La séance est ouverte à quatorze heures.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président
La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, sur les crédits du programme « Fonction publique » (M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis).
Monsieur le Ministre, je vous remercie tout d'abord d'être parvenu à libérer une heure dans votre emploi du temps particulièrement contraint en cette période d'examen du PLF et du PLFSS pour nous présenter les crédits d'un des programmes de la mission « gestion des finances publiques et des ressources humaines » qui ressortit au champ de compétences de la commission des Lois : la fonction publique.
Je voudrais pour ma part rappeler l'attention portée cette année par la commission à ce sujet, avec l'adoption de la loi du 3 août dernier sur la mobilité et les parcours professionnels dans la fonction publique, et alors que nous sommes saisis depuis plus d'un an du projet de loi sur le dialogue social dans la fonction publique, dont je ne doute pas que vous pourrez nous donner des précisions sur son calendrier d'examen.
Je vais maintenant vous laisser la parole, en soulignant que les crédits du programme fonction publique (222 millions d'euros) sont évidemment très loin de retracer l'effort de l'État en la matière et sont quasi-exclusivement consacrés à des actions de formation et d'action sociale.
Je me réjouis de cette occasion qui m'est donnée au delà de la présentation des crédits du programme « Fonction publique » de vous exposer les grandes orientations et les principaux chantiers du Gouvernement en matière de fonction publique pour 2010.
En ce qui concerne le programme « Fonction publique » ; l'année 2010 est largement une année de reconduction des moyens budgétaires que vous avez votés pour 2009. En effet, les crédits demandés en 2010 s'élèvent à 246 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 223 millions d'euros en crédits de paiement (CP). L'action sociale interministérielle représente un peu moins des 23 du programme, le tiers restant étant consacré à la formation des fonctionnaires.
Les moyens de formation (83 M €) demandés pour les instituts régionaux d'administration (IRA) et pour l'École nationale d'administration (ENA) sont stables. Le financement des engagements en matière de diversité et d'égalité des chances devant se trouver à partir de redéploiements. Enfin, ainsi que nous en avions pris l'engagement le contrat d'objectif et de performance de l'ENA sera signé avant la fin de l'année. Je tiens ce document à votre disposition.
Les crédits concernant l'action sociale interministérielle (un peu moins de 140 M €) permettront d'accompagner le fort dynamisme :
- des aides aux familles au travers le chèque vacances et le CESU garde d'enfants ;
- de même que les offres de services collectifs (réservations de logements et réservations de places dans les crèches, mise aux normes des restaurants inter administratifs). Ces dépenses concourent à l'amélioration des conditions de vie des agents et de leurs familles et se traduisent par plus de pouvoir d'achat pour les agents en réduisant leurs charges directes.
J'en viens à la politique du Gouvernement en matière de fonction publique. C'est un levier de modernisation de la fonction publique et qui permet de mieux rémunérer les agents Le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux est un levier d'action essentiel pour maîtriser la masse salariale, améliorer la productivité de l'administration qui n'est pas nécessairement synonyme de dégradation de la qualité du service public et revaloriser les rémunérations des agents publics avec le retour de la moitié des économies réalisées.
En 2010, nous avons comme objectif de ne pas remplacer 34 000 agents. Au total, les effectifs de l'État auront diminué de 100 000 personnes depuis 2007. Les retours catégoriels ont été de 554 millions d'euros en 2009, ils seront de 644 millions d'euros en 2010.
Tous les pays européens se sont engagés dans une voie similaire parfois de façon plus brutale, y compris dans des gouvernements de gauche, comme au Portugal qui a connu entre 2006 et 2009, une réduction de 75 000 emplois dans la fonction publique, soit 10 % des effectifs cumulés de la fonction publique de l'État (FPE) et de la fonction publique territoriale (FPT) portugaises. C'est comme si nous avions supprimé non pas 100 000 emplois mais 250 000 emplois pour la seule fonction publique de l'État et 170 000 emplois pour la fonction publique territoriale, soit plus de 400 000 emplois pour la FPE et la FPT. On est bien loin de ces chiffres en France où l'on réduit certes les effectifs, mais plus doucement.
