La Commission examine, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Étienne Blanc, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la protection du secret des sources des journalistes (n° 1239).
La séance est ouverte à 18 heures.
Le droit à l'information a pour corollaire direct le droit à la protection du secret des sources des journalistes. La possibilité pour un journaliste de taire l'origine de ses informations permet d'éviter un tarissement de ses sources et constitue donc une condition de la liberté d'informer et du droit des citoyens d'être informés. Or notre droit n'a jusqu'ici pas érigé le principe de la protection du secret des sources journalistiques comme règle générale : depuis la loi du 4 janvier 1993 est seulement reconnu aux journalistes un droit de non-divulgation de leurs sources lorsqu'ils sont entendus comme témoins dans le cadre d'une procédure d'instruction.
Il est d'autant plus urgent pour notre pays de se doter d'une telle législation que la Cour européenne des droits de l'Homme a, sur le fondement de l'article 10 de la Convention, consacré depuis dix ans la protection des sources journalistiques comme « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». Déjà condamnée plusieurs fois, la France risquerait l'être à nouveau pour ses pratiques insuffisamment protectrices du secret des sources.
Le projet de loi qui nous est soumis en deuxième lecture répond aux limites actuelles de notre droit : son article 1er inscrit au niveau législatif, qui plus est au sein de la grande loi républicaine qu'est la loi de 1881 sur la liberté de la presse, le principe de protection du secret des sources des journalistes et précise les conditions dans lesquelles il pourra être porté atteinte à ce principe. Les autres articles tirent les conséquences de ce principe général en matière de procédure pénale, en complétant les garanties offertes aux journalistes pour protéger leurs sources en cas de perquisitions (article 2), lors de leurs auditions en tant que témoins (article 3), mais aussi, depuis l'examen du texte par notre Assemblée, dans le cadre des réquisitions judiciaires (article 3 bis) et de la retranscription des écoutes téléphoniques (article 3 ter).
Je rappelle que lors de son examen du projet de loi en première lecture le 15 mai dernier, notre Assemblée avait sensiblement modifié le texte, adoptant pas moins de vingt-deux amendements, dont dix-sept de la Commission. Le Sénat a quant à lui adopté seize amendements au projet de loi, adopté en première lecture le 5 novembre dernier, apportant des modifications parfois substantielles.
Au total, à l'issue de ces deux lectures, si seulement un article a été adopté dans les mêmes termes, il se dégage un très large accord sur le fond du texte entre les deux assemblées. Si elles ont toutes deux affirmé leur souhait de voir consacré dans la loi le principe de la protection du secret des sources des journalistes, elles se sont aussi accordées sur le fait que cette protection ne saurait être absolue ni faire du journaliste un citoyen hors du commun, jugeant nécessaire d'établir une liste de critères permettant une atteinte légitime au principe. Les deux assemblées ont d'ailleurs invité la profession de journalistes à se doter d'un code de déontologie.
Les deux assemblées se sont aussi accordées sur la nécessité de protéger toute la chaîne de l'information : l'Assemblée nationale avait d'ailleurs adopté un amendement incluant les « atteintes indirectes » au secret des sources pour bien préciser que le secret protège la source, quelle que soit la personne qui en raison de ses relations personnelles ou professionnelles avec un journaliste a été amenée à la connaître.
Elles se sont aussi toutes deux prononcées en faveur de la consécration par le projet de loi d'un droit absolu des journalistes au silence lorsqu'ils sont entendus comme témoins tout au long de la procédure pénale, étant précisé que ce droit absolu s'applique, y compris lorsque les conditions seraient réunies pour autoriser des investigations de la justice à porter atteinte au secret des sources en matière. En revanche, le Sénat s'est, comme l'Assemblée, refusé à accéder à une demande parfois exprimée par la profession consistant à encadrer le régime des gardes à vue pour les journalistes : toute personne placée en garde à vue étant libre de se taire, le journaliste est a fortiori libre de ne pas révéler ses sources. Modifier la loi sur ce point consisterait à prendre acte d'éventuelles pratiques contraires à la loi consistant à exiger d'un journaliste placé en garde à vue qu'il livre ses sources, ce que la loi ne peut faire. Cela consisterait aussi à faire des journalistes des citoyens hors du commun, ce que nous ne voulons pas.
