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Délégation pour l’union européenne

Séance du 24 octobre 2007 à 10h00

Résumé de la séance

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La séance

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PermalienPhoto de Thierry Mariani

, a relevé que la construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice n'existe pas sans relation durable et responsable avec les pays tiers. Dans cet esprit, les accords de réadmission des personnes en séjour irrégulier sont un élément décisif de la lutte contre l'immigration clandestine dans l'Union et constituent l'un des axes de développement d'une politique extérieure dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

Le premier point essentiel est la nette accélération des négociations des accords de réadmission liée à leur adossement à des négociations d'accords facilitant la délivrance de visas.

Les Conseils européens de Laeken et de Tampere ont décidé au début des années 2000 de mettre en oeuvre une politique déterminée et ambitieuse de négociation d'accords de réadmission dont la Commission a précisé les contours dans sa communication du 15 novembre 2001.

Les négociations se sont dans un premier temps révélées laborieuses. A ce jour, en effet, seule la moitié des douze mandats de négociation confiés par le Conseil à la Commission entre 2000 et 2002 ont été menés à leur terme, concernant Hong-Kong et Macao (2004), le Sri Lanka (2005), l'Albanie (2006) et la Russie (2007).

L'accord de réadmission avec l'Ukraine, pour lequel un mandat avait été émis 2002, a été signé le 19 juin dernier.

La lenteur des négociations s'explique principalement par les réticences des pays parties à l'accord à s'engager en particulier sur la réadmission de ressortissants d'autres pays tiers, et, à un moindre degré, sur les délais de réponse aux demandes de réadmission qui leur sont adressées.

Dans ce contexte, la Commission s'est attelée à actionner d'autres leviers permettant d'accélérer la conclusion des accords, qu'il s'agisse de la facilitation, « en contrepartie », de la délivrance des visas aux ressortissants de ces Etats ou de la réduction des obligations consenties par le pays tiers concerné.

La tâche des négociateurs en est accrue, entre les deux écueils que constituent la recherche d' « accords à tout prix » qui doit être résolument écartée et l'imposition d'exigences excessives empêchant la conclusion des accords voire minant leur application pratique.

Le danger est en effet grand de voir les Etats tiers aligner leurs revendications sur les dispositions les plus généreuses concédées par la Commission aux cours des négociations d'accords. A cet égard, l'accord de réadmission avec la Russie a constitué un précédent dangereux.

D'un côté, force a été de constater une nette dégradation de la qualité des obligations imposées avec notamment la fixation d'un délai maximal de réponse aux demandes de réadmission qui dépasse les délais de rétention administrative français, espagnol et portugais, et l'introduction d'une période transitoire trop longue de trois ans avant que l'obligation de réadmission ne s'impose pour les ressortissants des pays tiers.

Or, ces concessions significatives sont d'autant plus paradoxales que la négociation de l'accord a été adossée à celle d'un accord visant à faciliter la délivrance des visas, avec notamment une réduction de presque moitié des frais applicables aux ressortissants russes.

Il n'en reste pas moins que l'on constate une très nette accélération des négociations depuis en particulier que la Commission a manifesté son intention de donner priorité à la conclusion d'accords de réadmission avec la région des Balkans occidentaux et les pays limitrophes conformément à sa politique de voisinage arrêtée en 2003.

Ainsi, moins d'un an aura séparé l'engagement des négociations avec les pays des Balkans de leurs conclusions.

Le Conseil a en effet confié le 13 novembre 2006 mandat à la Commission européenne pour négocier un accord de réadmission entre la Communauté européenne et chacun des pays des Balkans occidentaux.

La conclusion des accords de réadmission et de facilitation des visas avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la République du Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la République de Serbie est prévue d'ici novembre 2007.

De même, après que le Conseil « Affaires générales et relations extérieures » du 19 décembre 2006 a officiellement autorisé la Commission à négocier la conclusion d'un accord de réadmission et d'un accord de facilitation des visas, l'Union européenne et la République de Moldova ont signé, le 10 octobre 2007, les deux accords au terme de huit mois seulement de négociations.

Il n'est évidemment pas indifférent de constater que ces cinq accords ont été accompagnés de la conclusion d'un accord visant à faciliter la délivrance de visas.

Pour autant, la qualité de ces accords de réadmission est très significativement supérieure à celle de l'accord conclu avec la Russie, la vocation des Etats balkaniques à adhérer à l'Union, clairement affirmée dans les conclusions du sommet entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux qui s'est tenu à Thessalonique le 21 juin 2003, jouant un rôle moteur dans ces progrès.

M. Thierry Mariani a ensuite abordé le contenu des accords de réadmission examinés, en jugeant dans l'ensemble leur qualité satisfaisante.

Quelques traits communs à l'ensemble des accords de réadmission peuvent être rapidement dessinés :

– les obligations de réadmission énoncées sont établies sur une base de réciprocité totale ;

– les accords précisent les procédures applicables, l'énoncé des pièces justificatives, les modalités de prise en charge des coûts de transport et de transit et garantissent la protection des données à caractère personnel ;

– les accords confient à des comités de réadmission mixte à l'Union et à l'Etat signataire le soin de contrôler leur mise en oeuvre et leur application.

Cependant, l'essentiel des enjeux se concentre sur deux questions décisives.

La première question, et la véritable valeur ajoutée des accords de réadmission, concerne la réadmission des ressortissants de pays tiers aux parties à l'accord, celle des nationaux faisant rarement problème.

A cet égard, les difficultés traditionnelles concernent la définition de délais transitoires durant lesquels cette réadmission ne s'applique pas et le degré d'exigence des conditions posées pour l'obligation de réadmission.

Dans ces deux domaines, les accords conclus avec les Etats des Balkans occidentaux, avec l'Ukraine et avec la République de Moldova sont satisfaisants.

L'obligation de réadmettre les ressortissants des pays tiers et les apatrides est en effet liée aux conditions préalables suivantes, suffisamment larges pour garantir une application efficace.

