche, nous avons toujours résisté à la demande réitérée des syndicats de professionnels de rendre les pénalités conventionnelles prioritaires par rapport aux pénalités de droit administratif. Au reste, selon moi, ce ne serait pas conforme à la Constitution.
En définitive, la manière dont nous utilisons la palette d'outils est un sujet sur lequel nous travaillons.
Nos travaux sur le fonctionnement de l'hôpital ont révélé la violation des dispositions du code des marchés publics de la part de certains établissements de santé. De fait, la surfacturation constitue un dévoiement de l'utilisation de l'argent des Français au préjudice de leur santé. Que ce soit une faute ou une fraude, c'est à la justice de trancher, mais, en vérité, l'assurance maladie doit prendre en compte ce phénomène.
Les exemples ne sont pas isolés et devraient conduire à une plus grande vigilance en matière de contrôle de légalité. Il me semble légitime que l'assurance maladie se porte partie civile dans ces affaires où elle subit un préjudice au titre de son rôle d'assureur. Elle n'est pas un simple guichet, un payeur aveugle : elle doit s'assurer que les efforts de Français sont utilisés à bon escient. N'oublions pas que les déficits d'aujourd'hui sont les risques sanitaires de demain.
Quelle est votre doctrine sur le sujet ?
S'agissant du contrôle des établissements de santé, tout particulièrement le contrôle de la tarification à l'activité, les textes confient cette responsabilité au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS). Ce contrôle passe par deux commissions : une commission technique paritaire entre l'agence régionale de santé et l'assurance maladie ; une commission – plus politique, elle – au sein de laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé est seul juge de la décision de sanctionner in fine.
C'était l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) dans le cadre d'une unité de coordination.
Il y avait une responsabilité partagée entre la préfecture et l'agence régionale de l'hospitalisation.
En matière de contrôle, l'action de l'assurance maladie est encore plus liée aujourd'hui qu'elle ne l'était auparavant. Aujourd'hui, la décision finale ne nous appartient pas. Néanmoins, nous tenons à votre disposition un bilan exhaustif, région par région, des propositions qui ont été faites par chacun des organismes techniques et des décisions qui sont prises. Cela dit, nous reconnaissons qu'il y a une certaine hétérogénéité dans notre réseau.
Les établissements de santé n'étant pas placés sous notre tutelle, il ne nous appartient pas de veiller à la bonne application par ceux-ci des dispositions du code des marchés publics. C'est aux instances responsables de la gestion de ces établissements – directeur, instances de contrôle interne, éventuellement agent comptable – mais aussi à tout le dispositif de contrôle de l'État que revient cette tâche. Les textes ne confient pas ce rôle à l'assurance maladie. Pour autant, en cas de manquement au droit et si celui-ci emporte des conséquences financières avérées au détriment de l'assurance maladie, il n'est exclu que nous puissions nous constituer partie civile : il faut étudier les dossiers au cas par cas pour voir si nous sommes fondés à le faire. A priori, il n'y a pas de problème de doctrine en la matière.
Très régulièrement, les départements d'outre-mer font l'objet de campagnes médiatiques pas toujours à leur avantage, pointant des déclarations de fraude, aux prestations sociales notamment.
À la fin de l'année 2008, la préfecture de La Réunion a mis en place un comité local unique de lutte contre la fraude. Il nous avait été dit que cette expérimentation allait aussi être conduite en Dordogne et dans l'Hérault. Ce travail de dix-huit mois devait être mené en croisant les données de la caisse d'allocations familiales, de l'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC), du régime social des indépendants, de la caisse générale de sécurité sociale et des autres caisses prestataires afin de traquer les tricheurs.
À l'époque, nous avions demandé si ce travail porterait jusqu'aux abus de dépenses d'assurance maladie notamment. Il ne nous a pas été répondu par la négative.
Avez-vous connaissance de cette expérimentation ? Si oui, disposez-vous d'éléments permettant d'effectuer un bilan général, et, dans ce cas, les taux de fraudes à ces prestations sont-ils supérieurs dans notre département à ceux d'autres départements pilotes ?
Nous avons connaissance de cette expérimentation, menée sous l'égide de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) et des comités locaux uniques, transformés récemment en comités opérationnels départementaux antifraude (CODAF).
