Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Pierre-Henri Gourgeon, directeur général d'Air France.
Monsieur le directeur général, je suis très heureux que nous puissions vous entendre pour la première fois devant notre commission. Les sujets intéressant le groupe Air France ne manquent pas dans l'actualité, et je souhaiterais que nous livriez tout d'abord vos analyses sur la situation du groupe, puisqu'au 31 mars vous avez annoncé des pertes avoisinant 1,3 milliards d'euros. Comment les expliquez-vous ? Quelles mesures avez-vous prises pour remédier à la situation, en matière d'économies internes mais aussi de politique commerciale ? Quelles sont les perspectives d'évolution de la situation du groupe pour 2010, corrélativement avec l'évolution du trafic aérien mondial ?
Pouvez-vous ensuite revenir sur les conséquences de l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll, en particulier sur les conséquences économiques et financières directes du blocage du trafic aérien sur la compagnie Air France ? Des dispositions particulières ont-elles été adoptées en faveur des clients du groupe ? Tirez-vous de cette catastrophe naturelle des enseignements utiles pour l'avenir en matière de prise de décision, au niveau national et européen, de l'interdiction des vols dans le ciel européen ?
Je suis très heureux, en compagnie de M. Philippe Calavia, directeur général adjoint en charge des finances, de M. Alain Bassil, directeur général adjoint en charge des questions industrielles, et de M. Yorik Pelhate, conseiller pour les affaires publiques, d'évoquer avec vous l'ensemble de ces sujets.
Le premier d'entre eux est, vous l'avez noté, la situation du groupe. Il y a une semaine, la présentation des comptes définitifs pour l'exercice 2009-2010, clos au 31 mars 2010, a fait ressortir une perte d'exploitation de 1,285 milliard d'euros. Quant à notre chiffre d'affaires, il a connu sur la même période une contraction de 15 %, soit environ 3,7 milliards d'euros, qui l'a fait passer à presque 24 à 21 milliards d'euros.
Ces chiffres s'expliquent d'abord par la crise économique majeure qui a frappé l'économie mondiale dès le quatrième trimestre de 2008, et qui a concerné l'industrie du transport aérien au début de 2009. Les producteurs de biens matériels ont procédé à un déstockage massif, conduisant à une baisse du niveau général des stocks et à un effondrement du fret aérien, qui s'est traduit par une baisse du chiffre d'affaires du groupe tiré de l'activité cargo de l'ordre de 40 % sur une année, dont 20 % liée à la chute du trafic et 20 % à une baisse de tarifs dans un environnement concurrentiel, ce qui est évidemment considérable. On a vu, notamment dans les liaisons de l'Europe vers l'Asie, des opérateurs offrir le transport gratuit – en ne faisant payer à leurs clients que la surcharge ou les taxes d'aéroports – car les entreprises européennes n'exportaient quasiment plus ! La première place du groupe au plan mondial sur ce segment de marché, due à l'importance historique de l'activité cargo au sein de KLM, particularité renforcée par le rachat de la compagnie hollandaise Martinair dont l'activité cargo est prédominante, a amplifié les effets de cette baisse brutale. Cela a occasionné une perte de 0,35 milliard d'euros sur la même période, pour un chiffre d'affaires de 2,5 milliard d'euros.
Un autre phénomène a touché l'autre pan de notre activité - le transport de voyageurs - impactée d'abord par le tassement du tourisme puis par la baisse de fréquentation des voyageurs « professionnels ». En effet, les gestionnaires des transports en entreprise ont réduit le nombre de déplacement de leurs salariés et ont également, afin de diminuer les coûts, procédé à de nombreux déclassements sur les trajets effectués sur moyens et même sur longs courriers. Or ce que nous appelons les « places avant » ont ceci de caractéristique que, si elles ne représentent qu'une part minime des sièges dans les avions, elles génèrent une part importante des revenus des compagnies aériennes.