L'intéressé doit avoir été lors de son entrée sur ce territoire, en possession d'un visa ou d'une autorisation de séjour en cours de validité délivré(e) par le pays requis (et non plus au moment du dépôt de la demande de réadmission comme c'est le cas dans l'accord signé avec la Russie).

L'obligation de réadmission s'impose également lorsque l'intéressé est entré illégalement et directement sur le territoire des États membres après avoir séjourné sur ou transité par le pays requis.

Dans le même esprit, il n'est pas ménagé de période de transition pour l'application des dispositions des accords de réadmission avec les pays des Balkans occidentaux à la différence de l'accord conclu avec l'Ukraine qui prévoit une période transitoire de deux ans.

Une deuxième question essentielle tient à la détermination des délais de réponse aux demandes de réadmission.

La garantie des libertés publiques impose aux Etats membres de respecter des durées maximales de rétention administrative plus ou moins élevées selon leurs traditions nationales. Les législations française, espagnole et portugaise sont particulièrement protectrices en ce qu'elles limitent les rétentions administratives à respectivement 32, 40 et 60 jours.

Les délais de réponse prévus dans les accords de réadmission examinés sont dans l'ensemble compatibles avec les législations nationales des Etats membres de l'Union, allant de 10 jours (prorogeables 6 jours) à 14 jours (non prorogeables).

Seul l'accord conclu avec l'Ukraine pose une difficulté en ce qu'il prévoit, en complément du délai « normal » de 14 jours, un droit de prorogation pouvant aller jusqu'à 30 jours supplémentaires dans les cas dûment motivés.

Les accords prévoient par ailleurs une procédure accélérée pour les personnes appréhendées dans les « régions frontalières » ou sur le territoire des aéroports internationaux des Etats membres ou l'Etat tiers concerné. Dans ce cas, la demande de réadmission et la réponse à celle-ci doivent être transmises dans un délai de 2 jours ouvrables.

Enfin, M. Thierry Mariani a abordé les accords visant à faciliter la délivrance des visas adossés aux accords de réadmission

Les accords prévoient l'assouplissement des formalités d'obtention des visas avec en particulier un allégement considérable des frais de visas à 35 euros (au lieu de 60 euros) pour l'ensemble des ressortissants des Etats signataires.

De même, une exonération totale des frais de visa est définie pour certaines catégories de demandeurs tandis que les exigences pour certains groupes de personnes, notamment les hommes et femmes d'affaires, les étudiants et les journalistes, en matière de pièces justificatives requises à l'appui des demandes de visa ont été simplifiées. Enfin, les titulaires de passeports diplomatiques sont dispensés de l'obligation de visa.

M. Thierry Mariani a conclu son propos en soulignant que la conclusion rapide d'accords communautaires de réadmission impose de consentir à des contreparties importantes au bénéfice des Etats tiers, en particulier lorsque l'obligation de réadmission couvre aussi les ressortissants de pays tiers et les apatrides.

Il est heureux que ces contreparties ne soient pas allées jusqu'à la suppression de l'obligation de visa, qui n'est envisageable que dans des cas exceptionnels. Néanmoins, le lien apparent qui semble émerger entre la conclusion des accords de réadmission et la négociation d'accords facilitant la délivrance des visas est regrettable.

Il serait en effet dangereux que les pays tiers considèrent les offres compensatoires comme des éléments normaux liés à la conclusion d'accords de réadmission et qu'ils tendent à aligner leurs exigences sur le traitement le plus favorable obtenu par un autre pays en entraînant un « nivellement par le haut » des contreparties accordées par l'Union.

Les mesures d'incitation dont on a vu qu'elles tendent à se multiplier représentent en effet des concessions importantes de la Communauté dont il faut veiller à ce qu'elles ne soient pas disproportionnées à l'utilité des accords de réadmission, textes essentiellement de nature administrative et technique.

L'appréciation « coûts – avantages » des mesures d'incitation doit ainsi demeurer particulière à chaque négociation, la pression migratoire concrète exercée sur certains Etats membres et la position géographique par rapport à l'Union européenne des Etats tiers constituant évidemment les critères décisifs.

A cet égard, les accords de réadmission conclus avec les Etats des Balkans occidentaux, d'une part, et l'Ukraine et la République de Moldova, d'autre part, répondent aux exigences de cohérence et d'efficacité liées à la situation de ces Etats aux frontières de l'Union élargie. Dans ce contexte, leur qualité est satisfaisante et les contreparties proportionnées aux progrès induits par l'étendue de l'obligation de réadmission qui pèsera désormais sur ces pays.

Sous le bénéfice de ces observations, M. Thierry Mariani a proposé à la Délégation d'approuver les propositions de décisions du Conseil relatives à la signature des accords de réadmission avec les pays examinés.

Dans la discussion qui a suivi cet exposé, M. Thierry Mariani, rapporteur, a souligné que ces accords satisfaisants avaient été négociés après les accords avec la Russie qui ont notamment facilité à juste titre la délivrance de visas. Ceux-ci étaient accordés à 98 % des demandes, car il n'existe plus de risque migratoire russe et ces formalités constituaient plutôt une entrave au tourisme. En revanche, le problème du transit migratoire, notamment de populations d'Asie centrale, par la Russie et la Moldavie demeure, ainsi qu'un vrai risque migratoire en provenance de pays comme la Moldavie.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

a observé que la satisfaction de 98 % des demandes de visas pouvait également révéler l'effet dissuasif du visa demandé uniquement par ceux à peu près sûrs de l'obtenir.

Le Président Daniel Garrigue a souhaité que les relations entre l'Union européenne et la Russie fassent l'objet d'un rapport d'information de la Délégation.

La Délégation a ensuite approuvé l'ensemble de ces textes (documents E 3516,E 3602,E 3603,E 3604,E 3621 etE 3622).

Puis M. Thierry Mariani, rapporteur, a abordé le projet de décision du Conseil relatif à l'élargissement de l'espace Schengen aux Etats ayant adhéré à l'Union européenne le 1er mai 2004, à l'exception de Chypre, qui a demandé un délai supplémentaire d'un an.

