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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 27 juin 2011 à 17h00
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Mais bien sûr que c'est nécessaire ! Parce que, quand je vois les propositions que vous faites, je me dis que vous avez des marges de progression pour traduire les concepts dans la réalité.

Mais afin de ne pas vous indisposer, je vais faire référence à un économiste que vous préférez sans doute aux « économistes atterrés ». Il s'agit de Milton Friedman, qui a dit : « Si les dépenses s'élèvent à 2 000 milliards et les rentrées fiscales à 1 500 milliards, qui donc paie les 500 milliards de différences, une fée ou le père Noël ? »

Grâce à l'UMP nous avons la réponse. Il suffit de modifier quelques chiffres et la question sera adaptée à la situation française. Ce n'est ni une fée ni le père Noël, les 148 milliards de déficit sont payés par les Français les plus pauvres et les plus précaires, par ceux qui n'ont que leurs salaires acquis à force de travail, leurs maigres retraites, pour survivre et leurs yeux pour pleurer lorsque les factures s'amoncellent.

La diminution du montant des retraites, le déremboursement des médicaments, la réduction drastique du nombre de fonctionnaires, les fermetures de services publics, la diminution du nombre de policiers, ou l'augmentation des tarifs de l'énergie sont pour vous autant d'occasions de faire payer aux Français les errements de votre politique.

Vous ne faites rien pour combler les inégalités et vous allez même jusqu'à les accentuer. Le RPR de Jacques Chirac – dont vous étiez très proche, monsieur le ministre, dans une jeunesse qui n'est pas si lointaine – était le découvreur de la « fracture sociale ». L'UMP de Nicolas Sarkozy est le créateur de la « facture fiscale ». On prend aux plus pauvres pour payer les cadeaux fiscaux que l'on fait aux privilégiés de la naissance et de l'argent.

Ce renversement de la charge de l'impôt des pauvres et des classes moyennes vers les plus fortunés est mené au mépris de nos principes constitutionnels. Je n'en veux pour preuve que l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui prévoit, je le rappelle à l'attention de nos collègues de l'UMP, qui l'ont oublié : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». La répartition de l'impôt en fonction de la faculté contributive de chacun est passée sous les fourches caudines de votre politique partisane.

Je tiens à rappeler que depuis 2002, la dette de la France a grossi de 700 milliards d'euros, ce qui signifie que 43 % du montant total de la dette actuelle est directement imputable à la gestion de l'UMP sur les huit dernières années. Vous êtes loin d'avoir géré la France à la manière d'un bon père de famille. Le bouclier fiscal, la réforme de l'ISF, la modification des droits de succession, la loi TEPA, ou bien encore la niche Copé, ce sont ces mesures qui ruinent la France et qui expliquent le déficit et la dette.

D'autres mesures participent également à creuser le déficit de notre pays. C'est le cas des nombreuses privatisations que vos gouvernements ont faites. Le cas le plus éloquent est certainement celui de la privatisation des sociétés d'autoroutes de 2002, 2004 et 2005. Vous avez préféré vendre immédiatement au rabais ces sociétés aux grands groupes du BTP, plutôt que de percevoir de manière certaine le quadruple de la somme en attendant la fin des concessions. C'est ce qui s'appelle privatiser les profits.

Ce type de politique est en oeuvre à grande échelle aujourd'hui en Grèce. Tout est bon pour piller le pays. Après la cession d'une partie du port du Pirée, va-t-on assister à la vente sur eBay du Parthénon, monsieur le ministre ? Les plans drastiques d'austérité et de privatisation conduisent l'État grec vers une faillite certaine. Les biens qui assuraient les plus grandes recettes ayant été cédés au privé, vous ne réservez au peuple grec que de la misère et du désespoir.

Les politiques d'austérité menées à grande échelle sur la planète hypothèquent l'avenir. L'ONU, dans son rapport annuel sur la situation sociale dans le monde, confirme cette analyse en écrivant : « Les mesures d'austérité prises par certains pays comme la Grèce et l'Espagne face à un endettement public excessif menacent non seulement l'emploi dans le secteur public et les dépenses sociales, mais rendent la reprise plus incertaine et plus fragile ».

On remarquera également que la politique d'austérité n'a qu'une cible, la réduction des dépenses publiques directement utiles à nos compatriotes. Dès lors qu'il s'agit de mener des coupes claires, il apparaît hors de question de rogner sur les dépenses militaires, il n'est personne pour s'y atteler. Cela s'est vu en Grèce, pays où 2,8 % du PIB sont consacrés aux dépenses militaires, soit le deuxième ratio le plus élevé de la planète, derrière les États-Unis. Et cela s'observe également en France, où des troupes sont engagées en Afghanistan au moins jusqu'à l'été 2014, et en Libye, où vous venez d'entamer une action militaire – dans laquelle nous sommes de plus en plus seuls – pour la modique somme de 1 million d'euros par jour.

Votre majorité dilapide donc l'argent public par l'octroi de cadeaux entre amis, mais elle accompagne, de surcroît, cette politique de mesures d'austérité. Vous cherchez, c'est votre croisade, à réduire peu à peu le rôle de l'État à celui d'un raisin sec, ce qui fragilise les ménages en difficulté.

Vous pensez que déréguler, privatiser, financiariser l'économie et amoindrir le rôle de l'État, c'est faire preuve de modernité, et vous y voyez matière à autosatisfaction. En fait, il n'en est rien. Marx disait – écoutez bien, cela va compléter votre culture générale : « Ce qui distingue l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. » Vous voyez qu'il y a là matière à réflexion. Ce serait un bon sujet de philosophie pour le prochain baccalauréat.

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