Un autre élément déterminant a été l'effet de levier induit par les mécanismes de couverture du risque lié à la fluctuation du cours des hydrocarbures : ceux-ci, en raison de la baisse du prix moyen du baril, ont généré 637 millions d'euros de pertes, soit la moitié de nos pertes d'exploitation. Ces mécanismes, assis sur des bases de long terme, ont donné des résultats excellents dans les années 2003-2008, mais se sont révélés pénalisants dans un contexte de plongée des cours du brut, jusqu'à 35 ou 40 dollars le baril, alors que les positions avaient été acquises sur la base d'un prix de 80 dollars. Nos principaux concurrents, Lufthansa ou British Airways, n'ont pas souffert de la même façon de leurs couvertures pétrolières mais chacun pour une raison différente : Lufthansa a en effet opportunément tiré avantage de la faillite de Lehman Brothers pour dénouer les positions qu'elle avait prises, tandis que British Airways avait adopté des couvertures à bien plus court terme que les nôtres.
Pour conclure sur la situation du groupe, et si l'on fait abstraction des couvertures pétrolières, nos performances sont comparables à celles de ses principaux concurrents et elles connaissent depuis six mois une légère reprise. Le deuxième trimestre 2010 conforte cette évolution, y compris pour l'activité cargo qui a perdu 100 millions d'euros de moins qu'au deuxième trimestre 2009, et dont le redressement est donc amorcé. Par rapport à nos concurrents, nous bénéficions de recettes unitaires en augmentation, ce qui valide a posteriori la stratégie de réduction sensible de l'activité - de l'ordre de 5 % - alors que Lufthansa se situait dans une baisse comprise entre 1 et 2 %, et British Airways entre 3 et 4 %. Pour avoir une appréciation objective aujourd'hui, il faut regarder notre situation bilancielle : notre ratio endettement (6 milliards) sur fonds propres (6,5 milliards d'euros) est inférieur à 1, ce qui correspond à l'objectif que nous nous étions d'ailleurs fixés en 2004 lors de la fusion avec KLM. Un autre élément comptable a joué en notre faveur, il s'agit de notre participation dans Amadeus, société de distribution et de réservation de billets d'avion, dont Air France possédait 25 %, part qui a été ramenée à 15 % après l'introduction très récente en bourse de cette société. Cette participation a été valorisée à 1 milliard d'euros, 200 millions d'euros ayant été versés en numéraire au groupe au moment de ladite introduction.
Pour compléter ce tableau, un mot très rapide sur l'endettement du groupe. Contrairement à nous, nos concurrents, mais également notre partenaire KLM, ont construit le système de retraite de leurs salariés, non par répartition mais par capitalisation, ce qui a pour conséquence que les performances de leurs fonds de retraite ont un impact direct sur leurs comptes. Or ces performances ont connu des évolutions assez contrastées : le fonds de pension de KLM, grâce à la qualité de sa gestion, a enregistré un excédent de 1,3 milliard d'euros, qui se défalque de la dette nette, alors que celui de British Airways a connu sur la même période un déficit de l'ordre de 3,5 à 4 milliards, celui de Lufthansa étant également déficitaire pour un montant de 2,7 milliards.
Au-delà de la situation du groupe, il me paraît important d'analyser l'évolution actuelle de l'industrie du transport aérien. Comme je l'ai indiqué, celle-ci a été marquée, dès la fin de l'année 2008 et surtout à partir du début de 2009, par un ralentissement plus marqué que celui de l'activité économique globale, ce qui a contracté de 15 % notre chiffre d'affaires. Or un phénomène inverse se produit aujourd'hui : en raison de la fin du déstockage par les entreprises et de la relance de la production qui cherche à répondre à une demande plus soutenue, le transport aérien bénéficie d'un surcroît d'activité par rapport à la moyenne des autres secteurs économiques. Il faut, par exemple, que des produits comme l'I-Pad de la firme Apple soient livrés en temps et en heure dans différents endroits du monde, et ces produits à forte valeur ajoutée technologique sont transportés par avion. Notre activité cargo profite donc de cette reprise, mais elle bénéficie aussi de l'effort considérable fait pour adapter notre offre dédiée au fret, qui ne représente plus, même si nous restons le premier opérateur mondial, que 15 % du chiffre d'affaires. L'activité passagers, pour laquelle nous avons également adapté les capacités, connaît une évolution très encourageante sur le plan commercial car les tarifs sont redevenus rémunérateurs.