Je ne suis pas en mesure de vous dire si nous avons constaté à La Réunion des résultats différents de ceux de la Dordogne, mais nous pourrons regarder ce point avec la Délégation nationale à la lutte contre la fraude.
Les comités opérationnels départementaux antifraude ne traitent pas des abus, mais uniquement des fraudes.
Monsieur Patrick Lebreton, nous poserons votre question précise à la Délégation nationale à la lutte contre la fraude. Ce sera peut-être l'occasion de contredire certaines assertions n'ayant que pour but de fissurer le pacte républicain.
Dans son rapport, la Cour des comptes souligne que, pour la branche Maladie, dans le cas des actions décentralisées, la pauvreté des informations remontées à la caisse nationale est patente. Et elle cite comme exemple l'absence de diffusion des meilleures pratiques dans le cas de la lutte contre les fraudes liées à la consommation du Subutex. Selon le rapport de la cour, le contrôle exercé par les caisses primaires d'assurance maladie n'a eu que peu d'impact sur la présence globale du Subutex sur le marché parallèle du fait de détournements non contrôlés. Le marché parallèle est largement alimenté en Subutex, et cela est confirmé par le rapport de 2006 de l'Organe international de contrôle des stupéfiants de l'Organisation des Nations Unies (ONU), rapport selon lequel 20 % à 25 % du Subutex délivré dans le système français sont détournés vers le marché illicite. Enfin, selon ce rapport, pour le système social français, notamment l'aide médicale d'État (AME), il s'agit aujourd'hui de la principale source de trafic international de Subutex, à tel point que les instances de l'Organisation des Nations Unies s'en inquiètent et pointent systématiquement le phénomène depuis trois ans.
Dans notre débat sur l'aide médicale d'État, la ministre de la santé et des sports a indiqué que 439 personnes consommaient 45 millions d'euros de soins à Paris. Le rapport annuel de performances présenté au Parlement indique qu'un contrôle a été effectué en 2009 par 106 caisses primaires d'assurance maladie sur 5 % des bénéficiaires de l'aide médicale d'État, et que la vérification de l'État a amené un taux de découverte de fausses déclarations de 49,81 %, soit un dossier sur deux non conforme et accepté par une caisse primaire.
Avez-vous le sentiment qu'il existe un problème de pilotage entre la caisse nationale et les caisses primaires, ce que vous reconnaissez vous-même en parlant de très grandes disparités régionales ?
La recherche de l'homogénéité sur tout le territoire est un souci partagé par les responsables de réseau national. Il n'en reste pas moins que nos cartes sur les professionnels de santé libéraux établissent l'existence d'hétérogénéités, comme pourraient également en relever, s'il y en avait, des cartes sur les professionnels hospitaliers ou sur les caisses primaires… ou encore sur la magistrature.
En ce qui concerne le Subutex, la Cour des comptes mentionne une initiative prise par la caisse primaire de Toulouse. Cette initiative est-elle conforme aux textes ? A-t-elle produit des résultats ? Il est dommage que la cour ne se soit pas posée ces deux questions, et je suis prêt à en débattre publiquement avec elle.
Cette affirmation est erronée ! Interrogez la juge Bertella-Geffroy à Paris ! Regardez où les plaintes sont déposées et par qui ! Sur quoi repose l'affirmation de ce monsieur de Toulouse indiquant qu'il est le seul à obtenir des résultats ? Des vérifications ont-elles été faites ?
Le Subutex est un traitement substitutif aux opiacés afin d'aider les patients à s'en sortir dans le cadre d'une politique de santé. A-t-on le droit aujourd'hui en France de limiter la délivrance du Subutex à un pharmacien ? Non cela n'est pas autorisé par les textes.
Pour autant, il est exact que nous constatons, dans un certain nombre de cas, des délivrances de produits substitutifs aux opiacés non conformes aux prescriptions raisonnables et qui, de toute évidence, donnent lieu à un trafic. Nous avons déposé plainte. Sur ce point, nous tenons un dossier à votre disposition.
Nous avons 50 programmes, dont deux sur les traitements substitutifs aux opiacés comme la buphénorphine ou la méthadone, le premier portant sur les professionnels de santé, le second sur les assurés.
