La commission des finances a procédé à l'audition de M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et de M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse.
Nous accueillons ce matin M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse. La crise financière actuelle affecte certains établissements bancaires en Europe, notamment lorsqu'ils ont investi dans des produits toxiques, devenus « illiquides ». C'est le cas du groupe Dexia, dont la filiale FSA, rehausseur de crédit aux États-Unis, s'est trouvée en difficulté. Une action de sauvetage du groupe a été menée il y a dix jours par les États belge, luxembourgeois et français et par la Caisse des dépôts, qui était déjà actionnaire du groupe à 12 %, mais tout n'est pas réglé.
Parallèlement, le gouvernement français cherche à mobiliser des liquidités pour remédier au manque d'échanges entre établissements bancaires. À cette fin, il entend solliciter la Caisse des dépôts, qui centralise les sommes versées sur le livret A, refuge très prisé des épargnants depuis le début de l'année. On débat de l'emploi de ces sommes, qui pourraient être affectées au logement social, au plan de rachat de logements dont la mise en chantier n'a pu être engagée, ou au crédit aux PME par exemple. Quelle que soit la solution retenue, le Parlement, chargé de la surveillance de la Caisse, devra contrôler les garanties apportées à l'emploi de l'épargne des Français. Au-delà de Dexia, il convient de préciser comment la Caisse peut mobiliser des sommes importantes pour ces interventions car nos concitoyens peuvent avoir l'impression qu'ils proviennent de fonds cachés, ou dormants. Nous voulons donc nous assurer que les capacités d'intervention de la Caisse sont employées le plus efficacement possible.
La Caisse a un absolu devoir de transparence vis-à-vis du Parlement. Je remercie M. de Romanet de sa présence alors qu'il a passé toute la nuit à négocier à Bruxelles.
Il était prévisible, dans la situation actuelle, que l'exécutif sollicite l'intervention de la Caisse des dépôts, qu'il s'agisse de participer au sauvetage d'un établissement dont elle était actionnaire ou d'agir par le biais des fonds d'épargne – qui à toute époque ont été utilisés ponctuellement pour l'accompagnement de l'économie, en dehors de leur utilisation prioritaire pour le logement social – ou encore de ses filiales, dans le secteur de l'immobilier par exemple. Mais la Caisse ne peut accepter n'importe quoi. Soutenue par sa commission de surveillance, elle doit veiller à limiter les prises de risque et à garder les réaffectations de ressources dans des proportions raisonnables, afin que son modèle économique ne soit pas remis en cause. En ce qui concerne les fonds d'épargne, elle a préféré mobiliser les ressources du livret de développement durable et du livret d'épargne populaire plutôt que de redéployer les sommes du livret A vers les banques, ce qui aurait pu inquiéter les épargnants et qui remettait en cause l'esprit de la loi de modernisation de l'économie, selon laquelle ce placement est principalement destiné au financement du logement social.
Par ailleurs, il est évident que la Caisse n'a pas de fonds dormants. Les sommes dont elle a besoin maintenant étaient déjà employées dans d'autres secteurs. Or, dans une période de crise, tout déplacement de fonds est extrêmement sensible, d'autant que les décisions de la Caisse sont très suivies par les marchés financiers : certains peuvent y voir le signal d'un désengagement d'une activité, qui se trouve dès lors fragilisée. Il faut y être très attentif. Enfin, il est déjà arrivé à la Caisse des dépôts d'intervenir dans le secteur immobilier, comme lors de l'effondrement des années 1990. Les logements qu'elle a alors achetés ont connu des revalorisations importantes. La seule différence est qu'à l'époque, les promoteurs ont mis beaucoup de temps à admettre la crise et ont attendu, avant d'être tout de même obligés de vendre avec décote. Aujourd'hui, les bailleurs institutionnels ont été très rapidement sollicités de céder des logements. Tout ce que nous avons eu à faire a été de chiffrer le nombre de logements qui seraient repris par la Société nationale immobilière, mais les choses étaient déjà engagées sur le terrain. Il s'agit d'une opération intéressante, dans la durée, pour la Caisse des dépôts. Or, je rappelle que tous ses investissements doivent être faits, comme le réaffirme la loi de modernisation de l'économie, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux à long terme. Tous ses choix doivent être appréciés à cette lumière. M. de Romanet va maintenant vous expliquer comment on peut trouver 20,5 milliards en si peu de temps.