Le Sénat a en outre apporté de nombreuses clarifications rédactionnelles, redéfinissant certains termes pour lever des ambiguïtés (il a notamment défini explicitement les « atteintes indirectes ») et apportant d'utiles précisions (il a complété la disposition excluant à l'égard de journalistes poursuivis pour diffamation toute poursuite du chef de recel de violation du secret de l'instruction par la mention du secret professionnel).
Sur le fond, il a apporté deux modifications essentielles : il a tout d'abord reformulé les critères justifiant qu'il soit porté atteinte au secret des sources. À l'issue des travaux de l'Assemblée nationale avaient été retenus deux niveaux de critères : des critères généraux, tout d'abord, applicables en toute matière (aussi bien administrative que civile ou commerciale) permettant une atteinte au principe « à titre exceptionnel » et « si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie » et des critères spécifiques à la procédure pénale, qui justifiaient une atteinte si « la nature et la particulière gravité » de l'infraction sur laquelle porte la procédure rendent cette atteinte « strictement nécessaire ». Le Sénat a redéfini ces deux niveaux de critères pour en rapprocher la rédaction de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Désormais, d'une manière générale, les mesures susceptibles de porter atteinte au secret des sources lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public existe doivent être « strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ». Le Sénat a ainsi fait « remonter » le critère de proportionnalité de l'atteinte au niveau des critères généraux, pour qu'il soit respecté pour toute levée du secret, même en dehors de la procédure pénale. Dans le cadre d'une procédure pénale, il a précisé les trois critères –cumulatifs– dont il doit être tenu compte pour déroger au principe : la gravité du crime ou du délit, l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et le fait que « les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ».
Seconde modification de fond apportée par le Sénat, qui m'a posé à titre personnel plus de difficultés : il a supprimé la référence à « l'intérêt général » dans le premier alinéa de l'article 2 de la loi de 1881, pour prévoir que « le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public », là où nous avions maintenu « information du public sur des questions d'intérêt général ». Je suis réservé sur la suppression de cette mention qui figure d'ailleurs expressément dans la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Dans mon esprit, l'intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers et il est exclu que le principe de la protection du secret des sources puisse être invoqué pour soutenir des intérêts particuliers ou personnels. Je veux croire que le fait que le Sénat ait eu le souci de maintenir la référence à « la mission d'information du public » exclue les cas où le journaliste s'exprimerait en dehors de tout cadre professionnel… Je note surtout que la suppression de la notion ne confère aucune immunité au journaliste qui demeure responsable de ce qu'il écrit ou énonce. Il peut être poursuivi sur les chefs de diffamation ou d'atteinte à la vie privée.
Je me range donc à l'avis du Sénat (le secret de la source doit pouvoir être invoqué quelle que soit la nature de l'information, dans le seul but de ne pas amoindrir la relation de confiance qui s'établit entre le journaliste et sa source) et vous invite à adopter le projet de loi sans modification.
Le sujet qui nous réunit de nouveau, après notre première lecture de mai dernier, est assurément important. Il s'inscrit dans un contexte particulier, marqué par l'interpellation mouvementée, contestée et contestable de l'ancien directeur de la publication du quotidien Libération, M. Vittorio de Filippis.
Ce projet de loi fait suite à une longue liste de pressions diverses exercées sur des organes de presse. Je rappellerai pour mémoire la tentative de perquisition au siège du Canard Enchaîné, ainsi que les affaires Auto Plus et Guillaume Dasquié, la mise en examen de M. Denis Robert dans le cadre de l'instruction relative à Clearstream, ainsi que la perquisition réalisée à Radio Bleu Corse.
