La Délégation a procédé à l'audition de MM. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, Jean-François Veysset, Vice-Président en charge des affaires sociales, Georges Tissié, directeur des affaires sociales et Mme Geneviève Roy, membre de la commission sociale.
a indiqué que, dans la perspective de la Conférence nationale sur l'égalité professionnelle et salariale, la Délégation a souhaité savoir comment les partenaires sociaux abordaient ces questions.
Elle a ensuite regretté l'insuffisante application des lois relatives à l'égalité professionnelle et les lacunes de leur évaluation et insisté sur l'importance qu'il y a à favoriser la présence des femmes dans les conseils d'administration.
D'où l'intérêt de savoir ce que les représentants de la CGPME pensent de l'application des différentes lois intervenues depuis 2001, dans quel état d'esprit ils abordent la Conférence nationale et quel travail ils pensent possible de mettre en place pour faire avancer l'égalité hommesfemmes dans le monde du travail.
indiqué que pour la CGPME, l'accord national interprofessionnel de mars 2004 était très important et constituait avec la loi de 2006 le socle qui assoie la problématique de la mixité et de l'égalité professionnelles. Les règles posées par la loi sont maintenant suffisantes pour parvenir à l'objectif souhaité. Il faut à présent, diffuser l'information, notamment auprès des petites et moyennes entreprises qui n'ont pas de direction des ressources humaines, et qui constituent la majorité des entreprises, afin de leur faire prendre conscience des problèmes de mixité, de parité et d'égalité.
La CGPME propose depuis trois ans et demi au ministère en charge de ces questions la réalisation d'un CD d'autoévaluation pour les entreprises. Tout le monde trouve l'idée excellente mais aucun financement n'est prévu pour le faire. Le chef d'entreprise d'une PME de dix, vingt ou cinquante salariés n'a pas le temps de se préoccuper de ces questions. Si l'on pouvait lui fournir un outil lui permettant d'évaluer chaque année la mixité et l'égalité salariale dans son entreprise, cela constituerait un réel progrès.
Par ailleurs, les derniers chiffres disponibles font état, dans le secteur privé, d'un écart de salaire entres les hommes et les femmes de 11 %, et non de 20 ou 25 % comme il est souvent affirmé.
a rappelé qu'elle considérait également qu'il fallait arrêter de légiférer.
a mis l'accent sur la nécessité d'informer les entreprises de leurs obligations en matière d'égalité professionnelle. Les chambres de commerce devraient avoir un devoir d'information en ce domaine car elles ne le font pas suffisamment. Un vrai bond en avant doit être fait également en matière d'incitation. Par ailleurs, les écarts de salaire au moment de l'embauche sont moins importants qu'on veut bien le dire. C'est ensuite au cours du déroulement de la carrière qu'il faut rectifier le tir.
a souligné que lors de l'audition de plusieurs syndicats il a été avancé que, parvenir à l'égalité salariale hommesfemmes, supposait nécessairement un meilleur partage : c'est-à-dire que les hommes devront faire des sacrifices sur l'évolution de leurs salaires pour permettre le rattrapage au bénéfice des femmes. Ressentez vous cette préoccupation dans les PME ?
a répondu par la négative et précisé que dans une PME, le salaire rémunère la fonction et il n'y a le plus souvent qu'une seule personne par fonction. Dès lors, il est très difficile de comparer les salaires entre les hommes et les femmes puisqu'ils n'occupent pas les mêmes postes.
À l'embauche, il n'y a pas ou peu d'écart de salaires. Celui-ci apparaît, ou se creuse, au bout de quelques années en raison des temps d'absence des femmes, temps pendant lesquels elles n'ont pas profité des augmentations de salaire.
a fait remarquer que les conséquences des temps d'absence pour congé de maternité en termes d'évolution salariale sont corrigées par l'article 1er de la loi de 2006.
a précisé que cela s'appliquait sur la base de l'augmentation moyenne d'un même salaire pour une même fonction, ce qui n'est pas possible dans les petites entreprises. De plus, on ne dispose pas de bilan de l'application de cette disposition.
a fait part de la déception éprouvée, lors de la réunion de préparation de la Conférence sur l'égalité professionnelle à laquelle la CGPME a assisté la veille, en constatant que l'INSEE, la DARES et les autres instituts chargés du suivi à partir des recensements et des déclarations annuelles des salaires, travaillaient encore sur les chiffres de 2002 et qu'il n'existait pas de bases réelles d'évaluation de l'accord de 2004 et de la loi de 2006. Lorsqu'il en a fait la remarque, on lui a indiqué qu'à la lecture des déclarations annuelles des salaires 2005, il n'avait pas été constaté d'évolution correctrice des salaires féminins par rapport aux salaires masculins.