La fluidité du mode de fonctionnement de la Caisse nous permet de peser à tout moment ce qui est de l'intérêt général et ce qui est de la prise de risque, et de savoir jusqu'où il ne faut pas aller. Pour ce qui concerne le livret A, nous sommes les mandataires de l'État, des intendants qui gèrent 214 milliards pour lui et transforment cette ressource à vue en une autre qui peut aller jusqu'à un horizon de soixante ans. Aujourd'hui, la liquidité est un bien rare et qui vaut très cher : les emprunts au jour le jour des banques peuvent atteindre un taux de 9 % les jours de crise. C'est pourquoi les banques ont fait tellement pression lors du débat sur la distribution du livret A pour en obtenir le maximum. Or le livret A, avec un taux de 4 % aujourd'hui au lieu de 2,75 l'an dernier, remporte un grand succès et devrait collecter plus de 15 milliards supplémentaires en 2008. Nous devons donc rester intraitables sur les principes : nous avons la parole du ministre que la Caisse continue à gérer 70 % des encours du livret A au 31 décembre 2008, y compris la capitalisation, et nous veillerons à ce qu'elle soit respectée.
Sur les 214 milliards de dépôts, nous employons actuellement en prêts à long terme environ 100 milliards d'euros, dont plus de 90 milliards pour le logement et 4 pour OSEO. Le montant de l'encours des prêts est cependant amené à croître très fortement dans les prochaines années. Nous avons donc proposé aux pouvoirs publics de décentraliser totalement le LDD - qui n'était centralisé qu'à 9 % – et de ramener la centralisation du LEP de 85 à 70 %, ce qui aboutit à réinjecter dans le circuit bancaire 16 milliards et demi – 7,2 d'un côté et 9,3 de l'autre. Cet argent n'était bien sûr pas en train de dormir : il était employé par la Caisse dans des titres sécurisés. Dorénavant, il sera prélevé directement à la source pour être affecté aux entreprises, puisque les banques sont réputées, sous le contrôle de l'État, envoyer ces fonds dans le circuit des PME.
Je n'ai pas qualité pour en attester.
Toujours en faveur des PME, nous avons également proposé d'augmenter de 50 % le financement d'OSEO, en le portant à 6 milliards. Compte tenu de l'ensemble des masses en jeu, cela peut apparaître comme anodin, mais j'insiste sur l'extrême prudence qu'il faut conserver dans la gestion de nos fonds : si les Français venaient à puiser largement dans leur livret A par exemple, il faudrait que la Caisse dispose des liquidités nécessaires. Cette prudence explique que la Caisse des dépôts consacre une part importante de ces fonds à des placements très sécurisés, principalement des titres souverains.
Au-delà de la gestion des Fonds d'épargne, nous sommes très attentifs à rester contracycliques. Ainsi, bien que nos plus-values boursières aient fondu dans le contexte financier actuel, je ne voudrais pas que nos dépenses d'intérêt général décroissent à due proportion. Cela aurait un effet procyclique, parce que nous réduirions nos investissements dans les PME via France-investissements et notre soutien aux investissements des collectivités locales, pour des centres commerciaux ou des rénovations de friches industrielles par exemple, ou nos bonifications à certains prêts sur fonds d'épargne comme les prêts pour haute performance énergétique. La Caisse des dépôts n'est cependant pas un puits sans fond. Elle n'a que 20 milliards de fonds propres durs, ce qui lui permet de détenir un portefeuille de placements de 60 milliards – actions, obligations, immobilier. Son portefeuille d'obligations est certes extrêmement sécurisé – un peu moins de 18 milliards d'encours moyen qui rapporteront cette année 780 millions – mais elle sera tout de même mécaniquement affectée par la crise des marchés d'actions.
