COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 3 novembre 2010
La séance est ouverte à seize heures quinze.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits de la mission « Ville et logement » sur le rapport de M. Étienne Pinte, sur les crédits relatifs à la prévention de l'exclusion et l'insertion des personnes vulnérables.
Je souhaite d'abord exprimer ma satisfaction de voir les crédits du programme 177, «Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », de nouveau examinés par notre Commission.
Transféré par la loi de finances de 2009 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » – où il faisait à ce titre l'objet d'un avis de la Commission des affaires sociales – à la mission « Ville et logement », ce programme n'a en effet été examiné pour avis, dans le cadre des deux derniers projets de lois de finances, que par la seule Commission des affaires économiques. Cette situation était anormale, dans la mesure où son champ d'action entre dans les compétences de notre Commission. C'est pourquoi j'ai souhaité que les crédits pour 2011 nous soient à nouveau soumis pour avis, et je remercie le président Pierre Méhaignerie de l'avoir accepté.
Alors que, depuis des années, je me bats pour que les crédits en question soient sincères, le programme 177 est malheureusement resté jusqu'à présent fortement sous-doté, faisant chaque année l'objet d'abondements de crédits conséquents par l'intermédiaire soit de crédits d'avance, soit d'un collectif budgétaire.
Certes, le projet de loi de finances pour 2011 montre un effort significatif pour rapprocher les crédits des besoins : le programme est doté de 1,18 milliard d'euros, soit une progression de 7,6 % par rapport à 2010. Toutefois, cet effort est insuffisant, le montant inscrit restant inférieur aux dépenses effectuées durant ces quatre dernières années – il est par exemple inférieur de 8,5 % aux crédits consommés en 2009.
Si l'on voulait en effet satisfaire à l'objectif de sincérité budgétaire, il faudrait le majorer d'une soixantaine de millions. La dotation de plusieurs dispositifs, notamment la veille sociale, les centres d'hébergement d'urgence, les pensions de famille et les crédits d'aide sociale – aide alimentaire, aide aux personnes âgées et aux handicapés –, me paraît donc insuffisante. Je regrette que le Gouvernement se soit arrêté au milieu du gué.
L'insincérité budgétaire a des effets désastreux, car elle enlève toute visibilité budgétaire aussi bien aux services de l'État qu'aux associations d'accueil et d'insertion. Par prudence, les services préfectoraux retardent la négociation des conventions avec les associations, tant qu'ils ne sont pas définitivement fixés sur le montant des crédits qui leur seront délégués. Par ailleurs, ils financent en priorité les mesures d'urgence, mettant de côté, par précaution, un volant de crédits pour répondre aux besoins de la période hivernale.
L'urgence continue ainsi à primer l'action structurante de moyen terme, visant notamment à faciliter le passage des centres d'hébergement vers un logement : augmentation des places en logement adapté – pensions de famille, logements temporaires –, développement de l'accompagnement social et mobilisation du parc privé via l'intermédiation locative. Ce sont pourtant les dispositifs que le Gouvernement promeut dans le cadre de la stratégie nationale de prise en charge des personnes sans-abri, qui affirme le principe du « logement d'abord ».
Les associations pâtissent elles aussi de l'insincérité budgétaire. Lors des auditions que j'ai menées en septembre, j'ai été stupéfait de constater que presque aucune ne connaissait le montant des subventions qui leur seraient accordées par l'État, ce qui, non seulement leur pose des problèmes évidents de trésorerie, mais les décourage d'engager des actions sur le long terme. Je déplore qu'en raison de l'absence de visibilité due à l'insincérité budgétaire chronique, les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens, prévues il y a un an ou deux, soient si rares.
J'aurais souhaité proposer un amendement visant à augmenter les crédits du programme 177. Malheureusement, les transferts de crédits n'étant possibles qu'au sein d'une même mission, c'eût été au détriment d'un autre programme. Comme tous subissent une diminution de leurs crédits et qu'aucune action ne paraît trop dotée, j'ai renoncé à cette idée.