En ce qui concerne les assurés, une trentaine de plaintes pénales avec constitution de partie civile ont été déposées et 50 informations ont été ouvertes. Cela concerne la France entière. Je tiens à votre disposition le programme qui est établi annuellement.
Pour les professionnels, nous avons ciblé 74 professionnels de santé pour la France entière. Je tiens également le bilan à votre disposition.
Il faut savoir que la caisse de Toulouse ne représente pas grand-chose sur ces 74 professionnels.
En effet, les problématiques du Subutex concernent principalement l'Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d'azur et l'Alsace, régions sur lesquelles nous travaillons principalement.
Nous pouvons démontrer, chiffres à l'appui, que l'affirmation selon laquelle seule Toulouse obtient des résultats en ce domaine est fausse.
Évoquant un pilotage insuffisant, la cour souligne que la question du Subutex est résolue à Toulouse, où a été mis fin au problème des méga-consommateurs. En d'autres termes, ce directeur de la caisse de Toulouse a réglé un problème de trafic de drogue !
Ce n'est pas vrai, et je peux le démontrer chiffres à l'appui !
S'agissant du taux de personnes qui achètent plus de 32 milligrammes par jour, la région Midi-Pyrénées est passée de 0,8 % en 2006 à 1,6 % en 2009, tandis que la France entière, hors région Midi-Pyrénées, est passée de 2,3 % au deuxième semestre 2006 à 1,5 % en 2009. Ainsi, dans le même temps, l'ensemble du programme national a divisé par deux la proportion des assurés au-dessus d'une facturation de 32 milligrammes par jour alors que la région Midi-Pyrénées a doublé cette proportion.
Entre la cour et nous, il y a probablement eu une incompréhension : nous nous sommes peut-être mal exprimés et n'avons pas donné les bons chiffres. Nous vous communiquerons les bilans de nos plans, qui font apparaître le nombre de plaintes par catégories – pharmacies, médecins, assurés –, ainsi que le nombre de condamnations.
Selon la brigade des stupéfiants, avec laquelle nous travaillons en Île-de-France, le prix de la plaquette de Subutex (buprénorphine à haut dosage) à 8 milligrammes serait passé sur le marché parisien de 6 euros à 20 euros. Cela signifie bien que nous avons réduit le débit de la source. Certes, cela ne résout pas tout, mais nos échanges avec la brigade des stupéfiants nous aident à repérer les pratiques frauduleuses.
Je persiste à dire que l'affirmation contenue dans le rapport de la cour et selon laquelle seule la caisse de Toulouse fait quelque chose pour lutter contre les dérives en matière de Subutex est erronée. Elle est insuffisamment étayée, et nous sommes prêts à le démontrer.
Il n'y a pas de raison de mettre en doute les informations que vous nous donnez, mais je souligne que la Cour des comptes respecte une procédure contradictoire.
Comment le contradictoire a-t-il été effectué ? Nous sommes d'accord avec la Cour des comptes sur de nombreux points. Ainsi, nous reconnaissons qu'il faut améliorer les performances en matière d'évaluation, accomplir des efforts pour l'homogénéité des traitements. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord avec la cour quand elle écrit que la caisse de Toulouse est la seule à lutter contre les dérives en matière de Subutex !
Cela ne veut pas dire que nous considérons avoir résolu le problème. En effet, depuis que nous avons engagé ces actions de lutte contre les prescriptions abusives et le trafic de Subutex, les modes opératoires des professionnels et des assurés concernés ont évolué pour s'adapter.
Je rappelle que M. Didier Jayle, le précédent président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), avait évoqué la possibilité de classer le buprénorphine dans la catégorie des stupéfiants. Toutefois, il n'y avait pas eu de suite. En effet, ce sujet ne se limite pas à un problème de trafic ou de prescriptions abusives. N'oublions pas que sont aussi concernés des patients auxquels on apporte des soins, des publics difficiles auxquels on délivre ce produit – ce qui permet parfois d'endiguer des maladies transmissibles dues à la mauvaise utilisation d'autres produits. Cela dit, il est évident qu'il convient de lutter contre le trafic de Subutex.
