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Séance en hémicycle du 17 novembre 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • congé
  • décès
  • indemnisation
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  • partiel
  • préjudice
  • réparation

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi tendant à lutter contre la précarité professionnelle des femmes (nos 3795, 3921).

Ce matin, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Je vous informe qu'en application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement a demandé la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur l'article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cette proposition de loi, qui vise à lutter contre la précarité professionnelle des femmes, s'attaque très concrètement aux racines d'un mal que tout le monde connaît, décrit et analyse, mais que seuls certains essaient de corriger. Il y a de la tartufferie dans la manière dont s'expriment le Gouvernement et les députés de la majorité.

D'abord, ils affirment tous partager les objectifs de cette proposition de loi avant d'invoquer un désaccord sur les moyens de les atteindre. Or tout le monde est d'accord avec les conclusions du rapport de l'IGAS de Brigitte Grésy, publié en 2009, et les membres de la délégation aux droits des femmes ont été unanimes, en juillet dernier, pour souligner l'urgence d'une intervention et pour formuler un certain nombre de mesures qui sont concrétisées dans cette proposition de loi.

Ensuite, on ne peut parler de temps partiel choisi - quand nous, nous parlons de temps partiel subi - sans risquer de détourner le regard de réalités sociales magnifiquement décrites dans le livre de Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham. La précarité professionnelle est synonyme de pauvreté, pour aujourd'hui mais encore plus pour plus tard, au moment de la retraite.

Enfin, refuser d'agir est une formidable manière de dire : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ». Comme l'a déclaré ce matin Danièle Bousquet, la pauvreté, la précarité a un sexe, le sexe féminin. L'inégalité salariale a un sexe et elle ne touche pas seulement les fonctions professionnelles peu ou sous-qualifiées : alors que l'écart salarial est en moyenne de 27 % entre les hommes et les femmes, les femmes très qualifiées, à bac plus cinq, sont rémunérées 31 % de moins que les hommes.

Il n'est pas maximaliste de vouloir incarner la promesse républicaine. Or la promesse républicaine, c'est aussi vouloir assurer l'égalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je me suis exprimée ce matin, je serai donc très rapide.

L'article 1er a pour objet de créer un label spécifique, dit label « inclusion sociale », pour le travail des services à la personne.

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, comme je sais que vous allez nous répondre qu'il existe déjà des labels mis en oeuvre, je voudrais souligner leur différence avec celui que nous proposons aujourd'hui.

Les labels sociaux appliqués aujourd'hui dans les marchés publics sont facultatifs, c'est-à-dire que celui qui fait l'appel d'offres peut ou non inscrire un label pour attribuer un marché et peut ou non en tenir compte. Ce que nous voudrions, nous, c'est que toute entreprise de services à la personne qui soumissionne à un marché ait l'obligation d'avoir ce label d'inclusion sociale pour améliorer le sort de ses salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Il s'agit d'un amendement de précision.

Je précise, en tant que rapporteur, que tous les amendements que je présente ont été rejetés par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 7 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement de précision du rapporteur, n° 8, auquel la commission et le Gouvernement sont défavorables.

(Le vote sur l'amendement n° 8 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement de simplification du rapporteur, n° 9, auquel la commission et le Gouvernement sont défavorables.

(Le vote sur l'amendement n° 9 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel du rapporteur, n° 10, auquel la commission et le Gouvernement sont défavorables.

(Le vote sur l'amendement n° 10 est réservé.)

(Le vote sur l'article 1er est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement n° 1 portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cet amendement vise à créer une incitation financière pour les entreprises ou associations agréées afin de favoriser le développement du label d'inclusion sociale que nous proposons.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur l'article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Frédérique Massat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

La loi de 2005 relative au développement des services à la personne a permis de faire sortir de l'économie souterraine un certain nombre d'emplois. Ainsi se sont développés des emplois dans des secteurs tels que la garde d'enfants, l'aide aux personnes âgées ou encore les activités de ménage et de repassage.

La plupart du temps, il faut le reconnaître, ce sont des femmes peu ou pas qualifiées qui occupent ces postes à temps très partiel et faiblement rémunérés. Caractérisés par des horaires souvent atypiques, flexibles et irréguliers, ces emplois permettent difficilement de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Ainsi, alors que l'emploi devrait être une barrière contre la précarité, il en devient générateur. D'une part, parce que ces emplois ne bénéficient d'aucune reconnaissance sociale et n'offrent aucune perspective d'évolution. D'autre part, parce que l'absence de prise en compte de la précarité dans ce secteur montre bien que la précarité y est admise. Pourtant, ces salariés sont soumis à des risques professionnels particuliers souvent sous-estimés, alors même qu'ils ne bénéficient pas de dispositif de prévention des risques professionnels.

Si le statut des employés des services à la personne est particulier, il n'en demeure pas moins que ces employés bénéficient des mêmes droits que les autres salariés. Toutefois, leurs conditions de travail ne leur permettent pas d'accéder à ces droits de la même manière. Recrutés par des particuliers et isolés dans leur travail, ils disposent de peu d'informations sur leurs droits.

Ainsi, les travaux de la délégation aux droits des femmes sur le temps partiel démontrent que les salariés de services à la personne sont plus isolés et constituent un « maillon faible de la représentation syndicale » : ils sont logiquement peu informés sur leurs droits et sur leur accès à la formation professionnelle ou à la protection sociale.

L'Agence nationale des services à la personne a toute capacité pour donner ces informations. Malheureusement, nombre de ces employés ignorent son existence. Il faut reconnaître que sa finalité est prioritairement centrée sur l'analyse des services et leur développement en vue de soutenir la croissance du secteur, et sur l'information des employeurs plutôt que des employés.

Il nous semble essentiel d'instaurer la banalisation d'une journée annuelle prise sur le temps de travail pour l'information et la sociabilisation des employés de services à la personne afin de lutter contre leur isolement et la méconnaissance de leurs droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

L'article 2 rend obligatoire l'information des salariés des entreprises et associations exerçant dans le secteur de l'aide à domicile.

Certes, des obligations existent dans le code du travail pour les entreprises de dix ou cinquante salariés et plus, mais, dans ce genre de métier qui isole très souvent les intervenants, la généralisation d'une journée annuelle complète payée par l'employeur sera un progrès pour toutes les salariées de ces entreprises et associations.

C'est une avancée importante, qui ne résout pas pour autant le problème des salariées dont les employeurs sont des particuliers. Leur situation en matière de droits, d'accès à la formation ou à la médecine du travail est encore plus complexe quand elles cumulent plusieurs contrats de travail pour des employeurs différents, situation à laquelle nous sommes souvent confrontés sur le terrain et dans nos permanences.

J'ai réuni récemment un groupe de femmes sur ce sujet ; l'une d'elles me disait qu'elle avait dû renoncer à son arrêt de travail pour accident de trajet, parce que l'accident de travail était bien pris en compte par l'employeur chez qui elle se rendait ce jour-là, mais évidemment pas par les quatre autres employeurs qui utilisaient ses services dans la semaine. À noter que beaucoup de salariés d'entreprises ou d'associations d'aide à domicile travaillent eux aussi à temps partiel et ont donc des activités complémentaires chez d'autres employeurs.

Chez les salariées précaires, à temps partiel, ayant plusieurs employeurs, la complexité administrative, la gestion des variations de revenu et le fait d'avoir à rendre des comptes à Pôle emploi, à la CAF, aux travailleurs sociaux, aux impôts, à la banque et à qui sais-je encore crée des situations de stress, d'incompréhension, voire de révolte, d'autant que, souvent, aucun de ces interlocuteurs n'est en mesure d'avoir une vision complète des tenants et aboutissants de leur situation et encore moins de trouver la solution. Nous recevons tous, dans nos permanences, des personnes qui nous soumettent de telles situations, quasiment inextricables.

Tout cela justifie pleinement que les employeurs de salariées à temps partiel prennent leur part dans l'effort pour l'accès à l'information et aux droits sociaux, afin de contribuer à simplifier la vie administrative, familiale et sociale de ces salariées et de leur permettre de consolider des revenus qui ne permettent pas de vivre dignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'article 2 propose une solution au problème de l'hyper-fragmentation du travail dans les services à la personne, mais également dans d'autres domaines. On ne peut en effet indéfiniment détourner le regard de la fragilité qui en résulte pour les salariées et des conséquences qu'elle entraîne.

Certes, nul n'est censé ignorer la loi, mais le législateur n'est pas non plus censé ignorer l'effectivité du droit. Il doit s'assurer que les lois qu'il fait voter sont accessibles au plus grand nombre. Or c'est loin d'être le cas dans le domaine des services à la personne, notamment dans des situations aussi concrètes que celles que vient de décrire Jean-René Marsac.

Si la majorité et le Gouvernement partagent notre désir de voir la société aller mieux et notre souci d'assurer l'hygiène et la sécurité des conditions de travail des personnes qui s'occupent de nos aînés, de nos parents et de nos enfants, ils devraient approuver cet article : dans le cas contraire, c'est qu'il y a beaucoup de tartufferie dans leurs propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

La journée d'information que nous proposons dans cet article est conditionnée par l'existence d'une branche.

Avec la loi de 2008, monsieur le ministre, vous avez changé la norme et privilégié l'accord d'entreprise par rapport à l'accord de branche, notamment en matière de durée du temps de travail. Mais l'accord d'entreprise ne protège pas les salariées qui travaillent chez des particuliers ni les travailleurs à temps partiel. Lorsque l'on est à temps partiel, en CDD ou en intérim, comment peut-on en effet peser sur un accord d'entreprise ?

Je l'ai rappelé ce matin : les femmes sont le maillon faible des discussions syndicales, et cela nous a été confirmé par les syndicats. Elles ne constituent une priorité ni pour les partenaires sociaux ni pour leurs interlocuteurs.

Notre texte a donc pour but d'obliger les partenaires sociaux à tenir compte de ces questions-là. C'est la raison pur laquelle nous souhaitons inscrire dans l'accord de branche l'obligation de mettre en oeuvre une journée de formation. Nous parlons de métiers dans lesquels moins de 10 % des personnes sont titulaires du bac. Elles doivent pouvoir accéder à la formation continue, se professionnaliser et sortir d'emplois dans lesquels elles ne doivent pas rester enfermées à vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur l'article 2, je suis saisi par le rapporteur d'un amendement de précision, n° 11, auquel la commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 11 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi par le rapporteur d'un amendement rédactionnel, n° 12, auquel la commission et le Gouvernement ont donné un avis défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 12 est réservé.)

(Le vote sur l'article 2 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Gisèle Biémouret, inscrite sur l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Biémouret

L'article 3 de la présente proposition vise à fixer la périodicité des visites médicales à une au minimum par an, pour chaque salariée des services à la personne. Avec cette disposition, nous avons l'opportunité d'améliorer sensiblement les conditions de travail voire le quotidien de ces milliers de femmes.

Deux phénomènes récents, qui ont tendance à s'amplifier, nous amènent à proposer cette périodicité : le renoncement aux soins et la souffrance au travail. Dans un contexte de crise sociale, des études mettent en évidence la progression inquiétante du phénomène de renoncement aux soins. C'est souvent le cas chez des femmes subissant des emplois à temps partiel, qui renoncent aux soins pour des raisons financières.

En matière de souffrance au travail, je retiendrai le phénomène inquiétant des troubles musculo-squelettiques ou TMS. Ces pathologies constituent la première cause de maladies professionnelles en France. Tous les secteurs d'activité sont concernés. En 2010, si le secteur de la grande distribution est le plus touché, il est talonné par celui de l'aide à domicile.

Cette souffrance peut conduire à de sérieuses difficultés professionnelles. La prévention des TMS ne s'improvise pas. Les services de l'Agence nationale d'amélioration des conditions de travail recommandent de surveiller régulièrement l'état de santé du personnel.

Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de donner la possibilité à ces milliers de salariées d'être suivies dans les meilleures conditions possibles. Il faut enrayer les effets de ce qu'on pourrait définir comme une double peine : des emplois précaires avec, au final, des incapacités invalidantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous examinons l'un des articles dont vous nous disiez ce matin qu'il était satisfait, puisque l'article 16 de la loi du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail ouvre enfin aux salariés à temps partiel les mêmes droits à la médecine du travail qu'aux salariés à temps complet. Mais vous oubliez – à dessein, d'ailleurs – de préciser que ces droits font l'objet de dérogations, notamment pour les salariées qui travaillent chez des particuliers.

Si vous étiez vraiment attachés à la médecine du travail, au droit et à la protection des salariées très précarisées, particulièrement soumises au stress et victimes de pathologies spécifiques, vous seriez d'accord avec l'article 2 de cette proposition, qui instaure une journée d'information pour permettre à ces salariées de connaître l'existence de la loi du 20 juillet 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cet article tient en peu de lignes mais il est pourtant essentiel. Nous avons affaire ici à des salariées précaires, fragiles et vulnérables, qui exercent des métiers pénibles, auxquels sont attachés des pathologies spécifiques. Et pourtant, elles ne sont pas suffisamment informées sur la prévention et la santé.

Affirmer une fois encore la nécessité de cette visite médicale et être ferme sur sa périodicité est donc une exigence absolue. Nous savons tous que les vendeuses, les femmes de ménage, les femmes de charge, comme on disait autrefois à juste titre, car elles soulèvent souvent des charges lourdes, sont atteintes de pathologies douloureuses, handicapantes pour l'avenir, voire invalidantes. Cet article est donc le pivot de notre texte de loi et nous devons y souscrire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Le rapporteur a précisé dans son rapport la longue liste des principaux risques professionnels dans le secteur des services à la personne ; chacun peut s'y reporter.

Il faut y ajouter le stress au travail, que l'on oublie trop souvent. Ce sont en effet des métiers où l'organisation du travail est difficile, souvent avec la contrainte d'horaires décalés. Par ailleurs, les salariées qui travaillent dans le secteur de l'aide à la personne peuvent être confrontées à des situations difficiles : la détresse, la mort ou les violences. Cela crée des charges psychiques et émotionnelles lourdes, d'autant plus difficiles à supporter qu'elles touchent des travailleurs isolés. Pour toutes ces raisons, un suivi médical annuel ainsi que des contrôles à la reprise du travail sont nécessaires.

Lorsque nous visitons des maisons de retraite ou des EHPAD, les personnels nous alertent régulièrement sur la difficulté du travail, au plan physique comme au plan psychologique, et sur les maladies auxquelles ils sont confrontés.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Cet article a pour objet de fixer la périodicité des visites médicales à une au minimum par an pour les catégories de femmes les plus touchées par la précarité. Ce sont souvent des jeunes femmes, peu qualifiées, qui ont du mal à trouver un emploi stable. Leur faible qualification et l'emploi discontinu ou à temps partiel vont de pair avec des interruptions d'activité plus fréquentes, lors de la naissance des enfants : en général, les femmes bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation ne souhaitent pas tant rester au foyer que fuir des conditions de travail difficiles.

Or le recours au congé parental accentue leurs difficultés de réinsertion. Par ailleurs, la précarité menace tout particulièrement certaines catégories. Les familles monoparentales, qui sont constituées pour l'essentiel de femmes seules avec enfants, pour lesquelles les contraintes liées à l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale sont plus lourdes, et qui sont souvent conduites à accepter des emplois peu attrayants ; les femmes immigrées, qui sont plus éloignées que les autres du marché du travail, ce qui est un facteur supplémentaire de précarisation sociale et économique en cas de séparation, car elles perdent alors tous leurs droits ; les femmes allocataires des minima sociaux, qui sont les plus éloignées de l'emploi. Enfin, on voit réapparaître une catégorie de retraitées pauvres, qui ont connu des parcours d'emploi chaotiques et sont victimes des réformes des retraites. Il est donc extrêmement important que ces femmes bénéficient de visites médicales régulières.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Je voudrais m'arrêter quelques instants sur cet article 3. Le ministre a dit tout à l'heure qu'il n'était pas nécessaire de compléter le droit en la matière. Je serais pourtant tenté de dire : qui peut le plus peut le moins.

Si l'on accepte l'idée communément admise qu'il doit y avoir une médecine du travail qui assure la protection des salariés et si l'on admet que les services à la personne recouvrent des réalités très différentes et une multitude d'emplois, on doit pouvoir conjuguer le plus, c'est-à-dire la volonté d'avoir une médecine du travail qui protège les salariés, avec le moins, à savoir une visite médicale régulière.

L'article porte exclusivement sur cette périodicité. Au-delà du droit, il concerne l'application plus stricte de celui-ci dans des métiers dont la pénibilité est avérée, même si elle est difficile à définir : les troubles musculo-squelettiques comme le stress sont en effet des réalités mouvantes.

Cet article a donc pour vocation de protéger davantage les salariées, pendant leur vie professionnelle et au-delà, lorsqu'elles seront à la retraite.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est grâce à nous, qui avons fait voter la loi Cherpion du 20 juillet 2011, que les salariés à temps partiel de particuliers employeurs peuvent bénéficier d'un suivi médical. Ce n'était pas le cas avant, vous le savez.

En revanche, alors que vous voulez en figer les modalités dans la loi, nous souhaitons conserver une certaine souplesse au dispositif pour qu'il puisse s'adapter aux caractéristiques des salariés, et nous préférons renvoyer à la négociation. C'est une différence que nous assumons.

La négociation en cours répondra en tout état de cause à votre demande, il me semble que c'est la meilleure solution.

(Le vote sur l'article 3 est réservé).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Frédérique Massat, inscrite sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Le secteur des services à la personne offre peu de perspectives d'insertion sociale et condamne ses salariés, le plus souvent des femmes, à rester dans la précarité.

Trop souvent assimilés à la sphère domestique, ces emplois mobilisent pourtant des compétences multiples qui pourraient être valorisées. Je pense notamment, dans le cas des aides à domicile, aux compétences relationnelles et sociales qui nécessiteraient d'être reconnues dans le cadre d'une valorisation des acquis de l'expérience.