Pour ce qui est de Dexia, la société est aujourd'hui constituée de trois entités : Dexia Crédit local, une banque de détail en Belgique et une banque privée de détail du Luxembourg. Tout est allé très vite : le vendredi 25 septembre, aucun signal extérieur ne laissait supposer une difficulté de liquidité. Le samedi, on nous disait que la situation de liquidité de la banque lui permettait de tenir trois mois. Le dimanche, elle n'avait plus que quinze jours devant elle et il fallait augmenter son capital de 7 milliards d'euros. Et le lundi, la banque ne passait pas la nuit en liquidités et avait besoin de 6,5 milliards pour assurer sa solvabilité… Pour la Caisse des dépôts, qui détenait environ 12 % du capital, cela représentait 720 millions d'euros. Conscients de notre responsabilité vis-à-vis de Dexia et de son importance pour les collectivités locales, nous étions disposés à faire plus, mais il n'était pas question de prendre à notre charge la totalité des 3 milliards d'euros de la parité française. L'État a finalement accepté de s'engager à hauteur d'un milliard. Dexia n'était pas entièrement tirée d'affaire car sa situation de liquidités restait extrêmement tendue et des incertitudes demeuraient liées à FSA, un rehausseur de crédit aux États-Unis, appartenant à Dexia. Cette nuit, le gouvernement belge a donc demandé aux États français, luxembourgeois de garantir, avec lui, les refinancements nouveaux que Dexia effectuera pendant l'année qui vient, ce qu'ils ont accepté.
Dexia a des portefeuilles de crédit aux collectivités locales parfaitement sains.
Mais, par ailleurs, la gestion de Dexia a été marquée par quelques paris risqués ; ils ont notamment acheté beaucoup de credit default swaps.
Mais qui ne portaient pas sur les collectivités locales ! Or, le Gouvernement essaye de nous convaincre que le sauvetage de Dexia vise à protéger les collectivités locales.
Cette mesure leur permettra de trouver à emprunter de l'argent pour finir l'année, parce que le credit crunch existe aussi pour elles.
Les créances des collectivités sont solides. On pourrait très bien imaginer au niveau européen un circuit de refinancement direct central.
Les créances sont solides mais la banque faisait de la transformation, c'est-à-dire qu'elle empruntait à court terme pour prêter à très long terme. Le taux de court terme étant plus bas, c'était rentable, mais ce modèle n'est plus possible dans une période d'illiquidité.
Le bilan du Crédit local de France représente 320 milliards sur les 620 de Dexia, dont, de mémoire, les deux tiers pour les collectivités locales.
Il est probable que les collectivités locales soient affectées par un certain credit crunch : Dexia est un acteur considérable dans l'offre de crédit aux collectivités et si sa ressource se renchérit, elle va être obligée de leur prêter plus cher. C'est pourquoi les gouvernements sont dans leur rôle en essayant de recréer la confiance, afin que Dexia puisse de nouveau emprunter dans les meilleures conditions. Dexia était notée AA jusqu'à très récemment : elle empruntait très peu cher et reprêtait, avec une marge plutôt basse d'ailleurs, ce qui la rendait très compétitive pour les collectivités locales. Le fait que la Caisse des dépôts ait pris plus que sa part dans le sauvetage de Dexia est aussi une façon de payer la dette de l'histoire, puisque c'est la Caisse qui a créé la CAECL, caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales, qui a donné naissance au Crédit local de France, devenu Dexia. Mais le modèle a été un peu biaisé.
Vous avez parlé de paris hasardeux, mais il existe des organes de surveillance. Y a-t-il eu des occasions d'alerte ?
C'est à la lumière d'une crise qui a fermé totalement le marché interbancaire depuis plus d'un mois qu'on a pu s'apercevoir après coup de certaines exagérations. Mais il est encore un peu tôt pour faire le procès de la gestion de Dexia. Au-delà des décisions du management de l'entreprise, Dexia s'est retrouvée prise dans la nasse de la crise des liquidités comme beaucoup de banques, notamment anglaises ou américaines. Ce qui nous choque est qu'elle est issue du secteur public et qu'elle n'avait pas vocation à être à la pointe du risque, mais il ne faut pas en conclure qu'elle a fait n'importe quoi. L'achat de la filiale FSA, qui fait un métier extrêmement compliqué, a créé un grand trouble, mais je ne suis pas trop pessimiste à ce sujet. FSA est un rehausseur de crédit : comme les collectivités locales ne sont pas notées, elles vont voir un rehausseur de crédit noté AAA qui peut emprunter moins cher qu'elles, et qui leur facture une partie de cet écart de coût. Cette activité ne mobilise pas beaucoup de fonds propres, et FSA garantit ainsi 314 milliards de dollars pour des collectivités locales américaines. Il est certain que si elles faisaient toutes faillite demain, la société serait mal en point, mais dans des scénarios très sombres, l'étalement de ses pertes sur quatre ou cinq ans serait supportable pour Dexia. Il est regrettable que le management de Dexia ait eu autant de mal à communiquer sur FSA, qui est tout de même la meilleure société américaine de ce genre. Même si les agences de notation ont revu leurs perspectives, elle est toujours notée AA un an et demi après le début de la crise des subprimes.