Mais l'État ne peut être seul à s'appliquer une vraie discipline budgétaire en la matière. La fonction publique territoriale doit aussi s'engager dans une maîtrise des effectifs. Il ne s'agit pas de stigmatiser les collectivités territoriales mais l'effort doit être partagé.
Entre 2000 et 2007, les effectifs physiques des collectivités territoriales ont augmenté de 376 000 personnes (+ 27,5 % sur la période). En neutralisant les transferts (49 200 agents), la croissance nette des effectifs est de 330 000 agents (+ 24 %). Les collectivités ne peuvent pas continuer à augmenter la fiscalité comme elles l'ont fait ces 7 dernières années avec, à la clé, une augmentation de 51 % de leurs dépenses de personnel. La Cour des comptes, dans son rapport public sur la décentralisation, indique que s'il existe un lien général entre la décentralisation et la montée en puissance de la fonction publique territoriale, la progression est particulièrement forte pour des échelons territoriaux qui ne sont pas concernés au premier chef par la décentralisation. Je le disais déjà il y a deux ans au comité des finances locales et cela m'avait valu des remarques !
Dans la fonction publique hospitalière, j'entends trop souvent dire que l'on supprime des effectifs. Or, entre 2000 et 2007, les effectifs ont augmenté de 136 000 personnes (+ 15 % sur la période). Les projets de réductions d'effectifs évoqués ici ou là concernent des établissements qui ont recruté au-delà de leurs capacités budgétaires. Mais ils ne correspondent pas à une tendance nationale, qui est à la hausse. De plus, on ne parle pas assez des hôpitaux qui continuent de recruter, comme le centre hospitalier régional (CHR) de Lille par exemple. On polémique souvent autour de l'idée qu'il y aurait moins de monde dans les hôpitaux, ce qui est faux ! Au total, les recrutements supplémentaires sont allés bien au-delà de la compensation des 35 heures.
Pendant des années, la France n'a pas eu de politique salariale. Tout se réduisait à l'augmentation du point d'indice. Depuis 2 ans, nous en construisons une. Mes principes sont simples :
- aucun fonctionnaire ne perd de pouvoir d'achat ;
- les augmentations ne se fondent plus uniquement sur l'ancienneté ou les progressions automatiques de carrière, mais également sur le mérite ;
- certains métiers doivent être mieux valorisés.
Sur le premier point, la défense du pouvoir d'achat, j'ai créé il y a deux ans la garantie individuelle de pouvoir d'achat (GIPA) qui permet de verser une prime correspondant exactement à la perte de pouvoir d'achat que connaissent certains fonctionnaires (130 000 en 2008).
La rémunération au mérite est un axe majeur de notre politique salariale. Elle participe à la reconnaissance du travail des fonctionnaires, elle permet d'améliorer la qualité du service. Nous la développons sous deux formes :
- individuelle : avec la mise en place d'une prime modulée selon la performance de l'agent : la prime de fonctions et de résultats (PFR) permet de prendre en compte les responsabilités exercées et varie au vu de la performance individuelle de l'agent, comme cela fonctionne dans presque 100 % des entreprises privées ;
- collective : Je souhaite que l'intéressement collectif aux résultats soit instauré dans les services publics d'ici 2010. Il reposera sur des indicateurs de performance lié au management des équipes par objectifs (qualité du service rendu, productivité,…). J'en profite pour saluer la qualité du rapport du député Michel Diefenbacher.
Par ailleurs, nous valorisons aussi les fonctionnaires qui décident de travailler davantage, que ce soit par l'attribution d'heures supplémentaires (280 millions d'euros de supplément de salaires pour les fonctionnaires) que par la monétisation des jours accumulés sur les comptes épargne-temps.
Nous avons également entrepris avec les quatre organisations syndicales signataires du relevé de conclusions relatif aux carrières et aux politiques indemnitaires dans la Fonction publique de février 2008 une reconstruction des grilles des corps de catégorie B, comme nous l'avions déjà fait pour la catégorie C, en regroupant dans un même cadre les corps relevant du « B type » et du « classement indiciaire intermédiaire », ce qui est de nature à favoriser la mobilité. Ces grilles améliorent les perspectives de fin de carrière des agents en relevant le sommet de grille. Le même travail est en cours sur la catégorie A avec les mêmes organisations syndicales signataires.
