Nous vous remercions, mesdames, monsieur, d'avoir répondu à l'invitation de la mission. Les Rapporteurs vous ont adressé leur questionnaire écrit. Vous avez la parole pour un bref exposé liminaire.
Nous nous félicitons de la tenue de cette mission parce que la question des critères de répartition des moyens est fondamentale pour trois raisons :
– des dispositions législatives ont rendu inopérant le fonctionnement antérieur ;
– le Gouvernement s'est engagé – et nous espérons que cet engagement sera tenu – à augmenter de façon substantielle des moyens des universités d'ici à cinq ans ;
– nous ne sommes pas satisfaits du mode actuel de répartition des moyens. Les normes San Remo sont insuffisantes sur un certain nombre de questions.
Par ailleurs, la part du contrat s'est, avec le temps, considérablement accrue dans le financement des universités alors qu'elle n'est encadrée par aucun critère et que son volume n'est en rien transparent. Le CNESER, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, n'en a pas connaissance. Le contrat représente en quelque sorte la partie immergée de l'iceberg.
Il importe de tout remettre à plat et de définir des critères garantissant à la fois l'objectivité et la transparence.
Non, mais il faut s'assurer que le contrat n'est pas fonction du poids des lobbies. Dans les discussions des contrats, les présidents d'universités de province ne pèsent pas le même poids politique que ceux qui sont membres de la CPU – la conférence des présidents d'université – ou présidents de grosses universités parisiennes.
C'est pourquoi nous demandons que la discussion repose d'abord sur des critères objectifs et transparents permettant des projets politiques forts de développement des universités.
La question du financement doit répondre à trois préalables :
– les financements et les critères doivent permettre aux universités d'assumer l'ensemble de leurs missions de service public ;
– les critères doivent garantir l'égalité entre les universités ;
– les critères doivent même permettre de corriger les inégalités de départ entre les universités en ce qui concerne les publics accueillis, le patrimoine immobilier et les dotations aux personnels. Ainsi remettra-t-on les compteurs à zéro.
Pouvez-vous nous donner maintenant votre position sur le questionnaire qui vous a été adressé ? Les questions se regroupent en trois grands blocs. Le premier concerne la transparence et la lisibilité du système, et le rééquilibrage entre les établissements par les nouveaux modes d'allocations. Le deuxième porte sur les critères envisageables pour l'allocation à l'activité. Le troisième a trait à la partie « libre » d'allocations de l'État, toujours dans un cadre contractuel. Quelle part envisageriez-vous pour cette partie libre ? Nous nous interrogeons également sur le concept d'efficience. Comment mesurer le fait que l'activité se déroule effectivement et efficacement ?
Une réforme du système actuel de répartition des moyens est nécessaire. Cette répartition a lieu aujourd'hui dans la plus totale opacité. Les contrats sont examinés en négociation bilatérale entre les présidents d'université et le ministère sans aucune concertation avec les associations de la communauté universitaire ni même avec le conseil d'administration.
Il y a cinq ans encore, nous avions la chance que nous soient communiquées les dotations réelles sur les dotations théoriques et les potentiels sur les besoins en fonction des normes San Remo. C'était nos critères de référence. À partir de 2002 ou 2003, on a cessé de nous fournir ces éléments. Dès lors, la répartition se faisait totalement en aveugle, puisqu'on ne savait pas d'où on partait. En 2002-2003, la majorité des universités étaient en dessous de 100 %, quelques-unes étant au-dessus, comme Paris VI-Jussieu ou Le Havre. Depuis, la DGES semble avoir cessé de faire ces calculs. Peut-être la Cour des comptes a-t-elle plus d'éléments que nous. Nous sommes sur ce point très demandeurs.
La MEC a prévu de recevoir des représentants de la DGES. La question leur sera posée. Comme M. Claeys y a insisté toute la matinée, il importe d'avoir une exigence de transparence totale.
Non seulement il n'y a aucune transparence des contrats, dont les volumes ne sont même pas communiqués, mais encore, depuis quatre ou cinq ans, nous avons peu d'éléments concernant la DGF.
