La commission a entendu M. Olivier Appert, président-directeur général de l'Institut français du pétrole.
Monsieur le président, je dois vous préciser à titre liminaire que la nomination de M. Didier Migaud à la présidence de la Cour des comptes a conduit le groupe socialiste à se réunir ce matin à onze heures pour désigner son candidat à la présidence de la commission des finances. Aucun député socialiste ne siège donc depuis onze heures dans aucune des commissions de l'Assemblée nationale. M. François Brottes m'a demandé de s'en excuser auprès de vous.
Je vous remercie d'être présent aujourd'hui devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale pour nous faire part de vos réflexions sur les technologies du futur dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement.
Je rappelle que vous assurez la présidence de l'Institut français du pétrole (IFP) depuis avril 2003 et que vous êtes candidat à un troisième mandat de cinq ans. Aussi ma première question portera-t-elle sur le bilan que vous pouvez retirer de vos deux premiers mandats.
Le coût de l'énergie devrait connaître une hausse continue d'ici 2030 et même au-delà, du fait de la croissance de la consommation, de l'épuisement prochain des ressources fossiles et de la contrainte climatique. Dans ce contexte, quelle stratégie préconisez-vous pour permettre l'adaptation du système énergétique français ?
Par ailleurs, quel regard portez-vous sur le marché français du raffinage, alors que les industriels souffrent de surcapacités et d'un effondrement de leurs marges ?
D'une manière générale, quelle part prenez-vous au soutien de l'activité économique et de l'emploi ? En particulier, pouvez-vous nous indiquer les actions que vous menez en matière de création d'entreprises innovantes et d'accompagnement technologique des PME ?
Enfin, alors que nous examinons actuellement le texte portant engagement national pour l'environnement (dit « Grenelle II »), pouvez-vous nous préciser où en sont vos recherches sur la maîtrise et le stockage du CO2, la diversification des sources de carburants ainsi que le développement des véhicules hybrides et électriques ?
Merci, monsieur le Président. J'ai choisi de faire une présentation au moyen de graphiques que je commenterai. L'objectif de mon intervention est de présenter un tableau général de la situation et des perspectives énergétiques et environnementales, tant sur le plan national qu'international. Au terme de l'audition, je répondrai aux questions que vous m'avez posées concernant le marché du raffinage et les actions en faveur de la création d'emploi.
L'énergie est revenue ces dernières années au premier plan des préoccupations. À cette occasion, un certain nombre de questions ont émergé. Les ressources énergétiques sont-elles suffisantes pour satisfaire une demande croissante ? Les enjeux géopolitiques ne font-ils pas peser des risques majeurs sur l'économie mondiale ? La lutte contre le changement climatique ne modifie-t-elle pas fondamentalement la donne ? Ce sont d'ailleurs des thèmes centraux du Grenelle de l'Environnement.
Dans mon intervention préliminaire, je vous ferai part de trois convictions profondes. En premier lieu, les défis liés à l'énergie et à l'environnement sont considérables. En deuxième lieu, il est indispensable de s'engager dès maintenant dans une transition vers un système énergétique durable moins carboné. Enfin, la technologie apportera une partie des solutions à ces défis.
L'IFP est pleinement mobilisé pour contribuer à cette transition énergétique. Il a su évoluer pour s'adapter aux évolutions du contexte de l'énergie et de l'environnement. En tant qu'organisme de recherche appliquée et de formation, au service d'enjeux sociétaux majeurs - l'énergie, les transports et l'environnement -, nous développons les nouvelles technologies de l'énergie indispensables pour parvenir à un système énergétique durable. C'est dans ce cadre que s'inscrit le projet de changement de nom de l'IFP, comme l'a indiqué le Président de la République en juin dernier. Nous en discutons actuellement avec nos ministères de tutelle.
Trois défis majeurs nous attendent. En premier lieu, la demande d'énergie va continuer à croître, tirée par la croissance de la population et l'élévation du niveau de vie des pays émergents. En deuxième lieu, l'énergie est responsable des deux tiers des émissions de CO2. On ne peut donc plus parler d'énergie sans parler d'environnement, et réciproquement. En troisième lieu, aujourd'hui et pendant des décennies encore, les énergies fossiles continueront à représenter 80 % de l'approvisionnement énergétique mondial. Or, par nature, ces énergies – le charbon, le gaz et le pétrole - ne sont pas renouvelables. Cela pose à l'évidence la question du caractère durable du système énergétique actuel.
Le graphique n° 3 présente les perspectives énergétiques qui font consensus parmi les experts. Dans son scénario énergétique pour 2030, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) indique que la demande d'énergie devrait croître à un rythme de 1,5 % par an en moyenne de 2007 à 2030, ce qui représente une augmentation de la demande d'énergie de l'ordre de 70 % entre 2000 et 2030. Les énergies fossiles couvrent à elles seules les trois quarts de la hausse de la demande, de sorte que la part des énergies fossiles, même si elle baisse quelque peu entre 2000 et 2030, représente toujours à cette échéance 80 % de la consommation énergétique mondiale. Le pétrole reste l'énergie dominante dans les secteurs des transports et de la pétrochimie, pour lesquels il n'y a pas de substitut immédiat.
L'ensemble de la croissance de la demande de pétrole vient des pays hors OCDE. L'AIE anticipe en effet une baisse de la consommation de pétrole des pays de l'OCDE d'ici 2030. La consommation de charbon connaît, en valeur absolue, la croissance la plus importante, parmi l'ensemble des autres énergies. Les énergies renouvelables et la biomasse, hors hydroélectricité, n'augmentent quant à elles, en part de la consommation totale d'énergie, que de 11 % aujourd'hui à 12 % en 2030.