Elle n'est pas engagée dans l'immobilier ?
M. le directeur général. Très marginalement. Seulement 17 milliards sont engagés dans des crédits un peu difficiles.
Il ne faut donc pas dire que Dexia est à la dérive. Comme beaucoup de banques dans le monde, son modèle économique est bloqué.
Le résultat de Dexia au 30 juin était tout de même de plus de 800 millions ! Et par ailleurs, la commission de surveillance de la Caisse des dépôts a eu à connaître de l'acquisition de FSA dans sa séance du 21 mars 2000. Jean-Pierre Balligand en était le président. Il s'agissait de s'introduire sur le marché des prêts aux collectivités locales aux États-Unis, ce qui est le métier de Dexia.
Mais c'était considéré comme un secteur intéressant par la Caisse elle-même, et le choix de Dexia n'avait été contesté par personne.
Mais il y a eu des alertes, qui ne sont pas parvenues au conseil d'administration. Où ont-elles été bloquées ?
Probablement au niveau de l'administrateur délégué.
Dans la situation très tendue que connaît Dexia en matière de liquidités, l'engagement de la garantie des États sur le refinancement me rend très optimiste, mais la fragilité demeure.
Sur quoi exactement porte cet engagement : sur l'ensemble des créances, sur la fraction nouvelle ?
Sur les emprunts que Dexia va faire pour refinancer ses échéances de liquidités. Pour financer ses prêts à très longue durée aux collectivités locales, Dexia a besoin de ressources à court ou moyen terme qu'elle a du mal à trouver sur le marché interbancaire qui est bloqué. L'État indique aux banques qui voudraient prêter à Dexia qu'en cas de défaut, il prendra le relais. Il ne s'agit que des emprunts nouveaux, pas du stock.
Il y a des emprunts nouveaux dont le contrat n'est pas encore signé, et d'autres qui sont conclus depuis longtemps mais dont les fonds sont mobilisés selon des échéanciers longs. La mesure porte-t-elle sur ce type de contrat, ou sur les prêts futurs qui vont continuer à alimenter les collectivités ?
Vous parlez de l'emploi des crédits. Ce que l'État garantit, c'est les ressources de la banque, ses contrats d'emprunts avec d'autres banques.
Donc le sauvetage de Dexia sert à protéger les prêteurs de Dexia. Ce qui est choquant, c'est d'entendre le Gouvernement dire qu'il vole au secours des collectivités locales.
C'est vrai. On pourrait très bien ne refinancer que les opérations en cours. Pour les nouveaux contrats, les collectivités peuvent se tourner vers d'autres banques. Cela change beaucoup les montants en jeu !
Il est vrai que la garantie de l'État va aider ceux qui vont prêter à Dexia. Mais, compte tenu de la place qu'elle occupe, cela permet que les collectivités territoriales françaises bouclent leur trésorerie d'ici la fin de l'année.
Les prêts aux collectivités locales, ce sont les plus recherchés, c'est du miel pour les banques !
Le bilan de Dexia est de 620 milliards. L'enjeu est d'importance.
Je remarque que, depuis quatre ou cinq ans, Dexia se montre tout de même rarement la meilleure dans les appels d'offres des collectivités.
Je voudrais savoir comment évoluent les relations entre la Caisse des dépôts et le groupe Caisse d'épargne et faire remarquer à la majorité parlementaire que dans des moments pareils, mieux vaut éviter de modifier la gouvernance de la Caisse des dépôts, le « pompier » de la République.
Je ne suis pas sûr que tous les banquiers aient bien compris qu'il fallait entrer dans une ère de sagesse. L'audition hier de Charles Milhaud a été loin de me rassurer, qui n'aspire qu'à continuer à jouer au Monopoly en espérant ramasser un peu plus de monnaie si d'autres établissements tombent. Il y a des gens auxquels il faudrait passer des menottes, pour qu'ils ne puissent plus toucher à rien.
Après le Crédit lyonnais, nous nous occupons aujourd'hui de Dexia. Mais nous sommes présents dans ces organismes. Nos représentants ne devraient pas être seulement mandatés, mais rendre compte régulièrement devant la commission des finances, afin de créer une préoccupation partagée. Enfin, je vous ferai remarquer que si le Crédit local de France n'avait pas été privatisé, on ne serait pas dans un tel pétrin aujourd'hui.
