Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 27 juin 2011 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PIB

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République, en date du 27 juin 2011 complétant le décret du 20 juin 2011, portant convocation du Parlement en session extraordinaire le vendredi 1er juillet 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, mon intervention porte non pas sur la température atmosphérique mais sur la température sous laquelle vont se dérouler nos débats. À défaut de boire les paroles du Président de la République, nous y sommes très attentifs. Vous avez ouvert la séance avec le décret pris par le Président de la République, qui pourrait nous apporter une réponse. J'ai, en effet, interrogé la Pythie pour savoir si, dans deux heures, M. Baroin, qui nous a rejoints pour examiner le texte inscrit à l'ordre du jour, serait encore ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ou bien si Sa Majesté impériale l'aurait affecté à un autre poste.

Monsieur le président, vous comprenez l'importance d'avoir une réponse à cette question pour savoir si nous siégeons utilement ou non. Le ministre n'est sans doute pas le mieux placé pour répondre à cette question puisqu'il subira la réponse tout comme nous. Mais peut-être pourrait-il nous dire s'il a reçu un coup de téléphone ou quelque chose du même genre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 (nos 3507, 3544).

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, dans un contexte de sortie de crise,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…le Gouvernement a engagé l'an dernier des réformes porteuses de croissance et un important programme d'investissements destiné à renforcer la compétitivité de notre économie. L'an dernier également, dans le cadre de la solidarité européenne, la France a contribué au mécanisme de soutien des pays de la zone euro qui connaissaient une situation financière préoccupante. Les comptes 2010 de l'État présentés dans ce projet de loi de règlement retracent les enjeux financiers de ces événements et des politiques publiques engagées par notre pays.

Pour la cinquième année consécutive, la Cour des comptes a certifié les comptes de l'État en émettant un avis favorable assorti de sept réserves. L'année dernière, je le rappelle, neuf réserves avaient été émises, contre douze lors de l'approbation des comptes de 2008. Cela témoigne d'un dialogue constructif avec la Cour des comptes et d'efforts continus, qui se sont poursuivis en 2010, pour améliorer la qualité et la transparence de nos comptes. Une étape importante a été franchie avec les observations de la Cour des comptes.

Le résultat comptable de l'État pour l'année 2010 s'élève à moins 112 milliards d'euros, en baisse de 12 milliards par rapport à celui de 2009. Cela s'explique principalement par les mesures transitoires liées à la réforme de la taxe professionnelle : elles ont conduit à verser en 2010 aux collectivités locales la totalité de leurs recettes, via le mécanisme de la compensation relais, alors qu'une partie des acomptes versés au titre de la nouvelle fiscalité ne sera comptabilisée en produit dans les comptes de l'État qu'en 2011.

Ce résultat reste toutefois nettement moins dégradé que le résultat budgétaire, inchangé par rapport à celui présenté au mois de février et qui s'élève à moins 148,8 milliards d'euros. En effet, le Gouvernement a choisi de favoriser la croissance de long terme et d'apporter son soutien à la stabilité financière européenne, tout en préservant l'équilibre de long terme de nos finances publiques. Ainsi, les dépenses au profit de la Grèce, sous forme de prêts, n'ont eu aucun impact sur le patrimoine de l'État. Il en va de même des dépenses exceptionnelles au bénéfice d'investissements d'avenir, qui reposent majoritairement sur des opérations n'appauvrissant pas l'État.

Concernant les dépenses ordinaires de l'État, j'ai lu avec attention, monsieur le rapporteur général, votre analyse de l'exécution budgétaire en 2010. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger sur ce point à plusieurs reprises, et notamment lors des auditions devant votre commission. Il n'y a eu, en 2010, je veux l'affirmer clairement devant vous, aucun relâchement de l'effort de maîtrise des dépenses, bien au contraire. Jamais nous n'avons établi une telle politique de maîtrise budgétaire sur l'ensemble des sources de dépenses, que ce soit celles de l'État, de l'assurance maladie ou des collectivités territoriales.

En dehors des investissements d'avenir et du plan de relance de l'économie, la dépense s'établit à 352,5 milliards d'euros, pour un plafond fixé à 352,6 milliards en loi de finances initiale. La norme de dépense a ainsi été strictement respectée.

Nous avons certes bénéficié, cette année-là, d'économies conjoncturelles, en particulier sur les charges de la dette. Mais je veux rappeler qu'elles ont principalement permis de financer des dépenses, elles aussi exceptionnelles, notamment pour soutenir l'emploi par des politiques actives et pour absorber une hausse des dépenses de guichet, dont l'évolution reste étroitement liée à la conjoncture économique.

Pour l'essentiel, les événements qui ont marqué l'exécution 2010 ont pu être anticipés et intégrés dans la construction du budget 2011. Ainsi, nous avons remis à niveau l'allocation adulte handicapé, à hauteur de plus de 700 millions d'euros, tandis que, pour tenir compte du dérapage de 2010, la dotation des contrats aidés a été augmentée de 400 millions d'euros alors que leur volume va baisser en 2011.

Nous avons également assaini considérablement nos relations financières en apurant totalement la dette de l'État vis-à-vis du Crédit foncier de France et de la sécurité sociale. Je précise qu'il n'y a eu, dans cette opération, aucun contournement de la norme de dépense, dès lors que nous avons utilisé une ressource ponctuelle pour solder des dettes anciennes et non pour réduire les dotations versées par l'État à la sécurité sociale au titre de l'exercice 2010.

En matière de dépenses de personnel, l'équation budgétaire pour 2010 est désormais bien connue : elle a été marquée par les conséquences des moindres départs en retraite constatés en 2009 et 2010, qui ont toutefois été en partie compensées. Les suppressions d'emploi effectivement opérées, soit 31 200 équivalents temps plein, restent, pour leur part, un peu en deçà des prévisions initiales, mais il y en a eu 6 500 de plus qu'en 2009. Le cap du « 1 sur 2 » a donc été pleinement tenu et il continuera de l'être, tant en 2011 qu'en 2012. Je rappelle qu'en 2010, tous les ministères ont respecté leur plafond d'emploi et sont ainsi en ligne avec l'autorisation qui leur a été accordée par le Parlement.

Le dépassement constaté sur les dépenses de personnel a été, au final, plus limité que prévu et s'élève, sur l'ensemble de ces dépenses, à 250 millions d'euros, 450 millions hors pensions.

Les gains bruts liés à la révision générale des politiques publiques et à la mise en place du « 1 sur 2 » ont représenté une économie de plus de 800 millions, et le retour catégoriel lié aux suppressions de poste est resté en ligne avec l'objectif de 50 %, étant entendu – et c'est sur ce point une divergence d'analyse avec le rapporteur général – que nous distinguons les « coups partis », qui résultent de décisions antérieures, comme par exemple les protocoles salariaux du ministère de l'intérieur signés en 2007, 2008 et 2009, et les mesures catégorielles liées au schéma d'emploi effectivement exécuté. L'important est d'avoir une approche globale et de respecter les plafonds, ce qui se lit dans cette loi de règlement.

Les recettes fiscales nettes s'établissent, pour leur part, à 253,6 milliards d'euros à la fin 2010. L'écart par rapport à la dernière prévision – 255 milliards lors du projet de loi de finances rectificative – s'explique essentiellement par de moindres rentrées fiscales au titre du dernier acompte de l'impôt sur les sociétés, dont nous avons d'ailleurs tenu compte dans le premier collectif pour 2011 examiné par votre assemblée.

Les recettes non fiscales, qui sont les plus liées à la situation économique, notamment les dividendes perçus sur les entreprises publiques ou sur la Coface, sont inférieures de 0,4 milliard aux prévisions. Elles s'établissent à 18,2 milliards.

Enfin, plusieurs événements ont joué favorablement sur le solde des comptes spéciaux.

Ainsi, la Grèce n'a pas mobilisé la dernière tranche des prêts que la France avait prévu de verser. Je rappelle qu'il s'agit de crédits évaluatifs, que nous ne pilotons pas de la même façon que les crédits budgétaires ordinaires. Au total, la France a ainsi accordé 4,4 milliards d'euros à la Grèce au cours de l'exercice 2010.

En outre, le solde du compte d'avance aux collectivités locales s'est amélioré d'environ 600 millions d'euros, en lien avec la révision à la baisse du coût de la réforme de la taxe professionnelle.

Concernant le bilan de l'État, la situation nette s'élève à moins 756,6 milliards d'euros en 2010. Elle se dégrade de 92,5 milliards d'euros par rapport à 2009, principalement du fait de l'évolution de la dette. Toutefois, cette dernière progresse à un rythme nettement inférieur à celui constaté en 2009 – plus 79 milliards en 2010, contre plus 131 milliards en 2009, qui était une année exceptionnelle.

L'intervention exceptionnelle des États membres de l'Union européenne, outre les prêts consentis à la Grèce, s'est aussi caractérisée par la mise en place du Fonds européen de stabilité financière et se traduit dans les comptes par une augmentation des engagements hors bilan de l'État, de 1,1 milliard d'euros.

Enfin, la réforme des retraites a permis, dès 2010, de réduire le besoin de financement des retraites des fonctionnaires qui figure dans les informations de l'annexe des comptes de l'État. Il s'élève à 490 milliards en 2010, contre 598 milliards hors réforme des retraites.

Un mot pour finir sur la performance, puisque le projet de loi de règlement est l'occasion, à travers l'examen des rapports annuels de performance, d'analyser en détail les résultats obtenus par grandes politiques publiques.

J'ai pris note avec attention des 215 propositions formulées par votre commission des finances à l'occasion de cet exercice, dont une part substantielle concerne le dispositif d'évaluation de la performance.

Nous avons privilégié l'an dernier la réduction du nombre d'indicateurs du budget de l'État, qui est passé de près de 1 200 à un peu plus d'un millier, afin de les resserrer sur les priorités et d'améliorer leur pertinence. Nous devons aller plus loin sur ce chemin.

Le taux de renseignement des indicateurs, indispensable au bon contrôle du Parlement, se maintient à un niveau élevé, près de 90 %. Permettez-moi, à ce titre, de rappeler que ce taux n'était que de 50 % environ lors de la première présentation des rapports annuels de performance, en 2006.

Concernant les résultats eux-mêmes, ils sont en légère amélioration par rapport à l'année dernière, avec 69 % d'indicateurs affichant une évolution positive.

Mesdames, messieurs les députés, l'exécution budgétaire de l'année 2010 reflète la détermination du Gouvernement à effacer le plus rapidement possible les stigmates de la crise sans pour autant ignorer les enjeux liés à la compétitivité nationale et à la solidarité au sein de l'Union européenne. Ce sont les trois traits marquants de l'analyse et de l'examen de cette loi de règlement.

En 2010, nous avons mis fin progressivement aux dépenses conjoncturelles du plan de relance. Nous avons investi de façon structurelle pour améliorer la croissance potentielle et nous avons parfaitement respecté nos engagements de maîtrise des dépenses courantes. Est-il besoin de vous dire que nous poursuivrons cette politique au cours de l'année 2011 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, nous examinons, cet après-midi, le dernier projet de loi de règlement de la présente législature puisque la loi de règlement de 2011 sera examinée après les prochaines élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Voilà une raison supplémentaire pour nous pencher sur cette loi de règlement qui, lorsque l'on met de côté les nombreux éléments exceptionnels qu'elle comporte, montre à quel point nos finances publiques, tout en s'améliorant, demeurent d'une fragilité extrême.

En 2010, il y a eu beaucoup de dépenses exceptionnelles qu'il est utile de retracer.

D'abord, ce fut la fin du plan de relance de l'économie de 2009, pour 7 milliards d'euros. Lorsque l'on fait le bilan de l'ensemble des mesures relatives au plan de relance, on arrive, entre les dépenses supplémentaires et la mobilisation des circuits de la fiscalité au bénéfice des entreprises et des ménages, à un total de 40 milliards d'euros environ, soit deux points de PIB. Nous sommes vraiment dans le bas de la fourchette de ce qui a été mobilisé dans différents pays. Cela permet de souligner que, avec une économie de moyens budgétaires, notre plan de relance a été d'une remarquable efficacité. C'est un modèle en termes d'équilibre et de rapport coût-efficacité sur les différentes mesures, tant auprès des entreprises que des ménages.

Grâce à cette injection de deux points de PIB, nous avons réussi à limiter la décroissance en 2009 à 2,5 points de PIB, soit beaucoup moins que tous les autres pays européens, et nous sommes repartis sur un rythme tout à fait honorable puisque la croissance a été de 1,5 % en 2010 et qu'elle sera, nous l'espérons, de 2 % en 2011.

Monsieur le ministre, écoutez-moi bien, on peut donc donner un satisfecit au Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le ministre n'écoute pas parce qu'il sait que ce n'est pas mérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

C'est vrai, quand on le complimente, le Gouvernement n'écoute pas ! Venons-en donc tout de suite aux exercices plus délicats ! (Sourires.)

Ensuite, il y a le grand emprunt d'avenir. En mobilisant environ 35 milliards d'euros, la première loi de finances rectificative en 2010 a lancé un programme d'investissements sur cinq secteurs stratégiques : l'enseignement supérieur et la formation, la recherche, l'industrie et les PME, l'économie numérique et le développement durable. Il faut souligner que la totalité de ces 35 milliards a été déléguée, en 2010, aux différents opérateurs et à la Caisse des dépôts, sans être pour autant utilisée. À cet égard, monsieur le président de la commission, les rapporteurs spéciaux vont devoir être extrêmement vigilants sur le suivi de ces dépenses puisque c'est, d'une certaine manière, de la débudgétisation.

Enfin, le plan d'aide à la Grèce constitue un autre poste de dépenses exceptionnelles. J'appelle votre attention sur le fait que nous avons ouvert sur un compte spécial plus de 16 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et un peu plus de 5 milliards en crédits de paiement, dont 4 milliards seulement sont utilisés. Ce sont des hypothèques très lourdes pour nos finances publiques, qu'il convient de ne pas négliger. À cet égard, notre commission auditionne demain le directeur général du Trésor ainsi que le patron de l'agence France Trésor pour leur demander où l'on en est.

Les recettes ont été perturbées par des opérations inhabituelles. Du fait de la suppression d'une partie du plan de relance qui avait joué en 2009, on a un rétablissement de recettes en 2010. Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle a créé, en 2010, une bosse inférieure à ce qui était prévu, de l'ordre de 9 milliards d'euros. Je n'y reviens pas car nous en avons abondamment discuté.

Je tiens à insister sur les quelques leçons qu'appelle l'exécution de 2010 pour la gestion en cours de l'année 2011 et la préparation du projet de loi de finances pour 2012, qui sera l'objet du débat d'orientation budgétaire tout à l'heure.

Le dépassement du coût de la réforme de la taxe professionnelle en régime de croisière est de l'ordre de 1,2 à 1,5 milliard, d'où un coût, après impôt sur les sociétés, de 5,8 à 6 milliards d'euros en régime de croisière, contre une prévision initiale établie par Mme Lagarde à 4,5 milliards d'euros.

Cela doit nous conduire, monsieur le ministre, à être on ne peut plus rigoureux s'agissant des réformes fiscales. Après-demain se tiendra la commission mixte paritaire sur la réforme de la fiscalité du patrimoine. En ce qui me concerne, je compte tout faire pour en sécuriser le financement. Je sais que c'est également votre souci, et vous pouvez compter sur les députés et les sénateurs pour que cet exercice ne réserve pas de mauvaises surprises pour l'avenir.

Les dépenses du budget de l'État ont tenu dans la norme du « zéro volume », comme vous venez de le dire. Le respect de cette norme a pu être obtenu grâce à des économies conjoncturelles qui ne sont pas renouvelables. Ainsi, 2,5 milliards d'économies ont été réalisées sur les intérêts de la dette – le niveau prévu était de 42,5 milliards, l'exécution étant de 40 milliards –, alors que, dans le même temps, l'encours de dette augmentait. Mais chacun sait bien que ce phénomène, que l'on avait déjà constaté en 2009, n'existera pas en 2011 et encore moins les années suivantes.

Nous avons enregistré également des économies sur les prélèvements sur recettes. Mais tant du côté de l'Union européenne que des collectivités locales, nous ne retrouverons pas de tels phénomènes à l'avenir.

En revanche, grâce à ces 3,5 milliards d'économies, nous avons pu financer des dépassements de crédits en exécution qui ont une nature profondément structurelle puisqu'ils concernent toujours les mêmes missions. Ainsi, la mission « Immigration, asile et intégration » et la mission « Travail et emploi » ont-elles connu chacune une dépense supérieure à la prévision de 21 %. Les missions « Agriculture, pêche, alimentation, forêts et affaires », « Action extérieure de l'État » et « Ville et logement » ont connu respectivement une dépense supérieure à la prévision de 20 %, 5 % et 6,4 %. On voit bien que l'on aura beaucoup de mal, en 2011, à rester dans l'épure des crédits votés. Mais dès lors que nous n'aurons pas d'économies sur la dette, comment financerons-nous ces dépassements tout en restant dans l'enveloppe globale, laquelle ne progresse pas ?