Satisfaire la croissance de la demande et garantir l'offre implique des investissements considérables, qui représentent, selon l'AIE, plus de 1 000 milliards de dollars par an, soit environ 1,4 % du PIB mondial.
La demande d'énergie mondiale est tirée par l'augmentation de la population et par le dynamisme des pays émergents. Le graphique n° 4 montre l'évolution de la géopolitique de la demande. La Chine et l'Inde représentent 51 % de l'accroissement de la demande entre 2007 et 2030. Il convient de noter aussi la forte croissance de la demande dans les pays du Moyen-Orient.
Par voie de conséquence, les pays en développement, qui représentaient 27 % de la consommation d'énergie mondiale en 1980, devraient en représenter 57 % en 2030. Malgré cette croissance très importante de la consommation d'énergie dans les pays en développement, il faut se rappeler qu'environ 1,5 milliard d'habitants n'ont pas accès à l'électricité aujourd'hui, chiffre qui ne devrait pas diminuer sensiblement dans les années à venir.
Ce scénario de l'AIE soulève deux questions majeures. En premier lieu, les réserves d'énergie fossiles seront-elles suffisantes pour satisfaire une demande croissante ? En deuxième lieu, ce scénario est-il compatible avec les contraintes environnementales ?
Le graphique n° 5 montre l'évolution des réserves de pétrole et de gaz. On voit que ces réserves n'ont cessé d'augmenter et que la consommation d'hydrocarbures a été plus que compensée par la découverte ou la réévaluation des gisements. Comment expliquer ce phénomène ? Un gisement de pétrole s'apparente à une éponge gorgée d'eau. La pression subie par l'éponge correspond au prix du pétrole et au niveau de la technologie. Les réserves prouvées de pétrole et de gaz atteignent aujourd'hui un montant respectif équivalent à 40 ans et à 60 ans de consommation au rythme actuel. On est donc loin de la fin du pétrole et du gaz que certains annonçaient. Cependant, des défis importants nous attendent sur le plan géopolitique, qui ont pour origine l'inégale répartition des ressources pétrolières et gazières.
Le graphique n° 6 représente une carte du monde sur laquelle la superficie de chaque pays est proportionnelle à l'importance de ses réserves en pétrole. Elle illustre parfaitement l'anomalie géologique du Moyen-Orient. Les réserves détenues par les pays de l'OPEP représentent entre les deux tiers et les trois quarts de l'ensemble des réserves mondiales.
Le même phénomène peut être constaté à propos du gaz, qui n'est pas aussi bien réparti qu'on a pu le dire. En effet, les deux tiers des réserves de gaz se situent dans un croissant compris entre le 50ème et le 70ème méridien, en particulier en Russie, en Iran et au Qatar.
Cette inégale répartition des réserves pétrolières et gazières renforce les inquiétudes que l'on peut nourrir en ce qui concerne la sécurité d'approvisionnement et l'ampleur des investissements à réaliser. Les pays producteurs auront-ils intérêt à investir suffisamment et à temps pour satisfaire la demande mondiale ?
Le deuxième défi que soulèvent ces projections de l'AIE concerne l'émission des gaz à effet de serre. Le graphique n° 8 illustre les émissions résultant du scénario de référence de l'AIE. Les émissions de CO2, loin de se stabiliser, progresseraient de 45 %, passant de 29 milliards de tonnes en 2006 à 40 milliards de tonnes en 2030. Environ 97 % de l'augmentation de ces émissions viendraient des pays hors OCDE. La Chine, l'Inde et le Moyen-Orient contribueraient aux trois quarts de cette augmentation. Les villes des pays hors OCDE représenteraient la moitié des émissions totales de CO2 en 2030. La mise en oeuvre des politiques d'ores et déjà actées dans les pays de l'OCDE permettrait de faire plafonner en 2020 le niveau des émissions qui, après cette date, diminueraient.
Ce scénario de l'AIE apparaît donc inacceptable, car il est incohérent avec les engagements pris au niveau international. Mais il représente l'évolution prévisible des choses si des changements drastiques ne sont pas mis en oeuvre.
Le graphique n° 9 illustre un scénario alternatif élaboré par l'AIE, visant à limiter la hausse des températures à 2 degrés celsius d'ici 2030 : c'est le scénario dit « 450 ppm », correspondant à la concentration maximale de CO2 acceptable. Ce scénario ne serait réalisable que par la mise en oeuvre d'une combinaison d'investissements menés de manière très volontariste. Dans ce scénario, les émissions plafonneraient en 2020 à 30,7 milliards de tonnes, puis diminueraient.
Le graphique montre que l'efficacité énergétique constitue le principal contributeur de la réduction des émissions, essentiellement dans le domaine des transports. Les énergies renouvelables, les biocarburants et le nucléaire jouent également un rôle. Par ailleurs, la technique du captage et du stockage du CO2 (dite « CCS ») commence à émerger.
Ce scénario a un coût considérable, puisqu'il conduit à augmenter les investissements de 50 % par rapport au scénario de référence.
Pour assurer la transition énergétique, il est nécessaire d'aller plus loin. Il faut viser à l'échéance 2050 un facteur 2 de réduction des gaz à effet de serre au niveau mondial, ce qui se traduit par un facteur 4 pour les pays de l'OCDE.
