Je vous remercie, madame la ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de participer aux travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle.
Cette mission, qui avait été instituée avant même l'adoption de la LOLF, est issue de la commission des Finances et y sont associés, selon les sujets traités, des rapporteurs qui peuvent être membres d'autres commissions– il s'agit, en l'occurrence, de M. Bernard Derosier, de M. Georges Ginesta et de M. Thierry Mariani, lequel est retenu en ce moment même pour une réunion au ministère de l'Intérieur. La MEC vise à vérifier la bonne utilisation des deniers publics, sans se prononcer sur l'opportunité de telle ou telle politique. Étant composée à parité de membres de la majorité et de l'opposition, elle a par ailleurs une vocation consensuelle que devra refléter le rapport qu'elle rendra.
La MEC, qui a décidé d'examiner le financement des SDIS, a donc souhaité, après quatre matinées d'auditions bien remplies, achever ses travaux par l'audition du ministre compétent.
À mon tour, je vous remercie de votre invitation car répondre aux questions et aux demandes des parlementaires fait partie de la mission confiée à un ministre en démocratie. C'est aussi une façon pour lui de bénéficier d'un regard extérieur qui enrichit la connaissance qu'il a de sa propre administration, et qui lui permet de mieux percevoir ce qui va et ce qui ne va pas. Notre volonté commune, surtout en période difficile, c'est que chaque euro qui nous est confié soit utilisé au mieux pour assurer un service public auquel les Français sont extrêmement attachés.
Il est important, après les auditions des divers acteurs de la sécurité civile, de vous entendre, madame la ministre, car vous assumez la responsabilité politique du dossier. Nous avons vu, année après année, augmenter les moyens consacrés par les collectivités territoriales aux services d'incendie depuis leur départementalisation en août 1996, et nous nous demandons si celle-ci n'a pas entraîné une hausse excessive des dépenses.
Parmi les problèmes que nous essayons de mieux comprendre, figure celui de la gouvernance de ces services, autrement dit leur gestion bicéphale entre l'État et le département, voire tricéphale compte tenu de la place qu'occupent les sapeurs-pompiers, à travers soit leurs organisations syndicales représentatives, soit les directeurs départementaux, c'est-à-dire les colonels. De votre point de vue, peut-on imaginer une clarification des compétences et profiter des réformes en perspective pour simplifier la gestion des SDIS ? En la matière, il y a interférence entre les départements, l'État représenté par les préfets, mais aussi la direction de la Sécurité civile, qui est à l'origine d'un nombre impressionnant de normes et, partant, de coûts supplémentaires sans compensation.
La loi de 2004 a prévu la création de la conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS) et la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) a été installée à la suite du rapport du sénateur Alain Lambert dans le cadre de la RGPP. Mais ces instances permettent-elles réellement de limiter l'inflation des normes et leur incidence financière ?
Je distingue trois points dans votre intervention : premièrement, le constat que l'inflation financière a suivi la départementalisation ; deuxièmement, la gouvernance des SDIS ; troisièmement, les normes.
Sur le premier point, une étude récente menée auprès de douze pays européens qui fonctionnent comme nous sur la base de pompiers à la fois professionnels et volontaires a montré que, si nous sommes les premiers pour la superficie couverte et les deuxièmes pour la population – ces deux critères définissant nos besoins –, nous sommes en revanche au dixième ou au onzième rang pour ce qui est du nombre total de sapeurs-pompiers. Sans nier l'importance des crédits que nous consacrons aux SDIS, nous nous situons aujourd'hui plutôt au bas de l'échelle des coûts, alors que nos besoins sont importants.
Par ailleurs, il est vrai que, juste après la départementalisation, une très forte poussée des dépenses a été observée, qui était due aux besoins de renouvellement des matériels. Mais le rythme de progression se rapproche désormais de l'inflation, et devient plus raisonnable. Ainsi, l'année dernière, les dépenses de personnel ont augmenté de 3,65 % pour une inflation estimée à 2 % des charges des collectivités territoriales.
En somme, nous ne sommes pas les plus dépensiers et nous dépensons de moins en moins.
Ensuite, il faut affiner les critères de comparaison et aller au-delà du nombre d'interventions pour s'attacher aussi à leur qualité puisqu'elles sont de durée différente. Les incendies occupent 25 % du temps global d'intervention alors qu'ils ne représentent que 8 % du nombre des interventions. Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) détaillent ce que l'on attend des sapeurs-pompiers : les délais d'intervention, le maillage territorial et d'autres paramètres entrent en ligne de compte pour évaluer le coût du service. Tout cela pour dire qu'il faut modérer les critiques.