Enfin, nous consacrons des financements spécifiques à l'amélioration de la condition de certains métiers, grâce au retour catégoriel. Par exemple, dans le secteur de l'Éducation nationale, des primes ont été créées pour les jeunes enseignants, pour les directeurs d'école dans le premier degré, pour les professeurs en lycée professionnel ou pour les proviseurs et de leur adjoint. Les policiers et les agents pénitentiaires bénéficient de plans pluriannuels de revalorisation salariale qui courent jusqu'en 2012.
Enfin, le Gouvernement mène une véritable politique de ressources humaines. Dans un contexte de réformes, la santé et la sécurité au travail et la gestion des contractuels dans la fonction publique sont des sujets essentiels.
Sur la santé au travail, le stress, les conditions de travail nous avons achevé hier une série de réunions avec les organisations syndicales. Nous avons notamment abordé les risques psychosociaux ; un plan sur ce sujet sera établi. Nous devons mettre la fonction publique aux normes du secteur privé, ce qui n'était pas le cas auparavant. J'ai bon espoir que presque toutes les organisations syndicales pourront signer ce plan, car le dialogue sur la question des conditions de travail a été enrichissant. La vision générale des conditions de travail, et non administration par administration, qui en ressortira constituera une grande première pour la fonction publique.
La fusion des corps nous permet d'avancer vers une fonction publique de métiers. La fonction publique territoriale est déjà organisée par cadres d'emplois et la fonction publique hospitalière en fonction des métiers. Nous devons le faire dans la fonction publique de l'État. J'espère donc réduire le nombre de corps, cela dépendra de la qualité des réponses des ministères, qui restent assez réticents à aller dans cette direction. Depuis 2005, nous sommes déjà passés de 685 à 380 corps, mais nous devons intensifier notre effort, tout particulièrement en Catégorie A qui rassemble désormais 60 % des corps, et seulement 48 % des effectifs avec les enseignants et 23 % sans eux.
L'année 2010 sera également marquée par la rénovation du dialogue social. Je vous remercie d'avoir nommé un rapporteur, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, sur le projet de loi relatif au dialogue social. C'est une priorité, même si la date d'inscription au calendrier parlementaire de la traduction législative de cet accord que l'on peut qualifier d'historique n'a pas encore été arrêtée. J'ai bon espoir que cela puisse aboutir d'ici le début de l'année prochaine.
J'aborderai les concours, qui ont été sensiblement rénovés, et je suis à votre disposition pour répondre à des questions sur ce sujet.
Le Gouvernement mène une politique volontariste d'ouverture de la fonction publique à la diversité. J'ai mis en place une classe préparatoire à l'ENA, comme dans les IRA et dans l'ensemble des écoles de la fonction publique d'État. J'espère que la fonction publique hospitalière fera de même. Il me semble important que des jeunes qui n'ont pas forcément le niveau scolaire mais ont le niveau intellectuel puissent intégrer la fonction publique. J'ai inauguré voici quelques jours, la classe préparatoire de l'ENA qui réunit 15 élèves – 11 de sexe féminin et 4 de sexe masculin – qui vont préparer le concours externe : ils bénéficient d'un tutorat et d'une remise à niveau mais passeront le même concours que les autres candidats.
Par ailleurs, la fonction publique continue de progresser en matière de recrutement de handicapés, et conformément aux engagements pris lors de la dernière Conférence Nationale du Handicap, le Gouvernement s'est doté des moyens pour atteindre les 6 % exigés par la loi pour le 31 décembre 2012.
Enfin, j'évoquerai rapidement la fin du classement de sortie de l'ENA. Il me semble préférable que se soient les administrations qui recrutent leurs futurs agents, plutôt que l'inverse ! Sur la base des candidatures des élèves, les employeurs sélectionneront parmi des dossiers anonymes les candidats qu'ils souhaitent recruter. J'espère que cela fluidifiera l'ENA et nous veillerons à éviter tout détournement du système.