Le système de répartition San Remo pose un certain nombre de problèmes. Nous serions d'avis, non pas de le supprimer, mais de le rénover afin qu'il prenne en compte de nouveaux critères permettant d'assurer une égalité entre les établissements. Les critères du système San Remo concernant le patrimoine immobilier, par exemple, ne prenaient en compte que la surface immobilière et non les moyens à prévoir pour la maintenance et la réhabilitation des bâtiments, éléments pourtant à prendre en compte pour allouer aux établissements les moyens nécessaires.
S'agissant de la dotation globale de fonctionnement, seriez-vous favorable à une péréquation entre universités, à l'instar du système, certes perfectible, qui existe entre les collectivités territoriales les plus riches et les plus pauvres ? La loi LRU introduit de nouvelles sources de financement, notamment par le biais des fondations, mais toutes les universités n'en bénéficieront pas et les inégalités risquent de se creuser.
Il faut en effet porter la plus grande attention à la correction des inégalités, qu'elles concernent le territoire ou le public. L'université de Paris XIII, par exemple, accueille plus d'étudiants en difficulté sociale que celle de Paris II. Il faut établir des critères pour corriger de telles inégalités et pour que tous les établissements puissent assurer leur mission de service public.
Il convient de distinguer les inégalités structurelles, tenant au nombre d'étudiants boursiers ou à l'état du patrimoine – celles qui séparent, par exemple, Paris VIII et Paris IX Dauphine –, et les inégalités que le développement des fondations et des ressources propres des universités entraînera. Il est d'autant plus important de corriger ces dernières qu'elles risquent de creuser l'écart entre certaines disciplines : les fondations se développeront sans doute moins au profit des sciences humaines et sociales que des « sciences dures ». À l'évidence, l'université de Saint-Étienne aura plus de mal que celle de Lyon I à récolter des fonds via sa fondation, mais il faut aussi prendre en compte les inégalités liées aux disciplines. Il est donc important de disposer à la fois d'un correctif permanent fondé sur la situation de départ de l'université et d'un correctif qui évolue en fonction du développement des ressources propres de l'université.
Nous considérons que le critère des disciplines n'est plus opérant pour fixer les dotations. Aux termes des normes San Remo, les sciences devraient bénéficier de plus d'argent que les sciences humaines parce qu'elles exigeraient plus de travaux pratiques, plus de travaux dirigés et plus de volume horaire. Le plan Licence lancé par Mme la ministre prévoit au contraire que tous les étudiants doivent bénéficier de vingt heures de cours hebdomadaires en première année, l'objectif étant d'opérer une remise à niveau et de se rapprocher du taux d'encadrement et du volume horaire en classes préparatoires.
De même, s'il fallait établir une priorité entre cycles, sans doute faudrait-il l'accorder à la licence plutôt qu'au master. Aujourd'hui, les établissements dotent le master de beaucoup plus de crédits, se conformant à un schéma un peu cynique selon lequel on fait le tri en premier cycle et l'on consacre prioritairement ses moyens aux étudiants retenus en master. Pourtant, ce n'est pas gâcher l'argent que de le mettre là où il y en a le plus besoin : en première année, lorsque les étudiants ont besoin d'être très encadrés et d'avoir beaucoup d'heures de cours. On a moins besoin d'encadrement en master car on est plus autonome.
Enfin, il est important de corriger les critères d'évaluation de la performance en fonction des universités. Nous serions formellement opposés à une comparaison entre le taux de réussite net de Paris VIII et celui de Paris IX Dauphine : il faut une pondération prenant en compte les publics accueillis – avec pour critère, par exemple, l'âge auquel les étudiants ont obtenu leur baccalauréat, le nombre d'étudiants étrangers, etc. En outre, les critères de performance ne doivent intervenir que pour établir un bonus-malus à la marge. Il ne faudrait pas qu'ils aboutissent à pénaliser les universités qui ont le plus besoin d'aide et de moyens pour pouvoir progresser. Si l'on en arrive à doter encore plus celles qui présentent déjà les meilleurs taux de réussite, on aura fait l'inverse de ce que l'on voulait : donner à l'ensemble des universités les moyens de faire réussir leurs étudiants.
En d'autres termes, il ne faut pas s'en tenir à un taux de réussite à un instant t mais prendre en compte la capacité de progrès des établissements, qui bénéficieront par exemple d'un bonus si leur taux de réussite a progressé durant les quatre années du contrat. Les représentants des étudiants resteront très vigilants sur cette question car si une université est pénalisée du fait de l'inefficacité de son équipe de direction, ce sont les étudiants qui en feront d'abord les frais. D'où notre réticence.