Le groupe est attaché à un dialogue social vivant et attentif, l'emploi des ressources restant en toute hypothèse une priorité. Air France et KLM ont pu en concertation constante conduire une évolution vers la réduction de leur dimensionnement, due à la crise et aux évolutions technologiques dans un consensus de grande qualité avec les organisations professionnelles. L'ensemble des 74 300 collaborateurs du groupe ont été mobilisés sur un programme de réduction des coûts, et leur implication a donné un résultat extrêmement probant, compte tenu de l'importance des charges fixes dans notre activité. En effet, cette réduction – de plus de 8 % sur l'exercice qui vient de prendre fin – a été supérieure, hors carburants, à la diminution de 6,5 % de l'activité elle même, ce qui correspond à une réduction du coût unitaire de l'ordre de 1,4 % sur la période. Cette situation nous place, du point de vue de la rentabilité, sous les auspices les plus favorables pour recueillir les fruits d'une véritable relance du transport aérien dont j'ai esquissé les prémices. L'année 2010 devrait être meilleure, le groupe se fixant pour objectif de ne pas enregistrer de pertes, hormis l'effet potentiel des anciennes « couvertures carburants ».
La situation d'Air France a été évidemment très affectée par la perte du vol Rio de Janeiro Paris le 1er juin 2009. La journée du 1er juin 2010 a été pour Air France l'occasion d'un recueillement et d'une manifestation de solidarité avec les proches des victimes. De cette catastrophe historique, au caractère exceptionnel, Air France tire une mobilisation active de l'ensemble des personnels pour une amélioration permanente de la sécurité aérienne.
L'éruption du volcan islandais est venue aggraver la situation, entraînant une interruption des vols pendant quatre à cinq jours : 10 000 vols ont été annulés par le groupe Air France – KLM, dont 7 000 par Air France et 3 000 par KLM. Ce sont près de 700 000 passagers prévus sur des vols Air France qui ont été bloqués, alors même que le contexte météorologique était favorable. Cette catastrophe est inattendue car les compagnies n'ont pas l'habitude des éruptions volcaniques dans l'hémisphère Nord. Elle a aussi offert l'occasion d'une vraie coopération entre Air France et les autorités françaises. Une dizaine d'organismes de météorologie ont été affectés il y a quelques années à la surveillance des volcans, les organismes européens se consacrant au Nord de l'Europe, le système français étant compétent pour les volcans du continent.
Les cendres volcaniques sont dangereuses pour les vols, comme on l'a observé déjà dans le passé, car elles peuvent causer aux moteurs des dommages matériels importants. Les règles de sécurité imposent que les trajets des avions évitent les nuages de cendres. On a observé une forme de malentendu, le système de contrôle britannique indiquant des périmètres au-delà desquels les cendres étaient indétectables, alors même qu'en réalité les avions auraient pu voler. Tous les contrôles aériens se sont donc arrêtés, en chaîne. Quelle est en définitive la nature du danger? Compte tenu des incertitudes sur la nature de ce danger en raison de l'absence d'instruments de mesure fiables, il semble qu'il se soit agi plus d'un « risque de danger » que d'un danger à proprement parler.
Agissant en coopération avec la Direction générale de l'aviation civile, Air France a proposé très rapidement des vols-tests sans passagers, ce qui a conduit à partir du 4ème jour à la définition par le Premier ministre, sans attendre de décision au niveau européen, de corridors validés par l'aviation civile.
La leçon qu'Air France est tentée de tirer de cette expérience est l'intérêt de la prudence, du pragmatisme, de la confiance faite aux opérateurs, l'expérience valant mieux que tous les modèles mathématiques.
Pour les compagnies aériennes et le secteur du transport aérien, l'éruption du volcan islandais s'est traduite par des pertes financières estimées à un milliard de dollars, la perte étant de 180 millions d'euros pour Air France. Certains économistes ont évalué les conséquences globales, directes et indirectes, de cette catastrophe à environ 5 milliards de dollars pour l'ensemble du monde.
Il faut observer que, le 9 mai dernier, de nouvelles difficultés sont survenues ; 1 200 vols ont pu néanmoins s'effectuer sans que l'on relève une trace dans les moteurs.
Si la couverture carburant a fortement pesé sur les derniers comptes annuels d'Air France, quel est son bilan financier sur plusieurs années ? Quelle est la concurrence des compagnies low costs sur le secteur du moyen courrier ? Les politiques commerciales que vous avez menées dans ce domaine – classe économique premium, offre tarifaire Neo – sont-elles efficaces ? Quels sont vos programmes d'investissements dans la flotte du groupe Air-FranceKLM ?