Au-delà d'une conception étriquée qui assimile ces compétences à des qualités innées ou typiquement féminines, ces salariés se heurtent par ailleurs aux difficultés d'accès à la formation professionnelle, en raison, d'une part, d'une absence d'information sur leurs droits, mais aussi du fait de leur condition de salariés à temps partiel. Au passage, notons que 82 % d'entre eux sont des femmes.

En effet, avec plusieurs employeurs, cinq, six, sept, parfois même dix, comme c'est très souvent le cas pour les salariés de ce secteur; il devient extrêmement difficile d'obtenir l'accord de tous pour partir en formation. Le taux d'accès global à la formation continue des salariés à temps partiel est de 28 %, contre 38 % pour les salariés à temps plein.

Face à ces difficultés liées aux particularités du secteur, il est urgent de mettre en oeuvre les conditions d'une véritable promotion sociale de ces salariés qui doit notamment passer par la valorisation de leur expérience.

Monsieur le ministre, cette mesure s'inscrit dans la politique que votre gouvernement a engagée pour développer la formation professionnelle chez les publics les moins qualifiés.

Le présent article vise ainsi à favoriser dans le secteur des services à la personne la mise en oeuvre de plans de formation mais aussi la validation des acquis de l'expérience et du droit individuel à la formation.

Je ne doute pas que vous aurez à coeur de nous accompagner dans notre démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cet article tend à permettre aux salariés de particuliers d'accéder à la formation professionnelle. 82 % d'entre eux sont des femmes, dont les compétences sont rarement reconnues. La seule façon de valoriser leur travail, qui est indispensable pour le bon fonctionnement de la société, est de reconnaître qu'il relève de la formation professionnelle. Tant que l'on ne reconnaîtra pas leur qualification, leur situation ne progressera pas et la société ne prendra pas en compte le rôle que jouent toutes ces personnes, essentiellement des femmes, qui s'occupent de nos enfants, de nos parents. Les services à la personne ne cesseront de se développer. Garantir à ces salariés un droit à la formation est un enjeu de société, pas seulement pour les personnes concernées, mais pour l'ensemble de leurs employeurs. Il est en effet dans l'intérêt de tous que ces personnes, à qui nous confions nos enfants ou nos parents, soient formées à ces métiers qui requièrent des compétences spécifiques. Cela se fait déjà en pratique, mais n'est pas validé par des qualifications normées.

Renvoyer cette disposition à un accord de branche permettrait par ailleurs de créer, de protéger et d'organiser très concrètement ce droit.

Il ne s'agit pas seulement de décrire ou de partager un diagnostic, mais de faire en sorte que le droit formel se concrétise en mesures réelles en faveur des salariés assurant des services à la personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je ne vais pas prolonger les débats puisque mes collègues ont déjà souligné l'intérêt d'un accord de branche.

En revanche, nous insistons sur le fait que la branche des services à la personne s'intéresse aux conditions de mise en place des plans de formation, plans individuels, validations d'acquis.

Ces personnes ont des qualités particulières d'adaptabilité, de communication. Nous ne considérons pas ces compétences comme typiquement féminines, ce serait faire preuve de discrimination, mais nous pouvons les valoriser pour permettre à ces salariés, dont 82 % sont des femmes, de bénéficier d'un vrai déroulement de carrière. Nous constatons tous, en effet, que ces parcours très fragmentés ne donnent aucun espoir de progression professionnelle, sans parler du fait d'avoir plusieurs employeurs.

Seuls 28 % des salariés à temps partiel suivent des plans de formation, contre 38 % chez les salariés à temps complet. L'accord de branche que nous proposons permettrait de mettre un terme à ce déséquilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi par le rapporteur d'un amendement de précision n°13, auquel la commission et le Gouvernement sont défavorables.

(Le vote sur l'amendement n° 13 est réservé).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n°19 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Cet amendement vise à étendre le champ des plans de formation visés par l'article 4 en y intégrant les congés individuels de formation ainsi que les contrats de professionnalisation.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 19 , repoussé par la commission, est réservé).

(Le vote sur l'article 4 est réservé).

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Biémouret

L'article 5 de cette proposition tend à conditionner l'octroi des marchés publics aux mesures développées par les entreprises pour lutter contre la précarité et le temps partiel subi.

Le code des marchés publics 2004 autorise la collectivité à se fonder, pour l'octroi d'un marché, soit sur le prix le plus bas, soit sur l'offre économiquement la plus avantageuse. Pour retenir cette dernière, l'acheteur public évaluera notamment celle qui présentera le critère de satisfaire aux exigences sociales. Les acheteurs publics prendront en compte la politique menée par l'entreprise pour résorber l'emploi précaire.

Trop d'employés acceptent le travail à temps partiel faute de mieux. Selon un rapport du Conseil économique et social, un tiers des femmes travaillant à temps partiel le subissent plus qu'elles ne le choisissent. Dans les secteurs des services aux entreprises et des services aux particuliers, le temps partiel est devenu la norme de gestion de la main d'oeuvre, ce qui a débouché sur le phénomène des travailleurs pauvres, le cas des femmes de ménage employées par des sociétés privées en est un exemple – c'est ce qui se passe ici même, à l'Assemblée nationale, d'ailleurs.

Très peu de salariées de ces entreprises occupent un emploi à temps plein. Cumulant seulement quelques heures de ménage par mois, leur revenu est à l'image de leur situation professionnelle : précaire.

Les collectivités et l'État sont parfois amenés à attribuer des marchés à ces entreprises. Il nous apparaît essentiel de montrer l'exemple en attribuant ces marchés aux entreprises qui feront le plus d'efforts pour limiter le recours à des contrats à temps partiel à faible nombre d'heures.

Cet article vise à responsabiliser les pouvoirs publics et les entreprises pour enrayer le phénomène des travailleurs pauvres et cette tendance à une société de serviteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Le ministre a du mal à regarder en face la réalité du temps partiel subi. En effet, même en présence d'un temps partiel apparemment choisi, il faut s'interroger sur les raisons du choix. Parfois, travailler à temps complet coûterait plus cher que cela ne rapporterait, en raison des frais de garde des enfants ou des temps de déplacement. Les femmes peuvent ainsi être amenées à choisir à contrecoeur le temps partiel.

Il faudrait au moins reconnaître cette réalité et mettre tout en oeuvre pour la combattre, notamment lors de l'octroi des marchés publics. L'État, les pouvoirs publics au sens large doivent se donner les moyens d'encourager les bonnes pratiques. Tout ne peut pas être fait d'un coup, mais si les collectivités publiques et l'État ne donnent pas un premier signal, nous n'y arriverons jamais.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous reprenons l'idée que nous avons eue pour le label d'inclusion sociale, c'est-à-dire des dispositions relatives aux critères d'attribution des marchés favorisant les entreprises qui promettent de lutter contre le travail précaire.

Aujourd'hui, le temps partiel est devenu un mode de gestion des personnels pour s'adapter à l'exigence de flexibilité et de réactivité maximales des marchés.

Nous sommes passés de 17 % de temps partiel en 1970 à 30 % !

Beaucoup, en particulier les femmes et les jeunes, n'entrent plus sur le marché du travail qu'à temps partiel et en CDD. Il faut faire cesser ces pratiques car ces emplois extrêmement précaires permettent tout juste de survivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n°14 du rapporteur, qui a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

(Le vote sur l'amendement n° 14 est réservé).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Catherine Coutelle, première inscrite sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cet article dispose que, « à compter du 1er janvier 2103, les entreprises de plus de 20 salariés dont le nombre total de salariés à temps partiel est au moins égal à 25 % du nombre total de salariés de l'entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % de cotisations dues par l'employeur ». Il s'agit de s'attaquer aux entreprises qui abusent du temps partiel. Traditionnellement, c'est le cas dans la restauration, l'hôtellerie, la grande distribution, le commerce. Malheureusement, d'autres catégories sont désormais touchées, en particulier les téléopératrices. Et monsieur le ministre, peut-être ne le savez-vous pas, mais une de vos ordonnances est en train de multiplier les temps partiels dans les laboratoires de biologie. Des laborantines techniciennes de laboratoire sont désormais employées uniquement deux heures le matin pour faire les piqûres et les prélèvements, sans autre travail dans la journée. Cette pratique provient du regroupement des laboratoires, pour diminuer les coûts. Leur métier devient moins intéressant et elles se déqualifient à cause de ce temps partiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous arrivons au coeur de la bataille. C'est ici que se manifestera ou non la détermination à lutter contre les dérives dans certains secteurs d'activité où les profits sont importants, où les conditions de travail des salariés se dégradent et leur aliénation se renforce par la segmentation à l'infini du travail.

Nous proposons donc d'instaurer un « malus précarité » par majoration des cotisations patronales dans les entreprises de plus de vingt salariés où les emplois à temps partiel représentent plus du quart des emplois. Nous ne visons pas des PME en situation difficile, mais des entreprises d'une taille déjà plus importante. Si elles ont besoin d'avoir plus du quart de leurs salariés à temps partiel, c'est qu'il y a un problème. En réalité, elles pourraient procéder à des embauches à temps complet. Mais il est bien plus pratique, bien plus intéressant aussi pour les actionnaires d'embaucher à temps partiel, car cela coûte moins en charges sociales.

Il faut s'attaquer à ce problème. Pour le résoudre au moins en partie, la solution est d'instaurer un malus précarité de sorte qu'il ne soit pas plus intéressant d'employer des précaires que de créer des emplois à temps complet et pérennes. Actuellement, les groupes de la grande distribution sont d'une certaine manière encouragés à parcelliser le travail des caissières qui, en outre, sont victimes de troubles musculosquelettiques. Tout le monde est au courant de ces pratiques, et vous le premier, monsieur le ministre. Souhaitez-vous, oui ou non, y mettre un terme ? Nous vous en donnons l'occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Nous sommes en effet au coeur du dispositif. Nous sommes d'accord pour constater, pour regretter. Mais, au vu des bancs déserts dans l'autre moitié de l'hémicycle, je constate aussi que nous sommes peu à être décidés à agir. Déplorer le temps partiel est une chose ; c'en est une autre de prendre des mesures pour le limiter et limiter les profits de ceux qui en tirent avantage.

La mesure que nous proposons est prudente et raisonnable. Elle ne vise que les entreprises de plus de vingt salariés. Il faut qu'elles emploient plus de 25 % de travailleurs à temps partiel, et on leur fait subir une majoration de 10 % des cotisations. Ce n'est pas là une révolution qui puisse mettre à terre de telles entreprises. Il s'agit simplement de freiner leur engouement pour l'embauche, trop facile, de travailleurs précaires et à temps partiel.

Ne pas se rallier à une proposition de cet ordre prouverait que, dans bien des propos, il y a beaucoup d'hypocrisie, pour ne pas dire plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi de deux amendements de M. Sirugue, nos 15 et 16, sur lesquels la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

(Les votes sur les amendements nos 15 et 16 sont réservés.)

(Le vote sur l'article 6 est réservé).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Jean-René Marsac, premier inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Cet article prévoit de faire passer l'indemnité de précarité de 10 % à 20 % pour les CDD à temps partiel, Cela doit pousser l'employeur à s'efforcer d'organiser des temps plein ou à adhérer à un groupement d'employeurs qui peut compléter le temps de travail.

Le temps partiel non choisi n'est pas une situation normale, parce qu'elle ne permet pas de vivre décemment. Le SMIC mensuel à temps plein doit rester l'objectif minimal à atteindre par tout employeur à l'égard de chacun de ses salariés qui le souhaite ; il est impossible de faire face aux exigences minimales de la vie en dessous de ce seuil. Il est humiliant et inacceptable que des personnes s'échinent à travailler, très souvent avec des horaires décalés, sans pouvoir vivre décemment de leur travail.

Il est donc normal de lutter contre cette pauvreté au travail et de compenser en partie les conséquences de la précarité par une indemnité spécifique. Il faudra très certainement aller plus loin puisque l'article 7 ne vise que les CDD non renouvelés et ne prend pas en compte les nombreux CDI parfois à temps très partiel.

Mais le voter montrera que la représentation nationale a pris en compte l'injustice de la situation des salariés à temps partiel subi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Je ne peux qu'abonder dans le sens de mon collègue Jean-René Marsac. On fait grand cas des retraites chapeau, golden parachutes et bonus. On attribue ainsi des sommes faramineuses à des gens qui, sûrement, travaillent beaucoup et de façon utile.

Mais ceux dont nous nous occupons ici ne sont pas moins indispensables. Leur travail est pénible, et nombreuses sont les femmes auxquelles il échoit. A elles aussi, il faut donner un bonus – bien plus modeste certes. Mais au moins elles sauront que le législateur a pris en compte la pénibilité de leur travail et la difficulté de leur vie, non seulement sur le plan financier, mais en marquant le respect qu'on leur doit. Il y a là un signe de reconnaissance important à leur donner et à donner à toute notre société qui en a bien besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cet article vise principalement, monsieur le ministre, à éviter la multiplication des contrats à temps partiel. En pénalisant plus fortement les entreprises au moment de la rupture, en portant la pénalité de 10 % à 20 %, nous voulons les empêcher d'utiliser ces contrats à leur guise et d'en abuser.

(Le vote sur l'article 7 est réservé).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Jean-René Marsac, premier inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Le travail précaire et à temps partiel subi se cumule souvent avec des interruptions importantes de service – dans le nettoyage, l'hôtellerie-restauration, le commerce par exemple – ou une pluralité d'employeurs et des déplacements importants entre les sites de travail.

Il n'est pas rare que des salariés s'absentent 12 heures de leur domicile pour 5 à 6 heures de travail rémunérées !

De plus, pour avoir ces quelques heures de travail, il faut parfois être disponible à côté du téléphone, prêt à accepter des missions dans la journée même ou le lendemain. Une astreinte aussi forte, pour de bien faibles revenus, est insupportable.

Il est nécessaire de fixer des normes pour lutter contre la précarité et des situations abusives. C'est le sens de l'article 8 qui, de plus, encourage la négociation collective par branche pour améliorer la situation de ces salariés.

Avec Gisèle Biémouret, nous voulions également déposer un autre amendement, qui est tombé sous le coup de l'article 40. Il prévoyait un travail spécifique dans les maisons de l'emploi pour traiter, au niveau du territoire, de cette question de la précarité et impulser la recherche de compléments d'emploi pour ceux qui le souhaitent, en rapprochant employeurs et salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cet article illustre notre volonté de lutter contre l'instabilité dans l'emploi mais aussi contre la stabilité dans le sous-emploi. Aujourd'hui, des salariés à temps partiel sont dans une véritable situation d'aliénation – c'est un gros mot, je sais ! Mais quand on n'a aucun moyen de prévoir des modifications d'emploi du temps, ou d'en être prévenu à temps, alors qu'on dépend de ces heures de travail pour faire vivre sa famille, on est aliéné par les décisions erratiques de son employeur.

Il faut donc absolument trouver des moyens de limiter le caractère imprévisible des horaires de travail des salariés à temps partiel. Or les lois que vous faites voter offrent des possibilités de dérogation invraisemblables. La loi fixe bien des délais de prévenance, des amplitudes horaires, des limites aux interruptions dans une même journée de travail. Mais, en pratique, les dérogations possibles sont très nombreuses. Quand on est à deux heures de travail près pour pouvoir donner, une fois dans la semaine, de la viande à ses enfants, on se trouve pieds et poings liés. Chaque article de cette proposition de loi s'attaque de façon très concrète, aux réalités sur le terrain, à des situations que vous refusez de voir au motif que des dispositions légales existent déjà. Acceptez de voir qu'il y a ces dérogations, qu'il faut y mettre un terme ou au moins faire que les horaires de travail soient prévisibles. L'imprévisible et l'arbitraire plongent le salarié dans une barbarie insupportable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cette impossibilité de prévoir est vraiment ce qui est le plus aliénant, en particulier pour les femmes qui ont des charges de famille – familles monoparentale ou pas puisque, de toute façon, ce sont à 80 % les femmes qui assument les charges de la famille.

Quand la dérogation devient la règle, la norme cesse d'exister. La loi de 2000 avait permis de moduler l'horaire hebdomadaire entre 12 heures et 36 heures pour faciliter l'organisation du travail. La loi portant rénovation de la démocratie sociale et modernisation du temps de travail que vous avez fait voter en 2008 a introduit une flexibilité totale : la semaine de travail peut aller de 0 heure à 35 heures. De même, la loi n'exige plus un accord de branche mais seulement un accord d'entreprise.

Monsieur le ministre, dans ma circonscription, les employées d'une grande surface bien connue dans l'Ouest de la France sont venues me raconter qu'on leur avait annoncé, en octobre 2010, au cours d'une réunion – ce n'était même pas dans le cadre de discussions d'entreprise –, qu'à partir du 1er novembre elles n'auraient plus aucun jour férié : plus de 1er ou de 11 novembre, plus de 14 juillet, de 15 août, de lundi de Pâques, de lundi de la Pentecôte… Il ne leur restait que le 1er mai, parce que ce congé relève d'une obligation légale. Cela leur a été imposé du jour au lendemain et sans aucune discussion. La nouvelle règle était applicable dans les quinze jours qui suivaient l'annonce ; elle est toujours en vigueur, et elle empêche évidemment ces salariées de profiter de journées traditionnellement consacrées à la vie familiale.

Comment des hôtesses d'accueil de la grande distribution auraient-elles les moyens de discuter avec un patron de la grande distribution pour refuser ce qui leur est imposé ? L'imprévisibilité est décidément ce qui fragilise le plus le travail des femmes à temps partiel. Les règles en la matière ont été contournées.

Il en est de même pour ce qui concerne l'horaire de travail du salarié à temps partiel. La loi dispose que la journée de travail ne doit pas être interrompue durant plus de deux heures, mais des dérogations ont été prévues pour rendre possible des interruptions supplémentaires. Évidemment, ce qui aurait dû être dérogatoire est devenu la norme, en particulier dans la grande distribution.