La gouvernance, en revanche, est un vrai problème. Le schéma est des plus complexes alors que nous sommes à un moment de simplification. Celle-ci doit passer par la classification des compétences de chacun. Or certaines compétences ne sont exercées que par l'État, qui s'est vu conférer par la loi le devoir d'assurer le principe républicain de l'égalité des citoyens devant le service public, en vertu duquel tout citoyen, où qu'il soit sur le territoire national, et a fortiori s'il est en situation de détresse, est assuré de recevoir le même service. À ce titre, l'État est garant de la cohérence de la sécurité civile sur le plan national et chargé de certaines missions opérationnelles. Cela passe concrètement par les techniques d'intervention, pour que la qualité des interventions soit la même où qu'elles aient lieu ; par la formation des personnels, ce qui implique un recrutement par concours ; et par les équipements qui doivent répondre aux mêmes normes. Y mettre fin porterait atteinte au principe d'égalité devant le service public.
Quant au président du SDIS, la décentralisation lui a donné la capacité de donner des ordres, mais les événements impliquent aussi parfois l'Intervention d'autres services qui lui échappent, en particulier la gendarmerie ou la police nationale, puisque la sécurisation des zones relève du préfet. Il est indispensable, tout en ménageant une certaine souplesse, de dire qui fait quoi, plutôt que de décider une simplification qui ne répondrait pas aux besoins.
Assurément, les normes sont coûteuses. Et, en tant qu'élue locale, j'ai été l'une des premières à le dire. C'est pourquoi, en arrivant au ministère de l'Intérieur, j'ai mis en place une commission consultative de l'évaluation des normes (CCEN) auprès du comité des finances locales pour que des élus évaluent ce qui se fait et donnent préalablement leur avis sur ce qui se fera. Cette commission contribue à une meilleure maîtrise des dépenses car on ne peut pas accepter de payer les yeux fermés.
Vous m'avez également interrogée sur les interventions des organisations des sapeurs-pompiers. Je ne pense pas qu'il faille le regretter, surtout s'agissant de la fixation des normes. Je suis d'accord, les structures sont nombreuses à intervenir, mais la simplification passe avant tout par la clarification des rôles. Le service public faisant appel à des fonctionnaires, le statut auquel les pompiers qui en dépendent sont attachés s'applique. La direction de la Sécurité civile intervient également en vertu des textes applicables aux sapeurs-pompiers, ce qui est normal. Les syndicats sont consultés, puis la commission consultative de l'évaluation des normes. Il est légitime que nous nous souciions d'impliquer tous ceux qui ont leur mot à dire.
D'une certaine façon, madame la ministre, vous vous en êtes tenue à la langue de bois en vous contentant de décrire le paysage institutionnel tel qu'il est, sans nous éclairer sur vos intentions.
Je ne conteste pas le rôle des syndicats de sapeurs-pompiers, mais les sapeurs-pompiers relèvent en principe de la fonction publique territoriale (CSFPT). Or, bien qu'il existe un conseil supérieur de la fonction publique territoriale, c'est souvent la direction de la Sécurité civile qui discute des questions de statut des sapeurs-pompiers. Pourquoi ne pas les considérer comme des fonctionnaires territoriaux à part entière, plutôt que comme une sorte de quatrième fonction publique ?
Vous l'avez dit vous-même, beaucoup de questions relèvent de la fonction publique territoriale. Je me suis contentée, et c'est mon rôle, de rappeler la loi. Cela étant, je suis à l'écoute de vos propositions.
Si vous souhaitez des évolutions, dites-moi lesquelles et je vous exposerai leurs avantages et leurs inconvénients. Le système n'est pas bancal, il repose sur des partenaires complémentaires. À ceux qui prônent la concentration des pouvoirs dans les mains des SDIS, je rappelle le principe d'égalité devant le service public, et ce qu'il implique en matière de formation de façon à offrir des garanties de qualité des personnels. En dehors de l'hémicycle, avec la Mission d'évaluation et de contrôle, on peut discuter et trouver des solutions, mais à condition de respecter les principes républicains.
