, s'est déclaré heureux de venir faire part à la Délégation, aussi vite qu'il a été possible, des résultats remarquables du Conseil européen de Lisbonne, avec, d'un côté, la conclusion d'un accord de portée historique sur le traité réformateur, obtenu dans le milieu de la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 octobre et, par suite, le vendredi matin, l'engagement de travaux prometteurs sur les enjeux économiques, financiers et environnementaux.
La négociation du traité, qui remet l'Europe sur les rails d'un nouveau départ, s'est révélée l'une des plus rapides et des plus efficaces de l'Histoire. La Conférence intergouvernementale (CIG) aura ainsi achevé ses travaux moins de cinq mois après que l'élection du Président de la République ait sorti les débats institutionnels européens de l'ornière. L'essentiel des termes du traité avait été agréé dès le Conseil européen de Bruxelles des 21, 22 et 23 juin dernier, les experts juridiques de la CIG parvenant pour leur part à élaborer une solution satisfaisante pour régler les modalités pratiques de l'exercice par le Royaume-Uni et l'Irlande des opt-out qui leur sont accordés dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice et pour définir une période transitoire avant que le contrôle de la Cour de justice ne s'exerce pleinement sur l'ensemble des actes adoptés dans le cadre du troisième pilier de l'Union sur la coopération judiciaire et policière. Ainsi, deux problèmes seulement subsistaient à la veille du Conseil européen de Lisbonne : les revendications polonaises relatives au mécanisme de Ioannina et au nombre des avocats généraux auprès de la Cour de justice, et la demande italienne de disposer d'un député de plus au sein du parlement européen élu en 2009. C'est au cours d'une réunion préparatoire précédant le dîner officiel que le Président de la République française et les Premiers ministres portugais et luxembourgeois ont dégagé les bases d'un accord avec leurs homologues polonais, le Président Kaczinski, et italien, le Président Prodi. Or, cet accord ménage l'essentiel en ne sacrifiant aucun de nos intérêts ou ceux de l'Union.
En effet, en premier lieu, le mécanisme de Ioannina, qui permet à un nombre d'Etat approchant le seuil de la minorité de blocage de repousser la prise de décision au Conseil pendant un délai raisonnable, n'a pas été inscrit dans le droit primaire, qu'il s'agisse du traité ou des protocoles. Il demeure fixé dans une décision du Conseil qui sera adoptée le jour de la signature du traité. Sa portée juridique ne sera dès lors pas renforcée, et sa modification n'imposera pas la convocation d'une nouvelle CIG. Certes, un protocole spécifique a été adopté, mais il se borne à préciser que la décision de modifier le compromis de Ioannina doit être précédée par un débat au Conseil européen, qui doit ensuite statuer par consensus.
S'agissant du nombre d'avocats généraux, M. Jean-Pierre Jouyet a estimé cohérent de porter leur nombre de huit à onze en concordance avec l'augmentation des effectifs des juges à la Cour de justice de 15 à 27 liée à l'élargissement. Ce nombre était en effet gelé depuis 1995, alors même que tous les « grands » pays sauf la Pologne disposaient du droit de nommer un avocat général. Désormais, la Pologne nommera, comme l'Espagne d'ailleurs avec laquelle elle tient à demeurer en stricte parité, un avocat général tandis que le nombre d'avocats désignés par rotation par les autres Etats membres passera de 3 à 5. On peut remarquer que la culture juridique polonaise est proche de notre tradition de droit continental.
Ne restait que la préoccupation italienne de voir sa parité traditionnelle en nombre d'eurodéputés avec la France et le Royaume-Uni rompue par l'application rigoureuse de la règle de proportionnalité dégressive dont le traité dispose qu'elle doit désormais présider à la répartition des sièges du Parlement européen. La résolution du Parlement européen du 11 octobre dernier, fondée sur le rapport de MM. Lamassoure et Severin, avait en effet prévu que l'Italie disposerait de 72 députés européens, contre 73 pour le Royaume-Uni et 74 pour la France. Si cette nouvelle règle de répartition, innovante, reflète mieux la réalité démographique de l'Union, elle pose de redoutables difficultés à l'Italie dont la démographie est en déclin. L'accord final s'est réalisé sur l'élévation du plafond des membres du parlement européen grâce à la mention, dans le traité, d'un nombre de députés limité à 750 « plus le président » dont on sait qu'il exerce rarement son droit de vote (mais dont il continuera à jouir pleinement).
Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour une cérémonie de signature le 13 décembre, probablement à Lisbonne conformément aux voeux légitimes de la présidence portugaise qui a joué un rôle remarquable dans les négociations.
Abordant le processus de ratification, M. Jean-Pierre Jouyet a indiqué qu'un débat préalable au Conseil européen sera organisé à l'Assemblée nationale et au Sénat le 11 décembre. Par suite, le Président de la République a manifesté son intention d'aller vite et de recourir à la voie parlementaire. Aller vite signifie saisir le Conseil constitutionnel dès la signature du traité, afin d'apprécier la nécessité juridique, probable, de modifier la Constitution, puis de convoquer le Congrès et ratifier le traité. Au total, il semble probable que ces procédures pourront être achevées début février 2008.