La seconde partie de mon rapport dresse un bilan d'étape de la mise en oeuvre des préconisations du rapport relatif à l'hébergement d'urgence et à l'accès au logement que j'avais remis au Premier ministre en septembre 2008.
L'action de l'État en la matière s'est déployée en plusieurs étapes : en 2008, mise en place du chantier prioritaire 2008-2012 consacré à l'hébergement d'urgence et au logement ; début 2009, adoption du plan de relance de l'économie et de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, dite loi MOLLE ; fin 2009, définition de la nouvelle stratégie nationale de prise en charge des sans-abri et refondation du dispositif d'hébergement.
Je retiendrai plusieurs acquis.
Sur le plan des principes, la loi de mobilisation du 25 mars 2009 a constitué une étape essentielle, en consacrant notamment le droit à l'hébergement et à l'accompagnement social – comme une extension du droit au logement opposable – et en redéfinissant la veille sociale.
En ce qui concerne les réalisations, je me réjouis de l'augmentation du nombre de places en centres d'hébergement et, surtout, du plan d'humanisation des structures, dont j'ai été l'ardent promoteur. Je rappelle qu'il existe dans notre pays 400 centres d'hébergement d'urgence qui ne sont pas dignes de recevoir dans de bonnes conditions les personnes sans-abri, la plupart étant dotés de dortoirs, et que chaque fois que l'on humanise l'une de ces structures, cela diminue d'environ un tiers le nombre de places. Tant que l'on manquera de logements sociaux, il faudra donc augmenter le nombre de places en centres d'hébergement.
Je me félicite aussi des initiatives récentes tendant à réformer la veille sociale, notamment la mise en place progressive, dans chaque département, d'un service intégré d'accueil et d'orientation pour centraliser les demandes et les offres d'hébergement.
Enfin, j'approuve les mesures favorisant les solutions innovantes en faveur du logement des sans-abri, avec la création de structures nouvelles et la mobilisation du parc privé via l'intermédiation locative.
En revanche, je regrette que le nombre de places en pensions de famille n'ait pas suffisamment progressé : il en existe 9 000, alors que le programme en prévoit 15 000 pour 2012. On est loin du compte, surtout vu le rythme actuel des engagements de crédits et la réticence des collectivités locales à créer ce type d'hébergements !
Je déplore également que l'on ne tienne pas suffisamment compte des spécificités de certaines populations comme les migrants, les personnes présentant des troubles psychiques ou addictifs, les travailleurs pauvres ou les Roms.
Je constate par ailleurs que la connaissance des personnes à la rue n'a pas progressé depuis 2008, ce qui nuit à l'efficacité des politiques d'insertion.
Plus largement, si je souscris à l'essentiel des orientations du programme de refondation du dispositif d'accueil et d'hébergement lancé par M. Apparu, je regrette que les moyens alloués soient insuffisants pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement, notamment en matière de construction de logements très sociaux dans les « zones tendues ».
La transition prendra du temps et elle ne produira ses effets budgétaires que dans plusieurs années. À court terme, les crédits d'hébergement d'urgence devront être maintenus à un niveau élevé, car il faudra du temps pour loger les occupants actuels des centres d'hébergement et accueillir ceux qui sont encore à la rue.
Il s'agit d'un sujet important qui implique, au-delà de l'État, l'ensemble des collectivités locales ; les élus locaux que nous sommes y sont confrontés, non seulement en période hivernale, mais toute l'année. C'est pourquoi il serait appréciable de connaître le montant que consacre l'ensemble de la collectivité nationale à l'accueil et à l'insertion des personnes vulnérables.
Par ailleurs, si la mise en oeuvre des dispositifs se révèle parfois difficile sur le terrain, c'est parce qu'elle nécessite de nombreuses réunions et une concertation entre les services communaux, départementaux et préfectoraux.
Le rapporteur se félicite de l'amélioration de la coordination de l'accueil et de l'orientation et du bon fonctionnement du « 115 ». J'abonde dans son sens : la mise en place d'une structure d'accueil unique permet de mieux renseigner les personnes qui appellent le « 115 ».