Plus préoccupante est l'augmentation de 680 millions d'euros de la masse salariale, même si ce chiffre est à rapporter à un total de 83 milliards d'euros. La mise en oeuvre de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a représenté une économie brute de 800 millions d'euros. Toutefois, l'économie nette n'est que de 260 millions d'euros, compte tenu du poids très important des mesures catégorielles. Je crois que nous aurons à peu près les mêmes chiffres en 2011.

On voit donc bien que les marges de manoeuvre sont faibles. Il faudrait que le rapporteur spécial se penche sur le sujet, car il y a une corrélation assez faible entre le poids des mesures catégorielles par ministère et l'effort de productivité requis.

Monsieur le ministre, je vous le dis puisque vous êtes également en charge de la fonction publique, j'ai le sentiment qu'en la matière il y a parfois deux poids, deux mesures et que tous les ministères ne sont pas logés à la même enseigne s'agissant de l'effort de productivité demandé par rapport au retour catégoriel.

Une fois traités tous ces éléments exceptionnels, on a constaté, en 2010, que le solde structurel s'était dégradé. Les recettes spontanées liées à la croissance n'augmentent que de 10 milliards d'euros. Avec une croissance de 1,5 %, on aurait pu espérer mieux. En 2006, par exemple, avec une croissance de 1,9 %, on avait atteint un chiffre de 18 milliards d'euros. On voit donc qu'il y a un effritement du rendement de nos impôts.

Comment ce surplus de recettes a-t-il été distribué ? Un peu plus de 4 milliards ont servi au financement de la dérivée des dépenses liée à l'inflation dans le cadre du « zéro volume », 9 milliards ont été consacrés à la réforme de la taxe professionnelle et 3,2 milliards à des mesures de baisses d'impôts pérennes. À cet égard, je vous rappelle que Didier Migaud indiquait, dans un rapport très intéressant à méditer, que la baisse de la TVA sur la restauration représentait huit années de rendement budgétaire de la mesure de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Résultat : là où on avait 10 milliards, on en a distribué 17.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Après déduction du surcoût de la réforme de la taxe professionnelle, notre solde structurel s'est dégradé, en 2010, de 5 milliards d'euros.

J'en viens à la dette. Si les intérêts diminuent, en revanche la dette augmente. Combien de temps pourrons-nous encore croire que plus l'on s'endette moins cela coûte en intérêts ? Il faut avoir les chiffres à l'esprit : aujourd'hui, avec presque 1 600 milliards d'euros, la dette publique représente 62 000 euros par Français ayant un emploi. Nous devons par conséquent faire preuve de la plus grande vigilance.

Derrière une amélioration incontestable des comptes en exécution pour 2010, monsieur le ministre, se dissimule la fragilité extrême de nos finances publiques. Nous devrons donc aborder le débat d'orientation budgétaire avec une grande ambition,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le présent projet de loi de règlement doit tenir compte d'une loi de finances initiale et de quatre lois de finances rectificatives : la première, relative au grand emprunt, a coûté 35 milliards d'euros ; la deuxième, visant à prêter directement à la Grèce, a mobilisé 4,45 milliards d'euros auxquels il convient d'ajouter 1,9 milliard ; la troisième, devant permettre à la France de prendre sa part dans les mécanismes européens de stabilisation financière, fixait un plafond de garantie de 111 milliards d'euros ; la quatrième, enfin, portait notamment réforme de la taxe professionnelle dont le coût s'est révélé bien plus élevé que celui qui nous était annoncé, à savoir 9,2 milliards d'euros l'année dernière à cause de l'effet de bosse bien connu par les parlementaires qui se sont intéressés à la question. Cet effet disparaîtra au cours des prochaines années pour un coût annuel structurel résiduel de 7 milliards d'euros financés, naturellement, par l'emprunt et cela du premier au dernier euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

Il a bien fallu surmonter l'échec des 35 heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Une loi de finances initiale et quatre lois de finances rectificatives qui n'empêchent pas une photographie préoccupante de l'année 2010, monsieur Fourgous – vous serez sensible aux chiffres que je vais donner, j'en suis certain – : la dépense publique a représenté 56,6 % du PIB, à savoir quatre points de plus qu'en 2007, lorsque la majorité à laquelle vous appartenez a reçu mandat du peuple français de gérer ce pays pendant cinq ans.

La dépense publique a par conséquent considérablement augmenté, plus qu'entre 2002 et 2007 – période au cours de laquelle elle s'était pourtant déjà accrue. Je rappelle qu'en 2002 elle ne dépassait pas 52 % du PIB. Elle augmente donc continûment depuis 2002, en raison inverse, pourrait-on dire, des professions de foi que les députés de la majorité et le ministre prononcent du haut de la tribune de l'Assemblée ou en dehors de cette enceinte. Elle évolue en raison inverse, même, de votre détermination puisque jamais cette dépense publique ne fut aussi élevée que l'année dernière.

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, alors qu'ils devaient baisser, ils augmentent à un niveau proche de celui de 2007. Après une baisse relativement modeste, ils sont à nouveau élevés pour atteindre en 2012 un niveau strictement identique à celui de 2007 et pour, même, le dépasser en 2013. Puis-je vous rappeler que les prélèvements obligatoires auront augmenté au cours de cette mandature alors que Nicolas Sarkozy, candidat, avait pris l'engagement de les faire baisser de quatre points ?

Une loi de finances initiale, quatre lois de finances rectificatives et des promesses non tenues aboutissent à des déficits des plus préoccupants.

Le déficit du budget de l'État aura été, l'année dernière, de 148,8 milliards d'euros contre 138 milliards en 2009. Le solde primaire se dégrade également puisqu'il atteint 110 milliards d'euros contre 92 milliards l'année précédente. Cela signifie qu'avant même d'avoir à rembourser les intérêts de la dette, l'État est obligé d'emprunter pour assurer environ un tiers de son fonctionnement ! Il faut ensuite s'endetter davantage encore pour s'acquitter du service de la dette.

Le déficit public de l'État représente cinq points de PIB, soit une aggravation de 0,2 point. Ce déficit, toutes administrations confondues, est de 5,2 % du PIB, aggravation exclusivement due à l'État si l'on retient une élasticité unitaire des recettes fiscales à la croissance, ce qui est la tendance à long terme.

La situation s'est donc encore dégradée l'année dernière à tous égards : emploi, déficit public, position de la France en Europe. Notre situation est en effet bien peu enviable si on la compare à celle de nos principaux partenaires. On peut douter des affirmations de ceux qui prétendent que la France a bien résisté à la crise quand on constate les conditions de sortie de crise.

La dette de l'État a augmenté de 81 milliards d'euros en 2010, ce qui finit par faire beaucoup. L'Agence France Trésor en est d'ailleurs le fidèle témoin puisque, l'année dernière, jamais elle n'a dû émettre d'emprunts à moyen et long termes pour un volume aussi important, à savoir près de 211 milliards d'euros – le record est battu –, avec une tendance préoccupante car les trois années précédentes, l'endettement de la France bénéficiait de taux courts très favorables, ce qui a permis l'apparent paradoxe souvent relevé par le rapporteur général : plus nous nous endettons, moins nous remboursons d'intérêts. Or cette période est révolue.

L'Agence France Trésor est en train, à raison, de réorienter la structure de la dette française vers le moyen et le long terme. La dette comptait un peu plus de 8 % d'emprunts à court terme en 2007 pour passer à 18 % quelques années plus tard ; nous revenons en 2011 à un peu plus de 15 % d'emprunts à long terme. Néanmoins, la durée moyenne de ces emprunts est historiquement élevée : sept ans et deux mois alors qu'elle était, en 2010, de six ans et dix mois.

Ce paramètre montre, s'il en était besoin, l'extraordinaire dégradation des finances publiques, monsieur le rapporteur général, une dégradation qui a bien sûr résulté non seulement de la crise, mais aussi – en la matière la Cour des comptes a joué le rôle de juge de paix entre majorité et opposition – des politiques que vous avez menées, tant il est vrai que si vous n'avez pas su protéger la recette fiscale, vous avez en revanche su dépenser.

En effet, la dette résulte de l'insuffisante protection de nos ressources fiscales, mais également d'une dépense qui n'a pas été maîtrisée. Le rapporteur général a cité le chiffre de la Cour des comptes : une année de baisse de la TVA dans la restauration – notre collègue Novelli a probablement quitté l'hémicycle car il ne supporte plus de l'entendre –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je le retire si vous trouvez cela trop facile, monsieur Chartier.

Une année de baisse de la TVA dans la restauration représente huit années de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Avec des politiques de cette nature, nos finances publiques ne peuvent que se dégrader.

Quant à la masse salariale de l'État, je ne puis hélas que souscrire à votre diagnostic, monsieur le rapporteur général : elle n'est pas contrôlée, nous le savons depuis la publication du rapport spécial de la Cour des comptes. Le présent texte ne fait que confirmer que la masse salariale de l'État se dégrade nonobstant le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux que je viens d'évoquer ; cela au prix d'une réelle désorganisation de certains services de l'État, qu'ils soient centraux ou déconcentrés.

Cette situation n'est par conséquent pas très favorable pour les finances publiques alors que la reprise économique aurait dû permettre à la France une sortie de crise plus satisfaisante. Or ce ne sera pas le cas, mes chers collègues, parce que, parmi les projets annoncés, aucun n'autorise une quelconque espérance.

Vous soutenez, monsieur le ministre, que les politiques menées ont permis à la France de bénéficier d'une croissance soutenue en 2010. C'est sans doute le cas à vos yeux, reste que la croissance a été inférieure à la croissance moyenne de la zone euro puisque, en France, elle s'est élevée à 1,5 % contre 1,8 % pour la zone euro – je n'évoque même pas l'Allemagne dont la croissance s'est révélée deux fois plus forte que la nôtre.

L'atonie de la croissance économique démontre, s'il en était besoin, que la politique économique menée au début de la législature n'a pas produit l'effet annoncé, raison pour laquelle, sans doute, la majorité revient progressivement sur chacune des mesures adoptées. C'est vrai de la déductibilité des intérêts d'emprunts, une mesure qui a coûté 2 milliards d'euros l'année dernière et qui sera aussi onéreuse cette année puisqu'il faudra bien que l'État honore sa parole. C'est vrai aussi pour le bouclier fiscal, même si sa suppression induit par ailleurs un coût préoccupant : une des principales recettes a été abrogée par le Sénat et devrait être compensée par une augmentation des droits de partage. Aussi cette réforme ne sera-t-elle pas financée par ceux qui bénéficiaient du bouclier fiscal ou qui payaient l'ISF, à moins d'imaginer que tous ceux qui paient des droits de partage sont éligibles à l'ISF ou bénéficient du bouclier fiscal, ce qui n'est évidemment pas le cas. L'ensemble des divorces devra donc financer cette réforme qui n'aura bénéficié qu'à quelques-uns.

Ce projet de loi de règlement des comptes, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur général, est le dernier du genre. Il soldera, d'une certaine manière, les comptes de la législature – des comptes très préoccupants parce que les pouvoirs publics et la majorité auront dû affronter la crise, mais préoccupants surtout parce que fondés, dès le début de la législature, sur une analyse économique qui s'est révélée erronée. Baisser les impôts, encore et toujours, n'était pas la meilleure façon pour la France de bien s'insérer dans la compétition internationale. J'en veux pour preuve la situation du commerce extérieur : il était déficitaire de 25 milliards d'euros en 2005, puis de 45 milliards en 2007, enfin de 50 milliards environ en 2010. Et, cette année, le montant du déficit a battu un record historique : 7 milliards d'euros pour le seul mois d'avril. Si Mme Lagarde part au FMI, elle qui s'occupe du commerce extérieur depuis 2005, ne pourra se prévaloir, au moins sur ce plan-là, d'un bilan vraiment flatteur, c'est le moins que l'on puisse dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Voilà les quelques éléments que je souhaitais, monsieur le ministre, mes chers collègues, livrer à votre réflexion. J'espère que la commission mixte paritaire relative à la dernière réforme fiscale de la législature tranchera avec ce qui est devenu une tradition, à savoir la règle selon laquelle toutes les réformes fiscales examinées auront été financées par l'endettement, du premier au dernier euro. J'ignore si les uns et les autres obtiendront le gain politique espéré, je suis en revanche certain que l'état de nos finances publiques l'exige. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le ministre, exception faite du discours du président de la commission des finances, le vôtre et celui du rapporteur général ont été très lénifiants.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Avez-vous bien dit « lénifiants » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oui, monsieur le ministre, j'ai dit non pas « léninistes », mais bien « lénifiants ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous n'avez pas à confondre, monsieur Fourgous, il vous suffit de prendre votre dictionnaire, vous qui bûtes du lait montreuillois auquel vous êtes particulièrement infidèle aujourd'hui, ce que vous regretterez, je l'espère, dans l'au-delà et jusqu'à la fin des temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, on me demande de ne pas interpeller mes collègues, mais je viens moi-même d'être interpellé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le rapporteur général a égrené les lignes du budget un peu comme les vieilles bigotes égrènent leur chapelet. Mais, à la fin, on n'est pas du tout plus avancé qu'au début.

Vous nous avez assurés de la réussite totale du plan de relance. On se demande ce qui serait arrivé en cas d'échec. Enfin, tout va bien.

Heureusement, à propos de la Grèce, le président de la commission des finances s'est montré beaucoup plus précis que vous en évoquant un prêt. Vous savez bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, que vous aidez non pas la Grèce mais ses créanciers : les banquiers français, allemands et suisses, sans oublier les marchands d'armes allemands et français. En envoyant quelques milliards au gouvernement grec, vous permettez surtout aux banquiers et aux marchands d'armes de rentrer dans leurs sous, mais vous n'aidez pas du tout le peuple grec que vous contribuez au contraire à plumer.

Nous devons ici dresser le bilan de l'exercice budgétaire de l'année 2010. Ce bilan, le neuvième d'une période toute UMP depuis 2002, le quatrième d'un gouvernement tout sarkozyste, nous offre un bien triste spectacle. C'est celui d'une France livrée en pâture aux diktats des financiers, des marchés comme vous dites, celui d'une France asservie par l'intérêt de quelques privilégiés, celui d'une France aux services publics amputés.

Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous vous vantiez du nombre d'emplois supprimés. Je ne sais pas si votre emploi du temps vous laisse quelques loisirs, mais je sais que, de temps en temps, vous rentrez à Troyes. Je vous recommande de ne pas prendre l'autoroute. Parce que quand vous prenez l'autoroute, vous voyez certes les péages, mais vous ne voyez pas la France profonde, là où, aujourd'hui, dans le moindre village, flottent au vent des banderoles qui protestent contre les fermetures de classes. Quel est le collègue de l'UMP qui oserait dire le contraire ? La preuve, c'est que même le Président de la République, de façon complètement hypocrite, a décidé de geler les fermetures de postes d'enseignants jusqu'à l'élection présidentielle. Et il faudrait que les Français soient bien jobards pour croire à la réalité de cette promesse dès lors que l'échéance sera dépassée, si, par malheur pour nous, le Président de la République était réélu.

La France dont nous parlons, nous, c'est la France des salariés et retraités méprisés. C'est la France à l'égalité et à la fraternité constamment bafouées par vos politiques. On croirait assister, peu à peu, à une métamorphose de notre République française en oligarchie. Eh oui, monsieur Jean-François Lamour ! Vous qui êtes un spécialiste du sabre, vous avez probablement recommandé à Nicolas Sarkozy de sabrer les finances publiques. La différence est que votre sabre vous a permis de remporter une médaille pour la France, alors que celui du Président de la République est en train de faire sombrer notre pays.

Non content de saper les fondements de la société française, votre gouvernement nous accable d'un déficit historique. Il est définitivement chiffré, pour l'année 2010, à 148 milliards d'euros, alors qu'il devait être de 117,4 milliards selon la loi de finances initiale. Triste record ! Monsieur le ministre, vous avez voulu être bref et synthétique – certainement pour ne pas nous accabler de discours –, et vous en avez oublié l'essentiel, qui est que vous n'avez pas réduit mais aggravé le déficit.

