Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, la commission a organisé une table ronde sur les énergies fossiles et l'énergie nucléaire avec MM. Bernard Bigot, haut-commissaire à l'énergie atomique, Philippe Huet, directeur général adjoint, responsable de la stratégie et de la coordination et chargé de superviser le développement durable et la recherche-développement d'EDF, Olivier Appert, président de l'Institut français du pétrole (IFP), et Laurent Corbier, directeur adjoint du développement durable d'AREVA.
Le vice-président Serge Poignant a souhaité la bienvenue aux participants à cette table ronde et les a priés d'excuser le président Patrick Ollier, retenu par la préparation d'une commission mixte paritaire.
La commission des affaires économiques est très attachée aux trois dimensions, économique, environnementale et sociale du développement durable. Compte tenu de l'envolée des prix des énergies fossiles et de leur impact en termes d'émission de CO2, le consensus est de plus en plus fort pour consacrer aux transports les énergies fossiles qui leur sont indispensables et développer d'autres sources d'énergie pour les autres usages.
La commission se demande en particulier si les priorités fixées en matière de recherche sont- bonnes et si les objectifs du projet de loi Grenelle 1 sont soutenus par des financements et des dispositifs de mise en oeuvre appropriés ?
Le rapporteur Christian Jacob a demandé quelle est la part du volume de CO2 susceptible d'être stocké par rapport au volume global émis. Dans quelles conditions le transport du CO2 est-il possible ?
S'agissant du pétrole, existe-t-il de nouvelles perspectives de recherche ? Surtout, quelles sont les avancées technologiques envisageables pour réduire la consommation ?
Quelles sont les pratiques en vigueur en matière de démantèlement des installations et de traitement des déchets ultimes ? Comment progressent les recherches dans le domaine de l'énergie nucléaire, concernant notamment les réacteurs de quatrième génération ?
Comment se fait-il que le prix de l'électricité soit identique en Allemagne, malgré les efforts consentis par la France en matière de nucléaire ?
a évoqué le peak oil, qui se traduira par des prix définitivement élevés. Est-il vrai que l'Arctique recèle 25 % des réserves pétrolières mondiales ?
À partir de 40 dollars la tonne de carbone, la technologie de captation et de stockage du carbone (CSC) devient attractive pour les entreprises. Les centrales à oxycombustion sont-elles intéressantes ?
Les coûts du démantèlement des centrales et du traitement des déchets sont-ils retracés dans un document ?
Quelle est la durée de vie des centrales ? Si elle a progressé, n'est-ce pas l'occasion de concentrer massivement la recherche sur les énergies renouvelables ? La construction d'un deuxième European Pressurized Reactor (EPR) n'est-elle pas motivée par des considérations industrielles plutôt que par le besoin en électricité ?
L'hydrogène sera-t-il exploitable en 2015 ou en 2050 pour produire de l'électricité ? Le problème de sécurité des réservoirs est-il réglé ?
Quelle part de ses investissements EDF consacre-t-il à l'adaptation de son réseau à la production décentralisée ?
s'est enquis des moyens déployés par la France pour respecter les objectifs décrits dans le rapport du comité opérationnel (COMOP) « Énergies renouvelables » du Grenelle de l'environnement.
Que faut-il penser de la reprise du nucléaire constatée dans le monde, notamment de l'ouverture d'un chantier, aux États-Unis, pour accueillir un EPR ? Dans quels pays des avancées sont-elles possibles ? Quels sont les besoins de la France ?
Les énergies renouvelables, dont la production connaît des pics imprévisibles, posent d'immenses problèmes aux gestionnaires du réseau de transport et accessoirement à ceux du réseau de distribution.
Les émissions de CO2 étant de mieux en mieux maîtrisées, le charbon est une source d'énergie qui peut être valorisée.
Le Grenelle de l'environnement préconise de rapprocher les unités de production des lieux de consommation. Des pistes de recherche existent-elles à cet égard ?
s'est interrogé sur le mode de gouvernance dont les grandes entreprises du secteur énergétique ont besoin afin d'articuler engagements à très long terme et fonctionnement annualisé. Faut-il instaurer une loi de financement énergie et environnement, sur le modèle de la loi de financement de la sécurité sociale ?
Quelles sont les caractéristiques du marché de l'uranium ? Quelles sont les ressources ? Quels sont les équilibres mondiaux entre offre et demande ?
Alors que le nucléaire revient sur le devant de la scène, il importe de faire toute la vérité sur les déchets et le démantèlement des centrales.
L'« effet falaise » sur la durée de vie des centrales nucléaires se produit-il après quarante, cinquante ou soixante ans ?