Nous nous interrogeons, avant sans doute de vous présenter des propositions, sur les effectifs et l'organisation du temps de travail des sapeurs-pompiers. Depuis dix ans, le nombre des interventions s'est stabilisé autour de 4 millions par an, soit 11 000 interventions par jour environ. Pourtant, l'effectif de sapeurs-pompiers professionnels, hormis les sapeurs-pompiers de Paris et les marins pompiers de Marseille, est passé de 28 000 en 1996 à 38 000 aujourd'hui. De plus, on assiste à une réduction du nombre d'incendies, qui ne représentent que 8 % des interventions – et les incendies de forêt 10 % du total des incendies. Or ce sont ces interventions qui mobilisent les pompiers le plus longtemps. Pourquoi les effectifs se sont-ils accrus ?
Le nombre de jours de garde par personne est passé de 135 jours à 90 jours par an. Autrement dit, un pompier effectue en moyenne 1,5 intervention par jour de présence sur son lieu de travail. Comme une intervention dure en général deux heures vingt, on en déduit qu'il travaille en moyenne trois heures et demie par jour de présence. Peut-on exercer correctement un métier que l'on exerce si peu ? Les pompiers ont répondu implicitement à cette question en demandant davantage de formation. Nous avons plus de quatre-vingts écoles de sapeurs-pompiers sur le territoire, ce qui coûte très cher. Ne faut-il pas changer le régime des gardes de vingt-quatre heures, d'autant que la réglementation européenne risque de nous y obliger si, au-delà de la huitième heure, on doit passer aux heures supplémentaires, ce qui ferait exploser les budgets ? Un régime de garde de huit heures assurerait une présence de 200 jours par an, ce qui réglerait le problème de formation complémentaire et réduirait aussi l'investissement car on pourrait alors supprimer des chambres hébergeant les sapeurs-pompiers dans les centres de secours.
En ce qui concerne le taux d'encadrement, on en est à un colonel ou lieutenant-colonel pour soixante-dix sapeurs-pompiers professionnels, très loin derrière l'armée. Et comme les promotions sont entre les mains des intéressés, il y aura en 2009 plus de lieutenants que de capitaines. La départementalisation a paradoxalement entraîné une centralisation à l'échelon départemental et la création de groupements, faisant apparaître un besoin en officiers. Il faudrait sans doute revoir les règles en la matière.
Vous considérez, monsieur Ginesta, que le nombre d'interventions ne justifie pas l'augmentation des effectifs de 28 000 en 1996 à 38 000 aujourd'hui.
Le nombre d'incendies a en effet baissé, et c'est heureux. Le prépositionnement mis en place depuis puis deux ans, qui permet d'intervenir immédiatement en cas de sinistre, contribue à cette baisse, notamment pour les feux de forêt.
Cela dit, d'autres types d'interventions se sont multipliés depuis 1996. Nous devons, par exemple, prendre en compte les risques industriels, le risque NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique). En outre, le domaine du secours aux personnes prend une place de plus en plus grande, non seulement parce que nos concitoyens sont très attachés à ce service, mais aussi en raison de la désertification médicale, en particulier dans certaines zones rurales où les pompiers sont les seuls à pouvoir intervenir.
Vous suggérez que la durée des gardes passe de vingt-quatre heures à huit heures. Permettez-moi de préciser que le régime des gardes est du ressort du président du SDIS et non de l'État. Au demeurant, il n'est pas certain qu'un tel changement permette de réelles économies, car il entraînerait automatiquement une augmentation des effectifs. Il faudrait à tout le moins réaliser une simulation sur des bases réelles.
C'est le cas, madame la ministre, et certains départements ont effectué cette réorganisation.
Bien sûr, puisque cela ne dépend pas de l'État. Mais je ne puis que vous mettre en garde : faites vos calculs auparavant !
Quant à l'Union européenne, elle a accepté pour l'instant de ne pas toucher au système.
M. Ginesta souligne à juste titre l'augmentation des périodes de formation. Il faut d'abord rappeler que la formation est une nécessité pour les personnes qui exercent des métiers à risque car c'est une garantie d'efficacité et, pour elles-mêmes, de sécurité. Néanmoins, certains éléments de formation semblent bien trop lourds. C'est le cas, à l'évidence, pour les volontaires, mais aussi pour les professionnels. C'est pourquoi j'ai demandé que l'on réalise une étude afin d'améliorer la prise en compte des acquis de l'expérience et d'alléger la part d'une formation que les sapeurs-pompiers eux-mêmes n'estiment pas toujours très productive. Il est nécessaire de faire la part entre la formation indispensable et la formation superfétatoire, tout en sachant que l'entraînement reste un élément indispensable.