Le rapporteur général du budget, qui est un élu de la banlieue parisienne, où l'on sait ce que parler veut dire et où l'on connaît le sens des mots, n'a pas parlé de déficit. Il a parlé de « dégradation du solde structurel ». Allez donc voir Mme Michu à la sortie de la boulangerie, par exemple à Troyes, monsieur le ministre, et demandez-lui ce qu'est la « dégradation du solde structurel ». Si vous lui demandez si le pain est bien cuit ou pas, elle saura vous répondre. Mais je suis sûr que, dans le cas d'espèce, le langage du rapporteur général est complètement abscons. Et d'ailleurs, c'est son but : surtout, ne pas faire comprendre la réalité de la politique du Gouvernement, mais continuer l'enfumage.

Il ne faut pas faire mystère sur l'origine de la dette. La dette n'est pas tant un problème de dépenses qu'un problème de ressources. Elle est la résultante de votre politique de cadeaux faits aux plus fortunés. À cet égard, monsieur le ministre, je vous reposerai tout à l'heure la question que je vous ai posée à vingt-deux reprises.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Ah oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vois que vous savez de quoi je veux parler. Oui, je vous ai interrogé à vingt-deux reprises au sujet de Mamie Liliane. J'y reviendrai tout à l'heure, afin de vous laisser du temps pour préparer la réponse.

Une politique clientéliste ne doit pas fonder une doctrine fiscale. Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, n'a pas dit autre chose en présentant, le 22 juin dernier, le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il disait : « L'impact sur les comptes publics de réformes telles que la RGPP ne doit plus être annulé par de coûteuses baisses d'impôts : même s'il s'agit de mesures de natures différentes, le coût de la baisse de la TVA sur la restauration équivaut budgétairement aux économies permises par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État pendant huit ans. »

J'ai bien vu, monsieur le ministre, lors de mes précédentes interventions, que vous n'étiez pas un grand familier des théories de Marx, d'Engels ou des « économistes atterrés ». Je vous remettrai à l'occasion d'une prochaine séance une version en manga des oeuvres de Marx. Il s'agit de vous en faciliter la lecture, pour que vous maîtrisiez enfin ces concepts fondamentaux de l'économie politique. Et je vois que je vais être obligé, sur mes propres deniers, d'en acheter un deuxième exemplaire pour Jean-François Lamour, puisque je mesure combien sa curiosité s'éveille à l'économie politique. Vous l'avez lu, monsieur le ministre ? Mais alors, permettez-moi une question impertinente. Vous l'avez lu, c'est bien, mais l'avez-vous compris ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Pas de la même manière que vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Parce que si vous l'avez lu mais que vous ne l'avez pas compris, cela ne nous avance pas beaucoup. Mais alors, bénévolement, je vous propose de vous faire une explication de texte à titre particulier.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Est-ce bien nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais bien sûr que c'est nécessaire ! Parce que, quand je vois les propositions que vous faites, je me dis que vous avez des marges de progression pour traduire les concepts dans la réalité.

Mais afin de ne pas vous indisposer, je vais faire référence à un économiste que vous préférez sans doute aux « économistes atterrés ». Il s'agit de Milton Friedman, qui a dit : « Si les dépenses s'élèvent à 2 000 milliards et les rentrées fiscales à 1 500 milliards, qui donc paie les 500 milliards de différences, une fée ou le père Noël ? »

Grâce à l'UMP nous avons la réponse. Il suffit de modifier quelques chiffres et la question sera adaptée à la situation française. Ce n'est ni une fée ni le père Noël, les 148 milliards de déficit sont payés par les Français les plus pauvres et les plus précaires, par ceux qui n'ont que leurs salaires acquis à force de travail, leurs maigres retraites, pour survivre et leurs yeux pour pleurer lorsque les factures s'amoncellent.

La diminution du montant des retraites, le déremboursement des médicaments, la réduction drastique du nombre de fonctionnaires, les fermetures de services publics, la diminution du nombre de policiers, ou l'augmentation des tarifs de l'énergie sont pour vous autant d'occasions de faire payer aux Français les errements de votre politique.

Vous ne faites rien pour combler les inégalités et vous allez même jusqu'à les accentuer. Le RPR de Jacques Chirac – dont vous étiez très proche, monsieur le ministre, dans une jeunesse qui n'est pas si lointaine – était le découvreur de la « fracture sociale ». L'UMP de Nicolas Sarkozy est le créateur de la « facture fiscale ». On prend aux plus pauvres pour payer les cadeaux fiscaux que l'on fait aux privilégiés de la naissance et de l'argent.

Ce renversement de la charge de l'impôt des pauvres et des classes moyennes vers les plus fortunés est mené au mépris de nos principes constitutionnels. Je n'en veux pour preuve que l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui prévoit, je le rappelle à l'attention de nos collègues de l'UMP, qui l'ont oublié : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». La répartition de l'impôt en fonction de la faculté contributive de chacun est passée sous les fourches caudines de votre politique partisane.

Je tiens à rappeler que depuis 2002, la dette de la France a grossi de 700 milliards d'euros, ce qui signifie que 43 % du montant total de la dette actuelle est directement imputable à la gestion de l'UMP sur les huit dernières années. Vous êtes loin d'avoir géré la France à la manière d'un bon père de famille. Le bouclier fiscal, la réforme de l'ISF, la modification des droits de succession, la loi TEPA, ou bien encore la niche Copé, ce sont ces mesures qui ruinent la France et qui expliquent le déficit et la dette.

D'autres mesures participent également à creuser le déficit de notre pays. C'est le cas des nombreuses privatisations que vos gouvernements ont faites. Le cas le plus éloquent est certainement celui de la privatisation des sociétés d'autoroutes de 2002, 2004 et 2005. Vous avez préféré vendre immédiatement au rabais ces sociétés aux grands groupes du BTP, plutôt que de percevoir de manière certaine le quadruple de la somme en attendant la fin des concessions. C'est ce qui s'appelle privatiser les profits.

Ce type de politique est en oeuvre à grande échelle aujourd'hui en Grèce. Tout est bon pour piller le pays. Après la cession d'une partie du port du Pirée, va-t-on assister à la vente sur eBay du Parthénon, monsieur le ministre ? Les plans drastiques d'austérité et de privatisation conduisent l'État grec vers une faillite certaine. Les biens qui assuraient les plus grandes recettes ayant été cédés au privé, vous ne réservez au peuple grec que de la misère et du désespoir.

Les politiques d'austérité menées à grande échelle sur la planète hypothèquent l'avenir. L'ONU, dans son rapport annuel sur la situation sociale dans le monde, confirme cette analyse en écrivant : « Les mesures d'austérité prises par certains pays comme la Grèce et l'Espagne face à un endettement public excessif menacent non seulement l'emploi dans le secteur public et les dépenses sociales, mais rendent la reprise plus incertaine et plus fragile ».

On remarquera également que la politique d'austérité n'a qu'une cible, la réduction des dépenses publiques directement utiles à nos compatriotes. Dès lors qu'il s'agit de mener des coupes claires, il apparaît hors de question de rogner sur les dépenses militaires, il n'est personne pour s'y atteler. Cela s'est vu en Grèce, pays où 2,8 % du PIB sont consacrés aux dépenses militaires, soit le deuxième ratio le plus élevé de la planète, derrière les États-Unis. Et cela s'observe également en France, où des troupes sont engagées en Afghanistan au moins jusqu'à l'été 2014, et en Libye, où vous venez d'entamer une action militaire – dans laquelle nous sommes de plus en plus seuls – pour la modique somme de 1 million d'euros par jour.

Votre majorité dilapide donc l'argent public par l'octroi de cadeaux entre amis, mais elle accompagne, de surcroît, cette politique de mesures d'austérité. Vous cherchez, c'est votre croisade, à réduire peu à peu le rôle de l'État à celui d'un raisin sec, ce qui fragilise les ménages en difficulté.

Vous pensez que déréguler, privatiser, financiariser l'économie et amoindrir le rôle de l'État, c'est faire preuve de modernité, et vous y voyez matière à autosatisfaction. En fait, il n'en est rien. Marx disait – écoutez bien, cela va compléter votre culture générale : « Ce qui distingue l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. » Vous voyez qu'il y a là matière à réflexion. Ce serait un bon sujet de philosophie pour le prochain baccalauréat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oui, ils ont le sujet pour l'année prochaine. Je suis content d'avoir le soutien de notre collègue Jean-François Lamour. Cela ouvre de grandes perspectives pour le futur. Je parle de vos évolutions à vous, bien sûr, monsieur Lamour. Je vois que vous cherchez la reconversion, et une terre d'accueil.

Votre politique, monsieur le ministre, n'est qu'un énième rejeton des politiques néolibérales menées, entre autres, par Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, dont on peut voir les conséquences sociales et économiques désastreuses en Angleterre ou en Irlande.

Depuis 2007, vous n'avez eu que le mot « réforme » à la bouche. Savez-vous ce que disait Jaurès, monsieur le ministre ? Et je sais que vous êtes un homme cultivé, vous. Ce n'est pas le cas de tout le monde au Gouvernement, comme vous le savez. Je vois votre sourire approbateur. J'aurai la charité de ne pas citer de nom, parce que je vous mettrais en difficulté, n'est-ce pas ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Ce n'est pas le sujet, surtout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oui, oui, « ce n'est pas le sujet ». On s'en sort comme on peut ! J'apprécie toujours votre habileté à vous maintenir en équilibre sur le fil de funambule où vous excellez sans cesse.

Jaurès, donc, disait que « toute réforme ne vaut que comme degré vers le but suprême ». Je suis sûr que vous êtes d'accord avec cela, monsieur le ministre. Et le but suprême que vous poursuivez est pervers. La preuve en est vos réformes marquées du sceau de l'inégalité !

Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 en est la preuve criante. La suppression du bouclier fiscal, qui va rapporter, seulement dans deux ans, 700 millions d'euros, n'est qu'une manoeuvre médiatiquement habile pour redonner, sous la table 1,8 milliard d'euros aux plus riches ! Je le répète parce que nos discours, ici, n'ont qu'une utilité : percer le mur du silence, pas seulement pour ceux qui sont dans les tribunes, mais aussi pour ceux qui nous regardent sur internet et ailleurs. Et les journalistes n'ont pas compris, lors du dernier débat, la façon dont cela se déroule.

Alors, pour la vingt-troisième fois, monsieur le ministre : est-il vrai que Mamie Liliane va toucher le jackpot, et que grâce à l'application immédiate de la réforme de l'ISF, plus la suppression du bouclier fiscal différée de deux ans, elle ne paiera que 10 millions d'impôts en 2012 au lieu de 40 millions cette année ? Allez-vous répondre à ma vingt-troisième interpellation, ou par votre silence, allez-vous confirmer combien vous êtes loyal et dévoué à cette vieille Mamie qui devrait vous être bien reconnaissante ?

Mes chers collègues, Nicolas Sarkozy et son Gouvernement, confits dans le dogme libéral, ont entrepris une démolition minutieuse et systématique de nos services publics. Au nom de la nouvelle religion d'État, l'exclusion du déficit, le Gouvernement s'arroge tous les droits pour mener sa politique de casse et de classe.

Ceux qui souffrent de la disparition de nos services publics, ce sont non pas les nantis, auxquels vous obéissez au doigt et à l'oeil, mais bien les petites gens et les classes moyennes qui utilisent tous les jours les services collectifs.

Cessez de prendre les Français pour des imbéciles ! Ils se rendent compte que le contrat social, base de notre société démocratique, est quotidiennement bafoué par la majorité actuelle. Ils s'en rendent compte quand les classes de leurs enfants ferment ou quand il n'y a personne pour remplacer un professeur malade. Ils s'en aperçoivent lorsqu'il n'y a pas de lit disponible dans les hôpitaux pour les accueillir ou lorsque des services hospitaliers ferment. Ils le subissent lorsque pour déposer une plainte, le tribunal le plus proche est à une heure de route, ou lorsqu'il n'y a plus de bureau de poste dans leur village.

Vous violez sciemment les fondamentaux mêmes de la République en menant une politique en faveur des privilégiés. Le 4 août 1789, les constituants ont abrogé les privilèges. Voilà qu'en quatre ans de régime sarkozyste, sa Majesté a réussi à en instaurer de nouveaux ! Monsieur Chartier ne dit plus rien, parce qu'il sait bien que c'est vrai, et qu'il a du mal à assumer ses votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je vous trouve surtout très long ! Il y a trop de digressions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est parce que je vous tends le miroir, afin que vous puissiez vous y voir. J'entends bien, monsieur Chartier, que vous finissez par vous faire peur, et vous prenez conscience de la cruauté de la politique que vous soutenez fidèlement.

De quel droit voulez-vous conditionner l'octroi du RSA à un travail d'intérêt général non rémunéré ? Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que l'esclavage a été aboli en 1848 ! À l'inverse, lorsqu'il s'agit des puissants, vous n'avez pas hésité à sauver les banques en leur prêtant vingt milliards d'euros. Aujourd'hui, les banques spéculent sur les dettes souveraines des États membres de l'Union européenne et mettent à genoux les peuples d'Europe. Vous n'avez pas hésité non plus à accorder une aide de trois milliards d'euros à PSA lorsque son carnet de commandes a fortement diminué. Aujourd'hui, PSA, après avoir donné – paraît-il – des garanties à vous et à M. Besson, vient de refuser de s'engager pour maintenir le site d'Aulnay.

Autre exemple de l'injustice de votre politique : lors des débats sur la réforme de l'ISF, un amendement que j'avais déposé, et Mme Brunel avait déposé le même, visait à faire débuter l'assujettissement à l'ISF à partir de un million d'euros. M. le rapporteur général a osé nous répondre : « Ce serait vraiment mesquin de conserver une première tranche pour des contribuables obligés de faire une déclaration pour payer 300 euros d'impôts » ! Il faut avoir un sacré culot pour dire des choses pareilles.

En revanche, monsieur le rapporteur général, vous n'avez pas hésité une seconde à rétablir un abattement de 300 euros par enfant à charge pour les assujettis à l'ISF. Ces millionnaires auraient les moyens de rouler en Ferrari ou en Porsche, mais pas de payer 300 euros d'impôts en plus ! On comprend maintenant pourquoi votre compère Charles Amédée de Courson les qualifiait dernièrement de « pauvres riches ». Ce coup de pouce, cette mesure que vous avez qualifiée de justice familiale, vous n'avez eu aucun état d'âme pour l'accorder à vos amis, mais cela vous arrache le coeur de le faire pour les familles qui subissent les gênes de votre politique et les privations.

Écoutez bien, mes chers collègues, de l'argent il y en a, beaucoup même ! Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un rapport d'octobre 2010, a évalué à 66 milliards d'euros le coût des niches sociales bénéficiant aux entreprises. À côté de cette somme, les huit milliards consacrés au RSA, qui permettent à plus d'un million de foyers de vivre, paraissent dérisoires.

Vous voulez nous faire croire qu'il n'y a pas d'argent pour le financer, mais la réalité est que vous ne voulez pas toucher au pactole de vos amis. Et pourtant, il est urgent d'aller le chercher. Et je crois pouvoir dire que lorsque la gauche reviendra au pouvoir, l'année prochaine j'espère, nous serons de ceux qui pousseront pour aller chercher cet argent qui dort dans les coffres-forts, ou plutôt qui fructifie sur les marchés. M. Lamour connaît de tels cas dans sa circonscription.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

ChezM. Giscard d'Estaing, alors ? Si vous le dites, vous vous connaissez mieux que moi, j'apprécie que vous ne vouliez pas assumer la politique en faveur des riches de votre Gouvernement et que vous passiez l'oursin à M. Giscard d'Estaing qui, j'en suis sûr, apprécie beaucoup votre délicatesse ! (Sourires.)

À chaque réforme que vous avez entreprise, vous n'avez eu de cesse d'expliquer aux Français qu'il n'y avait pas d'autres solutions. Un auteur que vous devez apprécier tout autant que moi, monsieur le ministre, parce qu'il maniait à la perfection les imparfaits du subjonctif, et parce qu'il écrivait des choses fortes, Romain Rolland a écrit : « La fatalité, c'est l'excuse des âmes sans volonté ».

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Très joli !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas seulement joli ; c'est profond, c'est vrai, c'est révolutionnaire. Je comprends que vous ayez tout de suite le grand frisson.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Je ne le voyais pas là ! (Sourires)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais on peut le voir dans beaucoup d'endroits ! J'imagine que pour les milliardaires, la perspective que nous venions au pouvoir avec les autres forces de gauche, armés de propositions fortes, provoque le grand frisson. Nous pensons qu'une autre politique est possible, une politique sociale, économique et écologique, plus juste et au service de l'intérêt général.

Afin de sortir de la faillite du système actuel, soutenu et mis en oeuvre par l'UMP et ses amis les puissants, la seule question qui vaille est la suivante : faut-il rafistoler le système, ou faut-il rompre avec celui-ci ?