Le modèle français de production d'électricité s'appuie sur le nucléaire – chargé de répondre aux besoins de base –, l'hydraulique pour la semi-base, le fuel et le gaz pour la pointe. Le fuel cher change-t-il cette donne ?
Est-il envisageable de repositionner la politique commerciale d'EDF pour développer le chauffage électrique ?
a déploré que les négationnistes du peak oil persistent dans leur aveuglement. L'hypothèse n'est-elle pas désormais avérée, pour tous les liquides, hormis les agrocarburants ? Le phénomène est-il plutôt pour aujourd'hui, pour dans dix ans ou pour dans vingt ans ? Comment les cours des hydrocarbures, notamment du pétrole, sont-ils appelés à évoluer dans les mois et les années à venir ? Les services de Bercy, depuis cinq ans, se sont toujours trompés : pour le budget 2008, ils ont prévu un prix moyen de 75 dollars alors qu'il atteindra vraisemblablement le double.
Les pays producteurs étant pris d'une sorte de nationalisme pétrolier qui les incite à conserver une partie de leurs réserves pour la consommation domestique des générations futures, le déclin des exportations sera plus rapide que celui de la production. Comment les experts anticipent-il la courbe des exportations pour la décennie 2010 ?
L'énergie nette des filières constitue un critère extrêmement important : combien faut-il consommer d'énergie en amont pour délivrer un kilowattheure d'électricité ou un litre d'essence à l'usage final ? Le raisonnement doit être conduit filière par filière – pétrolière, charbonnière, nucléaire, hydroélectrique, autres énergies renouvelables – et pays par pays.
D'un point de vue ontologique, le nucléaire ne peut être transparent, et heureusement, car cette transparence risquerait de profiter à la prolifération et au terrorisme. Existe-t-il un site web rendant compte en temps réel du trajet précis et des heures de circulation des véhicules d'AREVA transportant des matériaux fissiles ? Les maires sont pourtant en droit de savoir si un camion de plutonium traverse leur commune à cinq heures du matin.
Dans la logique actuelle, tout tourne autour de la politique de l'offre : il faut fournir de plus en plus d'énergie. Pas un mot n'est prononcé à propos de la seule solution possible : la décroissance de la consommation, au demeurant inéluctable. Comment prendre au mieux ce virage de la sobriété ? Pour ce qui concerne le pétrole, c'est pour très bientôt. « L'histoire tranchera », disait Lénine.
a jugé légitimes les questions posées, même s'il n'est pas aisé d'y répondre.
Le problème énergétique auquel le monde fait face est inscrit dans la physique des choses puisque 85 % de l'énergie consommée au niveau mondial est d'origine fossile, c'est-à-dire prélevée dans un stock intermédiaire constitué à partir de l'énergie solaire. Il faut donc avoir conscience que le système énergétique actuel n'est pas durable, même si l'échéance à laquelle interviendront des modifications profondes fait débat.
Quels que soient les efforts, l'augmentation de la population mondiale et l'élévation de son niveau de vie provoqueront une croissance de la demande énergétique au cours des cinquante prochaines années.
Un pays comme la France, qui ne dispose pratiquement plus d'énergie fossile, pourra pourtant s'exonérer de toute dépendance énergétique à l'horizon 2050 en combinant ses atouts : le savoir-faire nucléaire et la disponibilité d'énergies renouvelables, qu'il est dépassé d'opposer. Le parc hydraulique de la France est assez favorable. Elle possède également un potentiel en matière de solaire, d'éolien et la biomasse. Sans affecter les usages alimentaires et industriels, la France, pays agricole et forestier, pourrait produire annuellement 50 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) à partir de la biomasse, c'est-à-dire pratiquement la consommation d'énergie pétrolière consacrée aux transports.
Toutefois, les énergies renouvelables ne peuvent assurer la continuité de l'approvisionnement ni satisfaire les besoins prioritaires instantanés. Pour répondre aux pics de demande, il convient schématiquement d'accroître le parc nucléaire français de 25 % et de porter la part des énergies renouvelables à 25 % de la totalité de la consommation énergétique.
Le besoin énergétique de la totalité des 36 millions de véhicules particuliers et utilitaires circulant en France équivaut à la production d'électricité de six tranches nucléaires sur les cinquante-huit en fonctionnement, le rendement du moteur électrique étant bien supérieur à celui du moteur thermique. De la flexibilité est nécessaire pour développer les véhicules hybrides ainsi que les biocarburants de troisième génération – diesel et kérosène –, directement utilisables dans les moteurs thermiques actuels, la biomasse présentant l'intérêt de pouvoir être collectée et stockée dans un combustible hydrocarboné.
La loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable de matières et déchets radioactifs contraint les producteurs de déchets à provisionner leurs besoins et prévoit un dispositif d'audit. Ce dispositif est en train de se mettre en place. Pour ce qui concerne le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), des fonds sont provisionnés afin de couvrir les charges de démantèlement des installations et de gestion des déchets, conformément au schéma de référence inscrit dans la loi. Les combustibles usés sont triés et conditionnés, dans des matrices vitrifiées pour les plus actifs, dans des stockages appropriés pour les autres, de telle sorte que leur impact résiduel soit dix fois inférieur à la radioactivité naturelle. La France est le seul pays à avoir tracé une stratégie claire de gestion de l'ensemble du cycle nucléaire, intégrant la totalité des charges afférentes à son usage.
Dans un marché ouvert, c'est le prix marginal qui pèse.
Lorsque les premières centrales nucléaires ont été conçues, les connaissances relatives au rythme de vieillissement de leurs organes essentiels étaient limitées. Aujourd'hui, des éprouvettes disposées dans les cuves des réacteurs permettent de mieux cerner la question. Ainsi, au regard des données scientifiques les plus avancées, la durée de vie des coeurs nucléaires apparaît beaucoup plus longue que prévue – supérieure à trente ans –, mais rien n'est acquis. Le dernier réacteur mis en fonctionnement, l'EPR, est conçu sur une base de soixante ans. Après une visite décennale approfondie, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) soumet aux pouvoirs publics un avis recommandant le renouvellement de l'agrément pour dix ans, des modifications ou l'arrêt de la centrale. Bien que 50 % seulement de l'énergie consommée en France soit importée, la facture énergétique du pays est passée de 25 à 45 milliards en moins de trois ans. Sans l'énergie nucléaire, le surcoût aurait été deux fois supérieur. Le vieillissement nécessite un vrai suivi mais, eu égard à son prix, il est injustifié de démanteler une centrale présentant toutes les garanties de bon fonctionnement. En revanche, dans une logique de précaution, si l'ASN considère que la sécurité d'une centrale n'est pas garantie, il faut envisager sa fermeture rapide et lui substituer un nouvel équipement.
Le premier usage de l'hydrogène ne sera pas la pile à combustible mais la combinaison avec la biomasse pour produire des carburants de troisième génération. L'hydrogène peut aussi être adjoint au gaz naturel afin d'alléger les importations. Le système devient compétitif dès lors que le prix du baril atteint 150 dollars. L'électrolyse haute température est la technologie la plus prometteuse. Un apprentissage progressif est nécessaire pour accompagner les changements de qualité du pétrole exploité. La France a intérêt à investir dans ce type de technologies.
L'uranium est également une ressource limitée, dont seulement 0,6 % du contenu énergétique est aujourd'hui utilisé. À technologie inchangée, les ressources de minerai disponible sont évaluées à environ deux siècles de besoins. Néanmoins, un nouvel ordre de grandeur sera atteint lorsque deviendront opérationnels les réacteurs de quatrième génération, à neutrons rapides, capables de transformer non seulement l'isotrope 235 mais pratiquement la totalité de l'uranium, notamment son isotrope 238. En 2040 – échéance à laquelle un premier réacteur industriel devrait être déployé –, la France disposera de quelque 500 000 tonnes d'uranium appauvri ou de retraitement. Avec en plus le plutonium stocké dans les combustibles usés, elle sera en mesure de couvrir plus de 5 000 ans de besoins énergétiques. L'approvisionnement en uranium ne constitue donc nullement un problème insurmontable.
La France doit développer les énergies renouvelables afin de s'exonérer, au milieu de ce siècle, de toute dépendance énergétique, car la pression ne fera que croître. Il convient d'investir dans le solaire, la transformation de biomasse, la production d'hydrogène et le stockage de l'énergie électrique.
En matière de chauffage, l'enjeu majeur est l'isolation des bâtiments. Pour apporter un surcroît marginal de chaleur, durant des périodes relativement brèves, l'électricité peut être utile, sous deux formes : le chauffage électrique standard et les pompes à chaleur, qui stockent l'énergie solaire thermique dans une logique intersaisonnière. L'électricité est donc une source d'énergie appelée à se développer, indépendamment des économies à réaliser.
Le peak oil arrive, il est là, mais il serait vain de se quereller sur l'échéance car les développements technologiques peuvent la repousser de quelques années ou décennies. Les exportations sont effectivement sans doute plus fragiles encore car chacun mesure que ces ressources exceptionnelles pourraient être employées plus intelligemment.
a rappelé que l'IFP a pour mission de développer les technologies pour assurer la transition vers un système énergétique moins carboné et plus durable. Les conclusions du Grenelle de l'environnement vont dans le sens de ses orientations. Il est particulièrement positif que le projet de loi mette l'accent sur la recherche.