Le graphique n° 10 correspond à une autre étude de l'AIE, à laquelle je souscris pleinement. Cette étude désigne les technologies qui permettraient de parvenir à ce facteur 2 au plan mondial d'ici 2050 (Blue Map scenario) par rapport à la prolongation des tendances actuelles (Baseline).
À cet égard, l'amélioration de l'efficacité énergétique permet de réaliser plus du tiers du chemin. Par ailleurs, la conversion vers des énergies moins carbonées – par exemple, la substitution du charbon ou du fuel par du gaz – permettrait de réduire les émissions de CO2 d'environ 20 %. Enfin, les énergies renouvelables et le nucléaire contribueraient respectivement à hauteur de 21 % et de 6 % à la réduction des émissions. Quant au CCS, il pourrait y contribuer à hauteur de 20 %.
C'est un défi majeur, qui nécessitera un effort technologique très important et imposera la mobilisation d'investissements considérables.
Je souhaiterais maintenant évoquer rapidement les diverses technologies disponibles. Le graphique n° 11 présente les résultats d'une étude conduite par l'Union européenne, à laquelle l'IFP a été associé. Il indique l'ensemble des technologies qui devront être mises en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés en termes d'énergie et d'environnement.
Cette étude démontre qu'il n'y a pas de solution unique. Il faut faire appel sans exclusive à un ensemble de technologies. Mais toutes les technologies n'ont pas le même potentiel et n'ont pas atteint la même maturité. C'est ce qu'illustre ce graphique. La surface de chaque cercle donne une idée du potentiel de chaque technologie. Certaines sont disponibles dès maintenant, d'autres le seront seulement à moyen et à long terme. Certaines peuvent être déployées sans difficulté, d'autres se heurtent à des obstacles plus importants. La partie gauche de l'image concerne l'existant, la partie droite, le futur. La partie basse concerne les technologies aisées à mettre en oeuvre ; la partie haute indique celles d'entre elles qui sont susceptibles de poser des difficultés, notamment en termes d'acceptation par l'opinion publique. La surface de chaque cercle illustre le potentiel de chaque technologie.
Je vais commenter rapidement chaque technologie. En premier lieu, l'efficacité énergétique des bâtiments ne suscite pas de difficultés particulières, dans la mesure où les technologies existent et où il n'y a pas de contraintes spécifiques en matière de déploiement. S'agissant de l'éolien, les technologies onshore sont disponibles mais se heurtent à une certaine forme d'opposition de l'opinion publique dans certains pays. En revanche, le développement potentiel de l'éolien offshore suscite moins d'opposition, mais engendre des coûts supérieurs, et nécessite des développements technologiques sur lesquels l'IFP est impliqué, en essayant d'adapter les solutions développées dans le domaine de l'offshore pétrolier.
La fission nucléaire est une technologie disponible, qui se heurte également à des questions d'acceptabilité, et se décline sous la forme de centrales de deuxième, de troisième, et à l'avenir, de quatrième génération.
L'efficacité énergétique dans les transports est un enjeu majeur, pour lequel nous investissons beaucoup à l'IFP. Les moyens mis en oeuvre en la matière sont l'amélioration des technologies existantes, mais aussi le développement de nouvelles motorisations. L'électrification des transports, dont le véhicule électrique ne représente qu'une partie, se développe dans de multiples domaines. Ainsi, les véhicules comportent un nombre croissant d'équipements électroniques propres à diminuer la consommation comme l'illustrent, par exemple, les nouveaux dispositifs de contrôles commande. Par ailleurs, nous croyons beaucoup au développement des véhicules hybrides, qui se déclinent sous de multiples formes, encore à développer.
L'efficacité énergétique dans l'industrie implique le développement de nouveaux processus de production. Nous y contribuons par le développement de procédés chimiques.
Le solaire sous toutes ses formes – thermique, photovoltaïque et à concentration – demeure coûteux. Il convient donc de mettre au point des solutions plus économiques, singulièrement dans le domaine du photovoltaïque.
L'utilisation de la biomasse fait l'objet de travaux depuis de nombreuses années, notamment en ce qui concerne les utilisations non liées aux transports, telles la cogénération de grande taille utilisant de la biomasse, ou l'amélioration des rendements de la production électrique issue de la biomasse.
Les biocarburants, quant à eux, font l'objet d'un débat. Je voudrais vous faire part de ma conviction profonde en la matière. La première génération a su trouver sa place avec l'éthanol et le biodiesel, qui demeurent dans l'immédiat les premiers et seuls substituts au pétrole dans le domaine des transports. Par ailleurs, leur bilan énergétique et environnemental est positif, mais il existe un risque de concurrence avec l'agriculture alimentaire. Sous cette restriction, j'estime entre 5 et 7 % le potentiel de substitution des biocarburants de première génération aux produits pétroliers.
La deuxième génération de biocarburants prendra le relais. Elle concerne la production à partir de matières premières non alimentaires, dites lignocellulosiques, telles que le bois ou les déchets de bois. C'est un domaine qui est en cours de démonstration. L'IFP a en effet lancé avec divers partenaires deux projets de démonstrateurs de grande taille sur chacune des deux filières biochimique et thermochimique : Futurol et Bionext. L'échéance est le milieu de la décennie 2010. La troisième génération de biocarburants, qui demeure à l'état d'études en laboratoire, consiste en la production de biomasse à partir d'algues. Elle promet un fort rendement à l'hectare mais demeure incertaine en ce qui concerne la maîtrise de la production d'algues et le bilan énergétique global.