Je pense que le Gouvernement a débattu sur ce sujet complexe avec les professionnels de santé concernés, notamment les pharmaciens d'officine. Il est exact qu'un certain nombre de produits provenant du marché français se retrouvent dans des pays étrangers qui ne les utilisent pas pour des soins. Et c'est pourquoi nous participons à cette lutte, mais nous le faisons dans le respect des textes.
Précédemment, la MECSS a eu connaissance d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales totalement contraire à la réalité des faits et rédigé pour des motivations que nous avons eu quelques difficultés à percevoir.
Qu'avez-vous à répondre sur le fait que les services de l'État aient découvert qu'un dossier sur deux donne droit à l'aide médicale d'État indûment ?
Il s'agit de dossiers sur lesquels nous avions des interrogations, pour ne pas dire des suspicions.
Pour autant, en 2007, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales soulignait que les dossiers d'aide médicale d'État étaient plutôt instruits convenablement par les organismes de sécurité sociale. Le travail des caisses n'est d'ailleurs pas facile, car il s'agit de vérifier si des personnes qui sont en situation irrégulière et qui n'ont pas de papiers d'identité, ont droit à la couverture maladie financée par l'État.
Conformément au souhait du Gouvernement, des titres plus sécurisés sont mis en place dans l'ensemble des réseaux de l'assurance maladie. Nous sommes d'ailleurs d'accord pour dire que les anciens titres en papier de l'aide médicale d'État ne sont pas suffisamment sécurisés. Un travail a été fait en liaison avec les services de l'État et les associations, notamment Médecins du monde, pour émettre progressivement des cartes sécurisées pour tous les renouvellements d'attestations d'aide médicale d'État, selon des normes identiques à celles du ministère de l'intérieur. Je tiens un spécimen à votre disposition.
Pour la couverture maladie universelle complémentaire et pour l'aide médicale d'État, il y a un face-à-face dans les organismes, c'est-à-dire que la personne doit se déplacer.
Ce ne sont pas les mêmes ordres de grandeur : le nombre de personnes concernées par l'aide médicale d'État est de 240 000, à comparer aux 35 millions d'assurés. Se pose donc la question du coût. Les deux organismes qui délivrent le plus d'attestations d'aide médicale d'État en France métropolitaine sont ceux de Paris et de Bobigny,
Je rappelle que, pour la couverture maladie universelle complémentaire, les textes prévoient un face-à-face obligatoire chaque année. La couverture maladie universelle complémentaire et l'aide médicale d'État sont en effet des droits particuliers, d'où des modalités particulières.
Mettre en place une carte Vitale sécurisée pour des publics prioritaires, ne serait-ce que parce qu'ils ont eu des incidents au fil des années, ne semble pas très difficile puisque vous avez tous les moyens pour y parvenir.
La Cour des comptes note que votre système informatique connaît de grandes difficultés et que, malgré 2 000 informaticiens répartis sur 50 sites, vous manquez cruellement de personnels qualifiés.
Il est exact que notre système d'information peut être amélioré. Néanmoins, je voudrais revenir sur tout ce qu'il permet de faire.
Ainsi, nous n'avons pas eu les problèmes qu'a connus le système fiscal anglais. Il faut savoir que le système Vitale permet la transmission d'un milliard de feuilles de remboursement de soins par la voie électronique.
Nous avons dépassé 85 %. Cette année, nous avons dépassé notre objectif annuel parce que nous mettons en place la taxation sur les feuilles de soins papier. Depuis le mois de septembre, nos délégués d'assurance maladie rendent visite à tous les professionnels qui ne télétransmettent pas et à tous ceux qui télétransmettent moins de 75 %, pour leur expliquer le mécanisme incitatif qui a été mis en place et les informer sur les possibilités techniques qui s'ouvrent à eux – cela va de systèmes intégrés jusqu'à des systèmes plus complexes fonctionnant avec des logiciels adaptés. Notre but est d'arriver, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion, à un taux supérieur à 90 %. Le taux le plus élevé, de 95 %, est atteint par les pharmaciens d'officine.