Il est bien difficile de se faire une idée du mix énergétique optimal de 2050 ; le plus grand pragmatisme s'impose en la matière. Les défis sont tels qu'il faut faire flèche de tout bois. Toute énergie a sa place, à commencer par celle qui est économisée.
Le peak oil – ou plutôt le plafond de la production pétrolière – fait l'objet de débats entre optimistes et pessimistes. En tout cas, la quantité de pétrole – comme celles de gaz et d'uranium – contenue dans l'écorce terrestre est par nature limitée. Les réserves, notion technico-économique, augmentent avec le prix car de nouveaux gisements deviennent exploitables.
La flambée du prix du pétrole n'est pas liée au manque de réserves mais à l'absence d'investissements sur l'ensemble de la chaîne de production, à la situation géopolitique et à l'inélasticité de la demande, les besoins en pétrole étant de plus en plus concentrés sur les transports. La demande diminue peu et continue de croître dans les pays émergents et producteurs mais l'offre tend à diminuer car les pays producteurs constituent des réserves pour les générations futures. Le phénomène est inquiétant. Un prix du baril à 250 ou 300 dollars d'ici trois ou quatre ans n'est pas exclu, avec des conséquences géopolitiques et économiques majeures : des secteurs entiers de l'économie seraient à revisiter et la paupérisation des pays africains s'aggraverait. Il faut se préparer à ce scénario, même s'il n'est pas certain.
Dans ce contexte, le pétrole doit être concentré sur les usages pour lequel il n'existe pas de substitut, à commencer par les transports : les produits pétroliers représentent 97 % de l'approvisionnement en énergie de ce secteur. Il est absolument indispensable de réserver le pétrole pour cet usage tout en diversifiant les approvisionnements du secteur et en réduisant sa consommation, à travers des technologies nouvelles.
Si les limites des réserves de pétrole et de gaz peuvent être repoussées, cela permettra de gagner du temps pour assurer la transition énergétique, le secteur se caractérisant par une très grande inertie.
Les technologies du CSC, utilisées dans l'industrie pétrolière, ne peuvent encore être déployées massivement car elles se heurtent à deux obstacles importants : pour être compatibles avec le marché des émissions, les coûts devront être divisés par deux ou trois, soit 30 à 40 euros la tonne ; l'acceptabilité du transport et du stockage par les populations locales devra être garantie. Compte tenu du coût du transport, il est préférable de trouver des sites de stockage à proximité des installations de captage, même si la construction de réseaux d'acheminement de CO2 est envisageable. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a estimé que le CSC pouvait générer de l'ordre de 20 % des réductions d'émissions de gaz à effet de serre à l'échéance de 2050, le nucléaire y contribuant pour 6 à 8 %, la maîtrise de la consommation pour 20 à 25 % et les énergies renouvelables pour 20 à 25 %.
La consommation de charbon, ces dernières années, a considérablement augmenté. Cette matière première apparaît comme une alternative présentant l'avantage de ne pas poser de problème géopolitique. Il y a actuellement des réserves pour 150 ans, largement distribuées de par le monde. Il pose toutefois un problème majeur en matière d'émissions de gaz à effet de serre.
Le développement de la production d'hydrogène est important parce que la demande croît considérablement dans l'industrie du raffinage, pour désulfurer les carburants et ainsi respecter les normes de pollution locales. L'enjeu consiste à produire de l'hydrogène sans émettre de gaz à effet de serre. En outre, il ne faut pas sous-estimer le risque d'explosion : 8 grammes d'hydrogène ont suffi pour détruire un Algeco de l'IFP.
Le COMOP « Recherche », présidé par Mme Marion Guillou, présidente de l'INRA, s'apprêtant à remettre son rapport au ministre, il est délicat d'en parler en détail. Plutôt que se disperser, il a mis l'accent sur des technologies clés : le solaire photovoltaïque, le CSC, les biocarburants de deuxième génération, le stockage de l'énergie et les transports. Les nouvelles thématiques de recherche suggérées par le Grenelle de l'environnement ne devront pas être financées par des redéploiements à partir de recherches existantes.
Il faudrait assurer la continuité de la gouvernance. Si la politique énergétique des années soixante-dix – maîtrise de l'énergie et production nucléaire – a été si concluante, c'est parce qu'elle a été menée avec une constance remarquable. Le stop and go n'est pas recommandé. Les biocarburants, par exemple, ne méritent ni excès d'honneur ni excès indignité. Ceux de deuxième et troisième générations représentent l'avenir, mais un avenir lointain. Ceux de première génération constituent le premier substitut en quantité significative pour l'approvisionnement en carburant du secteur des transports – 5 à 10 % de l'ensemble –, avec un bilan énergétique et environnemental positif.