De la même façon, les dérogations en matière de délai de prévenance s'appliquent désormais couramment. Un délai de sept jours devrait s'appliquer mais, en fait, les salariés sont prévenus un ou deux jours avant. Monsieur le ministre, dans de telles conditions, comment voulez-vous que le salarié organise sa vie de famille ? Comment le salarié à temps partiel peut-il occuper un autre emploi pour compléter son salaire ? Comment peut-il s'inscrire à une formation ? C'est impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement de précision du rapporteur, n° 17. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

(Le vote sur l'amendement n° 17 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel du rapporteur, n° 18, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le vote sur l'amendement n° 18 est réservé)

(Le vote sur l'article 8 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 8.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 20 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Afin de permettre une meilleure répartition des charges familiales, nous voulons promouvoir la création d'un congé parental d'éducation d'une durée de douze à trente-six mois, susceptible d'être pris par la mère et le père de l'enfant en alternance, chacun ne pouvant prendre une durée de congé inférieure à 20 % de la durée totale du congé.

Ainsi, les ajustements professionnels liés à la naissance des enfants ne porteraient plus uniquement sur les mères ; ils ne constitueraient plus un élément discriminant en matière d'emploi.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 20 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Danielle Bousquet pour présenter l'amendement n° 4

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Selon une note d'analyse du très sérieux Centre d'analyse stratégique, parue le 3 novembre dernier : « L'inégale répartition des tâches familiales et domestiques a une influence sur la représentation des rôles parentaux et professionnels […]. Elle alimente les tensions entre le temps dédié au travail et celui de la prise en charge des enfants. »

Il convient de répondre aux mutations sociétales en matière d'organisation du travail. La loi doit fournir des outils afin de permettre d'articuler vie familiale et vie professionnelle.

Cet amendement vise à explorer de nouvelles pistes susceptibles de permettre un meilleur partage de la prise en charge de l'éducation des enfants entre les deux parents, les personnes vivant maritalement ou liées par un pacte civil de solidarité, afin de rééquilibrer la répartition des tâches entre hommes et femmes.

Il s'inspire des pratiques mises en place dans les pays d'Europe du Nord. Lors d'un récent voyage, j'ai pu constater qu'un ministre en exercice se trouvait pour quelques mois en congé parental d'éducation. Cela semblait parfaitement normal. Je souhaite que nous puissions évoluer en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Le Président de la République est-il prêt à prendre un congé parental ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Cet amendement s'inscrit dans la lignée des rapports de Mme Michèle Tabarot et de Mme Marie-Françoise Clergeau, portant l'un sur l'extension des modes de garde, l'autre sur la prestation d'accueil de la petite enfance. Nos collègues en appellent toutes deux à une réforme du congé parental dans le sens d'un partage plus équitable entre les femmes et les hommes.

Le Haut conseil de la famille a relevé que 96 % des bénéficiaires d'un congé parental sont des femmes. Il précise que les femmes les moins diplômées et disposant des revenus les plus faibles sont surreprésentées. Ce dispositif très peu indemnisé a donc tendance à tirer ces dernières encore vers le bas, d'autant qu'il est difficile de trouver un emploi à la sortie.

C'est pourquoi, afin d'éviter que ce congé ne devienne une trappe à pauvreté, il est proposé d'avancer dans la réflexion sur un congé partagé, raccourci et mieux rémunéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Cet amendement prolonge l'amendement n° 20 que nous venons d'examiner en ouvrant le congé parental au conjoint du père ou de la mère, quel que soit son statut par rapport à l'enfant. Il a malheureusement été rejeté par la commission.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement n° 21 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Cet amendement traduit notre volonté d'impliquer davantage les pères dans les responsabilités familiales.

L'allongement du congé de paternité permettra indirectement de réduire les discriminations à l'embauche des femmes. En effet, lorsqu'ils embauchent une femme, de trop nombreux employeurs pensent au risque qu'elle demande un congé de maternité ; mais pourquoi parler de risque ? Si le congé de paternité donnait au père les mêmes droits qu'à la mère, ce congé ne serait plus un élément discriminant à l'encontre des femmes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 21 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Danielle Bousquet, pour soutenir l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Cet amendement vise à explorer une piste de neutralisation des discriminations à l'embauche liées à la maternité.

Le remplacement du congé de paternité actuel par un congé d'accueil de l'enfant plus long aurait pour effet de rétablir un peu plus d'égalité entre les deux parents au moment de la naissance d'un enfant et de mieux répartir la charge parentale. L'implication de l'autre parent que la mère dès la naissance des enfants constitue un facteur de meilleur partage des obligations familiales sur le long terme.

Par ailleurs, la création du congé d'accueil de l'enfant permettrait d'élargir le champ des bénéficiaires du congé de paternité. En effet, en l'état actuel du droit, le bénéfice du congé de paternité n'est ouvert qu'aux hommes qui justifient de la filiation de l'enfant. Les indemnités ne peuvent ni être versées à la compagne de la mère, ni à son nouveau compagnon à la date de la naissance de l'enfant. Or il peut arriver qu'une tierce personne joue dans les faits un rôle central dans l'éducation de l'enfant sans être pour autant le père biologique. Il convient donc de prendre acte de l'évolution des modèles familiaux et de permettre non seulement au père mais aussi à toute personne vivant maritalement avec la mère ou ayant conclu avec elle un pacte civil de solidarité de pouvoir assumer ses responsabilités dans l'éducation de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

À nouveau, cet amendement rejoint celui que j'ai précédemment présenté, sa portée étant encore plus large. Il a également été rejeté par la commission.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 3 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l'opportunité de créer un service public de la petite enfance.

Le Président de République s'était engagé au début de son mandat à assurer l'accueil des enfants de moins de trois ans. Or, depuis 2002, la scolarisation des enfants de deux et trois ans à l'école maternelle est passée de 35 % à 11 %. Autrement dit, aujourd'hui, 90 % des enfants de deux et trois ans ne sont plus accueillis à l'école, et les familles doivent trouver seules des solutions.

Aujourd'hui, 60 % des enfants sont gardés par leurs parents, 18 % par des gardes maternelles, et 10 % par des structures collectives. Cette question constitue l'un des enjeux majeurs pour l'égalité entre les hommes et les femmes, pour l'équilibre au travail et l'équilibre des familles, et pour la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. C'est pourquoi nous nous sommes engagés à créer un service public de la petite enfance. Aujourd'hui, contrairement aux promesses faites en 2007, le nombre de places en crèche n'est toujours pas au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Cet amendement a été rejeté par la commission. Je le soutiens à titre personnel.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Je rappelle que nous parlons d'un engagement du Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Probablement s'agissait-il d'ailleurs de l'une des promesses à laquelle pouvaient adhérer le plus grand nombre de Français. Aujourd'hui, nous constatons que le Président de la République s'est dérobé. La promesse dont les Français attendaient tant n'a pas été tenue.

Il s'agit pourtant d'un enjeu majeur d'équité sociale. L'apprentissage des savoirs fondamentaux et des rudiments de la langue est essentiel, en particulier lorsque la mixité sociale n'est pas assurée et que les parents maîtrisent mal le français.

(Le vote sur l'amendement n° 5 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 2 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Cet amendement vise à insérer un titre III dans la proposition de loi. Il a été rejeté par la commission, de même que les dispositions que devait contenir ce nouveau titre portant sur l'articulation entre vie privée et vie professionnelle.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Le sujet est essentiel. Je rappelle qu'un amendement à la loi Aubry sur les trente-cinq heures demandait déjà aux partenaires sociaux de prendre en compte l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale dans les négociations. Cet aspect a souvent été oublié ; si cela n'avait pas été le cas, nous n'en serions pas là dix ans après.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Ce matin même, lors d'un débat avec le président de l'Assemblée nationale et les rapporteurs du comité d'évaluation des politiques publiques de l'Assemblée nationale, nous avons estimé que le Parlement passait beaucoup trop de temps à légiférer, tant pour adopter des projets que des propositions de loi. Si nous consacrions plus de temps à évaluer les politiques menées, nous ferions un meilleur travail législatif.

Monsieur Sirugue, la commission des affaires sociales prend garde de ne pas rejeter systématiquement les propositions de loi qui viennent des autres groupes : nous en avons accepté trois déposées par le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Si nous voulons travailler en commun, il serait bon de limiter le nombre de propositions de loi pour trouver des consensus en amont, ce qui ne me semble pas impossible.

Vous avez parlé du nombre de places en crèche. Je veux souligner que les places dans les lieux d'accueil collectifs, en crèches d'entreprise, en crèches collectives communales ou intercommunales, ou dans les maisons d'assistants maternels ont considérablement augmenté ces dernières années. Il ne faut pas toujours tout demander à l'État ; les communes ont aussi leur rôle à jouer.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Monsieur le président de la commission, pour que notre travail de parlementaires soit respecté, il faut aussi que les rapports sur lesquels nous travaillons soient suivis d'effets. Il s'agit souvent d'ailleurs de travaux menés de manière consensuelle entre les groupes politiques.

(Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Pourrait-on connaître la position du groupe UMP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis certain que vous pourrez la déduire de l'intervention du ministre, mon cher collègue. (Sourires.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je souhaite répondre aux différents intervenants, ainsi qu'aux orateurs qui se sont exprimés dans la partie de la discussion générale à laquelle je n'ai pu assister. Ce faisant, je soulignerai la différence essentielle qui existe entre la majorité et l'opposition sur la question du travail à temps partiel.

En effet, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, il me semble que la proposition de loi telle qu'elle est rédigée menace le travail à temps partiel en soi, dans la mesure où vous ne faites pas la distinction – qui n'est, certes, pas évidente, sur le terrain – entre le temps partiel choisi et le temps partiel subi. Or, selon les chiffres de la DARES – qui datent, c'est vrai, de 2009 –, environ un tiers seulement des salariés à temps partiel – 32,1 % pour être précis – souhaiteraient travailler plus. Ce chiffre résume-t-il tout ? Il est difficile de l'assurer. Toutefois, si l'on entre dans le détail de cette enquête, on s'aperçoit que 36,5 % des hommes et 31,2 % de femmes occuperaient un emploi à temps partiel subi. Je tenais à rappeler cette réalité, car il existe un certain nombre d'idées reçues sur le sujet – et je n'attaque personne en disant cela.

En la matière, il y a des initiatives qui fonctionnent. Je me souviens ainsi de m'être rendu, il y a quelques années, en tant que ministre du travail, dans un hypermarché appartenant à une entreprise de grande distribution, le groupe Auchan – je peux le dire : ce n'est pas de la publicité –, qui met en oeuvre une politique destinée à permettre aux salariés qui le souhaitent de passer à temps complet dans les meilleures conditions. J'avais d'ailleurs évoqué le sujet avec les partenaires sociaux. Certains salariés ne le souhaitent pas ; c'est leur choix.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il est vrai que le chiffre que j'ai cité n'est pas très récent. Mais je me suis rendu, samedi dernier, dans ma ville, pour visiter un hypermarché, et j'ai reparlé de ce sujet : on m'a indiqué un taux un peu plus élevé que celui que vous citez. Je cite le groupe Auchan, car c'est celui qui a fait le plus d'efforts en ce domaine.

Toute la difficulté, et c'est un point dont je m'entretenais tout à l'heure avec le rapporteur – ne vous inquiétez pas, monsieur Sirugue, je ne cherche pas à vous compromettre – toute la difficulté, disais-je, tient au fait que la bonne méthode ne consiste pas à imposer des contraintes et des taxes ou, au contraire, à laisser faire : la vérité est à mi-chemin. Cela fait un certain nombre d'années que je suis ministre du travail, et j'ai le sentiment que si, parfois, nous n'avons pas d'autre solution que d'imposer des contraintes, des taxes ou des pénalités, celles-ci ne sont plus efficaces. Encore une fois, je crois qu'il y a une voie de passage entre le laisser-faire, auquel je ne crois pas, et les contraintes.

Bien entendu, je partage votre objectif, mais je m'interroge sincèrement sur la meilleure façon de l'atteindre. Or, je crois que votre texte, s'il était adopté, produirait un effet pervers et, parce qu'il passe tout le monde sous la même toise, pourrait pénaliser certains des salariés concernés. Je ne m'adresse pas, ici, à l'opposition en tant que ministre soutenu par une majorité : j'essaie, en ancien professeur de droit du travail, de dépasser ce clivage et de trouver la meilleure méthode. Au demeurant, en matière de pénalités et d'amendes, je n'ai pas été en reste : j'en ai souvent créé. Mais, encore une fois, je ne suis pas certain que ce soit efficace à 100 %.

Madame Coutelle, en ce qui concerne l'égalité professionnelle, je vous rappelle que Xavier Darcos avait saisi les partenaires sociaux de cette question dès décembre 2009.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je vais y venir. Puisque les négociations n'ont rien produit, nous avons dû faire adopter deux mesures importantes dans le cadre de la réforme des retraites : la sanction financière et la transparence. Savez-vous pourquoi ? Parce qu'au-delà des principes, cette question n'est pas simple à régler. Faut-il bloquer le salaire des hommes en attendant que celui des femmes le rattrape ? Crée-t-on une enveloppe dédiée au rattrapage ? Si vous choisissez cette solution, les syndicats s'opposeront à ce que cette enveloppe soit prise sur l'augmentation générale des salaires. Dès lors, où prend-on cette enveloppe et peut-on toucher tout le monde : stock et flux ? Voilà le problème. Si la solution était simple, cela se saurait. Vous pensez bien que les partenaires sociaux auraient déjà mis fin à l'une des plus grandes inégalités qui soient dans le monde du travail.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ce matin, Mme Billard a indiqué que Nicolas Sarkozy avait pris des engagements ; il me semble que nous les avons respectés. Grâce au dispositif des retraites, la France est un pays en pointe en Europe. Vous me direz que nos voisins ne connaissent pas les mêmes disparités. Eh bien, si. Certes, nous devons parvenir à dépasser certains problèmes culturels. Combien de fois a-t-on entendu dire que les femmes ne faisaient pas le même type d'études ? C'est une idiotie sans pareille ! Mais les mentalités sont en train de changer. Quant à moi, je considère qu'il n'est pas normal que, lorsque deux personnes, dans le même bureau, ont la même ancienneté et font le même job, l'une soit moins payée que l'autre. On a souvent entendu parler d'une différence de 30 % ; la réalité est tout de même un peu différente.

Par ailleurs, Anne Grommerch a évoqué le problème de ces femmes qui travaillent à temps partiel et souhaitent un temps plein. Comme elle, je crois qu'une réelle incitation serait la clé du succès.

Je veux également dire un mot du partage entre vie professionnelle et vie familiale et de la question des congés parentaux. Vous avez appelé certaines personnalités à s'inscrire dans cette logique. (Sourires.) Quoi qu'il en soit, Roselyne Bachelot a rencontré, en octobre dernier, les partenaires sociaux. Nous leur avons rappelé notre volonté de progresser dans ce domaine. La balle est, là aussi, dans leur camp.

Enfin, Catherine Coutelle, je vous rappelle que les jours fériés, à l'exception du 1er mai, ne sont pas obligatoirement chômés.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

J'ai cru percevoir une confusion à ce sujet. La loi du 20 août 2008 n'a strictement rien changé à la situation. Elle offre simplement davantage d'espace à la négociation collective et à la démocratie sociale, c'est-à-dire à des accords qui reposent sur la signature de délégués syndicaux légitimés par des élections. Ça, c'est vrai, c'est nouveau. Je me souviens du reste de débats passionnés et passionnants que nous avons eus avec M. Vidalies sur ce point, au cours desquels je faisais très attention à ce que je disais, car je savais que l'opposition saisirait le Conseil constitutionnel. En tout état de cause, nous assumons pleinement ce choix.

Telles sont les réponses que je voulais apporter aux uns et aux autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous avons terminé l'examen des articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ce vote aura lieu ultérieurement. Je rappelle en effet que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition auraient lieu le mardi 22 novembre après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Alain Vidalies, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues relative à l'amélioration de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles (nos 3792, 3922).

La parole est à M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, depuis la loi fondatrice de 1898, l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles est organisée sur la base d'une responsabilité sans faute. Dès lors, la seule constatation du dommage et de son lien avec l'activité professionnelle suffit pour déclencher une réparation, à l'exclusion de toute recherche de la faute de l'employeur ou du salarié sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. La réparation est elle-même forfaitisée sous la forme d'une rente ou d'un capital pour les petites incapacités.

Entre cette responsabilité sans faute et la faute intentionnelle de l'employeur, qui obéit naturellement au droit commun, il existe un cadre juridique intermédiaire, celui de la faute inexcusable, qui s'inspire de la responsabilité civile pour faute, avec pour conséquence une majoration de la rente et l'indemnisation de certains préjudices personnels aujourd'hui limitativement énumérés par la loi. Mais, dans tous les cas, le contentieux demeure de la compétence des tribunaux du contentieux de la sécurité sociale.

Le groupe socialiste, radical et citoyen reste fermement attaché au maintien de l'autonomie et de la spécificité d'un système de réparation qui s'inscrit fortement dans notre histoire sociale. Mais, si ces principes doivent être rappelés, les modalités d'indemnisation doivent être améliorées. Tel est l'objectif de notre proposition de loi, qui porte principalement sur trois sujets : la faute inexcusable, l'indemnisation de droit commun des accidents du travail et des maladies professionnelles et, enfin, la prise en compte des maladies psychiques.

Le champ d'application de la faute inexcusable a été largement étendu à partir de l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 24 juin 2005, qui a précisé que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat et qu'ainsi la faute inexcusable est constituée lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. La sanction de la faute inexcusable permet à la victime de percevoir une majoration de la rente et la réparation de certains préjudices personnels aujourd'hui limitativement énumérés par la loi à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

Dans sa décision du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel, par une réserve d'interprétation, a remis en cause le caractère limitatif de cette liste. Certes, la décision du Conseil constitutionnel est d'application immédiate, mais l'intervention du législateur reste indispensable. En effet, aujourd'hui, c'est la sécurité sociale qui fait l'avance de l'indemnisation de la victime, à charge pour elle d'engager une action récursoire contre l'employeur. Mais la Cour de cassation a estimé, postérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, que cette avance des caisses de sécurité sociale ne concernait que les préjudices visés par la loi et que, pour le surplus, ouvert par la décision du Conseil constitutionnel, la victime devait s'adresser directement à l'employeur, avec le risque d'être confronté à l'insolvabilité de ce dernier.