Cela étant, Mme Quintin, rapporteur de la Conférence, a précisé qu'Eurostat disposait de chiffres plus actualisés qui montraient que l'écart de salaire se situait, non pas à 19 % – avant correction – comme cela figure sur tous les documents fournis à l'occasion de la Conférence, mais à un peu plus de 16 %. Ce différentiel est très important car il est la preuve qu'il se passe quelque chose en matière de rémunération.
La CGPME s'était donné trois ans pour effectuer le suivi de l'accord 2004. Si elle ne dispose pas de données, elle ne peut pas procéder à une réelle évaluation, mais simplement à des relevés d'expérimentations ou de témoignages de bonne pratique.
a souligné que l'écart de salaires entre les femmes et les hommes était moins imputable aux arrêts maternité, qu'au fait que les premières accèdent moins souvent que les seconds aux postes de responsabilité. Quelle politique peut être menée par les petites entreprises pour corriger cette tendance ?
a répondu qu'il voyait des améliorations se dessiner, du fait de la sensibilisation des chefs d'entreprise aux problèmes d'égalité et aussi du développement de formes d'aide comme le CESU – le chèque emploi service universel – qui devrait permettre à la femme d'être moins contrainte par ses obligations familiales. Il a reconnu qu'il s'agissait là d'un vrai problème puisque, l'homme ne voulant en général pas s'en charger, il revient à la femme de s'occuper des enfants.
a précisé, en tant que gérant d'une société de dix-huit personnes, que dans une PME, la différence hommesfemmes apparaît non pas au niveau du salaire d'embauche mais au cours de la carrière, du fait des absences ou bien à l'occasion du recrutement pour un poste de responsabilité car la perspective d'un arrêt maternité peut jouer en défaveur de la femme. Dans les grands groupes, il y a un numéro 2 et un numéro 3 qui sont parfaitement capables de prendre les choses en main lors d'une absence du numéro 1. Dans une petite entreprise où il n'y a qu'un poste de directeur commercial et qu'un poste de directeur comptable, la préférence est souvent donnée à un homme.
a ajouté au problème du congé de maternité celui du partage de la vie professionnelle et de la vie familiale. Les femmes recherchent un équilibre entre les deux alors que les hommes privilégient encore leur vie professionnelle.
a cependant noté un changement de comportement dans la nouvelle génération. Les maris participent plus au fonctionnement du ménage, ce qui n'était pas du tout le cas de sa génération.
a demandé comment les parlementaires peuvent aider à l'application de la loi dans les entreprises.
a exhorté la Délégation à insister auprès du ministère de tutelle sur la nécessité d'une large information, à charge pour les organisations représentatives d'oeuvrer au niveau des entreprises. Les chefs d'entreprise sont pris par leur quotidien. Si on ne leur facilite pas le travail en matière d'égalité hommesfemmes ils ne feront rien. Il a insisté sur l'importance du projet de CD pour inciter les chefs d'entreprise à cette ouverture.
a demandé si les syndicats dans les PME semblaient avoir mieux intégré le souci d'égalité et faisaient preuve de plus de pédagogie qu'en 2001 et 2002.
a répondu que la féminisation des équipes dirigeantes des syndicats de salariés avait fait évoluer l'approche des très grandes entreprises mais pas des PME où il y a peu de représentation syndicale. Cela étant, l'approche au niveau des branches professionnelles est en train de se territorialiser, ce qui conduit à prendre davantage en compte les problèmes d'habitat par rapport au bassin d'emploi et de transport. Ce dernier point est très important pour les femmes car ce sont elles qui suivent le plus souvent leur mari et subissent des délocalisations d'emploi qui les contraignent à des gestions horaires particulièrement difficiles.
Par ailleurs, on note des réactivités complètement différentes d'un métier à l'autre dans une même branche et chaque situation est individualisée. Si, en cas de maladie d'un enfant, le chef d'entreprise du mari est plus compréhensif que celui de la femme, c'est l'homme qui demandera une réorganisation de son emploi du temps pour répondre à l'attente familiale. Cela pose la question du partage du temps et ce n'est que petit à petit qu'interviendront des changements culturels.
La population française étant de plus en plus diverse, il faudra également tenir compte des approches différentes des salariés selon leurs attaches culturelles. La situation est beaucoup plus complexe en fait qu'il n'apparaît à la lecture des textes législatifs et réglementaires.
a souligné que beaucoup de situations de discrimination sont totalement involontaires. Des grands groupes qui se croyaient à l'abri en ce domaine, comme le groupe Accor, ont découvert, après des tests anonymes à l'intérieur des équipes, qu'il existait des discriminations en leur sein. Souvent le temps manque pour analyser les situations. D'où l'importance de fournir des tests permettant, par des questions simples, aux entreprises de se positionner.
