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Commission des affaires économiques

Séance du 25 mai 2011 à 10h15

Résumé de la séance

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  • bancaire
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La séance

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La commission a auditionné M. Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France, sur le financement des PME.

PermalienPhoto de Serge Poignant

Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France, mais également président de l'Autorité de contrôle prudentiel qui a été créé en janvier 2010. Vos compétences en matière de secteur bancaire et de financement des entreprises seront, je n'en doute pas, très profitables aux membres de notre commission qui sont particulièrement attentifs à la vie et au développement des PME sur notre territoire.

Tous les rapports relatifs à la compétitivité de l'économie française pointent le déficit français en matière d'entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Ces entreprises sont particulièrement importantes pour la réussite des exportations allemandes, c'est le cas du Mittelstand, ou encore, italiennes. Vous savez M. le gouverneur que le secteur bancaire est régulièrement pointé du doigt pour expliquer ce phénomène, en raison d'une moindre proximité avec les entreprises sur le territoire. Le réseau départemental de la Banque de France peut-il avoir un rôle à jouer pour améliorer la situation ?

Un observatoire du financement des entreprises a été mis en place à la suite des recommandations issues des Etats généraux de l'industrie. Dans son récent rapport, l'observatoire dresse un bilan mitigé de l'accès au crédit des PME et des ETI et, au titre des inquiétudes, relève la faiblesse du capital risque, la diminution des investissements en action des assureurs et les effets potentiellement restrictifs des règles prudentielles de l'accord « Bâle III ». Pensez vous que ces inquiétudes sont justifiées ?

D'autre part, la défaillance des jeunes entreprises demeure forte dans notre pays, 20 % des PME n'atteignent pas leur premier anniversaire, et 50 % disparaissent au cours des cinq premières années, quelle est selon vous, parmi les nombreux autres facteurs en cause, la place occupée dans cette situation par les difficultés à accéder au crédit bancaire ?

Je vous remercie encore une fois d'être venu jusqu'à nous et je sais que les commissaires sont très intéressés à la fois par le rôle global tenu par la Banque de France dans l'économie et plus spécifiquement par les questions relatives au financement des entreprises, je vous laisse donc tout de suite la parole.

PermalienJean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France

Je suis très honoré par votre invitation et je vais tout d'abord vous préciser de quelles façons la Banque de France est amenée à s'intéresser à la situation des entreprises, et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, au travers de ses différentes missions.

En premier lieu, la Banque de France fait partie de l'Eurosystème et doit à ce titre surveiller de très près l'évolution du volume et du coût du financement bancaire des PME dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique monétaire qui est sa mission première. Nous nous assurons en particulier que les mesures monétaires sont calibrées de façon à éviter une inflation excessive qui serait particulièrement préjudiciable à la compétitivité des entreprises. Je souhaite souligner que la maîtrise de l'inflation est un facteur de soutien à long terme de la croissance économique car elle donne de la visibilité aux consommateurs, aux épargnants et aux investisseurs.

Je rappelle que le PIB a augmenté de 1 % au premier trimestre et que nos prévisions sont de l'ordre de 0,5 % pour le deuxième trimestre. Dans le même temps l'inflation hors tabac est en rythme annuel de 2 %, nous ne nous trouvons donc pas dans une situation de stagflation, ni même de déflation. Cet environnement économique et monétaire apparaît propice au développement des entreprises.

Il existe un lien fort entre la politique monétaire et les prêts aux PME et je souhaite illustrer cet état de fait par le soutien déterminant qu'a apporté la Banque de France au financement des entreprises lors de la crise du système bancaire mondial. Dès que les faits se sont produits en 2008, les taux d'intérêts ont été réduits, puis maintenus à des niveaux extrêmement bas, et des liquidités ont été fournies au système bancaire afin de lui permettre de continuer à mener ses opérations de prêt. De même, et j'y insiste tout particulièrement, l'éventail des crédits éligibles au refinancement monétaire a été fortement élargi. C'est pourquoi je pense que l'on peut dire qu'il n'y a pas eu de déséquilibre majeur entre l'offre et la demande de crédit durant la période particulièrement difficile que nous avons connu et dont nous ne sommes d'ailleurs pas encore totalement sortis.

Je souhaite m'appesantir quelque peu sur le rôle qu'a joué la Banque de France en élargissant l'éventail des crédits éligibles au refinancement monétaire. Les créances des banques sur les entreprises font l'objet d'une notation appropriée pour pouvoir être éligibles au refinancement monétaire, il s'agit d'une mission de cotation qui est exercée par chacune de nos succursales en région. La Banque de France cote ainsi un peu plus de 250 000 entreprises, ce qui est considérable puisque la banque centrale allemande, qui occupe le second rang en ce domaine, ne cote quant à elle que 30 000 entreprises. Il s'agit d'une aide considérable et totalement gratuite aux entreprises car les agences de notation ne s'intéressent quant à elles qu'aux grandes entreprises ou aux entreprises cotées. C'est également un dispositif vertueux car il amorce un premier dialogue avec le chef d'entreprise sur le financement de la société, sur sa situation et ses perspectives d'évolution. Je crois même pouvoir dire qu'il constitue un outil pédagogique comme l'illustre le fait que 44 000 entretiens particuliers ont été réalisés au cours de l'année 2010 entre les directeurs de nos succursales et les chefs d'entreprise.

La Banque de France doit également s'assurer du bon respect par les banques des obligations d'emploi des fonds décentralisés d'épargne réglementée – livrets A et de développement durable – dans le cadre de l'observatoire de l'épargne réglementée que préside le Gouverneur. Je suis d'ores et déjà en mesure d'indiquer que toutes les obligations réglementaires d'emploi de ces fonds en crédits aux PME sont respectées, aussi bien d'un point de vue global que pour chaque banque prise individuellement. Je reviens sur le réseau de succursales implantées en région, leur connaissance du tissu économique local permet de conduire, au plus près du terrain, des estimations différenciées suivant la région d'implantation de l'entreprise.