Je salue, en outre, la forte augmentation du nombre de places dans les centres d'hébergement – même si cela reste insuffisant.
Il convient, en revanche, de renforcer l'accompagnement social vers le logement. Votre bilan montre bien que le passage des structures d'hébergement et de logements temporaires vers les logements de droit commun se heurte à la pénurie de logements sociaux et très sociaux. Pouvez-vous chiffrer ce manque ? Comment les besoins sont-ils répartis sur le territoire national ? La politique actuelle est-elle suffisamment territorialisée, sachant que, lorsqu'un centre d'accueil s'ouvre dans une commune, on y accueille des personnes venant de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de kilomètres ?
Tout d'abord, je voudrais remercier le rapporteur pour la qualité de son travail et la sincérité de ses propos. Je salue également la persévérance dont il a fait preuve pour que notre Commission soit saisie pour avis sur ce sujet. Comme lui, je déplore le découpage budgétaire actuel, et pour être rapporteur pour avis sur les crédits de la solidarité de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », j'estime qu'une approche globale aurait permis d'affiner nos analyses et de trouver des synergies.
S'agissant de la sous-dotation flagrante, que je dénonce, du programme 177, on peut s'interroger – dès lors que, budget après budget, l'on constate que les crédits consommés sont largement supérieurs à ceux inscrits dans les lois de finances initiales – sur les intentions véritables du Gouvernement, surtout dans le contexte actuel. Considère-t-il que ses partenaires, c'est-à-dire les collectivités territoriales et les associations, seront de toute façon là pour compenser ses lacunes budgétaires ?
Ainsi, en ce qui concerne l'aide alimentaire, 13 millions d'euros ont été inscrits pour 2011, alors que les dépenses s'étaient élevées à 20 millions en 2008 et à 37 millions en 2009 : on change carrément d'échelle !
Du coup, sur le terrain, les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les structures associatives sont conduits à subvenir aux besoins élémentaires des personnes, tandis que les services préfectoraux restent très frileux en raison de leurs incertitudes sur d'éventuelles enveloppes complémentaires. Pourtant, les compétences en la matière sont partagées.
De même, les crédits dépensés pour l'hébergement d'urgence sont très supérieurs à ceux inscrits. Résultat, comme l'État ne peut pas prendre en charge les personnes qui sont à la rue et qu'on ne peut pas les laisser dormir dehors, ce sont les collectivités qui doivent s'en débrouiller !
Le rapport a le grand mérite de rappeler ces faits. Je souhaiterais néanmoins une précision : le tableau de la page 12 du pré-rapport est censé tenir compte des changements de maquette budgétaire ; pourtant, les chiffres ne semblent pas avoir été modifiés. Qu'en est-il ?
Certes, il existe de fortes contraintes financières, mais au moins pourrait-on faire oeuvre d'information et de simplification. De ce point de vue, les délais de communication et le manque de visibilité à deux ou trois ans posent problème. Que pourrait-on faire pour améliorer la situation ?
Monsieur Perrut, il est impossible de recenser de manière objective les efforts des collectivités territoriales, car tout ce qui concerne l'accueil d'urgence, c'est-à-dire les centres d'hébergement d'urgence et les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, relève des compétences de l'État. Pour les collectivités territoriales, il s'agit d'actions facultatives. Dans les « zones tendues » – c'est-à-dire essentiellement l'Ile-de-France, la région Rhône-Alpes, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et certaines zones du Nord et de l'Est –, un effort complémentaire est fourni par les collectivités locales, mais je ne dispose d'aucune donnée exhaustive sur le sujet.
On a fini par élaborer des plans départementaux d'accueil, d'hébergement et d'insertion des personnes sans domicile. Il est cependant trop tôt pour dresser un premier bilan. On y verra plus clair l'année prochaine.
Il est vrai que la situation est particulière en Ile-de-France, qui concentre presque la moitié des cas. Dans le cadre du groupe d'études sur la pauvreté, la précarité et les sans-abri, que je copréside avec Christophe Sirugue, j'ai organisé, l'hiver dernier, la visite d'un centre d'hébergement d'urgence, géré par le SAMU social de M. Xavier Emmanuelli, dans le onzième arrondissement parisien, près de la Bastille. Cinq collègues de province y ont participé ; ils ont été frappés par la grande différence de situation avec leurs régions, où les problèmes se règlent le plus souvent « à l'amiable ».