Il a rappelé que l'espace Schengen compte actuellement 13 Etats membres de l'Union européenne (les Quinze anciens moins le Royaume-Uni et l'Irlande) et deux Etats hors de l'Union européenne, la Norvège et l'Islande. Le projet de décision prévoit la levée des contrôles aux frontières intérieures terrestres et maritimes à compter du 31 décembre 2007 et aux frontières aériennes à partir du 29 mars 2008.

L'article 3, paragraphe 2 de l'acte d'adhésion de 2003 prévoyait que la totalité des dispositions de l'acquis de Schengen ne s'appliqueraient dans un nouvel Etat membre qu'à la suite d'une décision à l'unanimité du Conseil, après vérification que les conditions nécessaires sont remplies, et de la consultation du Parlement européen.

La décision d'élargir l'espace Schengen dépend en premier lieu de la capacité des Etats concernés à intégrer le Système d'information Schengen (SIS), c'est-à-dire la base de données permettant aux autorités nationales (police, gendarmerie, douanes, autorités judiciaires) d'échanger et d'obtenir des informations sur les personnes ou les objets. Ces informations servent dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que pour le contrôle des personnes, tant aux frontières extérieures que sur le territoire national. Enfin, le SIS est utilisé pour la délivrance de visas et de titres de séjour.

La création d'un nouveau système, le SIS II, a été décidée dès 2001, en raison de la nécessité de mettre en oeuvre de nouvelles fonctionnalités (par exemple le stockage de données biométriques), mais aussi d'intégrer les nouveaux Etats membres, le SIS n'ayant pas les capacités suffisantes pour assurer les services nécessaires à plus de 18 Etats. Cependant, en septembre 2006, la Commission, qui avait été mandatée par le Conseil pour développer le SIS II, a annoncé que sa mise en oeuvre, initialement prévue pour mars 2007, connaîtrait un retard important. En janvier 2007, la Commission a proposé un calendrier révisé prévoyant que le SIS II serait opérationnel à partir de décembre 2008.

Face au mécontentement des nouveaux Etats membres, et afin de permettre l'élargissement de l'espace Schengen avant cette date, le Conseil Justice Affaires intérieures (JAI) des 4 et 5 décembre 2006 a donné son aval au projet SISone4all, un système provisoire proposé par le Portugal, permettant de connecter les 9 Etats membres à la version existante du SIS.

Lors de cette même réunion du Conseil JAI ont été fixés les délais pour l'élargissement de l'espace Schengen, fin décembre 2007 et fin mars 2008 pour les frontières aériennes, si toutes les conditions sont remplies. Le projet de décision que la Délégation a à examiner aujourd'hui confirme donc ces engagements.

Le Conseil « JAI » des 12 et 13 juin derniers a adopté une décision sur l'application des dispositions de l'acquis de Schengen concernant le SIS aux 9 Etats membres concernés. L'entrée en vigueur de cette décision a permis le transfert vers ces Etats membres de données SIS réelles. Les conclusions du Conseil « JAI » du 18 septembre 2007 indiquent que les Etats concernés sont en mesure d'utiliser le SIS depuis le 1er septembre. L'utilisation concrète des données transférées doit permettre au Conseil de s'assurer de la bonne application des dispositions de l'acquis de Schengen relatives au SIS dans les nouveaux Etats membres.

La deuxième condition essentielle pour l'intégration des nouveaux Etats membres à l'espace Schengen est la sécurité des frontières extérieures.

Les aspects autres que le SIS (protection des données, coopération policière et frontalière, frontières maritimes, terrestres et aériennes et délivrance de visas) ont fait l'objet d'évaluations depuis 2005. Ces évaluations, menées par le groupe « Evaluation de Schengen », sont maintenant achevées. Le groupe a mené des vérifications par écrit grâce à des questionnaires, puis des visites d'équipes d'experts ont eu lieu dans chacun des Etats concernés, ainsi que dans un certain nombre de postes consulaires. Dans certains cas, de nouvelles visites sont intervenues afin de vérifier si les défaillances constatées avaient été corrigées.

La question de la sécurité des frontières extérieures est un enjeu particulièrement important. En effet, tous les Etats membres concernés par l'élargissement, à l'exception de la République tchèque, auront la responsabilité du contrôle d'une frontière extérieure de l'Union.

M. Thierry Mariani a indiqué qu'il s'était rendu en 2004 en Pologne, afin de mesurer sur le terrain l'efficacité des contrôles à la frontière avec l'Ukraine et qu'il avait constaté qu'en dépit des efforts importants réalisés par la Pologne, avec le soutien de l'Union européenne, la situation restait préoccupante.

Les conclusions des missions d'évaluation font état d'efforts très importants des nouveaux Etats membres pour se conformer aux recommandations et à l'acquis de Schengen. Elles indiquent que tous les Etats concernés remplissent à présent les conditions nécessaires pour adhérer intégralement à Schengen. La situation en Slovaquie était celle qui posait le plus de difficultés mais les conclusions indiquent que ce pays répond maintenant aux exigences requises.

Même si ses compétences et ses moyens restent limités, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, dite agence FRONTEX, dont le siège est à Varsovie, devrait jouer un rôle important dans l'espace Schengen élargi, en renforçant l'efficacité des contrôles et la sécurité. Créée en 2004 et opérationnelle depuis 2005, FRONTEX a pour mission d'assurer la coordination des opérations conjointes en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures, de prêter assistance aux Etats membres pour la formation de leurs garde-frontières, ainsi que lorsqu'ils doivent faire face à une situation exigeant une assistance opérationnelle et technique renforcée à leurs frontières extérieures.

Il convient également de souligner que le projet de traité modificatif prévoit la mise en place progressive d'un système intégré de gestion des frontières extérieures. Cette formulation constitue certes une avancée mais elle reste relativement prudente. On est donc encore éloignés de la création d'un corps européen de garde-frontières, dont la Commission européenne avait évoqué la possibilité dans une communication du 7 mai 2002.

En conclusion, M. Thierry Mariani a indiqué que la décision pourrait être adoptée lors du Conseil « JAI » des 8 et 9 novembre 2007 et que le Parlement européen n'avait pas encore rendu son avis.