Je vais à présent aborder la question du captage et du stockage du CO2 (« CCS »), sur laquelle vous m'avez interrogé, monsieur le Président. Le principe consiste en premier lieu à capter les émissions de CO2 là où elles sont le plus concentrées, c'est-à-dire dans les grands sites industriels – tels que les cimenteries, les raffineries et les usines chimiques – et les centrales thermiques – au charbon ou au gaz. Il faut ensuite les transporter vers des sites de stockage géologique profond, à 1 500 ou 2 000 mètres. Les technologies sont parfaitement maîtrisées par l'industrie pétrolière, qu'il s'agisse du captage du CO2, du transport du gaz acide ou du stockage souterrain. Mais deux défis demeurent. D'une part, son coût est trop élevé par rapport au prix du CO2 sur le marché de l'échange des émissions. D'autre part, il convient de faire accepter cette technologie par l'opinion publique, en établissant la preuve de son innocuité. Ce sujet fait l'objet d'une mobilisation forte au niveau européen et plusieurs démonstrateurs sont envisagés dans le cadre du plan européen de sortie de crise.
La transition énergétique va ouvrir des marchés considérables au niveau mondial. Il est indispensable d'en faire bénéficier notre économie. En effet, la croissance verte est un moyen de sortir de la crise. Ma conviction est que la France est bien placée dans cette compétition pour développer ces technologies et créer des emplois.
Pour ce faire, les organismes de recherche publics ont mis en place une instance de coordination pour améliorer l'efficacité de leurs travaux. Il s'agit de l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (dite « ANCRE »). Ses membres fondateurs sont le CEA, le CNRS et l'IFP. Les membres associés sont les universités, les grandes écoles et tous les organismes de recherche et développement impliqués dans le secteur énergétique. J'en assume la présidence pour deux ans.
Les travaux de l'ANCRE se placent dans le cadre de la stratégie nationale décidée par les pouvoirs publics. Par ailleurs, une coordination a été mise en place avec les agences de financement – l'ADEME, l'ANR et OSEO –, afin que l'on puisse les éclairer préalablement au lancement d'appels d'offres. Enfin, ont été créés des groupes de travail, dits « groupes programmatiques », qui regroupent des experts émanant d'organismes publics de recherche et de développement, ainsi que des entreprises. Le lien entre les organismes publics et les entreprises est assuré par l'intermédiaire des pôles de compétitivité, dont une vingtaine sont concernés par l'énergie.
Comme vous pouvez le constater sur le graphique n° 13, cinq groupes programmatiques consacrés aux sources d'énergie ont été créés, qui ont pour thème respectif la biomasse, les énergies fossiles et géothermiques, l'énergie nucléaire, les énergies solaires et les énergies marines, hydrauliques et éoliennes. Trois groupes programmatiques sur les usages ont été institués, qui ont pour thèmes les transports, les bâtiments, et l'industrie et l'agriculture. Enfin, un groupe transverse se consacre à la prospective énergétique, à l'analyse économique et environnementale – notamment à travers les cycles de vie – et à des thèmes transversaux tels que le stockage de l'énergie. Les objectifs poursuivis par ces groupes sont multiples. En premier lieu, ils ont pour objet de dresser la cartographie des compétences existantes et, pour chaque domaine, d'indiquer quelles sont les voies optimales à suivre sur les plans technique, économique et environnemental. Il s'agit également d'identifier les verrous scientifiques, techniques et sociétaux au développement des technologies. Enfin, il conviendra d'arrêter des feuilles de route et de proposer une programmation scientifique aux pouvoirs publics, aux agences de financement et aux pôles de compétitivité.
En conclusion, les défis existants en termes d'énergie et d'environnement sont considérables, et il n'existe pas de solution unique en la matière. L'approvisionnement en énergie de façon durable au milieu du XXIème siècle représente un défi majeur. Cela suppose de s'engager au plus tôt dans une transition vers un système énergétique moins carboné, permettant pour autant d'assurer une croissance économique suffisante pour une population en accroissement.
Cette transition nécessitera un changement de comportement des consommateurs et la mise en oeuvre de nouvelles technologies, tant au niveau de l'offre que de la demande d'énergie. Je suis convaincu que notre pays est bien placé pour bénéficier des opportunités de cette croissance verte. Le potentiel de création d'activités et d'emplois est important. Il faut en tirer le plus grand profit en assurant une coordination optimale des efforts de recherche et de développement publics et privés.
Merci, monsieur le Président. Je dois préciser que l'IFP compte plus de 1 700 salariés, dont 650 à Lyon et plus de 1 000 à Rueil-Malmaison. Je salue votre détermination à vous engager vers les nouvelles technologies de l'énergie. En effet, en 2009, 47 % du total de vos investissements en matière de recherche et développement ont concerné ces nouvelles technologies. C'est dire votre détermination en la matière. Par ailleurs, vous détenez un portefeuille de 13 518 brevets vivants, ce qui fait de vous l'un des 12 premiers déposants en France. Vous avez également publié 226 articles dans les revues scientifiques internationales. Sur la scène internationale, l'IFP porte haut les couleurs de la France. C'est extrêmement important et je souhaitais vous en remercier.
Je crois en effet qu'il serait souhaitable que l'IFP change de nom. Ce serait plus conforme à son activité actuelle. À ce propos, j'ai eu la chance de me rendre sur le site de Lyon et je dois dire que cela s'est avéré passionnant.
J'aurais cinq questions à vous poser, monsieur le Président. Premièrement, vous n'évoquez pas du tout, dans votre document, les enjeux représentés par l'Arctique. Il semblerait que l'on puisse y trouver 30 % des ressources fossiles. À votre sens, faut-il les exploiter ou faut-il à l'inverse en interdire l'exploitation, comme c'est le cas actuellement au Pôle sud ?