L'intervention du législateur est donc nécessaire. L'article 2 de notre proposition tire ainsi les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et prévoit une indemnisation du préjudice conformément aux règles du droit commun pour la victime et pour ses ayants droit.

L'article 1er rend obligatoire l'assurance des employeurs contre les conséquences de la faute inexcusable. Cette assurance garantit, en fait, le remboursement à la sécurité sociale, qui fait l'avance.

L'article 3 ouvre la possibilité d'une action en faute inexcusable après une rechute, ce qui est actuellement parfois impossible en raison du délai de prescription de deux ans.

Les articles 4, 5 et 6 visent à améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles en l'absence de faute inexcusable.

L'article 4 propose, comme pour la responsabilité de droit commun, de fixer l'indemnisation exactement au montant du préjudice pendant la période d'incapacité, c'est-à-dire la perte de salaire. Je rappelle qu'aujourd'hui, cette indemnisation est fixée par la loi à 60 % du salaire brut pour les 28 premiers jours et à 80 % au delà. Faut-il également rappeler que ces indemnités journalières particulières ont été récemment fiscalisées par la majorité de droite ?

L'article 5 propose l'amélioration des rentes pour les taux d'incapacité inférieurs à 50 %. Actuellement, en effet, l'application de la règle dite du taux utile aboutit à diviser par deux le niveau d'indemnisation. Nous proposons qu'un salarié ayant 40 % d'incapacité permanente perçoive une rente égale à 40 % du salaire de référence et non seulement 20 %, comme dans le droit positif.

L'article 6 propose la prise en compte de l'incidence professionnelle pour la réparation des incapacités inférieures à 10 %, qui ne sont aujourd'hui indemnisées que par un capital forfaitaire.

Le troisième objectif de notre proposition de loi vise à favoriser la réparation des maladies psychiques d'origine professionnelle. Il existe aujourd'hui, à l'évidence, une contradiction majeure entre, d'une part, l'intensité des études, du travail parlementaire, du travail du Gouvernement, du débat de société sur les risques psycho-sociaux et la santé au travail et, d'autre part, la faiblesse des modalités de réparation pour les salariés.

Les tableaux des maladies psychiques d'origine professionnelle sont quasi inexistants et pour la voie complémentaire, je rappelle que la recevabilité de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle suppose que soit préalablement établie une incapacité psychique au moins égale à 25 %. Notre proposition est de permettre la saisine du comité régional en supprimant le filtre préalable de 25 % qui parait, en l'état, totalement inadapté pour les maladies psychiques d'origine professionnelle.

J'observe d'ailleurs que cette évaluation rejoint, pour partie, les conclusions du rapport triennal sur la sous-évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui appelle à une révision des tableaux pour éviter le pis-aller du constat institutionnalisé de ces sous-déclarations, justifiant, pour 2012, un versement de 790 millions d'euros de la branche accidents du travail à la branche maladie. Cette solution comptable ignore que des salariés pourtant victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas indemnisés dans les conditions prévues par la loi.

En rédigeant cette proposition de loi, votre rapporteur était plein d'espoir sur son adoption, puisqu'elle semblait faire consensus et qu'une proposition de loi, signée par de très nombreux députés de l'UMP, visait exactement les mêmes objectifs, mais aussi le même dispositif. Pourtant, aucun soutien n'est venu des rangs de l'UMP lors du débat en commission, et la majorité a même rejeté le texte dans son ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Aujourd'hui, après application de l'article 40 dans des conditions que je ne conteste pas, il ne reste en débat que les articles 1er et 8 de la proposition.

L'idée d'origine était que, face à l'unanimité exprimée par notre assemblée, le Gouvernement accepte d'entendre la demande de l'Assemblée nationale. Force est de constater que cette volonté commune n'était qu'une apparence trompeuse : alors qu'une occasion se présentait d'améliorer les conditions d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, la droite a manqué le rendez-vous qui lui aurait permis de prendre part à notre initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi présentée par Alain Vidalies répond à des objectifs que nous partageons.

La santé au travail est une priorité de l'action du Gouvernement, de même qu'une priorité personnelle. Peut-être est-ce parce que je suis investi à la fois des fonctions de ministre de la santé et de ministre du travail et de l'emploi… Toujours est-il que je me sens autant que vous concerné par les questions de prévention et de réparation. Par ailleurs, le fait que ces différentes fonctions soient réunies au sein d'un même ministère nous permet sans doute de mener une action à la fois plus cohérente et plus efficace.

Vous le savez, la branche AT-MP est issue du compromis historique de la loi de 1898 : c'est la première pierre de notre système de sécurité sociale, posée quasiment un demi-siècle avant l'édification de notre système de protection sociale – la « sécu », comme on a coutume de l'appeler. La loi de 1898, en prévoyant que l'indemnisation des victimes repose sur un principe forfaitaire, exclut la recherche de la responsabilité de l'employeur, sauf dans les cas de faute intentionnelle ou inexcusable. C'est un acquis social important qu'il faut faire vivre et, sur ce point, nous ne pouvons donc que vous rejoindre dans votre intention d'améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Reste que la teneur de votre proposition de loi ne peut nous conduire à soutenir ce texte, qui a d'ailleurs été rejeté en commission. Il ne faut pas y voir l'expression d'une opposition personnelle ou politique : c'est, tout simplement, que nous ne sommes pas d'accord sur les modalités que vous avez retenues.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

La première question posée par ce texte est celle du respect du dialogue social. En effet, le niveau de réparation des sinistres professionnels est un domaine qui me semble relever avant tout de la responsabilité des partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Comme vous le savez, la COGE, la convention d'objectifs et de gestion de la branche accidents du travail et maladies professionnelles 2009-2012 a été adoptée à l'unanimité.

Or, dans l'accord national interprofessionnel de mars 2007 qui a donné naissance à cette convention, les partenaires sociaux se sont prononcés pour le maintien d'une réparation forfaitaire.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je serai curieux de vous entendre sur ce point lors de la discussion, monsieur Vidalies.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je pense qu'il est essentiel de préserver la crédibilité de cette convention d'objectifs et de gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Et alors ? Où êtes-vous allé chercher que nous voulions supprimer la réparation forfaitaire ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il faut que les choses soient claires : il ne sert à rien de dire que vous êtes pour un principe si, par ailleurs, vous agissez en sens contraire !

Un groupe de travail animé par Mme Ruellan doit commencer prochainement à travailler sur la rénovation de la réparation, afin de faire des propositions dès 2012. Nous ne devons ni empiéter sur ses prérogatives, ni préjuger de ses conclusions.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le deuxième problème que pose ce texte est qu'il ne garantit pas de manière certaine une meilleure indemnisation, dans la mesure où il ouvre la porte à une judiciarisation du système. Ce qui constituerait un changement radical dans l'indemnisation des accidents du travail risquerait, en outre, de conduire dans certains cas à l'absence de réparation.

Le troisième problème est celui de celui de la frontière entre faute inexcusable et faute intentionnelle. Aujourd'hui, la réparation forfaitaire est faite par l'assurance maladie. Demain, on peut craindre que cette réparation ne soit transférée à un système assurantiel. Convenez, monsieur Vidalies, qu'il serait cocasse, ou à tout le moins surprenant, que l'évolution législative que vous proposez se traduise par cette conséquence : cela reviendrait à abandonner le tout premier pilier de notre système de sécurité sociale ! Jamais je n'aurais cru cela de vous !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il semble bien que vous ne soyez pas le même, monsieur Vidalies, selon que vous siégez à votre place habituelle, parmi vos collègues, ou que vous êtes rapporteur, sur le banc de la commission ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je m'étonne qu'un simple déplacement géographique puisse se traduire par de telles modifications sémantiques, si ce n'est par une véritable métamorphose idéologique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Peut-on redevenir sérieux, monsieur le ministre ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je sais que M. Vidalies a suffisamment d'humour pour ne pas m'en vouloir d'avoir plaisanté un court instant, fût-ce à ses dépens – à moins qu'il ne se sente piqué par un fond de vérité ?

Enfin, vos propositions ont un coût non négligeable, notamment celui de la réparation intégrale liée à la faute inexcusable de l'employeur, à la fois pour les employeurs, pour la branche AT-MP et pour les caisses primaires d'assurance maladie. Le coût des propositions sur le calcul des rentes – qui prêtera sans doute à discussion – est, à lui seul, estimé à 2,2 milliards d'euros sur le stock. La situation financière de notre pays, qu'il s'agisse du budget de l'État ou de celui de la sécurité sociale – et je ne parle même pas des collectivités locales –, nous autorise-t-elle un tel coût ? Chacun de nous sait bien que non : la crise que nous traversons nous impose de hiérarchiser les priorités.

J'en ai bien conscience, il y a beaucoup à faire pour les victimes d'accidents du travail. Conformément aux engagements que nous avons pris dans la COGE, qui, je le rappelle, a été adoptée à l'unanimité des partenaires sociaux, nous allons travailler à une rénovation du dispositif de réparation de l'incapacité permanente, dans le cadre de la mission confiée à Mme Ruellan. Toutes les parties prenantes seront associées à ces travaux, afin d'avancer dans l'intérêt des victimes d'accidents du travail. Je souhaite que ces travaux prennent leur place dans le prochain PLFSS.

Nous devons laisser le dialogue social prendre la place qui lui revient en nous appuyant sur ce groupe de travail. Je ne vous parle pas d'un processus censé durer trois ans, mais d'une mission dont nous attendons des conclusions dans les mois qui viennent, pour le prochain PLFSS.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Xavier Bertrand, le ministre qui met en place un groupe de travail pour chaque problème qui se pose ! Il est extraordinaire !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous devons en effet veiller, madame Lemorton, à étendre le périmètre de la réparation sans mettre en péril l'équilibre de notre système d'indemnisation des accidentés du travail – j'insiste sur notre égal attachement aux deux termes de la proposition.

Pour toutes ces raisons, de fond comme de forme, le Gouvernement, très attentif à l'amélioration du sort des victimes, ne peut accepter cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous n'avez guère été applaudi, monsieur le ministre. Il est vrai que les députés du groupe UMP sont aujourd'hui aux abonnés absents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la santé au travail est un sujet que nous abordons régulièrement au sein de notre assemblée, et je ne peux que m'en réjouir, même si l'issue de ces débats ne va pas souvent dans le sens que les députés du groupe socialiste souhaiteraient.

En juillet dernier, nous avons notamment débattu d'une loi visant à réorganiser la médecine du travail. À cette occasion, mes chers collègues de la majorité, vous avez souhaité réformer la structure des services de santé au travail, en maintenant une présidence patronale et un dialogue social déséquilibré. Vous êtes passés à côté du véritable problème de la médecine du travail, à savoir le dramatique manque de praticiens, qui va se faire sentir dans les années à venir. C'est l'objectif central de la médecine du travail qui est en danger, celui d'assurer une prévention effective et « d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».

Nous examinons aujourd'hui un texte qui concerne un autre versant de la question de la santé au travail : l'indemnisation des victimes d'accidents du travail. Puisque votre politique risque fort de les rendre plus nombreuses dans les années à venir,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…nous proposons aujourd'hui d'améliorer, au moins, leurs conditions d'indemnisation. Notre ambition n'est pas démesurée – M. le ministre l'a d'ailleurs reconnu –, et elle va dans le sens du progrès social.

Les objectifs du texte que nous examinons sont au nombre de quatre. Le premier consiste à rapprocher du droit commun le régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail en conséquence d'une faute inexcusable ; le deuxième consiste à améliorer les conditions d'indemnisation des victimes de manière générale ; le troisième s'intéresse aux victimes confrontées à un taux d'incapacité permanente afin de mieux les indemniser ; enfin, le quatrième vise à mieux prendre en compte les maladies psychiques d'origine professionnelle dans le régime des AT-MP.

Le système actuel d'indemnisation des victimes d'accidents du travail repose encore largement sur les trois piliers de la loi de 1898 : la présomption d'imputabilité pour l'employeur, l'indemnisation forfaitaire des salariés et l'immunité civile de l'employeur, sauf en cas de faute intentionnelle ou inexcusable. Ce système a connu des évolutions au fil du temps : étendu à de nouvelles maladies professionnelles en 1919, il a surtout fait l'objet d'une prise en charge collective de l'indemnisation forfaitaire des victimes par la sécurité sociale à partir de 1946.

Ce régime d'indemnisation spécifique et dérogatoire du doit commun pour les victimes d'accidents du travail est, bien sûr, un acquis social important, tout du moins en ce qui concerne son premier volet : il leur permet d'obtenir une réparation forfaitaire automatique en l'absence de toute faute de la part de l'employeur, en contrepartie de quoi cette indemnisation est partielle. La branche AT-MP a ainsi dépensé, en 2010, quelque 8 milliards d'euros au titre de la réparation des accidents professionnels.

En revanche, les dispositions législatives régissant l'autre volet du système, relatif à la faute inexcusable de l'employeur, sont désormais inadaptées ce qui justifie notre proposition de loi. Les récentes évolutions de la jurisprudence nous incitent du reste à les modifier. En 2005, la Cour de cassation a élargi la définition de la faute inexcusable : celle-ci est dorénavant caractérisée à partir du moment où l'employeur n'a pas respecté « l'obligation de sécurité de résultat », c'est-à-dire quand « il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ».

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 18 juin 2010, que l'énumération des préjudices susceptibles d'être réparés en cas de faute inexcusable, figurant à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, revêt un caractère limité qui n'est pas constitutionnel. Cette limitation pourrait en effet aboutir à une atteinte disproportionnée aux droits à indemnisation des victimes de la faute inexcusable, qui ne seraient alors pas indemnisés de la même manière que, par exemple, les victimes d'un accident de la route ou d'un accident médical.

Les victimes d'accidents du travail sont, en France, les seules victimes d'un dommage corporel à ne pas être intégralement indemnisées de leur préjudice : c'est ce qui ressort des conclusions du livre blanc de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH.

Par exemple, les indemnisations actuelles ne couvrent pas les frais éventuels dits de compensation du handicap : l'aménagement du logement et du véhicule, ou encore la toilette quotidienne. C'est pourquoi nous voulons, au travers de l'article 2 de cette proposition de loi, permettre à un salarié victime d'une faute inexcusable d'obtenir la réparation intégrale des préjudices qu'il a subis.

Notons bien qu'il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause le compromis de 1898, qui a abouti au régime d'indemnisation forfaitaire et automatique. La réparation intégrale du préjudice ne se justifie que dans le cas où la faute inexcusable est avérée, c'est-à-dire au-delà des procédures d'indemnisation automatique habituelles, qui ne nécessitent pas de prouver la faute de l'employeur. C'est justement pour la sauvegarde de ce compromis que le Parlement ne peut ignorer les évolutions de la jurisprudence.

En effet, en l'état actuel de la législation, la Cour de cassation a considéré, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, qu'il fallait, pour les nouveaux préjudices non visés par l'énumération, revenir à une démarche de droit civil, comme l'a rappelé Alain Vidalies. Cela signifie que la victime devrait s'adresser directement à l'employeur, ce qui serait une négation de la forme particulière de l'indemnisation des accidents du travail. Nous manquerions donc à notre devoir en ne modifiant pas la législation.

En conséquence des évolutions de jurisprudence qui élargissent le champ de la faute inexcusable, le principe de la réparation intégrale va immanquablement aboutir à une augmentation de la responsabilité financière des employeurs. Les conséquences financières dramatiques d'une telle situation pour une entreprise ont progressivement conduit le législateur à autoriser les employeurs à s'assurer dans ce domaine, notamment par la loi du 27 janvier 1987.

Aujourd'hui, l'élargissement de l'interprétation de la faute inexcusable, et le fait que nous arriverons inévitablement, dans un futur plus ou moins proche, à une réparation intégrale pour les victimes, nous conduisent à demander que cette assurance soit obligatoire. C'est l'objet du premier article de la proposition de loi.

Nous souhaitons enfin revenir sur le délai de prescription de deux ans qui s'applique pour engager une action en justice en vue de la reconnaissance d'une faute inexcusable. Nombreux sont les salariés victimes d'une rechute qui n'ont pu saisir la justice, ce délai étant forclos. Pourtant, les évolutions récentes de la jurisprudence ouvrant une interprétation élargie de la faute inexcusable devraient leur permettre d'obtenir cette reconnaissance. Il nous semble donc opportun de revenir sur ce délai.

Le deuxième objet de la proposition de loi consiste à améliorer de manière générale l'indemnisation forfaitaire des victimes d'accidents du travail. Mes chers collègues de la majorité – car j'en vois tout de même un ! –, vous avez fait diminuer le montant des indemnités versées aux victimes d'accidents du travail à partir de l'année 2010 en les fiscalisant au titre de l'impôt sur le revenu pour 50 % de leur montant. Nous considérons pour notre part qu'une victime d'un accident du travail ne devrait pas recevoir une indemnité journalière inférieure à son dernier salaire. Alors qu'elle subit déjà un préjudice en raison de son état de santé, elle ne devrait pas subir de surcroît un préjudice financier : c'est une sorte de double peine.

Il conviendrait aussi, dans le cadre d'une amélioration globale de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, d'améliorer l'indemnisation de celles qui sont atteintes d'une infirmité permanente après la consolidation de leur blessure ou de leur maladie. C'est le troisième objet de la proposition de loi.

Quant au quatrième objet de ce texte, il est d'une actualité prégnante, puisque c'est au cours de la décennie 2000 que cette thématique a été portée sur le devant de la scène : je veux parler du stress, du harcèlement et de l'épuisement professionnels. On a vu où avaient pu mener les nouvelles pratiques managériales dans des entreprises comme France Télécom. Les partenaires sociaux européens ont d'ailleurs signé dès 2004 un accord sur le stress au travail, transposé dans le droit français par la signature de l'accord national interprofessionnel sur le stress du 2 juillet 2008. Cet accord précise clairement que l'employeur est responsable de la santé mentale des salariés dans l'entreprise, au même titre que de leur santé physique, et que la médecine du travail a pour rôle d'identifier les situations de stress professionnel. La violence et le harcèlement au travail font par ailleurs l'objet d'autres accords interprofessionnels en cours de discussion.