Chaque année, le Parlement vote des crédits relativement importants pour les logements sociaux et très sociaux, mais, en dépit de mes demandes réitérées, je n'ai pas réussi à obtenir du secrétariat d'État les données relatives au nombre de permis de construire, de mises en chantier et de mises en service. Or, je me suis aperçu en 2008 que tous les crédits n'avaient pas été consommés, ce qui signifie qu'il n'y a pas eu assez de droits de tirage exercés par les collectivités locales et les partenaires immobiliers, comme les offices et les sociétés anonymes d'HLM. La préfète des Yvelines m'a ainsi indiqué qu'on aurait pu financer dans le département 1 900 logements sociaux au lieu des 1 400 effectivement financés, ce qui montre que tout le monde n'avait pas exercé son droit de tirage.
Le secrétariat d'État m'a assuré qu'en 2009, tous les crédits avaient été consommés. J'aimerais cependant savoir quel délai sépare la mise à disposition des crédits et la mise en service des logements. À l'heure actuelle, nous avons particulièrement besoin de logements très sociaux, notamment de logements financés par les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), mais cela relève du programme 135 qui traite du développement et de l'amélioration de l'offre de logement.
Monsieur Sirugue, je ne peux qu'abonder dans votre sens : on sait pertinemment que certaines lignes budgétaires sont sous-dotées, soit parce qu'on a diminué les crédits soit parce qu'on ne les a pas actualisés en fonction de la consommation de l'an passé. Il a fallu cette année ouvrir des crédits d'avance pour faire face aux besoins en matière d'aide alimentaire. Bien entendu, dès que l'on tire la sonnette d'alarme, le Gouvernement réagit, mais cette politique à la petite semaine n'est pas satisfaisante.
Quant au tableau de la page 12 du pré-rapport, les chiffres ne sont pas erronés, les actions ayant été retraitées sur 2009 et 2010 afin de correspondre à la maquette du projet de loi de finances pour 2011.
En Isère – qui dispose de moyens financiers relativement importants –, la tendance est de se recentrer sur les compétences obligatoires et, par conséquent, de délaisser l'aide au logement, qui est une action facultative. Cela se fait au détriment des communes les plus pauvres, qui ont besoin du coup de pouce du conseil général pour faire du logement aidé. Je crains qu'il ne s'agisse d'une tendance générale.
Le phénomène est complexe, et on ne le résoudra pas d'un coup de baguette magique !
Dans les villages, contrairement aux villes, on connaît les personnes qui sont à la rue. Dans ma commune, il y a dix logements d'urgence qui servent, par exemple, à abriter les habitants d'une maison incendiée – sachant que le problème, c'est ce qui se passe ensuite et que, lorsque des logements très sociaux, comme il en existe à Perpignan, accueillent des populations marginales, des gitans, des Roms, les gens ne veulent pas y aller. Il est loin le temps où les personnes atteintes de troubles psychiatriques étaient accueillies à l'hôpital, puis en maison de repos pour deux ou trois mois, le problème étant ainsi transféré à la Sécurité sociale !
Il faudrait donc mettre en place des structures échelonnées et améliorer la prise en charge individuelle. Ce qui compte, c'est de savoir comment les gens en sont arrivés là ; souvent, il s'agit de femmes avec des enfants, dont le mari est parti, qui ne travaillent pas et n'ont aucun revenu. On ne peut pas les mélanger à d'autres populations, ni les éloigner des écoles où sont scolarisés leurs enfants.
Par ailleurs, les caisses d'allocations familiales versent parfois des sommes astronomiques pour des logements indécents. Dans ma ville, qui compte 9 000 habitants, on a construit cette année 250 logements sociaux, ce qui représente la moitié de la totalité des réalisations dans la communauté d'agglomération Perpignan-Méditerranée. C'est un véritable paradis pour ceux qui en bénéficient ; les logements sont intégrés dans un tissu de logements locatifs ou en accession à la propriété, sans aucune différenciation. Il faut aménager des logements sociaux de qualité : quand on habite dans un endroit correct, on se respecte davantage.