L'analyse du cycle de vie, du puits à la pompe, est effectivement une discipline cruciale.
a assuré qu'EDF, qui s'inscrit dans la tradition du monopole en matière de gestion tarifaire, prend très au sérieux la question de l'offre mais aussi celle de la demande.
Le parc français émet trois à quatre fois moins de CO2 par kilowattheure produit que ceux de ses principaux concurrents européens. C'est le résultat d'une politique de long terme et d'un mix optimisé jusqu'au dernier degré. Le génie d'EDF est d'avoir su répondre à la demande de sa clientèle tout en modulant sa disponibilité par une planification très serrée des arrêts de fonctionnement. Opérer simultanément l'entretien et le rechargement de quinze réacteurs ou plus constitue une prouesse opérationnelle de tous les jours.
Le parc nucléaire fournit jusqu'à 60 % de la demande en semi-base. Pour compléter et rester flexible en vue de s'adapter aux variations de demande, il faut de l'hydraulique mais aussi un minimum de charbon et de fuel. La force du mix énergétique de la France et d'EDF, c'est sa diversité. C'est dans cette optique qu'il faut appréhender tout développement.
En France, à la fin de l'année, la capacité éolienne nominale atteindra 3 000 mégawatts, avec un coefficient de disponibilité de 25 %, soit un peu moins que la production d'un réacteur nucléaire. Cela reste relativement modeste au regard des résultats obtenus en Allemagne (25 000 MW) ou même en Espagne (15 000 MW). Cette énergie n'est disponible que lorsque le vent souffle et son contrôle par les gestionnaires de réseau est difficile. Des travaux de recherche sont en cours pour obtenir un stockage décentralisé, notamment grâce à l'air comprimé. La nouvelle réglementation ne devra pas oublier un outil de stockage bien connu, particulièrement économe et efficace : le ballon d'eau chaude, qui peut être mis en route sur signal de l'opérateur, la nuit, quand le prix du nucléaire est marginal, et fournit de l'eau chaude le matin.
La politique tarifaire d'EDF a longtemps fait référence dans le monde, avec le signal effacement jour de pointe (EJP). La nouvelle politique commerciale vise à faire de l'utilisateur un acteur économe dans sa consommation et installant des équipements comme la pompe à chaleur ou le photovoltaïque.
Si l'on affecte une base 100 au nucléaire, le charbon et le gaz coûtent entre 130 et 140, l'éolien entre 200 et 250, le photovoltaïque entre 700 et 1 000.
Le coût de développement du nouveau réacteur nucléaire de Flamanville est connu : 3,3 milliards d'euros; les gros contrats d'équipement étant signés, 80 % de ce coût est verrouillé. L'enjeu reste évidemment de tenir les délais, la mise en service industrielle étant prévue pour 2012. Ce chantier est étonnant par sa complexité et sa maîtrise. Les réacteurs suivants seront probablement plus chers. En moins de deux ans, les devis des centrales au charbon et au gaz ont explosé de 30 à 60 % et les délais se sont allongés d'un an. Le secteur du nucléaire étant très capitalistique, il n'y a aucune raison qu'il échappe à cette loi. Quand EDF aura négocié des devis, l'entreprise communiquera sur le coût de la prochaine centrale nucléaire.
Pour des opérateurs industriels se projetant sur une durée de plus d'un siècle, il est essentiel que la gouvernance offre des horizons de très long terme. Or, sur la seule question du coût des émissions de CO2 – sans parler des normes de sécurité –, les règles du jeu qui prévaudront au-delà de 2012 sont inconnues. Une fois des principes fixés, tout retour en arrière est préjudiciable.
a souligné combien ces échanges étaient homogènes avec les analyses émanant de sphères internationales comme les réunions préparatoires du G8 du Japon, notamment les recommandations déposées par l'AIE à cette occasion : nécessité d'optimiser le mix énergétique ; inertie du secteur ; besoin de visibilité à long terme des investisseurs.
La gouvernance est réclamée à tous les niveaux : français, européen et international. Il est en effet crucial de connaître les pistes qui seront tracées pour l'après-2012 par les négociations internationales à propos de la lutte contre le changement climatique.
Le groupe AREVA, fournisseur de produits et de services dans le domaine nucléaire, joue la carte internationale en étant présent sur tous les continents, toujours dans le cadre de partenariats industriels et commerciaux – en particulier aux États-Unis –, afin d'offrir des solutions correspondant aux attentes locales. L'exemplarité française est reconnue. Les préoccupations françaises – réflexion sur le mix énergétique, optimisation des ressources – sont partagées à l'étranger.
a noté que la France, avec 1,48 tonne par habitant, consomme beaucoup de pétrole, tandis que l'électricité ne représente que 17 % de la consommation d'énergie. Cette part sera-t-elle amenée à progresser dans le mix énergétique ?