Le taux d'encadrement peut en effet apparaître élevé, mais je sais d'expérience que les comparaisons ne sont pas pertinentes. Dans l'armée, par exemple, il y a une grande différence entre l'encadrement de troupes basées dans des casernes et celui d'unités réparties sur l'ensemble du territoire. L'important est que le dispositif corresponde aux besoins de compétences. En l'espèce, le taux d'encadrement des SDIS par des officiers est de 10,6 %, contre 15,4 % pour l'armée de terre.
Bref, il s'agit plus d'une question d'application que d'un problème intrinsèque.
Il est évident que les syndicats de sapeurs-pompiers souhaitent maintenir les gardes de vingt-quatre heures, qui ont permis de ramener les cent trente-cinq jours de garde à quatre-vingt-dix et de faire passer les effectifs à 38 000. Comme vous, je doute que la garde de huit heures permette une baisse des effectifs ; elle pourrait à tout le moins stabiliser les choses et permettre une présence sur le lieu de travail 200 jours par an au lieu de 90. Un métier que l'on exerce peu est un métier que l'on exerce mal. Une infirmière passe huit heures par jour à l'hôpital. Son métier, elle l'exerce. Elle n'a donc pas besoin d'un aussi grand nombre de jours de formation. En outre, les quatre-vingts écoles de sapeurs-pompiers réparties sur le territoire représentent une charge importante.
Bien que la réorganisation des gardes soit du ressort des SDIS, il ne nous semble pas impossible que l'État impose les huit heures de garde et les 200 jours de présence par an : une telle disposition serait du domaine législatif et les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires.
C'est bien la première fois que l'État reprendrait une compétence exercée par les départements !
Le bilan actuel n'est pas satisfaisant. Alors que la départementalisation des sapeurs-pompiers devait se faire à budget constant, on a multiplié la dépense initiale par 3,5 !
Je ne le nie pas. La hausse des coûts a eu lieu rapidement après la départementalisation. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui l'évolution se régule et se rapproche de l'inflation. Mais cela ne nous exempte pas de réfléchir ensemble aux moyens de nous assurer de cette stabilisation. On n'a sans doute pas réfléchi à toutes les mutualisations possibles, comme pour ce qui concerne les écoles, qu'on me demande souvent d'inaugurer et dont les départements sont très fiers. Sans doute serait-il plus sage de mettre en place des établissements plus complets offrant des services à plusieurs départements. C'est une recommandation parmi d'autres. On peut assurément faire beaucoup de progrès dans ce qui relève de la pratique et du bon sens.
Cette audition, madame la ministre, nous permettra d'élaborer notre rapport. C'est à ce moment-là que la MEC fera ses propositions, et celle-ci sera attentive à la suite que vous voudrez bien leur donner.
J'en viens à la coordination entre les SDIS, les SAMU et les ambulanciers privés.
Les interventions des sapeurs-pompiers concernent le secours aux personnes et l'aide aux victimes à hauteur de 65 %. Le fonctionnement se fait désormais selon un référentiel commun élaboré au cours de l'été dernier, qui fixe notamment « les conditions des départs réflexes des moyens des SDIS avant régulation médicale ». Or il apparaît que l'application de ce référentiel entraîne un transfert de compétences des SAMU vers les SDIS, et donc une charge nouvelle à financer pour ces derniers. Des conventions entre ces deux services publics existent, mais un quart des départements n'en sont pas pourvus et seulement quinze se sont dotés d'une plateforme commune « 15-18 ». Le médecin régulateur, lorsqu'il reçoit un appel, désigne quasi automatiquement les sapeurs-pompiers pour le transport des personnes. Dans ces conditions, à quoi cette régulation médicale sert-elle ?
Par ailleurs, certaines dispositions de ce référentiel, comme le partage entre les missions des SDIS et des SAMU, nous semblent relever de la loi.
Le référentiel définit également les missions des infirmiers sapeurs-pompiers, lesquels, théoriquement, devraient soigner les sapeurs-pompiers eux-mêmes. Or ces personnels sont amenés à effectuer des actes médicaux qui se situent parfois au-delà de leurs compétences – soins d'urgence, prise en charge de la douleur, notamment.