Notre système d'information permet de rembourser environ 170 milliards d'euros, de rembourser en moins de cinq jours les feuilles de soins électroniques, d'interconnecter les professionnels de santé libéraux et les établissements de santé, de gérer 55 millions d'assurés et d'ayants droit, de faire du téléservice auprès des 5,7 millions d'assurés – nous devrions atteindre 6,3 millions à la fin de l'année – et des 280 000 professionnels de santé qui ont ouvert un compte. J'ajoute que de grands pays occidentaux ou orientaux s'intéressent à la manière dont le système Vitale fonctionne et nous rendent visite.
Cela dit, un certain nombre d'informations contenues dans le rapport de la Cour des comptes sont exactes.
Premièrement, il y a une dispersion des moyens géographiques au niveau des centres de développement. En outre, les centres d'exploitation pourraient évoluer vers plus de spécialisation pour augmenter leur performance.
Deuxièmement, nous avons un problème de capacité de développement par rapport à la commande : la commande de développement, qu'elle soit réglementaire ou liée aux évolutions de notre offre de services, est supérieure à ce que nous pouvons faire.
Troisièmement, des gains en matière de productivité sont nécessaires, soit en introduisant des techniques plus performantes de développement, soit en harmonisant les implantations géographiques et en spécialisant certains de nos centres de développement. En la matière, la carte de la Cour des comptes est exacte, puisque c'est la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés qui lui a fournie.
Au final, nous pouvons améliorer notre système d'information et son management. Au reste, nous avons cet après-midi une réunion avec les partenaires sociaux du conseil de la caisse nationale d'assurance maladie pour évoquer ce sujet.
De plus, sur la base des orientations votées par le conseil de la caisse nationale d'assurance maladie, la convention d'objectifs et de gestion pour 2010-2013 a prévu d'examiner la question de l'implantation des centres. D'ici à la fin de l'année, nous entrerons dans un schéma directeur des systèmes d'information qui doit être validé par l'État, ce dernier ayant prévu dans la convention une tranche de crédits, conditionnée à la présentation et à la validation de ce schéma directeur.
Selon le rapport de la Cour des comptes, l'interconnexion des fichiers de l'assurance maladie – noeud gordien, selon moi, de l'efficience de notre système sanitaire et social – n'est toujours pas opérationnelle. Au reste, lors d'une précédente audition, vous nous aviez indiqué que la montée en puissance du plan informatique de l'assurance maladie avait pris quelques retards, notamment au titre de l'urbanisation. Les résistances sont-elles de nature humaine, technique, financière, voire culturelle ? Y a-t-il des obstacles réglementaires, voire législatifs ? Comment l'Assemblée nationale peut-elle vous aider ?
La cour a en effet pointé une insuffisance en matière d'élaboration d'un schéma directeur des systèmes d'information, ce que nous ne remettons pas en cause.
Le serveur de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) de Tours est opérationnel depuis le mois d'août. La date butoir d'une centralisation des données fixée pour la fin de l'année sera-t-elle tenue ?
Nous visons a priori un rattachement des données centralisées au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) – première étape de la mise en oeuvre du dispositif – pour la fin de l'année, les applicatifs étant développés et en cours de validation depuis le 1er octobre 2010.
Nous avons pris en compte la priorité de la mise en place du répertoire national commun de la protection sociale. Par ailleurs, nous menons avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) des discussions sur les modalités techniques de mise en place des étapes supplémentaires.
Les systèmes d'information de l'assurance maladie présentent un ensemble de problématiques.
Premièrement, ils font vraisemblablement partie des plus lourds de France, puisqu'ils représentent en termes d'échanges pour la Carte Vitale l'équivalent d'une très grosse banque française. Ils sont caractérisés par une grande complexité, nos intervenants externes étant très nombreux : différents régimes sociaux, Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC), professionnels de santé, État, etc.
La majorité des applicatifs ont été développés au début des années quatre-vingt-dix en technologie dite « NS-DK », c'est-à-dire à la fois pour des serveurs et des postes de travail locaux. Pour les « urbaniser », il faut apporter des modifications sur ces deux champs, ce qui nécessite de mobiliser beaucoup de ressources humaines. Or si l'on veut repositionner des forces sur le développement, plutôt que sur l'exploitation et la mise en oeuvre locale, il faut changer cette technologie, comme l'ont fait France Télécom et de grandes banques françaises. Cela fait partie des propositions que nous ferons à l'État dans le cadre du schéma directeur des systèmes d'information. Nous devrons vraisemblablement avoir recours à des prestataires spécialisés, car ce n'est pas notre coeur de métier.