Une fois la situation apaisée, une réflexion sera indispensable sur la création d'un pôle financier public dans lequel la Caisse jouerait un rôle central et stratégique, qui permettrait de sécuriser les mécanismes. Le prix du consensus sera d'aller dans ce sens. Nous n'accepterons certainement pas, comme nous le demande le Premier ministre, de mettre les sous qu'il faut dans le tonneau des Danaïdes et de recommencer comme avant dès que ce sera possible. C'est du suicide. Il faut avoir une lecture historique de la situation, en remontant jusqu'à la crise de 1929, dont le contexte était différent, et en tirer les leçons pour ne pas continuer les mêmes errements. Et pour que la Caisse joue ce rôle de pivot, avec la Poste et la CNP par exemple, ses responsables doivent être des républicains et des patriotes convaincus, de gauche ou de droite, et rechercher un consensus fondamental.
Dexia va sans doute éviter la défaillance grâce à l'intervention de la Caisse, mais son modèle économique va être modifié puisqu'elle va devoir relever les taux consentis aux collectivités locales. Comment ces dernières vont-elles pouvoir surmonter cette évolution défavorable sans pour autant développer des comportements procycliques, qui pèseraient pour le coup encore plus sur Dexia ? Peut-on évaluer l'évolution des taux qui va se produire ?
Le jour où Dexia a transféré son siège hors de France et a cessé d'y payer des impôts, j'ai décidé de ne plus travailler avec elle. Et je n'ai pas eu de mal à trouver de l'argent ailleurs : le prêt aux collectivités locales est le plus recherché par les banques, car c'est le seul qui donne de la marge sans aucun risque ! Par ailleurs, je comprends l'argument du risque systémique, mais qu'est donc allée faire Dexia au Luxembourg ?
Il me semble que l'effort que fournit la France, 3 milliards d'euros plus la garantie de l'État, mérite plus que seulement 25 % de son capital.
Vous avez évoqué les pertes probables de FSA – 7 milliards au maximum. D'autres dépréciations, venant de la banque de détail luxembourgeoise par exemple, sont-elles attendues ?
Non, il n'y en a pas.
Pour répondre à M. Rodet, la Caisse des dépôts est liée à la Caisse d'épargne par un pacte au sein de la société CNP et des coopérations sont envisageables. Nous avons mis de côté nos mauvais souvenirs récents et tout se passe bien pour l'instant. Le grand pôle public de M. Brard ne me pose aucune difficulté. S'agissant du modèle économique de Dexia évoqué par Mme Montchamp, il est clair que les autorités publiques – État et mutuelle belges, État français et Caisse des dépôts – auront plus de la majorité du capital. Nous serons au conseil d'administration. Je crains quelques mois difficiles, la banque ne redevenant pas tout de suite compétitive, mais une fois passé ce cap, l'objectif de la Caisse est que Dexia retrouve de la valeur ajoutée, mais avec un taux de rentabilité interne relativement bas pour pouvoir continuer à offrir un service aux collectivités locales. C'est ce que nous proposerons aux autres actionnaires.
La filiale luxembourgeoise, la BIL, sur laquelle m'a interrogé M. Emmanuelli, fait de la banque de détail et beaucoup de banque privée. Quant à notre participation au capital de Dexia, la Caisse des dépôts en possédait 12 % et les Belges étaient montés à 40 %. Aujourd'hui, l'État belge détient 5,8 % du capital ; notre mobilisation, et le fait que le nouvel administrateur délégué soit français, font dire aux journaux belges que la France a renforcé son pouvoir dans Dexia. Nous allons essayer de l'utiliser au mieux.
Le grand changement est que nous disposons maintenant de la minorité de blocage, qui est, en droit belge, de 25 % du capital. L'actionnaire français sera respecté.
Ils sont pris sur deux fonds d'épargne pour être alloués aux banques, ce qui a permis d'éviter de toucher au livret A. Des prêts de la Caisse aux banques sur les fonds d'épargne avaient été envisagés, mais le directeur général a heureusement refusé cette formule. Deux milliards supplémentaires sont prélevés sur ces fonds et consacrés à OSEO, qui fera des prêts aux PME.
Les 16,5 milliards directement alloués aux banques ne sont plus gérés par la Caisse, qui n'a aucune garantie sur leur affectation. Le Parlement a donc un devoir de suivi pour vérifier que les banques utilisent bien cet argent en faveur des PME.