Comme ce serait bien d'avoir un secrétaire d'État à la fonction publique !
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à 75 % des questions que j'ai adressées en vue de l'examen du budget de la fonction publique, même si un quart des questions sont restées sans réponse. J'espère que les résultats seront meilleurs l'an prochain.
S'agissant des corps, je remarque qu'un indicateur de performances relatif au nombre de corps de fonctionnaires, qui ne figurait pas dans le projet annuel de performances pour 2009, a été rétabli cette année. Pouvez-vous en indiquer la raison ? Est-ce le signe d'un travail plus approfondi sur le sujet ? Je prends acte de l'intention que vous avez manifestée de poursuivre la réduction du nombre de corps.
Vous avez parlé de l'ENA. Serait-il envisageable de mener une enquête de satisfaction relative à la formation délivrée par l'ENA comme cela avait été fait pour les IRA ? Vous justifiez la suppression de sortie de l'ENA par le fait que l'administration doit choisir ses fonctionnaires, mais avez-vous comme objectif d'assurer une meilleure adéquation entre les compétences des élèves et les postes proposés à l'issue de la scolarité ?
Je souhaiterais également connaître votre sentiment face aux propositions que j'ai formulées dans le cadre d'un rapport d'information sur les formations internationales des agents publics, remis le 8 juillet 2009. Ce rapport appelait notamment à définir une stratégie globale en matière de formations internationales et à mieux valoriser celles-ci au cours de la carrière.
S'agissant de la mise en oeuvre du droit individuel à la formation (DIF), il est dommage que le projet annuel de performances pour 2010 ne prévoie plus d'indicateur, ce qui prive la représentation nationale de moyens de suivre la mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie. Pourquoi cet indicateur a-t-il été abandonné alors que le DIF est un élément important pour la qualité des fonctionnaires ? Les administrations informent-elles bien les agents de l'existence de ce droit et donnent-elles suite aux demandes ou bien privilégient-elles leurs plans de formation ? Je remarque par ailleurs que les dépenses de personnel prévues pour la formation des fonctionnaires sont en baisse de 150 000 euros par rapport à 2009 et de 450 000 euros par rapport à 2008. Un indicateur sur les demandes de formation et les formations délivrées serait utile pour apprécier les réalisations dans ce domaine.
En matière d'action sociale interministérielle, qui est très importante pour les fonctionnaires, l'arrivée à échéance de la convention relative à l'aide ménagère à domicile au 1er avril 2009 s'est traduite par la disparition de cette prestation, ce qui n'est pas satisfaisant pour les fonctionnaires retraités qui en bénéficiaient. Le nombre de bénéficiaires du prêt mobilité était de 249 en 2008 et était estimé à 15 000 pour 2009. Pouvez-vous indiquer quel sera finalement le nombre de bénéficiaires et si vous estimez ce dispositif efficace ? Il serait souhaitable que les projets annuels de performances comprennent davantage d'éléments qualitatifs sur l'action sociale.
Enfin, les suppressions de postes sont devenues l'alpha et l'oméga de votre politique. Cependant, la connaissance de la stratégie globale de l'État en matière de missions de service public exercées par les fonctionnaires est insuffisante. Serait-il possible de disposer d'une information plus précise sur les effectifs et les missions exercées, par exemple au moyen d'un indicateur clair permettant d'apprécier la gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ? Se pose la question des missions que l'État doit continuer ou non à assurer. Par exemple, quels sont les critères objectifs de modernisation liés aux 33 749 suppressions d'emplois annoncées pour 2010 ? Par ailleurs, le Gouvernement déclare que la moitié des économies réalisées seront consacrées à la revalorisation du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Comment cet objectif est-il réalisé aujourd'hui ?