Il est donc particulièrement pertinent de vouloir assurer dans le régime spécifique d'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles une meilleure prise en compte des risques psychosociaux. Aujourd'hui, il n'existe pas de tableau annexé au code de la sécurité sociale regroupant les maladies psychiques d'origine professionnelle. En attendant de disposer d'un tel tableau, nous souhaitons que les salariés qui en sont victimes puissent faire reconnaître que leur maladie est liée à leurs conditions de travail, sans qu'il en résulte nécessairement un taux d'incapacité permanente partielle au moins égal à 25 %. Le lien de causalité direct entre la maladie et le travail doit suffire pour leur ouvrir droit à indemnisation.

On ne peut évidemment laisser perdurer une situation où tout le monde convient de la réalité de ces maladies, mais où elles ne sont pas, ou si peu, prises en compte dans le cadre de l'indemnisation des victimes de maladies professionnelles.

Je veux enfin rappeler, me tournant vers les bancs vides – ou quasiment – de l'UMP,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ils le sont autant que les bancs socialistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Ah non ! Nous sommes deux fois plus nombreux ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je veux enfin rappeler, disais-je, que près d'une cinquantaine de parlementaires de la majorité ont déposé le 22 juin dernier une proposition de loi n° 3568 relative à l'amélioration de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Malheureusement, les députés de l'UMP signataires de cette proposition de loi, dite Cousin – il y a d'ailleurs deux Cousin signataires (Sourires) –, ont été bien silencieux lors de l'examen en commission des affaires sociales de l'excellente proposition de loi de notre collègue Alain Vidalies. Ils sont également absents aujourd'hui. Pourtant, les deux textes sont très comparables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je ne doute pas, chers collègues de la majorité – au pluriel, mais de peu –, que vous défendrez tout au long de nos débats, avec ardeur et détermination, ces propositions qui, apparemment, sont aussi les vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amélioration de l'indemnisation des victimes du travail est une question qui se pose légitimement, et depuis de très longues années.

Nul ne nie l'acquis social important qu'a constitué le compromis de 1898, sur lequel s'est construit notre régime d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. En échange de la reconnaissance d'une présomption d'imputabilité libérant le salarié d'avoir à faire la preuve de la responsabilité de l'employeur, fut retenu le principe d'une réparation forfaitaire différente du droit commun.

Pour autant, nombreux sont ceux qui se demandent si ce compromis n'est pas dépassé, si ces conditions singulières et spécifiques, lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, ne conduisent pas à traiter différemment – sous-entendu moins bien – les victimes du travail. En effet, ce régime reste à mi-chemin entre la réparation de droit commun et la réparation forfaitaire.

En 2001, le rapport du professeur Masse a conclu au « décalage complet » du « caractère forfaitaire de la réparation […] avec les évolutions sociales et juridiques à l'oeuvre depuis la loi de 1898, et qui se sont accélérées ces dernières années. »

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Très bien ! Je n'aurai même pas besoin de répondre à M. Mallot ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

En 2002, celui de M. Yahiel reconnaissait « l'obsolescence » de la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles et, dans ces conditions, considérait comme « inéluctable » le passage à la réparation intégrale « avec un périmètre large, au sens du droit commun ».

En 2004, le rapport Laroque, remis à François Fillon, alors ministre des affaires sociales, a proposé les éléments de méthode pour cette évolution et développé les trois scénarios de réforme que sont la modernisation du système actuel, sa mutation par la mise en oeuvre de la réparation de droit commun ou la réparation intégrale d'assurance sociale.

Plus récemment encore, le Médiateur de la République a demandé de reconsidérer le système de réparation forfaitaire des AT-MP afin de mettre un terme aux inégalités entre, d'une part, les différentes victimes du travail – celles de l'amiante, par exemple, vis-à-vis des autres - et, d'autre part, entre les victimes du travail et celles d'un dommage environnemental ou d'un accident de la circulation.

N'est-il pas injuste, en effet, qu'une victime soit indemnisée différemment pour des préjudices identiques selon qu'elle se trouve aux abords d'une usine ou à l'intérieur de celle-ci, sous la direction de son employeur ? N'est-ce pas choquant qu'une victime ne puisse demander à son employeur réparation de l'ensemble des préjudices subis, alors même qu'il a commis une faute inexcusable ? En dehors de toute faute inexcusable, ne doit-on pas parfaire l'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles afin d'arrêter de les pénaliser financièrement durant leur arrêt de travail ?

Ces exigences de débat et de progrès en matière d'indemnisation des victimes du travail ont pris un relief tout particulier quand, en 2009, vous avez accepté sans broncher du gouvernement Fillon la décision scandaleuse fiscalisant les indemnités journalières. À ce moment, d'ailleurs, l'engagement avait été pris d'améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Encore une promesse non tenue de ce quinquennat !

Difficile aussi d'ignorer la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 qui, certes, reconnaît conforme à la Constitution le régime de sécurité sociale existant en matière d'AT-MP, mais tranche en faveur de la réparation intégrale des préjudices subis par la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou ses ayants droit dès lors que la faute inexcusable de l'employeur est reconnue. Il est vrai que la réserve émise alors ne porte pas sur le caractère forfaitaire des indemnités. Toutefois, en privant de son caractère limitatif ou exclusif l'énumération de la liste des préjudices indemnisables dont la victime peut demander réparation à l'employeur devant les juridictions de la sécurité sociale, le Conseil nous invite à modifier la législation pour garantir l'indemnisation de l'ensemble des préjudices de droit commun en cas de faute inexcusable. Si volontaire quand il s'agit d'assurer la défense des droits des victimes, la majorité de droite semble ignorer le sort de celles du travail, en l'occurrence l'atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs actée par le Conseil constitutionnel.

L'amélioration de leur sort semblait faire consensus sur l'ensemble de nos bancs. Mais, comme dans bien d'autres domaines, la majorité peine à passer de la parole aux actes. Le sujet est intéressant, nous dit-on du bout des lèvres, mais le texte n'en poserait pas moins un certain nombre de problèmes, à commencer par celui du respect des partenaires sociaux.

Beau prétexte venant de ceux-là mêmes qui, chaque fois qu'ils souhaitent modifier le code du travail, utilisent justement les propositions de loi pour contourner les partenaires sociaux ! Ont-ils été consultés sur la dernière simplification du droit ? Bien sûr que non ! Les conseils des différentes branches de la sécurité sociale donneront-ils leur avis sur les amendements du Gouvernement introduits dans le PLFSS pour 2012 en nouvelle lecture, en lieu et place d'une loi de financement rectificative ? Non, une fois encore.

Il y aurait aussi, selon vous, un problème de coût. La situation financière de notre pays nous imposerait aujourd'hui de hiérarchiser les urgences, dites-vous.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Y avait-il donc urgence à alléger l'impôt sur la fortune de 1,8 milliard en juillet dernier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

La seule vraie inquiétude pourrait concerner le transfert à l'assurantiel de cette indemnisation relevant de la sécurité sociale. Or, sur ce point, le rapporteur du texte a levé les réticences que nous pouvions avoir à la lecture de l'article 1er rendant l'assurance obligatoire pour les employeurs afin de garantir la sécurité sociale contre les défaillances éventuelles des employeurs.

Disparue, la cinquantaine de députés de droite signataires d'une PPL quasi identique à celle que nous examinons aujourd'hui et qui revendiquaient haut et fort, il y a peu encore, leur souhait de voir dépasser cette législation ! La représentation nationale ne peut ignorer cette décision alors que, l'année dernière, elle avait adopté le principe d'une fiscalisation des indemnités journalières au motif d'une plus grande justice fiscale. « C'est bien une contrepartie morale à donner à “la France qui se lève tôt” ». « À défaut, le Parlement manquerait à ses devoirs », peut-on lire dans l'exposé des motifs de la proposition de nos collègues UMP.

Je regrette que chacun ne soit pas allé au bout de ses engagements et qu'aujourd'hui, faute d'un vote unanime en commission, le Gouvernement ne se sente pas davantage investi de l'obligation d'agir. Une pétition nationale lancée par la FNATH, forte déjà de 20 000 signataires, témoigne, si besoin en était encore, de l'espoir et de l'intérêt que suscitent nos initiatives pour des centaines de milliers de personnes – en 2010, 817 000 personnes souffrent des conséquences d'AT-MP, dont 75 256 avec une incapacité permanente.

Pour notre part, nous faisons preuve de constance. En début de législature, la PPL que j'ai déposée sous le numéro 342 afin d'améliorer la santé au travail des salariés et de prévenir les risques professionnels traite, dans son titre VIII, de l'indemnisation intégrale des victimes du travail.

Nous avons défendu en vain, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le principe de l'indemnisation intégrale en cas de faute inexcusable. Nous avons aussi préconisé un autre mode de calcul des indemnités journalières afin de garantir le maintien de la totalité du salaire pendant les arrêts de travail consécutifs à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. Nous avons également demandé la suppression du taux d'incapacité requis – 25 % – pour voir reconnaître une maladie professionnelle par la voie complémentaire, ce qui permettrait de se rapprocher de l'indemnisation des maladies psychiques d'origine professionnelle. Aujourd'hui, nous soutiendrons donc pleinement et sans ambiguïté la démarche positive de nos collègues du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(M. Jean Mallot remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi relative à l'amélioration de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, rapportée par notre collègue Alain Vidalies.

Ce texte propose d'ouvrir aux victimes d'accidents du travail la faculté de demander à l'employeur la réparation intégrale des préjudices subis en cas de faute inexcusable.

Ce faisant, le texte répond à la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 juin 2011, selon laquelle la liste des préjudices susceptibles d'ouvrir à la victime droit à réparation n'est pas limitative, ce qui laisse la possibilité aux victimes de fautes inexcusables de l'employeur de demander réparation pour l'ensemble des dommages non couverts par le régime accidents du travail – maladies professionnelles, autrement appelé AT-MP.

Ensuite, ce texte propose une amélioration générale des indemnisations des victimes.

Enfin, il vise à réunir les conditions nécessaires à une meilleure réparation des maladies psychiques d'origine professionnelle.

Présentés simplement, ces objectifs nous paraissent légitimes et nous partageons l'intention de ce texte en faveur d'une amélioration de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail.

Monsieur le président, permettez-moi de dire à M. Mallot (Sourires) qu'il est profondément injuste de soutenir que notre politique à venir va augmenter les accidents du travail car, si je l'ai bien écouté, c'est ce qu'il a dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Il faudra réfléchir au fait qu'un certain nombre de maladies professionnelles sont apparues depuis l'intensification des cadences survenue après l'arrivée des trente-cinq heures.

Au-delà des objectifs, une lecture plus approfondie du texte fait émerger un certain nombre de problèmes. Si l'intention est commune, nous ne pouvons pas nous retrouver sur les moyens.

Pour commencer, nous ne pouvons que regretter l'absence de concertation autour de l'élaboration de ce texte. Et ce n'est pas M. Muzeau qui m'en fera grief.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Vous disiez tout à l'heure qu'il n'y avait pas eu suffisamment de concertation.

La mise à l'écart des partenaires sociaux dans un domaine où leur intervention est entièrement légitime pose à la fois un problème de procédure et de déficit du dialogue social. Vous savez que notre assemblée est soucieuse de garantir l'effectivité du dialogue social et a donc mis en place, depuis le 16 février 2010, une procédure de concertation avec les partenaires sociaux avant l'inscription à son ordre du jour de toute proposition de loi entrant dans le champ social. Les rencontres informelles ne sont pas la garantie d'une véritable association des syndicats.

En fixant le niveau de réparation des sinistres professionnels, le Parlement interviendrait dans le dernier domaine de la sécurité sociale où les partenaires sociaux restent impliqués. Rappelons que la réforme de la tarification concernant la réparation, de même que le contenu de la convention d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP ont été définis dans l'accord interprofessionnel du 12 mars 2007, qui fut adopté à l'unanimité. Dans cet accord qu'il est important de ne pas remettre en cause arbitrairement, les partenaires sociaux se sont de surcroît prononcés pour le maintien d'une réparation forfaitaire.

Toujours dans un souci de concertation et de débat démocratique fondé sur une expertise fiable, nous estimons que ce texte pourrait court-circuiter la réflexion déjà en cours à ce sujet et dont M. le ministre a parlé. En effet, la convention d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP prévoit la mise en place d'un groupe de travail chargé de réfléchir à la rénovation de la réparation des sinistres professionnels sous la direction d'une personnalité qualifiée, Mme Ruellan. Sa mission consiste notamment à formuler des propositions pouvant faire l'objet d'une traduction législative. Restons un Parlement moderne qui respecte les étapes du dialogue public au lieu de légiférer dans l'urgence et sans visibilité. Ce groupe se réunit le 21 novembre 2011 pour la première fois. Il serait vraiment dommage, à quelques jours près, de préjuger de ses conclusions.

Malheureusement, il nous faut bien aussi parler des coûts, puisque l'article 40 s'applique à la quasi-totalité des articles de cette proposition de loi. Vous l'aurez certainement deviné, mes chers collègues, les coûts générés par ces mesures ne sont pas anodins, loin s'en faut. On ne peut encore une fois légiférer à la va-vite sur des sujets qui engagent des milliards d'euros. Il serait déraisonnable de voter ce texte sans avoir procédé à une évaluation des coûts qu'il génère, tant pour les entreprises que pour les caisses de l'État.

Je pense au coût de mise en oeuvre du principe de réparation intégrale en cas de faute inexcusable de l'employeur et au coût pour les employeurs de l'assurance obligatoire que propose le texte. Je pense aux coûts résultant pour la branche AT-MP de la suppression des délais de prescription et de l'absence de récupération de sommes dont les caisses d'assurance maladie auront fait l'avance. Je pense enfin au coût de la suppression de la règle du « taux utile » : la suppression de la méthode de calcul des rentes pour les incapacités inférieures à 50 % pourrait coûter, vous l'avez dit, monsieur le ministre, 2,2 milliards d'euros par an, selon une étude statistique de janvier 2010.

Ce texte pose enfin le problème de la conception qui est la nôtre, et que nous voulons préserver ou non, en matière d'indemnisation des victimes. Il remet en cause – au moins dans son exposé des motifs – la frontière entre faute inexcusable et faute intentionnelle. C'est là un changement radical dans l'indemnisation des accidentés du travail. Aujourd'hui, c'est la réparation forfaitaire par l'assurance maladie qui reste prépondérante. En empruntant le chemin proposé par cette proposition de loi, nous risquons d'assister à un transfert de cette réparation à l'assurantiel, et donc d'abandonner un pan de la sécurité sociale.

Plus inquiétant encore, ce changement de schéma pourrait être à double tranchant pour le salarié : il ouvrirait le droit à réparation intégrale en cas de faute inexcusable de l'employeur, mais quid en cas de faute du salarié ? L'absence de réparation est un risque que nous ne voulons pas prendre.

J'aurais souhaité, quant à moi, que nous nous mettions plutôt d'accord à l'avenir sur un texte coproduit pour sensibiliser encore davantage les entreprises à la prévention de l'accident du travail, à condition qu'il soit simple et facile à appliquer. Je ne citerai à ce propos qu'un exemple, à une époque où l'on parle beaucoup de simplification : le protocole de sécurité que doivent conclure toutes les entreprises qui travaillent entre elles est loin d'être facile à faire signer par le transporteur qui ne mettra qu'une fois dans sa vie son camion dans une entreprise. Il n'est donc pas toujours facile d'être en accord avec le code du travail en termes de sécurité.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.

(M. Jean-Christophe Lagarde succède à M. Jean Mallot au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le ministre, j'entends les leçons que vous nous donnez en termes de respect de la démocratie sociale. Je vous rappelle tout de même deux faits qui vous incombent depuis que vous êtes au Gouvernement, donc depuis 2007 : d'une part, le troc avec les infirmiers et infirmières – catégorie A contre retraite à soixante ans ou catégorie B contre retraite à cinquante-cinq ans –, conclu en écoutant moins de 1 % de la représentation de cette profession dans le milieu hospitalier ; d'autre part, en juillet 2008, la consécration des accords sur la représentativité syndicale dans une loi dont vous avez profité pour mettre fin aux trente-cinq heures – ce qui n'était pas attendu par les centrales syndicales, me semble-t-il !

Et nous voici devant une nouvelle démonstration de l'incurie de la majorité en matière de protection de la population. Alors que vous passez votre temps, mes chers collègues, à railler l'opposition – qui n'est plus aux affaires depuis près de dix ans – pour son absence de propositions, vous prenez un malin plaisir à rejeter les unes après les autres toutes celles qu'elle présente, actant ainsi la complète contradiction dans laquelle vous vous trouvez. Le refus de cette proposition de loi nous le prouve une nouvelle fois.

En s'attaquant à l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, nous ne faisons que répondre à une situation inacceptable et dramatique pour nombre de nos concitoyens, et si vous retrouvez dans mon intervention des propos déjà tenus par mes collègues, j'espère que la répétition vous fera prendre conscience du problème.

Le système de réparation actuel, basé sur la loi de 1898, repose sur un postulat de départ : le fameux « compromis », totalement en décalage avec ce que devraient être les droits des salariés en 2011, en ce XXIe siècle. Car si offrir une réparation forfaitaire – limitée – à une victime contre le renoncement à toute recherche de responsabilité de l'employeur était une formidable avancée à la fin du XIXe siècle, cela ne peut, en aucun cas, être un motif de satisfaction au XXIe.

Sur le principe, mes chers collègues de la majorité qui vous qualifiez de « réformateurs », rien n'a changé. Rien n'a changé pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, alors que tout le reste du corpus juridique, lui, a avancé. Accidents de la circulation, indemnisation des infections nosocomiales, indemnisation des victimes d'une exposition à des radiations lors des essais nucléaires : le dommage corporel dans sa globalité est aujourd'hui intégralement réparé, avec des préjudices qui sont référencés et indemnisés au plus juste de ce qui est subi.

Il vous reste encore, monsieur le ministre, beaucoup à faire pour les victimes des médicaments. Nous l'avons encore vu en commission en ce qui concerne le projet de loi sur la sécurité sanitaire des médicaments !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est au Sénat que revient le retrait de ce rapport !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Non, monsieur le ministre, les actions de groupe, c'est votre majorité qui les a rejetées hier en commission des affaires sociales. J'y étais, vous n'y étiez pas !