Dans l'immédiat, des mesures urgentes doivent être prises : contrairement aux dires de M. Fillon, ce ne serait pas une erreur économique d'augmenter le SMIC. À croire que Matignon et la ville de Sablé-sur-Sarthe sont isolés du reste de la France. Quel mépris de la condition salariée ! Cette déclaration du Premier ministre est une insulte à l'égard du peuple français. Des salariés et des familles entières n'ont pour se loger, se nourrir, se vêtir que le SMIC. Ce SMIC est d'un montant de 1 070 euros. Avec un tel revenu, on ne vit pas, on survit.

Les personnes qui ont de faibles ressources consacrent l'intégralité de leurs revenus à la consommation et à leurs loyers. Cet argent participe donc au fonctionnement de notre économie, ce qui n'est pas le cas de celui des grandes fortunes qui placent leur argent en bourse et alimentent la spéculation financière. La vraie faute économique, c'est la politique fiscale du Gouvernement, ce n'est certainement pas d'augmenter immédiatement le SMIC à 1 600 euros comme le Front de gauche le propose dans son programme.

Il est également urgent de créer une agence publique de notation européenne comme le préconisent « les économistes atterrés ». Nous devons nous libérer du joug des agences Fitch, Moody's et Standard & Poor's, qui, on ne sait sur quels critères, dégradent les notes de solvabilité des États européens. Ces agences, détenues par les puissants de la finance tels Warren Buffett ou Marc Ladreit de Lacharrière, sont financées directement par les banques et leurs gros clients. Or, ce sont ces mêmes banques qui profitent actuellement des difficultés de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne.

Nicolas Sarkozy, en 2008, a feint de s'attaquer au problème, lorsqu'il disait : « Les agences de notation doivent être sanctionnées, car elles n'ont pas fait leur travail ». Qu'a-t-il fait dans ce sens ? Il a décoré en 2010 Marc Ladreit de Lacharrière, l'actionnaire majoritaire de Fitch, de l'Ordre national de la Légion d'honneur. Voilà comment le Président de la République punit les coupables, les fautifs, les incompétents, les incapables ! Oui, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas l'ignorer, puisque cette décoration a dû être remise sur votre contingent, peut-être sans vous demander votre avis : les relations amicales, il les règle lui-même. Vous voyez, il y a des choses scandaleuses !

Mes chers collègues, 93 % des produits notés AAA en 2006 et 91 % de ceux de 2007 ont été dégradés depuis au statut de créance pourrie. Cela devrait vous faire réfléchir sur les agences de notation et sur les amitiés coupables du Président de la République.

L'augmentation du SMIC et la création d'une agence publique de notation européenne sont des exemples de mesures qui peuvent être mises en oeuvre immédiatement.

Monsieur le ministre, le système que vous placez sur un piédestal n'est ni plus ni moins que la négation de notre devise républicaine. Entre rafistoler et rompre avec le système, notre groupe choisit de rompre. Le sujet n'est pas d'améliorer la situation actuelle ; c'est d'en sortir.

Je dirai simplement que notre pays a le rayonnement, le poids historique et le poids politique pour être à l'initiative. Tout cela est une question de choix politiques, comme le disait Romain Rolland, il est clair, monsieur le ministre, que nous ne faisons pas les mêmes choix que vous. Les Français le savent, et vous le signifieront le moment venu. En attendant, je vous demande, mes chers collègues, de voter notre motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés écologistes voteront cette motion de procédure queJean-Pierre Brard a défendue en l'émaillant de quelques citations, toujours bienvenues pour nous divertir sur un sujet difficile, et même pénible au regard de la situation des finances publiques dans notre pays, qui ne cesse de se dégrader depuis quatre ans. Bien sûr, la crise est passée par là, mais elle a bon dos.

Tous les rapports de la Cour des comptes, que l'on ne peut soupçonner de partialité, montrent qu'en réalité largement plus de la moitié du déficit public est imputable à différentes mesures prises en loi de finances et notamment celles de baisse de recettes, ce que l'on appelle un peu trivialement parfois les cadeaux fiscaux. Jean-Pierre Brard a bien rappelé à quel point ces cadeaux fiscaux étaient ciblés sur ceux qui en avaient pourtant le moins besoin – sur les plus hauts revenus, les plus gros patrimoines. Ces cadeaux ont été faits sans discontinuer. C'est un fil conducteur très fort de la politique budgétaire et fiscale menée depuis 2007.

Il s'agit d'une politique totalement irresponsable, que nous avons dénoncée à plusieurs reprises. Jean-Pierre Brard a eu raison d'évoquer la Grèce, dont la situation est terrifiante. Nous voulons espérer que la France n'en est pas encore là. La Grèce a mené une politique irresponsable pendant des années. C'est un pays où la fraude fiscale est tolérée à grande échelle et où l'on fait payer la facture à ceux qui disposent des plus petits revenus, des plus petites retraites, des petits salaires.

Jean-Pierre Brard a rappelé que Jacques Chirac, avant d'être Président de la République, avait fait de la fracture sociale un thème de campagne et aujourd'hui nous devons malheureusement payer la facture fiscale. Il est d'autant plus inacceptable qu'elle soit réglée par celles et ceux qui ont de petits moyens, de petits revenus, des petits patrimoines, lorsqu'ils en ont, des petites retraites, des petits salaires…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

C'est d'autant plus pénible que la fracture sociale n'a pas disparu. Au contraire, elle a été aggravée par cette politique. Nous y reviendrons au cours du débat. C'est pourquoi nous appelons à voter la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Que dire sur cette motion de rejet préalable défendue par M. Brard, sinon qu'une fois de plus, il est allé de digression en digression ; tout cela, nous l'avons bien compris, pour user le temps.

Nous parlons de la loi de règlement. Je veux bien qu'il puisse un peu anticiper sur le débat d'orientation budgétaire, mais d'abord, il n'a surpris personne par ses propos, ensuite, il n'a convaincu personne et je crois qu'il s'en est rendu compte depuis longtemps. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois, en tout cas je le souhaite pour lui, compte tenu de l'utilité de nos débats et de l'humour dont il fait preuve.

L'ensemble des investissements français réalisés en 2010, en termes d'augmentation des marges de manoeuvre des entreprises, mais aussi en termes d'achèvement de la stratégie fiscale de la France, constitue une véritable performance. La croissance a ainsi pu être relancée de façon durable et structurée, à la fois par l'investissement des entreprises, par la relance de la consommation et par l'augmentation du pouvoir d'achat fondée sur la revalorisation du travail. Certes, cette stratégie s'est traduite par une augmentation de l'endettement, mais, comme l'ont dit le président Cahuzac et le rapporteur général, c'est l'endettement le moins cher de toute l'histoire de France récente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ensuite, monsieur Brard, c'est aussi un endettement qui, s'il a été le plus élevé, a comme d'habitude, été sursouscrit, ce qui signifie que les investisseurs mondiaux continuent à avoir confiance dans la France, parce que notre pays a une stratégie incontestable, qui se vérifie tous les jours, une stratégie que nous comptons poursuivre dans les années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Au-delà de la présentation, toujours aussi haute en couleur et cultivée de notre collègue Jean-Pierre Brard, nous partageons son analyse sur cette dernière loi de règlement présentée par la majorité.

Les finances publiques s'amélioreraient, mais seraient fragiles, selon le rapporteur général. Nos marges de manoeuvre sont faibles et nous constatons une nouvelle dégradation du solde structurel avec une dette qui s'envole, une masse salariale non contrôlée et une aggravation du fonctionnement des services publics – baisse du nombre de fonctionnaires dans les écoles, la police, etc. –, des promesses fiscales non tenues et une analyse de la situation économique erronée. Le constat est accablant avec une dette de 62 000 euros par emploi, un effort qui pèse sur les plus modestes de nos concitoyens et des cadeaux aux plus aisés.

Le groupe SRC ne peut que partager l'analyse qui motive le dépôt de la motion de rejet préalable sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010, présentée par Jean-Pierre Brard. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, l'exécution budgétaire de 2010 s'est achevée par un déficit du budget de l'État de 148,8 milliards, supérieur de 10,8 milliards à celui de 2009 et de 31,4 milliards à celui prévu par la loi de finances initiale. Comme le rappelle la Cour des comptes, ce déficit représente presque la moitié des dépenses nettes du budget général et la somme des trois plus importantes missions du budget général : « Enseignement scolaire », « Recherche et enseignement supérieur », « Défense ».

J'interviendrai sur cinq points.

Premier point : un déficit structurel historique. Le rapport de la Cour des comptes montre que sur les 140 milliards de déficit de 2010, 100 milliards sont d'origine structurelle. Cela correspond d'ailleurs à l'évaluation réalisée par vos services, monsieur le ministre, puisque vous évaluez le déficit structurel des administrations publiques à cinq points de PIB. Cela signifie que dans les 140 milliards de déficit, 40 sont dus à la crise et 100 milliards aux politiques suivies. S'il n'y avait pas eu la crise, si la croissance avait été égale à la croissance potentielle de l'économie, le déficit de 2010 serait tout de même de 100 milliards d'euros. Ce déficit est malheureusement historique, il n'a jamais été observé depuis que l'on dispose d'une comptabilité de l'ensemble des administrations publiques. Nous savons d'où vient ce déficit structurel. Il résulte, pour l'essentiel, des 70 milliards d'allégements fiscaux réalisés depuis 2002, 40 milliards depuis 2007, en grande partie d'ailleurs pour nos concitoyens les plus fortunés. Ces allégements fiscaux ont été entièrement payés à crédit

La comparaison avec le reste de l'Europe est éclairante : notre déficit atteint 7,1 % du PIB en 2010, quand celui de la zone euro hors France est de 5,8 % et celui de l'Allemagne de 3,3 % du PIB. La raison est claire. Si l'Allemagne n'est pas aujourd'hui très loin des 3 % et si elle y reviendra facilement, c'est simplement parce qu'elle a réduit ses déficits pendant la période de croissance qui précédait la crise. Je rappelle – j'ai déjà eu l'occasion de le faire plusieurs fois, lors de débats budgétaires – que la France et l'Allemagne avaient en 2005 le même déficit. Le déficit allemand était même un petit peu plus élevé en pourcentage du PIB.

L'Allemagne a ramené son déficit à zéro en 2008 ; la France l'a laissé dériver. Elle était en déficit excessif avant d'aborder la crise. C'est la raison pour laquelle notre déficit est aujourd'hui de 7 points de PIB, dont cinq points de déficit structurel.

Dans la période de croissance qui précédait la crise, la plupart des pays européens ont réduit leur déficit. Je rappelle qu'entre 2002 et 2008, l'économie mondiale a connu sa plus forte croissance des vingt-cinq dernières années. La France est restée un peu à l'écart de cette croissance, en raison d'une politique qui n'a pas produit les effets que certains proclamaient, mais le résultat est là : la France a laissé dériver ses déficits dans une période de croissance forte. C'est pour cela qu'elle se trouve aujourd'hui dans cette situation budgétaire.

Ma deuxième remarque est également issue du rapport de la Cour des comptes. Pour la première fois, celle-ci distingue, dans le déficit structurel, ce qui relève de l'État de ce qui relève des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale. La conclusion est claire. Le déficit structurel des administrations publiques, c'est uniquement et pour l'essentiel le déficit de l'État. Le déficit structurel des administrations de sécurité sociale n'est que de 0,1 % du PIB et les collectivités locales connaissent un excédent structurel de 0,1 %.

Cela permet de revenir sur la politique du Gouvernement à l'égard des collectivités locales. Celles-ci ne sont clairement en rien concernées par le déficit des finances publiques. Elles ont un excédent structurel et toute la politique de ces dernières années, qui a consisté pour l'État à se défausser de ses turpitudes sur les collectivités locales en transférant des dépenses sans transférer les crédits, en désindexant des dotations indexées sur l'inflation et sur une partie de la croissance, toute cette politique est totalement injustifiée. C'est l'État, incapable de maîtriser ses déficits, qui se défausse sur les seules administrations qui sont en équilibre et sont obligées de l'être : les collectivités locales.

Je rappelle que la plupart des dotations que vous avez désindexées remplaçaient des impôts d'État, c'est-à-dire des impôts qui augmentaient comme l'inflation et comme le PIB. Nous, nous avions indexé ces dotations sur l'inflation et sur la moitié de la croissance. Ces dernières années, vous avez arrêté d'indexer sur la moitié de la croissance, vous n'avez indexé que sur l'inflation et dans le dernier budget, vous n'avez plus du tout indexé, ce qui est une façon de faire supporter par des administrations vertueuses les vices de votre politique.

Ma troisième remarque concerne les recettes conjoncturelles qui sont légèrement favorables, puisque 10 milliards de recettes n'étaient pas prévues. Vous auriez dû normalement, comme l'a rappelé M. le rapporteur général dans son rapport, affecter ces 10 milliards de recettes non prévues au déficit. Mais vous faites le contraire : non seulement vous les affectez à la dépense, mais les dépenses supplémentaires sont très largement supérieures à ces 10 milliards, puisque, face à cette somme, on trouve 17 milliards de dépenses nouvelles ; 4,3 milliards de dérapage des dépenses, de sorte que le respect apparent de la norme de dépense ne résulte que des économies conjoncturelles, notamment sur la charge de la dette. La réforme de la taxe professionnelle laisse un déficit de 9,2 milliards auquel s'ajoutent 3,6 milliards de mesures structurelles nouvelles, dont 1,6 milliard de baisse de la TVA dans la restauration. Une bonne gestion aurait dû vous amener à affecter ces recettes à la réduction des déficits, mais vous avez augmenté, une fois de plus, le déficit structurel de près de 17 milliards d'euros.

Ma quatrième remarque concerne les investissements d'avenir. En gonflant artificiellement le déficit de 2010 de près de 34 milliards d'euros, le grand emprunt donne une vision trompeuse de la réalité du déficit de l'État pour 2011 en comptabilité budgétaire. En effet, 34 milliards sont comptabilisés dans le déficit de 2010, alors que les dépenses effectives sont inférieures à un milliard d'euros. De plus, elles ne figurent pas dans la norme. Selon la Cour des comptes : « Rien ne justifie que ces dépenses qui ont été imputées sur des programmes budgétaires soient soustraites à la norme. » Mais surtout, la réduction apparente du déficit que l'on va observer en 2 011 par rapport à 2010 sera très largement fictive, puisqu'elle résulte de la disparition comptable des 34 milliards du grand emprunt et un peu de la fin du plan de relance.

La situation à venir de nos finances publiques – nous y reviendrons dans le débat d'orientation budgétaire – est beaucoup moins favorable que ce qu'en décrira la lecture des documents budgétaires.

Ma cinquième remarque est relative au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C'est une proposition absurde que la direction du budget a pratiquement faite depuis vingt ans à tous les gouvernements et que les plus sensés ont toujours refusée ; une proposition absurde dont Philippe Séguin disait, en décembre 2009, quand elle commençait à être appliquée, quand vous vouliez la reprendre : «L'État se révélant incapable d'analyser les besoins et de programmer ses effectifs en conséquence, ajoutait-il, sa politique du personnel est dictée principalement par des considérations budgétaires de court terme. » Quelle clairvoyance ! « Cette démarche, concluait-il, ne profite qu'aux administrations pléthoriques et sous-productives » : elle ne s'apparente en rien à un effort de productivité.

J'ajoute l'effet catastrophique sur le fonctionnement des services publics. On voit à quel résultat catastrophique aboutit la suppression de 30 000 postes dans la fonction publique, dont la moitié à l'éducation nationale. Cette politique démoralise complètement les agents de l'État. Le rapport que j'ai consacré à la RGPP m'a fourni l'occasion d'auditionner les syndicats : tous nous disent être favorables à un État efficace, mais pas à une politique aussi absurde et aussi méprisante envers les fonctionnaires. Et pour quel résultat ? La Cour des comptes comme le rapport du rapporteur général en montrent bien l'inefficacité : l'économie réalisée n'a jamais atteint le milliard d'euros, ni même les 800 millions d'euros. Avec des mesures catégorielles compensatoires, elle s'établit à 260 millions d'euros, comme l'a indiqué le rapporteur général à la tribune. Comme le rappelle la Cour des comptes, « les économies résultant du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État pendant huit ans » sont exactement du même montant que le coût annuel de la baisse de la TVA sur la restauration. J'invite mes collègues siégeant à droite de cet hémicycle à réfléchir à cette remarque. En une journée d'annonce, le Président de la République a augmenté le déficit structurel de l'équivalent de l'application pendant huit ans de cette politique absurde. Et il voudrait nous faire croire aujourd'hui qu'abandonner cette politique ferait exploser la dette !

Puisque le Président de la République évoquait son bilan ce matin, je vais y revenir. II tient en trois mots : une explosion de la dette, une explosion du chômage et une explosion des inégalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

L'explosion de la dette d'abord.