Il conviendrait également d'utiliser davantage les chambres de commerce, les centres de formation ainsi que les délégations régionales à la condition féminine.
a demandé s'il était imaginable, souhaitable et souhaité que les membres de la Délégation aux droits des femmes organisent dans leurs régions un travail en interaction avec les chambres de commerce.
a répondu que cela lui paraissait intéressant comme cela se fait déjà sur d'autres sujets. Il faut compter plusieurs années avant qu'une loi soit « absorbée » par les chefs d'entreprise parce que ces derniers n'ont pas le temps de s'en occuper. Ainsi il a fallu attendre trois ans avant que ne démarrent les évolutions en matière de formation professionnelle et cela a nécessité de nombreuses réunions dans les départements.
La mixité et l'égalité hommesfemmes étant un problème moins prégnant pour les entreprises, cela demandera du temps et nécessite de préparer le terrain à l'aide d'outils adaptés.
a exprimé le souhait que les parlementaires soient, auprès des chefs d'entreprise, les missi dominici de la loi. Lors d'une réunion avec la chambre de commerce de Nancy, elle a, en effet, senti que les chefs d'entreprise avaient besoin d'être rassurés.
a insisté sur le fait que les relais des dirigeants de PME sont les syndicats patronaux et non les syndicats de salariés, qu'ils ne voient jamais. Le droit individuel à la formation, est un bon exemple car, bien qu'il s'agisse d'une obligation, l'information à son sujet est toujours en cours. Un CD a été réalisé, sur une initiative patronale, pour toucher toutes les entreprises.
Pour les questions d'égalité et de mixité, un travail analogue sera nécessaire et des parlementaires peuvent y contribuer.
s'est engagée à relayer auprès du ministère l'idée d'un CD pédagogique à l'intention des chambres de commerce et des entreprises. Il est par ailleurs anormal que l'INSEE et la DARES travaillent toujours sur les chiffres de 2002.
a souligné combien il était important de distinguer les chiffres concernant le temps complet et ceux relatifs au temps partiel. L'écart de salaire de 12 % se rapporte au premier cas. Il est bien supérieur si l'on fait la moyenne générale, puisque la majorité des travaux à temps partiel sont occupés par des femmes. Les différences constatées dans les chiffres fournis tiennent peut-être au fait qu'ils ne dessinent pas la même réalité.
Elle s'est ensuite demandée si les dirigeants de PME trouveraient le temps de se rendre à des réunions d'information sur l'égalité hommesfemmes ?
a déclaré être systématiquement invitée à parler de l'égalité salariale et professionnelle lors de réunions rassemblant des dirigeants de PME. Elle compte demander à Mme Vilain, présidente de la délégation aux droits des femmes du Conseil économique et social et membre de l'Observatoire de la parité, d'organiser, en lien avec les chambres de commerce, une Journée sur l'égalité salariale.
a cité, pour lever les craintes de Mme Martine Billard, une série de réunions qu'il a organisées dans plusieurs villes de province sur la GPEC, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétentes, pour lesquelles il craignait avoir très peu de chefs d'entreprise dans la salle. Or, elles ont réuni à chaque fois entre 150 et 200 personnes.
Cela étant, il est indispensable de disposer d'un outil à remettre aux chefs d'entreprise à la fin des réunions.
a cité, pour sa part, le déplacement effectué à Lyon par le sénateur Carle, après avoir présenté le midi même au Sénat son rapport sur le droit individuel à la formation, pour participer à une réunion de dirigeants de PME. Cela s'est révélé extrêmement profitable car, en plus de la centaine de chefs d'entreprise réunis, se trouvaient dans la salle des représentants des syndicats de salariés et de la presse qui ont relayé l'événement.
Quand on porte la parole en province, on touche beaucoup plus de personnes que simplement ceux qui assistent aux réunions.
a insisté sur l'importance de la presse quotidienne régionale, et regretté qu'elle ne soit pas suffisamment utilisée. Mais elle a souligné la difficulté d'obtenir un impact de même nature dans la capitale.
a conseillé d'organiser des réunions thématiques regroupant la question de l'égalité hommesfemmes avec d'autres sujets.
a indiqué que la CGPME parvient, en regroupant quatre ou cinq arrondissements, à tenir des réunions à Paris auxquelles les chefs d'entreprise participent.
a demandé s'il ne serait pas possible à la CGPME, pour accélérer une évolution culturelle trop lente, de mener des actions concrètes avec les salariés des entreprises, y compris, éventuellement de grandes entreprises, comme la mise en place de crèches ou de haltes-garderies communes à plusieurs entreprises.