S'agissant de la question posée sur la fusion des corps et les indicateurs qui s'y rapportent, le Gouvernement souhaite poursuivre la politique de réduction du nombre de corps au sein de la fonction publique. Je ne suis, toutefois, pas encore en mesure de vous transmettre des chiffres pour l'année 2009 car il s'agit d'une démarche interministérielle, qui ne relève donc pas du seul ministère chargé de la fonction publique. L'indicateur de performance correspondant avait été supprimé en 2008 mais son rétablissement a été décidé depuis lors. Sur le fond, si la mise en place d'une fonction publique de métiers a pu être légèrement ralentie en raison du contexte d'inquiétude créé par la crise, les fusions de corps seront bien poursuivies à l'avenir. Notre objectif demeure de favoriser l'apparition d'une fonction publique de métiers, fondée sur de véritables filières professionnelles offrant aux agents de meilleures perspectives de carrière et de mobilité.
S'agissant ensuite de la réforme de l'ENA, je suis tout à fait prêt à accepter qu'une enquête de satisfaction soit conduite, comme elle l'a été pour les instituts régionaux d'administration (IRA). La suppression du classement de sortie de l'ENA a été approuvée par les élèves et les réticences proviennent plutôt de grands corps de l'Etat, qui pourraient craindre que le nouveau mode de recrutement ne se caractérise par une moindre sélection. Cette réforme permettra d'affecter les élèves sur un poste adapté au vu de l'ensemble de leur parcours, ce qui sera plus humain et plus subtil que l'application actuelle du seul classement de sortie. Le succès de la démarche suppose que toutes les administrations « jouent le jeu », sans recréer officieusement leurs propres procédures de sélection, afin que la nouvelle politique de recrutement assure l'adéquation entre l'offre et la demande pour ces emplois publics.
S'agissant de la formation internationale des agents publics, je ne dispose malheureusement pas, pour le moment, des éléments requis pour vous répondre.
S'agissant des droits inidividuels à la formation, il faut souligner qu'ils demeurent peu utilisés parce que, depuis le début de l'année 2009, la plupart des agents publics n'ont pas encore pu acquérir les 30 heures requises. Dans ce domaine comme dans les autres, le Gouvernement rétablira bien entendu les indicateurs souhaités par le Parlement, même si l'existence d'un trop grand nombre d'indicateurs est souvent critiquée !
S'agissant des prestations sociales à domicile, la réforme menée par le Gouvernement vise à mieux prendre en compte les besoins réels des agents et a été conduite en concertation avec les organisations syndicales, même si elles n'y ont pas nécessairement adhéré. Pour ces aides comme pour les prestations sociales en général, il faut essayer de raisonner davantage en fonction d'objectifs qualitatifs et pas seulement quantitatifs. Là encore, un travail pourra être engagé avec votre Commission pour définir des indicateurs pertinents.
Je voudrais vous dire, enfin, qu'il est très abusif de résumer la politique du Gouvernement à l'égard de la fonction publique aux seules suppressions de postes. Le non renouvellement de postes correspondant à la moitié des départs en retraite s'inscrit dans une réflexion plus complexe et plus profonde. Nous constatons que les effectifs de la fonction publique ont beaucoup augmenté ces dernières années et que les nombreux départs en retraite prévus nous offrent une opportunité pour réduire ces effectifs et, ainsi, retrouver des marges de manoeuvre pour mieux rémunérer les fonctionnaires. En outre, des efforts de productivité peuvent encore être accomplis pour que nos services publics délivrent aux usagers un service au moindre coût.
Les modalités de redistribution aux fonctionnaires des économies ainsi réalisées font l'objet de négociations avec les organisations syndicales, qui permettent aussi d'aborder la modernisation de la gestion des ressources humaines. Le Gouvernement est prêt à accepter de restituer aux agents, pendant les premières années des restructurations, plus de la moitié du budget économisé, car la réorganisation de la fonction publique de l'Etat constitue un investissement pour l'avenir.
Je voudrais faire une observation concernant l'augmentation des charges des collectivités locales. Le ministre a affirmé que celles dont les dépenses avaient le plus augmenté n'étaient pas forcément celles auxquelles le plus de compétences avaient été transférées. Je tiens à élever une protestation contre ces propos, car ils ne correpondent pas à la réalité. J'ai constaté moi-même que dans le département du Tarn, le transfert des agents techniciens, ouvriers et de service (TOS) provenant des directions départementales de l'équipement (DDE) avaient, à eux seuls, porté les effectifs de 1 000 à 1 600 personnes en 2006. Le chiffre atteint même 1 670 personnes si l'on tient compte de l'abandon par l'Etat des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) ! La charge supplémentaire de 14 millions d'euros qui en a résulté pour le département correspond à 9 points de fiscalité locale supplémentaire, alors même que le département n'a augmenté cette fiscalité que de 6,9 %. Il faut donc que les membres du Gouvernement modèrent leur discours, ou mettent en place avec tous les partenaires concernés une commission chargée d'établir la réalité des chiffres sur ce sujet.