Deuxièmement, quelles sont les conséquences de l'exploitation du gaz issu des schistes aux États-Unis ? En effet, cela a bouleversé les équilibres et a conduit, notamment, à une baisse du prix du gaz. Le marché du gaz naturel liquéfié en subit aujourd'hui les conséquences. Quel impact cela peut-il avoir en matière d'environnement ?
Troisièmement, le maintien des prix du pétrole et du gaz à leur niveau actuel vous paraît-il pertinent ?
Quatrièmement, y a-t-il un avenir pour le thermique à flammes ? Je pense en particulier au charbon. Il y a des réserves importantes. On maîtrise bien la technologie. Dans ce contexte, la réponse apportée par la capture et le stockage du CO2 peut-elle être mise en place rapidement ?
Enfin, tout cela n'annonce-t-il pas une augmentation extrêmement importante des coûts de l'énergie, tant pour les particuliers que pour l'industrie, quel que soit le continent concerné ?
En 2008, vous aviez annoncé que le prix du pétrole, bien qu'étant à un niveau très élevé, allait continuer à augmenter. J'avais fait part de votre commentaire sur mon blog. Puis le cours du baril s'est effondré, passant de 140 à 40 $ en deux mois ! Est-on en mesure aujourd'hui de mieux prévoir les évolutions du marché ? Avez-vous tiré les leçons du brusque retournement de 2008 ?
Par ailleurs, je suis frappé par le caractère explosif de la géopolitique des produits carbonés, notamment du fait de la montée des tensions entre le monde occidental et le monde islamique. En dehors même des enjeux portés par le Grenelle, je crois qu'il est urgent de se retirer de cette région du monde. Partagez-vous cette analyse ? Par ailleurs, vous avez dit quelque chose de très important : la géopolitique du gaz n'est pas si différente de celle du pétrole. À cet égard, pouvez-nous adresser des recommandations en ce qui concerne le bouquet énergétique français ?
Je vous remercie pour cette présentation très complète du secteur énergétique. J'appelle également de mes voeux un changement de la dénomination de votre institut. Par ailleurs, je souhaiterais souligner la qualité de la formation que vous dispensez, qui constitue un précieux atout pour l'économie française.
Vous avez bien présenté les différents scénarios concernant le niveau des émissions de CO2. Ainsi, d'ici 2030, les émissions de gaz à effet de serre devraient augmenter de 2 % par an. Peut-on limiter cet accroissement à 1,5, voire à 1 % ? L'impact sur l'environnement de telles variations serait en effet considérable.
Deuxièmement, comme vous l'avez rappelé, les réserves de pétrole et de gaz permettront de couvrir, respectivement, une période de 40 ans et de 60 ans de consommation, ce qui est un horizon très proche. À cet égard, vous avez évoqué les réserves qui pourraient être trouvées dans les schistes bitumineux du Canada. Je m'interroge également sur le potentiel en pétrole et en gaz que pourrait recéler la région arctique.
Troisièmement, en ce qui concerne les énergies du futur, pourquoi ne pas accorder une plus grande importance à l'action des vagues ? Par ailleurs, vous n'avez pas beaucoup parlé de l'hydrogène. Quelle pourrait être son utilité en matière de transports automobiles, voire aériens ?
Quatrièmement, en ce qui concerne les pourcentages énergétiques, même si la croissance en produits énergétiques est limitée à 1 % par an d'ici 2050, un graphique montre que, à cette date, l'énergie nucléaire ne contribuera que pour 6 % à l'ensemble des économies d'énergie au plan mondial. Dans ces conditions, je ne vois pas comment, si ce n'est par une rupture technologique, il sera possible de répondre à la demande énergétique, même d'un niveau modéré.
Cinquièmement, l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE) est une initiative remarquable qui dispose d'un fort potentiel. Je serai attentif à ses résultats. À cet égard, quelles coopérations avez-vous mises en place avec les pays européens ?
Enfin, j'observe que l'Europe et les États-Unis ont été mis à l'honneur à la conférence de Copenhague, alors que ce sont surtout l'Asie et le Moyen-Orient qui influeront à l'avenir sur la demande de produits énergétiques et l'émission de CO2.
Je pense également qu'il serait opportun de changer le nom de l'IFP. J'aurais quatre questions ou remarques à formuler. Premièrement, selon vous, les pays industrialisés ne diminueront pas leur consommation d'énergie, mais, au mieux, la stabiliseront. C'est également mon sentiment et je pense que le fait de parvenir à une stabilisation constituerait déjà un grand progrès.
S'agissant de l'Arctique, je me demande si nous disposons de vrais éléments pour apprécier son potentiel. J'ai en effet à l'esprit les espoirs déçus de l'exploration en mer d'Iroise, qui s'est avérée coûteuse pour la France.
Troisièmement, je souhaiterais aborder la question de la volatilité des prix et de ses conséquences sur la recherche. Le président de TOTAL affirmait récemment qu'en dessous de 80 $ le baril, il n'était pas rentable d'entreprendre de nouvelles recherches. Ce seuil est-il toujours d'actualité ?
Enfin, qu'en est-il de l'avenir de la cogénération, notamment en France, où l'on a pris beaucoup de retard ? Beaucoup considèrent que les efforts ne sont pas suffisants pour que la filière puisse devenir rentable.
Je souhaiterais tout d'abord indiquer à M. Gaubert que la cogénération représente tout de même la moitié de la contribution rémunérée au service public de l'électricité. On peut d'ailleurs se demander si ce n'est pas excessif.
