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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 27 juin 2011 à 17h00
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général mes chers collègues, la loi de règlement que nos examinons aujourd'hui est la dernière de la législature, et je vais donc faire un point sur le rôle et l'efficacité de ce type de loi, élément majeur de la démarche de performance initiée par la LOLF.

En effet, la loi de règlement devrait être l'occasion du contrôle par le Parlement de l'efficacité des stratégies mises en place par le Gouvernement lors de la loi de finances initiale et de la justification des écarts aux prévisions ; en bref, un texte capital, lieu de l'examen de la performance réalisée par rapport aux attentes initiales. Cet examen devrait à son tour irriguer tout le travail ultérieur de construction budgétaire, menant au débat d'orientation des finances publiques et aux projets de loi de finances. Or force est de constater qu'elle ne remplit toujours pas, aujourd'hui, ce rôle essentiel. L'organisation même de nos travaux sur le projet de loi de règlement pour 2010 en atteste. Si, et c'est encore heureux, nous examinons le projet de loi de règlement avant que ne se tienne le débat d'orientation sur les finances publiques, cet examen ne le précède que de quelques instants, et survient plus d'un mois et demi après l'envoi des lettres de cadrage pour le budget suivant. Quel impact auront dès lors nos travaux ?

La réforme de notre règlement ou les discours sur le renforcement de notre rôle de contrôle pouvaient légitimement nous faire espérer que l'examen du projet de loi de règlement occupe enfin la place qui lui revient. Or cette année encore il est discuté un lundi soir en séance publique, dans un hémicycle clairsemé, et seules deux séances sont prévues. En amont, nous avions testé, ces deux dernières années, un recours – léger – aux commissions élargies, mais l'organisation de nos travaux ne nous permettait pas de mobiliser les parlementaires dans des conditions autorisant à entrer dans le détail du projet de loi de règlement et d'évaluer la performance de la dépense budgétaire au cours de l'exercice écoulé, ce qui devrait normalement être l'une de nos tâches principales. Nous sommes donc revenus aux auditions classiques, mais seules sept auditions thématiques ont été prévues, dont trois auront lieu après l'examen du texte en séance, et trois seulement avec des ministres en exercice, représentant de surcroît une faible part du budget de l'État. On voit la limite de l'exercice.

Il est donc évident que nous devrons à l'avenir encore améliorer les conditions d'examen de la loi de règlement afin d'en faire réellement un rendez-vous incontournable de la procédure budgétaire.

La MILOLF devrait faire des propositions à ce sujet dans son prochain rapport. Sans en déflorer le contenu, disons que le calendrier d'examen devra inévitablement être révisé pour laisser le temps à un véritable travail d'évaluation, et que l'audition des ministres responsables de missions et de programmes devra être systématisée.

Avant d'en venir au projet de loi de règlement lui-même, je souhaiterais m'attarder quelques instants sur les données dont nous disposons.

La qualité des rapports annuels de performances s'améliore année après année, au fur et à mesure notamment des remarques de la Cour des comptes, de notre commission des finances ou de quelques-uns des amendements que nous votons. Ils offrent désormais une vision plus précise de l'exécution budgétaire, une meilleure consolidation des dépenses, une justification plus fine des écarts.

Cela étant, d'importants progrès restent à faire. La qualité des documents reste en effet très hétérogène, tant sur le plan des données utilisées et de leur construction que sur celui des justifications apportées que la Cour qualifie de « peu effectives » – elles sont parfois simplement inexistantes ou très partielles.

La présentation dans les RAP des dépenses fiscales, sujet sensible s'il en est et sur lequel je reviendrai, offre le meilleur exemple des progrès réalisés mais aussi des marges restantes. Pour la seconde année consécutive, le taux de chiffrage est bon puisque les montants non renseignés représentent moins de 1 % de l'ensemble, essentiellement des dépenses inférieures à 500 000 euros que les RAP ignorent. La fiabilité des données est bonne pour les deux tiers d'entre elles.

En revanche, l'information annexe manque cruellement, ce qui, du coup, laisse d'importantes marges de progrès avant d'être en situation de procéder à une réelle évaluation. Les RAP se contentent d'une présentation brute des chiffres qui ne permet aucune évaluation de l'efficacité de la dépense fiscale et donc aucune approche fine des dépenses à revoir. C'est d'autant plus important que la logique du rabot devra laisser place à une évaluation poste par poste des dépenses fiscales.

Ainsi, ces données ne contiennent aucun élément de contexte et se limitent aux années n et n moins 1, sans présenter de séries longues. Le nombre de bénéficiaires n'est donné que pour 2008, l'année n moins 2, alors que le montant de la dépense de cette même année, auquel il pourrait être rapporté, n'est plus présenté.

Quant aux projets annuels de performances pour 2011, ils contiennent bien le nombre de bénéficiaires pour 2009, qui à tout le moins pourrait être repris. Il est donc évident que nous n'avons pas les moyens d'entrer dans le détail de l'évaluation du volet dépenses fiscales et qu'il nous faudra progresser ensemble sur cette question.

Je conclurai sur ce point en ajoutant que les délais actuels d'élaboration des RAP constituent un point de blocage essentiel. Leur date de remise conditionne en effet notre capacité à évaluer suffisamment en amont la performance des actions menées, et donc à l'intégrer dans le processus de budgétisation. Or comme le fait remarquer la Cour, ces rapports sont systématiquement transmis en retard, dans un calendrier qui n'est déjà pas favorable à l'articulation des démarches d'évaluation et de programmation budgétaire.

J'en viens maintenant à l'exécution 2010.

L'évolution des dépenses y est marquée par un double mouvement : l'explosion des dépenses exceptionnelles, d'une part ; la volonté de maîtrise des dépenses ordinaires, d'autre part.

Par rapport aux prévisions de la loi de finances, les dépenses ont augmenté de 37,54 milliards d'euros. Cette hausse est essentiellement due au plan de relance, au programme « Investissements d'avenir » et au soutien à la Grèce. Je ne reviens pas sur la justification de ces dépenses, mais je voudrais insister sur un point.

À défaut de vue d'ensemble en loi de finances, la loi de règlement doit être le lieu d'une consolidation intégrale des comptes publics. Or toutes les dépenses du programme « Investissements d'avenir » étant considérées comme engagées en 2010, elles n'auront d'impact que sur cet exercice, tandis que les flux d'intérêts versés aux opérateurs au titre des dépenses non consommables impacteront les exercices suivants. La lisibilité tant des actions menées que de l'impact budgétaire du système impose donc un suivi spécifique en loi de règlement du programme « Investissements d'avenir » comme des suites du plan Campus, financé par la cession de titres EDF de l'État, et ce au-delà de l'information trimestrielle donnée au Parlement sur le rythme des engagements.

Par ailleurs, le respect de l'enveloppe votée par le Parlement illustre la volonté de maîtrise des dépenses, résultat d'autant plus remarquable que l'État a achevé en 2010 le processus entamé en 2007 d'apurement de ses dettes à l'égard de la sécurité sociale, ce dont je ne peux que me réjouir puisque la Caisse des dépôts et consignations assure le rôle de banquier de l'ACOSS. Cependant, ce respect de l'enveloppe est en grande partie dû à une charge de la dette inférieure de 2,5 milliards d'euros à la prévision, qui ne doit dissimuler ni l'augmentation par rapport à 2009 ni la problématique de la remontée des taux.

L'an dernier, avec M. le rapporteur général et Charles de Courson, nous avions eu l'occasion de souligner le risque que faisait courir la « court-termisation » de la structure de la dette, les remboursements à un an étant passés entre 2006 et 2009 de 16,9 % à 26,7 % de l'ensemble. En 2010, la part des bons du Trésor à taux fixe a été ramenée à 15,2 %, ce qui réduit notre exposition. Dans ce contexte, on ne peut que féliciter l'Agence France Trésor pour sa gestion.

Cette volonté de maîtrise de la dépense mérite aussi un satisfecit. Il ne doit cependant masquer ni les problèmes structurels à commencer par la croissance de la masse salariale de l'État que nous avions longuement évoqué lors du troisième PLFR pour 2010, ni la persistance de sous-budgétisations. Le budget de la défense en offre un bon exemple : le coût des opérations extérieures s'élève finalement à 867 millions d'euros et a nécessité une ouverture de 297 millions d'euros par décret d'avance. Certes, cette sous-budgétisation n'a plus rien à voir avec le fossé qui existait au début de la législature, mais il reste de la marge.

Au sein de la mission « Ville et logement », la sous-budgétisation du programme 177, « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » est elle aussi tout à la fois criante et chronique : en 2010, les crédits ont dû être abondés en cours d'exercice de 193,5 millions d'euros, soit 16,6 % de la prévision.

Après avoir évoqué le problème de l'exécution, où la volonté de tenue de la dépense est confrontée à de fortes contraintes, j'en viens au contournement de la norme de dépense et à l'insuffisance du périmètre de cette norme.

Le premier problème est encore celui des opérateurs. Les opérateurs, au nombre de 584, ont bénéficié en 2010 d'environ 34,1 milliards d'euros de subventions de l'État – ce qui représente près de la moitié des enjeux de la dépense fiscale – et de 8,5 milliards d'euros de ressources fiscales affectées. Ils représentent plus de la moitié des crédits dans 21 des 130 programmes.

Comme chaque année, les opérateurs ont servi de vecteurs de contournement de la norme, de manière plus ou moins dynamique selon les ministères. On ne peut que se féliciter des mesures prises pour intégrer les opérateurs à la démarche de performance globale de l'État, avec la circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs. Elle leur impose notamment un effort de productivité de 1,5 % par an, une réduction de leurs dépenses de fonctionnement au même niveau que celui de l'État et la signature de contrats d'objectifs et de performance, signés par 35 des 65 principaux opérateurs fin 2010. Merci, monsieur le ministre, de nous dire ce qu'il en est pour les autres.

En dernier lieu, j'évoquerai le problème de la dépense fiscale. Celle-ci est passée de 74,5 à 72,8 milliards d'euros entre 2009 et 2010, enregistrant une baisse de 1,7 milliard d'euros. Cependant, les impacts du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle ont conduit à diminuer les dépenses fiscales de 4,2 milliards d'euros. Hors ces deux effets, le total de la dépense fiscale aurait non pas diminué mais augmenté de 2,5 milliards d'euros. Cela doit attirer notre attention sur l'obligation de poursuivre l'effort entamé l'an dernier pour contenir l'évolution de ces dépenses, ce qui nécessitera une analyse fine de chacune de celles-ci.

À cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser une dernière question : comment envisagez-vous d'associer les parlementaires aux évaluations que mène l'inspection générale des finances, ainsi qu'à la prise des dispositions qui, dans les RAP, amélioreront l'information des parlementaires quant à l'évolution et à l'effet des dépenses fiscales que nous votons ?

Au terme de ces observations, je voudrais dire mon soutien à l'action du Gouvernement dans la voie d'une amélioration de la gestion de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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