Le Président Daniel Garrigue a souligné la pression très forte des nouveaux Etats membres sur ce dossier et s'est inquiété de la qualité des évaluations sur les contrôles aux frontières externes de l'Union européenne.

PermalienPhoto de Thierry Mariani

, a rappelé que tout le matériel et toute la formation avaient été fournis aux services concernés des nouveaux Etats membres et qu'il ne leur reste plus maintenant qu'à les mettre en oeuvre conformément aux meilleures pratiques.

Le Président Daniel Garrigue a souligné l'intérêt d'une communautarisation et d'une gestion intégrée des frontières extérieures de l'Union européenne et déclaré que l'audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement par la Délégation le 18 décembre 2007, serait l'occasion de l'interroger sur FRONTEX et sur d'éventuels écarts entre les rapports d'évaluation et la réalité du terrain.

Puis la Délégation a approuvé le projet de décision du Conseil (documentE 3600).

Point A

Sur le rapport du Président Daniel Garrigue, la Délégation a examiné deux textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation les a approuvés.

Ø PESC et relations extérieures.

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne (documentE 3625) ;

- projet d'action commune du Conseil modifiant l'action commune 2007369PESC relative à l'établissement de la mission de police de l'Union européenne en Afghanistan (documentE 3626).

Le Président Daniel Garrigue a accueilli le ministre en rappelant l'intensité de l'actualité européenne sur laquelle son éclairage serait particulièrement utile à la Délégation, qu'il s'agisse, d'une part, de l'accord trouvé par le Conseil européen informel de Lisbonne des 18 et 19 octobre dernier sur le traité réformateur, qui impose désormais de se concentrer sur les modalités concrètes d'une ratification rapide par la France conformément à l'engagement du Président de la République et, d'autre part, de la définition des priorités que notre pays souhaite voir assigner à sa présidence de l'Union au second semestre 2008 et de la manière dont le Parlement et, en son sein, la Délégation pourraient être opportunément associés à la préparation de cette présidence.

PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes

, s'est déclaré heureux de venir faire part à la Délégation, aussi vite qu'il a été possible, des résultats remarquables du Conseil européen de Lisbonne, avec, d'un côté, la conclusion d'un accord de portée historique sur le traité réformateur, obtenu dans le milieu de la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 octobre et, par suite, le vendredi matin, l'engagement de travaux prometteurs sur les enjeux économiques, financiers et environnementaux.

La négociation du traité, qui remet l'Europe sur les rails d'un nouveau départ, s'est révélée l'une des plus rapides et des plus efficaces de l'Histoire. La Conférence intergouvernementale (CIG) aura ainsi achevé ses travaux moins de cinq mois après que l'élection du Président de la République ait sorti les débats institutionnels européens de l'ornière. L'essentiel des termes du traité avait été agréé dès le Conseil européen de Bruxelles des 21, 22 et 23 juin dernier, les experts juridiques de la CIG parvenant pour leur part à élaborer une solution satisfaisante pour régler les modalités pratiques de l'exercice par le Royaume-Uni et l'Irlande des opt-out qui leur sont accordés dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice et pour définir une période transitoire avant que le contrôle de la Cour de justice ne s'exerce pleinement sur l'ensemble des actes adoptés dans le cadre du troisième pilier de l'Union sur la coopération judiciaire et policière. Ainsi, deux problèmes seulement subsistaient à la veille du Conseil européen de Lisbonne : les revendications polonaises relatives au mécanisme de Ioannina et au nombre des avocats généraux auprès de la Cour de justice, et la demande italienne de disposer d'un député de plus au sein du parlement européen élu en 2009. C'est au cours d'une réunion préparatoire précédant le dîner officiel que le Président de la République française et les Premiers ministres portugais et luxembourgeois ont dégagé les bases d'un accord avec leurs homologues polonais, le Président Kaczinski, et italien, le Président Prodi. Or, cet accord ménage l'essentiel en ne sacrifiant aucun de nos intérêts ou ceux de l'Union.

En effet, en premier lieu, le mécanisme de Ioannina, qui permet à un nombre d'Etat approchant le seuil de la minorité de blocage de repousser la prise de décision au Conseil pendant un délai raisonnable, n'a pas été inscrit dans le droit primaire, qu'il s'agisse du traité ou des protocoles. Il demeure fixé dans une décision du Conseil qui sera adoptée le jour de la signature du traité. Sa portée juridique ne sera dès lors pas renforcée, et sa modification n'imposera pas la convocation d'une nouvelle CIG. Certes, un protocole spécifique a été adopté, mais il se borne à préciser que la décision de modifier le compromis de Ioannina doit être précédée par un débat au Conseil européen, qui doit ensuite statuer par consensus.

S'agissant du nombre d'avocats généraux, M. Jean-Pierre Jouyet a estimé cohérent de porter leur nombre de huit à onze en concordance avec l'augmentation des effectifs des juges à la Cour de justice de 15 à 27 liée à l'élargissement. Ce nombre était en effet gelé depuis 1995, alors même que tous les « grands » pays sauf la Pologne disposaient du droit de nommer un avocat général. Désormais, la Pologne nommera, comme l'Espagne d'ailleurs avec laquelle elle tient à demeurer en stricte parité, un avocat général tandis que le nombre d'avocats désignés par rotation par les autres Etats membres passera de 3 à 5. On peut remarquer que la culture juridique polonaise est proche de notre tradition de droit continental.

Ne restait que la préoccupation italienne de voir sa parité traditionnelle en nombre d'eurodéputés avec la France et le Royaume-Uni rompue par l'application rigoureuse de la règle de proportionnalité dégressive dont le traité dispose qu'elle doit désormais présider à la répartition des sièges du Parlement européen. La résolution du Parlement européen du 11 octobre dernier, fondée sur le rapport de MM. Lamassoure et Severin, avait en effet prévu que l'Italie disposerait de 72 députés européens, contre 73 pour le Royaume-Uni et 74 pour la France. Si cette nouvelle règle de répartition, innovante, reflète mieux la réalité démographique de l'Union, elle pose de redoutables difficultés à l'Italie dont la démographie est en déclin. L'accord final s'est réalisé sur l'élévation du plafond des membres du parlement européen grâce à la mention, dans le traité, d'un nombre de députés limité à 750 « plus le président » dont on sait qu'il exerce rarement son droit de vote (mais dont il continuera à jouir pleinement).

Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour une cérémonie de signature le 13 décembre, probablement à Lisbonne conformément aux voeux légitimes de la présidence portugaise qui a joué un rôle remarquable dans les négociations.

Abordant le processus de ratification, M. Jean-Pierre Jouyet a indiqué qu'un débat préalable au Conseil européen sera organisé à l'Assemblée nationale et au Sénat le 11 décembre. Par suite, le Président de la République a manifesté son intention d'aller vite et de recourir à la voie parlementaire. Aller vite signifie saisir le Conseil constitutionnel dès la signature du traité, afin d'apprécier la nécessité juridique, probable, de modifier la Constitution, puis de convoquer le Congrès et ratifier le traité. Au total, il semble probable que ces procédures pourront être achevées début février 2008.

Abordant les questions économiques et financières examinées par le Conseil européen, le ministre a indiqué qu'elles avaient été dominées par les rapports entre l'Europe et la mondialisation et la stratégie de Lisbonne. La discussion s'est engagée sur la base d'un rapport du Président de la Commission, M. José Manuel Barroso, dans la lignée des préoccupations de la France telles qu'elles ont été exprimées par le Président de la République. Son rapport a ainsi affirmé la nécessité dans laquelle l'Europe se trouve de défendre ses intérêts commerciaux et de parvenir à faire respecter le principe de réciprocité dans les échanges. Le ministre s'est félicité, d'une part, qu'un tabou ait pu, de ce fait, être brisé, puisqu'il est désormais admis que l'Europe se protège sans être protectionniste et, d'autre part, que s'instaure une convergence de vues entre la France et la Commission, que M. Jean-Pierre Jouyet a jugée prometteuse pour la présidence française de l'Union.

Pour ce qui est de la stabilité financière, le ministre a indiqué que le Conseil européen avait pris en compte le programme de travail élaboré par le Conseil « Ecofin » du mois d'octobre, ainsi que la déclaration signée par la Chancelière Angela Merkel, le Président Nicolas Sarkozy et le Premier ministre du Royaume-Uni, M. Gordon Brown. Il s'agit d'affirmer, en ce qui concerne les marchés financiers, l'exigence de transparence financière, la nécessité de régulations nationales fortes, d'une meilleure gestion des risques, d'une bonne diffusion de l'information sur la tritisation et d'une réflexion sur le mode de fonctionnement des agences de notation en vue de prévenir les conflits d'intérêts entre ces dernières et les banques.

Le ministre, évoquant la question du changement climatique, a souligné que le Conseil européen avait souhaité que l'Union parvienne lors de la Conférence de Bali, à promouvoir l'objectif d'un accord en 2009 destiné à réduire les gaz à effet de serre après 2012. Le Conseil européen a estimé qu'en matière environnementale, l'Union européenne devait jouer un rôle pionnier, non seulement pour des raisons éthiques mais aussi parce qu'elle dispose d'entreprises compétitives innovantes.

Puis le ministre a évoqué les priorités de la présidence française.

S'agissant de la lutte contre le changement climatique, M. Jean-Pierre Jouyet a souligné que cette priorité s'inscrirait dans la suite du Grenelle de l'environnement. L'objectif est de consolider les accords existants dans l'Union européenne et d'y ajouter des initiatives nouvelles touchant, par exemple, aux incitations fiscales qui pourraient être proposées dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

Dans le domaine de l'énergie, la France plaidera en faveur d'une politique globale afin que celle-ci ne se limite plus seulement à la libéralisation et au marché intérieur, mais prenne aussi en compte des problèmes tels que la sécurité de l'approvisionnement, qui est un enjeu pour les nouveaux adhérents, lesquels sont soucieux de réduire leur dépendance à l'égard de la Russie. En outre, il s'agira de poser le débat sur l'énergie nucléaire, en ce qui concerne la question de la sûreté nucléaire et son amélioration, en particulier dans les PECO (pays de l'Europe centrale et orientale) dont les centrales fonctionnent dans des conditions difficiles. Il importera également de réfléchir à une meilleure régulation et, sans tabou, à la question des déchets nucléaires.

Quant à la gestion des flux migratoires, le ministre a noté qu'il s'agissait là d'une préoccupation partagée par l'ensemble des Etats membres, laquelle est liée à la perception des conséquences résultant des déséquilibres démographiques entre l'Union européenne d'une part et, d'autre part, l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie ou encore l'Amérique du Sud. Dans le cadre de la JAI, l'Union devra s'efforcer de parvenir à une approche commune en matière d'immigration et d'intégration et de favoriser l'échange des bonnes pratiques.

Dans le domaine de la défense, le ministre a indiqué que la France s'efforcerait de parvenir à une juste articulation entre ses rapports avec l'OTAN et l'objectif d'une politique de défense européenne plus ambitieuse.

Le ministre a également indiqué que, sous la présidence française, il sera procédé à l'actualisation de la stratégie de Lisbonne, au bilan à mi-parcours de la PAC et à un nouveau cadrage des perspectives financières. Sur ce dernier point, il s'agira de définir les bases d'un nouveau cadre en termes d'évaluation des dépenses et de politiques communes, mais également en vue de réfléchir à un système de ressources propres.

Pour ce qui est des relations extérieures, la présidence française sera marquée par trois sommets importants entre l'Union européenne, l'Asie, la Chine et les Etats-Unis. La définition d'un partenariat avec la Russie devrait également figurer parmi les questions qui seront abordées. En ce qui concerne le sommet entre l'Union européenne et l'Afrique, il devrait promouvoir une meilleure politique dans le domaine de la santé.

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

s'est félicité que cette audition soit intervenue aussi rapidement après la tenue du Conseil européen, qui grâce à l'accord intervenu sur le projet de traité, permet à la France de sortir d'une période de trois ans qui l'a affaiblie.