D'après d'autres sources, les stocks d'uranium sont estimés à 2 millions de tonnes, soit soixante ans de réserves, dix ans si tous les pays industriels passaient à l'énergie nucléaire.
Même si la démarche nucléaire emporte l'adhésion, deux points méritent d'être abordés : la gestion des déchets et le contrôle de la sous-traitance. L'information concernant l'incident du Tricastin doit être parfaitement claire, de même que la gestion des 770 tonnes de déchets stockées sur ce site.
a soulevé le problème de l'élévation du niveau des rivières et des fleuves, qui devrait peut-être inciter à implanter les futures centrales nucléaires sur les côtes.
L'acceptation du nucléaire par la population a été obtenue grâce au caractère national d'EDF, aux tarifs bas et à la disponibilité de l'électricité pour l'industrie. Cette acceptation ne risque-t-elle pas d'être entamée, dans des franges de plus en plus larges de la population, par la restructuration du secteur énergétique, l'évolution d'EDF, l'augmentation des prix, l'incident du Tricastin et les problèmes de l'EPR, imputables au cimentier ?
Le personnel du site de l'IFP de Lyon spécialisé dans le CSC réserve un accueil remarquable aux visiteurs. Quand cette technologie sera-t-elle exploitable à l'échelle industrielle ? Les projets de centrales à charbon pour 2012-2015, portés par Poweo, E.ON et pourquoi pas EDF, sont de plus en plus nombreux.
N'est-il pas temps de remettre en cause le développement de la filière gazière pour fournir de l'électricité ? La France et l'Europe se transforment en champs de transport gazier, avec cinq projets de terminaux méthaniers.
a signalé qu'un prototype de Renault combine pile à combustible et hydrogène. Si l'hydrogène a surtout vocation à être associé à la biomasse, le constructeur automobile fait-il fausse route ?
Dans la chaîne énergétique, que deviennent les tarifs de distribution ? Le tarif d'utilisation des réseaux publics (TURPE) est-il suffisant pour financer l'entretien des réseaux et éviter toute discontinuité d'approvisionnement ?
a demandé si les biocarburants de deuxième génération seront disponibles dans un avenir aussi proche que certains l'affirment.
a recommandé une réflexion sur la nature et les fondements de la croissance, même si le terme « décroissance » est malvenu.
La combinaison entre énergies renouvelables et nucléaire est-elle aussi imaginable pour l'outre-mer ?
Une autonomie bien plus grande ne devrait-elle pas être accordée aux régions d'outre-mer pour définir les politiques énergétiques locales ? L'objectif devrait être de changer de culture afin de ne dépendre ni du nucléaire ni des énergies fossiles.
a informé qu'il venait de participer à l'audition de la société SOCATRI par le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) à propos de l'incident du Tricastin. Suite à une erreur inexpliquée, 35 mètres cubes d'une solution contenant 8,2 grammes d'uranium 235 par litre, soit 74 kilos d'uranium, se sont échappés dans le milieu extérieur.
La quatrième génération du nucléaire viendra mais des questions se posent au sujet de sa forme industrielle et six modèles font l'objet de réflexions au plan international. Il faut s'appuyer sur des valeurs sûres comme l'EPR. L'extraordinaire chantier de Flamanville mérite d'être visité.
Le nucléaire n'est pas seulement adapté pour l'électricité – avec 84,8 % de la production française, plus 11 % pour l'hydraulique, ce qui positionne bien le pays au regard de l'émission de CO2 – mais aussi pour produire de la chaleur ou pour désaliniser l'eau.
a préconisé un mécanisme de transition car le pétrole ne disparaîtra pas du jour au lendemain.
Si le nucléaire fournit 17 % de l'énergie finale, c'est la consommation d'énergie primaire qui compte. Or 50 % environ de la consommation énergétique primaire de la France est d'origine nucléaire.
La question des déchets a fait l'objet de débats approfondis lors de l'élaboration de la loi de programme relative à la gestion des matières et des déchets radioactifs en 2006. Mais les citoyens ont malheureusement éprouvé très peu d'intérêt pour ces débats. Les déchets peuvent être gérés de façon durable et responsable, sans impact sur la santé ni l'environnement, à des coûts dévalués, il faut l'expliquer. Le processus français suscite d'ailleurs beaucoup d'attention de la part du reste du monde.