Bien entendu. Sachez aussi que nous relaierons vos préoccupations en ce qui concerne la diffusion des informations. Tout comme la MEC, vous devez être en mesure de mener votre travail d'analyse.
Nous accueillons maintenant M. Thiébaut Weber, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).
Je vous donne d'emblée la parole, monsieur Weber, pour que vous nous fassiez part de votre réflexion sur les moyens alloués aux universités.
Je reprendrai dans mon propos l'ordre des questions que la mission d'évaluation et de contrôle nous a adressées.
Tout d'abord, nous ne voyons pas la nécessité de remettre en cause l'équilibre entre la dotation globale de fonctionnement et les contrats, c'est-à-dire entre la part fixe et la part variable. La DGF, fixée chaque année, et le contrat quadriennal ont deux finalités très différentes.
En revanche, il faut revoir l'application des critères San Remo. Certes, le système n'est pas aussi compliqué qu'on le dit, mais il est mal appliqué. Les universités et le ministère n'y croient plus. La dotation effective ne correspond jamais à la dotation théorique globale, d'où une attitude, sinon de défiance, du moins de méfiance de la part des établissements envers la tutelle. Une clarification des critères et de la procédure de financement devrait permettre d'améliorer les choses.
Cependant, nous ne contestons pas les critères existants. Selon la norme San Remo, la dotation globale de fonctionnement est destinée à assurer le fonctionnement de l'université : c'est grâce à elle que le service public d'enseignement supérieur doit assurer sa mission en accueillant les étudiants dans des conditions correctes. Nous proposons que l'on prenne aussi en compte le nombre d'étudiants boursiers, qui pourrait être un critère pertinent dans la détermination de la DGF.
Nous ne saurions juger le système actuel équitable et transparent, en raison précisément du décalage permanent entre la dotation effective et la dotation théorique globale. Nous déplorons à chaque réunion du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche le flou dont la direction générale de l'enseignement supérieur entoure les critères et les attributions. En moyenne, la dotation effective n'atteint que 80 % de la dotation théorique globale.
Nous nous gardons bien de jeter l'opprobre sur les pôles de recherche et d'enseignement supérieur – les PRES. Cependant, ils risquent de se révéler à l'avenir sources d'inégalité entre les universités qui sont parties prenantes – et pourront bénéficier de financements par ce biais – et les autres.
Oui, de même que nous sommes favorables aux regroupements d'universités et même à des fusions comme celle des trois universités de Strasbourg. Cela ne nous empêche pas de constater que le système peut entraîner des inégalités. Dans le cas de Strasbourg, la fusion fait peser un risque sur l'université de Mulhouse, où la recherche est certes moins importante mais où la qualité de l'encadrement des premiers cycles donne de bons résultats : ne sera-t-elle pas marginalisée par rapport au mastodonte universitaire que deviendra Strasbourg ?
Je voudrais citer aussi le cas de l'université de Poitiers, dont la DGF pour 2007 ne permettait même pas de payer les dépenses de chauffage !
En ce qui concerne la part variable, nous estimons que le nombre de critères San Remo n'est pas si élevé et que le système n'est pas si complexe. La priorité, je le répète, est de l'appliquer correctement.
La question du calcul de la dotation en fonction du nombre d'étudiants présents aux examens, modulé en fonction du type de cursus, est délicate. Si nous ne pensons pas que cette modulation soit nécessaire, il semble en revanche logique de prendre en compte les inscriptions pédagogiques et non plus les seules inscriptions administratives. Attention cependant à ne pas marginaliser la lutte contre l'échec des étudiants, d'autant que la mise en place du LMD aboutira sans doute à la « semestrialisation » des inscriptions pédagogiques. L'échec ne doit pas se traduire par une baisse de la dotation. Il faut au contraire financer la lutte contre l'échec, qui est un des axes du plan Licence.
Par ailleurs, nous ne sommes pas favorables à ce que le financement des formations varie en fonction les domaines. Certes, nous appelons de nos voeux une réflexion sur les cycles par domaine, notamment la mise en place de comités de suivi pour les licences, mais il ne serait pas judicieux d'étendre cette réflexion au financement : au sein même d'un domaine, les taux d'encadrement peuvent être très différents, par exemple en anglais et en russe dans une faculté de lettres.