Le plan Challenge 2012 implique la réduction des coûts de 12 millions d'euros et la suppression de 3600 emplois en deux ans : pourriez-vous nous donner plus d'informations sur les modalités de mise en oeuvre de ce plan ? En outre, quelles sont les relations entre votre groupe et China Eastern ?
La construction d'un nouveau terminal S4 par ADP alors que les perspectives d'évolutions du trafic ne sont pas bonnes vous parait-elle être une bonne option ? Par ailleurs, est-il justifié qu'ADP augmente ses redevances pour financer cette construction en pleine période de crise ?
La presse a donné des informations contradictoires s'agissant de la stratégie du groupe à l'égard d'Alitalia : est-on dans la perspective d'un hub à Rome ou à Milan ?
Quelle politique est mise en oeuvre pour faire face à la concurrence des compagnies low costs sur les vols moyen et long courriers ? La stratégie commerciale va-t-elle évoluer pour faire face à la désaffection de la clientèle d'affaires ?
Comment l'acquisition de Transavia s'insère-t-elle dans la stratégie du groupe pour contrer la concurrence des low costs sur le court et le moyen courrier ?
Dans le domaine du fret, la compagnie s'oriente vers une baisse du nombre des avions cargos, deux nouveaux avions devant être supprimés en 2013. Alors qu'un tiers seulement du fret est désormais acheminé par des avions cargos – le reste l'étant dans les soutes des avions à passagers – la stratégie de la compagnie consiste-t-elle à abandonner progressivement ces avions cargos ?
Dans le domaine social, quelles seront, selon vous, les évolutions de la représentativité syndicale liée au vote de la loin° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, à la mise en place de la nouvelle offre tarifaire Neo et aux plans de réduction du personnel ? Le dernier accord avec le personnel reposant sur l'absence de modification salariale et de licenciements, un nouvel accord devra-t-il être conclu ? Quelles conséquences aura-t-il éventuellement en matière salariale ?
Quelle est la situation du comité central d'entreprise d'Air France après les difficultés de gestion dont il a été fait état dans la presse ?
Les cockpits de l'Airbus étant assemblés dans ma circonscription, je souhaiterais savoir si l'évolution du cours de l'euro, qui tend à se rapprocher de celui du dollar, a une incidence sur les résultats du groupe ?
Lors du dernier sommet France-Afrique, l'importance du programme AIDA (Assistance, investissement et développement en Afrique) a été rappelée par de nombreux acteurs : quelles sont vos intentions dans ce domaine ?
Le bilan de la couverture carburant a été positif de 3,3 milliards d'euros entre 2004 et 2008 ; il a été négatif de 0,6 milliard en 2009 et sera de 0,3 ou 0,4 milliard en 2010 : le bilan global est donc positif d'environ 2,3 milliards. Cet argent n'est pas immédiatement disponible mais il a été réinvesti dans la flotte du groupe, qui est désormais la plus jeune en Europe pour le long courrier (8,9 ans).
A titre l'exemple, l'âge moyen de la flotte de British Airways étant de 13,5 ans, il lui faudrait investir 4 à 5 milliards d'euros pour avoir une flotte aussi jeune que la nôtre, ce qui est totalement impossible. Ce réel avantage nous permet de réduire temporairement nos programmes d'investissement dans ce domaine, ce qui n'empêchera pas les livraisons déjà prévues d'A 380 et de Boeing 777. L'objectif général est de contrôler notre dette dans un monde instable.
Par ailleurs, notre intention n'a jamais été d'arrêter les avions cargos. Sur les vols court et moyen courrier, il n'y a plus de fret depuis longtemps au profit du camion. Pour le long courrier, notre flotte d'avions cargos devrait passer de 25 à 14 appareils car cela correspond à la demande existante ; nous resterons ainsi le plus gros opérateur de fret aérien au monde avec 160 destinations desservies.
Nous coopérons parfaitement avec ADP après des périodes plus difficiles. ADP a marqué sa compréhension de la crise que les compagnies aériennes traversent en stabilisant les redevances cette année et en envisageant une évolution modérée dans les années qui viennent.
Par ailleurs, notre compagnie a besoin du nouveau terminal qui pourrait être mis en service en 2012 lorsque la croissance du trafic aérien repartira. Il est donc fondamental d'investir maintenant.