La Banque de France est également chargée de surveiller la réglementation des banques, en lien avec l'Autorité de contrôle prudentiel qui reprend les compétences que la commission bancaire exerçait antérieurement, et donc de l'impact de la réglementation bancaire prudentielle sur le financement des PME. Avant d'évoquer le futur régime dit « Bâle III », je voudrais rappeler que le régime actuel, connu sous le nom de « Bâle II », qui a été mis en oeuvre au début de l'année 2007, est extrêmement favorable aux PME. L'origine de cette réglementation, qui a été un peu oublié depuis, repose sur le constat que pour la stabilité financière le risque majeur est celui de la contagion de la défaillance d'une grande entreprise à d'autres entreprises, voire à son prêteur. Mais, en revanche, un tel risque systémique n'existe pas pour ce qui concerne les prêts accordés à des PME ou des TPE. Dès lors, de tels prêts sont pondérés en risque de manière beaucoup plus faible que ceux accordés aux grandes entreprises. D'après les calculs effectués, le passage à la réglementation issue de « Bâle II » avait abaissé d'environ 20 % le coût en risque pour les PME et d'un peu plus de 40 % pour les TPE, ce qui constitue des baisses notables. Cette meilleure tarification du risque avait aussi pour objectif d'améliorer le dialogue entre la banque et l'entreprise et la transparence de l'information financière afin de mieux prévenir les éventuelles difficultés dans la gestion de l'entreprise et mettre en place les actions correctrices qui s'imposent, le cas échéant, avec l'appui des bailleurs de fonds.

Les nouvelles règles mondiales, dites « Bâle III », ont été rendues nécessaires non pas en raison de risques accrus du coté des entreprises mais du fait de la croissance des risques de marché. Après la crise majeure que nous avons connu, il apparaît nécessaire pour l'économie française que l'intermédiation financière soit réalisée par des acteurs solides. Il convient de rappeler que le financement des entreprises repose en France à hauteur de 70 % sur les banques et que la solidité de celles-ci est donc un élément indispensable pour assurer un financement correct des entreprises. La situation qui prévaut aux Etats-Unis est inverse puisque le financement des entreprises repose pour 23 sur le marché et pour 13 seulement sur les banques, avec les avantages mais aussi les graves risques que cela implique.

A ce stade une seule décision a été arrêtée, celle d'augmenter les ratios de solvabilité. La mise en oeuvre de cette mesure ne devrait pas poser de réel problème aux banques françaises qui se sont engagées à augmenter leurs fonds propres et de conserver une large partie de leurs dividendes. L'autre sujet qui alimente les discussions est celui des règles dites de liquidité. Je tiens à dire que l'adoption de telles règles, ce qui serait une première au niveau mondial, constituerait une très bonne chose pour la sécurité globale du système bancaire en évitant que le comportement des banques ait un effet procyclique lorsque la conjoncture est défavorable. Ces ratios, qui sont toujours en cours de discussion soulèvent un certain nombre de critiques de la part des autorités françaises, notamment l'importance accordée à la détention de titres publics par les banques qui ne semble pas conforme à leur vocation première. Nous souhaitons également ne pas contraindre les banques à restreindre leur activité de transformation et là aussi les discussions en cours doivent permettre d'aboutir à un point d'équilibre. J'ajoute que nous avons en France une bonne expérience de tels ratios de liquidité puisqu'une réglementation en ce sens est en vigueur depuis plus de vingt ans et qu'elle a fait ses preuves en permettant aux banques françaises de traverser la crise sans réel problème de liquidité. En conclusion, ces ratios ne modifient absolument pas la prise en compte des risques de financement des entreprises et il appartiendra aux banques de diminuer leurs activités de marché ou de transformation à très long terme sans restreindre le financement des entreprises. Je dois en revanche vous indiquer que nos évaluations nous conduisent à penser que si le volume du crédit à destination des entreprises ne sera pas affecté par ces nouvelles règles, un renchérissement modéré de celui-ci apparaît inévitable en raison des contraintes nouvelles qu'elles imposent aux banques.

Pour conclure je souhaite vous présenter quelques données clés concernant l'évolution des concours bancaires aux PME. En rythme annuel, ces crédits ont augmenté de 5,8 % selon les données de fin mars 2011 et de 4,9 % si l'on considère les PME qui ne font pas partie d'un groupe. Au cours du premier trimestre 2011 le volume de crédits distribués s'est élevé à 19 milliards d'euros ce qui témoigne du dynamisme conjoint de l'offre et de la demande. Dans le cadre du suivi très régulier du taux d'acceptation des demandes de crédit, je peux vous indiquer que près de 80 % des demandes de crédits déposées par les PME Françaises ont été satisfaites en totalité au cours du second semestre 2010. Cette étude réalisée dans le cadre de l'Eurosystème montre que les deux pays qui connaissent le plus fort taux d'acceptation des demandes de crédits sont l'Allemagne, avec un pourcentage proche de 85 %, et la France. Pour les autres pays le taux chute rapidement à 50 ou 60 %. En ce qui concerne les taux de crédits aux PME, les données relatives aux prêts de faible montant, c'est à dire inférieurs à un million d'euros, qu'ils soient à taux fixe ou à taux variable, montrent que ceux-ci sont toujours inférieurs en France à la moyenne des crédits pratiqués dans la zone euro. Les entreprises françaises disposent donc de crédits inférieurs de 30 à 50 points de base à ceux pratiqués dans les autres pays de la zone euro et cette tendance s'est accentuée au cours des dernières années.

Enfin, le rôle confié récemment à la Banque de France en matière de médiation du crédit constitue un élément important et positif à nos yeux. Il découle d'une connaissance avérée des entreprises et du secteur bancaire au sein de nos succursales, qui permet de mener avec les différentes parties un dialogue fructueux et en amont des difficultés qui peuvent surgir. On peut observer que si le nombre de dossiers était en moyenne de 1 100 entre la mise en place du dispositif en novembre 2008 et la fin de l'année 2010, il n'est plus que de 436 sur les quatre premiers mois de 2011. Ce phénomène traduit à la fois une amélioration relative de la situation et la nécessité de pérenniser une fonction qui correspond à un indéniable besoin.

PermalienPhoto de Serge Poignant

Je vous remercie beaucoup, Monsieur le gouverneur, pour votre présentation fort précise et très éclairante. Je retiens tout particulièrement vos propos sur les règles prudentielles imposées lors des accords de « Bâle III » et sur l'importance du Médiateur du crédit. Je laisse maintenant la parole aux différents représentants des groupes.

PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le gouverneur, je remarque de mon côté que votre exposé présente une situation quelque peu idyllique alors que telle n'est pas la réalité puisque, lorsqu'on discute avec des chefs d'entreprise sur le terrain, ce n'est ni ce qu'ils ressentent, ni ce qu'ils vivent en pratique, les banques éprouvant toujours certaines réticences à leur accorder des crédits.

La Banque de France dispose d'un véritable pouvoir de vie et de mort sur les entreprises à travers leur cotation. Pouvez-vous nous dire si, en période de crise, lorsque les marchés sont tendus, votre appréciation prend en compte la conjoncture et le contexte économique général, ou si vous n'accordez la cotation Banque de France que sur la seule base des bilans comptables qui vous sont présentés ?

Au regard de l'activité de médiation du crédit, avez-vous le sentiment que certaines banques jouent davantage le jeu que d'autres pour accompagner et aider les entreprises ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Je vous remercie également pour cet exposé fort complet. Vous avez souligné, à juste titre, que votre principale préoccupation continuait d'être la lutte contre l'inflation et, par ailleurs, combien le rôle de vos succursales était fondamental sur le terrain.

Sur le sujet déjà évoqué de la cotation des entreprises, avez-vous une attitude prospective en vous faisant un avis qui tient compte de l'état des carnets de commandes, alors même que le bilan de ces entreprises ne serait pas forcément très bon ?

Vous avez fait état de désaccords sur les ratios de solvabilité imposés par « Bâle III » qui ne doivent naturellement pas fragiliser le système bancaire ; par ailleurs, il est évident que le coût du crédit va augmenter dans les années à venir : est-ce un problème important à vos yeux ?

Enfin, ne pensez-vous pas que la crise économique actuelle risque d'avoir une incidence sur le rôle de la Banque de France dans le financement des entreprises ?

PermalienPhoto de Daniel Paul

On a pu constater à l'occasion de la crise une forte mobilisation des représentants de l'État au plan local pour aider les PME et les TPE. J'ai d'ailleurs eu moi-même plusieurs réunions en préfecture avec les différents acteurs concernés, et cette très bonne mobilisation a effectivement permis de sauver un grand nombre d'entreprises. Dans le même temps, cette crise a révélé la fragilité de nos entreprises puisque nombre d'entre elles étaient liées à de grands groupes dont elles se sont avérées exclusivement dépendantes. Cette dépendance pouvait être d'autant plus flagrante que certaines PME font partie de groupes plus particuliers, soumis à de fortes contraintes par rapport aux grandes entreprises, elles-mêmes éventuellement soumises à de puissants donneurs d'ordres. Aussi, comment peut-on faire pour assouplir les contraintes qui pèsent sur les PME qui constituent un élément de vitalité de nos territoires ?

Vous avez dit que la médiation du crédit traitait mensuellement 400 dossiers contre 1100 il y a quelque temps encore, il s'agit assurément d'une bonne chose mais, pour autant, la contrainte demeure. On prône parfois un partage de la valeur ajoutée à chaque maillon de la chaîne de production et non par le biais d'un renvoi au seul donneur d'ordres, à charge pour lui de la répartir : que pensez-vous de cette piste où le partage de la valeur ajoutée ne passe pas fatalement par l'externalisation vers des pays à bas coût ?

Enfin, nous tenons à faire la proposition suivante. La crise a montré que la réunion autour d'une table des différents acteurs publics que sont la Banque de France mais aussi Oséo ou d'autres permettait de trouver des solutions plus efficaces. Ne pourrait-on pas réfléchir à la création d'un pôle financier public, qui aurait pour mission de financer le crédit et de sortir ainsi certaines PME de la dépendance dans laquelle elles se trouvent à l'égard de grands groupes ?

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La Banque de France appartient à un réseau européen, le SEBC, dominé par la Banque centrale européenne. Vous connaissez donc, notamment par ce biais, les bonnes pratiques qui existent à travers l'union européenne concernant le financement des PME. La Banque de France n'a-t-elle pas un rôle à jouer pour permettre une diffusion de ces bonnes pratiques ? Ne faut-il pas à cet égard davantage promouvoir l'échelon régional comme le font par exemple l'Allemagne ou la Hollande ?

Sur le sujet du crédit d'impôt recherche, certaines études tendent à montrer qu'il serait davantage capté par les grands groupes que par les PME. Qu'en pensez-vous ? Faites-vous la même analyse ? La Banque de France peut-elle jouer un rôle en faveur d'une meilleure ventilation des crédits sur ce secteur ?

Selon vous, le Médiateur du crédit doit-il être pérennisé et, dans l'affirmative, quelle devrait être la bonne coordination entre lui, la Banque de France et les banques ?

PermalienPhoto de Serge Poignant

Avant de passer la parole aux commissaires pour des questions de deux minutes, je relaie une question de M. Jean-Pierre Nicolas : quelles sont, selon vous, les conséquences des tensions dans la zone euro sur le financement de nos PME ?

PermalienPhoto de Francis Saint-Léger

Je reviendrai pour ma part sur la question des notations accordées par la Banque de France aux entreprises en vue de leur accès au crédit. Attribuées à 250 000 entreprises françaises, elles font l'objet de deux critiques. D'une part, certains remettent en cause leur fiabilité. D'autre part, la CGPME considère qu'il faudrait élargir le périmètre des entreprises concernées aux très petites entreprises et aux plus petites des PME. Je vous adresserai donc deux questions : que répondez-vous à ceux qui se montrent méfiant vis-à-vis des notations que la Banque de France attribue ? Avez-vous les moyens de répondre positivement à la demande de la CGPME ?

PermalienPhoto de Jean Gaubert

Monsieur le Gouverneur, nous vous avons bien entendu lorsque vous nous assurez que la crise n'a que peu de conséquences sur le financement des PME et que l'accord « Bâle III » n'entraînera qu'une légère augmentation du coût du crédit. Mais nous entendons aussi les banques, qui nous disent le contraire ! Selon elles, les nouvelles réglementations issues de « Bâle III » représentent une véritable catastrophe et vont entraîner un tarissement des financements ! Il nous faut donc démêler le vrai du faux. Vous souligniez l'intérêt pour chaque succursale de la Banque de France de réunir le financeur et l'entrepreneur pour recueillir leur point de vue, je me dis que nous aurions sans doute dû faire de même et inviter des représentants du secteur bancaire, de façon à ce que vous puissiez confronter vos points de vue devant cette commission.

S'agissant des notations, elles interviennent toujours a posteriori. Que fait-on pour certaines entreprises qui se dirigent droit vers la faillite ? Car elles existent, j'en ai fait l'expérience ; des entreprises qui remportent tous les marchés publics grâce des prix inférieurs au coût de revient contentent beaucoup de monde, hormis les salariés licenciés lorsque la situation n'est plus tenable… Pour ces entreprises, je crois qu'il serait bon que la Banque de France joue un rôle de conseil, ce que les banques privées ne font pas forcément.

Enfin, même si ce sujet s'écarte un peu de l'ordre du jour, vous savez que nous demandons la création d'un fichier positif sur le crédit à la consommation. Nous avons également réclamé une étude avec insistance : quand verra-t-elle le jour ?

PermalienPhoto de Michel Piron

Vous avez brossé un paysage assez large du financement des entreprises en évoquant d'abord l'évaluation différenciée des risques de financement des PME, puis le taux d'acceptation de 80 %. J'aurais aimé que vous mentionniez la part du capital risque. En effet le rattachement d'une PME à un groupe influe notablement sur le taux proposé.

A propos des règles posées par la nouvelle réglementation « Bâle III », notamment en matière de ratios de liquidités et de détention de titres publics, j'ai cru entendre que nous serions sur une position antithétique à celle de l'Allemagne. Comment l'expliquer ?

Vous avez évoqué le coût moyen de financement en Europe, mais quel est le différentiel avec les pays de la périphérie de l'Europe ? Une moyenne cache souvent des écarts importants, il serait intéressant de les connaître.

Quelle est votre lecture des risques de macro endettement ? Je crois en effet qu'il ne faut pas se limiter à la seule dette publique, mais prendre en compte, de manière combinée, endettement public et endettement privé. C'est une des leçons de la crise financière : des pays comme la Grande-Bretagne ou l'Espagne, que l'on citait comme exemples de bonne gestion en oubliant les dettes privées, se sont retrouvés dans des situations extrêmement délicates. Quelles sont donc les conséquences de l'endettement global des pays et de la fragilisation des pays de la périphérie européenne sur le financement du crédit des PME ?

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le Gouverneur, mes questions porteront sur les chiffres que vous nous avez fournis. 80 % des demandes de crédit sont satisfaites : un tel chiffre me semble bien surévalué par rapport à ce que je constate dans ma circonscription. Le Médiateur du crédit n'a pu résoudre tous les problèmes et de nombreuses plaintes me sont relayées. Je me demande donc s'il n'existe pas un biais statistique qui consisterait à ne comptabiliser que les dossiers déjà passés par un premier tri, et non l'ensemble des dossiers déposés.

Le nombre de dossiers déposés devant le Médiateur du crédit est passé de 1 100 lors de sa création à 400 aujourd'hui. On peut certes interpréter ces chiffres de manière optimiste, en considérant qu'ils illustrent l'amélioration des conditions d'accès au crédit de nos entreprises. Je crois malheureusement qu'un autre phénomène explique une telle diminution : de nombreuses entreprises ayant déposé un dossier devant le Médiateur subissent des mesures de rétorsion de la part de leurs banques, qui n'apprécient pas du tout une telle initiative. Là encore, les retours que nous avons du terrain confirment que les banques n'hésitent pas, par des moyens détournés et sous d'autres prétextes, à supprimer les avantages qu'elles accordent à ces entreprises, comme les possibilités de découvert.

Selon le rapport de M. Gérard Rameix, parallèlement au rôle traditionnel en matière de financement des entreprises joué par la Caisse des dépôts, Oseo, et le Fonds stratégique d'investissement, il faudrait également se tourner vers les particuliers pour remplir cette fonction. Que pensez-vous d'une telle proposition ? L'Association française des investisseurs en capital a émis un certain nombre de propositions qui vont dans ce sens, comme relancer le placement des assureurs dans le secteur non coté, mobiliser une partie de l'épargne du Fonds d'épargne retraite ou encore favoriser le développement des contrats d'assurance vie en unités de compte dirigés vers le financement des PME.

Ma dernière question s'adresse à M. le Président : quand organiserons-nous une nouvelle table ronde réunissant les banques, les entreprises et le médiateur du crédit ?

PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Je serai bref car, comme chacun sait, « le temps, c'est de l'argent » ! Monsieur le Gouverneur, nous ne vivons pas sur la même planète ! Vous considérez que l'application de la réglementation « Bâle III » n'aura pas de conséquences sur le financement des entreprises. Cela me semble difficilement crédible puisqu'à l'époque de « Bâle II » déjà, les banques nous demandaient d'assouplir les règles prudentielles qui freinaient le développement du crédit. Je ne vois donc pas comment des règles encore plus contraignantes pourraient ne pas produire d'effets ! J'ajoute qu'un dirigeant d'une très grande banque française a récemment déclaré que les PME seront les principales victimes de telles règles.

Vous évoquez le sort des prêts inférieurs à un million d'euros, mais ce sont les prêts de cinq mille ou dix mille euros qui sont le plus souvent refusés !

Un nombre croissant de chefs d'entreprise sont contraints de déposer des garanties personnelles pour pouvoir emprunter. Il n'est pas très risqué d'accorder cent mille euros de crédit lorsque le chef d'entreprise effectue un dépôt de garantie d'un montant équivalent.

J'ai été moi-même entrepreneur pendant trente ans, et mon entreprise a été noté par la Banque de France pendant toutes ces années. Mais je n'ai jamais vu un seul des représentants de votre institution et je le regrette.

Que pensez-vous du rôle des sociétés de réassurance, qui constituent une contrainte supplémentaire pour les banques ?

Les délais de réponse des banques ne sont pas supportables car, encore une fois, « le temps c'est de l'argent ». Certaines entreprises se font doubler par leurs concurrentes car elles n'ont pu obtenir les financements nécessaires.

L'éloignement des décideurs dans les banques me pose problème : Est-il normal qu'un comité des prêts ait droit de vie ou de mort sur une entreprise sans jamais avoir vu son dirigeant ?

S'il est vrai que 80 % des demandes de crédit sont satisfaites, un tel chiffre doit être mis en parallèle avec un autre : les PME portent 75 % de l'emploi privé. Dès lors, combien d'emplois perdus représentent les 20 % de crédits non attribués ?

Enfin, je voudrais saluer, une nouvelle fois, le travail du Médiateur du crédit. Sans une telle institution, des milliers d'entreprises auraient disparu faute d'obtenir le crédit de cinq mille euros nécessaire à leur survie. Toutefois, l'utilité du Médiateur fait apparaître, en creux, les relations difficiles entre les entreprises et les banques : il faut un débat entre la fédération française des banques, la Banque de France et des représentants des organisations des PME et patronales, afin de résoudre ce problème de fond.

PermalienPhoto de Serge Poignant

Après discussion au sein du bureau de la Commission, nous avons décidé, mes chers collègues, d'entendre la Fédération française des banques, mais aussi les banques mutualistes et les banques en ligne.

PermalienPhoto de Pascale Got

Monsieur le Gouverneur, le montant des crédits distribués aux PME est assez similaire d'année en année. Je crois que le problème se situe davantage dans l'approche patrimoniale adoptée par les banques. Afin de faciliter les demandes de crédit des TPE, nous avons créé des fonds de garantie de toutes sortes, nationaux comme régionaux. Il me semble que la multiplication de tels fonds, qui agissent comme des parapluies financiers, a des effets pervers : le transfert de risque sur des fonds publics ne constitue-t-il pas une incitation, pour le système bancaire, à maintenir cette approche patrimoniale et, par conséquent, à réduire l'accès au crédit ?

La mise en place de l'Autorité de contrôle prudentiel a-t-elle eu un impact, direct ou indirect, sur la sécurisation du financement des PME ?

PermalienPhoto de Alain Suguenot

Vous constatez que, comparativement aux autres pays européens, l'impact de la crise sur le financement des entreprises a été modéré. Ne constate-t-on pas en contrepartie une diminution de leurs investissements ? Le segment amont du capital développement repose sur l'épargne des particuliers, car, comme on le constate sur les marchés depuis quelques temps, les assureurs semblent limiter leurs investissements en actions. Les banquiers ne risquent-ils pas de prendre la même direction, du fait des nouvelles mesures « Bâle III » ?

Enfin, le constat plutôt positif sur le plan strictement financier que vous dressez de l'état des comptes des entreprises pose, selon moi, problème : il sous-tend une politique d'investissements timide et un rapprochement insuffisant des PMEPMI. Je rappelle que notre économie, comparativement à l'Allemagne, souffre du manque d'entreprises de taille intermédiaire.

PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Vous avez mentionné le relatif bon fonctionnement du crédit pour les PME. La situation est sans doute bonne pour celles qui appartiennent à des groupes, mais elle l'est moins pour celles qui sont indépendantes. J'ajouterai qu'il existe de véritables sujets de préoccupation, parmi lesquels l'innovation ou la garantie bancaire pour aller à l'export. Paradoxalement, la reconsolidation de la trésorerie des entreprises a quelque chose d'inquiétant : elle est le signe que celles-ci ont diminué leurs investissements, ce qui présage l'existence de difficultés future.

Vous ne disposez pas d'indicateur pour les TPE. Pourtant, certaines ont vocation à croître, et bon nombre d'entre elles ont du mal à trouver un appui bancaire. Il faut les accompagner, afin de ne pas se priver de l'innovation qu'elles pourraient représenter.

Enfin, les notations individuelles des 250 000 entreprises que vous suivez contribuent à la formation d'indicateurs par secteur d'activité. Comment ces derniers sont-ils construits ? Ne pèsent-ils pas démesurément dans les orientations suivies par les banques ? Certains chefs d'entreprise m'ont rapporté les difficultés qu'ils éprouvaient à trouver des financements, car leur entreprise appartenait à un secteur considéré comme en difficulté.

PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Selon le rapport de l'Observatoire du financement des entreprises paru en 2010, la situation des PME françaises est plutôt meilleure que celle des PME des autres pays de la zone euro. Un tel constat me semble bien optimiste. Tout d'abord, un tel renforcement cache un déficit d'investissements indéniable, ce qui est inquiétant pour les perspectives de reprise. Ensuite, le rapport exclut le crédit destiné aux TPE et à certaines PME. La Banque de France a débuté un travail de collecte de données pour ce segment ; quels en sont les premiers résultats ? Enfin, les encours de crédit des PME agricoles sont en baisse, alors même que ces entreprises sont dans une situation très fragile et sont confrontées à des crises nombreuses. Quelles sont vos préconisations pour remédier à ce problème ?

PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

S'il faut se féliciter des mécanismes d'aide aux banques pendant la crise, celle-ci n'est pas encore terminée, et l'on constate pourtant une hausse des taux – qui restent, il est vrai, inférieurs à la moyenne européenne. Que ce soit à travers la situation de la trésorerie des PME ou le degré d'optimisme des chefs d'entreprise, qui a retrouvé son niveau d'avant la crise, les signes d'une reprise se dessinent. Quelles sont les PME qui profitent le plus de ce retour de l'activité ?

En matière de financement, entre les grands groupes et les petites entreprises, on constate qu'il y a toujours « deux poids, deux mesures » : les taux attribués aux premiers sont bien plus favorables. Les entreprises les plus innovantes, par exemple dans le domaine du respect de l'environnement, subissent bien souvent la frilosité des banques.

PermalienPhoto de William Dumas

C'est un fait avéré, certaines banques ont pris beaucoup de risques et enregistré des pertes conséquentes. Quelles sont les incidences de ces comportements sur le financement des PME ? Sur le terrain, on constate une politique de plus en plus sélective de la part des banques, ainsi qu'un accroissement des délais de réponse. Les petits crédits, inférieurs à un million d'euros, sont les plus touchés. L'action du Médiateur est salvatrice, même si l'on constate que le nombre de dossiers qui lui sont soumis a diminué. Cette institution doit être pérennisée, car elle permet de débloquer un nombre significatif de situations difficiles sur le terrain.

Enfin, la compétition que se livrent certaines nations pour attirer les capitaux et combler leurs déficits budgétaires va certainement s'accentuer dans les années à venir et poser le problème du financement des grandes entreprises, qui se finançaient jusqu'à présent sur les marchés. N'avez-vous pas peur qu'une grande partie des fonds disponibles aille en priorité aux grandes entreprises, et que les crédits aux PMEPMI deviennent beaucoup plus rares, et beaucoup plus chers ?

PermalienPhoto de Anne Grommerch

A l'instar de mes collègues, je trouve ce taux de 80 % en total décalage avec la réalité. Les banques posent des conditions de plus en plus drastiques à l'octroi de prêts. Lorsque une entreprise fait face à un accident de parcours, elle n'est plus du tout suivie. Le recours au Médiateur est très mal perçu par les banques, qui n'hésitent pas à employer des mesures de représailles. Certaines entreprises de ma circonscription sont transfrontalières et il arrive que leur dossier, refusé en France, soit accepté en Allemagne. Peut-on trouver meilleure démonstration de la sévérité de nos banques ?

Je voudrais également souligner la situation critique des jeunes agriculteurs, à qui l'on impose des conditions très lourdes pour pouvoir continuer leur activité, comme d'hypothéquer leur maison.

Je résumerai mon propos par une question, Monsieur le Gouverneur, pourquoi un tel décalage entre les chiffres et les observations ?

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je partage le sentiment de mes collègues. D'après une enquête, lancée en mai 2011 dans ma région, 49 % des PME voient leurs relations avec les banques se dégrader. Les entreprises dénoncent des demandes de garanties personnelles de plus en plus fréquentes, des frais bancaires en augmentation, des demandes de renseignements très poussées, des refus de rééchelonner les dettes pour passer un cap difficile, y compris lorsque les chefs d'entreprise sont des partenaires de longue date et l'absence de communication. Par ailleurs, la dissymétrie des délais de paiement, qui persiste en dépit des efforts du législateur pour y mettre un terme, pénalise fortement les PME. Le secteur des pièces détachées automobiles, qui n'a pas été inclus dans le plan de sauvetage, est par exemple sinistré.

PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

L'action du Médiateur du crédit a fait l'objet de beaucoup de commentaires favorables, ce qui me semble parfaitement mérité. Je voudrais également souligner l'effet positif de certains systèmes de garantie apportés en complément.

Je voudrais toutefois évoquer un point oublié jusqu'à présent : le financement des entreprises ne passe pas seulement par l'augmentation du crédit, mais aussi par celui des capitaux propres. Lors de son audition devant la Commission, M. Augustin de Romanet avait évoqué les difficultés qu'il rencontrait à faire entrer les banques dans des fonds d'investissement, notamment pour des PME. Pour des petits tickets, inférieurs au million d'euros, et des entreprises à croissance lente, les banques ne sont pas au rendez-vous. Elles répondent que, compte tenu des règles posées par « Bâle II » et « Bâle III », les sommes apportées à des fonds sont autant de fonds en moins distribués sous forme de crédit.

Lorsque l'on analyse la situation des autres pays d'Europe, un fonds d'investissement n'est jamais à 100 % public, le capital provenant toujours pour moitié du public et du privé. Il est primordial de remédier à ce problème : le différentiel de croissance et de compétitivité entre les économies française et allemande réside dans la capacité à apporter des solutions de financement aux PME et aux TPE.

PermalienJean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France

Je vais essayer de répondre le mieux possible à l'ensemble de vos nombreuses questions. S'agissant de certaines d'entre elles, si vous me le permettez, je vous ferai parvenir des compléments chiffrés sous forme écrite, ne disposant pas desdits chiffres dans l'immédiat.

M. François Brottes, relayé par d'autres intervenants, a insisté sur l'importance du dialogue avec les entreprises, dès lors que nous aurions sur elles, via la cotation, un véritable « pouvoir de vie ou de mort ». L'exercice par la Banque de France de son pouvoir de cotation répond en fait à deux objectifs. D'une part, il participe d'un mécanisme propre à l'organisation de notre système bancaire, qui permet aux banques accordant des crédits aux entreprises d'obtenir un refinancement auprès de la Banque centrale européenne. Ce mécanisme de garantie n'existe pas à un même niveau dans tous les pays et favorise in fine la distribution des crédits. Encore faut-il pour cela que notre jugement soit stable dans le temps, crédible et respectueux de normes exigeantes. D'autre part, la cotation nous permet de disposer d'une analyse de la situation des entreprises qui ne soit pas purement comptable. Nous revendiquons ainsi le droit de connaître les entreprises et, dans cette perspective, indépendamment de la question de la médiation, un chef d'entreprise doit pouvoir s'entretenir directement, s'il le souhaite, avec le directeur d'une de nos succursales. La Banque de France ne dispose pas du pouvoir de lui accorder son prêt, mais elle peut à tout le moins contribuer à faciliter ses démarches et à dissiper d'éventuels malentendus auprès des banques.

En réponse à M. Jean-Pierre Nicolas, qui m'a interrogé sur la part que nous accordions à la prospective dans le cadre de nos évaluations, je peux vous assurer que nous ne nous contentons pas de « regarder dans le rétroviseur » et que nous tenons bien entendu compte des perspectives à court terme de développement de l'entreprise. Nous ne serions pas capables de diagnostic la pérennité de telle ou telle entreprise à dix ans mais nous savons apprécier une situation à partir des résultats passés, de la trésorerie, de l'endettement, et du carnet de commandes.

S'agissant de la surveillance que nous exerçons sur les banques, entre le laxisme et la rigidité il y a effectivement un écart… En tant qu'autorité prudentielle, l'une de nos grandes tâches consiste à examiner le portefeuille des banques. Nous faisons ainsi régulièrement des inspections sur place et le fait que nous disposions de la cotation nous permet de mieux apprécier la manière dont elles gèrent les prêts aux entreprises.

Vous avez été nombreux à vous faire l'écho de la crainte d'une forte baisse du volume des crédits du fait de l'aggravation des ratios réglementaires pesant sur les banques. Il convient en fait de garder à l'esprit que près de 60 % de l'activité des cinq premiers groupes bancaires français vient de la banque de détail ; cette activité est de loin la plus résiliente et procure près de la moitié de leurs revenus. N'oubliez pas non plus que les banques interviennent dans des financements spécialisés comme l'aide à l'export, qu'elles accompagnent des grandes entreprises dans des financements de long terme ou encore qu'elles assurent la gestion d'actifs financiers. Au total, le modèle spécifiquement français de « banque universelle », qui leur a sûrement permis de traverser la crise sans trop de dommages, se vérifie dans la diversité effective de leurs activités.

Quelles sont les perspectives des banques françaises face à la crise actuelle ? Il faut tout d'abord avoir conscience de l'importance de l'intégration financière au niveau européen, qui concerne l'ensemble des grandes banques françaises. Il est aujourd'hui monnaie courante pour une banque d'être implantée en dehors des frontières nationales et ce processus accompagne le mouvement économique général : je vous rappelle en effet que nous réalisons 60 % de nos exportations avec les pays de la zone euro. En ce qui concerne la question de l'exposition des banques françaises au titre des créances souveraines qu'elles détiennent, il faut bien avoir à l'esprit qu'elles ne représentent, selon les groupes, que 2 et 5 % de leur bilan. En l'état, l'éventuel décrochage d'un pays de la zone euro n'est donc pas susceptible d'entraîner la faillite de nos banques. Par ailleurs les dettes souveraines constituent des créances qui sont, par nature, admises au refinancement de la Banque centrale européenne. Pour autant que les pays en question prennent les dispositions d'accompagnement nécessaires pour assainir leurs comptes publics, les mécanismes financiers permettent de soutenir l'édifice. Bien sûr, certains ne manquent jamais de préconiser des solutions de facilité à court terme : hier, c'était la dévaluation, aujourd'hui c'est le rééchelonnement des dettes. Dans tous les cas, les conseilleurs ne sont pas les payeurs et en l'espèce, il ne s'agit pas du tout d'un bon conseil.

Vous avez également évoqué la double dépendance des PME vis-à-vis d'une part, de leurs filières, d'autre part de leurs banquiers. Conscient du problème, le Gouvernement a d'ailleurs créé un observatoire des filières qui doit nous aider à y voir plus clair. La problématique des filières croise évidemment celle du financement et pendant la crise, la question a été prise à bras-le-corps s'agissant du secteur automobile. Il importe d'observer ce qui se passe autour de nous. L'Allemagne a été citée par bon nombre d'entre vous ; sa filière agricole est sans conteste bien plus concentrée que la nôtre et l'on voit bien en quoi une filière dispersée pénalise la chaîne économique des deux côtés : au niveau de l'approvisionnement et au niveau de la vente. La Banque de France est tout à fait disposée à apporter son concours à un examen de la structure des filières, pour lequel elle peut apporter sa connaissance du terrain et faire le lien avec les banques, en vue de mieux stabiliser les financements.

Je ne me prononcerai pas sur l'opportunité de créer un pôle financier public. Dans tous les cas, que les fonds engagés soient essentiellement d'origine publique ou privée, cela ne dispense pas d'une bonne analyse financière de la situation ! Le rôle de la Banque de France n'est pas de pointer du doigt tel ou tel crédit mais d'expliquer qu'on peut faire confiance à une entreprise qui a tenu ses engagements sur la longue durée. Il est bon par ailleurs que nous fassions des analyses sectorielles qui évitent de porter des jugements trop hâtifs lorsque la conjoncture se retourne brutalement. En somme, nous essayons sans cesse de faire preuve de pédagogie.

M. Jean Dionis du Séjour a fait allusion à notre maison-mère, la Banque centrale européenne. Je voudrais simplement rappeler qu'il s'agit juridiquement d'une filiale, dirigée par un conseil des gouverneurs où la Banque de France dispose de 20 % des votes pondérés. Bien entendu, nous oeuvrons tous à une diffusion des bonnes pratiques au sein de la zone euro. Nous avons des échanges très réguliers avec nos partenaires sur les moyens de procéder aux meilleurs diagnostics possibles sur les entreprises. En ce moment, nous travaillons beaucoup sur la question des fonds propres, en essayant de faire des comparaisons. Nous avons ainsi pu observer que le lien entre les entreprises et les banques différait sensiblement en France et en Allemagne. Ainsi est-il bien plus facile pour une entreprise outre-Rhin d'avoir un banquier qui vous accompagne de bout en bout, là où le lien en France est scindé entre divers intervenants.

Il ne m'est pas possible de vous répondre s'agissant du crédit impôt-recherche qui n'est pas directement de notre ressort. Si à l'avenir, nous disposions d'éléments à ce sujet, nous n'hésiterions cependant pas à vous les faire parvenir.

La médiation du crédit existait déjà dans la pratique avant que le Président de la République ne l'ait institutionnalisée et développée. Elle doit, selon moi, continuer pour une double raison. Tout d'abord car elle est un élément indispensable pour essayer de sortir de difficultés ponctuelles, mais aussi parce que je suis persuadé de la vertu du dialogue à froid afin de consolider des relations de confiance. Je voudrais dissiper cette idée selon laquelle les banques exerceraient systématiquement des mesures de rétorsion lorsqu'un dossier de médiation est déposé. Je ne dis pas que cela n'a pas existé, mais il est en définitive dans l'intérêt des banques que les entreprises soient capables de passer un mauvais cap, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à prêter et à développer leur activité !

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Certaines entreprises peuvent toujours faire jouer leurs garanties !

PermalienJean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France

Les garanties ne soutiennent pas l'ensemble des crédits. C'est toujours au travers du dialogue entre les différentes parties que l'on parvient à dégager une solution. La Banque de France et les banques n'ont pas pour fonction de donner des conseils en matière d'investissement, mais elles peuvent, dans le cadre de leur dialogue avec les entreprises, être amenées à détourner celles-ci de choix néfastes.

Le groupe de travail sur le fichier positif, présidé par Emmanuel Constans, doit rendre ses conclusions à la fin du mois de juin. Le sujet est donc loin d'être enterré.

Le capital-risque n'est pas du ressort de la Banque de France, je n'ai donc pas de réponse à apporter.

PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Ma question portait sur les fonds d'investissement.

PermalienJean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France

Sur ce point, je pense que le rôle des banques n'est pas d'apporter des fonds propres aux entreprises. Il peut y avoir dans les emplois des banques une petite partie destinée à des investissements, mais fondamentalement, une banque prête ce qu'elle emprunte. Ce type d'activité est, par nature, limité en raison du renforcement en fonds propre qu'il implique.

PermalienJean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France

Nous regardons si le portefeuille et les emplois des banques sont constitués de fonds sous forme de prêts ou placés dans des fonds propres, dans ce cas le coût en capital est beaucoup plus élevé et cela explique sans doute que les banques françaises ne s'engagent pas au-delà de montants faibles.

Je crois qu'il est effectivement très important d'évaluer le risque de macro endettement en prenant en considération aussi bien la dette publique que la dette des ménages et celle des entreprises. Je constate que, pour ce qui concerne ces trois catégories de dette, la France est dans une bien meilleure situation que les autres grands pays. Si l'on considère en effet la dette des ménages, elle est certes en hausse mais demeure une des plus faibles de la zone euro puisque seule l'Italie se trouve dans une situation plus favorable à cet égard. Quant à l'endettement des entreprises, il se situe dans la moyenne européenne et présente la particularité d'avoir continué à croître durant la crise, à un rythme certes plus modéré que précédemment mais sans véritable à-coup.

En ce qui concerne le taux d'acceptation, son calcul repose sur une méthodologie précise que je transmettrai à la commission.

La question de savoir si les particuliers pourraient participer au financement des entreprises mérite d'être soulevée. La question est de savoir si, en plus des 70 % de crédits bancaires qui concourent au financement des entreprises peuvent faire l'objet d'une titrisation. On peut tout à fait imaginer, et OSEO a travaillé sur ce sujet, que des investisseurs particuliers acceptent de prendre des parts dans des fonds destinés à accorder des prêts aux entreprises. Il est clair que le montage financier est réalisable et se pratique d'ailleurs dans certains pays, pour autant le principal obstacle au développement de telles pratiques réside sans doute dans le peu d'appétence des épargnants français pour la prise de risque, surtout qu'il existe des mécanismes comme l'assurance vie ou le livret A qui les prémunissent à cet égard. En tout état de cause une titrisation coûte plus cher qu'un crédit bancaire.

Il faut que les comités de prêt soient plus proches physiquement des emprunteurs. Je crois pouvoir dire qu'après une période durant laquelle la centralisation a été de mise, les banques souhaitent désormais revenir à davantage de proximité. Par ailleurs le rôle du banquier me semble fondamental car il n'est pas possible d'accorder ou de refuser un prêt avec des méthodes de scoring. Le rôle de la banque dans la cotation est un élément essentiel mais le dialogue doit avoir lieu à l'échelon local.

En ce qui concerne les informations sur l'activité de prêt à l'égard des TPE, des éléments statistiques issus des données des banques seront collectées à partir de la fin du mois de juin prochain comme nous nous y sommes engagés auprès du ministre.

Les accords « Bâle III » vont conduire les banques à revoir assez profondément leur gestion globale, c'est-à-dire leurs ressources d'un côté et de leurs emplois de l'autre. Pour pouvoir prêter les banques empruntent également sur les marchés, elles sont donc très attentives à leur notation et à leurs ratios. Elles vont devoir modifier leur comportement et notamment réduire leurs activités de marché au profit de refinancements plus longs. Dans ces conditions certaines banques vont sans doute s'interroger sur le fait de réduire certaines de leurs activités. Il me semble toutefois que l'activité principale des banques qui est celle de financer les particuliers et les entreprises constitue une raison suffisante pour qu'elles ne se transforment pas en banque d'investissement sur le modèle américain et qu'elles maintiennent cette spécificité française.

PermalienPhoto de Serge Poignant

Je vous remercie M. le Gouverneur pour l'ensemble de ses précisions et de cet échange fructueux avec les commissaires. J'ai bien noté que vous alliez nous transmettre les premiers éléments statistiques sur le financement des PME et que vous êtes disponible pour faciliter le dialogue sur le terrain entre les entreprises et les directeurs de succursales régionales.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 25 mai 2011 à 10 h 15

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. Christian Blanc, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Gérard Hamel, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. René-Paul Victoria

Excusés. - M. Jean-Pierre Decool, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Josette Pons, M. Lionel Tardy