Il n'y a pas de trésor caché. Notre filiale, la SNI, a constaté que des promoteurs avaient des terrains et des permis de construire, mais n'arrivaient pas à écouler leur offre. Racheter ces projets avec une décote pour en faire des logements HLM permettait à la fois de faire travailler le BTP et de créer des logements. Cela s'inscrit dans notre démarche contracyclique. La Caisse a émis l'idée de racheter 10 000 logements, sur quoi l'État a demandé aux organismes HLM d'en faire 20 000 de plus. Le rachat de 10 000 logements va nécessiter de la part de la SNI un besoin de 150 millions d'euros de fonds propres. Mais encore faut-il que les projets soient concrétisés, pour la Caisse comme pour les HLM.
Il y a tout de même un problème de communication. Tout le monde a entendu la ministre de l'économie proclamer que l'État allait mettre 20 milliards d'euros à la disposition des PME, alors qu'il s'agit en fait de laisser cet argent dans le système bancaire plutôt que de le centraliser – et cela sans aucune garantie que les banques prêteront aux PME, car je ne vois pas comment l'État pourra le vérifier. Et tout le monde a entendu que l'État allait acheter 30 000 logements, alors qu'en réalité c'est la Caisse qui va en acquérir 10 000 : pour la suite, on fait confiance aux organismes HLM… Ce n'est vraiment pas sérieux. Il faut demander à la ministre d'arrêter.
La presse fait parfois des raccourcis en rapportant les communiqués de Bercy. La ministre n'a jamais parlé de 20 milliards d'euros.
Pour le logement, vous comptez utiliser la procédure de la vente en l'état futur d'achèvement, en portant le taux de 50 à 100 %. Un bailleur social pourra ainsi se porter acquéreur d'un projet, mais aussi d'une construction en voie d'achèvement, auquel cas les choses pourront aller très vite. Encore faut-il qu'il s'agisse de programmes vraiment utiles, situés dans des zones qui en ont besoin. Cette procédure ne doit pas servir à sauver des promoteurs qui montent des projets pour des raisons de défiscalisation, ce serait détourner l'intérêt général. Les bailleurs sociaux devront être très vigilants sur ce point.
Quant aux PME, c'est par OSEO que passent les seuls crédits qui leur soient véritablement dédiés. Certes, le financement d'OSEO passe déjà de 4 à 6 milliards, mais on pourrait aller plus loin : ses procédures ont fait leurs preuves alors que la réorientation du LDD et du LEP vers les banques garantit moins bien que les fonds iront aux PME.
En ce qui concerne le logement, les constructions en voie d'achèvement sont effectivement concernées. La SNI va faire un appel d'offres déterminant les zones et les types de programme qu'elle désire acheter. Son cahier des charges devrait inspirer les organismes HLM. Par ailleurs si OSEO arrive à dépenser rapidement ses deux milliards supplémentaires, avec une efficacité avérée, je ne verrai que des avantages à lui accorder un ou deux milliards de plus. Nos deux institutions se regardaient traditionnellement en chiens de faïence, mais les choses ont changé depuis quelque temps comme le montre la proposition que nous avons faite. Il faut tout de même tenir compte de ce que ce sont eux qui sont sur le terrain.
Le 15 octobre, je réunirai pour la première fois avec François Drouin tous les directeurs régionaux d'OSEO et de la CDC. Mon objectif est de créer un portail France PME dans chaque région, pour mettre les acteurs en réseau. L'objectif est d'accompagner la croissance des PME pour assurer l'emploi et l'indépendance des entreprises : la France n'a aucun problème de création d'entreprises – 220 000 par an – mais les entrepreneurs ne veulent pas de capitaux extérieurs, qui vont avec des gens susceptibles de s'immiscer dans leurs affaires. Et lorsqu'une PME grossit sans vouloir ouvrir son capital, elle se vend à une grande entreprise. On a beaucoup d'idées pour améliorer les choses, mais c'est un autre sujet.
Il faut se méfier des chiffres de créations d'entreprises. Lorsqu'un artisan ou un commerçant arrête son activité, s'il a un repreneur pour son activité et que ses locaux deviennent une société civile immobilière, il y a deux inscriptions mais pas forcément deux entreprises nouvelles.
Je remercie Michel Bouvard et Augustin de Romanet d'avoir répondu à notre invitation. Nous resterons en contact.