Par ailleurs, je souhaiterais savoir si M. le ministre peut nous confirmer l'engagement pris par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre chargé de la justice, de réserver 450 postes de greffiers aux personnels des études d'avoués au sein des tribunaux.
Nous avons entendu, de la bouche du ministre, la rengaine habituelle consistant à dénoncer l'augmentation des effectifs des collectivités locales. Ce ton moralisateur et culpabilisant doit maintenant cesser. Le fait que les collectivités locales aient beaucoup augmenté leurs effectifs ces dernières années, au-delà même des transferts de personnels, s'explique par le très fort dynamisme des dépenses sociales dont elles ont désormais la charge, parce que le nombre de personnes en situation de détresse sociale ou de dépendance a beaucoup augmenté. La façon dont les deniers publics ont été utilisés pour l'organisation à Paris du sommet de l'Union pour la Méditerrannée, le 13 juillet 2008, ne met pas l'Etat en situation de donner aux collectivités locales des leçons de rigueur de gestion ; cela devrait plutôt l'inciter à la modestie !
Avant toute chose, je tiens à souligner la qualité des réformes courageuses menées par le Gouvernement dans le domaine de la fonction publique et à vous féliciter, M. le ministre, d'avoir introduit davantage de mérite et une dose d'intéressement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires. J'émets toutefois certaines réserves au sujet de l'abandon du classement de sortie des grandes écoles, qui me semble présenter des risques pour la promotion des élèves aux origines les plus modestes.
Ma question concerne le statut de la fonction publique. J'observe que, du fait de la titularisation au terme d'un stage probatoire pouvant durer jusqu'à un an, certains fonctionnaires se retrouvent protégés par leur statut alors même qu'ils ne satisfont pas aux besoins de leurs employeurs. J'aimerais donc savoir si le Gouvernement entend préparer une réforme du statut de la fonction publique, qui permette de remédier à ces situations.
M. le ministre, pouvez-vous nous préciser la place accordée à la validation des acquis de l'expérience des fonctionnaires ?
Ma seconde question a trait à la tenue, par les collectivités territoriales, de l'objectif de recrutement de 6 % de personnes handicapées dans la fonction publique, qui a été fixé par la loi de 2005 sur le handicap. Eu égard aux spécificités des règles de mutation de la fonction publique territoriale par rapport à la fonction publique d'État, comment atteindre cet objectif ? Faut-il – ce qui me semble très délicat à envisager – intégrer le handicap comme un critère de sélection pour les mutations ? Quelles réflexions et pistes l'État peut-il apporter aux collectivités territoriales en la matière ?
M. le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles mesures sont envisagées pour améliorer la santé et le bien-être des fonctionnaires au travail ? Je pense tout particulièrement aux personnels de l'éducation nationale et de la police, exposés à des difficultés criantes. Des mesures particulières sont-elles envisagées les concernant ?
En matière de dépenses des collectivités territoriales, je ne stigmatise personne. Je constate simplement. L'État n'a pas de leçons à donner, mais il peut tout de même formuler des observations car il contribue aussi à l'équilibre des finances publiques locales en versant chaque année 90 millions d'euros aux collectivités territoriales. Il me semble donc important que ces collectivités, au même titre que l'État, s'interrogent sur la meilleure manière de maîtriser la dépense publique. Car, ne l'oublions pas, leurs dépenses entrent dans l'agrégat des déficits au sens du traité de Maastricht.
Absolument pas ! Les collectivités territoriales ont toutes l'obligation de présenter des budgets en équilibre et elles n'alimentent pas les déficits publics.