Tout en soulignant les points positifs que contient le traité, il s'est interrogé sur la possibilité pour la France de respecter le calendrier de la ratification très serré exposé par le ministre et dans lequel devront intervenir l'examen du texte par le Parlement ainsi que le vote du Congrès. Pour autant, il a estimé que la France se devait de ratifier la première, d'autant que le Président de la République a joué le rôle de fer de lance et déployé des efforts importants lors de ses tournées dans de nombreux pays de l'Union.

En ce qui concerne la politique de la défense, en faveur de laquelle la Délégation a constamment plaidé, M. Bernard Deflesselles a souligné l'utilité de la clause de solidarité obligatoire à l'égard de tout Etat membre confronté à une menace. Il a estimé que le principe de coopération structurée permanente permettrait d'accélérer la mise en place d'une défense européenne dans laquelle la France et le Royaume-Uni jouent déjà le rôle d'avant-garde en raison de l'importance de leurs dépenses militaires. Il a souhaité savoir s'il ne serait pas opportun d'élaborer un Livre blanc de la défense européenne, conformément à un projet formulé par le Président de la République.

PermalienPhoto de Christian Paul

a estimé que la conclusion du Conseil européen de Lisbonne avait donné lieu à un enthousiasme « surjoué », puisque chacun savait que rien ne se passerait au niveau européen avant les élections présidentielles françaises. Par ailleurs, le traité modificatif devrait être ratifié dans le cadre d'une démocratie au rabais. Ce sera effectivement la première fois dans l'histoire récente de notre pays que l'on esquivera le recours au suffrage universel sur une question ayant été précédemment soumise au peuple français. Le contenu même du traité apparaît limité, aboutissant à une Europe du moindre mal. A cet égard, il convient de préciser que l'opposition au projet de traité constitutionnel n'était pas toujours synonyme de rejet de l'Europe fédérale, mais plutôt de rejet des instruments de régulation économique proposés et d'alerte devant le déficit démocratique. Enfin, il aurait été utile de mentionner la question des services publics et d'évoquer la possibilité d'un protocole ou d'un traité social, qui paraît devoir être l'étape suivante, à moins que l'accord trouvé à Lisbonne aboutisse à une longue glaciation européenne dans les domaines économiques et sociaux.

PermalienPhoto de Jacques Desallangre

a considéré que le nouveau traité devrait être soumis au référendum, afin que le peuple français puisse être en mesure d'apprécier les évolutions intervenues par rapport au projet de traité constitutionnel. La procédure référendaire semble d'autant plus s'imposer que les modifications toucheraient plus à la forme qu'au fond, comme l'illustre la requalification de la concurrence en instrument de l'Union européenne plutôt qu'en objectif.

PermalienPhoto de Lionnel Luca

a souhaité obtenir plusieurs précisions afin de pouvoir comparer les dispositions du traité modificatif avec celles du projet de traité constitutionnel. Il importe notamment de dissiper les ambiguïtés tenant à la suppression dans le texte même du traité de l'affirmation de la primauté du droit communautaire alors même que la personnalité juridique de l'Union européenne est confirmée, à la disparition du titre de ministre des affaires étrangères de l'Union mais à la création d'un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité doté d'un véritable service diplomatique, à la définition des relations entre l'Europe et l'OTAN. En outre, il semblerait que le nouveau traité interdise aux Etats membres de définir le taux de TVA applicable sur leur territoire. On doit aussi observer que, malgré les nombreuses critiques émises dans notre pays, la question de l'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) apparaît ne pas pouvoir être discutée au niveau communautaire. Enfin, le Comité des sages, voulu par le Président de la République pour réfléchir à l'avenir de l'Europe, verrait son rôle singulièrement réduit s'il ne pouvait aborder la question des frontières européennes.

PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes

, a apporté les précisions suivantes :

- sur le calendrier de la ratification, il est exact que la suspension des travaux parlementaires à compter du 9 février 2008 constitue une contrainte technique, mais les réflexions sont en cours sur le calendrier. En tout état de cause, un calendrier serré ne pourra être respecté que si le processus de révision constitutionnelle lié, le cas échéant, à cette ratification du traité est différencié de la procédure concernant la réforme des institutions, à la suite des travaux menés par « Comité Balladur » ;

- sur les questions de défense, la clause de solidarité obligatoire est inspirée par la conviction que les Etats européens les plus puissants doivent mettre leurs moyens au service de leurs voisins lorsque les notions d'intérêts vitaux et stratégiques sont en jeu. Cette clause est essentielle pour arrimer les pays d'Europe centrale et orientale à la politique européenne de défense. On doit se rappeler que, s'ils ont choisi de se placer sous le parapluie de l'OTAN en 2001-2002, c'est parce que les questions de sécurité demeurent un sujet de préoccupation actuel pour eux, comme le montre le débat en République tchèque sur l'installation d'un bouclier anti-missiles.

La coopération structurée permanente est une modalité de la coopération renforcée appliquée au domaine de la défense, afin de permettre à un groupe d'Etats membres d'agir en commun sans être bloqués par l'absence de consensus. Cette procédure facilite donc la prise de décision.

Le Livre blanc sur la défense permettrait de vérifier que les objectifs, définis en 2003 par le Haut représentant Javier Solana, sont toujours adaptés aux évolutions constatées en matière de terrorisme ou de menaces régionales ;

- sur le choix de ne pas ratifier par la voie référendaire, on ne peut parler d'« enthousiasme surjoué » lorsqu'on se souvient qu'il y a à peine six mois, un tel résultat apparaissait peu évident à obtenir dans de brefs délais, sans vouloir nier d'ailleurs les limites du texte adopté. Il faut tout de même rappeler que dix-huit Etats, représentant 56 % de la population européenne, avaient ratifié le projet de traité constitutionnel, qu'ils s'étaient même réunis à Madrid en janvier dernier en l'absence de notre pays, que beaucoup considéraient alors, et notamment M. Paul, que c'était « fin de l'Europe ». Il n'était donc pas certain de leur faire abandonner une démarche constitutionnelle pour une approche modificative et de réussir à faire accepter l'idée d'un traité simplifié.

