Je souhaite d'abord exprimer ma satisfaction de voir les crédits du programme 177, «Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », de nouveau examinés par notre Commission.
Transféré par la loi de finances de 2009 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » – où il faisait à ce titre l'objet d'un avis de la Commission des affaires sociales – à la mission « Ville et logement », ce programme n'a en effet été examiné pour avis, dans le cadre des deux derniers projets de lois de finances, que par la seule Commission des affaires économiques. Cette situation était anormale, dans la mesure où son champ d'action entre dans les compétences de notre Commission. C'est pourquoi j'ai souhaité que les crédits pour 2011 nous soient à nouveau soumis pour avis, et je remercie le président Pierre Méhaignerie de l'avoir accepté.
Alors que, depuis des années, je me bats pour que les crédits en question soient sincères, le programme 177 est malheureusement resté jusqu'à présent fortement sous-doté, faisant chaque année l'objet d'abondements de crédits conséquents par l'intermédiaire soit de crédits d'avance, soit d'un collectif budgétaire.
Certes, le projet de loi de finances pour 2011 montre un effort significatif pour rapprocher les crédits des besoins : le programme est doté de 1,18 milliard d'euros, soit une progression de 7,6 % par rapport à 2010. Toutefois, cet effort est insuffisant, le montant inscrit restant inférieur aux dépenses effectuées durant ces quatre dernières années – il est par exemple inférieur de 8,5 % aux crédits consommés en 2009.
Si l'on voulait en effet satisfaire à l'objectif de sincérité budgétaire, il faudrait le majorer d'une soixantaine de millions. La dotation de plusieurs dispositifs, notamment la veille sociale, les centres d'hébergement d'urgence, les pensions de famille et les crédits d'aide sociale – aide alimentaire, aide aux personnes âgées et aux handicapés –, me paraît donc insuffisante. Je regrette que le Gouvernement se soit arrêté au milieu du gué.
L'insincérité budgétaire a des effets désastreux, car elle enlève toute visibilité budgétaire aussi bien aux services de l'État qu'aux associations d'accueil et d'insertion. Par prudence, les services préfectoraux retardent la négociation des conventions avec les associations, tant qu'ils ne sont pas définitivement fixés sur le montant des crédits qui leur seront délégués. Par ailleurs, ils financent en priorité les mesures d'urgence, mettant de côté, par précaution, un volant de crédits pour répondre aux besoins de la période hivernale.
L'urgence continue ainsi à primer l'action structurante de moyen terme, visant notamment à faciliter le passage des centres d'hébergement vers un logement : augmentation des places en logement adapté – pensions de famille, logements temporaires –, développement de l'accompagnement social et mobilisation du parc privé via l'intermédiation locative. Ce sont pourtant les dispositifs que le Gouvernement promeut dans le cadre de la stratégie nationale de prise en charge des personnes sans-abri, qui affirme le principe du « logement d'abord ».
Les associations pâtissent elles aussi de l'insincérité budgétaire. Lors des auditions que j'ai menées en septembre, j'ai été stupéfait de constater que presque aucune ne connaissait le montant des subventions qui leur seraient accordées par l'État, ce qui, non seulement leur pose des problèmes évidents de trésorerie, mais les décourage d'engager des actions sur le long terme. Je déplore qu'en raison de l'absence de visibilité due à l'insincérité budgétaire chronique, les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens, prévues il y a un an ou deux, soient si rares.
J'aurais souhaité proposer un amendement visant à augmenter les crédits du programme 177. Malheureusement, les transferts de crédits n'étant possibles qu'au sein d'une même mission, c'eût été au détriment d'un autre programme. Comme tous subissent une diminution de leurs crédits et qu'aucune action ne paraît trop dotée, j'ai renoncé à cette idée.
La seconde partie de mon rapport dresse un bilan d'étape de la mise en oeuvre des préconisations du rapport relatif à l'hébergement d'urgence et à l'accès au logement que j'avais remis au Premier ministre en septembre 2008.
L'action de l'État en la matière s'est déployée en plusieurs étapes : en 2008, mise en place du chantier prioritaire 2008-2012 consacré à l'hébergement d'urgence et au logement ; début 2009, adoption du plan de relance de l'économie et de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, dite loi MOLLE ; fin 2009, définition de la nouvelle stratégie nationale de prise en charge des sans-abri et refondation du dispositif d'hébergement.
Je retiendrai plusieurs acquis.
Sur le plan des principes, la loi de mobilisation du 25 mars 2009 a constitué une étape essentielle, en consacrant notamment le droit à l'hébergement et à l'accompagnement social – comme une extension du droit au logement opposable – et en redéfinissant la veille sociale.
En ce qui concerne les réalisations, je me réjouis de l'augmentation du nombre de places en centres d'hébergement et, surtout, du plan d'humanisation des structures, dont j'ai été l'ardent promoteur. Je rappelle qu'il existe dans notre pays 400 centres d'hébergement d'urgence qui ne sont pas dignes de recevoir dans de bonnes conditions les personnes sans-abri, la plupart étant dotés de dortoirs, et que chaque fois que l'on humanise l'une de ces structures, cela diminue d'environ un tiers le nombre de places. Tant que l'on manquera de logements sociaux, il faudra donc augmenter le nombre de places en centres d'hébergement.
Je me félicite aussi des initiatives récentes tendant à réformer la veille sociale, notamment la mise en place progressive, dans chaque département, d'un service intégré d'accueil et d'orientation pour centraliser les demandes et les offres d'hébergement.
Enfin, j'approuve les mesures favorisant les solutions innovantes en faveur du logement des sans-abri, avec la création de structures nouvelles et la mobilisation du parc privé via l'intermédiation locative.
En revanche, je regrette que le nombre de places en pensions de famille n'ait pas suffisamment progressé : il en existe 9 000, alors que le programme en prévoit 15 000 pour 2012. On est loin du compte, surtout vu le rythme actuel des engagements de crédits et la réticence des collectivités locales à créer ce type d'hébergements !
Je déplore également que l'on ne tienne pas suffisamment compte des spécificités de certaines populations comme les migrants, les personnes présentant des troubles psychiques ou addictifs, les travailleurs pauvres ou les Roms.
Je constate par ailleurs que la connaissance des personnes à la rue n'a pas progressé depuis 2008, ce qui nuit à l'efficacité des politiques d'insertion.
Plus largement, si je souscris à l'essentiel des orientations du programme de refondation du dispositif d'accueil et d'hébergement lancé par M. Apparu, je regrette que les moyens alloués soient insuffisants pour atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement, notamment en matière de construction de logements très sociaux dans les « zones tendues ».
La transition prendra du temps et elle ne produira ses effets budgétaires que dans plusieurs années. À court terme, les crédits d'hébergement d'urgence devront être maintenus à un niveau élevé, car il faudra du temps pour loger les occupants actuels des centres d'hébergement et accueillir ceux qui sont encore à la rue.