Vous savez bien que les collectivités territoriales ont des besoins de financement couverts par l'emprunt qui, évidemment, entrent dans la définition des déficits publics au sens de la comptabilité européenne. Les comptes publics de la France sont d'ailleurs jugés dans leur globalité, par l'agrégation de ceux de l'État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales.
C'est donc ma responsabilité de faire passer un certain nombre de messages. S'agit-il pour autant d'une rengaine ? Dans ce cas, à chacun la sienne : à moi, celle de l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales qu'il faut juguler ; à vous, mesdames et messieurs de l'opposition, celle du bouclier fiscal.
Je ne m'attarderai pas sur les remarques déplaisantes relatives au coût de la présidence française de l'Union européenne, si ce n'est pour observer que les dépenses de cette présidence se sont élevées à 151 millions d'euros alors que le budget voté à cet effet par le Parlement était de 190 millions d'euros. L'État a donc dépensé moins que prévu et, qui plus est, moins que l'Allemagne à l'occasion de sa propre présidence de l'Union.
Pour ce qui concerne le classement de sortie à l'ENA, j'estime que l'abandon du critère du rang de sortie dans le recrutement par les administrations est utile. Toutefois, il nous faudra veiller à la qualité et à l'organisation des recrutements dans leur nouvelle formule. M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, préside justement un groupe de travail chargé du suivi de cette réforme. Nous aviserons en fonction de ses observations et préconisations.
S'agissant du statut de la fonction publique, j'affirme qu'il n'est pas question de le remettre en cause. D'ores et déjà, près de 17 % des effectifs sont recrutés sous statut contractuel, plus souple dans sa gestion. Naturellement, le statut de la fonction publique doit pouvoir évoluer pour s'adapter à notre temps. C'est l'objet de nos actions en direction d'une meilleure individualisation de la gestion des carrières, d'une meilleure appréciation de la qualité du service fourni et de l'assignation d'objectifs.
En matière de validation des acquis de l'expérience, beaucoup de choses ont été prévues dans la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, récemment adoptée par le Parlement et promulguée le 3 août dernier. Pour faire plus précisément suite à vos demandes, M. Geoffroy, je vous ferai parvenir des éléments détaillés sur le sujet.
Ainsi que je l'ai dit, la fonction publique est en passe d'atteindre l'objectif de recrutement de 6 % d'handicapés d'ici la fin de 2012. Des progrès importants ont été accomplis et, il faut le souligner, les administrations ont un comportement exemplaire. Certes, les pénalités financières les y incitent mais, en la matière, elles montrent la voie, notamment aux acteurs privés.
Enfin, s'agissant de la sécurité des fonctionnaires à leur travail, je rappellerai qu'une réunion conclusive s'est tenue hier avec les organisations syndicales afin de mettre sur pied un plan de 15 mesures faisant le plus grand cas des difficultés psycho-sociales pouvant être parfois ressenties par les agents. Ce plan, qui sera signé par les organisations syndicales mais qui engage aussi les employeurs publics, constitue une première.
À l'issue de l'audition du Ministre, la Commission, contrairement aux conclusions de M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis, donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique » pour 2010.
Notre collègue Bruno Le Roux, appuyé par le président du Groupe SRC, m'a récemment suggéré la création, au sein de la commission des lois, de deux missions d'information portant, d'une part, sur la répartition des effectifs de police nationale sur le territoire, d'autre part, sur les violences par armes à feu et l'état de la législation en la matière.
Si la première de ces deux missions ne me paraît pas s'imposer, ne serait-ce qu'en raison de la place importante qu'accorde traditionnellement chaque année à ce sujet le rapporteur pour avis de la mission budgétaire « sécurité », je vous propose de faire droit à la seconde demande, en créant une mission d'information de cinq membres - trois de la majorité (UMP), dont le rapporteur, et deux de l'opposition (SRC), dont le président - sur la question des violences par armes à feu qui nécessite en effet une étude attentive.
La Commission décide de créer une mission d'information de cinq membres, dont trois appartenant au groupe de l'UMP et deux au groupe SRC, sur les violences par armes à feu et l'état de la législation en la matière.
Informations relatives à la Commission