Deuxièmement, je partage l'étonnement de M. Poignant sur la place que vous accordez au nucléaire dans les sources d'énergie à venir, notamment au regard de certains projets qui se développent dans les pays émergents.
Troisièmement, le charbon ne constitue-t-il pas une ressource sur laquelle il va falloir compter, notamment sous sa forme liquide ?
Quatrièmement, je constate que, lorsqu'il s'agit de réfléchir aux énergies du futur, les certitudes sont très éphémères. Chaque conférence mondiale de l'énergie met en lumière une technologie différente ; ainsi le gaz, la pile à hydrogène ou le nucléaire ont-ils tour à tour été abordés récemment. Ce sont des sujets fort techniques, qui rendent difficile une réflexion d'ensemble sur les technologies les plus opportunes. Je comprends donc que l'on puisse être interrogatif.
En premier lieu, je partage l'étonnement de MM. Poignant et Lenoir sur la place que vous accordez au nucléaire et je pense qu'un éclairage de votre part serait intéressant.
En deuxième lieu, vous avez parlé de la croissance verte. Il me paraît en effet important que notre pays investisse davantage en la matière. Il est peut-être déjà trop tard dans certains domaines, tels l'éolien terrestre. C'est pourquoi il est vital d'encourager les investissements, par exemple en matière d'éolien maritime, afin de bâtir une filière industrielle durable que nous pourrons exporter. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Votre présentation est réaliste mais inquiétante. En effet, on peut constater que, d'ici 2030, la consommation d'énergie des pays émergents reposera entièrement sur les énergies fossiles. C'est annonciateur des difficultés qui nous attendent dans les années à venir. Il convient donc de recourir davantage aux énergies de substitution.
Par ailleurs, j'avais été impressionné, lors d'une visite de vos locaux à Lyon, par les recherches destinées à produire du carburant à partir d'algues.
Enfin, je souhaiterais évoquer la question de l'acceptabilité de la technologie par la société. Je suis en effet inquiet du fait que l'apparition d'une technologie nouvelle suscite mécaniquement un mouvement de contestation. C'est par exemple le cas lors de chaque installation d'une éolienne. Et, pour revenir à la question de M. Poignant, il semble que la source d'énergie la mieux tolérée aujourd'hui soit l'énergie nucléaire. Peut-être aura-t-elle davantage d'importance dans les années à venir.
Je ne reviendrai pas sur les remarques qui ont été faites à propos de l'énergie nucléaire, auxquelles je m'associe complètement. Par ailleurs, lors d'un colloque récent consacré à l'énergie, il a été affirmé que les évolutions erratiques du cours du pétrole durant l'année 2008 s'expliquaient non seulement par des perspectives économiques à 20 ans, mais aussi et surtout par la spéculation. Dans un autre ordre d'idées, au cours du même colloque a été présenté un rapport annonçant une quasi-indépendance énergétique de la France en 2050, qui reposerait sur quelques grands piliers : les économies d'énergie, le nucléaire, les biocarburants et le véhicule électrique. Partagez-vous ces deux analyses ?
Je crois également qu'il serait bienvenu de changer le nom de l'IFP. Par ailleurs, je souhaiterais avoir votre avis sur les possibilités d'exploitation de ressources de petite capacité que l'on pourrait multiplier en différents lieux. On pourrait en effet imaginer des centrales hydroélectriques de petite taille ou des micro-éoliennes, qui alimenteraient un faible nombre d'habitations. Avez-vous réalisé des études en ce sens ?
S'agissant en premier lieu du changement de nom de l'IFP, il faut tenir compte du fait que le nom IFP est une marque connue internationalement. Certains d'entre vous ont fait référence à notre centre de recherche de Lyon. Vous y êtes cordialement invités, ainsi qu'à Rueil-Malmaison, bien entendu, où il y a également beaucoup de choses à voir.
En premier lieu, je précise que l'IFP ne travaille pas spécifiquement sur le thème du nucléaire. Toutefois, j'ai eu l'occasion d'approfondir ce sujet au cours de mes précédentes fonctions au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Je me suis d'ailleurs appuyé dans mon propos sur des documents de l'AIE et de l'Union européenne. Il faut avoir conscience qu'en France, on a une vision du nucléaire extrêmement particulière, qui s'explique par le fait que 80 % de notre électricité provient de cette ressource. Il n'est pas d'autre pays au monde qui atteigne ce chiffre et qui ait été capable de construire en aussi peu de temps autant de centrales nucléaires. Par ailleurs, les projections internationales dans ce domaine prennent en compte certes la construction de nouvelles centrales, qui se comptent sur les doigts des deux mains, mais aussi la fermeture d'autres centrales.
À cet égard, restera-t-il en Allemagne en 2030 une seule centrale en activité ? Pour l'instant, l'Allemagne mène une politique de sortie du nucléaire. Mon sentiment est que cela va changer et que l'Allemagne va suivre l'exemple pragmatique de la Suède, qui a fermé une seule centrale depuis 1979 malgré un scrutin référendaire ayant décidé la sortie du nucléaire. Il n'est d'ailleurs plus tabou aujourd'hui de parler de la construction d'une nouvelle centrale en Suède. Par ailleurs, on voit les difficultés considérables qui freinent la relance du nucléaire aux États-Unis. Des investissements très importants sont mis en oeuvre, mais la déréglementation les rend plus risqués.