Deuxièmement, nous ne pouvons pas nous permettre une pause applicative. Le concept, un moment envisagé, d'un « big bang informatique » est inenvisageable, compte tenu de l'importance des programmes de l'assurance maladie : il nous mènerait à l'échec. C'est d'ailleurs ce que nous avons répondu à la Cour des comptes.
Vous prêchez des convaincus !
Nous avons compris l'utilité des 2 000 informaticiens dans la mesure où il fallait accélérer le processus de télétransmission afin de diminuer les coûts de gestion de l'assurance maladie.
Le dispositif de l'interconnexion des fichiers permettra de s'assurer de l'éligibilité des droits, mais pas l'échange d'informations sur les montants. Sur ce dernier point, notre amendement présenté lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale a reçu un avis défavorable de la part du Gouvernement. Pourtant, il est essentiel de connaître l'importance des montants, sachant que le versement de certaines prestations se fait sous condition de ressources. C'est une nécessité pour les collectivités territoriales pour instruire les dossiers en matière d'aide sociale. Quelle est votre position à ce sujet ?
Il faut distinguer les prestations en nature, qui correspondent à des soins dispensés, et les prestations en espèces. En outre, la remontée d'informations est techniquement compliquée.
Par exemple, les dossiers d'accidents du travail doivent être gérés non par la caisse du ressort de l'assuré, mais par celle où l'accident du travail est déclaré. En outre, en cas de décès, le dossier est géré par la caisse du lieu de constat de l'accident du travail, alors que l'assuré ou ses ayants droit peuvent relever d'une autre caisse, voire d'un autre régime. Cela engendre une grande complexité de gestion.
Ces questions nous renvoient à une réflexion sur l'architecture informatique et la manière dont le code de la sécurité sociale prévoit la territorialisation, ce dernier sujet étant lui-même très complexe. En effet, à travers le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), nous ne disposons des informations des grandes assistances publiques que par le biais d'un identifiant unique de l'assistance publique ; nous n'avons pas les informations territorialisées de chaque établissement. C'est ainsi que la caisse primaire de Nanterre ne dispose pas sur les informations de programmes de médicalisation des établissements qui sont de son ressort géographique. Aujourd'hui, il n'existe pas de référentiel qui permettrait d'identifier l'activité d'un établissement de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), et le retour d'information vers les organismes de sécurité sociale ne se fait pas.
Cela dit, le projet de facturation individuelle des établissements – le projet FIDES – avance.
En conclusion, notre système d'information est très transparent sur le monde libéral. Mais il reste à améliorer s'agissant des établissements de soins, sujet que nous souhaitons évoquer avec l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) et les directions du ministère. Je reviens sur la territorialisation : ce n'est pas la même chose d'avoir une vision globale de l'activité d'une grande assistance publique et d'avoir une vision de l'activité de ses principaux établissements.
La territorialisation que vous appelez de vos voeux relève d'une disposition de type réglementaire. C'est une question de volonté politique.
Il faut aussi tenir compte de l'attitude de tous les systèmes de gestion…
Cela relève de la logique de l'état statistique : en matière de remboursement, les établissements de soins ne passent pas directement par la caisse primaire d'assurance maladie, mais par l'agence régionale de l'hospitalisation – désormais par l'agence régionale de santé.
La question est de savoir qui va facturer. Est-ce une assistance publique ou un établissement de santé ?
Dans le débat sur l'aide médicale d'État (AME), il a été dit que la tarification à l'activité ne s'appliquait pas pour les personnes bénéficiaires de l'aide et que la tarification au prix fort rapportait 60 millions d'euros à l'Assistance publique de Paris. M. Jean-Pierre Door m'a demandé de vous interroger sur ce point – et je crois que M. Gérard Bapt aurait fait de même.