En dix ans, de l'été 2002 à l'été 2012, la dette aura doublé, passant de moins de 900 milliards d'euros à 1 800 milliards d'euros, selon vos propres prévisions. Sur ces 900 milliards d'augmentation de la dette, moins de 100 milliards résultent de la crise.

Sous le quinquennat de Jacques Chirac, la dette aura augmenté de 360 milliards d'euros et sous Nicolas Sarkozy de 560 milliards d'euros. Même si on enlève les 100 milliards dus à la crise, il reste une augmentation qui n'a de précédent sous aucun gouvernement depuis 1945. Le Président de la République, qui a laissé dériver la dette et les déficits dans des proportions qu'aucun gouvernement n'avait jamais réalisées avant lui – même en tenant compte de la crise – est donc particulièrement mal placé pour donner des leçons à la gauche dont le gouvernement a été, au cours de ces vingt dernières années, le seul à avoir réduit la dette et les déficits au sens des critères de Maastricht.

J'ai cherché en quelle année un gouvernement de droite avait réussi à réduire un déficit au-dessous de 2 % du PIB. J'ai le souvenir de celui de Raymond Barre, il y a trente ans, qui avait pratiquement rétabli les comptes à l'équilibre, mais, pour la période récente, je n'ai rien trouvé. Il y a des gouvernements qui ont réussi à limiter le déficit en dessous de 2 % : c'était en 1999, 2000 et 2001, respectivement 1,8 %, 1,5 % et 1,5 %, mais ce n'était pas vous qui étiez alors au pouvoir. Cela s'est également produit en 1989, mais, encore une fois, ce n'était pas vous qui étiez au pouvoir.

Du côté de la dette, les choses sont pires. La dette au sens de Maastricht s'élevait à 42,8 % du PIB à l'été 1993, il y a vingt ans. En quatre ans, les gouvernements Balladur et Juppé l'ont portée pour la première fois au-dessus de 60 %. C'était au deuxième trimestre 1997, elle atteignait alors 60,4 % à la fin du gouvernement Juppé. Le gouvernement Jospin l'a ramenée à 58,5 % au deuxième trimestre de 2002, en dessous des critères de Maastricht. Depuis cette période, elle n'a cessé de progresser, passant à 65,7 % à la fin du quinquennat de Jacques Chirac, puis, à 87 % à l'été 2012 selon vos propres évaluations. Tel est le bilan de Nicolas Sarkozy : plus de vingt points de hausse, un record absolu.

Mes chers collègues, au regard de la situation, la conclusion est claire. Pour réduire la dette et les déficits, il n'est pas nécessaire de changer la Constitution. En revanche, il faut changer de majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

J'en viens à l'explosion du chômage.

Vous allez nous dire qu'elle est due à la crise. Pourtant, la comparaison avec l'Allemagne – comparaison que vous affectionnez – est éclairante. Comme nous, l'Allemagne a subi la crise – elle en a même plus souffert en 2009 en raison de sa plus grande ouverture au commerce international –, mais, elle a réduit son chômage quand le nôtre a explosé. À l'été 2008, nous avions pourtant le même taux de chômage harmonisé que l'Allemagne, 7,5 %. En 2010, le nôtre a presque franchi la barre des 10 %, et il est encore à 9,4 % en avril 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je cite toujours des chiffres harmonisés à l'échelle européenne.

L'Allemagne est à 6,1 % et pourtant, elle avait le même taux de chômage que nous en 2008. Pour réduire son chômage, elle n'a pas appliqué la politique absurde de subventions aux heures supplémentaires : elle a réduit le temps de travail en recourant massivement au chômage partiel, le Kurzarbeit – travail réduit –, de sorte qu'aucun salarié n'a été licencié. Et comme les salariés sont restés liés à l'entreprise au lieu de se retrouver au chômage, l'Allemagne a pu, en 2010, retrouver une croissance forte lorsque l'économie a redémarré, 3,5 % contre 1,5 % en France.

J'en arrive enfin à l'explosion des inégalités.

Depuis trente ans, les inégalités se sont creusées dans de nombreux pays avec la mondialisation libérale qui a entraîné une explosion des hauts revenus et des revenus du capital. Mais, toute votre politique a consisté à les accentuer en appliquant – dès le début du quinquennat, avec la loi TEPA – une politique que les économistes des révolutions conservatrices appelaient l'économie du ruissellement : déverser des sommes considérables sur les citoyens les plus aisés, avec l'idée qu'il en retomberait bien quelques gouttes sur les plus modestes, ce qui, évidemment, ne s'est pas produit. Selon les économistes libéraux, une telle politique devait stimuler l'épargne, la croissance et les recettes fiscales. Cela ne s'est vérifié dans aucun pays où elle fut appliquée, ni sous Reagan ni sous Margaret Thatcher, pas plus que sous votre gouvernement. La seule chose que nous ayons observée, c'est que cette explosion des inégalités…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

Il n'y a pas eu d'explosion des inégalités ! C'est encore un slogan de gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…s'est accompagnée d'une diminution continue des taux de prélèvements sur les plus hauts revenus. Plus on monte dans l'échelle des revenus, plus la fiscalité baisse, tous les analystes de notre système fiscal le savent. Il suffit de considérer l'impôt sur le revenu, mité par une multitude de niches fiscales. Pour les mille plus hauts revenus, on est très loin du taux de 40 % pour le taux marginal : on est seulement à 25 % de taux effectif, et même, pour les dix plus hauts revenus, à moins de 20 %. Preuve en est qu'il faut procéder à une réforme fondamentale de notre fiscalité pour rétablir la justice fiscale.

Depuis dix ans, vous avez fait des cadeaux fiscaux à crédit aux citoyens les plus fortunés : 70 milliards d'euros d'allégements d'impôts sur le revenu ou sur le capital ou sur l'héritage ou sous forme de niches fiscales, dont 40 milliards sous le mandat de Nicolas Sarkozy. La plupart de nos concitoyens n'ont rien vu venir, en revanche. Et pour cause, le taux des prélèvements obligatoires qui devait baisser de quatre points sera exactement, selon vos propres prévisions, au même niveau en 2012 qu'en 2007. Vous vous souvenez sans doute de la promesse du Président de la République de baisser de quatre points les prélèvements obligatoires…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

Vous, vous avez créé des millions de chômeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

La baisse aura été pour les plus fortunés ; les autres n'en ont pas vu la couleur. Tel est le résultat de votre politique.

Votre politique aura été la dernière résurgence de ce que l'on appelait les révolutions conservatrices. Vous êtes en effet à contre-courant de ce qu'il conviendrait de faire aujourd'hui et que la crise devrait vous inspirer. Nous avons vécu trente ans de mondialisation libérale, qui s'est caractérisée par une diminution continue de la fiscalité sur les facteurs mobiles, notamment sur le capital. Pour l'essentiel, ce sont le travail ou les facteurs immobiles, les immeubles par exemple, qui ont été imposés avec pour conséquence une explosion des placements financiers sans commune mesure avec l'économie réelle, une dérive complète de la finance et une explosion des inégalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Fourgous

C'est faux ! Il n'y a pas eu d'explosion des inégalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Face à cette situation, il faudrait s'inspirer des décisions de Roosevelt après la crise de 1929.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Car la crise actuelle présente les mêmes caractéristiques. Le parallélisme entre les deux crises est flagrant. La crise de 1929 a été le résultat d'une explosion des inégalités et d'une dérive de la finance. Roosevelt a pris des mesures déterminantes, en mettant en oeuvre une véritable régulation du système financier en séparant les banques d'affaires des banques de crédit. Il a instauré un impôt sur le revenu très élevé sur les plus hauts revenus. Il a développé la protection sociale dans un pays où elle n'existait pas, ce fut le New Deal. Ces trois mesures – régulation financière, rétablissement d'une fiscalité réduisant les inégalités de revenus, protection sociale développée – ont été généralisés dans de nombreux pays, européens notamment, et ont conduit aux trente années de forte croissance de l'après-guerre.

Nous devons aujourd'hui nous inspirer de cette politique et de ses trois composantes pour remettre notre économie nationale, ainsi que l'économie mondiale, en marche.

À rebours des discours libéraux qui ont eu cours ces dix dernières années en France, ce qui caractérise une économie développée aujourd'hui, ce n'est pas un État minimal, mais exactement l'inverse. À l'heure de la mondialisation, on peut construire partout dans le monde une usine moderne avec la technologie la plus en pointe. Mais, pour que celle-ci fonctionne efficacement, encore faut-il une main-d'oeuvre formée, un système éducatif, un secteur de recherche important, des infrastructures, des investissements publics, de la protection sociale. Pour prendre des risques, il faut avoir la certitude de ne pas être laissé au bord du chemin en cas de difficultés. Bref, il faut tout ce qui constitue un système public ou para-public, en tout cas, avec un financement collectif.

C'est ce qui a été oublié pendant trente ans dans la mondialisation libérale, c'est aussi ce que vous avez complètement oublié ces dernières années. C'est, à mon avis, ce qu'il faut reconstruire dans notre pays comme dans le monde.

Bref, contrairement à ce que l'on entend dans tous les discours libéraux, la solidarité est un véritable facteur d'efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés de la gauche démocrate et républicaine voteront pour cette motion, soutenue par une démonstration de Pierre-Alain Muet, très précise, comme à l'accoutumée.

Les chiffres sont éloquents. Le déficit structurel représente 100 milliards d'euros sur 140 milliards d'euros de déficit budgétaire. La dette a explosé : on peut penser qu'elle a augmenté de près de 1 000 milliards d'euros entre 2002 et 2012. À l'heure où nous examinons ce qui sera sans doute la dernière loi de règlement de cette législature, nous pouvons dire que le bilan est catastrophique pour cette majorité, qui est en place depuis 2002, au Sénat, à l'Assemblée et au Gouvernement, ne l'oublions pas.

Si la situation s'est aggravée depuis 2007, ce n'est pas principalement du fait de la crise. Les comparaisons établies avec les autres pays européens sont elles aussi éloquentes à cet égard. Nous aimerions d'ailleurs vous entendre, monsieur le ministre, sur la comparaison avec l'Allemagne que le Président de la République se plaît à citer de façon si sélective. Ce qui serait intéressant, c'est que ce soit en matière de résultats que la convergence s'opère : cela serait très bénéfique à notre pays alors qu'aujourd'hui, l'écart se creuse au bénéfice de l'Allemagne.

Non seulement la crise a bon dos – l'étude de la Cour des comptes et les analyses économiques ont montré qu'elle n'était pas à l'origine principale de l'explosion du déficit et de la dette –, mais aucune leçon n'en a été tirée. C'est cela peut-être le plus grave. Le Président de la République – j'allais dire « comme d'habitude » – a tenu de grands discours dans lesquels il a affirmé que rien ne serait plus jamais comme avant et qu'un nouveau monde allait naître, mais la réalité est têtue : trois ans après le déclenchement de cette crise, où se sont entremêlées causes économiques, financières, sociales et écologiques, seules des mesures de régulation financière extrêmement faibles ont été prises.

Pour toutes ces raisons, nous voterons cette motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission défendue par Pierre-Alain Muet pour plusieurs raisons.

Alors que le Président de la République vient de faire un discours sur les investissements d'avenir et s'est permis, ces derniers jours, avec une partie de la majorité, de donner des leçons au parti socialiste sur la bonne gestion des finances publiques, il nous paraît intéressant de confronter la réalité des chiffres, la réalité d'un bilan, avec les promesses et les incantations. En l'occurrence, ce bilan, comme l'a montré Pierre-Alain Muet, est assez accablant pour la majorité, notamment en comparaison avec nos partenaires de la zone euro, singulièrement avec l'Allemagne que le Président de la République prenait souvent en exemple jusqu'à une date récente, s'étant sans doute rendu compte que cette comparaison n'était pas flatteuse pour notre pays ou pour sa politique. Ainsi, notre déficit se situe à 7,1 % du PIB contre 3,3 % en République fédérale et 5,7 % pour l'ensemble des pays de la zone euro.

Nous le savons, une série de mesures est venue aggraver les effets de la crise, responsable selon la Cour des comptes de seulement 38 % de la dégradation des finances publiques. D'autres mesures n'ont pas été prises alors qu'elles auraient dû l'être.

Il faudrait un programme de relance de la croissance économique. Outre les menaces d'emballement de la dette que fait peser le dangereux rapprochement d'avec la zone des 90 % du PIB – évolution qui n'est toujours pas sous contrôle –, il faut compter avec les menaces liées à l'absence de mesures structurelles de nature à relancer la croissance. Aujourd'hui, notre taux de croissance plafonne à 1,5 % quand celui de l'Allemagne s'élève à 3,5 %, soit deux points de plus, ce qui est extrêmement inquiétant pour l'avenir de la compétitivité de notre pays et pour sa place dans l'Union européenne et dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il est vrai que la croissance allemande est légèrement meilleure que celle de la France actuellement mais il ne faut pas oublier que la croissance négative de l'Allemagne était nettement supérieure à celle de la France ces dernières années. Par conséquent, la situation française et la situation allemande peuvent être considérées comme étant relativement similaires, avec toutes les différences entre nos deux économies que chacun connaît bien. Comparaison n'est pas raison, dit-on, mais, en l'occurrence, il existe des tendances au rapprochement, du fait des dernières mesures prises par Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon, par l'entremise de François Baroin, ministre du budget et des comptes publics.

Il s'agit, d'une part, du rapprochement du taux de marge brut des entreprises françaises d'avec celui des entreprises allemandes, élément particulièrement important tant les investissements productifs privés sont déterminants dans le financement de la croissance. Il s'agit, d'autre part, de la stratégie fiscale que nous avons suivie qui s'est révélée être la bonne : je citerai entre autres le crédit d'impôt recherche et toutes les mesures d'accompagnement qui ont été prises, s'agissant tant des entreprises que du pouvoir d'achat, qui ont contribué utilement à la structuration de la croissance française.

Bien évidemment, le groupe UMP rejettera cette motion de renvoi en commission. La loi de règlement a été parfaitement exécutée : elle est porteuse de bonnes nouvelles dont nous avons tout lieu de nous féliciter.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, il n'est qu'à lire l'exposé des motifs du présent projet de loi de règlement pour constater que, du côté du Gouvernement, l'heure est toujours à l'autosatisfaction. Le document insiste ainsi sur la réduction de 0,4 point du déficit entre 2009 et 2010 et sur la reprise de la croissance pour l'année 2010 avec une augmentation de 1,5 % du PIB après une baisse de 2,7 % l'année précédente.

Ces évolutions en apparence favorables peinent en réalité à masquer les échecs et les failles de votre politique budgétaire et les effets d'une crise qui se prolonge, crise dans laquelle votre responsabilité politique est engagée.

Rappelons que la Cour des comptes estime que, si l'effort structurel a été nul en 2010 – l'effort consenti en matière de croissance des dépenses en volume ayant été anéanti par de nouvelles dépenses fiscales –, il a été constamment négatif de 2007 à 2010, si bien que le déficit structurel de 3,7 % accumulé avant 2007 s'est aggravé depuis lors pour atteindre aujourd'hui 4,9 %. Il faut noter que cette aggravation est sans lien avec la crise, laquelle ne contribue qu'à hauteur de 38 % au déficit global, crise dans laquelle l'ensemble des dirigeants des grands pays capitalistes portent une lourde responsabilité.

Le déficit structurel est hérité du passé, mais d'un passé récent. Il ne faut pas oublier en effet qu'il était encore inférieur à 2 % en 2002. Nous avons là l'illustration de l'échec de la politique budgétaire conduite depuis près de dix ans : elle se solde par un doublement du déficit structurel et un doublement de la dette publique qui devrait atteindre voire dépasser les 1 800 milliards d'euros, en 2012, soit 87 % du PIB.

Nous partageons l'inquiétude exprimée la semaine dernière par le premier président de la Cour des comptes sur le risque accru d'emballement de la dette. Nous divergeons en revanche avec le Gouvernement et sa majorité sur les solutions à adopter pour atteindre l'objectif d'une réduction du déficit structurel et remettre nos finances publiques sur les rails.

On ne cesse de nous expliquer que le principal problème est aujourd'hui comme hier le niveau trop élevé des dépenses publiques. Mais quel est à cet égard le bilan du Gouvernement ? La croisade idéologique contre l'État et les services publics conduite à travers la révision générale des politiques publiques et la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n'a pas eu les effets escomptés en termes d'économies. Elle s'est soldée par 7 milliards d'euros d'économies en cinq ans, montant dérisoire au regard des cadeaux fiscaux que vous avez consentis sur la même période.

