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Intervention de Jean-Paul Redouin

Réunion du 25 mai 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France :

Je suis très honoré par votre invitation et je vais tout d'abord vous préciser de quelles façons la Banque de France est amenée à s'intéresser à la situation des entreprises, et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, au travers de ses différentes missions.

En premier lieu, la Banque de France fait partie de l'Eurosystème et doit à ce titre surveiller de très près l'évolution du volume et du coût du financement bancaire des PME dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique monétaire qui est sa mission première. Nous nous assurons en particulier que les mesures monétaires sont calibrées de façon à éviter une inflation excessive qui serait particulièrement préjudiciable à la compétitivité des entreprises. Je souhaite souligner que la maîtrise de l'inflation est un facteur de soutien à long terme de la croissance économique car elle donne de la visibilité aux consommateurs, aux épargnants et aux investisseurs.

Je rappelle que le PIB a augmenté de 1 % au premier trimestre et que nos prévisions sont de l'ordre de 0,5 % pour le deuxième trimestre. Dans le même temps l'inflation hors tabac est en rythme annuel de 2 %, nous ne nous trouvons donc pas dans une situation de stagflation, ni même de déflation. Cet environnement économique et monétaire apparaît propice au développement des entreprises.

Il existe un lien fort entre la politique monétaire et les prêts aux PME et je souhaite illustrer cet état de fait par le soutien déterminant qu'a apporté la Banque de France au financement des entreprises lors de la crise du système bancaire mondial. Dès que les faits se sont produits en 2008, les taux d'intérêts ont été réduits, puis maintenus à des niveaux extrêmement bas, et des liquidités ont été fournies au système bancaire afin de lui permettre de continuer à mener ses opérations de prêt. De même, et j'y insiste tout particulièrement, l'éventail des crédits éligibles au refinancement monétaire a été fortement élargi. C'est pourquoi je pense que l'on peut dire qu'il n'y a pas eu de déséquilibre majeur entre l'offre et la demande de crédit durant la période particulièrement difficile que nous avons connu et dont nous ne sommes d'ailleurs pas encore totalement sortis.

Je souhaite m'appesantir quelque peu sur le rôle qu'a joué la Banque de France en élargissant l'éventail des crédits éligibles au refinancement monétaire. Les créances des banques sur les entreprises font l'objet d'une notation appropriée pour pouvoir être éligibles au refinancement monétaire, il s'agit d'une mission de cotation qui est exercée par chacune de nos succursales en région. La Banque de France cote ainsi un peu plus de 250 000 entreprises, ce qui est considérable puisque la banque centrale allemande, qui occupe le second rang en ce domaine, ne cote quant à elle que 30 000 entreprises. Il s'agit d'une aide considérable et totalement gratuite aux entreprises car les agences de notation ne s'intéressent quant à elles qu'aux grandes entreprises ou aux entreprises cotées. C'est également un dispositif vertueux car il amorce un premier dialogue avec le chef d'entreprise sur le financement de la société, sur sa situation et ses perspectives d'évolution. Je crois même pouvoir dire qu'il constitue un outil pédagogique comme l'illustre le fait que 44 000 entretiens particuliers ont été réalisés au cours de l'année 2010 entre les directeurs de nos succursales et les chefs d'entreprise.

La Banque de France doit également s'assurer du bon respect par les banques des obligations d'emploi des fonds décentralisés d'épargne réglementée – livrets A et de développement durable – dans le cadre de l'observatoire de l'épargne réglementée que préside le Gouverneur. Je suis d'ores et déjà en mesure d'indiquer que toutes les obligations réglementaires d'emploi de ces fonds en crédits aux PME sont respectées, aussi bien d'un point de vue global que pour chaque banque prise individuellement. Je reviens sur le réseau de succursales implantées en région, leur connaissance du tissu économique local permet de conduire, au plus près du terrain, des estimations différenciées suivant la région d'implantation de l'entreprise.

La Banque de France est également chargée de surveiller la réglementation des banques, en lien avec l'Autorité de contrôle prudentiel qui reprend les compétences que la commission bancaire exerçait antérieurement, et donc de l'impact de la réglementation bancaire prudentielle sur le financement des PME. Avant d'évoquer le futur régime dit « Bâle III », je voudrais rappeler que le régime actuel, connu sous le nom de « Bâle II », qui a été mis en oeuvre au début de l'année 2007, est extrêmement favorable aux PME. L'origine de cette réglementation, qui a été un peu oublié depuis, repose sur le constat que pour la stabilité financière le risque majeur est celui de la contagion de la défaillance d'une grande entreprise à d'autres entreprises, voire à son prêteur. Mais, en revanche, un tel risque systémique n'existe pas pour ce qui concerne les prêts accordés à des PME ou des TPE. Dès lors, de tels prêts sont pondérés en risque de manière beaucoup plus faible que ceux accordés aux grandes entreprises. D'après les calculs effectués, le passage à la réglementation issue de « Bâle II » avait abaissé d'environ 20 % le coût en risque pour les PME et d'un peu plus de 40 % pour les TPE, ce qui constitue des baisses notables. Cette meilleure tarification du risque avait aussi pour objectif d'améliorer le dialogue entre la banque et l'entreprise et la transparence de l'information financière afin de mieux prévenir les éventuelles difficultés dans la gestion de l'entreprise et mettre en place les actions correctrices qui s'imposent, le cas échéant, avec l'appui des bailleurs de fonds.