C'est exact. Cela se fait certainement pour des raisons historiques…
Pensez-vous vraiment que ce soit pour des raisons historiques ? Selon des sources bien informées, ce système absurde, qui conduit à une surfacturation, permet de rééquilibrer des budgets hospitaliers de l'Assistance publique.
Je pense que la facturation en tarif journalier de prestation (TJP) de l'aide médicale d'État tient au fait qu'avant l'instauration de la tarification à l'activité, la facturation se faisait en tarif journalier de prestation, et que les textes n'ont pas été modifiés.
À la demande de l'Inspection générale des affaires sociales, nous avons réalisé une évaluation. Pour l'année 2008, la comparaison entre, d'une part, la valorisation qui serait induite par la facturation des activités des établissements de soins au prix du groupe homogène de séjour (GHS) et, d'autre part, la facturation en tarif journalier de prestation révèle un différentiel de l'ordre de 130 millions d'euros.
Les chiffres qui nous ont été donnés sont de 60 millions pour Paris et de 180 millions pour tout le territoire.
L'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation arrive à des évaluations à peu près similaires aux nôtres.
Pour évaluer l'écart entre le tarif journalier de prestation et le groupe homogène de séjour, il faut aussi tenir compte de la « liste en sus », c'est-à-dire des médicaments en sus des groupes, faute de quoi le résultat peut être surévalué.
Pour l'année 2009, le coût total de l'hospitalisation publique et privée s'élève à 370 millions d'euros. L'écart est important, de près de 25 % à 30 %.
Avez-vous regardé également la durée moyenne de séjour qui est peut-être un peu plus longue que celle du régime de tarification à l'activité ?
La durée moyenne de séjour intervient aussi dans la facturation en tarification de l'activité. N'ayant pas accès aux comptes des établissements, nous ne sommes pas capables de dire aujourd'hui si cette facturation correspond à des coûts qui seraient supérieurs.
Le mode de facturation en tarif journalier de prestation a deux conséquences.
Premièrement, la transparence dans la connaissance des prestations est relativement faible. En effet, le tarif journalier de prestation n'est ni une nomenclature commune, ni une tarification commune à l'ensemble des établissements. Surtout, l'activité peut être très importante – certains tarifs journaliers de prestation couvrent toute la chirurgie, par exemple – et les tarifs sont très variables. En médecine, par exemple, le tarif est de 758,76 euros à l'Assistance publique – hôpitaux de Paris (AP-HP) et de 1 230 euros à l'Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM).
Deuxièmement, le tarif journalier de prestation est notablement supérieur à la facture groupe homogène de séjour.
En somme, facturer en tarif journalier de prestation aboutit à moins de transparence pour les caisses, et est donc beaucoup moins performant du point de vue de l'identification que la nomenclature en groupe homogène de séjour et des médicaments facturés en sus. Cela a évidemment des conséquences financières pour l'État, d'autant plus qu'il faut y rajouter les soins urgents. Et, bien entendu, s'il y a des conséquences financières pour l'État, cela implique des ressources pour l'établissement public concerné.
Cela étant dit, les dépenses d'aide médicale d'État sont extrêmement concentrées sur des dépenses hospitalières, et une partie non négligeable de cette concentration s'explique par le mode de facturation. Il est très compliqué d'analyser objectivement les dépenses de l'aide car, pour effectuer une comparaison, il faudrait opérer une sorte de redressement en fonction de l'âge des personnes concernées et de leur état de santé.
Les personnes concernées sont plutôt jeunes, et pourtant elles consomment un peu plus que la population française. Une surfacturation due à une durée de séjour plus longue profite à l'Assistance publique. Cela explique vraisemblablement pourquoi l'aide médicale d'État a augmenté de 13 % l'année dernière. Il faut corriger cela.
La mission en cours de l'Inspection générale des affaires sociales, demandée par le Gouvernement, étudie ce sujet.
À notre connaissance, les tarifs journaliers de prestation ont augmenté de façon importante entre 2007 et 2008, et de manière moins importante entre 2008 et 2009. Certes, il faut s'interroger sur le tarif journalier de prestation, mais il n'a pas que des conséquences sur l'aide médicale d'État. Ainsi, le ticket modérateur a pour base ce tarif.
La séance est levée à onze heures vingt-cinq.