S'agissant de la gestion du personnel, depuis le début de la crise en septembre 2008 et la fin de l'exercice fiscal actuel en mars 2011, nous aurons réduit nos effectifs de 10% (de 114 000 à 104 000 employés), chiffre qui inclut les intérimaires et les personnes en contrat à durée déterminée. Avec mon homologue de KLM, nous souhaitons que cette évolution soit menée avec l'assentiment du personnel, accompagnée par un ensemble de mesures favorisant la mobilité voire les reconversions professionnelles lorsque les métiers tendent à disparaître. A titre d'exemple, la mise en place de la billetterie électronique contraint les employés des agences de vente à changer de métier car il y aura nécessairement moins de personnel dans ces agences : certains d'entre eux se sont déjà reconvertis dans des centres d'appels, par exemple à Lyon, voire dans la peinture des avions.
Ce consensus social n'a pas été acquis à n'importe quel prix. Au reste, l'intérêt économique le commande aussi car, dans une activité de service telle que la nôtre, il importe que le personnel qui se trouve en contact direct avec la clientèle – soit la moitié de notre effectif – garde l'esprit assez dégagé pour assurer la meilleure prestation possible. Cependant, on ne peut pas toujours éviter les conflits, même s'ils sont très dommageables dans le secteur des services. Nos concurrents de la Lufthansa et de British Airways en ont fait l'amère expérience !
Au bilan, nous avons mené ces opérations de redimensionnement des effectifs du groupe beaucoup plus vite qu'avec un programme de départs non volontaires, voire de licenciements.
Transavia constitue bien un élément cohérent de notre stratégie face au développement des compagnies low cost et nous permet de proposer une offre attrayante sur nombre de destinations, en partenariat avec des tour-opérateurs et de grandes entreprises de loisirs comme le Club Med.
Je ne m'étendrai pas sur les questions liées au Comité central d'entreprise, ne serait-ce que parce que les comités d'entreprise constituent des entités économiques autonomes de l'entreprise elle-même…
Les sommes en jeu sont moindres que celles citées par M. Paternotte et je rappelle que des accords historiques stipulent que nous consacrions 3% de la masse salariale aux activités sociales de l'entreprise. Notre objectif est d'éviter les situations difficiles de sorte que le personnel ne soit pas perturbé. Des commissaires aux comptes ont été nommés, les responsables des comités d'entreprise ont pris des mesures et la situation se redresse.
S'agissant de la réforme de la représentativité syndicale introduite par la loi de décembre dernier, nous n'en mesurerons les pleins effets que lors des élections de l'année prochaine, les élections professionnelles ayant lieu tous les quatre ans.
Je cède la parole à Philippe Calavia pour répondre sur l'eurodollar.
S'agissant de la parité euro dollar, je dirais que l'on ne peut pas être frappés de tous les malheurs du monde ! Alors que les fluctuations des cours du pétrole ont des répercussions qui se chiffrent en plusieurs centaines de millions, celles relatives aux cours respectifs de l'euro et du dollar ne représentent que quelques dizaines de millions. Bien entendu, cela n'est pas négligeable mais, si la dépréciation de l'euro par rapport au dollar a un impact globalement négatif, le choc est amorti par le fait qu'elle peut aussi nous profiter au plan commercial, notamment sur les marchés hors de la zone euro. Jusqu'à 1,40 euro pour un dollar, nous sommes protégés ; or nous en sommes aujourd'hui à 1,20 euro pour un dollar. La parité eurodollar est un souci, mais de second ordre par rapport aux variations des prix des carburants.
S'agissant des alliances, je confirme que la situation difficile d'Alitalia ne remet pas en cause notre coopération. Nos accords comportent des clauses capitalistiques à cinq ans sur lesquelles nous ne revenons pas. Les malentendus qui ont circulé sont sans doute dus à une mauvaise interprétation des journalistes italiens.
Au vrai, je suis un peu responsable du dernier « incident diplomatique » car mes déclarations sur l'évolution de notre participation à long terme ont été mal comprises : j'ai dit qu'à terme, nous aurions 0% du capital ou plus de 50%... Dans l'immédiat, la situation est figée pour les cinq ans à venir.