Nous ne voyons pas non plus la nécessité de réserver, dans la part à l'activité, un traitement spécial aux IUT et aux écoles d'ingénieurs alors qu'elles en bénéficient déjà dans la part variable. La part à l'activité doit s'appliquer de la même façon pour tous les établissements. La part variable, quant à elle, doit être évaluée en fonction du projet stratégique de l'IUT ou de l'école d'ingénieurs, en lien avec le projet global de l'établissement.
Parmi les nouveaux critères, nous proposons de retenir, outre le nombre d'étudiants boursiers, la taille de l'université. La question des économies d'échelle, notamment pour les services communs et pour l'entretien des locaux, est différente selon que l'université compte 6 000 ou 40 000 étudiants.
Le débat sur la possibilité de mettre en place un petit nombre d'indicateurs consensuels pour évaluer la réussite des universités s'était déjà engagé lors de la discussion de la loi LRU. Il est dommage que l'on ne se réfère pas plus souvent à un principe simple : dans une démarche qualité, on fixe des missions et des indicateurs et on les évalue. Or les six missions du service public de l'enseignement supérieur sont déjà fixées à l'article L. 123-3 du code de l'éducation : la formation initiale et continue ; la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats ; l'orientation et l'insertion professionnelle ; la diffusion de la culture et l'information scientifique et technique ; la participation à la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche ; la coopération internationale. Voilà qui devrait suffire à évaluer l'ensemble des universités de manière transversale, quitte à établir ensuite des ratios – ainsi, une petite université dont l'activité est surtout axée sur l'orientation et l'insertion professionnelle pourrait se voir attribuer une compensation.
Les indicateurs doivent être, bien entendu, les mêmes pour toutes les universités. S'ils sont justes et pertinents, ce que semblent être ceux que la loi a fixés, ils permettront d'être équitable tout en prenant en compte les différentes situations.
Il ne faut pas négliger la dimension sociale. C'est d'ailleurs ce que préconise le plan Licence. Dans la mesure où les étudiants ayant obtenu leur baccalauréat avec au moins un an de retard sont les plus exposés à l'échec, la FAGE considère que ce critère pourrait être retenu dans la fixation de la part variable.
Nous ne pensons pas que le contrat doive devenir l'unique mode de relation entre l'État et les universités. Il faut un équilibre entre la part fixe et la part variable, cette dernière relevant, à nos yeux, du contrat. Certes, le montant correspondant au contrat peut être amené à augmenter, mais cela doit se faire sans diminution de la part fixe.
Il paraît difficile de simplifier des contrats dont chaque ligne est dûment pesée. La complexité est inévitable, peut-être même nécessaire, sans diluer pour autant les objectifs stratégiques des universités.
Il nous semble que la DGES n'a pas les moyens humains nécessaires pour suivre dans le détail les contrats de toutes les universités, de même qu'elle n'a pas les capacités pour utiliser tous les résultats de l'évaluation réalisée jusqu'à présent. L'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur – l'AERES – vient de se mettre en place. Nous espérons que ce système, actuellement en rodage, permettra une meilleure complémentarité avec la DGES.
S'agissant de la période contractuelle, le principal grief des présidents d'université était qu'il leur arrivait de devoir appliquer durant l'intégralité de leur mandat un contrat décidé par leur prédécesseur. Maintenant que le mandat des présidents est de quatre ans renouvelables, il leur est loisible de mettre en place un projet stratégique. L'idéal serait que le contrat quadriennal débute à la fin de la première année du mandat du président. Ainsi, celui-ci finirait d'accomplir le mandat de son prédécesseur et négocierait le nouveau contrat durant la première année, les trois années suivantes étant consacrées à l'application de ce contrat, avec la perspective de renouveler son mandat au bout de cette période. Bien que les élections aux conseils d'université aient été synchronisées, il semble difficile d'étendre cette synchronisation aux contrats puisque la DGES, je l'ai dit, est dans l'impossibilité d'en assurer le suivi.
Je vous remercie pour cette intervention synthétique et précise, qui sera certainement très utile à nos Rapporteurs.