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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 27 juin 2011 à 17h00
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'exercice 2010, ainsi que la certification des comptes de l'État de 2010 par le Premier président de la Cour des comptes, confirment que la France est dans une situation budgétaire inquiétante. L'audit ainsi mené est particulièrement sévère vis-à-vis de la politique du Gouvernement.

Il est bien évident que la préoccupation majeure, pour la Cour comme pour l'Assemblée, est celle de la soutenabilité des finances publiques et elle se pose aujourd'hui avec toujours plus d'acuité. Les résultats pour 2010 confirment la gravité de la dérive de nos comptes publics, au moment où la notation de la France est soumise, comme celle de l'ensemble des pays européens, à la menace d'une dégradation dans la lignée des événements entourant la dette souveraine de la Grèce.

Le projet de loi de règlement confirme en premier lieu le maintien de résultats très dégradés concernant le solde budgétaire. L'exécution s'est achevée sur un déficit budgétaire historique pour l'État : 148,8 milliards d'euros. Nous ne vous donnerons donc pas satisfecit, contrairement au rapporteur. Notons d'ailleurs que l'intervention de ce dernier a commencé sur un dithyrambe avant de s'achever sur un réquisitoire.

S'établissant à 7,1 % du PIB, ce déficit historique est le deuxième plus important qu'ait connu la France depuis la guerre ; le record est d'ailleurs détenu par votre gouvernement, en 2009, avec 7,5%. La Cour des comptes a souligné que la diminution entre 2009 et 2010 était faible par rapport à la réduction du déficit des autres pays européens.

En outre, l'exercice 2010 se caractérise par une terrible dégradation de la dette de l'État : 81 milliards d'euros supplémentaires en douze mois. Et encore, si des opérations de trésorerie, exceptionnelles et qui ne pourront être reconduites chaque année n'avaient pas été effectuées, elle se serait accrue de 110 ou 120 milliards d'euros.

Notre dette atteint désormais 1 600 milliards d'euros, soit 82,3 % du PIB. Certes l'Allemagne affiche un taux légèrement supérieur – 83,2 % –, mais son déficit étant beaucoup moins important que le nôtre – 3,3 % –, son endettement va donc se réduire plus rapidement. En outre, le taux de croissance de l'Allemagne est supérieur à celui de la France : 3,5 % contre 1,5 %. Encore faudrait-il, pour être complet, ajouter à cette dette publique de l'État, l'immense fardeau de la dette sociale.

Je voudrais insister sur l'analyse des raisons de cette dégradation. D'abord, selon la Cour des comptes, le plan de relance et l'effet de la crise n'expliquent, à eux deux, que 38 % du déficit de 2010. En outre, notre taux de prélèvements obligatoires est quasiment revenu à son niveau de 2007.

La France a donc un déficit nettement supérieur à celui de ses voisins européens et à la moyenne européenne qui se situe à 5,8 % du PIB. Sur les recettes, l'effort de redressement de la composante structurelle du déficit a été quasiment nulle l'an dernier.

La raison de cette dégradation est malheureusement très simple : elle tient en premier lieu à la politique fiscale du Gouvernement. L'an dernier, vous avez continué à réduire les recettes fiscales – de 0,4 point du PIB – alors que tous les autres pays tentaient de reconstituer leurs bases fiscales pour réduire leurs déficits. Cela représente près de huit milliards d'euros supplémentaires, notamment via la réforme de la taxe professionnelle.

Celle-ci aurait engendré une charge nette de 7,7 milliards d'euros, une somme sans commune mesure avec celle qui était annoncée. Comment expliquer pareil écart ? Je rappelle, à toutes fins utiles, que cette reforme aurait dû être neutre du point de vue budgétaire, une taxe carbone devant originellement compenser les pertes de recettes.

La dégradation de nos finances publiques tient aussi à une maîtrise très imparfaite des dépenses. L'an dernier, l'essentiel de la baisse a été due à des facteurs conjoncturels, ce qui a fait dire à notre rapporteur général : « l'amélioration constatée jusque-là est pour beaucoup liée à des causes conjoncturelles et ne doit pas masquer la fragilité de la situation. »

Quant à la règle du « zéro volume », vous ne l'aurez respectée facialement qu'en raison d'éléments conjoncturels eux aussi – des charges de la dette et des prélèvements sur recettes moins élevés que prévus au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales, notamment – mais aussi, comme le souligne la Cour des comptes, en excluant de manière contestable certaines dépenses du calcul de la norme telles que les investissements d'avenir.

Quant au toilettage des niches fiscales, qui nous avait été annoncé comme la pierre angulaire de la politique fiscale du Gouvernement, il est resté une goutte d'eau dans l'océan de ce qui serait nécessaire. D'ailleurs, la Commission européenne a souligné la nécessité de ne pas remplacer les dépenses publiques par des dépenses fiscales. Tout cela a été dit assez élégamment mais soulignait bien les impérities de ce gouvernement.

« Un budget n'est rien d'autre qu'un ensemble cohérent de choix », nous aviez-vous dit l'année dernière, monsieur le ministre. Votre gouvernement semble avoir renoncé à toute cohérence dans ses choix, si ce n'est de toujours favoriser une certaine partie de votre électorat, malheureusement toujours la plus privilégiée.

Votre dernier renoncement relatif à la réforme de l'ISF, consistant à trouver une alternative à la taxation sur les résidences secondaires détenues en France par les non-résidents, en est un bel exemple : il s'agit de contenter un électorat qui va désormais élire onze députés lors des prochaines législatives. Malheureusement, cela se fera au détriment des couples divorcés pour lesquels les taux des frais de partage vont largement augmenter, ce qui est profondément injuste socialement.

Au total, il n'est que temps que les Français renouent en 2012 avec la confiance dans la réforme de l'État et dans la sincérité de leurs comptes publics.

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