De la même façon, il est excessif d'évoquer une « démocratie au rabais ». D'abord, parce que le traité modificatif se limite à modifier les traités en vigueur et que, par le passé, la procédure parlementaire a été d'usage pour de telles ratifications. Ensuite, on doit souligner que la quasi-totalité de nos partenaires devrait exclure le recours au référendum, à l'exception de l'Irlande et peut-être du Portugal. Le Danemark, qui a pourtant une forte tradition référendaire, devrait, lui aussi, ratifier par voie parlementaire compte tenu des exigences de rapidité et d'efficacité souhaitées par l'ensemble des parties concernées, et de l'analyse du ministère de la justice sur les transferts de compétence. Aux Pays-Bas, l'avis du Conseil d'Etat a donné le feu vert à une ratification parlementaire. Enfin, il est faux d'affirmer que ce serait la première fois qu'une question d'abord soumise à un référendum serait, dans un second temps, examinée par la voie parlementaire. On peut ainsi citer des précédents sur l'élargissement de l'Union européenne, qui a donné lieu à un référendum en 1972 pour l'adhésion du Royaume-Uni, mais qui, par la suite, a toujours été effectué sans consultation du peuple. Pareillement, les lois de décentralisation ont été adoptées par le Parlement alors qu'un référendum avait été précédemment organisé en 1969 sur ces problèmes de régionalisation et de décentralisation.

Deux conceptions légitimes ont fait l'objet d'un débat très clair pendant l'élection présidentielle. Le Président de la République avait indiqué durant la campagne qu'il souhaiterait procéder par la voie d'un traité simplifié qui serait soumis à ratification par la voie parlementaire. Mme Ségolène Royal avait au contraire fait part de son choix pour le référendum.

Le traité réformateur ne relève pas de la « démocratie au rabais ». D'une part, il prévoit un renforcement du rôle du Parlement européen. Le champ de la codécision est élargi. D'autre part, le rôle des parlements nationaux est, quant à lui, renforcé en matière de subsidiarité. La moitié d'entre eux peuvent, avec l'appui de la majorité du Conseil ou du Parlement européen, obtenir le retrait d'une proposition de la Commission ;

- par rapport au traité constitutionnel, la CIG et le Conseil européen sont parvenus à un bon équilibre entre les avancées institutionnelles et l'extension précitée du champ de la majorité qualifiée, et les éléments respectant les traditions nationales des Etats membres.

Les aspects sociaux ne sont pas absents du traité modificatif. Le protocole sur les services publics affirme la compétence des Etats membres pour les organiser et les moderniser. Il apporte également une nouvelle base juridique permettant d'intervenir en la matière sans passer, comme c'était jusque-là le cas, par le seul angle de la concurrence. Une clause sociale transversale, à portée générale, est insérée dans le traité. L'ensemble des politiques de l'Union devront dorénavant être vues sous l'angle social. La dimension sociale figure toujours parmi les objectifs de l'Union. De plus, le nouvel objectif de protection des citoyens inclut notamment la protection face à la mondialisation. En ce qui concerne enfin les dispositions sociales de la Charte des droits fondamentaux, un article précise qu'elle a la même valeur que les traités, ce qui renforce ses dispositions sociales notamment. Le contenu de la Charte n'est pas, quant à lui, modifié par rapport à 2004. Il semble que le futur gouvernement polonais revienne sur les options de son prédécesseur, et qu'il demande à bénéficier de tous les aspects de la Charte.

Il ne faut pas non plus négliger le rôle des partenaires sociaux au niveau européen. La réactivation du dialogue social au niveau européen donne des résultats, notamment en matière de flexisécurité et de contrat de travail.

La différence entre la notion d'objectif et de moyen est importante pour la concurrence. Si celle-ci constitue un objectif de l'Union, le contrôle de la Cour de Justice est très étendu. Si celle-ci représente en revanche un moyen, le contrôle se fait sous l'angle d'un équilibre avec les objectifs de l'Union, les objectifs d'intérêt général et la protection des citoyens ;

- la primauté du droit communautaire fait dorénavant l'objet d'une déclaration. C'est la reconnaissance d'un état de fait. En ce qui concerne la personnalité juridique de l'Union, il s'agit d'une clarification, ainsi que l'a compris notamment le Gouvernement du Royaume-Uni. L'Union et la Communauté ont déjà conclu des accords avec quelque 40 Etats ;

- la différence entre le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et le ministre des affaires étrangères de l'Union antérieurement prévu par le traité constitutionnel, est plus symbolique que réelle, mais affirme que la notion de ministre des affaires étrangères reste bien de la compétence des Etats membres. Vice-président de la Commission, le Haut représentant disposera des services actuels du Haut représentant pour la PESC, des services de la Commission concernés et des délégations de la Commission. Il pourra également bénéficier du concours de diplomates venant des Etats membres, selon ce que décidera chacun d'entre eux ;

- s'agissant de la fiscalité, et plus particulièrement de la TVA, le principe reste celui de la décision à l'unanimité des Etats membres. Les coopérations renforcées sont également envisageables. La demande de la France concernant la TVA vise à donner plus d'autonomie aux Etats membres lorsque le bon fonctionnement du marché intérieur n'est pas affecté. Le Président de la République a écrit au Président de la Commission à ce sujet. Cette demande va plus loin que celle de la République tchèque pour une flexibilité permettant aux Etats membres de reprendre, avec une appréciation au cas par cas, l'exercice de certaines compétences lorsque les règles prévues par la Commission sont trop uniformes, dans des domaines tels que la publicité pour l'alcool.

Une seconde demande de la France concernant la fiscalité vise à permettre de l'utiliser comme un instrument incitatif en matière énergétique et écologique pour favoriser par exemple le développement des produits verts ;

- la Banque centrale européenne a souhaité un traitement à part parmi les institutions de l'Union, notamment pour ne pas relever du principe de la coopération et du dialogue entre ces mêmes institutions. Le Conseil n'a pas fait droit à cette demande ;

- le Comité des sages aura un champ d'intervention très large. Certains domaines sont moins apparents que d'autres. La seule question qu'il ne pourra aborder sera la question institutionnelle. Les Etats membres ont estimé qu'il ne convenait pas de rouvrir un débat à peine clos.