Conformément à la loi, les responsables de la SOCATRI ont été auditionnés. Plusieurs écarts se sont succédé : des transferts ont été effectués entre diverses solutions ; une vanne, mal fermée, a débordé ; un chantier n'a pas été pleinement maîtrisé. Les erreurs et manquements sont en cours d'analyse mais il n'existe manifestement aucun risque sanitaire. L'uranium naturel déversé est évalué à 74 kilos, bien loin des milliers de tonnes lessivées dans les mines exploitées en France. Cet incident regrettable mais qui n'a rien de dramatique survient au moment même où la SOCATRI était en train de moderniser ses équipements vieillissants.
Quel que soit le mode de production de l'électricité, en vertu du principe de Carnot, elle requiert une source froide et une source chaude. Le développement de l'énergie électrique ou le remplacement des centrales nucléaires par d'autres modèles entraînera un besoin en réfrigérants. Les techniques ont évolué du refroidissement direct aux aéroréfrigérants, qui permettent de diviser par trente le besoin en eau des centrales. Le refroidissement par l'eau de mer est bien sûr une piste à explorer mais une concentration des sites à la périphérie du pays ne serait pas optimale.
Ce n'est pas l'acceptation qu'il convient de rechercher mais l'adhésion au nucléaire, en comprenant ses avantages et ses risques. Plus de la moitié des Français jugent positif le fait que 50 % de l'électricité consommée dans le pays soit d'origine nucléaire. Le tarif est un enjeu crucial mais le nucléaire impose des contraintes car l'exigence de sûreté est absolue. En contrepartie, le nucléaire offre des bénéfices : la disponibilité de l'énergie et son coût. Un excellent article de M. Marcel Boiteux, ancien président-directeur général d'EDF, explique qu'il est impossible d'avoir le beurre et l'argent du beurre.
Il n'est pas inutile d'explorer d'autres possibilités mais le meilleur développement de transition vers un monde sans produits pétroliers est l'hybride électrique-thermique. La loi devrait encourager fortement les travaux de recherche au sujet des technologies de ce type et leur déploiement industriel.
La France doit investir dans la technologie de la gazéification et du catalyseur Fischer Tropsch. L'Allemagne vient de mettre sur pied la production de 100 000 tep à partir d'une collection de biomasse, selon un rendement masse carbone de 17 %. La France doit parvenir à la maîtrise industrielle de cette technologie en atteignant un taux de 48 % – le CEA poursuit un projet allant dans ce sens. La transformation de la biomasse, pour laquelle la France dispose de gros atouts, sera le meilleur moyen de desserrer l'étau des États pétroliers. Une toute petite partie des 44 milliards d'euros versés aux pays producteurs d'énergie pétrolière et gazière pourrait être réorientée vers le développement de l'énergie biomasse, qui est renouvelable. Les technologies de première génération sont intéressantes dans une logique de collecte mais n'offrent pas une solution durable et avérée.
Les îles d'outre-mer possèdent des atouts spécifiques, notamment le vent et le soleil. Il n'existe pas de solution unique pour l'ensemble de la planète.
L'EPR est parfaitement mature mais le développement de la technologie IV requiert la production simultanée de plutonium. L'Inde sera sans doute le pays qui mettra en fonctionnement le premier réacteur à neutrons rapides, vers 2012, mais elle est bloquée par son retard dans le domaine des réacteurs à eau légère, qui l'empêche d'initier le processus. La France est un cas unique au monde : elle peut déployer un schéma offrant cinquante siècles de sécurité énergétique.
a estimé que la crédibilité de l'information et de l'indépendance des autorités chargées d'évaluer les risques et les conséquences des incidents nucléaires a décliné depuis l'accident de Tchernobyl.
L'incident du Tricastin survient alors même que les centrales nucléaires sont louées pour leur faible impact sur l'effet de serre. En pleine privatisation d'EDF, il apparaît que la sécurité ne s'accorde guère avec la course à la rentabilité.
Lors de la canicule de 2003, une centrale située en bordure de l'estuaire de la Gironde avait occasionné un réchauffement important des eaux, non sans conséquences négatives sur le biotope. Comment ce problème peut-il être résolu, dans un contexte de réchauffement climatique ?
a conseillé de faire le deuil du moteur thermique, technologie inventée au XIXe siècle, afin d'investir dans le stockage de l'électricité. Quelle durée et quels financements seront nécessaires pour accomplir le saut technologique déterminant vers un stockage d'électricité dans un moteur automobile permettant des performances comparables à celles du moteur thermique ?
a réclamé des précisions sur d'éventuelles propositions innovantes dans le domaine de l'énergie hydrolienne, qui n'a pas le même impact visuel que l'éolien.
a répété que la priorité absolue est la diversification pour faire sortir le secteur des transports de sa dépendance exclusive – à hauteur de 97 % – vis-à-vis du pétrole. Certains écologistes proposent de fermer les centrales de deuxième ou troisième génération pour leur substituer des centrales de quatrième génération, sûres et bon marché. Le même raisonnement n'est pas valable pour les biocarburants de deuxième génération, qui sont encore au stade expérimental. Outre la filière thermochimique, la voie biochimique ou enzymatique ouvre des perspectives : l'IFP y travaille depuis 1980 et un pilote, d'un coût de 100 millions d'euros, est en construction près de Reims ; la première industrielle, phase préalable avant le développement à grande échelle, pourra être proposée vers 2013-2015. La France n'est donc ni en retard ni en avance. Pour ce qui concerne la voie thermochimique, l'échéancier est similaire mais il importera de déterminer le type de biomasse convenant le mieux. La prudence s'impose : une recherche n'est couronnée de succès que lorsqu'un industriel prend le risque d'investir sur ses deniers, ce qui n'est encore le cas dans aucun pays.
Les constructeurs automobiles doivent poursuivre toutes les voies et élaborer de nombreux prototypes avant d'examiner s'ils répondent aux attentes du marché. Renault n'est pas le seul groupe à avoir développé des véhicules à pile à combustible mais le potentiel de cette filière semble repoussé à long terme.
Le premier véhicule à avoir dépassé 100 kilomètresheure était une automobile électrique, la Jamais contente. Le moteur thermique présente un avantage considérable : son réservoir se remplit en quelques minutes et offre une autonomie de 500 à 1 000 kilomètres. La consommation des moteurs thermiques peut être réduite à 3 litres aux 100 kilomètres. La technologie qui a le vent en poupe est le véhicule hybride, sur laquelle travaillent les constructeurs français. Le véhicule électrique n'a pas débouché, pour des problèmes de coûts mais surtout à cause de l'autonomie limitée des batteries actuelles – de 150 à 180 kilomètres. Le stockage de l'électricité bon marché et en grande quantité est du reste l'une des priorités du COMOP « Recherche ». Toutes les entreprises travaillent à améliorer la densité d'énergie et de puissance des batteries mais nul ne sait quand sera obtenu un saut qualitatif. Quoi qu'il en soit, la solution est le véhicule hybride rechargeable.
a déclaré que l'hydrolien tient très à coeur d'EDF. D'ici à 2011, une petite ferme hydrolienne d'une capacité totale de 4 à 6 mégawatts sera raccordée au réseau. Ce projet est porteur d'avenir. Avec 80 % du potentiel européen situé au large des cotes françaises et britanniques, les perspectives s'élèvent à 10 térawattheures, presque autant que la production d'un gros réacteur nucléaire. De surcroît, les installations de production ne se voient pas. Enfin, à l'inverse du vent, les courants marins sont pour l'essentiel prévisibles car dépendant des marées. Les études ont démarré en 2002 et la courbe d'apprentissage est longue : la technologie ne devrait pas être prête pour la phase industrielle avant 2020. Cela dit, il importe d'y consacrer tous les efforts possibles car personne ne connaît la technologie qui s'avérera la plus porteuse.
L'énergie de demain sera maîtrisée, optimisée et décarbonée. Elle sera maîtrisée car l'énergie la plus utile est celle qui est économisée. Elle sera optimisée grâce à la mise en service d'un réseau de compteurs intelligents donnant une vision de la consommation en temps réel et grâce au stockage transitoire. Elle sera décarbonée, avec la pompe à chaleur ou le photovoltaïque intégré aux bâtiments.
La question des coûts et des tarifs est cruciale. L'ensemble du secteur fait face à des investissements considérables – EDF, en 2008, aura investi 6 milliards d'euros en France et 10 milliards dans le monde – à la fois pour le renouvellement des équipements et pour le maintien des capacités existantes. Au début des années quatre-vingts, le coût des investissements réalisés a été affiché dans le tarif ; il serait dommage d'abandonner cette ambition aujourd'hui.
a prédit que la consommation d'électricité augmentera, en France comme à l'étranger, en ce qu'elle est liée au niveau de vie et de confort. Certains pays ayant aujourd'hui un accès limité aux technologies modernes connaîtront un saut : les consommateurs passeront directement au tout électrique.
La sécurité n'est pas négociable ; elle ne supporte aucun compromis. L'opposer à la rentabilité n'est pas durable. Les politiques énergétiques se concevant sur le long terme, AREVA est très attentive à cet aspect.
a invité la commission à se référer à une source d'informations intéressante : les rapports de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
Le vice-président Serge Poignant a remercié les participants pour cet échange extrêmement intéressant.
Le rapporteur Christian Jacob s'est félicité de la qualité des interventions.