Bien sûr, des avancées ont été réalisées, avancées qui, pour la plupart, sont l'oeuvre de la gauche au pouvoir, celle-là même que l'actuelle majorité tente en permanence de discréditer. Retenons, par exemple, la loi de financement de la sécurité sociale de 2000 qui instaura l'indemnisation complète de tous les préjudices subis par les victimes d'une exposition aux poussières d'amiante. Mais même au regard de ces avancées, l'inégalité criante qui existe entre l'indemnisation des victimes d'AT-MP et celle des victimes d'autres préjudices est inacceptable dans un pays qui, comme le nôtre, revendique un contrat social de haut niveau – c'est du moins ce que dit M. Méhaignerie alors que nous sommes juste dans la moyenne européenne –, même si, il faut l'avouer, ce contrat revêt un caractère particulièrement théorique tant l'action de l'actuelle majorité a pour conséquence de l'affaiblir.

Pour en revenir aux indemnisations des victimes du travail, force est de constater qu'elles sont actuellement toutes incomplètes, qu'il s'agisse de l'incapacité temporaire, de l'incapacité permanente ou des maladies professionnelles : l'indemnisation de l'incapacité temporaire met de côté les préjudices personnels endurés par la victime durant sa période d'incapacité ; l'indemnisation de l'incapacité permanente fait de même, à l'exception de la faute inexcusable de l'employeur, mais au terme d'une procédure longue et coûteuse, dont la victime devra de plus avancer les frais ; enfin, l'indemnisation des maladies professionnelles doit répondre à la grille des maladies professionnelles, ce qui exclut donc les victimes dont la maladie n'est pas encore inscrite ou dont toutes les conditions de reconnaissance ne sont pas réunies. Cela exige là encore beaucoup d'énergie et d'argent pour faire valoir un droit à indemnisation.

Mes chers collègues, je vous le répète : une telle souffrance ne peut perdurer ! De nombreux rapports ont d'ailleurs mis en évidence cette situation indigne.

Le rapport Masse de 2001, pour l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, indique que « le caractère forfaitaire de la réparation semble en décalage complet avec les évolutions sociales et juridiques à l'oeuvre depuis la loi de 1898 ». Ce que confirme le rapport Yahiel de 2002, commandé par Mme Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, qui constate que « la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles souffre d'obsolescence », concluant que « le passage à la réparation intégrale est probablement inéluctable, avec un périmètre large, au sens du droit commun ». Enfin, la Cour des comptes, qui n'est pas réputée pour sa partialité, qualifiait dans son rapport de septembre 2001 « le dispositif juridique actuel de couverture des victimes d'obsolète, discriminatoire, inéquitable et juridiquement fragile ».

Mes chers collègues, depuis dix ans maintenant, nombreuses ont été les initiatives indépendantes pour que cesse cette aberration. Des propositions de loi ont même été rédigées à ce sujet. Notons celle de notre collègue Roland Muzeau, qui n'a malheureusement jamais été inscrite à l'ordre du jour. Nous pourrions faire du mauvais esprit et soutenir que c'est l'appartenance de M. Muzeau à un groupe minoritaire qui a motivé ce refus. Eh bien non, puisqu'une proposition de loi de notre collègue Cousin allant dans le même sens a été déposée en juin 2011, et qu'elle a connu le même sort bien qu'elle émane de l'UMP. Est-ce une situation satisfaisante pour un parlementaire soucieux de défendre les citoyens dont il est le représentant ?

La proposition que nous examinons aujourd'hui répond aux besoins, elle répare ces injustices, elle met en cohérence la réalité juridique avec les attentes morales, et même un peu plus puisqu'elle répond ainsi aux injonctions de l'Europe qui, dès 1975, consacrait le principe de la réparation intégrale, sans parler des décisions du Conseil Constitutionnel.

Cette proposition est complète. Elle pose le principe d'une assurance obligatoire pour les employeurs, qui se doivent d'assumer la responsabilité des AT-MP dont ils sont la cause, et assure ainsi l'évolution du fameux compromis de 1898. Elle instaure également un système de prise en compte des risques psychosociaux, ce qui est une grande avancée. Tout en vous renvoyant au rapport de notre collègue Alain Vidalies, je tiens à m'arrêter quelques instants sur la réalité de la situation en ce domaine.

L'absence d'un tableau de maladies professionnelles pour les maladies psychiques pose un véritable problème de reconnaissance et de suivi. Ainsi, la différence entre les statistiques publiées en 2012 par la branche AT-MP – 136 demandes d'indemnisation en 2010, stables par rapport à 2009 – et les données du Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles – 14 733 cas de troubles mentaux et du comportement identifiés entre 2001 et 2009 – est d'autant plus éclairante que cette dernière statistique comprend un nombre important de dépressions dues au vécu au travail. En prévoyant une réelle prise en compte des maladies psychiques et leur réparation, notre proposition de loi réalise une avancée majeure et nécessaire.

Mes chers collègues, à l'heure où la pression sur les salariés ne cesse de s'accroître, où de nouvelles menaces – troubles musculo-squelettiques, affections articulaires, maladies psychiques de tous ordres –…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…les insécurisent, la persistance d'un système d'indemnisation partiel est indéfendable. Comment les Français, auxquels la majorité à laquelle vous appartenez impose tant de sacrifices pour sauver un système financier sans morale, pourraient-ils accepter de se laisser aussi mal représenter pour le règlement d'une question aussi grave ?

Comment les quarante-huit députés de la majorité qui ont, avec M. Cousin, signé la proposition de loi de juin dernier, pourraient-ils justifier leur refus de voter la nôtre au seul motif qu'elle n'émanerait pas de leurs rangs ? Quels arguments pourront-ils faire valoir quand ils se rendront dans les assemblées générales des associations des accidentés de la vie ? Toute autre position que le soutien à cette proposition de loi est indéfendable, c'est pourquoi nous nous attendons à un vote en faveur de ce texte, mais cela semble, hélas, mal parti…

En conclusion, j'aborderai la question des franchises médicales, qui illustre le caractère discriminatoire et injuste des mesures que vous prenez depuis 2007.

Mes chers collègues, de grâce, épargnez-nous votre sempiternelle rengaine sur le caractère irréaliste de nos propositions, qui ne sont que des mesures de justice sociale et de salut public, car les franchises médicales que vous avez instaurées portent atteinte aux droits des accidentés du travail et à l'accès aux soins, notamment pour les victimes de l'amiante.

Ce constat n'est pas celui du groupe socialiste, radical et citoyen, mais celui du Conseil d'État. Je vous rappelle que, dès le mois de janvier 2009, la FNATH, association des accidentés de la vie, ainsi que l'ANDEVA, association nationale des victimes de l'amiante, avaient saisi le Conseil d'État du caractère injuste de ces franchises, supposées responsabiliser les accidentés du travail ou les victimes de l'amiante – comme si l'on choisissait de tomber d'un échafaudage ou d'être victime de l'amiante ! La position du Conseil d'État sur la restriction des marges de manoeuvre du Gouvernement dans sa capacité à augmenter les franchises est sans équivoque. Il considère en effet que cette mesure est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Oui, mes chers collègues, il faut voter cette proposition pour moderniser un point de droit qui date du XIXe siècle et limiter, autant que faire se peut, l'impact de vos décisions désastreuses. Y êtes-vous prêts, si d'aventure, vous en aviez le courage ? D'avance, je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je demande la parole.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je souhaite dire à Mme Lemorton que la position du Gouvernement sur les class actions est constante. Je sais aussi parfaitement, même si vous avez cru bon de me le rappeler, madame la députée, que le ministre ne participe pas à la réunion de la commission mixte paritaire. Quant au délai qui empêche les associations de siéger au conseil de l'Agence de sécurité du médicament,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…il émane d'un amendement sénatorial.

Le problème des class actions n'a rien à voir avec le débat de ce soir, ni avec le débat sur le médicament. Je tiens à vous faire remarquer que le fonds d'indemnisation des victimes du Mediator, dont la création a été votée à l'unanimité, a permis d'intervenir beaucoup plus rapidement que si l'on était passé par des class actions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

N'est-il pas possible de répondre au Gouvernement ? Cela n'est pas très démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ma chère collègue, aux termes de notre Règlement, le Gouvernement a le droit d'intervenir à tout moment. Il est d'usage qu'il réponde aux orateurs à la fin de la discussion générale, mais, dès lors qu'il demande la parole, je ne peux que la lui donner. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'interrompre la discussion générale pour permettre un échange entre le ministre et vous. Si vous jugez que le Règlement n'est pas démocratique, vous pouvez vous en plaindre et demander qu'on le change, mais, jusqu'à présent, tous les députés ont accepté ces règles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la santé au travail n'a cessé de se dégrader ces dernières années. Permettez-moi de dresser un tableau des principaux maux liés au travail, symptômes de la crise sanitaire de notre société.

Ces vingt dernières années, le travail s'est intensifié, sous l'effet d'une économie de plus en plus financiarisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Cela a deux conséquences : l'épidémie de troubles musculo-squelettiques et l'explosion de la souffrance psychique au travail.

Autre constat : la persistance d'un travail pénible physiquement pour un nombre stable de salariés. Port de charges lourdes, postures pénibles, gestes répétitifs, travail de nuit, nuisances sonores : ces conditions de travail n'ont pas disparu, au contraire.

Je rappellerai les effets de la réforme injuste du recul de l'âge de la retraite, notamment pour les travailleurs cumulant ces pénibilités qui réduisent leur espérance de vie et, surtout, leur espérance de vie en bonne santé.

Pour compléter ce tableau, je rappellerai que plus de 2,5 millions de salariés sont exposés à des produits toxiques.

Certes, la réglementation a évolué, mais elle demeure insuffisante alors qu'elle n'est pas ou mal appliquée, comme l'ont révélé plusieurs enquêtes du ministère du travail.

Que fait le Gouvernement face à ces mauvaises pratiques ? Il s'attaque à la « fraude sociale », dénoncée par M. Sarkozy cette semaine. Oui, il y a peut-être quelques centaines de millions d'euros de fraudes aux prestations sociales, mais c'est la fraude aux cotisations – essentiellement liée au travail dissimulé – qu'il faut combattre avant tout, car elle représente un manque à gagner de 15 à 19 milliards d'euros par an pour la sécurité sociale. C'est là que le Gouvernement devrait porter le fer, mais il ne le fait pas.

Une fois encore, le Gouvernement brille cette semaine par des annonces renforçant la précarité des plus fragiles. Augmenter les délais de carence, c'est-à-dire les journées sans salaire lorsque l'on tombe malade, voilà la réponse du Gouvernement. C'est une double peine : être malade ne suffit pas, il faut que cela s'accompagne d'une perte de salaire plus grande !

En cette période de crise, il convient de protéger les plus précaires et non de les fragiliser. Les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle sont directement concernées.

Contrairement au Gouvernement qui cherche à faire des économies en piochant dans le porte-monnaie des malades, nos collègues socialistes proposent d'augmenter le montant des indemnités journalières. Cette proposition de loi va dans le bon sens, vers plus de justice sociale.

La meilleure prise en compte des risques psychosociaux est aussi un point essentiel de ce texte. Elle devrait s'intégrer dans une meilleure politique de prévention des risques professionnels, qu'ils soient environnementaux, liés à la pénibilité physique ou psychique.

Pour ce faire, il est indispensable de réformer la médecine du travail, non pas, comme vient de le faire le Gouvernement, en réduisant l'indépendance des médecins, mais en menant une politique de prévention à long terme et en évitant tout conflit d'intérêt.

Un service public de la santé au travail devrait être créé pour ancrer résolument l'adaptation du travail à l'être humain et non l'inverse.

Au-delà de la médecine du travail, la dégradation des conditions de travail observée ces vingt dernières années appelle des politiques publiques ambitieuses. Les maladies professionnelles nous rappellent ainsi l'importance d'agir sur les causes environnementales. En témoignent le scandale de l'amiante et le développement des cancers et des maladies chroniques, dus à un environnement malsain.

J'aimerais revenir sur la nécessité d'un véritable plan d'ergonomie participative, qui permette aux salariés de devenir acteurs et actrices de leur bien-être au travail, tout en prenant en compte les contraintes qui pèsent sur leurs collègues.

La démocratie doit s'exercer plus vivement au sein de l'entreprise, y compris en matière de santé au travail, qu'elle soit individuelle ou collective. Bref, nous avons besoin de repenser notre rapport au travail.

Cela participe directement à la réduction de la souffrance professionnelle dont témoignent tant de salariés, dans tous les secteurs d'activité, au premier rang desquels les personnels soignants qui doivent fournir toujours plus d'efforts, avec de moins en moins de moyens.

Nous avons également besoin de repenser notre rapport à la productivité et aux profits. Je n'en dirai pas plus, tant le sujet est vaste.

Oui, tout cela participe de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, de même qu'il est essentiel de faire respecter des normes environnementales strictes pour que les industries polluantes, notamment les pesticides, soient enfin interdits.

Faut-il vraiment attendre que les cancers professionnels se multiplient pour que de réelles mesures de prévention soient prises ? Il faut agir maintenant dans le sens proposé par nos amis socialistes.

Vous l'aurez compris, chers collègues, nous approuvons les propositions de nos collègues tout en souhaitant qu'elles s'inscrivent dans une réforme plus globale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui aurait dû, en toute logique, nous rassembler.

En effet, en proposant à notre Assemblée de légiférer pour améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, notre collègue Alain Vidalies entend répondre aux carences du régime actuel, largement reconnues, proposer des éléments de réforme attendus et accompagner les dernières évolutions jurisprudentielles.

Notre régime de réparation des AT-MP repose sur des principes édictés en 1898 sur « les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes » : la présomption d'imputabilité pour l'employeur, une réparation forfaitaire, ainsi que l'immunité civile de l'employeur, sauf en cas de faute intentionnelle ou inexcusable, ont créé un régime juridique à part, se substituant à la responsabilité civile. L'intégration de la réparation des AT-MP dans le champ de la sécurité sociale dès 1946 entérine l'approche collective de ce régime.

En considérant que tout accident ou maladie survenant par le fait ou à l'occasion du travail est d'origine professionnelle, notre système permet au salarié d'obtenir une réparation forfaitaire automatique, sans avoir à prouver la faute de l'employeur évitant ainsi une procédure longue, incertaine et coûteuse.

Une exception a été aménagée dans le cas d'une faute inexcusable de l'employeur. Lorsque celle-ci est reconnue par le juge, elle donne droit à une majoration de la réparation forfaitaire, ainsi qu'à la réparation de certains préjudices extrapatrimoniaux, tels que les souffrances physiques, morales ou les préjudices esthétiques.

Cependant la loi ne prévoit pas d'indemnisation intégrale comme c'est le cas lorsque la responsabilité civile est en jeu, et comme le préconise le Conseil de l'Europe. Ne sont notamment pas pris en charge les frais dits de compensation du handicap, tel l'aménagement du domicile ou du véhicule.

Nous sommes donc en présence d'une authentique inégalité : une personne frappée d'invalidité en raison d'un accident de la circulation verra son préjudice entièrement réparé, au contraire d'une personne subissant la même invalidité, dans le cadre d'un accident du travail.

Cette injustice a été soulevée par de nombreux travaux au cours de la dernière décennie : rapports de Roland Masse, de Michel Yahiel, de Michel Laroque, rapport public de 2002 de la Cour des comptes, recommandations du Médiateur de la République. Tous pointent la nécessité de réformer un système devenu obsolète au regard des évolutions de la réparation de droit commun. De la même façon, les partenaires sociaux signataires de l'accord interprofessionnel de mars 2007 affirment la nécessité d'assurer une réparation mieux individualisée, notamment en cas d'incapacité permanente

Les décisions récentes de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel vont dans le même sens. Nous devons donc nous attendre à une augmentation du contentieux de la faute inexcusable et donc de la responsabilité financière des employeurs.

Il devrait être à présent du devoir du législateur d'accompagner les juges dans la correction de cette injustice. C'est pourquoi notre proposition de loi tend à instaurer le principe de la réparation intégrale des préjudices causés par faute inexcusable, sur la ligne de la réparation de droit commun.

Parallèlement, ce texte propose d'aligner le montant des indemnités journalières sur le salaire, de réformer en faveur des victimes le mode de calcul de la rente en cas d'incapacité permanente de plus de 10 % et d'intégrer l'incidence professionnelle dans le calcul du capital versé en cas d'incapacité de moins de 10 %.

Nous nous félicitons que le Gouvernement ait renoncé, il y a quelques jours, à un mode de calcul des indemnités journalières particulièrement défavorable aux assurés. Nous espérions donc qu'il appuierait aujourd'hui ces dispositions, qui s'accordent avec l'engagement qu'il avait pris en 2009 d'améliorer la réparation des victimes d'AT-MP en contrepartie de la fiscalisation des indemnités journalières.

La dénonciation avant-hier, par le Président de la République, de la seule fraude sociale aux prestations, et les récentes mesures prises à l'encontre des assurés sociaux, ne sont pas d'un augure très favorable.

Enfin, cette proposition de loi ouvre le régime des AT-MP à une véritable reconnaissance des risques psychosociaux, en supprimant l'obligation d'atteindre un taux d'incapacité de 25 % pour pouvoir prétendre à une réparation.

Ce texte répond à un souci d'équité. Il prend également en compte les évolutions du monde du travail : l'émergence des risques sociaux, mais surtout l'allongement du temps de travail dû à la réforme des retraites, ce qui provoquera inévitablement une augmentation du nombre des AT-MP.

À cet égard, une véritable prévention de la pénibilité dans le cadre d'une politique de santé publique aboutie est indispensable. Le Gouvernement a manqué ce grand rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cette proposition de loi est de nature à inciter les employeurs à redoubler d'efforts pour remplir leurs obligations de sécurité.

L'article 40 de la Constitution a malheureusement condamné les articles 2 à 7. Un vote à l'unanimité du texte en commission aurait pourtant constitué un signal fort pour le Gouvernement, qui aurait alors pu de se saisir de sa teneur.