PermalienPhoto de Thierry Mariani

a insisté sur la nécessité de disposer d'un argumentaire simple afin d'expliquer aux citoyens le contenu du traité simplifié. Certaines expressions comme « l'incorporation d'un article de référence sans valeur contraignante » peuvent en effet n'être pas claires. Le traité simplifié pouvant apparaître comme identique au traité constitutionnel, seule la présentation étant différente, il est donc indispensable que cet argumentaire fasse le point sur les changements. Il a par ailleurs estimé que rouvrir le débat sur le traité simplifié par voie de référendum ne ferait que repousser l'échéance et serait source de malentendus dans la mesure où pourrait à cette occasion, se poser la question des futurs élargissements.

PermalienPhoto de Régis Juanico

après avoir demandé des précisions sur la requalification de la concurrence libre et non faussée comme instrument et non comme objectif ainsi que sur la portée de la Charte des droits fondamentaux, a également souhaité que soit mis à la disposition des parlementaires un argumentaire sur l'effectivité, la portée et les conséquences du traité simplifié sur les citoyens. Il a fait observer que le problème du nombre de parlementaires italiens au Parlement européen – qui avait été abordé au sein de la Délégation pour l'Union européenne à la suite de la mission à Rome et par le Président Pierre Lequiller lors d'une question d'actualité – a pu être résolu de manière satisfaisante. Lors des négociations, le sentiment d'humiliation et de rétrogradation ressenti par les Italiens a été pris en compte.

PermalienPhoto de Didier Quentin

, évoquant une des priorités de la présidence française qu'est la maîtrise des flux migratoires et l'attention portée aux citoyens africains et à leur santé , a estimé indispensable de donner un contenu à la notion de codéveloppement.

Il a rappelé l'importance des petites et moyennes entreprises qui demandent que leurs spécificités soient prises en compte.

Il a enfin demandé dans quelle mesure sur le plan économique et financier, l'Europe pourrait défendre ses positions et protéger les intérêts de ses citoyens sans être toutefois protectionniste.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

a fait observer que la mise en oeuvre du principe majoritaire est laborieuse tant dans sa définition que dans son calendrier. Si le compromis de Ioannina dont l'objet est de différer une décision à la majorité s'y ajoute, cette logique majoritaire sera vidée d'une large partie de son sens. Il a demandé si des débats s'étaient engagés sur le délai raisonnable et si d'autres pays s'étaient associés à la demande de la Pologne.

Le Président Daniel Garrigue a évoqué la stratégie de Lisbonne, se réjouissant que le Président Barroso ait accédé à la demande française d'élaborer un document sur la stratégie extérieure. Il a demandé quels outils d'intervention pourraient être mis en oeuvre dès lors que les enjeux européens sont menacés, rappelant le débat sur les fonds souverains.

En réponse, M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les réponses suivantes :

- un argumentaire clair et objectif sur le contenu du traité simplifié et sur les changements par rapport au traité constitutionnel est en effet nécessaire et sera élaboré. Il devra faire le point sur la portée et l'effectivité de la Charte des droits fondamentaux et sur les services publics. Par rapport au traité constitutionnel, il est indéniable qu'ont été conservés les nouveaux outils de décision communautaire ainsi que la valeur ajoutée de la mise en oeuvre de nouvelles politiques communes ;

- l'obligation de ratification du traité simplifié ne doit pas être compliquée par le recours au référendum ;

- les préoccupations de l'Italie ont été prises en compte. Cet Etat dont la population a diminué de quatre millions d'habitants a été plutôt avantagé dans un souci de cohésion et de solidarité ;

- une approche globale de la politique de l'immigration inclut effectivement le codéveloppement. La présidence française sera ainsi l'occasion d'organiser à Strasbourg les journées européennes du développement et le Président de la République a annoncé hier la tenue de la conférence de Rabat II ;

- les petites et moyennes entreprises présentent indéniablement des spécificités qui devraient être mieux reconnues. Au plan communautaire, cela pourra se faire par le programme de simplification, la stratégie de Lisbonne et la finalisation du brevet communautaire ; le small business act sera difficilement accepté dans le cadre de l'OMC, mais il pourra l'être au niveau européen ;

- « protéger sans être protectionniste » est possible comme le montre ce qui se passe actuellement dans le cadre des négociations de Doha. Cela passe par des tarifs extérieurs justifiés ou par l'équilibre des concessions faites aux grands pays émergents qui sont devenus nos concurrents. Les conséquences des mutations économiques et industrielles devront être prises en compte dans les mécanismes de reconversion ;

- le débat sur le délai raisonnable n'a été soulevé que par la Pologne qui demandait qu'il soit fixé à deux ans. Cette période paraît excessive et ce délai raisonnable sera de 4 à 6 mois au terme desquels le Conseil ou la Commission indiqueront à l'Etat membre qu'il a disposé de suffisamment de temps pour prendre sa décision. Il s'agit en tout état de cause d'une obligation de moyens et non de résultats, qui devrait être peu appliquée. On peut rappeler que le compromis d'Ioannina avait été demandé à l'origine à l'initiative de l'Espagne qui se trouvait avant le traité de Nice dans une situation similaire à celle de la Pologne ;

- dans le cadre de la mondialisation, l'accent devra être mis sur la dimension extérieure de la stratégie de Lisbonne. Dans le nouvel environnement mondial, les accords qui seront signés seront plus régionaux que multilatéraux. Ainsi, notre stratégie extérieure devra être aménagée en vue de la conclusion d'accords équilibrés avec les pays du Mercosur ou la Chine ;

- la politique de l'environnement devra inclure la lutte contre les changements climatiques ;

- l'aspect social de l'Europe doit être une priorité et l'accent doit être mis sur l'économie de la connaissance, la recherche et le développement, la formation et des marges de manoeuvre budgétaires doivent être dégagées à cet effet. Un programme Erasmus II est indispensable.

Le Président Daniel Garrigue a remercié le ministre pour la précision de ses réponses et sa disponibilité.