Nous nous réjouissons qu'avec ce texte la France se mette en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et le droit européen en matière de protection des sources des journalistes. Les modifications apportées par le Sénat vont dans le bon sens mais elles s'avèrent insuffisantes.
Les sénateurs ont apporté une clarification bienvenue sur les cas dans lesquels la protection du secret des sources trouve à s'appliquer, la suppression de la référence à la notion d'intérêt général mettant fin à une restriction contraire à l'esprit de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, de sorte que l'affaire de la publication des feuilles de paie de M. Jacques Calvet ne pourrait plus avoir lieu aujourd'hui. À cet égard, nous avons une réelle divergence de vues avec vous, M. le rapporteur. De même, le Sénat a utilement précisé la définition du contournement de la protection des sources, qui pourra être indirect ou direct et découler de mesures strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi, cette limite restant indistinctement applicable aux enquêtes administratives et judiciaires.
Il n'en demeure pas moins que, en dépit de ces avancées, les dispositions du projet de loi demeurent insuffisantes. Elles restent d'ailleurs très proches de la version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.
C'est ainsi, notamment, que la définition du journaliste laisse en suspend la question du statut des pigistes, même si nous avons relevé que les travaux des sénateurs établissent qu'ils entrent dans la profession, à l'exception notable des collaborateurs occasionnels qui ne relèvent pas de la définition du code du travail car ils n'ont pas la carte de presse.
J'observe par ailleurs que la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public, qui émane de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, n'est pas définie dans notre droit interne, ce qui ouvre la voie à toutes les interprétations empiriques par les praticiens.
Le régime de la perquisition et de la saisie des documents n'a pas été modifié par le Sénat. Le magistrat instructeur continuera de s'autoriser à procéder à ce type d'opérations, sans véritables obstacles si ce n'est l'obligation de veiller à ce que ses investigations ne portent pas atteinte aux sources et ne retardent pas de manière injustifiée la divulgation des informations. On peut ainsi craindre que ces recommandations demeurent des voeux pieux, notamment en raison de la durée de cinq jours laissée au juge de la détention et des libertés pour se prononcer, laquelle permettra d'éventer largement les sources.
Cette possibilité de perquisitionner dans le respect du secret des sources et de la profession, en dehors de toute mise en cause des journalistes, nous paraît quelque peu hypocrite dans la mesure où le risque d'assécher les sources des journalistes d'investigation perdurera.
Nous regrettons aussi qu'aucune sanction à l'encontre des autorités instigatrices d'une perquisition abusive ni qu'aucune indemnisation des journalistes victimes de telles perquisitions ne figure dans le texte.
Enfin, en matière de garde à vue, utilisée bien souvent comme un moyen de pression pour forcer le journaliste à divulguer ses sources, le projet de loi reste en deçà des protections accordées par la loi belge, qui est une référence en l'espèce.
Pour toutes ces raisons, le groupe SRC entend que le projet de loi soit notablement enrichi. Il a déposé plusieurs amendements à cet effet, dont le rejet par la majorité le conduirait à réitérer le vote contre qu'il avait émis en première lecture.
J'aimerais formuler une observation générale sur une suggestion émise par notre rapporteur, à savoir l'élaboration d'un code de déontologie applicable à la profession des journalistes. Cette recommandation figurait déjà parmi les 80 propositions de la commission d'enquête sur l'affaire dite d'Outreau, dont je faisais partie.
Je m'étonne qu'elle n'ait pas jusqu'à présent rencontré davantage d'écho, d'autant qu'elle me semble constituer un corollaire indispensable au renforcement de la protection du secret des sources de la presse, dont le rôle ne fut pas à l'abri de la critique dans le cas de l'affaire d'Outreau. J'ajoute que certains pays, comme l'Allemagne, ont mis en place un code de déontologie de ce type. Aujourd'hui encore, je pense que cet aspect mérite de trouver une concrétisation dans notre pays.