Abordant les questions économiques et financières examinées par le Conseil européen, le ministre a indiqué qu'elles avaient été dominées par les rapports entre l'Europe et la mondialisation et la stratégie de Lisbonne. La discussion s'est engagée sur la base d'un rapport du Président de la Commission, M. José Manuel Barroso, dans la lignée des préoccupations de la France telles qu'elles ont été exprimées par le Président de la République. Son rapport a ainsi affirmé la nécessité dans laquelle l'Europe se trouve de défendre ses intérêts commerciaux et de parvenir à faire respecter le principe de réciprocité dans les échanges. Le ministre s'est félicité, d'une part, qu'un tabou ait pu, de ce fait, être brisé, puisqu'il est désormais admis que l'Europe se protège sans être protectionniste et, d'autre part, que s'instaure une convergence de vues entre la France et la Commission, que M. Jean-Pierre Jouyet a jugée prometteuse pour la présidence française de l'Union.
Pour ce qui est de la stabilité financière, le ministre a indiqué que le Conseil européen avait pris en compte le programme de travail élaboré par le Conseil « Ecofin » du mois d'octobre, ainsi que la déclaration signée par la Chancelière Angela Merkel, le Président Nicolas Sarkozy et le Premier ministre du Royaume-Uni, M. Gordon Brown. Il s'agit d'affirmer, en ce qui concerne les marchés financiers, l'exigence de transparence financière, la nécessité de régulations nationales fortes, d'une meilleure gestion des risques, d'une bonne diffusion de l'information sur la tritisation et d'une réflexion sur le mode de fonctionnement des agences de notation en vue de prévenir les conflits d'intérêts entre ces dernières et les banques.
Le ministre, évoquant la question du changement climatique, a souligné que le Conseil européen avait souhaité que l'Union parvienne lors de la Conférence de Bali, à promouvoir l'objectif d'un accord en 2009 destiné à réduire les gaz à effet de serre après 2012. Le Conseil européen a estimé qu'en matière environnementale, l'Union européenne devait jouer un rôle pionnier, non seulement pour des raisons éthiques mais aussi parce qu'elle dispose d'entreprises compétitives innovantes.
Puis le ministre a évoqué les priorités de la présidence française.
S'agissant de la lutte contre le changement climatique, M. Jean-Pierre Jouyet a souligné que cette priorité s'inscrirait dans la suite du Grenelle de l'environnement. L'objectif est de consolider les accords existants dans l'Union européenne et d'y ajouter des initiatives nouvelles touchant, par exemple, aux incitations fiscales qui pourraient être proposées dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
Dans le domaine de l'énergie, la France plaidera en faveur d'une politique globale afin que celle-ci ne se limite plus seulement à la libéralisation et au marché intérieur, mais prenne aussi en compte des problèmes tels que la sécurité de l'approvisionnement, qui est un enjeu pour les nouveaux adhérents, lesquels sont soucieux de réduire leur dépendance à l'égard de la Russie. En outre, il s'agira de poser le débat sur l'énergie nucléaire, en ce qui concerne la question de la sûreté nucléaire et son amélioration, en particulier dans les PECO (pays de l'Europe centrale et orientale) dont les centrales fonctionnent dans des conditions difficiles. Il importera également de réfléchir à une meilleure régulation et, sans tabou, à la question des déchets nucléaires.
Quant à la gestion des flux migratoires, le ministre a noté qu'il s'agissait là d'une préoccupation partagée par l'ensemble des Etats membres, laquelle est liée à la perception des conséquences résultant des déséquilibres démographiques entre l'Union européenne d'une part et, d'autre part, l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie ou encore l'Amérique du Sud. Dans le cadre de la JAI, l'Union devra s'efforcer de parvenir à une approche commune en matière d'immigration et d'intégration et de favoriser l'échange des bonnes pratiques.
Dans le domaine de la défense, le ministre a indiqué que la France s'efforcerait de parvenir à une juste articulation entre ses rapports avec l'OTAN et l'objectif d'une politique de défense européenne plus ambitieuse.
Le ministre a également indiqué que, sous la présidence française, il sera procédé à l'actualisation de la stratégie de Lisbonne, au bilan à mi-parcours de la PAC et à un nouveau cadrage des perspectives financières. Sur ce dernier point, il s'agira de définir les bases d'un nouveau cadre en termes d'évaluation des dépenses et de politiques communes, mais également en vue de réfléchir à un système de ressources propres.
Pour ce qui est des relations extérieures, la présidence française sera marquée par trois sommets importants entre l'Union européenne, l'Asie, la Chine et les Etats-Unis. La définition d'un partenariat avec la Russie devrait également figurer parmi les questions qui seront abordées. En ce qui concerne le sommet entre l'Union européenne et l'Afrique, il devrait promouvoir une meilleure politique dans le domaine de la santé.
Un débat a suivi l'exposé du ministre.