Les nouvelles règles mondiales, dites « Bâle III », ont été rendues nécessaires non pas en raison de risques accrus du coté des entreprises mais du fait de la croissance des risques de marché. Après la crise majeure que nous avons connu, il apparaît nécessaire pour l'économie française que l'intermédiation financière soit réalisée par des acteurs solides. Il convient de rappeler que le financement des entreprises repose en France à hauteur de 70 % sur les banques et que la solidité de celles-ci est donc un élément indispensable pour assurer un financement correct des entreprises. La situation qui prévaut aux Etats-Unis est inverse puisque le financement des entreprises repose pour 23 sur le marché et pour 13 seulement sur les banques, avec les avantages mais aussi les graves risques que cela implique.

A ce stade une seule décision a été arrêtée, celle d'augmenter les ratios de solvabilité. La mise en oeuvre de cette mesure ne devrait pas poser de réel problème aux banques françaises qui se sont engagées à augmenter leurs fonds propres et de conserver une large partie de leurs dividendes. L'autre sujet qui alimente les discussions est celui des règles dites de liquidité. Je tiens à dire que l'adoption de telles règles, ce qui serait une première au niveau mondial, constituerait une très bonne chose pour la sécurité globale du système bancaire en évitant que le comportement des banques ait un effet procyclique lorsque la conjoncture est défavorable. Ces ratios, qui sont toujours en cours de discussion soulèvent un certain nombre de critiques de la part des autorités françaises, notamment l'importance accordée à la détention de titres publics par les banques qui ne semble pas conforme à leur vocation première. Nous souhaitons également ne pas contraindre les banques à restreindre leur activité de transformation et là aussi les discussions en cours doivent permettre d'aboutir à un point d'équilibre. J'ajoute que nous avons en France une bonne expérience de tels ratios de liquidité puisqu'une réglementation en ce sens est en vigueur depuis plus de vingt ans et qu'elle a fait ses preuves en permettant aux banques françaises de traverser la crise sans réel problème de liquidité. En conclusion, ces ratios ne modifient absolument pas la prise en compte des risques de financement des entreprises et il appartiendra aux banques de diminuer leurs activités de marché ou de transformation à très long terme sans restreindre le financement des entreprises. Je dois en revanche vous indiquer que nos évaluations nous conduisent à penser que si le volume du crédit à destination des entreprises ne sera pas affecté par ces nouvelles règles, un renchérissement modéré de celui-ci apparaît inévitable en raison des contraintes nouvelles qu'elles imposent aux banques.

Pour conclure je souhaite vous présenter quelques données clés concernant l'évolution des concours bancaires aux PME. En rythme annuel, ces crédits ont augmenté de 5,8 % selon les données de fin mars 2011 et de 4,9 % si l'on considère les PME qui ne font pas partie d'un groupe. Au cours du premier trimestre 2011 le volume de crédits distribués s'est élevé à 19 milliards d'euros ce qui témoigne du dynamisme conjoint de l'offre et de la demande. Dans le cadre du suivi très régulier du taux d'acceptation des demandes de crédit, je peux vous indiquer que près de 80 % des demandes de crédits déposées par les PME Françaises ont été satisfaites en totalité au cours du second semestre 2010. Cette étude réalisée dans le cadre de l'Eurosystème montre que les deux pays qui connaissent le plus fort taux d'acceptation des demandes de crédits sont l'Allemagne, avec un pourcentage proche de 85 %, et la France. Pour les autres pays le taux chute rapidement à 50 ou 60 %. En ce qui concerne les taux de crédits aux PME, les données relatives aux prêts de faible montant, c'est à dire inférieurs à un million d'euros, qu'ils soient à taux fixe ou à taux variable, montrent que ceux-ci sont toujours inférieurs en France à la moyenne des crédits pratiqués dans la zone euro. Les entreprises françaises disposent donc de crédits inférieurs de 30 à 50 points de base à ceux pratiqués dans les autres pays de la zone euro et cette tendance s'est accentuée au cours des dernières années.

Enfin, le rôle confié récemment à la Banque de France en matière de médiation du crédit constitue un élément important et positif à nos yeux. Il découle d'une connaissance avérée des entreprises et du secteur bancaire au sein de nos succursales, qui permet de mener avec les différentes parties un dialogue fructueux et en amont des difficultés qui peuvent surgir. On peut observer que si le nombre de dossiers était en moyenne de 1 100 entre la mise en place du dispositif en novembre 2008 et la fin de l'année 2010, il n'est plus que de 436 sur les quatre premiers mois de 2011. Ce phénomène traduit à la fois une amélioration relative de la situation et la nécessité de pérenniser une fonction qui correspond à un indéniable besoin.

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