a fait valoir que, au moment où des dispositifs d'aide se sont mis en place pour créer des crèches interentreprises, il était apparu que le CESU répondait mieux aux attentes des mères qui cherchent davantage un mode de garde à proximité de leur habitat pour éviter de faire subir à leurs tout jeunes enfants les mêmes trajets qu'elles. Il pourrait être demandé aux entreprises d'offrir le CESU à leurs salariés plutôt que de s'investir dans la création de crèches interentreprises qui sont des opérations lourdes. Les critères d'habitat, de bassin d'emploi, de transport doivent toujours être pris en compte.
a précisé que les situations étaient différentes selon les régions. En Haute-Savoie, les crèches interentreprises fonctionnent bien car les salariés habitent tous à moins de vingt minutes de leur lieu de travail. À Paris, ce n'est pas concevable, surtout pour les femmes travaillant à temps partiel.
a demandé s'il était prévu, dans le cadre de la Conférence nationale, de mener une étude sérieuse sur le temps partiel et ses conséquences sur les salaires et les évolutions de carrière.
a répondu qu'il n'était pas sûr qu'une telle étude soit faite dans le cadre de la Conférence, mais que le problème sera abordé par les partenaires sociaux dans l'actuelle négociation sur la modernisation du marché du travail. Le concept de temps partiel choisi mérite en effet d'être réexaminé.
Dans de nombreux cas, il faut cumuler du temps partagé, que ce soit en contrat à durée déterminée ou en temps partiel, pour atteindre le plein emploi. Dans certains bassins d'emploi, comme le Languedoc-Roussillon, le phénomène de saisonnalité est tel que le contrat à durée indéterminée ne peut être le contrat unique car on a besoin de toute une panoplie de possibilités.
Il faut rappeler que 82 % des personnes travaillant à temps partiel sont des femmes.
a signalé que, lors de la réunion de préparation de la Conférence, Mme Quintin, qui a une vision européenne, s'était étonnée de la conception négative qu'un certain nombre de représentants d'organisations syndicales françaises ont du travail à temps partiel féminin. Dans beaucoup de pays, notamment du Nord de l'Europe, la vision en est bien plus positive.
a précisé que les situations n'étaient pas comparables, puisque, dans les pays du Nord de l'Europe, c'est à partir du temps partiel que les femmes sont parvenues à l'exercice d'activités à temps complet. En France, le temps partiel entraîne un réel problème de précarité.
a mis en garde contre une surestimation du temps partiel subi, lequel offre d'ailleurs des possibilités de souplesse par rapport aux temps imposés. D'après toutes les statistiques – de 2005 pour une fois –, européennes comme françaises, y compris de la DARES, le temps partiel subi ne représente que 30 % du total du temps partiel dans le secteur marchand. Réduire le temps partiel à la simple partie appelée temps partiel subi, comme cela est souvent le cas, finit par introduire une confusion.
a distingué entre la vision des chefs d'entreprise de la CGPME et celle plus prospective de la délégation, qui se préoccupe notamment des conséquences du temps partiel sur les retraites des femmes concernées.
Par ailleurs, si dans les secteurs représentés par la CGPME comme l'hôtellerie et la restauration, le temps partiel est nécessaire, la situation est toute différente dans les secteurs de la grande distribution et des emplois d'aide à la personne. Il va falloir gérer les retraites de toute une génération de femmes qui ont travaillé à temps partiel.
a observé qu'un taux de 30 % de temps partiel subi sur le total des emplois à temps partiel est tout de même un taux élevé.
a rappelé que ces 30 % représentent des femmes qui travaillent à temps partiel parce qu'elles n'ont pas trouvé d'emploi à temps complet et que, de surcroit, les emplois à temps partiel sont globalement plus précaires et moins qualifiés que les emplois à temps complet.
a relevé que, même dans le secteur marchand, le temps partiel est rarement proposé aux hommes.
a expliqué que le temps partiel était encore considéré comme un complément au salaire de l'homme.
a déploré la persistance de cette idée compte tenu de l'augmentation du nombre des familles monoparentales.
a étendu la réflexion aux services d'aide à la personne dont le développement est prôné. Ce sont des emplois à temps partiel qui, dans les zones à habitat dispersé, entraînent des déplacements multiples. Comme les temps de transport ne sont pas rémunérés et que le prix du carburant ne cesse d'augmenter, certaines femmes seront obligées de refuser des offres parce qu'ils ne leur procureront pas un revenu suffisant.
a fait remarquer que les entreprises essayaient de regrouper les agents au niveau de chaque centre pour faciliter ce travail de proximité.
a conclu sur la nécessité de prendre en compte les deux visions du temps partiel dans la réflexion. Si elle comprend que le Gouvernement n'ait pas inclus cette question dans le cadre de la Conférence annuelle, il est indispensable qu'elle soit débattue dans la négociation sur la modernisation du marché du travail.