Il faut également avoir à l'esprit le fait que le nucléaire ne peut se développer qu'en présence d'une infrastructure garantissant la sécurité des installations. Dès lors, le regain du nucléaire ne peut être envisagé à court terme que dans des pays déjà nucléaires tels que les membres de l'OCDE, la Russie et la Chine.
L'ensemble de ces facteurs explique qu'à l'échéance de 2030, dans le scénario alternatif de l'AIE, la contribution du nucléaire à la réduction des gaz à effet de serre est somme toute relativement faible. Toutefois, ma conviction est que le nucléaire va connaître un regain de vigueur. Profitons du fait que la France dispose de positions fortes en ce domaine.
S'agissant de l'Arctique, je citerai Turgot, qui affirmait que « moins on sait, moins on doute ». De fait, on ne sait pas grand-chose du potentiel de l'Arctique. En tant que scientifique, je ne peux qu'appeler à la prudence, aucun forage n'ayant été réalisé à ce jour. Dans le même ordre d'idées, des débats renaissent actuellement à propos des réserves pétrolières des Falklands. Les perspectives géologiques de ces régions paraissent potentiellement favorables mais doivent être confirmées.
Monsieur Paul, vous avez également évoqué à juste titre la question des ressources en gaz de schiste. Je crois qu'il faut faire preuve d'humilité en matière de prévisions. En effet, les gaz de schiste sont des ressources qui ont longtemps été jugées inexploitables. Mais des progrès technologiques considérables ont été accomplis ces toutes dernières années en matière de forage horizontal et de fracturation, qui ont rendu possible l'utilisation de ces ressources. Les investissements ont été déclenchés par la flambée des prix du gaz aux États-Unis, qui a fait craindre une pénurie. Grâce à la réactivité de l'économie américaine, la production de gaz non conventionnel a ainsi doublé en 3 ans. Le marché américain est aujourd'hui très largement approvisionné, et ce pour plusieurs années. L'impact sur le marché mondial du gaz naturel, ainsi que sur le couplage entre le prix du gaz et le prix du pétrole est considérable, puisque ce surplus de gaz, que personne n'avait envisagé il y a encore trois ans, s'est traduit par une baisse des prix du gaz de 50 % aux États-Unis en 2009. En Europe, une partie de l'approvisionnement en gaz se fait par le biais de contrats indexés sur le prix du pétrole. Ainsi, en 2009, les opérateurs européens avaient la possibilité d'acheter du gaz sur le marché « spot » à 50 % du prix contractuel proposé par la Russie ou la Norvège. Ceci crée des tensions, qui pourraient conduire à une remise en cause de l'indexation des prix du gaz sur les prix du pétrole.
Monsieur Dionis du Séjour, lorsque j'avais fait ces prévisions en 2008 sur le prix du pétrole, j'avais précisé qu'elles ne seraient pas valables en cas de crise économique susceptible de ralentir la croissance. Or, la crise économique nous a tous pris par surprise. Je crois donc qu'il faut rester modeste en ce domaine. Il est toujours difficile de s'exprimer ex ante. J'ajouterai toutefois que la crise économique a laissé inchangés les fondamentaux, à savoir la croissance de la population et des niveaux de vie et le défi lié à l'émission des gaz à effet de serre, ainsi que la dépendance aux énergies fossiles.
Les deux graphiques que j'ai présentés sur ma vision de la géographie du monde attestent par ailleurs, comme cela a été dit, le caractère explosif de la géopolitique des hydrocarbures. Mais la question de savoir s'il faut se retirer de cette zone ou au contraire s'y impliquer relève d'enjeux diplomatiques sur lesquels je ne saurais me prononcer. J'ajouterai que la formation dispensée à l'IFP s'efforce de viser les élites du Moyen-Orient. En effet, l'influence des États-Unis dans cette région s'explique en grande partie par le fait que la totalité des élites locales ont été formées dans les universités américaines. J'essaie de faire en sorte que nous puissions accueillir à Rueil-Malmaison les futures élites pétrolières, qui deviendront par la suite les élites politiques.
S'agissant de l'énergie des vagues, je n'y crois pas beaucoup car, étant marin, je respecte beaucoup la violence de la mer, qu'il me paraît difficile de maîtriser, si ce n'est à longue échéance.
Par faute de temps, je n'ai pas abordé de prime abord la question de l'hydrogène ; je vais à présent vous apporter quelques précisions. L'IFP s'efforce en premier lieu de produire l'hydrogène. En effet, c'est un vecteur énergétique – telle l'électricité - et non une source d'énergie. La meilleure manière de le produire est d'utiliser le gaz naturel, ce qui a pour inconvénient d'engendrer des gaz à effet de serre. Quant à la technique de l'électrolyse à partir de l'électricité nucléaire, elle est dix fois plus coûteuse. Vient ensuite le problème du stockage. Pour stocker 5 kg d'hydrogène, ce qui correspond à environ 25 litres d'essence, il faut un réservoir de 100 kg, alors que pour 50 litres de carburant, quelques kilogrammes suffisent. La priorité aujourd'hui est donc de trouver des modes de production de l'hydrogène sans émission de CO2 ; nous travaillons par exemple à l'IFP à la mise au point d'une technique à base d'éthanol. Par ailleurs, l'utilisation de l'hydrogène met en cause la structure des avions, mais je ne suis pas un spécialiste de cette question.
Monsieur Poignant, vous avez évoqué l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE). Nos travaux ont débuté en septembre 2009. Parmi nos objectifs, figure effectivement la coopération avec d'autres pays européens. Mais je signale qu'il existe d'ores et déjà une structure équivalente à l'échelle européenne – l'Alliance européenne pour la recherche sur l'énergie (EERA).