Or que proposez-vous sinon de persister dans cette voie au risque de dangereux effets négatifs sur la croissance ? En réduisant le montant des dépenses publiques, c'est à nos services publics, à l'investissement public, à nos équipements, à notre réseau de transport, à la qualité de la formation, à la dynamique de notre recherche publique, aux collectivités locales, motrices dans l'investissement public, que vous vous attaquez, c'est-à-dire aux principaux atouts de la France et aux facteurs les plus décisifs de son attractivité.

En revanche, vous ne remettez nullement en cause les cadeaux fiscaux que vous avez consentis à fonds perdus depuis des années. Les niches fiscales représentent aujourd'hui au bas mot un manque à gagner annuel de 75 milliards d'euros pour les recettes de l'État.

Jamais vous n'évoquez le poids pour la nation de la financiarisation de l'économie, de l'accroissement indécent du patrimoine des plus riches et de la part des dividendes par rapport aux salaires. Quant au prétendu coup de rabot de 11 milliards d'euros intervenu l'an dernier, il est nettement insuffisant.

Par peur d'aller trop loin pour frapper vos amis, votre printemps fiscal aura vu fleurir de nouveaux cadeaux aux plus aisés pour un montant de près de deux milliards d'ISF, mesure choquante qui ne se justifie par aucun argument économique.

Pour notre part, nous considérons que notre pays a besoin d'une refonte globale de sa fiscalité. Toute la politique fiscale a consisté jusqu'alors à accompagner et favoriser de façon indécente la création de valeurs pour les actionnaires et, en définitive, la rente, aux dépens de l'intérêt général et de l'investissement économiquement utile.

L'urgence est selon nous aujourd'hui de rétablir la progressivité de l'impôt, d'opérer une refonte de l'impôt sur le revenu, qui a perdu la moitié de son rendement en vingt ans, de rétablir l'ISF en en élargissant l'assiette et en en augmentant le taux afin de lui faire jouer pleinement son rôle redistributif, de taxer le capital au même taux que les revenus du travail, de moduler l'imposition des entreprises et les cotisation patronales en fonction de l'orientation des bénéfices réalisés, selon que l'entreprise privilégie le versement de dividendes ou bien l'emploi stable, les salaires, l'investissement et la formation. Des réformes qui permettraient d'engranger plusieurs dizaines de milliards d'euros supplémentaires, de favoriser une nouvelle répartition des richesses, et de donner un nouveau souffle économique et social à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l'exercice budgétaire 2010 revêt à plusieurs égards un caractère exceptionnel.

Il correspond en effet au déploiement des mesures de relance de notre économie et à la réforme d'ampleur de la taxe professionnelle. La crise économique, financière et sociale dont les conséquences économiques et sociales se font encore ressentir a appelé des réponses fortes. Le groupe Nouveau Centre s'est montré attaché à ce que des stimuli soient promptement mis en oeuvre mais également à ce que des réformes structurelles soient entérinées.

Au moment de clore 1'exercice 2010, il convient d'analyser comment le pire a été évité afin de mieux répondre aux difficultés actuelles, je pense en particulier à la crise de la zone euro.

L'accompagnement de la reprise économique s'est fait au travers du plan de relance et de mesures incitatives telles que la prime à la casse. La charge budgétaire du plan de relance de l'économie a été lissée sur deux années, 2009 et 2010. En 2010, mesures fiscales comprises, cela a représenté près de 7 milliards d'euros.

L'année 2010 a également été marquée par le lancement d'un vaste programme d'investissements d'avenir financé par un Grand emprunt. Cinq secteurs jugés stratégiques, l'enseignement supérieur et la formation, la recherche, l'industrie et les PME, l'économie numérique et le développement durable ont été déclinés en 1 500 projets concrets bénéficiant d'un financement global de 35 milliards d'euros.

Le Président de la République l'a encore rappelé ce matin, ces investissements préparent la France de demain tout en étant aujourd'hui pourvoyeurs d'emplois pour nos entreprises. Le groupe Nouveau Centre approuve cette démarche vertueuse, dont nous espérons qu'elle portera ses fruits dans un quart de siècle.

D'autre part, la loi de finances rectificative du 7 mai 2010 a créé un programme ad hoc d'aide à la Grèce, doté de 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 5,8 milliards en crédits de paiement, au sein de la mission « Prêts à des États étrangers ». Cette semaine intervient le vote du Parlement grec sur un nouveau plan d'austérité dont dépend le versement d'aides internationales, alors que l'on continue de craindre que la crise ne se propage au sein de la zone euro.

L'adoption de ce nouveau plan est une condition du versement de 12 milliards d'euros de prêts, sur les 110 milliards promis l'an dernier dans un premier plan de sauvetage. Elle doit en outre ouvrir la voie à un second plan d'aide, évalué vendredi par le Premier ministre grec à quelque 110 milliards d'euros également, et qui devrait se répartir entre financements publics – les prêts des pays de la zone euro et du Fonds monétaire international – et financements privés. Nous devrons donc probablement, dans un futur proche, nous prononcer sur de nouveaux crédits destinés à la Grèce.

J'en viens à la suppression de la taxe professionnelle. C'est une bonne chose pour les entreprises. Cette réforme n'a toutefois pas encore atteint son rythme de croisière, notamment en termes de financement. En effet, si les entreprises en ont profité dès le 1er janvier 2010, l'année 2010 est, du point de vue budgétaire, une année de transition, marquée par la centralisation des nouvelles recettes fiscales sur le budget de l'État, associée à une garantie de ressources des collectivités territoriales qui prend la forme d'une compensation relais de 32,4 milliards d'euros retracée sur le prélèvement sur recettes.

À ce jour, nous savons, confortés par les premières analyses de la Cour des comptes, que la réforme coûtera plus cher que prévu : de l'ordre de 1,2 milliard d'euros supplémentaire. Cela tient à la décision du Conseil constitutionnel, mais aussi au fait que la compensation relais a, elle aussi, dépassé ce qui était prévu. J'ose du reste espérer que nous disposerons d'une évaluation affinée de ce dérapage lors du prochain débat budgétaire.

En ce qui concerne le déficit public pour 2010, je tiens à saluer, au nom du groupe Nouveau Centre, les bons résultats de l'exécution 2010 par rapport aux prévisions. Ainsi, après une prévision de 8,5 % du PIB en projet de loi de finances initiale pour 2010, puis 7,9 % en première loi de finances rectificative pour 2010 et 7,7 % lors de la révision opérée au moment du projet de loi de finances initiale pour 2011, le déficit public s'établit finalement, en 2010, à 7 % du PIB. Nous sommes donc sur la bonne voie, celle qui nous mènera à l'horizon 2013 aux objectifs qui ont été fixés, de manière à repartir ensuite du bon pied.

Il faut toutefois redoubler d'efforts, et ce dans plusieurs domaines.

D'abord, la mesure de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne produit pas tous les effets budgétaires escomptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Non : j'ai dit qu'elle ne les produisait pas tous. Il ne faut pas exagérer !

Les données fournies par le rapporteur général dans son rapport sur le présent projet de loi de règlement sont éloquentes. Le coût de l'ensemble des mesures catégorielles équivaut à 68 % de l'économie brute résultant de l'application de la règle dite du un sur deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Ces chiffres montrent que, si cette politique est nécessaire du point de vue structurel, son produit budgétaire reste limité. Et le rapporteur général de pointer les différences de situation d'un ministère à l'autre.

Ensuite, mes chers collègues, l'érosion des recettes fiscales doit nous inciter à la vigilance. Ainsi, grâce à la croissance, les recettes fiscales progressent spontanément de 10 milliards d'euros, ce qui ne suffira pas à redresser nos finances publiques.

Quelques mots enfin de la lutte contre les niches fiscales et sociales, à laquelle, vous le savez, le groupe Nouveau Centre est particulièrement attaché. Nous proposons de réduire de 10 milliards par an ces niches qui grèvent nos finances publiques. Le rapporteur général préconise quant à lui un effort supplémentaire de 3 milliards d'euros par rapport à la programmation : c'est à nos yeux une piste intéressante, mais insuffisante.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre se veut réaliste et vigilant quant à la situation de nos finances publiques. Nous aurons l'occasion de le redire au cours du débat d'orientation budgétaire pour 2012. L'horizon budgétaire pourrait s'assombrir : nous sommes sur le fil du rasoir. Car, si la tendance actuelle se poursuit, notre dette publique culminera à plus de 1 700 milliards d'euros en 2013.

Cela étant, je peux d'ores et déjà vous dire, sous réserve des amendements rédactionnels d'usage, que nous voterons en faveur de ce projet de loi de règlement pour 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, une conjonction de circonstances tout à fait particulière, voire extraordinaire, préside à notre discussion.

En effet, nous débattons du projet de loi de règlement pour 2010, avant d'aborder le débat d'orientation budgétaire, qui définira les perspectives de nos finances publiques pour l'année 2012 et les suivantes. En outre, cette année 2011 est une année de transition du point de vue budgétaire et du point de vue économique : elle est – cela n'aura échappé à personne – la dernière année de sortie de crise et la première de l'ère post-crise. Enfin, c'est aujourd'hui que le Président de la République a fait part des orientations du Grand emprunt, à l'occasion d'une conférence de presse sur la situation et les perspectives de l'économie française.

On le sait, le contexte politique et économique reste dominé par la question de l'endettement public. La France n'est naturellement pas la seule concernée : on ne le dit pas assez, mais la progression globale de l'endettement public entre 2007 et 2011 est de 35 points dans la zone OCDE, de 20 points en moyenne dans la zone euro, et atteint 40 points aux États-Unis. Ce phénomène doit naturellement être mis en rapport avec le déficit moyen constaté en 2010, qui représente 6,5 % du PIB dans la zone OCDE, le stock de dette atteignant 224 % du PIB.

Cette augmentation globale de l'endettement public a rendu vigilants les marchés et ceux qui investissent dans la dette publique. L'inquiétude des acteurs concernés est légitime, qu'il s'agisse des marchés financiers ou de ceux de l'industrie ou des services. Cela explique que, depuis plusieurs semaines, les marchés soient désorientés. La confiance existe, j'y insiste, mais on ne constate pas une amélioration incontestable du climat des affaires.

La confiance devrait pourtant être très solide, voire remarquable. En effet, si l'on décrypte le consensus des analystes économiques, la tendance est plutôt bonne. La croissance mondiale se poursuit à un rythme soutenu. La croissance française, vous le savez, a atteint 1 % au premier trimestre 2011 et son acquis de croissance pour 2011 s'élève à 1,6 %. La croissance américaine est de 1,8 % pendant la même période, chiffre certes inférieur à celui du dernier trimestre 2010, qui atteignait 3,1 %. Mais j'y reviendrai. Enfin, avec 9,7 % au premier trimestre, la Chine continue de caracoler en tête pour ce qui est des objectifs de croissance.

En revanche, la croissance du Royaume-Uni au premier trimestre reste très modeste, ne dépassant pas 0,5 %. Je reviendrai également sur ce phénomène, qui s'explique naturellement par les choix de politique économique du gouvernement de Gordon Brown, lequel était aux affaires au coeur de la crise financière. On se souvient en effet que les Britanniques ont misé sur une relance de la consommation, à la différence de la France – Dieu merci !

Autre bonne nouvelle, l'indice – très observé – des directeurs d'achat est supérieur à sa moyenne depuis 1999, ce qui laisse véritablement espérer le retour de la confiance. C'est d'autant plus vrai qu'il atteint ce niveau malgré les événements survenus au Moyen-Orient et en Afrique et malgré la crise de Fukushima, qui a considérablement amoindri les capacités de production du Japon.

Ces éléments fiables permettent de compter sur une croissance structurée en 2011 et dans les années à venir. Ils devraient donc redonner confiance à tous les acteurs du marché.

Un mot sur le recul de moitié de la croissance américaine entre le dernier trimestre 2010 et le premier trimestre 2011. Trois raisons permettent de l'expliquer.

Premièrement, le recul de la consommation des ménages, qui ne se limite d'ailleurs pas aux États-Unis – j'y reviendrai.

Deuxièmement, la chute des investissements structurants, qu'il faut naturellement mettre en rapport avec la réduction de la capacité d'endettement public des acteurs publics de l'économie américaine, et particulièrement des États.

Troisièmement, la chute libre des dépenses publiques d'entretien, que chacun a pu constater à la lumière des analyses américaines.

Au-delà de la confiance que doit susciter une croissance qui redevient fortement structurée et tend nettement à la hausse, plusieurs questions se posent.

Tout d'abord, cette reprise est-elle saine ? Est-elle durable ? Ensuite, les tensions que suscite l'endettement public sur les marchés financiers auront-elles des conséquences sur les capacités de financement des États ? Enfin, quels effets ces difficultés de financement public auront-elles sur la croissance ?

J'appliquerai chacune de ces questions à la situation française.

Premièrement, je l'ai dit en évoquant le consensus des analystes et l'indice des directeurs d'achat, cette croissance est incontestablement saine et, globalement, elle va durer. Les analyses de la situation mondiale comme de la situation française le montrent, nous pouvons nous appuyer sur elle.

Ainsi, au cours du seul mois de mai, en France, l'activité industrielle a progressé de 1 %, de même que les services et l'utilisation de nos capacités de production – ce qui montre qu'il ne s'agit pas seulement ici de gains de productivité. Après l'atonie du mois d'avril, les carnets de commande ont retrouvé leur niveau de janvier. Cela permet d'ores et déjà de considérer que la croissance atteindra au deuxième trimestre 0,4 %, voire 0,5 %, ce qui est conforme aux dernières estimations du consensus, soit 2,25 % en 2011.

Les derniers succès remportés au salon du Bourget par le consortium EADS, en l'occurrence par Airbus, confirment cette tendance à une croissance solide de notre industrie. Ils traduisent bien sûr le choix stratégique d'investisseurs qui se tournent vers un constructeur aéronautique européen, et spécialement français. Mais il faut y ajouter la stratégie française de soutien aux investissements technologiques et productifs pour rendre compte de ceux, nombreux, qui ont été réalisés au cours des dernières années. J'y reviendrai tout à l'heure.

Malgré tout, pour que la croissance française continue, trois inconnues doivent être surveillées.

Il y a d'abord l'instabilité des marchés financiers ; elle a certes tendance à se réduire, car la plupart des groupes cotés ont réalisé des bénéfices importants, ce qui a rassuré les acteurs et les a poussés à investir sur les marchés financiers. Mais la question du marché de l'endettement public, très instable, peut constituer une menace pour la deuxième partie de l'année 2011.

Il y a bien sûr le prix de l'énergie et des matières premières, responsable d'une bonne part de l'inflation observée ces derniers mois.

La dernière inconnue, à l'échelle européenne comme à l'échelle française, c'est le durcissement des conditions du crédit, pour les entreprises comme pour les consommateurs. Quelques chiffres illustreront ce durcissement : au premier trimestre, 4 % des banques – c'est peu, mais c'est une tendance – déclarent avoir durci les conditions des crédits accordés aux entreprises, alors même que, dans le même temps, la demande de crédit des entreprises françaises augmentait de 19 % ; pour le deuxième trimestre, la perspective est une augmentation de 26 %.

La croissance est financée, on le sent bien, par l'investissement productif et l'investissement en recherche et développement des entreprises françaises ; elle doit être financée par l'emprunt. Il faut donc que nous marquions davantage de vigilance vis-à-vis d'un possible durcissement par les banques des conditions du crédit.

Quant au crédit à la consommation, 7 % des banques en ont durci les conditions ; mais le problème est un peu différent, dans la mesure où l'on observe au premier trimestre une réduction de la demande par les ménages de crédit à la consommation de l'ordre de 4 %, et même de 10 % pour les crédits immobiliers. Ces chiffres sont cohérents avec la tendance à la prudence que l'on observe chez les consommateurs français ; nous sommes dans une situation d'attente plutôt que de méfiance. Il y a donc de fortes chances que nous observions une remontée de la consommation au second semestre 2011.

À nous donc d'être très vigilants et de prendre les décisions qui s'imposent, notamment en appuyant le Médiateur du crédit, afin que la croissance française, donc principalement les investissements industriels, soit financée.

Quelles conséquences les tensions sur les marchés financiers auront-elles pour les États ?

Pour les États dont l'endettement se situe dans le haut de la fourchette, ils ne peuvent effectivement solliciter davantage les marchés, sur lesquels il existe incontestablement des tensions.

On observe une réelle instabilité des marchés, comme je l'indiquais tout à l'heure, mais aussi une franche incertitude sur les indications fournies par les agences de notation. Celles-ci dégradent parfois trop rapidement, parfois trop fortement aussi, les notes de certains États : au lieu d'évaluer le risque et de précéder les événements, elles font souvent preuve de suivisme. Des acteurs comme Pimco, BlackRock, State Street, sont aujourd'hui les moteurs réels des marchés de la dette publique. Ce sont les réactions de ces trois interlocuteurs qu'il faut surveiller, afin que les dettes des États, et notamment les dettes nouvelles qui sont nécessaires au financement de la croissance dans de nombreux pays, soient financées.