Le risque est évidemment de délocaliser le problème, car de nouvelles personnes arrivent du centre-ville pour occuper les logements insalubres libérés. Il faut donc impérativement pénaliser ceux qui exploitent la misère et prévoir une certaine gradation de l'accueil, de la structure d'urgence au logement social.
Si l'on héberge les gens pendant les mois d'hiver et qu'on les remet à la rue la belle saison revenue, cela ne fait guère avancer les choses. Dans nos communes, on domicilie les sans-abri à la mairie, ce qui leur permet de bénéficier du revenu de solidarité active et de la couverture maladie universelle. Mais c'est parce qu'on les connaît ; peut-être faudrait-il créer dans les grandes villes des structures spécifiques afin de mieux connaître les publics concernés ? Il importe de les aider, non seulement à se loger, mais à se reconstruire, grâce à un accompagnement social adapté.
Ne pourrait-on pas suggérer à l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS) de recenser les efforts financiers des collectivités territoriales ? Il me semble avoir lu dans son dernier rapport quelques lignes sur le sujet.
Je suis en outre très inquiet de la diminution des crédits relatifs à la conduite et à l'animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale. La réduction des subventions du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) risque de remettre en cause les politiques menées par les centres sociaux.
Le rapporteur pour avis emploie des mots forts, puisqu'il parle d'« insincérité budgétaire » – et j'imagine que la Commission des finances, saisie au fond, dira les choses avec encore plus de vigueur. La Cour des comptes a-t-elle publié un rapport sur le sujet ? Dans l'affirmative, comment l'administration a-t-elle réagi ?
Je souligne que l'insincérité budgétaire a pour résultat la désorganisation des dispositifs d'aide sur le terrain.
Le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit l'évaluation de l'hébergement d'urgence au programme de ses travaux pour la présente session. M. Arnaud Richard et Mme Danièle Hoffman-Rispal ont été désignés rapporteurs. Il serait bon qu'Étienne Pinte et d'autres membres de la Commission soient associés à ce travail.
La prévention de l'exclusion demande de la volonté politique, beaucoup de souplesse et une grande réactivité. Est-ce compatible avec un système centralisé, lourd et rigide ? Ne faudrait-il pas que les communautés d'agglomération et les communautés de communes disposent d'une certaine liberté d'action en ce domaine ?
Il est vrai que l'aide étant facultative, elle dépend largement des moyens des collectivités territoriales. Il est assez facile pour mon département, l'un des deux plus riches de France, d'abonder les crédits en matière de logement ou de sanctuariser l'aide au logement social. Cela explique les disparités d'un territoire à l'autre.
Vous avez raison, monsieur Siré, l'hébergement dans des structures d'urgence n'est pas une fin en soi. Il faut également songer à la suite. C'est pourquoi les collectivités territoriales doivent impérativement envisager des solutions de substitution ou des structures d'accueil complémentaires.
Les pensions de famille, qui ont pris la suite des maisons relais à la suite de la loi MOLLE, répondent en partie aux besoins des personnes atteintes de légers handicaps psychiatriques, notamment dans les résidences-accueil ; il s'agit d'une passerelle vers un logement social pérenne. Cela étant, il n'y a rien entre la pension de famille et l'hôpital psychiatrique : il manque un échelon pour ceux qui souffrent de troubles psychiatriques plus graves.
Ce qui est fait dans votre commune est idéal, monsieur Siré : non seulement on crée des logements sociaux, mais ceux-ci s'insèrent dans un tissu urbain mixte. Toutefois, certaines personnes auront besoin d'un accompagnement social pour s'adapter à ce nouveau type d'habitat.
