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Intervention de Frédéric Van Roekeghem

Réunion du 4 novembre 2010 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie :

Je remercie la MECSS de nous avoir invités sur ce sujet important et sensible. J'ai cru comprendre que la mission attachait beaucoup d'attention à l'application des recommandations de la Cour des comptes, et c'est sur ce point que je voudrais commencer.

La Cour des comptes est naturellement dans son rôle lorsqu'elle met en évidence les possibilités d'améliorer le système. Néanmoins, en tant qu'opérateur de la lutte contre la fraude, je voudrais montrer notre volonté d'avancer dans ce domaine, mais aussi les obstacles rencontrés, ainsi que les réactions que soulèvent nos actions et qui peuvent conduire à des demandes de modification des textes en vigueur – en effet, un certain nombre d'acteurs ressentent très mal les actions de lutte contre la fraude, les abus et les gaspillages. Il faut noter à ce propos que la question se pose de façon quelque peu différente pour l'assurance maladie que pour les autres branches prestataires, qui appliquent les textes réglementaires pour attribuer des prestations en espèces : l'assurance maladie délivre en effet surtout des prestations en nature, à l'exception des arrêts de travail par exemple, et les acteurs concernés ne sont pas seulement les assurés mais aussi les professionnels et les établissements de santé.

Ainsi, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a émis douze propositions, dont l'une sur la suppression du « délit statistique » ; la Cour des comptes ayant mis en lumière le doublement du montant des pénalités financières appliquées aux professionnels de santé entre 2007 et 2008, le syndicat l'interprète comme la preuve d'une action déterminée à l'encontre de l'exercice libéral. L'Union des généralistes de Picardie, elle, a dénoncé avec virulence dans le Courrier picard la garde à vue d'un médecin saint-quentinois. Quant au syndicat Espace Généraliste, il a annoncé il y a quelques années vouloir déposer plainte pour harcèlement contre les caisses d'assurance maladie. Enfin, plus récemment, le docteur Didier Poupardin, assigné en justice par une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et dont les feuilles de soins remises à certains malades font l'objet d'une expertise, a dénoncé dans tous les médias la volonté de ladite caisse de faire respecter les textes en vigueur – concernant en l'occurrence les ordonnances dites « bizones ». Et je n'évoque même pas la question du respect de l'intégration dans les tarifs de produits de santé hospitaliers, comme le Venofer, qui a suscité une réaction assez forte de l'Association des insuffisants rénaux.

La question de la fraude ou de l'abus emporte donc des réactions importantes, même si les textes sont clairs. En matière de contrôle des établissements de santé publics par exemple, on peut se demander si une facturation réitérée de soins externes à des tarifs internalisés, qui ne respecterait pas la circulaire sur les « actes frontières » publiée pourtant il y a plusieurs années, serait ou non considérée comme de la fraude. Mais je constate que des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – article 66 (nouveau) – tendent déjà à limiter le contrôle de l'assurance maladie, en le restreignant aux manquements « délibérés ».

Bref, si la Cour des comptes est dans son rôle en disant qu'il faut aller encore plus loin, il ne faut pas ignorer que les actions de l'assurance maladie dans ce domaine ont des implications importantes. Concrètement, mon souci, après que le Gouvernement eut décidé d'accroître la lutte contre la fraude, les abus et les fautes – et l'assurance maladie a été largement pionnière dans ce domaine –, c'est que les réactions, qui sont d'ailleurs normales en raison de l'augmentation de la pression, ne se traduisent pas justement par une diminution de notre capacité de lutte – je pense particulièrement à l'obligation d'appliquer les décisions de la commission des pénalités.

On peut aussi s'étonner de ce que la Cour des comptes n'évoque aucunement le contrôle des établissements de santé. De même, elle laisse entendre que l'assurance maladie serait moins offensive contre les offreurs de soins que contre les assurés. Or il y a eu, en 2009, 426 saisines ordinales et 305 interdictions de donner des soins aux assurés sociaux. Surtout, l'assurance maladie a déposé 185 plaintes pénales concernant des professionnels de santé, contre 911 concernant des assurés. La cour a-t-elle calculé le ratio avant d'asséner sa vérité ? Nous ne sommes pas du tout laxistes avec les professionnels de santé – comme le prouvent justement leurs réactions, si les ratios ne suffisaient pas.

Encore une fois, je ne nie pas l'existence de marges d'amélioration mais cette politique de contrôle, qui représente un changement important, suscite des réactions dont nous sommes obligés de tenir compte.

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