Bien entendu, les marchés financiers ont beaucoup reproché à la zone euro d'avoir manqué, au coeur de la crise financière d'abord puis de la crise grecque depuis un an et demi, d'outils adaptés, permettant une réaction forte et massive.

On peut, bien sûr, le regretter ; mais cela revient à regretter de ne pas avoir suffisamment anticipé, lors de la signature du traité de Maastricht en 1992, les différences de politiques économiques, ni suffisamment précisé la consolidation des dettes maastrichtiennes et non maastrichtiennes. Il nous manquait donc sans doute des outils de politique économique et budgétaire, et particulièrement de politique monétaire.

En deux ans – à l'initiative, il faut le reconnaître, de Nicolas Sarkozy, car le Président de la République a été l'un des éléments moteurs de la création de ces outils – nous nous sommes dotés d'un Fonds européen, de stabilisation financière ; une démarche de concertation entre les État a été mise en place pour que la Grèce puisse se sortir d'une situation particulièrement difficile, et nous poursuivons ce soutien en collaboration avec le Fonds monétaire international ; il y a eu aussi l'émergence, comme chacun le sait, du semestre européen, c'est-à-dire d'un début de concertation budgétaire qui permet un rapprochement des politiques économiques, afin que celles-ci soient aussi ajustées que possible sans toutefois qu'intervienne un transfert de souveraineté.

Au-delà de ce début de révolution copernicienne de la doctrine budgétaire, ce projet de loi de règlement des comptes pour 2010, qui conclut pour la France la dernière année de la gestion post-crise, comporte plusieurs bonnes intuitions.

Tournons-nous brièvement vers 2007 et rappelons-nous les ambitions de la majorité élue cette année-là. Il fallait d'abord tenir les promesses faites ; elles étaient très importantes, et les Français attendaient avec impatience leur mise en oeuvre. Il convenait aussi de tenir des promesses faites par le passé : ainsi, la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration avait été promise depuis des années, y compris, il faut le reconnaître, par de nombreuses personnes aujourd'hui assises sur les bancs de l'opposition ; il fallait donc tenir cette promesse.

Il est à l'honneur de Nicolas Sarkozy d'avoir voulu tenir cet engagement du passé, et à l'honneur de la majorité de l'avoir voté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Nous avions également défini une stratégie économique extrêmement importante pour la France : la croissance devait venir de la croissance des marges de manoeuvre des entreprises, afin que celles-ci puissent financer leurs investissements productifs ; elle viendrait également de la hausse du pouvoir d'achat, grâce à la revalorisation du travail – je rappelle toutes les mesures en faveur des heures supplémentaires qui figurent dans la loi Travail, emploi, pouvoir d'achat ; nous voulions enfin stabiliser la dépense publique.

Bien que la crise financière ait éclaté au mois d'octobre 2008, jamais la majorité et le Président de la République n'ont cédé sur ces objectifs. Or qu'observe-t-on aujourd'hui, en additionnant l'effet de toutes ces mesures – réforme de la taxe professionnelle, crédit d'impôt recherche, Grand emprunt, plan de relance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

On observe que notre endettement a été très élevé en 2010 ; mais cette dette a été sursouscrite, et à des taux records : cela manifeste la confiance des investisseurs mondiaux envers la France et envers sa stratégie économique.

Avant tout le monde, nous nous sommes lancés dans une stratégie sans précédent d'investissement et de soutien à la croissance. Imaginons que nous devions prendre ces mesures aujourd'hui : mécaniquement, les investisseurs mondiaux se méfieraient de la capacité de la France à poursuivre sa stratégie de désendettement – et pour cause – et à poursuivre sa stratégie d'assainissement des comptes publics ; par conséquent, la France n'aurait pas les moyens de financer la politique économique et budgétaire qu'elle a conduite depuis 2007.

Le fait d'avoir su anticiper cette tendance, d'avoir su – plus tôt que tout le monde, plus tôt notamment que la Grande-Bretagne – prendre les bonnes décisions, conduit la France à avoir aujourd'hui une croissance structurée ; cela lui permet d'être engagée à la fois dans une stratégie de réduction de la dépense publique et de réduction de la pression exercée sur les entreprises, de telle sorte que celles-ci recommencent à investir durablement ; cela lui permet enfin de financer durablement la croissance française.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Quel dommage qu'un seul député de droite soit là pour entendre ce discours passionné !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bartolone

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous venons d'entendre, de part et d'autre de l'hémicycle, des appréciations diverses sur les résultats de l'exécution budgétaire en 2010, sur la situation actuelle des finances publiques et sur les perspectives pour les années à venir.

Je ne peux que me rallier aux constats pessimistes dressés par mes collègues de l'opposition – et partagés, j'en suis convaincu, par certains membres de la majorité – sur l'état présent et l'avenir de nos finances publiques.

J'ai choisi de m'exprimer aujourd'hui sur un volet particulier du budget de l'État, que j'ai l'honneur de rapporter au nom de la commission des finances : la mission « Outre-mer ».

Si l'examen du projet de loi de règlement permet de faire le point sur les conditions générales de l'exécution, c'est également l'occasion de mettre un coup de projecteur sur certaines composantes du budget de l'État, en s'appuyant sur les travaux des rapporteurs spéciaux, alimentés par ceux de la Cour des comptes.

Or la mission « Outre-mer » me paraît emblématique de certaines tendances – pour ne pas dire de certaines dérives – du budget de l'État. Je veux parler essentiellement de ce que l'on pourrait appeler la préférence pour la dépense fiscale. Dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de règlement, la commission des finances a d'ailleurs auditionné le 15 juin dernier la ministre chargée de l'outre-mer au sujet de l'articulation entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales.

Le montant des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission « Outre-mer » s'est élevé en 2010 à près de 3,2 milliards d'euros, soit plus d'une fois et demie le montant des crédits de paiement exécutés, qui dépassent à peine 2 milliards d'euros.

Lors de son audition par la commission des finances, Mme Penchard a cru pouvoir estimer à « seulement » 1,4 milliard d'euros le montant des dépenses fiscales, au motif que seule cette somme servirait à soutenir l'investissement.

Cette approche n'est pas conforme à la réalité. En effet, une mesure est qualifiée de dépense fiscale dès lors qu'elle déroge aux règles normales de détermination de l'impôt, quel que soit l'objectif poursuivi. Le Gouvernement n'en disconvient pas, puisque c'est lui qui dresse, dans les documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances, la liste des dépenses fiscales. C'est de ces documents qu'est tiré le chiffre de 3,2 milliards d'euros, et non de l'imagination fertile de la commission des finances. Guidée par la solidarité gouvernementale comme par le bon sens, la ministre de l'outre-mer acceptera, je n'en doute pas, le chiffrage des services du ministère du budget.

Si l'on rencontre des difficultés pour estimer le montant des dépenses fiscales, leur évaluation est plus lacunaire encore, pour ne pas dire inexistante.

S'agissant de la mission « Outre-mer », cette absence d'évaluation pose particulièrement problème en raison du volume comparé des dépenses fiscales et des dépenses budgétaires. En déplorant cette situation, je ne fais que reprendre les propos du président de la commission des finances…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bartolone

…lorsqu'il était lui-même rapporteur spécial, mais également ce qu'écrit la Cour des comptes dans ses notes sur l'exécution du budget.

L'absence d'évaluation de l'efficacité des dépenses fiscales est d'autant plus difficilement compréhensible que la réforme de l'administration centrale du ministère de l'outre-mer a permis la création, au sein de la délégation générale à l'outre-mer, d'un service chargé d'évaluer l'efficacité des politiques publiques. Il ressort de la récente audition de Mme Penchard que les seuls travaux conduits sur le sujet ont consisté en une trentaine de contrôles a posteriori des investissements réalisés avec l'aide de la défiscalisation, sur laquelle je reviendrai plus loin. Parler d'évaluation serait, vous en conviendrez, monsieur le ministre, légèrement excessif !

Difficilement chiffrables, jamais évaluées, les dépenses fiscales demeurent pourtant le principal outil du financement de la politique de l'État outre-mer.

Non content de tenter vainement de piloter les mesures existantes, le Gouvernement a même cru bon d'en créer de nouvelles. Je vous en donnerai un seul exemple, emblématique de ce que j'ai appelé la préférence pour la dépense fiscale.

Ainsi, jusqu'au vote de la loi pour le développement économique des outre-mer, voilà un peu plus de deux ans, le logement social était financé par des subventions de l'État au moyen de la ligne budgétaire unique. À l'initiative du Gouvernement, la LODEOM a créé, sur le modèle de la défiscalisation des investissements productifs, un dispositif de défiscalisation du logement social dont le législateur a précisé qu'il avait vocation à compléter la ligne budgétaire unique et non à s'y substituer. En préparant le rapport d'application de la LODEOM, Gaël Yanno et moi-même nous sommes aperçus que l'intention du législateur n'était pas, sur ce point, pleinement respectée. Or il faut savoir que le financement du logement social par la dépense fiscale est en moyenne 30 % plus cher que par la dépense budgétaire. En effet, en plus de l'effort consenti directement au profit du logement social, il faut rémunérer le contribuable qui défiscalise, contribuable qui verse lui-même une commission au cabinet de défiscalisation en charge du montage.

Plus coûteux que le financement budgétaire, le financement fiscal est infiniment plus complexe. Avant la LODEOM, les bailleurs sociaux se contentaient d'adresser aux administrations déconcentrées une demande de subvention, accordée après étude du dossier. Désormais, vous le savez bien, monsieur le ministre, en raison de vos responsabilités successives, afin de bénéficier du financement créé par la LODEOM, ces bailleurs doivent se rapprocher des cabinets de défiscalisation, qui créent des sociétés en nom collectif constituées de contribuables désireux de réduire leur impôt sur le revenu ; une fois créée, la SNC achète ou construit un ensemble de logements sociaux, les associés pouvant réduire leur impôt sur le revenu à hauteur de 50 % de l'investissement ainsi réalisé ; ces contribuables conservent pendant cinq ans les parts de la SNC, qui loue les logements aux bailleurs sociaux à un loyer bonifié par rétrocession d'une fraction de l'avantage fiscal. Bien que très simplifiée, la description que je viens de faire est quasiment incompréhensible. Plus coûteux pour le budget de l'État que le financement budgétaire, le financement fiscal est en l'espèce bien plus complexe. Il n'est même pas plus rapide puisque la défiscalisation doit faire l'objet d'un agrément qui nécessite l'intervention, monsieur le ministre, des services pointus de votre administration.

Malgré ses lourds défauts, la défiscalisation du logement social a-t-elle permis de mieux satisfaire les besoins, très importants outre-mer ? Il faut croire que non : initialement estimée à 110 millions d'euros pour 2010, la dépense fiscale a finalement été de... 20 millions d'euros ! Lors de sa récente audition, la ministre de l'outre-mer a indiqué que, sur les 6 500 logements construits l'année dernière, la moitié l'ont été avec l'apport de la défiscalisation, qui aurait donc eu un effet levier. Mais je me suis livré à un simple calcul : si 20 millions d'euros ont contribué au financement de 3 250 logements, cela fait un apport moyen, au titre de la défiscalisation, de 6 150 euros environ par logement. Vous l'aurez compris, mes chers collègues : le levier est bien faible.

L'État pourrait, pour un coût identique, soutenir davantage l'outre-mer en substituant à certaines dépenses fiscales des dépenses budgétaires. La commission des finances l'affirme depuis son rapport de 2008 sur les niches fiscales. Bien conscient qu'un tel changement ne doit pas s'opérer à la légère, j'ai déposé, avec le président de la commission des finances et le rapporteur général, un amendement au projet de loi de finances pour 2011 demandant au Gouvernement la remise d'un rapport étudiant la possibilité de transformer en dotations budgétaires certaines des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission « Outre-mer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bartolone

Adopté à l'unanimité en commission des finances, cet amendement a été rejeté en séance publique, la ministre de l'outre-mer ayant cru bon de s'y opposer. Interrogée en commission sur les motifs de ce refus, Mme Penchard n'a pas apporté de réponse. Je redéposerai donc cet amendement au PLF pour 2012 ; je ne doute pas du soutien de la commission des finances…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bartolone

…et j'espère, monsieur le ministre, que nous recueillerons également le vôtre. À un moment où chaque euro doit être un euro utile, il est indispensable de s'interroger sur le choix entre dépenses fiscales et dépenses budgétaires. Certes, les dépenses fiscales peuvent échapper aux coups de rabot répétitifs de Bercy, mais elles ont, au bout du compte, un coût plus élevé pour le contribuable et aboutissent à un service moindre pour l'outre-mer, qui aurait pourtant bien besoin du contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, chers collègues, à défaut de pouvoir réellement influer sur les projets de loi de finances, au moins avons-nous l'honneur de pouvoir débattre et de nous prononcer sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion de l'année écoulée. Je veux à cette occasion revenir sur plusieurs points.

Tout d'abord, et il serait bon qu'en la matière la majorité et le Gouvernement abandonnent toute autosatisfaction, faisons un retour sur la période 2002-2010. Je reprends la synthèse produite par la Cour des comptes : Résultats et gestion budgétaire de l'État – Exercice 2010. Le graphique de la page 33, très parlant, montre l'évolution des résultats budgétaires au regard de ce qui était initialement prévu dans les projets de loi de finances : on constate un basculement très net en 2007. Entre 2002 et 2007, en tout cas à partir de 2003, le déficit réalisé a été à plusieurs reprises un peu moins important que prévu. Il est à noter, nous l'avions dit en 2008 lors de l'examen de l'exécution de la loi de finances pour 2007, qu'on était arrivé en loi de finances initiale à 34,7 milliards d'euros de déficit, soit une réduction par rapport au début du quinquennat de Jacques Chirac, et qu'il y a eu une brusque dégringolade au cours de l'année, c'est-à-dire bien avant le déclenchement de la crise, puisque le déficit a atteint 56,3 milliards d'euros. C'est évidemment nettement plus que ce qui avait été prévu.

Avec la loi pour l'emploi, le travail et le pouvoir d'achat, la fameuse loi TEPA, que nous avions rebaptisée le « paquet fiscal » puisque c'était vraiment un paquet de cadeaux fiscaux, le déficit a été brusquement aggravé de près de 22 milliards d'euros. On en retrouve évidemment ensuite les effets, d'une ampleur beaucoup plus importante, en 2008, en 2009 et en 2010. Il faut noter que, toujours dans sa synthèse, la Cour des comptes souligne que l'exercice 2010, contrairement à ce que vous déclarez souvent, monsieur le ministre, a été marqué par le dynamisme de certaines dépenses. En effet, vous dites qu'il y a beaucoup de déficits, mais que vous essayez vraiment de contenir les dépenses. Or, selon la Cour, la dépense la plus « dynamique », c'est la charge de la dette, qui a cru de 7,7 % en 2010 par rapport à 2009. On voit bien là les résultats directs de cette politique qui consiste à laisser filer les déficits et la dette puisqu'on en retrouve directement les effets dans les dépenses de l'État : les dépenses liées au financement de la dette explose.

J'en viens au bilan de ce qu'on a appelé soit la réforme, soit la suppression de la taxe professionnelle. Nous, nous n'y étions pas favorables sous cette forme car il s'agit en fait d'un nouveau cadeau fiscal non financé. Certes, au début, un tour de passe-passe était prévu : le Gouvernement avait imaginé alléger la taxe professionnelle, mais tout en créant un nouveau prélèvement sur les entreprises à travers la taxe carbone. Il s'agissait de reprendre d'une main ce qui était donné de l'autre. On sait ce qu'il est advenu de la taxe carbone : vous l'avez abandonnée en rase campagne après la décision du Conseil constitutionnel, décision qui avait été largement anticipée du côté de l'opposition puisque nous avions pointé les risques de cette formule fiscale. On se retrouve donc aujourd'hui avec un bilan très lourd après la réforme de la taxe professionnelle. Il y a d'ailleurs une querelle de chiffres entre vous et le rapporteur général ; en tout cas, la Cour des comptes estime qu'« une incertitude subsiste sur la charge financière supplémentaire nette supportée par le budget de l'État ».

Pour finir, je veux dire un mot sur une donnée un peu cachée de votre bilan, en tout cas une donnée sur laquelle vous ne vous étendez pas, monsieur le ministre : le fameux non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique. La Cour des comptes en a chiffré les gains à 808 millions d'euros, mais en précisant que cette économie a été rétrocédée aux agents – ce que nous ne contestons pas forcément – à hauteur de 47 %. L'économie pour le budget se monte donc à peine à 420 millions d'euros alors que, pour nos concitoyens, c'est une mesure très difficile à supporter au vu de la situation dans l'éducation nationale, dans la justice, dans la police ou dans la fonction publique hospitalière.