Je faisais également partie de la commission d'enquête sur l'affaire dite d'Outreau. Nos travaux ont clairement mis en évidence, sur la base de l'aveu même de la presse quotidienne régionale, des erreurs qui légitiment la revendication d'un code de déontologie pour l'ensemble de la profession. Ce sujet, qui ne remet nullement en cause l'importance que nous portons tous à la préservation du secret des sources des journalistes, me semble majeur.
Pour répondre à Madame Filippetti, je souhaiterais rappeler que dans l'affaire de Libération, le Garde des Sceaux a apporté une réponse très claire en séance tout à l'heure. L'intéressé avait refusé par trois fois de répondre à la convocation du juge qui était donc fondé à délivrer à son encontre un mandat d'amener. Il ne faudrait pas faire des journalistes des citoyens hors du commun.
L'inscription dans la loi de 1881 du principe de la protection des sources des journalistes conforte leur rôle et renforce la liberté de la presse. Toute la question est de déterminer les limites légitimes à ce principe. J'étais pour ma part très attaché à la notion d'« information du public sur des questions d'intérêt général ». Je rappellerai que dans une affaire soulevée devant la CEDH, un cadre d'entreprise avait laissé publier dans la presse une note – qu'il savait erronée – relative à la situation financière de cette entreprise, qu'il s'apprêtait à quitter, et ce dans le seul but de déstabiliser ladite entreprise. De mon point de vue, l'information ainsi publiée ne relève pas de l'intérêt général mais sert un règlement de comptes particuliers. J'estime que les conséquences induites pour la survie de l'entreprise et pour l'avenir de ses centaines de salariés justifiaient qu'on puisse rechercher la personne qui avait été à l'origine de la fuite et donc rechercher la source du journaliste. Le Sénat a choisi de supprimer la notion d'intérêt général, estimant que le maintien de la référence à la mission du journaliste d'informer le public suffit pour écarter le secret des sources, y compris dans le cas d'espèce. Je me range à cet avis pour les motifs que j'ai énoncés tout à l'heure.
S'agissant des pigistes, je rappelle qu'ils sont couverts par le texte au même titre que toute la chaîne de l'information. Je répondrai à vos autres questions lors de l'examen des amendements.
Pour répondre à Messieurs Garraud et Lazaro, je voudrais indiquer que tous les professionnels entendus se sont déclarés favorables à l'élaboration par la profession de journalistes d'un réel code de déontologie, mais demeurent réservés quand aux outils qui pourront le mettre en oeuvre. Ils sont en tout état de cause défavorables à la création d'un ordre professionnel qui serait chargé de sanctionner les manquements à ce code, comme c'est le cas pour les avocats ou les médecins. C'est sur cette question qu'achoppe aujourd'hui encore cette question. Je crois que la maturation sera longue, mais j'espère que le processus pourra aboutir.
La commission passe ensuite à l'examen des articles du projet de loi.
Article 1er (art. 2 et 35 de la loi du 29 juillet 1881) : Consécration législative du principe général de la protection du secret des sources journalistiques – Diffamation et respect des droits de la défense :
La Commission est saisie d'un amendement de Mme Aurélie Filippetti visant à encadrer les exceptions à la protection du secret des sources des journalistes.
Cet amendement précise qu'il ne peut être porté atteinte au secret des journalistes qu'à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d'aucune autre manière. Il s'agit en fait d'un alignement sur la législation belge.
Mme Aurélie Filippetti veut cantonner les cas où il peut être porté atteinte à la protection du secret des sources des journalistes à la prévention de la commission d'un crime ou d'un délit. Cela n'est pas souhaitable car la loi doit aussi permettre de lever cette protection pour résoudre des affaires criminelles.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie d'un amendement du même auteur visant à élargir la définition donnée à la profession de journaliste.
Cet amendement vise à remédier à une définition juridique qui tend à refuser toute protection à des journalistes non salariés ou salariés précaires.
Un journaliste stagiaire non rémunéré travaille avec un journaliste confirmé et s'inscrit, à ce titre, dans la chaîne de l'information couverte par le projet de loi. Cet amendement se trouve donc satisfait.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 (art. 56-2 du code de procédure pénale) : Accroissement des garanties procédurales en cas de perquisition concernant un journaliste :
La Commission est saisie d'un amendement de Mme Aurélie Filippetti rétablissant la possibilité de déposer un recours à l'encontre de l'ordonnance motivée rendue par le juge de la liberté et de la détention sur la contestation de la saisie d'un document lors d'une perquisition.
Cet article prévoit que l'ordonnance motivée rendue par le juge de la liberté et de la détention, lorsque la saisie d'un document au cours d'une perquisition est contestée, n'est susceptible d'aucun recours. Il me semble que la gravité de telles contestations justifierait au contraire que la loi prévoie la possibilité d'un recours à l'encontre de cette ordonnance.
Il est préférable de maintenir l'alignement de cette procédure sur celle qui est applicable aux avocats dans ces situations. Le projet de loi permet de s'opposer à la saisie d'un document ou d'un objet lors de la perquisition : celui-ci est alors placé sous scellé, dans l'attente d'une décision du juge de la liberté et de la détention qui s'assimile déjà à une voie de recours à l'encontre de la décision initiale de saisie prise par le magistrat qui a effectué la perquisition.
Par ailleurs, la chambre de l'instruction, appelée à connaître de l'ensemble de la procédure d'instruction, peut être saisie d'une contestation. Si elle estime que les critères n'étaient pas réunis pour justifier la saisie, elle peut annuler toute la procédure, ce qui constitue une sanction particulièrement lourde.
Cet amendement ne m'apparaît donc pas pertinent.
La Commission rejette cet amendement.
Puis, elle adopte l'article 2 sans modification.
Article 2 bis (art. 56-1 du code de procédure pénale : Coordination avec les règles de perquisition applicables aux avocats :
La Commission adopte l'article 2 bis sans modification.
Après l'article 2 bis :
La Commission est saisie d'un amendement de Mme Aurélie Filippetti précisant que les deux témoins requis lors d'une perquisition doivent avoir la qualité de journalistes.
L'alignement évoqué du régime des perquisitions applicable aux journalistes sur celui des avocats n'a guère de sens, car les journalistes ne peuvent bénéficier de la présence du bâtonnier lors d'une perquisition à leur domicile ou dans les locaux d'une entreprise de presse. L'amendement propose donc que les deux témoins requis lors de la perquisition aient la qualité de journalistes.
Je suis défavorable à cet amendement car, si deux journalistes présents sur place pourraient aisément jouer le rôle de témoins lors d'une perquisition organisée dans les locaux d'une entreprise de presse, il risque en revanche d'être difficile d'assurer la présence de deux journalistes pour une perquisition au domicile d'un autre journaliste.
La Commission rejette cet amendement.
Article 3 (art. 326 et 437 du code de procédure pénale : Extension du droit du journaliste entendu comme témoin de taire ses sources :
La Commission est saisie d'un amendement de Mme Aurélie Filippetti étendant le droit du journaliste de ne pas révéler l'origine de ses informations à tous les cas où il est entendu.
Le projet de loi ne permet au journaliste de taire ses sources que lorsqu'il est entendu comme témoin. Cette protection demeure donc partielle et pourrait même inciter à mettre en examen un témoin, ce qui irait à l'encontre de l'esprit de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. L'amendement propose donc d'élargir ce droit du journaliste de taire ses sources à toutes les procédures au cours desquelles il peut être entendu, que cela soit dans le cadre d'une enquête préliminaire, d'une instruction ou d'une audience.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui avait déjà été rejeté en première lecture, car toute personne mise en examen est toujours libre de se taire et de ne pas s'incriminer elle-même. Le projet de loi rend le principe de la protection des sources applicable dans tous les cas où le journaliste, entendu comme témoin, serait placé dans l'obligation de déposer.
La Commission rejette cet amendement.
Puis, elle est saisie d'un amendement du même auteur prévoyant que les journalistes sont autorisés à taire leurs sources et que leur garde à vue est réputée irrégulière.
Cet amendement vise à éviter que la garde à vue ne soit utilisée comme un moyen de pression à l'encontre d'un journaliste. Je rappelle que Guillaume Dasquié a passé 36 heures en garde à vue.
La première partie de cet amendement est satisfaite, car nul n'est tenu de déposer. En revanche, l'irrégularité de plein droit de la garde à vue d'un journaliste transformerait les journalistes en une catégorie de citoyens à part et risquerait de rompre le principe constitutionnel d'égalité devant la loi pénale.
La Commission rejette cet amendement.
Puis, elle adopte l'article 3 sans modification.
Après l'article 3 :
La Commission est saisie d'un amendement de Mme Aurélie Filippetti empêchant de placer en garde à vue un journaliste pour un acte lié à son activité lorsque cette mesure vise à révéler des sources et limitant à 24 heures non renouvelables leur garde à vue dans les autres cas.
Il s'agit, là encore, d'éviter que la garde à vue ne soit utilisée comme un moyen de pression pour obliger un journaliste à révéler les informations qu'il a recueillies dans l'exercice de ses fonctions.
La Commission rejette cet amendement.
Puis, elle est saisie d'un amendement du même auteur précisant que le seul fait, pour un journaliste ou une personne assimilée, de détenir des sources d'information protégée, ne constitue pas une infraction.
Cet amendement vise à éviter que des journalistes détenant des sources d'information protégée ne soient poursuivis pour recel, notamment en cas de violation du secret de l'instruction. La divulgation de telles informations par les journalistes, lorsqu'elles sont fausses, met avant tout en jeu la responsabilité de l'auteur de la « fuite », même si le journaliste doit, de son côté, s'efforcer de recouper ses informations.
Un amendement identique avait été rejeté en première lecture. Le projet de loi dépénalise clairement la situation du journaliste poursuivi pour diffamation et contraint d'utiliser pour plaider l'excuse de vérité, devant une juridiction correctionnelle, une information obtenue par violation du secret de l'instruction . En revanche, cet amendement remettrait en cause, de manière globale, le secret de l'instruction. Cette question mérite un vrai débat et ne peut être tranchée à l'occasion de ce texte.
La Commission rejette cet amendement.
Article 3 bis (art. 60-1, 77-1 et 99-3 du code de procédure pénale) : Nullité des réquisitions judiciaires portant atteinte au secret des sources des journalistes :
La Commission adopte l'article 3 bis sans modification.
Article 3 ter (art. 100-5 du code de procédure pénale) : Nullité des transcriptions de correspondance portant atteinte au secret des sources des journalistes :
La Commission est saisie d'un amendement de Mme Aurélie Filippetti interdisant toute écoute téléphonique ou interception des courriels des journalistes et personnes assimilées pour les actes liés à leur activité professionnelle.
Cet amendement vise à étendre aux journalistes les protections donc bénéficient les parlementaires, avocats et magistrats en matière d'interceptions de sécurité.
La Commission rejette cet amendement.
Puis, elle adopte l'article 3 ter sans modification.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.
La Commission est ensuite appelée à désigner des rapporteurs. Après avoir désigné M. François Vannsson rapporteur pour avis sur le sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la gendarmerie nationale (sous réserve de son adoption par le Sénat), elle est saisie par M. Étienne Blanc, au nom du groupe UMP, de la candidature de M. Franck Riester sur le projet de loi, adopté par le Sénat, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (n° 1240). M Christian Vanneste se porte également candidat.
La séance est alors suspendue durant un quart d'heure. À la reprise de la séance, saisie de la seule candidature de M. Franck Riester, la Commission le désigne en qualité de rapporteur.
La séance est levée à 19 heures 30.