Enfin, alors que les SDIS doivent assurer de plus en plus de transports de victimes, de nombreux ambulanciers privés assurent des astreintes auprès des hôpitaux et sont rémunérés à cet effet. Pourquoi ne fait-on pas davantage appel à eux ? On constate aussi que les SDIS doivent parfois aller au contentieux contre les agences régionales de l'hospitalisation pour se voir rembourser leurs interventions – à hauteur de 105 euros chacune, alors que le coût estimé se situe entre 260 et 1 130 euros ! Le Gouvernement a-t-il l'intention d'aligner l'indemnisation des SDIS, par exemple sur la rémunération des interventions des ambulanciers privés ?
En prenant mes fonctions, j'ai trouvé une situation très dégradée. Les accusations réciproques entre les SDIS et les SAMU trouvaient un large écho dans les médias. Chacun reprochait à l'autre de défendre son périmètre d'intervention au détriment du secours apporté aux victimes. Et il est vrai que, dans deux ou trois cas, des personnes avaient eu à subir les conséquences de retards dus à cette situation : le service contacté avait d'abord cherché, dans un large rayon géographique, quels pouvaient être les collègues disponibles avant de renoncer et d'avoir recours à l'« autre » service. C'était une situation impossible. Les invectives et les accusations entamaient l'image de l'un et de l'autre. Avec Mme Roselyne Bachelot, la première chose que j'ai faite a été de réunir autour d'une même table tous ces gens qui ne voulaient plus se serrer la main.
Il n'était pas question de changer les périmètres d'intervention, mais d'améliorer l'organisation moyennant un gentlemen's agreement – c'est la base du référentiel – qui donne la priorité aux besoins de la victime.
La notion de « départ réflexe » ne s'entend que lorsque le régulateur médical perçoit une détresse vitale. L'idée est inspirée de ce que j'avais constaté, dans mes fonctions de ministre de la Défense, à la caserne Champerret.
Pour ce qui est des charges nouvelles, les prestations des SDIS au bénéfice des SAMU donnent désormais lieu à un remboursement. C'était aussi une manière de calmer le jeu. Dans le cadre de la loi portant réforme de l'hôpital, le sénateur Éric Doligé a déposé un amendement visant à rendre ces remboursements obligatoires. J'ai soutenu cet amendement et il a été voté. Nous devrions donc assister à une amélioration.
Vous indiquiez, monsieur Derosier, que seulement quinze départements sont pourvus d'une plateforme commune « 15-18 ». À ma connaissance, le dispositif est en train de se généraliser.
Par ailleurs, il me semble que les infirmiers que vous évoquez sont les infirmiers sapeurs-pompiers volontaires.
Il faut prendre en compte l'existant. Les infirmiers qui ont souscrit un engagement auprès des SDIS sont environ 4 500. Ils participent aux missions de secours d'urgence telles qu'elles sont définies par le code général des collectivités territoriales, dans un total respect des dispositions du code de la santé.
Quant aux ambulanciers, les craintes qu'ils ont exprimées ne me semblent pas fondées. Le protocole d'accord qu'ils ont passé avec le SAMU et que le ministre de la Santé a signé devrait les rassurer. À mon avis, le problème se posera surtout, à l'avenir, avec les taxis.
Le référentiel compte cinq pages consacrées aux infirmiers sapeurs-pompiers. Alors que, à l'origine, ces infirmiers étaient supposés ne s'occuper que des personnels des sapeurs-pompiers, ils se voient désormais confier un rôle d'infirmiers relevant de la fonction publique hospitalière. Cette extension de mission entraîne des frais pour les SDIS.
Je partage votre analyse mais il faut prendre en considération le besoin. Les infirmiers sont des professionnels capables d'effectuer des gestes que les sapeurs-pompiers ne sont pas forcément à même de faire. Il y a eu de longues discussions sur la possibilité de réaliser certains gestes destinés à maintenir la victime en vie avant l'intervention du médecin.
Les sapeurs-pompiers, qu'ils soient infirmiers ou non, n'ont pas de mission médicale, contrairement aux médecins et aux infirmiers du SAMU.
Mais que peuvent-ils faire lorsque, dans le cadre du secours à la personne, ils prennent en charge une personne victime d'un malaise grave ? Faut-il attendre l'arrivée du médecin, même si celui-ci doit parcourir quatre-vingts kilomètres ?