Toujours dans le domaine des alliances, l'adhésion de China Eastern à l'alliance SkyTeam nous permet de franchir un pas très important dans la mesure où il s'agit d'une très grosse compagnie. Grâce à l'alliance que nous avons déjà conclue avec China Southern, notre présence est bien plus marquée que celle des alliances concurrentes, avec un potentiel de 40% du marché, alors que l'adhésion d'Air China à Star Alliance, de la Lufthansa, n'amène qu'une possibilité de pénétration de 18%. Nous disposons par conséquent d'un élément stratégique fort dont nous entendons tirer profit au cours de la décennie à venir.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le contrat de régulation économique avec ADP ? Vous avez évoqué la modération de la hausse de la redevance pour les cinq prochaines années mais vous n'avez pas parlé de l'abandon de la caisse unique. N'avez-vous pas sacrifié un élément fondamental d'équilibre économique au profit d'un confort financier de court terme ?
Confirmez-vous qu'il y a eu des difficultés techniques avec deux ou trois Airbus A 380 ?
Sur quelles prévisions pétrolières avez-vous bâti votre budget pour cette année ?
La crise du transport aérien ne frappe pas qu'Air France : comment votre groupe résiste-t-il par rapport à ses concurrents ? A-t-il atteint sa taille critique ? D'autres s'en sortent-ils mieux que vous ? Qu'en est-il des pays émergents ? Vos alliances vous aident-elles à emprunter un chemin solide de sortie de crise ?
Quels sont vos efforts en matière de développement durable et comment anticipez-vous l'évolution vers un transport aérien décarboné ?
Quel est l'état du dialogue social dans l'entreprise ? Pouvez-vous indiquer le taux de conflictualité exprimé en nombre de jours de grève par salarié et par an ? Vous avez évoqué un plan de départs volontaires : quelle est la part de salariés seniors dans vos effectifs ?
Vos branches low cost – Transavia et CityJet for Air France – vous permettent-elles de conquérir de nouvelles clientèles ?
Enfin, s'agissant du volcan islandais, considérez-vous au final que l'on est allé trop loin dans l'application du principe de précaution ? Quels enseignements en tirer pour l'avenir ?
Quelles actions menez-vous pour limiter l'impact environnemental de vos activités ? Conduisez-vous des programmes de recherche sur les biocarburants ? Entendez-vous réduire votre impact énergétique au sol ? ADP souhaite porter de 37% à 50% la part de ses véhicules électriques au sol : pensez-vous que cet objectif est tenable et avez-vous connaissance de plans analogues ? Comment éviter le gaspillage d'énergie au sol, lorsque par exemple des autobus tournent au ralenti en attendant les derniers passagers ? Enfin, quel est l'état de votre réflexion sur l'impact énergétique des bâtiments ? Le photovoltaïque, déjà installé dans le bâtiment Eole en Ile-de-France, va-t-il se généraliser ?
Si certains collègues construisent des cockpits d'Airbus dans leur circonscription, nous avons, dans le Gers, la charge du fuselage des A 380 avec Latécoère !
A François-Michel Gonnot et à moi-même, le président Jacob a confié une mission d'information sur les marchés de quotas d'émission de gaz à effet de serre ; nous avons rencontré à cette occasion la direction du climat à la Commission européenne, laquelle nous a sensibilisés sur l'impact de la taxation dans le territoire de l'UE des opérations de décollage et d'atterrissage. Y voyez-vous une forme de distorsion de concurrence dans la mesure où d'autres places dans le monde ne sont pas assujetties à une telle taxation ?
Élu du Vaucluse, je ne peux manquer de vous interroger sur l'impact de la concurrence du TGV pour les dessertes intérieures : quel effet cela a-t-il pour une destination comme Avignon ? S'agissant du fret, mon expérience professionnelle antérieure me pousse à considérer que des liaisons semi routières avions cargoscamions peuvent fonctionner.
Comment Air France ajustera-t-il ses effectifs si l'activité s'améliore de manière significative ? Privilégierez-vous des embauches permanentes ou le recours à des CDD ?
J'aimerais poser deux questions qui concernent des horizons géographiques tout à fait différents.
Ma première interrogation a trait à l'aménagement du territoire national par la couverture en vols de courte distance. Lors de la mise en place des noeuds de correspondance il y a vingt ans, le développement de la liaison ferroviaire entre Paris et Lyon avait conduit Air France à privilégier l'aéroport de Clermont-Ferrand comme centre de second rang. Je constate aujourd'hui un redéploiement vers Lyon Saint-Exupéry. Quel avenir alors pour la plateforme auvergnate alors que le TGV qui reliera Clermont-Ferrand à Paris se fera encore attendre de longues années ?