Monsieur Sirugue, votre idée de faire appel à l'UNCCAS est excellente. En ce qui concerne les crédits du FONJEP, je ne peux rien dire de plus que ce que j'ai indiqué dans le rapport. Nous devons rester vigilants pour que les actions menées soient pérennes et tirer la sonnette d'alarme si l'argent venait à manquer.
Monsieur Mallot, la Cour des comptes a produit en 2007 un rapport sur le sujet, qui conforte mes analyses et souligne l'insincérité chronique du budget, notamment en matière d'hébergement.
Monsieur le président, il est évident que notre système trop centralisé inhibe l'esprit d'initiative et la créativité nécessaires pour répondre aux réalités locales. Quand je vais en province, je note à chaque fois avec étonnement que la question de l'hébergement d'urgence et du logement social se pose d'une tout autre façon que dans les « zones tendues ». Par exemple, à Rennes et à Brest, les collectivités locales ont préempté depuis très longtemps des terrains pour réaliser des logements sociaux en cas de besoin. Dans le Val-de-Marne, le préfet travaille avec quarante bailleurs sociaux, donc quarante interlocuteurs différents, contre quatre à Rennes. Quelle différence de culture sociale !
De même, en Rhône-Alpes, le monde associatif est très développé, avec une culture sociale ancienne et très forte. Les problèmes se règlent par la volonté politique, l'esprit d'initiative et la générosité des populations, sans que l'on ait besoin de faire appel en permanence à l'État.
Il convient donc de laisser aux collectivités territoriales la possibilité d'imaginer des solutions adaptées au terrain.
Article 48
État B
Mission « Ville et logement »
Programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »
La Commission est saisie de l'amendement AS 1 de M. Patrick Lebreton.
Le personnel de l'Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales de Dieppe (IFCASS) s'inquiète de l'éventuelle programmation de la disparition de cet établissement. La direction générale de la cohésion sociale a en effet acté le désengagement des ministères sociaux en inscrivant dans le présent projet de loi de finances pour 2011 une subvention réduite de moitié – 839 810 euros au lieu 1 679 620 euros –, qui est peut-être le prélude à une suppression totale en 2012. Sachant que le budget de l'institut est de 3 millions d'euros, cette diminution conduirait immanquablement à la fermeture de l'établissement dès juin 2011.
Pourtant, il intervient dans le champ de l'insertion par la formation et la validation des acquis de l'expérience d'un public issu essentiellement des départements d'outre-mer – 193 personnes sur un total de 290 stagiaires. Il peut se prévaloir d'un taux d'insertion professionnelle d'environ 80 % et il participe pleinement à la continuité territoriale en permettant aux jeunes d'outre-mer d'accéder aux emplois de l'insertion, du paramédical et du social. C'est pourquoi j'ai déposé, de même que des collègues d'autres commissions, un amendement visant à rétablir la subvention de l'IFCASS à son niveau antérieur. Monsieur le rapporteur pour avis, disposez-vous d'informations complémentaires sur cette question ?
Je ne peux que vous donner raison, monsieur Lebreton : comment expliquer la réduction de moitié de la subvention de l'État, sachant que celle-ci représentait plus de la moitié du budget de l'IFCASS ? De deux choses l'une : soit l'Institut est maintenu et, à moins que de nouveaux modes de financement ne prennent le relais, nous avons affaire à un nouvel exemple d'insincérité budgétaire ; soit le Gouvernement envisage de le supprimer, et il doit s'en expliquer.
Cela étant, j'émets un avis défavorable à votre amendement, car, comme je vous l'ai expliqué, une augmentation de crédits se ferait nécessairement au détriment d'un autre programme de la mission « Ville et logement ». L'important est d'avoir soulevé le problème ; nous demanderons des explications au Gouvernement lors de l'examen en séance plénière.
Parce qu'elle intéresse tous les départements ultramarins ! L'implantation de l'IFCASS à Dieppe était une bonne chose. Depuis trente-cinq ans, il a formé plusieurs générations de professionnels compétents dans le domaine social. Il serait dommage de le voir disparaître.
Suivant l'avis du rapporteur pour avis, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 177, « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », de la mission « Ville et logement ».
La séance est levée à dix-sept heures quinze.