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Intervention de Jean-Paul Redouin

Réunion du 25 mai 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France :

Je vais essayer de répondre le mieux possible à l'ensemble de vos nombreuses questions. S'agissant de certaines d'entre elles, si vous me le permettez, je vous ferai parvenir des compléments chiffrés sous forme écrite, ne disposant pas desdits chiffres dans l'immédiat.

M. François Brottes, relayé par d'autres intervenants, a insisté sur l'importance du dialogue avec les entreprises, dès lors que nous aurions sur elles, via la cotation, un véritable « pouvoir de vie ou de mort ». L'exercice par la Banque de France de son pouvoir de cotation répond en fait à deux objectifs. D'une part, il participe d'un mécanisme propre à l'organisation de notre système bancaire, qui permet aux banques accordant des crédits aux entreprises d'obtenir un refinancement auprès de la Banque centrale européenne. Ce mécanisme de garantie n'existe pas à un même niveau dans tous les pays et favorise in fine la distribution des crédits. Encore faut-il pour cela que notre jugement soit stable dans le temps, crédible et respectueux de normes exigeantes. D'autre part, la cotation nous permet de disposer d'une analyse de la situation des entreprises qui ne soit pas purement comptable. Nous revendiquons ainsi le droit de connaître les entreprises et, dans cette perspective, indépendamment de la question de la médiation, un chef d'entreprise doit pouvoir s'entretenir directement, s'il le souhaite, avec le directeur d'une de nos succursales. La Banque de France ne dispose pas du pouvoir de lui accorder son prêt, mais elle peut à tout le moins contribuer à faciliter ses démarches et à dissiper d'éventuels malentendus auprès des banques.

En réponse à M. Jean-Pierre Nicolas, qui m'a interrogé sur la part que nous accordions à la prospective dans le cadre de nos évaluations, je peux vous assurer que nous ne nous contentons pas de « regarder dans le rétroviseur » et que nous tenons bien entendu compte des perspectives à court terme de développement de l'entreprise. Nous ne serions pas capables de diagnostic la pérennité de telle ou telle entreprise à dix ans mais nous savons apprécier une situation à partir des résultats passés, de la trésorerie, de l'endettement, et du carnet de commandes.

S'agissant de la surveillance que nous exerçons sur les banques, entre le laxisme et la rigidité il y a effectivement un écart… En tant qu'autorité prudentielle, l'une de nos grandes tâches consiste à examiner le portefeuille des banques. Nous faisons ainsi régulièrement des inspections sur place et le fait que nous disposions de la cotation nous permet de mieux apprécier la manière dont elles gèrent les prêts aux entreprises.

Vous avez été nombreux à vous faire l'écho de la crainte d'une forte baisse du volume des crédits du fait de l'aggravation des ratios réglementaires pesant sur les banques. Il convient en fait de garder à l'esprit que près de 60 % de l'activité des cinq premiers groupes bancaires français vient de la banque de détail ; cette activité est de loin la plus résiliente et procure près de la moitié de leurs revenus. N'oubliez pas non plus que les banques interviennent dans des financements spécialisés comme l'aide à l'export, qu'elles accompagnent des grandes entreprises dans des financements de long terme ou encore qu'elles assurent la gestion d'actifs financiers. Au total, le modèle spécifiquement français de « banque universelle », qui leur a sûrement permis de traverser la crise sans trop de dommages, se vérifie dans la diversité effective de leurs activités.

Quelles sont les perspectives des banques françaises face à la crise actuelle ? Il faut tout d'abord avoir conscience de l'importance de l'intégration financière au niveau européen, qui concerne l'ensemble des grandes banques françaises. Il est aujourd'hui monnaie courante pour une banque d'être implantée en dehors des frontières nationales et ce processus accompagne le mouvement économique général : je vous rappelle en effet que nous réalisons 60 % de nos exportations avec les pays de la zone euro. En ce qui concerne la question de l'exposition des banques françaises au titre des créances souveraines qu'elles détiennent, il faut bien avoir à l'esprit qu'elles ne représentent, selon les groupes, que 2 et 5 % de leur bilan. En l'état, l'éventuel décrochage d'un pays de la zone euro n'est donc pas susceptible d'entraîner la faillite de nos banques. Par ailleurs les dettes souveraines constituent des créances qui sont, par nature, admises au refinancement de la Banque centrale européenne. Pour autant que les pays en question prennent les dispositions d'accompagnement nécessaires pour assainir leurs comptes publics, les mécanismes financiers permettent de soutenir l'édifice. Bien sûr, certains ne manquent jamais de préconiser des solutions de facilité à court terme : hier, c'était la dévaluation, aujourd'hui c'est le rééchelonnement des dettes. Dans tous les cas, les conseilleurs ne sont pas les payeurs et en l'espèce, il ne s'agit pas du tout d'un bon conseil.

Vous avez également évoqué la double dépendance des PME vis-à-vis d'une part, de leurs filières, d'autre part de leurs banquiers. Conscient du problème, le Gouvernement a d'ailleurs créé un observatoire des filières qui doit nous aider à y voir plus clair. La problématique des filières croise évidemment celle du financement et pendant la crise, la question a été prise à bras-le-corps s'agissant du secteur automobile. Il importe d'observer ce qui se passe autour de nous. L'Allemagne a été citée par bon nombre d'entre vous ; sa filière agricole est sans conteste bien plus concentrée que la nôtre et l'on voit bien en quoi une filière dispersée pénalise la chaîne économique des deux côtés : au niveau de l'approvisionnement et au niveau de la vente. La Banque de France est tout à fait disposée à apporter son concours à un examen de la structure des filières, pour lequel elle peut apporter sa connaissance du terrain et faire le lien avec les banques, en vue de mieux stabiliser les financements.

Je ne me prononcerai pas sur l'opportunité de créer un pôle financier public. Dans tous les cas, que les fonds engagés soient essentiellement d'origine publique ou privée, cela ne dispense pas d'une bonne analyse financière de la situation ! Le rôle de la Banque de France n'est pas de pointer du doigt tel ou tel crédit mais d'expliquer qu'on peut faire confiance à une entreprise qui a tenu ses engagements sur la longue durée. Il est bon par ailleurs que nous fassions des analyses sectorielles qui évitent de porter des jugements trop hâtifs lorsque la conjoncture se retourne brutalement. En somme, nous essayons sans cesse de faire preuve de pédagogie.

M. Jean Dionis du Séjour a fait allusion à notre maison-mère, la Banque centrale européenne. Je voudrais simplement rappeler qu'il s'agit juridiquement d'une filiale, dirigée par un conseil des gouverneurs où la Banque de France dispose de 20 % des votes pondérés. Bien entendu, nous oeuvrons tous à une diffusion des bonnes pratiques au sein de la zone euro. Nous avons des échanges très réguliers avec nos partenaires sur les moyens de procéder aux meilleurs diagnostics possibles sur les entreprises. En ce moment, nous travaillons beaucoup sur la question des fonds propres, en essayant de faire des comparaisons. Nous avons ainsi pu observer que le lien entre les entreprises et les banques différait sensiblement en France et en Allemagne. Ainsi est-il bien plus facile pour une entreprise outre-Rhin d'avoir un banquier qui vous accompagne de bout en bout, là où le lien en France est scindé entre divers intervenants.

Il ne m'est pas possible de vous répondre s'agissant du crédit impôt-recherche qui n'est pas directement de notre ressort. Si à l'avenir, nous disposions d'éléments à ce sujet, nous n'hésiterions cependant pas à vous les faire parvenir.

La médiation du crédit existait déjà dans la pratique avant que le Président de la République ne l'ait institutionnalisée et développée. Elle doit, selon moi, continuer pour une double raison. Tout d'abord car elle est un élément indispensable pour essayer de sortir de difficultés ponctuelles, mais aussi parce que je suis persuadé de la vertu du dialogue à froid afin de consolider des relations de confiance. Je voudrais dissiper cette idée selon laquelle les banques exerceraient systématiquement des mesures de rétorsion lorsqu'un dossier de médiation est déposé. Je ne dis pas que cela n'a pas existé, mais il est en définitive dans l'intérêt des banques que les entreprises soient capables de passer un mauvais cap, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à prêter et à développer leur activité !

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