Je voudrais également savoir si Air France envisage d'instaurer une desserte directe des territoires comoriens et mahorais au départ du territoire national, ou bien si la compagnie s'est définitivement retirée au profit d'Air Austral ? Je rappelle que le kérosène se vend deux fois plus cher à Moroni qu'à Marseille et que la catastrophe aérienne de Yemenia Airlines l'année dernière rend délicats les déplacements de nos nombreux compatriotes qui conservent des liens avec cet archipel.
Je souhaiterais obtenir quelques précisions en ce qui concerne la séquence du volcan islandais. Certains ont parlé d'excès dans l'application du principe de précaution. Quelle est votre position sur ce point ? Envisagez-vous de poursuivre l'autorité publique en responsabilité devant les juridictions ?
J'ai appris par voie de presse que les familles des victimes du vol AF 447 Rio Paris dénoncent un manque de transparence à la suite de la catastrophe. Admettez-vous ce reproche ? Comment est organisée l'indemnisation ?
Pour ce qui concerne Aéroports de Paris, nous voulons nous assurer d'une évolution contrôlée des montants des redevances. Les compagnies aériennes sont en accord sur ce point. Mais ADP estime illogique d'avoir à restituer aux opérateurs la quasi-totalité des sommes collectées.
L'A380 constitue un appareil particulièrement efficace dans notre système de correspondances, c'est-à-dire dans une combinaison de dessertes à moyennes et longues distances qui génère un nombre important de vols vers une même destination. L'exemple de la liaison entre Roissy et New York devrait éclairer la discussion : Air France effectue à l'heure actuelle six rotations journalières ; en réduisant à cinq connexions par jour pour un même nombre de passagers transportés, l'A380 offre un gain commercial annuel de quinze millions d'euros. C'est positif pour l'environnement puisque la consommation de carburant et l'émission de CO2 sont réduites. C'est également une bonne chose pour le passager qui dispose d'une offre plus complète de services et d'un espace plus confortable en cabine. Il faut simplement l'employer sur des routes majeures, les seules qui permettent de faire voler un seul aéronef important à la place de deux appareils classiques. Les avions récupérés peuvent être alors redéployés vers d'autres liaisons ou plus simplement mis au rebut.
Bien sûr, comme toute innovation aéronautique, l'A380 a souffert de quelques dysfonctionnements au cours de ses premières heures de vol. Je tiens à souligner qu'Airbus a toujours été présent pour les corriger dans les meilleures conditions. Les passagers ne nous en ont du reste nullement tenu rigueur tant ils apprécient ce type d'appareil.
L'appareil a été déployé sur la liaison entre Paris et Londres. Ce n'est pas une stratégie commerciale déroutante. Il s'agit simplement de multiplier les vols pour former les équipes navigantes dans les meilleurs délais. Air France pourra à la fin de l'été affecter un A380 dans sa desserte de Tokyo. Nous passerons alors de trois vols par jour à deux, dont celui de la fin de journée qui occupe le dernier créneau horaire disponible de l'aéroport de Narita et qui connaît une demande particulièrement forte : il permet en effet de passer la nuit dans l'avion et d'arriver à Paris en début de journée par le jeu des fuseaux horaires.
De point de vue du développement durable qui intéresse particulièrement cette commission, il est constant que la pollution émise par passager transporté diminue en proportion de leur nombre. Un autobus consomme davantage de carburant qu'un véhicule automobile individuel, mais beaucoup moins que si chaque personne à son bord empruntait une automobile particulière. Le même raisonnement s'applique aux déplacements aériens. En outre, je le répète, la plateforme de Roissy se prête idéalement à l'A380 : elle mêle les moyens et les longs courriers, de sorte que les passagers s'y concentrent et disposent de plusieurs horaires quotidiens pour un même trajet. C'est positif également pour l'aménagement du territoire.
Le moment n'est pas opportun pour instaurer une taxe sur les émissions de carbone. Le secteur aérien a énormément souffert de la récession économique. Je rappelle qu'il est responsable de 2,5% des émissions globales. C'est si peu que les variations de température ont suffi à masquer sa disparition complète au cours de l'éruption du volcan islandais. Pour mémoire, la pollution générée par l'élevage est sept fois plus importante. Nous soutenons le système européen d'échange de quotas carbone, mais nous déplorons que Bruxelles veuille avancer sans considération du monde extérieur. Si les vols de longue distance qui décollent d'Europe et y atterrissent sont taxés, l'Union européenne provoquera un effet d'éviction en faveur des plateformes du Golfe, notamment Dubaï. La sagesse exige que la décision soit prise à l'échelle mondiale afin d'éviter les distorsions de concurrence. Nous disposons d'un avantage géographique puisque nous sommes à équidistance de l'Amérique et de l'Asie, et d'un avantage historique par l'ancienneté de nos implantations. Paris et Londres sont les aéroports les mieux desservis au monde. Il serait aberrant de donner un atout économique à nos concurrents alors même que notre modèle économique et la jeunesse de notre flotte font de nous des exemples en termes de lutte contre la pollution. Nous serions davantage favorables à une taxation sur les vols moyens courriers qui toucheraient tous les opérateurs.
Air France ne compte pas d'unité de recherche spécifiquement dédiée aux biocarburants. La compagnie est cependant disposée à se prêter à toute expérimentation si elle est sollicitée en ce sens.
J'ai été interrogé sur la plateforme de correspondance de Clermont-Ferrand. Nous avons consenti de grands efforts pour la maintenir en activité. Cette stratégie s'est soldée par un échec économique qui nous conduit à réduire notre présence par manque de passagers à transporter. Ryanair avait ouvert une liaison à destination de Londres ; elle s'est retirée pour les mêmes raisons. En outre, nous devons être en mesure de faire face à la concurrence des compagnies à bas prix qui s'installent sur les sites les plus fréquentés.
En ce qui concerne les Comores, une liaison directe ne nous apparaît pas opportune. Le partenariat avec Kenya Airways donne pleinement satisfaction.
J'ai à plusieurs reprise été interrogé sur les suites que nous donnions à l'éruption du volcan islandais et à la fermeture de l'espace aérien décidée par l'autorité publique. Easy Jet envisage des poursuites judiciaires et même une action de groupe. Nous appelons de notre côté les autorités européennes à prendre conscience des conséquences économiques de leur décision. Nous avons même craint un instant que le règlement européen sur le transport aérien nous contraigne à indemniser l'ensemble des passagers bloqués, durant toute la durée d'interdiction des vols, alors que la cessation du trafic n'était en rien de notre fait. Notre procédure de prise en charge fait cependant l'objet d'un accord avec l'association de consommateurs UFC Que choisir.
L'indemnisation des familles de victimes du vol AF447 est prise en charge par les assurances. Il n'y a pas de difficulté de notre point de vue. Un tiers environ des dossiers sont en discussion sur les montants et les modalités. Je crains que d'autres ne cèdent aux sollicitations de cabinets d'avocats anglo-saxons qui promettent des sommes bien supérieures à travers une action en justice. La recherche continue des boites noires a peut-être également conduit certains à attendre d'en savoir plus avant de prendre une décision. Quoi qu'il en soit, je ne comprends pas l'accusation de manque de transparence portée à l'encontre d'Air France : nous publions tous les documents en notre possession sur notre site Internet, nous exécutons immédiatement les mesures de précautions recommandées comme le remplacement de toutes les sondes de vitesse. Je crois plutôt qu'il s'agit d'une légitime impatience des familles de victimes devant les délais de l'enquête et d'une compréhensible frustration face à l'absence de cause identifiée de l'accident aérien.
Enfin, les dernières statistiques dont je dispose font état d'une baisse de la conflictualité des rapports sociaux dans l'entreprise.
Je vous remercie pour cette audition riche en informations et pour les réponses que vous avez apportées aux nombreuses questions des membres de la commission.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 2 juin 2010 à 16 h 15
Présents. - M. Yves Albarello, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Stéphane Demilly, Mme Geneviève Gaillard, M. François-Michel Gonnot, M. Christian Jacob, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, M. Philippe Martin, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Françoise de Salvador, M. Jean-Marie Sermier
Excusés. - M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Jacques Houssin, M. Armand Jung, Mme Conchita Lacuey, M. Christian Patria, M. Christophe Priou