S'agissant de la volatilité des prix du pétrole, je vous renvoie au rapport remis récemment au Gouvernement par M. Jean-Marie Chevalier, qui formule des recommandations sur les moyens de réduire la volatilité des prix. Le marché pétrolier se caractérise aujourd'hui par un prix bas, mais qui ne peut descendre en dessous d'un certain seuil, en raison des coûts de production. Un chiffre de 60 $ le baril correspond en effet au coût de production du pétrole lourd ou extra lourd au Canada. Il représente donc un plancher en dessous duquel le prix du pétrole ne peut pas descendre durablement.
Les réserves de charbon sont très importantes, notamment en Chine. Ce que je crains, c'est moins un amenuisement des réserves qu'une flambée des prix. En effet, la Chine, qui est le principal consommateur de charbon, est devenue pour la première fois importateur net en 2009. Par ailleurs, je pense que le thermique à flammes a de l'avenir, notamment grâce à la technique de la capture et du stockage du CO2 (CCS).
Le secteur de l'énergie est certes, comme cela a été dit, un secteur influencé par les modes, mais ce n'est pas le seul. Ainsi, au salon de l'automobile, les thèmes dominants ont été, il y a 5 ans, les véhicules à hydrogène, il y a 3 ans, les biocarburants et l'année dernière, les voitures électriques. L'IFP s'efforce de lisser ces évolutions dans le cadre de ses programmes de recherche.
Je suis tout à fait d'accord avec l'analyse de M. Reynier sur les filières industrielles. En effet, je crains fort qu'en matière d'éolien terrestre, la France ne soit irrémédiablement distancée. C'est pourquoi il ne faut pas rater l'étape de l'éolien offshore ; nous travaillons d'ailleurs sur ce sujet avec l'IFREMER et TECHNIP pour voir comment les technologies de l'offshore pétrolier peuvent être mises à profit pour l'éolien offshore.
Monsieur Lejeune, l'acceptabilité des nouvelles technologies est en effet une question de première importance. L'IFP s'efforce de prendre en compte ces préoccupations dès le début des programmes de recherche, pour que nous ne soyons pas pris de court, ce qui a malheureusement été le cas dans le domaine des biocarburants.
Quant à la perspective d'une quasi-indépendance énergétique d'ici 2050, elle paraît plausible dans le domaine de l'électricité. En revanche, dans le domaine des transports, cela supposerait que l'on ait accompli un saut technologique dans le domaine des batteries. En l'état actuel des techniques, je ne vois pas comment on peut approvisionner les transports routiers avec autre chose que des carburants liquides : c'est notamment le cas du grand transport routier.
Madame de La Raudière, les énergies dispersées sont en effet un enjeu important. À cet égard, on constate que certaines ressources n'ont pas été valorisées, en particulier dans le domaine de l'électricité ou de la biomasse, où des progrès importants peuvent être accomplis.
Je répondrai à présent aux questions que vous m'avez posées initialement, monsieur le Président. S'agissant en premier lieu du raffinage, il faut rappeler que la consommation de pétrole dans les pays de l'OCDE va baisser, notamment dans le domaine des transports. Les directives dites « trois fois 20 » donnent clairement le signal de la réduction de la consommation de carburant, qui est le débouché principal des raffineries en Europe. L'ensemble des raffineries sont confrontées à une réduction structurelle de leur marché domestique comme de leur marché d'exportation. En effet, les exportations d'essence vers les États-Unis risquent de se tarir à mesure que les Américains accroîtront leur efficacité en matière de transports. De surcroît, les raffineries exportatrices vont subir la concurrence des investissements réalisés dans les raffineries des pays producteurs et des pays émergents, ce qui va entraîner une surcapacité de raffinage. S'agissant plus spécifiquement du parc automobile français, il se caractérise par une « diésélisation » supérieure à la moyenne européenne, ce qui accentue les déséquilibres au plan national.
S'agissant, en second lieu, de l'emploi et de l'activité économique, qui sont des enjeux fondamentaux, nous valorisons les résultats de nos travaux par le biais de filiales que nous avons créées. Ces filiales ont permis la création d'environ 500 emplois entre 2005 et 2010, dont environ 200 dans le bassin d'Alès, qui connaît des difficultés économiques importantes. De manière générale, je suis convaincu que le rôle d'un établissement public comme l'IFP est de contribuer au développement économique des entreprises. À cette fin, nous menons des activités de coopération avec les PME-PMI, leur offrant l'accès à nos laboratoires ainsi qu'à nos services de brevets. En effet, les PME-PMI ne savent généralement pas protéger les résultats de leurs recherches.
Merci, monsieur le Président. En tout état de cause, eu égard à l'importance des marques, il serait préférable que le sigle IFP demeure, même si sa signification évolue. Je tiens à dire que vous dirigez très brillamment cet institut qui, dans le monde entier, fait honneur à la France. C'est toujours avec beaucoup d'intérêt et d'attention que les membres de la commission vous écoutent. Je tiens solennellement à vous remercier au terme de votre deuxième mandat, en espérant que vous pourrez en accomplir un troisième.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 24 février 2010 à 11 h 15
Présents. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. Jean Gaubert, M. Louis Guédon, Mme Laure de La Raudière, M. Michel Lejeune, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. Franck Reynier, M. Alfred Trassy-Paillogues
Excusés. - M. Gabriel Biancheri, M. Bernard Brochand, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Gérard Hamel, M. Jean-Charles Taugourdeau