C'est pour toutes ces raisons et bien d'autres encore que le groupe GDR votera contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général mes chers collègues, la loi de règlement que nos examinons aujourd'hui est la dernière de la législature, et je vais donc faire un point sur le rôle et l'efficacité de ce type de loi, élément majeur de la démarche de performance initiée par la LOLF.

En effet, la loi de règlement devrait être l'occasion du contrôle par le Parlement de l'efficacité des stratégies mises en place par le Gouvernement lors de la loi de finances initiale et de la justification des écarts aux prévisions ; en bref, un texte capital, lieu de l'examen de la performance réalisée par rapport aux attentes initiales. Cet examen devrait à son tour irriguer tout le travail ultérieur de construction budgétaire, menant au débat d'orientation des finances publiques et aux projets de loi de finances. Or force est de constater qu'elle ne remplit toujours pas, aujourd'hui, ce rôle essentiel. L'organisation même de nos travaux sur le projet de loi de règlement pour 2010 en atteste. Si, et c'est encore heureux, nous examinons le projet de loi de règlement avant que ne se tienne le débat d'orientation sur les finances publiques, cet examen ne le précède que de quelques instants, et survient plus d'un mois et demi après l'envoi des lettres de cadrage pour le budget suivant. Quel impact auront dès lors nos travaux ?

La réforme de notre règlement ou les discours sur le renforcement de notre rôle de contrôle pouvaient légitimement nous faire espérer que l'examen du projet de loi de règlement occupe enfin la place qui lui revient. Or cette année encore il est discuté un lundi soir en séance publique, dans un hémicycle clairsemé, et seules deux séances sont prévues. En amont, nous avions testé, ces deux dernières années, un recours – léger – aux commissions élargies, mais l'organisation de nos travaux ne nous permettait pas de mobiliser les parlementaires dans des conditions autorisant à entrer dans le détail du projet de loi de règlement et d'évaluer la performance de la dépense budgétaire au cours de l'exercice écoulé, ce qui devrait normalement être l'une de nos tâches principales. Nous sommes donc revenus aux auditions classiques, mais seules sept auditions thématiques ont été prévues, dont trois auront lieu après l'examen du texte en séance, et trois seulement avec des ministres en exercice, représentant de surcroît une faible part du budget de l'État. On voit la limite de l'exercice.

Il est donc évident que nous devrons à l'avenir encore améliorer les conditions d'examen de la loi de règlement afin d'en faire réellement un rendez-vous incontournable de la procédure budgétaire.

La MILOLF devrait faire des propositions à ce sujet dans son prochain rapport. Sans en déflorer le contenu, disons que le calendrier d'examen devra inévitablement être révisé pour laisser le temps à un véritable travail d'évaluation, et que l'audition des ministres responsables de missions et de programmes devra être systématisée.

Avant d'en venir au projet de loi de règlement lui-même, je souhaiterais m'attarder quelques instants sur les données dont nous disposons.

La qualité des rapports annuels de performances s'améliore année après année, au fur et à mesure notamment des remarques de la Cour des comptes, de notre commission des finances ou de quelques-uns des amendements que nous votons. Ils offrent désormais une vision plus précise de l'exécution budgétaire, une meilleure consolidation des dépenses, une justification plus fine des écarts.

Cela étant, d'importants progrès restent à faire. La qualité des documents reste en effet très hétérogène, tant sur le plan des données utilisées et de leur construction que sur celui des justifications apportées que la Cour qualifie de « peu effectives » – elles sont parfois simplement inexistantes ou très partielles.

La présentation dans les RAP des dépenses fiscales, sujet sensible s'il en est et sur lequel je reviendrai, offre le meilleur exemple des progrès réalisés mais aussi des marges restantes. Pour la seconde année consécutive, le taux de chiffrage est bon puisque les montants non renseignés représentent moins de 1 % de l'ensemble, essentiellement des dépenses inférieures à 500 000 euros que les RAP ignorent. La fiabilité des données est bonne pour les deux tiers d'entre elles.

En revanche, l'information annexe manque cruellement, ce qui, du coup, laisse d'importantes marges de progrès avant d'être en situation de procéder à une réelle évaluation. Les RAP se contentent d'une présentation brute des chiffres qui ne permet aucune évaluation de l'efficacité de la dépense fiscale et donc aucune approche fine des dépenses à revoir. C'est d'autant plus important que la logique du rabot devra laisser place à une évaluation poste par poste des dépenses fiscales.

Ainsi, ces données ne contiennent aucun élément de contexte et se limitent aux années n et n moins 1, sans présenter de séries longues. Le nombre de bénéficiaires n'est donné que pour 2008, l'année n moins 2, alors que le montant de la dépense de cette même année, auquel il pourrait être rapporté, n'est plus présenté.

Quant aux projets annuels de performances pour 2011, ils contiennent bien le nombre de bénéficiaires pour 2009, qui à tout le moins pourrait être repris. Il est donc évident que nous n'avons pas les moyens d'entrer dans le détail de l'évaluation du volet dépenses fiscales et qu'il nous faudra progresser ensemble sur cette question.

Je conclurai sur ce point en ajoutant que les délais actuels d'élaboration des RAP constituent un point de blocage essentiel. Leur date de remise conditionne en effet notre capacité à évaluer suffisamment en amont la performance des actions menées, et donc à l'intégrer dans le processus de budgétisation. Or comme le fait remarquer la Cour, ces rapports sont systématiquement transmis en retard, dans un calendrier qui n'est déjà pas favorable à l'articulation des démarches d'évaluation et de programmation budgétaire.

J'en viens maintenant à l'exécution 2010.

L'évolution des dépenses y est marquée par un double mouvement : l'explosion des dépenses exceptionnelles, d'une part ; la volonté de maîtrise des dépenses ordinaires, d'autre part.

Par rapport aux prévisions de la loi de finances, les dépenses ont augmenté de 37,54 milliards d'euros. Cette hausse est essentiellement due au plan de relance, au programme « Investissements d'avenir » et au soutien à la Grèce. Je ne reviens pas sur la justification de ces dépenses, mais je voudrais insister sur un point.

À défaut de vue d'ensemble en loi de finances, la loi de règlement doit être le lieu d'une consolidation intégrale des comptes publics. Or toutes les dépenses du programme « Investissements d'avenir » étant considérées comme engagées en 2010, elles n'auront d'impact que sur cet exercice, tandis que les flux d'intérêts versés aux opérateurs au titre des dépenses non consommables impacteront les exercices suivants. La lisibilité tant des actions menées que de l'impact budgétaire du système impose donc un suivi spécifique en loi de règlement du programme « Investissements d'avenir » comme des suites du plan Campus, financé par la cession de titres EDF de l'État, et ce au-delà de l'information trimestrielle donnée au Parlement sur le rythme des engagements.

Par ailleurs, le respect de l'enveloppe votée par le Parlement illustre la volonté de maîtrise des dépenses, résultat d'autant plus remarquable que l'État a achevé en 2010 le processus entamé en 2007 d'apurement de ses dettes à l'égard de la sécurité sociale, ce dont je ne peux que me réjouir puisque la Caisse des dépôts et consignations assure le rôle de banquier de l'ACOSS. Cependant, ce respect de l'enveloppe est en grande partie dû à une charge de la dette inférieure de 2,5 milliards d'euros à la prévision, qui ne doit dissimuler ni l'augmentation par rapport à 2009 ni la problématique de la remontée des taux.

L'an dernier, avec M. le rapporteur général et Charles de Courson, nous avions eu l'occasion de souligner le risque que faisait courir la « court-termisation » de la structure de la dette, les remboursements à un an étant passés entre 2006 et 2009 de 16,9 % à 26,7 % de l'ensemble. En 2010, la part des bons du Trésor à taux fixe a été ramenée à 15,2 %, ce qui réduit notre exposition. Dans ce contexte, on ne peut que féliciter l'Agence France Trésor pour sa gestion.

Cette volonté de maîtrise de la dépense mérite aussi un satisfecit. Il ne doit cependant masquer ni les problèmes structurels à commencer par la croissance de la masse salariale de l'État que nous avions longuement évoqué lors du troisième PLFR pour 2010, ni la persistance de sous-budgétisations. Le budget de la défense en offre un bon exemple : le coût des opérations extérieures s'élève finalement à 867 millions d'euros et a nécessité une ouverture de 297 millions d'euros par décret d'avance. Certes, cette sous-budgétisation n'a plus rien à voir avec le fossé qui existait au début de la législature, mais il reste de la marge.

Au sein de la mission « Ville et logement », la sous-budgétisation du programme 177, « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » est elle aussi tout à la fois criante et chronique : en 2010, les crédits ont dû être abondés en cours d'exercice de 193,5 millions d'euros, soit 16,6 % de la prévision.

Après avoir évoqué le problème de l'exécution, où la volonté de tenue de la dépense est confrontée à de fortes contraintes, j'en viens au contournement de la norme de dépense et à l'insuffisance du périmètre de cette norme.

Le premier problème est encore celui des opérateurs. Les opérateurs, au nombre de 584, ont bénéficié en 2010 d'environ 34,1 milliards d'euros de subventions de l'État – ce qui représente près de la moitié des enjeux de la dépense fiscale – et de 8,5 milliards d'euros de ressources fiscales affectées. Ils représentent plus de la moitié des crédits dans 21 des 130 programmes.

Comme chaque année, les opérateurs ont servi de vecteurs de contournement de la norme, de manière plus ou moins dynamique selon les ministères. On ne peut que se féliciter des mesures prises pour intégrer les opérateurs à la démarche de performance globale de l'État, avec la circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs. Elle leur impose notamment un effort de productivité de 1,5 % par an, une réduction de leurs dépenses de fonctionnement au même niveau que celui de l'État et la signature de contrats d'objectifs et de performance, signés par 35 des 65 principaux opérateurs fin 2010. Merci, monsieur le ministre, de nous dire ce qu'il en est pour les autres.

En dernier lieu, j'évoquerai le problème de la dépense fiscale. Celle-ci est passée de 74,5 à 72,8 milliards d'euros entre 2009 et 2010, enregistrant une baisse de 1,7 milliard d'euros. Cependant, les impacts du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle ont conduit à diminuer les dépenses fiscales de 4,2 milliards d'euros. Hors ces deux effets, le total de la dépense fiscale aurait non pas diminué mais augmenté de 2,5 milliards d'euros. Cela doit attirer notre attention sur l'obligation de poursuivre l'effort entamé l'an dernier pour contenir l'évolution de ces dépenses, ce qui nécessitera une analyse fine de chacune de celles-ci.

À cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser une dernière question : comment envisagez-vous d'associer les parlementaires aux évaluations que mène l'inspection générale des finances, ainsi qu'à la prise des dispositions qui, dans les RAP, amélioreront l'information des parlementaires quant à l'évolution et à l'effet des dépenses fiscales que nous votons ?

Au terme de ces observations, je voudrais dire mon soutien à l'action du Gouvernement dans la voie d'une amélioration de la gestion de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'exercice 2010, ainsi que la certification des comptes de l'État de 2010 par le Premier président de la Cour des comptes, confirment que la France est dans une situation budgétaire inquiétante. L'audit ainsi mené est particulièrement sévère vis-à-vis de la politique du Gouvernement.

Il est bien évident que la préoccupation majeure, pour la Cour comme pour l'Assemblée, est celle de la soutenabilité des finances publiques et elle se pose aujourd'hui avec toujours plus d'acuité. Les résultats pour 2010 confirment la gravité de la dérive de nos comptes publics, au moment où la notation de la France est soumise, comme celle de l'ensemble des pays européens, à la menace d'une dégradation dans la lignée des événements entourant la dette souveraine de la Grèce.

Le projet de loi de règlement confirme en premier lieu le maintien de résultats très dégradés concernant le solde budgétaire. L'exécution s'est achevée sur un déficit budgétaire historique pour l'État : 148,8 milliards d'euros. Nous ne vous donnerons donc pas satisfecit, contrairement au rapporteur. Notons d'ailleurs que l'intervention de ce dernier a commencé sur un dithyrambe avant de s'achever sur un réquisitoire.

S'établissant à 7,1 % du PIB, ce déficit historique est le deuxième plus important qu'ait connu la France depuis la guerre ; le record est d'ailleurs détenu par votre gouvernement, en 2009, avec 7,5%. La Cour des comptes a souligné que la diminution entre 2009 et 2010 était faible par rapport à la réduction du déficit des autres pays européens.

En outre, l'exercice 2010 se caractérise par une terrible dégradation de la dette de l'État : 81 milliards d'euros supplémentaires en douze mois. Et encore, si des opérations de trésorerie, exceptionnelles et qui ne pourront être reconduites chaque année n'avaient pas été effectuées, elle se serait accrue de 110 ou 120 milliards d'euros.

Notre dette atteint désormais 1 600 milliards d'euros, soit 82,3 % du PIB. Certes l'Allemagne affiche un taux légèrement supérieur – 83,2 % –, mais son déficit étant beaucoup moins important que le nôtre – 3,3 % –, son endettement va donc se réduire plus rapidement. En outre, le taux de croissance de l'Allemagne est supérieur à celui de la France : 3,5 % contre 1,5 %. Encore faudrait-il, pour être complet, ajouter à cette dette publique de l'État, l'immense fardeau de la dette sociale.

Je voudrais insister sur l'analyse des raisons de cette dégradation. D'abord, selon la Cour des comptes, le plan de relance et l'effet de la crise n'expliquent, à eux deux, que 38 % du déficit de 2010. En outre, notre taux de prélèvements obligatoires est quasiment revenu à son niveau de 2007.

La France a donc un déficit nettement supérieur à celui de ses voisins européens et à la moyenne européenne qui se situe à 5,8 % du PIB. Sur les recettes, l'effort de redressement de la composante structurelle du déficit a été quasiment nulle l'an dernier.

La raison de cette dégradation est malheureusement très simple : elle tient en premier lieu à la politique fiscale du Gouvernement. L'an dernier, vous avez continué à réduire les recettes fiscales – de 0,4 point du PIB – alors que tous les autres pays tentaient de reconstituer leurs bases fiscales pour réduire leurs déficits. Cela représente près de huit milliards d'euros supplémentaires, notamment via la réforme de la taxe professionnelle.

Celle-ci aurait engendré une charge nette de 7,7 milliards d'euros, une somme sans commune mesure avec celle qui était annoncée. Comment expliquer pareil écart ? Je rappelle, à toutes fins utiles, que cette reforme aurait dû être neutre du point de vue budgétaire, une taxe carbone devant originellement compenser les pertes de recettes.

La dégradation de nos finances publiques tient aussi à une maîtrise très imparfaite des dépenses. L'an dernier, l'essentiel de la baisse a été due à des facteurs conjoncturels, ce qui a fait dire à notre rapporteur général : « l'amélioration constatée jusque-là est pour beaucoup liée à des causes conjoncturelles et ne doit pas masquer la fragilité de la situation. »

Quant à la règle du « zéro volume », vous ne l'aurez respectée facialement qu'en raison d'éléments conjoncturels eux aussi – des charges de la dette et des prélèvements sur recettes moins élevés que prévus au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales, notamment – mais aussi, comme le souligne la Cour des comptes, en excluant de manière contestable certaines dépenses du calcul de la norme telles que les investissements d'avenir.

Quant au toilettage des niches fiscales, qui nous avait été annoncé comme la pierre angulaire de la politique fiscale du Gouvernement, il est resté une goutte d'eau dans l'océan de ce qui serait nécessaire. D'ailleurs, la Commission européenne a souligné la nécessité de ne pas remplacer les dépenses publiques par des dépenses fiscales. Tout cela a été dit assez élégamment mais soulignait bien les impérities de ce gouvernement.

« Un budget n'est rien d'autre qu'un ensemble cohérent de choix », nous aviez-vous dit l'année dernière, monsieur le ministre. Votre gouvernement semble avoir renoncé à toute cohérence dans ses choix, si ce n'est de toujours favoriser une certaine partie de votre électorat, malheureusement toujours la plus privilégiée.

Votre dernier renoncement relatif à la réforme de l'ISF, consistant à trouver une alternative à la taxation sur les résidences secondaires détenues en France par les non-résidents, en est un bel exemple : il s'agit de contenter un électorat qui va désormais élire onze députés lors des prochaines législatives. Malheureusement, cela se fera au détriment des couples divorcés pour lesquels les taux des frais de partage vont largement augmenter, ce qui est profondément injuste socialement.

Au total, il n'est que temps que les Français renouent en 2012 avec la confiance dans la réforme de l'État et dans la sincérité de leurs comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 ;

Débat d'orientation des finances publiques pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma