La Commission a examiné, sur le rapport de M. Georges Fenech, en application de l'article 88 du Règlement, les amendements au projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (n° 442).
Avant l'article 1er
La Commission a repoussé l'amendement n° 70 de M. Serge Blisko.
Article 1er (art. 706-53-13 à 706-53-22 [nouveaux] : art. 717-1 ; art. 723-37 ; art. 723-38 [nouveau] du code de procédure pénale) : Instauration de la rétention de sûreté :
— Art. 706-53-13 du code de procédure pénale : Champ d'application de la mesure de rétention de sûreté :
La Commission a repoussé les amendements n° 71 de M. Serge Blisko et n° 94 de M. Michel Vaxès.
Puis, elle a repoussé les amendements n° 72 et 73 de M. Serge Blisko.
Le rapporteur ayant précisé qu'il avait lui-même déposé un amendement ayant le même objet, la Commission a repoussé l'amendement n° 110 de M. Christian Vanneste.
La Commission a ensuite adopté l'amendement n° 63 du rapporteur visant à étendre la possibilité de prononcer la rétention de sûreté aux personnes condamnées pour des crimes d'enlèvement et de séquestration d'un mineur.
Puis, elle a repoussé les amendements n° 74 et 69 de M. Serge Blisko.
Elle a en revanche adopté l'amendement n° 64 du rapporteur complétant des conditions exigées pour pouvoir prononcer une rétention de sûreté à l'encontre d'un condamné dont la particulière dangerosité est caractérisée par une probabilité très élevée de récidive par l'existence d'un « trouble grave de la personnalité » , le rapporteur ayant précisé que la seule dangerosité criminologique, et non psychiatrique, était ici visée.
La Commission a ensuite été saisie de l'amendement n° 65 du rapporteur, visant à étendre la possibilité de prononcer la rétention de sûreté de personnes condamnées à une peine de quinze ans de réclusion pour certains crimes commis sur des victimes majeures.
Le rapporteur a rappelé que l'âge des victimes n'était pas un critère d'appréciation de la dangerosité des criminels et a donc estimé légitime de ne pas limiter la rétention de sûreté aux seuls auteurs de crimes commis sur des mineurs. Il a fait valoir que le champ de la rétention de sûreté demeurerait toutefois plus restreint en cas de crimes contre des majeurs qu'en cas de crimes contre des mineurs, puisqu'une circonstance aggravante sera exigée dans le premier cas.
a souligné que cet amendement renforçait son opposition au projet de loi, car il risque d'élargir à l'excès le champ de la rétention de sûreté, dont on ne sait combien de personnes elle est susceptible de concerner.
a jugé l'amendement indispensable et ajouté qu'il serait absurde pour le législateur de ne prendre en compte l'émotion de l'opinion publique que pour les crimes commis sur des mineurs.
s'est réjoui de cet amendement en notant qu'il permettrait de revenir sur une distinction infondée entre sujets de droit. Il s'est en outre étonné de certaines déclarations sous-entendant que la vie d'un majeur est moins importante que celle d'un mineur.
a fait part de sa consternation devant la méthode législative employée et la nature de l'amendement proposé. Il s'est étonné du décalage entre l'extension proposée et la discussion tenue lors de l'examen du projet de loi en Commission, seule la question d'un élargissement aux crimes commis sur des mineurs de quinze à dix-huit ans ayant été posée en décembre dernier. Il a regretté que le Parlement légifère non plus dans l'intérêt général, mais en réaction immédiate à l'émotion populaire soulevée par certains crimes, dont les victimes sont parfois nommément citées dans l'exposé sommaire des amendements. L'impact de l'amendement proposé, qui étend le champ du projet de loi aux crimes commis sur des personnes majeures, mériterait à l'évidence une évaluation préalable, sans précipitation, d'autant que le nombre de personnes concernées demeure inconnu.
a rappelé qu'une estimation du nombre de personnes concernées par la nouvelle rétention de sûreté avait été demandée à Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, ministre de la Justice, lors de son audition par la Commission le 11 décembre dernier. Celle-ci avait alors affirmé, s'agissant du « nombre de personnes concernées par le texte », que « les individus extrêmement dangereux représentent, au sein de la population carcérale actuelle, une centaine de personnes, dont une quinzaine présente un risque de récidive sur mineurs de moins de quinze ans ». Il a remarqué que le nombre de personnes concernées serait ainsi beaucoup plus important si l'extension aux crimes contre les majeurs était adoptée et a désapprouvé, s'agissant de la méthode législative, l'examen tardif et précipité d'un changement aussi essentiel.
a jugé préférable de ne pas établir, dans ce projet de loi, de distinction entre victimes mineures et victimes majeures, la dangerosité des criminels ne tenant pas à l'âge de leurs victimes. Il a considéré qu'il n'était pas ici question de légiférer dans l'émotion immédiate, puisque des crimes épouvantables ont été commis en France depuis de nombreuses années et que le projet de loi permettrait de mieux protéger la société de « grands prédateurs » particulièrement dangereux, dont le nombre excède largement la dizaine.
a estimé que l'extension du dispositif aux victimes majeures a pour but d'éviter la réitération des crimes les plus graves, quel que soit l'âge de la victime, et non de répondre à l'émotion créée par un fait divers. Légiférer sous le coup de l'émotion consisterait au contraire à différencier le traitement pénal en fonction de l'âge de la victime, car ce sont les crimes commis à l'encontre des mineurs qui suscitent le plus d'émotion. Puis il a considéré que l'augmentation du nombre de personnes potentiellement concernées justifiait d'autant plus l'intervention d'une loi.
Après avoir rappelé que la commission des Lois travaille depuis plusieurs années sur la question de la prévention de la récidive criminelle, de même que le ministère de la Justice, en partenariat avec le ministère de la santé, avec des résultats intéressants, M. Guy Geoffroy a indiqué avoir visité, avec le Garde des Sceaux et le rapporteur, le centre de détention de Melun où un travail expérimental est mené en la matière. Loin d'avoir été préparé en urgence, le projet de loi se situe dans la continuité de ces actions tendant à répondre aux attentes de la population et à éviter que des personnes sortent de prison aussi dangereuses qu'elles y sont entrées. M. Guy Geoffroy a également déclaré que le texte n'était pas privatif de liberté, mais protecteur d'éventuelles futures victimes.
Rappelant que la dernière loi relative à la récidive date du 10 août 2007, Mme Élizabeth Guigou a estimé que légiférer à partir de faits divers conduit logiquement à une escalade sans fin, alors même que la loi pénale doit concilier la nécessaire répression avec le respect des grands principes du droit. Elle a regretté qu'un nouveau texte soit débattu sans qu'un bilan ait été dressé ni des moyens alloués à la justice, ni des lois précédentes qui ont amélioré le traitement pénal des criminels dangereux. Puis elle a jugé que le projet de loi contrevient aux principes fondamentaux du droit sans pour autant permettre une prévention plus efficace de la récidive, car les unités psychiatriques ne disposent pas des moyens nécessaires pour soigner les condamnés dès leur incarcération.
Après avoir partagé le constat d'un manque de moyens effectifs de contrôle des condamnés libérés, M. Dominique Raimbourg s'est inquiété de la probable extension du champ d'application du texte à chaque événement suscitant l'émotion du public, notamment sous la pression des victimes de crimes ou délits autres que ceux prévus par le projet de loi.
a exprimé son désaccord avec la distinction entre les victimes majeures ou mineures et a rappelé qu'il préconisait depuis dix ans la prise en compte de la dangerosité des condamnés. Il a estimé que, face aux cas de récidives de crimes constatés ces dernières années, il était nécessaire d'améliorer la loi afin de mieux protéger les victimes, tout en s'interrogeant sur les moyens de la justice.
Après avoir constaté que les commissaires étaient tous opposés à une différenciation en fonction de l'âge de la victime, M. Jean-Paul Garraud a rappelé que le projet de loi instaurait non pas une peine mais une mesure de sûreté. Il a indiqué que des mesures de sûreté en milieu fermé existaient en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, ainsi qu'au Canada où des peines à durée indéterminée peuvent même être prononcées. Il a conclu que le dispositif prévu par le projet de loi, qui est circonscrit à certains crimes précis, concilie les impératifs de sécurité et d'humanité dans le traitement des criminels dangereux.
a distingué le suivi socio-judiciaire, qui est ordonné lors du jugement, d'une mesure de sûreté décidée ultérieurement par une commission. Elle a jugé que le projet de loi tend à favoriser le traitement judiciaire de la maladie mentale alors que la procédure de l'hospitalisation d'office pourrait être utilisée à l'encontre des personnes dangereuses. Rappelant que le placement en centre fermé est une alternative à la peine en Belgique et aux Pays-Bas, elle a déclaré que les expertises psychologiques étaient plus complètes et pluridisciplinaires dans les autres pays qu'en France, où les moyens alloués sont moindres.
En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a estimé que le projet de loi relève de la même logique que la loi de 1998 qui a institué le suivi socio-judiciaire et le bracelet électronique fixe. Il a indiqué que la question de la limitation du dispositif aux crimes commis à l'encontre de mineurs a fait l'objet d'une longue réflexion, comme le rapport en témoigne, qui a abouti à la proposition d'extension aux crimes commis contre des majeurs. Jugeant excessif le qualificatif de « totalitaire » récemment employé par M. Robert Badinter, il a affirmé que le texte ne visait pas la répression, mais la prévention des crimes et la protection des victimes. Il a ajouté qu'apporter des soins, qui ne sont pas nécessairement médicaux, aux personnes condamnées pour éviter qu'elles ne récidivent favorise leur réinsertion.
La Commission a accepté cet amendement.
— Art. 706-53-14 du code de procédure pénale : Examen par la Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté :
La Commission a repoussé les amendements n° 75 et 76 de M. Serge Blisko. Elle a ensuite repoussé l'amendement n° 77 de M. Dominique Raimbourg.
— Art. 706-53-15 du code de procédure pénale : Décision de placement en rétention de sûreté par une commission régionale, susceptible d'appel devant une commission nationale et d'un pourvoi en cassation :
La Commission a repoussé l'amendement n° 78 de M. Dominique Raimbourg. Puis elle a repoussé les amendements n°s 79 et 80 de M. Serge Blisko.
— Art. 706-53-16 du code de procédure pénale : Durée de validité de la décision de placement en rétention de sûreté :
La Commission a repoussé l'amendement n° 82 de M. Serge Blisko.
— Art. 706-53-18 du code de procédure pénale : Possibilité pour le placé de demander la mainlevée du placement en rétention de sûreté :
La Commission a repoussé l'amendement n° 83 de M. Dominique Raimbourg.
— Art. 706-53-20 du code de procédure pénale : Modalités de sorties de la rétention de sûreté :
La Commission a repoussé l'amendement n° 84 de M. Dominique Raimbourg puis l'amendement n° 85 de M. Serge Blisko. Elle a ensuite également repoussé l'amendement n° 86 de M. Dominique Raimbourg.
— Art. 706-53-22 du code de procédure pénale : Textes réglementaires d'application :
La Commission a repoussé l'amendement n° 87 de M. Dominique Raimbourg.
— Art. 717-1 du code de procédure pénale : Coordination
La Commission a repoussé l'amendement n° 88 de M. Serge Blisko.
— Art. 723-37 du code de procédure pénale : Modalités de prolongation de la surveillance judiciaire
La Commission a repoussé les amendements n° 89 et 90 de M. Dominique Raimbourg et les amendements n°s 91 de M. Serge Blisko. Puis elle a accepté l'amendement n° 92 de M. Dominique Raimbourg précisant que la prolongation du placement sous surveillance judiciaire ne peut être ordonnée que si les obligations résultant de l'inscription au FIJAIS « sont » et non « apparaissent » insuffisantes pour éviter la récidive et rejeté les amendements n°s 93 et 96 de M. Serge Blisko.
Article 2 (art. 721 ; art. 721-1 du code de procédure pénale) : Réductions de peine :
La Commission a repoussé l'amendement n° 97 de M. Dominique Raimbourg.
Elle a ensuite accepté l'amendement n° 98 de M. Serge Blisko prévoyant l'intervention d'un avis médical, puis a repoussé les amendements n°s 100 de M. Dominique Raimbourg et 99 de M. Serge Blisko.
Article 3 (Titre XXVIII [nouveau], chapitre 1er [nouveau], chapitre II et section 1 et section 2 [nouveaux], chapitre III (nouveau], art. 706-119, 706-120, 706-121, 706-122, 706-123, 706-124, 706-125, 706-126, 706-127, 706-128, 706-129, 706-130, 706-131, 706-132, 706-133, 706-134, 706-135, 706-136, 706-137, 706-138 et 706-139 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental :
La Commission a repoussé l'amendement n° 101 de M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
— Art. 706-122 (nouveau) du code de procédure pénale : Procédure applicable devant la chambre de l'instruction :
La Commission a repoussé l'amendement n° 105 de M. Jean-Jacques Urvoas.
— Art. 706-122 du code de procédure pénale : Procédure applicable devant la chambre de l'instruction, 706-123 (nouveau) du code de procédure pénale : Non-lieu pour insuffisance de charges et 706-124 (nouveau) du code de procédure pénale : Renvoi devant la juridiction compétente :
La Commission a repoussé l'amendement n° 102 de Mme Élisabeth Guigou.
— Art. 706-135 A (nouveau) du code de procédure pénale :
La Commission a accepté l'amendement de cohérence et de simplification n° 66 de M. Georges Fenech, créant un article 706-135 A dans le code de procédure pénale pour permettre à la chambre de l'instruction ou à la juridiction de jugement d'ordonner directement l'hospitalisation d'office de la personne dont elle déclare l'irresponsabilité pénale pour trouble mental.
— Art. 706-138 (nouveau) du code de procédure pénale : Sanctions en cas de non-respect des interdictions :
La Commission a repoussé l'amendement n° 106 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Article 4 (art. 167-1, 177, 199-1, 361-1, 470-2 (nouveau), 768, 769 et 775 du code de procédure pénale) : Coordinations au sein de code de procédure pénale et inscription des décisions de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental au casier judiciaire :
La Commission a repoussé l'amendement n° 103 de M. Serge Blisko, puis elle a accepté l'amendement n° 67 d'harmonisation rédactionnelle présenté par M. Georges Fenech.
Article 5 (art. L. 3213-7 du code de la santé publique) : Coordination en matière d'hospitalisation d'office :
La Commission a repoussé l'amendement n° 109 de M. Paul Jeanneteau.
Article 6 (Livre VII : art. L. 3711-1 à L. 3711-3 ; art. L. 3711-4-1 du code de la santé publique) : Modifications du dispositif de l'injonction de soins :
La Commission a repoussé les amendements n°s 111, 112, 113 et 104 de M. Serge Blisko.
Article 12 : Entrée en vigueur des dispositions de la loi :
La Commission a examiné l'amendement n° 68 du Gouvernement, concernant les conditions d'application de la loi aux personnes déjà condamnées lors de son entrée en vigueur.
Le rapporteur a fait valoir que cette disposition crée, pour les personnes condamnées qui sortent directement de détention sans avoir fait l'objet d'une surveillance judiciaire, un régime transitoire permettant un placement en rétention dès la fin de l'exécution de la peine, tout en soulignant que le champ de cette application immédiate est plus restreint que celui visé à l'article 1er car il nécessite une pluralité de crimes. Estimant qu'une telle application immédiate semble constitutionnellement possible, une mesure de sûreté n'ayant pas la nature d'une peine, il a invité la Commission à accepter cet amendement.
Tout en déclarant comprendre l'objet de cet amendement, M. Jean-Christophe Lagarde a estimé qu'il présentait un risque d'inconstitutionnalité et que la rétroactivité des mesures ainsi prévues posait un problème de principe en matière pénale.
a estimé que cet amendement illustrait l'escalade et la fuite en avant auxquelles ce projet de loi conduit inéluctablement. Après avoir émis ses plus sérieuses réserves sur la constitutionnalité de cette disposition, l'argument de la nature de mesure de sûreté des sanctions prises ne tenant pas, elle a considéré que d'autres solutions existent et reposent sur un suivi approfondi des intéressés grâce à des moyens plus adaptés. Prenant l'exemple de M. Evrard, elle a estimé que la récidive de ce condamné pour crimes sexuels aurait pu être évitée si les procédures existantes avaient été correctement appliquées.
a dénoncé l'entretien d'une certaine forme de confusion par l'opposition, les délinquants très dangereux étant parfois parfaitement sains d'esprit. Rappelant la nature de mesure de sûreté des dispositions prévues, il a estimé utile de prévoir un régime d'application immédiate de la loi en discussion, la perspective d'attendre quinze ans avant de la voir produire ses effets lui apparaissant absurde. Il a enfin jugé que le Conseil constitutionnel pourrait apprécier la conformité de cette disposition au regard des principes fondamentaux de notre droit, estimant que cette perspective ne devait pas empêcher le Parlement d'agir immédiatement pour la sécurité publique des Français.
a indiqué qu'il s'abstiendrait de voter cet amendement.
La Commission a alors accepté l'amendement n° 68.
Articles additionnels après l'article 12 :
La Commission a examiné l'amendement n° 107 de M. Michel Hunault visant à permettre aux présidents de conseil généraux et aux maires d'accéder au fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, spécialement lorsqu'ils recrutent des cadres exerçants des activités au contact des mineurs.
Après que le Président Jean-Luc Warsmann eut souligné la nécessité de rectifier cet amendement pour en préciser les modalités d'application, et notamment pour en réserver l'application aux préfets, et que M. Jean-Christophe Lagarde eut souhaité que soit prise pour référence la procédure existante pour les centres de loisirs, via les directions départementales de la jeunesse et des sports, la Commission a accepté cet amendement.
La Commission a ensuite accepté l'amendement n° 108 de M. Michel Hunault, prévoyant la remise au Parlement par le Gouvernement, au plus tard le 1er septembre 2009, d'un rapport sur les conditions d'application de la loi.
Informations relatives à la Commission