En toute logique, nous aurions dû parvenir à cette unanimité puisque cette proposition de loi reprend en tous points les éléments de réforme déjà avancés par deux propositions de loi précédentes : l'une défendue par Roland Muzeau au nom du groupe GDR, l'autre par Alain Cousin au nom du groupe UMP, toutes deux largement cosignés par les députés de leurs groupes respectifs.

Après son dépôt en juin dernier, la proposition UMP a été largement relayée par la FNATH et a fait l'objet d'une communication intense auprès des victimes d'AT-MP, suscitant un grand espoir parmi elles. Malheureusement, les signataires de ce texte présents en commission la semaine dernière ont quitté la réunion pendant l'examen de la proposition de loi. La majorité a rejeté chacun de ses articles et c'est d'un texte exsangue que nous discutons aujourd'hui.

Pour une députée qui en est, comme moi, à son premier mandat, je dois dire que c'est une expérience désagréable que de constater un tel reniement, d'autant que la majorité a largement communiqué autour du texte voté quelques mois plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Comment expliquer une telle attitude ? Est-ce parce ce texte porte la signature de l'opposition, ou parce que la majorité n'a jamais eu l'intention de concrétiser ses engagements, que la proposition de loi de M. Cousin n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Il est possible que la majorité se retranche une fois de plus derrière la crise pour justifier sa reculade.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Ce serait oublier que la proposition de loi de l'UMP a été déposée en juin dernier, date à laquelle la crise de la dette battait déjà son plein – ou plutôt son vide, si j'ose dire.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, je vous invite aujourd'hui à voter ce texte, en cohérence avec les engagements que vous avez pris, comme j'invite le Gouvernement à prendre en compte le principe que tous affirment et revendiquent : l'égalité d'indemnisation pour les salariés victimes d'AT-MP. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, vous me permettrez de répondre à M. le ministre en me faisant l'écho de Mme Lemorton. Dans son intervention, notre collègue a fort opportunément rappelé la décision prise en commission à propos des accidents médicaux, qui constitue un véritable recul, à tout le moins un nouveau renoncement de la part du Gouvernement. La possibilité d'ouvrir des actions collectives suscitait un véritable espoir pour les victimes d'accidents médicaux. Cet espoir concrétisé au Sénat a été anéanti hier soir par un amendement du rapporteur UMP, soutenu par sa majorité.

Je dois dire que la discussion générale m'a tout de même un peu étonné. Monsieur Taugourdeau, vous avez appelé de vos voeux un texte coproduit. Vous avez d'ores et déjà de quoi être comblé : le texte que j'ai déposé est le même que celui de la proposition de loi UMP, signée par cent députés de votre majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

…et relayée par une campagne nationale au cours de laquelle 20 000 cartes ont été envoyées par diverses associations.

Nous avons vu comment des députés de terrain, de droite comme de gauche, animés par une même volonté, ont pu se rejoindre. Aujourd'hui, personne n'est au rendez-vous : les députés UMP qui ont dit leur accord avec notre texte ne sont pas là, et vous semblez nous dire : « Circulez, il n'y a rien à voir. »

Vous avez employé des arguments qui n'ont rien de neuf, attribuant les problèmes actuels aux 35 heures,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

… ce qui a suscité un réflexe quasi-pavlovien chez le président de la commission. (Sourires.)

Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Vous nous rappelez tous les jours que les 35 heures posent des problèmes de compétitivité, en nous en faisant porter le poids. Elles poseraient même, à vous en croire, des problèmes de sécurité. Mais revenons quelques années en arrière, en 2007 : lorsque votre majorité est arrivée au pouvoir, il y avait plusieurs millions de salariés, ceux des entreprises de moins de vingt salariés, auxquels les 35 heures n'étaient pas appliquées. Qui donc les a généralisées en les appliquant à tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise ? C'est une question intéressante, n'est-ce pas, en cette période de grands débats démocratiques.

Je vous laisse chercher la réponse, monsieur Taugourdeau, mais je vous donne un indice en rappelant que les 35 heures constituent la limite au-delà de laquelle sont calculées les heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

La réponse, vous l'avez déjà donnée en commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

En effet. Comment votre majorité peut-elle, dans ces conditions, émission de télévision après émission de télévision, débat après débat, tenir un tel discours alors que c'est elle qui a généralisé les 35 heures pour pouvoir appliquer le dispositif de détaxation des heures supplémentaires ? On comprend la gêne du ministre lorsqu'il vous entend dire qu'il faut absolument supprimer les trente-cinq heures. Que resterait-il du bilan de M. Sarkozy, alors que vous avez déjà été obligés de démonter des pans entiers de son oeuvre ? Si vous supprimez le dispositif des heures supplémentaires, autant aller directement au dépôt de bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je le répète, vos arguments m'étonnent beaucoup. Cette proposition de loi a pour objet une préoccupation partagée, elle n'a pas un fort contenu idéologique, et la seule objection que vous trouvez à nous faire est que nous prenons le risque de judiciariser et de renvoyer à l'assurance. Vous ne pouvez pas caricaturer nos propos de la sorte. Dans la première phrase de mon rapport, j'ai pris soin d'indiquer que nous sommes attachés à la loi de 1898 et à ses principes, qui appartiennent à notre contrat social.

On nous oppose encore que toutes ces mesures auront un coût. Je n'en disconviens pas. Mais n'oubliez pas que la branche AT-MP a une spécificité : financée par les cotisations des employeurs, elle est équilibrée. En outre, les cotisations destinées à la réparation sont modulées en fonction de l'accidentologie par branche et par entreprise. L'augmentation des cotisations a donc un effet dissuasif. C'est en faisant jouer ces mécanismes que l'on pourra obtenir une amélioration de la santé au travail, car la dynamique rendra pertinent d'engager des dépenses aujourd'hui pour avoir moins de victimes à indemniser demain.

Il y a une chose que vous ne pouvez pas nier, c'est l'existence des victimes. Aujourd'hui, des centaines de milliers de salariés ne sont pas indemnisés comme le droit commun le prévoit, parce que vous refusez des avancées en matière de réparation des maladies psychiques. Les indemnités de certains salariés victimes d'accidents du travail sont si faibles qu'elles ne peuvent jouer le rôle essentiel qui devrait être le leur lorsque ceux-ci sont écartés de l'emploi.

Vous nous dites que c'est la crise et que ce n'est pas le bon moment pour prendre de telles décisions. Mais vous, le seul moment, je dis bien le seul, où, ces derniers mois, vous vous êtes intéressés aux accidentés du travail, c'est pour taxer les indemnités journalières qu'ils reçoivent. Je crois que cela signe une politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je voudrais revenir sur certains points soulevés par les orateurs.

Monsieur Mallot, vous avez évoqué la médecine du travail et, plus particulièrement, la pénurie de médecins du travail. Je n'ai pas entendu vos propositions en la matière, mais sans doute est-ce parce que le temps vous était mesuré… Je tiens tout de même à vous indiquer que nous sommes en pleine préparation des décrets d'application. Nous avons rencontré les partenaires sociaux, qui semblent manifester une assez forte adhésion au projet du Gouvernement car ils ont bien compris que c'était la dernière possibilité...

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Non, ce n'est pas seulement qu'ils respectent la loi, c'est qu'ils estiment que l'application que nous prévoyons est pragmatique.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne me fais pas leur porte-parole, faites-le si vous le voulez. Demandez leur plutôt leur avis, vous pourrez constater par vous-même.

Nous sommes en train de mettre au point une passerelle pour valoriser les acquis de l'expérience, qui prend place parmi les actions engagées à la suite du rapport Frimat de 2010.

Jean-Charles Taugourdeau a raison de souligner la lacune de ce texte en matière de concertation avec les partenaires sociaux. Je l'ai dit tout à l'heure, je n'y reviens pas davantage, mais c'est tout de même un défaut majeur dans un domaine où le paritarisme occupe une place centrale.

À Michèle Delaunay et à Roland Muzeau, je souhaite rappeler le caractère très dynamique de la branche AT-MP ainsi que la qualité et l'intensité du dialogue social.

La réforme de la tarification, adoptée à l'unanimité, est un bel exemple de concertation sur un sujet qui, convenons-en, n'a rien de simple. Je crois vraiment que celle-ci a renforcé l'incitation à la prévention : elle a permis de sensibiliser efficacement les managers aux coûts liés aux accidents du travail en rendant leur imputation plus rapide et plus lisible.

À Catherine Lemorton, qui a évoqué les insuffisances du système de reconnaissance des maladies professionnelles, je rappelle que la révision des tableaux suppose un travail permanent. La révision d'une partie du tableau 57 relatif aux troubles musculo-squelettiques vient ainsi d'être achevée. Par ailleurs, à titre de comparaison, je lui indique qu'une étude récente d'Eurogip a placé la France en tête du classement pour la reconnaissance et la réparation de ces troubles ainsi que des cancers professionnels. Entendons-nous bien, ce n'est pas parce que nous sommes aux premiers rangs que nous considérons qu'il n'y a rien à faire, bien au contraire : je préfère que nous gardions une longueur d'avance, au bénéfice des salariés.

Quant à Yves Cochet, je ne partage pas son constat selon lequel la santé au travail ne ferait que se dégrader. Certes les maladies professionnelles ont continué à progresser mais c'est aussi parce qu'on sait mieux les reconnaître, mieux les prendre en compte mais aussi mieux les guérir. Je prendrai l'exemple des troubles musculo-squelettiques et des risques psychosociaux qui les accompagnent. C'est moi-même qui en tant que ministre de la santé ai décidé de les faire entrer dans le champ de la santé au travail.

Avec les acteurs de la prévention, nous sommes en train d'avancer sur tous ces aspects. Le nombre et la fréquence des accidents du travail reculent d'année en année. La prévention ne touche d'ailleurs pas seulement le lieu de travail mais aussi les trajets du salarié. Elle passe donc aussi par la sensibilisation à la sécurité routière.

M. Cochet voit encore dans le projet du Gouvernement sur la médecine du travail une réduction de l'indépendance des médecins du travail. Cette remarque m'étonne car un amendement du groupe GDR, ou du groupe communiste du Sénat, je ne sais plus, et adopté à l'unanimité, a au contraire consacré leur indépendance. Il me semble que c'était M. Muzeau qui en était l'auteur, mais je ne voudrais pas le compromettre auprès de son groupe.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Vidalies, je ne reviens pas sur les trente-cinq heures…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Alors je vais le faire ! Je ne voudrais pas vous frustrer, monsieur Mallot. (Sourires.)

Les trente-cinq heures qu'avait fait voter Martine Aubry, c'était un carcan : trente-cinq heures, c'était un plafond. Avec la loi de 2008, les trente-cinq heures, c'est un plancher. Vous pouvez les dépasser ; c'est simplement la durée du travail au-delà de laquelle se déclenchent les heures supplémentaires. C'est une grande différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il existait des heures supplémentaires avant 2008 !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

J'étais encore dans une entreprise en Haute-Saône jeudi dernier : les heures supplémentaires intéressent et les salariés, et l'entrepreneur. Quand il a suffisamment de visibilité à moyen et long terme, il recrute ; mais, vous le savez, si les heures supplémentaires coûtent plus cher, les employeurs sont prêts à dépenser davantage pour avoir de la souplesse. C'est ainsi.

D'ailleurs, vous tenez ces propos ici, mais je suis bien certain que dans vos circonscriptions, quand vous allez dans une entreprise, vous devenez pragmatiques. J'en suis persuadé. Ici, vous ne voulez pas le dire ; c'est un autre débat.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Quand vous faites le grand écart entre ce que vous dites dans vos circonscriptions et ce que vous dites dans cet hémicycle, attention à la déchirure musculaire ! C'est un conseil du ministre de la santé. (Sourires.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En attendant, ce point précis, je l'assume : je suis contre la remise en cause des heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous sommes seulement opposés à leur détaxation !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Aujourd'hui, nous devons réfléchir à la façon dont on pourra travailler davantage dans notre pays. Je sais que par moments cela peut sembler procyclique, mais, en attendant de pouvoir faire travailler davantage de personnes, et davantage dans les entreprises, cela me semble être une évidence.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne veux pas que cela se fasse au prix d'une diminution du pouvoir d'achat des salariés. Il y a la question de la majoration ; il y a la question de la loi TEPA.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Sénat a voté un dispositif dont personne n'a encore perçu la mesure. Mais si les dispositions ajoutées par le Sénat au PLFSS s'appliquaient, à partir du 1er janvier plus aucun des 9,2 millions de salariés qui font des heures supplémentaires ne bénéficierait de l'avantage fiscal et social. C'est vous qui avez voté cette proposition, c'est nous qui nous y opposerons.

Vous pouvez faire de grands discours sur les accidentés du travail et sur le pouvoir d'achat. Mais il y a ceux qui protègent les salariés, et il y a les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous ne sommes pas contre la majoration, mais contre la défiscalisation !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Muzeau, ce n'est pas le débat. Je n'ai jamais cru au partage du travail. Dans une entreprise de dix salariés, le dirigeant, sa secrétaire qui a des fonctions de comptable, et huit salariés, on a en général une moyenne de deux à trois heures supplémentaires par semaine. Cela fait seize heures en tout. Est-ce qu'on va recruter quelqu'un pour seize heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il y a aussi des entreprises de mille salariés !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il y a en France beaucoup plus d'entreprises de dix salariés que d'entreprises de mille salariés. Et même dans une entreprise de deux cents salariés, il y a différentes chaînes de production : l'ouvrier qui est sur une chaîne n'est pas forcément opérationnel sur une autre. Cela ne se divise pas comme cela, le travail. Voilà pourquoi il faut donner de la souplesse.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Expliquez-moi pourquoi, sinon, les entrepreneurs embaucheraient des intérimaires, avec une prime qui leur coûte 10 % de plus. Ils pourraient payer le travail moins cher ; mais ce qu'ils veulent, c'est de la souplesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il faut arbitrer entre intérimaires et heures supplémentaires !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il faut bien reconnaître que nous sommes dans un monde où l'on a besoin de règles pour organiser et protéger, mais où l'on a aussi besoin de souplesse. C'est là que je ne vous comprends pas : cette vision est certainement la vôtre sur le terrain, mais ce que vous dites dans cet hémicycle est très différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, en application de l'article 96 du Règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Je vous informe que, conformément à l'article 89, alinéa 4, du Règlement, les articles 2 à 7 de la proposition de loi ont été déclarés contraires à l'article 40 de la Constitution par le président de la commission des finances.

Je vous rappelle qu'en application de l'article 96 du Règlement, le Gouvernement a demandé la réserve des votes. La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Les articles 1er et 8 ne faisant l'objet d'aucun amendement, ils sont considérés comme ayant été examinés.

Nous avons donc achevé l'examen de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition, auront lieu le mercredi 23 novembre, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un enfant, d'un conjoint ou d'un parent proche (nos 3793, 3923).

La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter vise à allonger la durée des congés accordés aux salariés en cas de décès d'un de leurs enfants, de leur conjoint ou de leur partenaire de PACS. Elle se situe au coeur des réflexions sur les parts relatives à donner au temps professionnel et au temps personnel.

Ce texte se résume à un seul article. Il n'engendrera aucune dépense supplémentaire pour les finances publiques et sociales, car les congés pour décès demeurent à la charge des employeurs.

Aujourd'hui, la durée légale des congés pour décès varie selon le membre de la famille concerné mais, dans tous les cas, elle ne peut excéder deux jours, ce qui est manifestement insuffisant.

En effet, en pratique, il s'avère difficile de mener à bien, en deux jours au plus, l'ensemble des démarches à accomplir lors du décès de son enfant, de son conjoint ou de l'un de ses parents, surtout lorsque la personne décédée ne résidait pas dans la même région, qu'il s'agisse de l'organisation des obsèques, des formalités administratives, ou de l'organisation du retour à l'école des frères et des soeurs. La perte d'un parent et en particulier d'un enfant constitue pour les familles une terrible et sidérante épreuve.

Les salariés sont donc parfois contraints d'utiliser leurs quotas de congés annuels, quand ils le peuvent encore, par exemple pour accompagner la maladie de leur enfant. Lorsqu'ils ne réussissent pas à s'entendre avec leur employeur ou avec leurs collègues, ils peuvent être conduits à solliciter de leur médecin un arrêt de travail ; le médecin le leur propose parfois de lui-même. De telles situations ne sont pas satisfaisantes et coûtent cher à la sécurité sociale.

Il faut rappeler, de plus, que les salariés bénéficient de quatre jours de congé pour leur mariage, soit le double de ce qui est accordé en cas de décès d'un enfant ou du conjoint. Cette hiérarchie des événements de la vie est à l'évidence inacceptable, et ce d'autant plus que le mariage est un événement à la fois prévisible et préparé, ce qui n'est jamais totalement le cas d'un décès, et quelques fois pas du tout, car il peut s'agir d'un accident.

Pour ces raisons, certaines conventions collectives octroient aux salariés des journées supplémentaires de congé au titre du décès d'un proche parent. D'après la direction générale du travail, environ 9,5 millions de salariés bénéficieraient ainsi de l'application de conventions collectives plus généreuses en matière de congés pour décès, accordant, en général, trois à cinq jours pour le décès d'un conjoint ou d'un enfant.

Ces dispositions conventionnelles plus favorables ne concernent pas, cependant, l'ensemble des salariés et, en particulier, ceux travaillant dans de petites entreprises, ce qui laisse la charge de l'adaptation soit aux liens personnels entre salariés et employeurs, soit à l'intervention du médecin, toutes choses dont je peux témoigner pour les avoir sollicitées ou pratiquées. Pour autant, tous les salariés devraient bénéficier des mêmes droits dans le moment difficile que constitue la perte d'un proche parent.

Le législateur se doit donc d'intervenir pour améliorer les droits légaux à congé applicables à l'ensemble des salariés et pour rééquilibrer les dispositifs de congés prévus pour les événements heureux et malheureux de la vie. Il doit exister un minimum identique pour tous. Je vous rappelle qu'il existe aujourd'hui une cotation du stress lié aux différents événements de la vie, dans laquelle la perte d'un enfant correspond à la cote la plus lourde.