Je le répète, les missions des sapeurs-pompiers ont changé. Si la part des secours aux personnes a augmenté, c'est en partie à cause d'une certaine désertification médicale. Le SAMU est basé dans la ville la plus proche, mais celle-ci peut être très éloignée !
Cela signifie-t-il que, pour le Gouvernement, les SDIS soient appelés à remplir des missions médicales en cas de carence ?
Il faut une véritable réflexion sur ce point. Mon ministère y travaille actuellement et nous en parlerons avec les élus. À mon sens, il existe des façons nouvelles de rendre le service public qui est dû aux citoyens mais que, pour de multiples raisons, on ne peut plus exercer comme on le faisait il y a cinquante ans. Que faire lorsque plus aucun médecin n'accepte de s'installer dans une zone rurale ? C'est un des problèmes majeurs auxquels notre société aura à répondre dans les années qui viennent.
Certes, les missions ont évolué, mais n'oublions pas non plus la tendance naturelle de tout service public à s'approprier des missions qui ne relèvent pas de ses compétences. À titre d'exemple, les sapeurs-pompiers de mon département ont exprimé une forte revendication pour assurer le secours en montagne auparavant assuré par les gendarmes. Or leur coût d'intervention est le triple de celui des gendarmes !
Je ne conteste pas cette tendance. Nous devons leur faire comprendre qu'ils remplissent des missions très importantes et qu'ils n'ont pas besoin, pour exister, d'empiéter sur celles des autres – à moins qu'on ne puisse mieux les remplir.
Est-il logique qu'un service public facture la prestation de transport de victime ? C'est faire payer le contribuable deux fois : il paie le salaire des sapeurs-pompiers, qui sont des fonctionnaires, et il paie le prix acquitté par l'assurance maladie pour cette prestation. C'est un peu comme si l'on demandait à la victime d'un vol de verser des honoraires au commissariat qui a arrêté le voleur !
Je suis d'accord. Cela étant, quand un service public assume une tâche à la place d'un autre service public, il ne me paraît pas choquant qu'il demande à celui-ci de prendre en charge la dépense.
Lorsque le SDIS intervient à la place du SAMU, il me paraît normal que le SAMU rembourse le SDIS.
Lorsque les directeurs d'hôpitaux lancent des appels d'offres, les SDIS proposent toujours de meilleurs prix que le privé puisqu'ils sont rémunérés deux fois. Et, la plupart du temps, ce sont eux qui l'emportent. Or, s'ils n'intervenaient pas pour les hôpitaux, on en serait à bien moins de 140 interventions par an. Une clarification est nécessaire. Si ce sont les sapeurs-pompiers qui interviennent pour le compte des hôpitaux, il faut supprimer les ambulances d'astreinte, qui perçoivent 330 euros par nuit sans bouger !
L'ambulance est dans l'enceinte de l'hôpital alors que les sapeurs-pompiers peuvent répondre à des situations qui exigent une grande réactivité.
Je ne le conteste pas, mais je maintiens que l'on fait payer les Français deux fois pour la même prestation.
…dont je vous ai dit qu'ils étaient limités à l'urgence…
Certes, mais les appels sont adressés le plus souvent aux sapeurs-pompiers. Il importe de clarifier cette situation, de même que celle des SAMU qui, ne pouvant envoyer un ambulancier, demandent aux sapeurs-pompiers d'assurer le transport des personnes.
Une dernière question, pour terminer. Faut-il fiscaliser les SDIS, c'est-à-dire faire apparaître leur coût sur la feuille des impôts locaux ? Les Français verraient alors ce que cela leur coûte, le budget serait discuté chaque année et la dépense – aujourd'hui de l'ordre de 80 euros par habitant – ne serait plus masquée.
Je partage votre préoccupation quant à la maîtrise des dépenses publiques et la transparence. Je plaide en faveur de la responsabilité des collectivités territoriales dans la détermination des impôts.
Cela étant, on ne peut ignorer le principe légal de l'universalité budgétaire. Tant que les SDIS seront financés par l'impôt, l'approche ne pourra être que globale. Cela n'empêchera pas d'indiquer le coût de ce service sur la feuille d'impôt, comme cela se fait déjà pour l'enlèvement des ordures ménagères. Ce serait une façon de responsabiliser les Français, qui ont parfois tendance à considérer exclusivement leur droit à tel ou tel service sans en envisager le coût.