Telle qu'issue des travaux de la commission des affaires sociales, cette proposition de loi tend donc à porter à cinq jours la durée du congé accordé pour le décès d'un enfant, contre deux jours aujourd'hui, et à trois jours, contre deux jours actuellement, la durée du congé accordé pour le décès du conjoint ou du partenaire de PACS.

Notre proposition de loi initiale était plus ambitieuse et plus globale, puisqu'elle traitait de l'ensemble des congés pour décès. Je tiens à rappeler que nous proposions de porter la durée du congé pour décès d'un enfant à dix jours pour le décès d'un enfant mineur ou d'un enfant majeur à charge, et à cinq jours pour les autres enfants. Nous proposions également d'allonger à cinq jours le congé pour décès d'un conjoint ou d'un partenaire de PACS, et nous souhaitions en ouvrir le bénéfice aux concubins déclarés. En effet, aujourd'hui, légalement, les salariés ne disposent pas d'un congé pour décès en cas de perte de leur concubin. Certaines conventions collectives y remédient cependant.

Nous proposions enfin de porter à cinq jours la durée du congé pour décès du père, de la mère, d'un frère ou d'une soeur mineurs, et à trois jours celle du congé pour décès du beau-père ou de la belle-mère, au sens légal de parent du conjoint, d'un frère ou d'une soeur majeurs.

Au-delà de leur allongement, notre proposition de loi visait donc à moduler plus précisément la durée des congés, en introduisant des distinctions entre enfants mineurs ou majeurs encore à charge, et enfants majeurs autonomes, et entre frères ou soeurs mineurs et majeurs.

Le texte issu des travaux de la commission n'a donc pas repris toutes les améliorations que nous proposions, mais il constitue une avancée pour les salariés. Je présenterai néanmoins tout à l'heure deux amendements visant à allonger le congé en cas de décès d'un enfant mineur ou majeur à charge et en cas de décès du père ou de la mère. Nul n'a le monopole du coeur, et je souhaite vivement que nous nous rejoignions sur ce texte.

Il faut rappeler ici que l'octroi de jours de congé supplémentaires n'a pas pour objet d'atténuer la douleur des familles, ce qui n'est ni dans le rôle ni dans le pouvoir du législateur, mais d'alléger leurs contraintes matérielles et de leur permettre de faire face aux conséquences de la disparition autrement que dans la hâte, voire dans la panique.

Je tiens à souligner que toutes les personnes que nous avons auditionnées, qu'il s'agisse des représentants syndicaux ou des représentants d'associations familiales, ainsi que la majorité de celles qui m'ont transmis une contribution écrite, se sont prononcées en faveur de notre texte.

Je vous invite donc à adopter les amendements que j'ai déposés ainsi que la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la présente proposition de loi présentée par Michèle Delaunay traite d'un sujet éminemment sensible qui va bien sûr au-delà des clivages partisans. Quand on parle du décès d'un enfant, d'un conjoint ou d'un proche, je ne suis pas sûr qu'il y ait une droite, une gauche et un centre.

Nous avons tous, je pense, approché ou partagé des drames de ce type. Et il est évident que nous avons tous à coeur de prendre les mesures d'humanité qui peuvent améliorer le régime actuel des congés accordés lors de ces décès.

L'objectif de la proposition de loi s'inscrit donc dans un consensus. Un député de notre majorité, M. Jean-Charles Taugourdeau, à qui je veux rendre hommage, a d'ailleurs déjà déposé une proposition de loi tendant à allonger les congés exceptionnels accordés lors du décès d'un enfant.

Vous avez souligné, madame la rapporteure, les insuffisances du régime actuel. Je partage ce constat.

En principe, la durée de ces congés ne peut excéder deux jours. C'est bien peu, trop peu, non seulement parce que la perte d'un parent et, en particulier, d'un enfant constitue une terrible épreuve pour les familles, mais aussi parce qu'il y a, dans ces circonstances, de nombreuses démarches à accomplir, qu'il s'agisse de l'organisation des obsèques ou des formalités administratives qui pèsent encore plus à ce moment précis.

Voilà pourquoi, d'ailleurs, beaucoup de conventions collectives ont un régime plus généreux. Vous citez dans votre rapport ce chiffre de la direction générale du travail, selon lequel 9,5 millions de salariés bénéficieraient de l'application de conventions collectives plus généreuses en matière de congé pour décès, accordant, en général, de trois à cinq jours pour le décès d'un conjoint. Or, tous les salariés ne sont pas concernés par ces conventions. Il paraît donc légitime d'améliorer le régime actuel pour que tous les salariés sans exception – convention collective plus favorable ou non – puissent bénéficier des mêmes droits dans ces moments difficiles.

Le Gouvernement partage pleinement l'esprit de votre démarche. Reste cependant à savoir de combien de jours il convient d'augmenter ces congés.

Votre texte proposait à l'origine de porter de deux à dix jours le droit à autorisation d'absence rémunérée pour décès d'un enfant, de deux à cinq jours pour le décès du conjoint, de un à cinq jours pour celui d'un parent, d'un frère ou d'une soeur, et de zéro à trois jours pour celui d'un beau-parent. Ce n'est pas négligeable. Bien sûr, nous devons prendre en considération la douleur de ceux qui traversent ces épreuves terribles. Mais cette douleur n'est pas quantifiable, j'en ai bien conscience. De plus, passer de deux à dix jours, par exemple, constitue une augmentation importante. Il est normal de se demander comment concilier la prise en charge de la douleur avec le coût que cela représentera pour les entreprises.

À mon avis, le bon équilibre a été trouvé en commission. Je me félicite du compromis auquel vous êtes parvenus grâce aux amendements proposés par Jean-Charles Taugourdeau et Michèle Delaunay. Le texte propose désormais de porter le congé de deux à cinq jours pour le décès d'un enfant et de deux à trois jours pour celui d'un conjoint.

Le Gouvernement est favorable au texte ainsi modifié. Je tiens à souligner que ces dispositions nous situent au-dessus des droits prévus en la matière par nos principaux voisins européens et par les conventions collectives.

Le Gouvernement apportera donc tout son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Pinville.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la particularité de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui tient au fait qu'elle touche certains événements parmi les plus douloureux que nous sommes amenés à vivre. Je veux parler du décès d'un enfant, d'un partenaire, d'un parent.

Je rappelle les dispositions en vigueur : deux jours pour le décès d'un enfant, du conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ; une journée pour le décès du père, du mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une soeur.

Ces chiffres parlent d'eux-mêmes : ils sont, bien entendu, insuffisants. Je ne pense pas que la douleur puisse se chiffrer, mais notre devoir est d'apporter à de tels drames familiaux et humains une réponse plus appropriée. En comparaison, quatre jours sont accordés pour un mariage. Quelle hiérarchie étrange !

L'allongement du congé en cas de décès d'un proche doit prendre en compte l'ensemble des démarches à accomplir lors du décès d'un enfant, du conjoint, du père ou de la mère, surtout lorsque la personne décédée ne résidait pas dans la même région, qu'il s'agisse de l'organisation des obsèques ou des formalités administratives.

L'augmentation du nombre de familles comportant un seul enfant accroît la responsabilité et le poids des démarches à accomplir par un enfant unique lorsqu'il perd ses parents.

De plus, nous connaissons hélas tous le long parcours qui précède un décès dû à une longue maladie. Comment imaginer que l'on puisse évacuer les souffrances vécues en un temps si court ? Ces personnes ont le plus souvent recours à l'utilisation de leurs congés annuels ou, lorsqu aucune solution n'a été trouvée, à des arrêts de maladie qui peuvent aisément se comprendre, même si cette solution n'est pas satisfaisante. Essayons d'apporter aujourd'hui des réponses plus appropriées à ces situations auxquelles nous sommes tous confrontés.

Pourquoi seuls 9,5 millions de salariés bénéficieraient-ils de l'application de conventions collectives plus généreuses, accordant en général de trois à cinq jours pour le décès d'un conjoint ? Pourquoi les autres salariés, surtout ceux qui travaillent dans les petites entreprises, devraient-ils être pénalisés ? Tous les salariés ne devraient-ils pas bénéficier des mêmes droits dans le moment difficile que constitue la perte d'un proche parent ? Notre réponse doit être sans équivoque.

Les allongements que nous vous proposons visent à nous rapprocher des pratiques de pays de l'Union européenne tels que la Suède, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou l'Espagne. Par ailleurs, nous savons qu'ils ne sont pas de nature à déséquilibrer les comptes des entreprises.

Donnons un signal fort d'humanité en direction de ceux qui souffrent dans leurs liens affectifs. Nous ne pouvons pas apaiser leur douleur, mais leur permettre de s'organiser dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord remercier mes collègues du groupe SRC d'avoir repris les bases de la proposition de loi que j'avais déposée au mois de juin dernier et d'avoir fait inscrire la proposition de Mme Delaunay à l'ordre du jour de notre assemblée, un problème de calendrier se posant pour notre part.

La proposition de loi que j'avais déposée visait à accorder dix jours de congé pour le décès d'un enfant à charge, et cinq jours pour le décès d'un enfant non à charge. Or on m'a fait remarquer, à juste titre, qu'un enfant est toujours un enfant, quel que soit son âge, et que la perte d'un enfant de dix-huit ou vingt ans qui n'est plus à charge est aussi dramatique que celle d'un enfant encore à charge. Il m'a donc semblé qu'il était trop douloureux et trop cruel de fixer des limites et d'établir des distinctions.

En vue de trouver une base de discussion au niveau des conventions collectives et de rétablir dans les entreprises un dialogue social légitime en la matière, j'ai proposé un amendement visant à porter de deux à cinq jours le nombre de jours octroyés pour le décès d'un enfant. Ensuite, sur proposition de Mme Delaunay, nous avons étendu cette mesure au conjoint.

Je précise que les employeurs accordent déjà très souvent des congés tout en maintenant le salaire. Je souhaite que la présente proposition de loi soit adoptée à l'unanimité, car cela permettrait d'interpeller les employeurs qui ne le font pas. Enfin, j'espère que notre vote interpellera également bien au-delà des frontières et que la France montrera l'exemple au reste de l'Europe en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe SRC rédigée par Mme Delaunay est d'abord une question d'humanité, même si elle se concrétise par un dispositif intégré au droit du travail.

Je veux donc, d'abord, remercier Michèle Delaunay pour cette initiative dont chacun a compris qu'elle trouvait son origine dans son vécu de médecin confronté au désarroi et à la douleur de proches suite à un décès.

Il est vrai que le droit positif paraît bien singulier, à la seule comparaison des jours de congé attribués suite à un mariage ou à une naissance avec ceux consentis suite à un décès. Comme si le droit du travail et toute la société voulaient, non pas ignorer la mort, mais la minimiser.

Nous savons tous, pourtant, que ces moments terribles, consécutifs à la perte d'un enfant ou d'un conjoint, sont synonymes d'une grande détresse et souvent de difficultés matérielles immédiates.

Fort heureusement, les conventions collectives, et souvent la simple pratique des employeurs, viennent régulièrement combler le vide du dispositif législatif. Mais beaucoup trop de salariés n'ont aujourd'hui aucune garantie conventionnelle, notamment dans les petites entreprises, et s'en remettre à la bonne volonté de l'employeur, même si elle existe, constitue un aléa qui ne fait qu'ajouter des difficultés à la détresse. Dans tous les cas, on ne peut pas faire courir ce risque d'une application stricte et rigide de la loi à des salariés qui pourraient être confrontés à de telles situations.

Nous avons constaté qu'il existait, sur tous les bancs de cet hémicycle, l'objectif partagé d'améliorer le droit commun.

Au-delà de la seule humanité, cette proposition de loi répond aussi à un double constat : celui du fréquent éloignement des familles et celui du temps simplement nécessaire pour organiser les obsèques dans des conditions convenables.

De surcroît, nous savons bien que ces exigences, tant matérielles que morales, sont souvent remplies par des pis-aller, comme le recours à des arrêts de travail qui ne relèvent pas de la fraude mais tout simplement d'un impératif humain.

Au-delà de l'objectif précis et limité de la proposition de loi, nous savons bien que la pauvreté du dispositif législatif s'explique d'abord par le fait que ce sont les entreprises et, plus généralement, les employeurs qui supportent le coût d'une solidarité incombant pourtant à la société tout entière. Ce constat devrait ouvrir la voie à des négociations collectives en vue d'améliorations. C'est bien la solidarité nationale qu'il s'agit de solliciter dans ce genre de situations, et elle ne peut reposer sur les seuls employeurs.

Je constate avec satisfaction que les travaux parlementaires permettront d'avancer, même s'il ne s'agit ici que de faire un pas vers ce que nous espérions. Une autre proposition de loi pourra recevoir un écho favorable, améliorer les dispositions relatives aux congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un enfant ou d'un conjoint.

Le Gouvernement se montrant favorable au principe, le groupe SRC considère que son travail – et surtout celui de Michèle Delaunay – permettra sinon, bien sûr, une compensation, du moins un meilleur accompagnement. La représentation nationale s'honore de faire cette démarche dans un esprit unanime. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il s'agit bien d'une proposition de loi qui appelle le consensus. Je ne vous cache pas, néanmoins, que les partenaires sociaux sont compétents pour décider en la matière. Le caractère émotionnel du sujet ne doit pas le faire oublier.

J'entends bien l'invitation de Mme Delaunay à dépasser le texte de la commission. Nous sommes, cela dit, déjà bien au-delà que ce qui se pratique dans de nombreux pays. Il ne me paraît donc pas possible d'aller plus loin.

Par ailleurs, en application de l'article 96 du Règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 3 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cet amendement vise à établir une gradation entre un enfant mineur, qui est à la maison et qui décède soit d'une longue maladie – c'est-à-dire d'un cancer hématologique ou d'un cancer tumoral –, soit d'un d'accident inattendu, et un enfant majeur qui peut se trouver éloigné du domicile de ses parents.

Il s'agit donc d'accorder aux salariés un congé exceptionnel de dix jours à la suite du décès d'un enfant mineur ou d'un enfant à charge.

Cet amendement a été rejeté par la commission. Je pense toutefois qu'il est de bonne pratique humaine.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable. Le Gouvernement s'en tient à la position de la commission.

(Le vote sur l'amendement n° 3 rectifié est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

J'accorde une très grande importance à cet amendement. Il s'agit d'accorder un jour supplémentaire – ce qui n'est pas une révolution – pour le décès d'un père ou d'une mère. Dans l'exercice de mes fonctions médicales j'ai la plupart du temps rencontré des enfants qui accompagnent leur père ou leur mère au cours d'une longue maladie et qui y engloutissent bien souvent tous leurs jours de congé, toutes leurs RTT voire davantage, et se trouvent, au moment du décès, fort démunis.

Dans d'autres circonstances, il s'agit de parents pour lesquels on a effectué des déplacements et qui sont domiciliés, par exemple, dans le Pas-de-Calais alors qu'eux-mêmes habitent Bayonne.

Accorder trois jours de congés dans les deux cas ne me paraît pas déraisonnable.

Cet amendement repose sur une raison plus fondamentale : comment établir une hiérarchie entre la perte d'un conjoint et celle d'un père ou d'une mère ? C'est pour ma part impossible. Je pourrais argumenter en rappelant que l'on a pu avoir plusieurs conjoints, alors qu'on n'aura jamais qu'un seul père et une seule mère. Mais là n'est pas l'essentiel.

En chacun de nous, nous pouvons aimer notre épouse ou notre époux ; nous pouvons aimer tout autant et différemment nos parents mais nous serions incapables, tous autant que nous sommes, d'affirmer qu'un cas est plus dramatique que l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

C'est en effet autre chose ; il s'agit d'un autre lien.

L'un me paraît néanmoins plus profond car à partir du jour où l'on perd son père ou sa mère, on devient la génération qui va au feu, qui se situe en première ligne, pour ainsi dire. Aussi les interrogations sont-elles plus profondes.

En accordant ce petit jour en plus, il s'agit de manifester ce que nous percevons tous : l'absence de hiérarchie et l'égale profondeur d'une séparation essentielle.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

On peut charger cette discussion de l'émotion la plus sincère, mais, si l'on veut aller au-delà de la position de la commission, il convient d'entamer un autre débat. C'est pourquoi je m'en tiens à la position de la commission et donne un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

J'ai omis de préciser – et, s'ils étaient là, les députés de la majorité le confirmeraient – que l'opposition de la commission à cette extension est née d'un malentendu. Nos collègues ont effet cru que le dispositif proposé concernait le beau-frère, la belle-soeur, etc. Il s'agit donc bien d'une mécompréhension – et je vois M. Taugourdeau acquiescer.

Notre divergence est née d'un malentendu alors que la commission avait l'intention d'approuver les trois prolongations que je proposais, concernant l'enfant, le père et la mère, et le conjoint. Je vous en donne ma parole, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je vous crois, madame Delaunay. Mais vous savez qu'entre le moment où le texte sera soumis au vote de l'Assemblée et le moment de son éventuelle adoption par le Sénat, il sera possible de compléter ou de rectifier le dispositif proposé.

J'irai même plus loin : je vous invite à aller au-delà des concertations dont fait état le rapport. L'ensemble des partenaires sociaux doit être consulté.

(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé.)

(Le vote sur l'article 1er est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 5 portant sur le titre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(Le vote sur l'amendement n° 5 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous avons achevé l'examen de l'article 1er de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition auront lieu le mercredi 23 novembre après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Paul Giacobbi et de plusieurs de ses collègues, portant sur la reconnaissance d'une présomption de lien de causalité entre l'exposition aux radiations à la suite d'un accident nucléaire et la maladie ou le décès.

Je vais suspendre la séance quelques minutes en attendant l'arrivée dans l'hémicycle des orateurs inscrits.

Discussion d'une proposition de résolution

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt-neuf.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est reprise.

En l'absence de l'ensemble des intervenants qui s'étaient inscrits dans la discussion de cette proposition de résolution, nous ne sommes pas en mesure de poursuivre nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Prochaine séance, lundi 21 novembre 2011 à dix-sept heures :

Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron