Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 4 mai 2010 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • écologique
  • éolienne

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi adopté par le Sénat, portant engagement national pour l'environnement (nos 1965, 2449, 2429, 2 310).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de 8 heures 26 minutes pour le groupe UMP, 11 heures 13 minutes pour le groupe SRC, 4 heures 42 minutes pour le groupe GDR, 4 heures 19 minutes pour le groupe Nouveau centre et 50 minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Madame la présidente, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission du développement durable, messieurs les rapporteurs, la question que je me pose en premier lieu est la suivante : ce projet de loi Grenelle 2 est-il une avancée ou une régression ? Je vais essayer d'y répondre de manière équilibrée plutôt qu'avec le triomphalisme du ministre d'État.

Depuis le début du processus en 2007, les écologistes associatifs, qui en étaient partie prenante, comme nous-mêmes, les écologistes politiques, n'ont cessé d'affirmer qu'il est tout autant le résultat de nos combats militants depuis des décennies qu'une décision gouvernementale. Les deux ont joué et, de ce fait, le Grenelle n'est pas plus la propriété de M. Borloo ou de M. Sarkozy que celle des syndicats, des associations, des collectivités territoriales ou la nôtre. Le Grenelle appartient à tout le monde, mais nous, nous voulons le sauver, car il est mal en point.

Voyons d'abord le contexte.

Depuis le sommet de Copenhague, ou peut-être un peu avant, il est marqué par une sorte d'écoloscepticisme. Certains lobbies y ont contribué ; sans doute quelque peu « défrisés » par les avancées du processus du Grenelle, ils se sont dit qu'il ne fallait pas aller trop loin. Lors du salon de l'agriculture, le Président Sarkozy lui-même a dit : « L'environnement, ça commence à bien faire ! » Parole malheureuse, inspirée par l'air du temps, mais parole vraie puisque plusieurs projets ou propositions de loi présentés en dehors de ce cadre ont « détricoté » le Grenelle de l'environnement. J'en cite quelques-uns.

Ce fut d'abord la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM. Le sujet n'entre pas directement dans le cadre du Grenelle mais il avait tout de même fait l'objet d'un groupe de travail. Nous avons voté contre ce texte. En effet, même si la France a recouru à la clause de sauvegarde contre le Monsanto 810, il sera possible de produire des OGM dans notre pays, en fonction des décisions du comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies. À nos yeux, c'est la porte ouverte à la contamination de l'agriculture.

Il y eut ensuite la loi « Chasse » du 31 décembre 2008 qui permet aux organisations de chasseurs d'obtenir le label d'association de protection de l'environnement.

En février 2009, une autre loi a autorisé le Gouvernement à adopter par ordonnance un régime d'autorisation allégée des installations classées pour la protection de l'environnement, les ICPE, sources de pollution et de nuisance. Nous y reviendrons à propos des éoliennes qui ne doivent justement pas être des ICPE.

Puis nous avons connu l'abandon de la contribution énergie-climat du Grenelle 1, qui concernait bien ces deux domaines. Est-ce une simple faute de communication ? Je pense que cela est malheureusement plus grave.

Enfin, les deux derniers rapports dans ce domaine nous ont vraiment déçus. Je veux parler du rapport Ollier-Reynier sur les éoliennes et de celui de MM. Gatignol et Etienne du 28 avril 2010, pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, sorte de plaidoyer en faveur des pesticides qui remet en cause le plan écophyto 2 018 du Grenelle 1.

Dès lors, quelle position allons-nous adopter ?

André Chassaigne a déjà annoncé que, de toute façon, et quelle que soit la façon dont le débat se déroulera, les députés au nom desquels il s'exprimait voteront contre. Nous ne disons pas cela : nous voulons sauver le Grenelle, qui est à nous autant qu'à vous. Néanmoins notre vote final dépendra de trois séries de considérations : Allons-nous préserver et même renforcer certains acquis du Grenelle, sur lesquels je reviendrai ? Les dispositions introduites par le Sénat ou lors du débat en commission et qui constituent autant de régressions seront-elles annulées par l'adoption de certains amendements ? Enfin, l'Assemblée, dans sa grande sagesse, adoptera-t-elle quelques avancées que nous proposerons par amendement ?

Je reviens d'abord sur les acquis du Grenelle. Il y en a, nous le reconnaissons, comme la prise en compte de l'ensemble du cycle de vie des bâtiments pour faire des économies d'énergie. C'est sans doute d'ailleurs le titre Ier du texte qui est le meilleur, comme cela était le cas dans le Grenelle 1. L'attestation de performance énergétique, le test acoustique réglementaire à l'achèvement des travaux et d'autres dispositions de ce type nous satisfont. M. Apparu, dont c'est le domaine, peut se réjouir si l'on va vers des logements de qualité acoustique et thermique, des logements « grenellocompatibles ».

Il y a aussi l'obligation des bilans d'émission de gaz à effet de serre pour les entreprises de plus de 500 salariés, les grandes administrations, les collectivités. C'est une bonne chose, et nous le disons.

Je cite encore la certification environnementale des exploitations agricoles. Nous sommes pour que l'agriculture soit à haute valeur environnementale et ce n'est pas à M. Jacob que j'apprendrai ce que cela peut être. Toutefois il ne faut pas que cela serve de masque à ce que la FNSEA appelle l'agriculture raisonnée. Nous sommes favorables non pas à l'agriculture raisonnée, mais à l'agriculture biologique, et il ne faudrait pas que le prétexte de la haute valeur environnementale freine les conversions à l'agriculture biologique. Nous verrons ce qu'il en sera en pratique.

Il est également indispensable de renforcer la trame verte et bleue, dont nous reparlerons à propos de la biodiversité. Un de mes amendements a même été adopté en commission, avec le soutien de Mme la secrétaire d'État. Comme il existe des contradictions dans cette énorme majorité que forment les groupes UMP et Nouveau Centre, nous verrons si le Gouvernement sait donner des orientations qui s'imposeront contre l'avis de certains députés de sa majorité.

Une nouvelle taxe sur les déchets est créée ; c'est très bien. La publicité pour les pesticides est encadrée et limitée au cadre professionnel ; on sait bien que les amateurs dans leur jardin sont les plus consommateurs de Round Up. On encadre aussi plus précisément le greenwashing – ou si vous voulez, pour nous exprimer en français, le verdissement « cosmétique » – de certaines entreprises qui distribuent de belles brochures vantant la croissance verte et le développement durable, mais n'en continuent pas moins à polluer. Il y a aussi le renforcement – auquel je suis très sensible pour y avoir contribué – des plans de prévention des risques technologiques, instaurés après la catastrophe d'AZF du 21 septembre 2001.

Je pourrais citer d'autres acquis car le Grenelle 2 contient de bonnes choses, je le reconnais en toute honnêteté. Cependant il faut aussi, tout aussi honnêtement, dire ce qui, dans ce texte, constitue une régression, suite au passage au Sénat et dans deux commissions de l'Assemblée.

La première est l'abandon de la taxe carbone. Pourtant, elle est inscrite dans le Grenelle 1 ; pourtant vous avez essayé d'y revenir dans la loi de finances initiales pour 2010. Certes elle avait beaucoup de défauts dans la présentation qu'en faisait le Gouvernement ; elle était un peu « riquiqui », avec une assiette insuffisante, un montant initial trop peu élevé pour être dissuasif pour certains et les inciter à réaliser des économies d'énergie.

Dans son rapport très mesuré, M. Rocard, qui est au fond un ami du Président de la République, demandait qu'elle soit au moins de 32 euros la tonne. Or on est à moins de 20 euros sous prétexte que le marché est bas. Pourtant le marché, cela va, cela vient. Un montant de 32 euros était un minimum. Pour ce qui est de la progression, vous aviez choisi une progression exponentielle. Or quand le point de départ est très bas, la progression semble toujours exponentielle au début, alors que le niveau reste bas. Mieux vaut une progression linéaire pour la taxe carbone, car au début les progrès sont plus nets, même si ensuite c'est l'inverse.

Je vous pose donc la question : le Gouvernement va-t-il remettre en chantier une vraie taxe énergie climat, sur une base plus large et avec une véritable fonction redistributive, qui soit tout à la fois efficace pour l'environnement et solidaire socialement ? Et va-t-il le faire bientôt ? Il ne s'agit pas de nous renvoyer après 2012 ni de nous demander d'attendre une harmonisation fiscale en Europe. Cela fait quarante ans qu'on l'attend ; on peut attendre encore longtemps !

Autre régression sur laquelle il faut revenir : pourquoi avoir repoussé l'étiquetage énergétique ? C'était pourtant l'engagement n° 52 du 25 octobre 2007 et l'engagement n° 63 proposait d'instaurer explicitement l'indication du prix carbone d'ici à la fin de 2010. Il reste quelques mois. Allez-vous le faire ?

En troisième point je veux citer la taxe sur les poids lourds : l'eurovignette est également reportée.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Mais non !

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Ne dites pas le contraire : elle est reportée !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je connais, comme vous, le poids « lourd » des transporteurs routiers. Malgré tout, il faut créer cette taxe.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Vous ne l'avez pas fait ; nous oui ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cela fait quinze ans que vous êtes au pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur Borloo, nous ne sommes plus en 2001, mais en 2010 : nous parlons du présent et de l'avenir !

Quatrième point, sans doute le plus médiatique : l'éolien est entravé. L'engagement n° 55 du Grenelle prévoyait de développer les énergies renouvelables. Dans une sorte de volontarisme lyrique, la loi Grenelle 1 reprenait d'ailleurs cet engagement. Résultat : aujourd'hui, même quelqu'un d'aussi modéré que M. André Antolini, le président du syndicat des énergies renouvelables,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

On ne peut pas contester qu'il soit dans le camp des modérés.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est un promoteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Justement, par sa voix, les industriels eux-mêmes disent que vous tuez à peu près les deux tiers des projets éoliens. Cela signifie que nous ne pourrons pas tenir notre engagement de parvenir à 23 % d'électricité renouvelable en 2020.

Nous verrons, quand nous en arriverons à l'article 24, si vous tuez l'éolien. En tout cas, plusieurs alinéas de cet article doivent absolument être supprimés si vous voulez améliorer ce texte, notamment les alinéas 1, 2, 6, 15, 16 et 23.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Cinquième point : les documents d'urbanismes ne sont pas clairement compatibles avec les nouveaux schémas.

À quoi sert de créer de nouveaux documents, des schémas de cohérence territoriale élargis, des DTADD ou directives territoriales d'aménagement et de développement durable, des schémas régionaux de cohérence écologique ? On va « les prendre en compte » nous dit-on ! Cela signifie, en fait, que des assemblées de bavards en débattront mais que, finalement, cela n'aura aucune influence réelle sur les plans locaux d'urbanisme. Il faut, au contraire, que les documents d'urbanisme soient compatibles. Nous présenterons évidemment des amendements en ce sens. La question est posée, monsieur le ministre d'État : rendrez-vous ces documents compatibles ?

Sixièmement, monsieur Borloo, j'ai discuté avec vos services de l'article 94 quater. On nous avait dit que, dans le cadre de ce texte, le nucléaire ne serait pas évoqué ; je croyais que le sujet était interdit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Pas du tout : moi je suis prêt à en parler autant que vous voulez ! (Rires.)

Cela étant, c'est finalement le projet de loi qui aborde le sujet.

Monsieur le ministre d'État, selon vos services, l'article 94 quater constitue une grande avancée pour la démocratie car ce qui résultait auparavant du seul autoritarisme gouvernemental fait maintenant l'objet d'une étude d'impact mise à la disposition du public.

Sans que cela retombe sur le bel ordre des jésuites, il me semble qu'il s'agit bien là de jésuitisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

M. Piron saura sans doute parfaitement nous éclairer sur la dialectique hégélienne instaurée entre les « modifications notables » d'une installation nucléaire de base et les « accroissements significatifs » de ses rejets. Le Gouvernement prétend qu'il n'y a pas de modifications notables ; nous disons le contraire. En tout cas, il doit y avoir une enquête publique, comme cela est prévu par le code de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

La transsubstantiation pourrait peut-être nous aider !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Septième point : un très long article du texte porte sur la capture et le stockage du carbone, la CCS en anglais : carbon capture and storage. Vous avez introduit l'article 28 en pensant qu'il s'agissait d'une technologie d'avenir qui permettrait de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, en particulier pour certaines centrales thermiques.

Je connais bien le sujet sur lequel j'ai lu de très nombreux rapports, venant de tous les pays. Actuellement, il existe plus de mille projets de construction de centrales thermiques au charbon, mais seulement quatre d'entre eux font appel à la CCS tout simplement parce qu'elle augmente le prix de la centrale de 30 %. Quel investisseur accepterait-il de payer 30 % supplémentaires pour faire plaisir aux écolos ? Aucun !

Quant à la technologie de séquestration géologique du carbone, elle n'est pas du tout au point. Tout cela reste très fragile et n'a donné lieu qu'à quelques petites expériences de laboratoire, sans réelle application grandeur nature.

De plus, au coût financier s'ajoute le coût en intensité énergétique. La CCS a un véritable effet pervers, puisque les centrales à charbon seront amenées à brûler encore plus de charbon pour séquestrer le carbone qu'elles produisent ! La déplétion du charbon, du gaz ou du pétrole sera donc encore plus rapide avec la CCS que sans la CCS.

Huitième point : dans ce projet de loi, la gouvernance est un peu trop frileuse ; nous y reviendrons.

Je souhaite que, à l'issue de la discussion générale, le Gouvernement nous dise quelles positions il défendra lors de nos débats sur les huit questions que je viens de poser.

Après les acquis du Grenelle qui nous permettront, je l'espère, de voter finalement ensemble un texte commun – même si, pour le moment, nous ne sommes pas sur ce chemin-là – je veux maintenant évoquer les amendements propres au paradigme écologique et à notre sensibilité. Je vous en donne une liste, mais je ne veux pas vous accabler. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Ces amendements sont importants. M. le ministre d'État nous a annoncé qu'il avait fait un « monument législatif unique au monde ».Nous serions les recordmans du monde de la législation environnementale ; les Français seraient les meilleurs, (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP) et il faudrait pousser un cocorico…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

En tout cas, on a beaucoup progressé !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

J'ai beaucoup discuté avec mes camarades européens à Bruxelles, à Luxembourg ou ailleurs. En fait, nous rattrapons seulement le retard pris par la France. « Même à l'époque de la gauche plurielle » ajouterez-vous sans doute, monsieur le ministre d'État.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Surtout à cette époque !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Pas « surtout » ! Les régressions ont surtout commencé en 2002 !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Nous étions le seul pays d'Europe sans réglementation relative aux bâtiments !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Madame la présidente, j'espère que vous décomptez de mon temps de parole les interruptions du ministre d'État. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

En dehors du strict cadre du Grenelle, très incomplet, il existe des options encore plus fondamentales pour notre société.

Ainsi, il est clair qu'il faut sortir du nucléaire. Comment se fait-il que la France soit parmi les derniers pays au monde à s'entêter dans la voie de cette filière énergétique qui n'a pas d'avenir ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans quelques années, plus personne n'utilisera le nucléaire. Les coûts écologiques, énergétiques et même thermodynamiques et financiers ne supportent simplement pas cette filière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Pour les avions, le responsable, c'est un volcan islandais !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Vous avez introduit un nouvel article 19 bis. Vous admettez que les moteurs thermiques des voitures ne sont pas bons : cela pollue ; nos enfants ont des bronchites… Vous évoquez une révolution industrielle et vous souhaitez que notre pays, qui dispose de bonnes écoles, de bons ingénieurs et même, parfois, de bons industriels, soit à la pointe en matière de fabrication de voitures électriques. Or, monsieur le ministre d'État, c'est un leurre ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Dans chaque filière et pour chaque technologie, il faut faire le bilan financier et, surtout, énergétique et thermodynamique global. On ne peut pas se contenter de prendre en compte la voiture. Ponctuellement et localement, je veux bien reconnaître qu'une voiture électrique n'émet pas de gaz à effet de serre et qu'elle fait moins de bruit qu'une voiture à moteur thermique ; c'est même l'évidence. Mais d'où vient l'électricité ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Madame la présidente, je suis interrompu en permanence !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Cochet, vous n'êtes pas obligé de répondre aux interruptions !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il faut assurer le calme dans cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Pas du tout !

Avec l'article 19 bis, vous vous préparez tout simplement à faire, comme avec le Concorde ou le nucléaire, une grosse erreur industrielle. Le public va croire que la voiture électrique est propre, alors que ce qui compte, c'est la chaîne de l'offre. Si les industriels français fabriquent des voitures électriques, ils voudront les vendre dans le monde entier. Ce sera, par exemple, le cas de Renault en Israël. Or d'où vient l'électricité ? Dans le monde, elle est majoritairement issue des énergies fossiles et, en France, majoritairement, du nucléaire. Autrement dit, globalement, plus on fabriquera de voitures électriques, plus il y aura dans le monde d'émissions de gaz à effet de serre et plus il y aura de nucléaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Mes chers collègues, c'est pourtant l'évidence ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans le monde, l'électricité vient bien majoritairement des centrales à flammes ! Si l'on veut plus d'électricité, il faudra plus de centrales à flammes et plus de nucléaire. Dites-le franchement ! (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Quel niveau de ce côté de l'Assemblée !

La voiture électrique n'entraîne pas moins de pollution, mais une pollution ailleurs. C'est une sorte de délocalisation de la pollution.

Dans un autre domaine, il faut que nous prenions en compte le cri d'alarme lancé par les apiculteurs qui ont des difficultés à reconstituer tous les ans leur cheptel. Les abeilles sont menacées : il s'agit d'un véritable problème dont nous devons nous saisir sur tous les bancs. M. Martial Saddier est présent qui est un grand défenseur des abeilles et des apiculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il faut que le Grenelle 2 participe à leur défense et les mentionne clairement. Pour notre part, nous avons évidemment déposé des amendements en ce sens. On ne connaît pas très bien la cause de la mortalité des abeilles. Il est possible que des attaques systémiques – je pense aux pesticides ou aux insecticides comme le Cruiser ou le Proteus – fragilisent les essaims. Il faut donc que les produits en question soient interdits. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Monsieur Borloo, vous devriez en parler à votre collègue ministre de l'agriculture.

Je ne ferai pas de longs discours sur les OGM, mais nous devons nous orienter vers leur interdiction. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Mais si ! Vous avez peut-être pu consulter les résultats récents d'une étude russe, menée sur deux ans – et pas sur trois mois, comme l'a fait Monsanto – avec des animaux de laboratoire. Ils montrent qu'il y a beaucoup plus de problèmes avec certains OGM que ce que l'on croyait il y a seulement quelques mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je vous les fournirai.

Nous proposons encore trois véritables avancées écologiques.

Tout d'abord, nous voulons promouvoir une journée de sobriété carnée dans la restauration collective. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Cela vous fait rire ! Je constate que, dans la majorité, certaines personnes ne comprennent pas dans quel monde nous sommes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je propose donc que, une fois par semaine, dans la restauration collective, on s'abstienne de proposer de la viande et du poisson lors d'une journée végétarienne. (Mêmes mouvements.) Les questions d'environnement ne sont pas seules en jeu ; il y a aussi des problèmes de santé publique liés à une alimentation trop carnée. Nous en reparlerons. J'ajoute qu'en termes d'émissions de gaz à effet de serre, l'élevage est proportionnellement quatre fois plus émetteur que la culture céréalière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Peut-être ignorez-vous tous ces éléments. Cela ne m'étonnerait pas ! On se trompe totalement si l'on pense que la nature ne relève que de compromis entre les humains. Il existe des lois dans la nature : croyez vous pouvoir modifier la loi de Newton ? Elle ne changera pas. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Si vous ne connaissez pas les lois de la thermodynamique de M. Kelvin, il faudra être très prudent pour légiférer sur le sujet. J'ai entendu l'un de vos collègues dire : « Les lois de Kirchhoff sont dépassées, il faut en voter d'autres. » Voilà qui devrait aussi vous faire rire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la présidente, je ne peux plus m'exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il faut introduire l'action de groupe dans le code civil. Il serait intéressant, notamment lors de catastrophes écologiques, mais également dans d'autres cas, de rendre possible ces actions. Les personnes ayant subi des préjudices, qui n'ont pas les moyens d'agir en justice, pourraient ainsi obtenir réparation. Monsieur le ministre d'État, vous êtes aussi un peu avocat ! Les actions de groupe peuvent aider les petites gens à se défendre.

Je terminerai (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) en évoquant un sujet qui fait l'objet d'un non-dit absolu, puisqu'il ne figure ni dans la loi Grenelle 1 ni dans le projet de loi Grenelle 2 ; je veux parler de la déplétion pétrolière, le pic de production de pétrole. Il s'agit pourtant d'un phénomène dont les conséquences sociales et économiques sont aussi importantes que le changement climatique.

Lorsque, en 1974, je parlais du changement climatique avec René Dumont, je peux vous assurer que la droite et même la gauche traditionnelle rigolaient pas mal ! Maintenant, on rigole un peu moins, malgré Copenhague. Eh bien, aujourd'hui, je pourrais citer de nombreux rapports très sérieux sur le pic de production de pétrole ; pourtant ce sujet est totalement absent du Grenelle. On parle un peu de l'aval des émissions de carbone – le changement climatique –, mais on oublie totalement l'amont : le sous-sol.

Faut-il rappeler que 80 % de nos richesses matérielles proviennent entièrement du sous-sol ? C'est le cas, par exemple, des micros que nous utilisons, des voitures, des lunettes, des ordinateurs portables. Quelle ingratitude que de passer ce sujet sous silence ! Les ressources du sous-sol n'étant pas renouvelables, la déplétion est inévitable. Or celle de ces ressources qui se raréfient le plus, et de loin, c'est le pétrole, dont le marché est d'ailleurs le plus mondialisé : il représente 2 500 milliards de dollars par an. C'est énorme ! Pourtant, vous n'en parlez pas du tout.

Nous avons donc déposé un amendement, non pas pour que ce sujet fasse l'objet d'un nouveau titre du projet de loi – même si cela serait justifié –, mais pour que le Gouvernement nous remette, avant la fin de l'année 2010, un rapport sur le pic de production de pétrole, sur la controverse éventuelle qu'a fait naître ce sujet et sur ses conséquences aux plans géologique, économique et social. C'est un problème de première importance.

Mon discours est équilibré. Je ne suis pas certain de voter contre le Grenelle 2. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mon vote dépendra du débat parlementaire : si le texte demeure tel qu'il est sorti de la commission, je ne le voterai pas. J'espère donc qu'il sera amélioré, lors de nos débats, par nos amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est àM. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Puisqu'il a défendu une motion de renvoi en commission, M. Cochet considère que le travail de la commission n'a pas été suffisant et qu'elle doit donc à nouveau examiner le texte. Je lui répondrai donc en lui rappelant que celle-ci s'est réunie plus de onze fois et que ses débats ont duré plus de soixante heures. J'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure à M. Mamère que nous avions regretté son absence lors de ces débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je suis membre de la commission des lois, monsieur Jacob !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Beaucoup de députés du groupe SRC qui ne sont pas membres de notre commission ont néanmoins participé à nos travaux et ont déposé des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous sommes trois députés Verts. Nous ne pouvons pas être présents partout !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur Cochet, sur les 250 ou 260 amendements que vous avez déposés, vous en avez défendu à peine 80 : vous n'étiez même pas présent en commission pour défendre les autres ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Nous sommes trois députés Verts alors que vous êtes 300 !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Il faut être sérieux, monsieur Cochet ! Vous êtes meilleur dans le discours que dans l'action. Votre bilan en tant que ministre de l'environnement est aussi catastrophique…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous ne parlez pas du fond. Vous faites diversion !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…que vous l'avez été ce soir. L'action vous est étrangère. Pourquoi déposer 250 amendements quand on n'est pas capable de venir les défendre en commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Ce que l'on attend d'un parlementaire, ce n'est pas le type de numéro que vous venez de faire à la tribune ; c'est un travail sérieux, studieux, à l'instar de celui que nous avons accompli avec les députés, toutes tendances confondues, qui étaient présents en commission. Encore une fois, monsieur Cochet, je regrette que vous ayez « séché » les travaux de la commission.

Le travail a été fait ; c'est vous qui n'étiez pas là. Je me vois donc dans l'obligation de m'opposer à votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le secrétaire d'État, M. Jacob nous avait indiqué qu'il souhaitait un débat apaisé, sans polémique. Or voilà que, cédant à son penchant naturel – que nous avons connu sous d'autres législatures ; je pense notamment à l'examen de la loi sur la chasse –, il persiste dans cette propagande, qui a commencé il y a quelques semaines, selon laquelle les écologistes seraient de mauvais élèves. Faut-il lui rappeler que nous ne sommes que trois députés Verts ?

Chacun d'entre nous siège dans la commission dont il est membre, où il travaille, et nous n'avons pas encore le don d'ubiquité.

Toujours selon cette propagande, les écologistes seraient contre le progrès et sa conception de la croissance. Ce soir, mes collègues Verts et moi-même, nous éprouvons une certaine compassion pour M. le ministre d'État et sa secrétaire d'État (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), face aux rires humiliants qui ont accueilli les observations très judicieuses, pertinentes et argumentées de notre collègue Yves Cochet.

Prenons l'exemple de l'automobile.

Pour maquiller la crise de ce secteur, le Gouvernement a inventé ce que l'on a appelé la « prime à la casse », une manière de bulle qui est en train d'exploser.

Aujourd'hui, la crise de l'industrie automobile apparaît dans toute sa réalité et l'on n'a rien fait pour préparer la conversion écologique de cette branche de l'économie, notamment la reconversion de salariés qui ont un savoir-faire. Yves Cochet a raison de nous expliquer que c'est une erreur de croire que, grâce à la technique, en inventant des voitures électriques, on résoudra des problèmes qui se posent à l'ensemble de la société. En effet, ce n'est pas se poser la bonne question : s'agissant de l'automobile, la véritable question est celle de son usage.

A ce propos, je tiens à rendre hommage à l'un des penseurs de l'écologie, qui, bien que fort peu connu, hélas, a écrit des livres déterminants : Bernard Charbonneau. Dans L'Hommauto, publié en 1967 et disponible aux éditions Denoël, il explique que, croyant construire des automobiles, nous construisons en réalité une société autour de l'automobile. Nous avons ainsi envoyé loin des villes des familles modestes qui ne pouvaient acquérir ou louer un logement dans les centres-villes et qui sont maintenant otages de leur voiture, parce que l'on n'a pas fait d'efforts pour développer les réseaux de transports collectifs de proximité. Ces gens sont victimes de la double peine : les taux zéro et le renchérissement des énergies fossiles. Peut-être est-ce de ces questions que nous devrions débattre.

En tout état de cause, on s'aperçoit qu'entre les belles promesses du Président de la République – qui, la main sur le coeur, s'était engagé à sauver les forêts, les paysans et les montages – et la réalité du Grenelle de l'environnement, il y a un fossé. Nous, nous ne sommes pas dans une posture idéologique(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes ici dans un esprit constructif. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Lorsque le Président de la République constate qu'il pleut, nous ne disons pas qu'il ne pleut pas. Et nous serons aux côtés de M. Borloo et de Mme Jouanno pour les défendre (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et les aider à imposer à une majorité rétive qui ne veut pas d'une politique environnementale un Grenelle 2 qui ait un sens.

Il est vrai que la désespérance est à la mesure de l'espoir que le Président de la République et le Grenelle de l'environnement avaient suscité chez tous les partenaires réunis autour de la table, de sorte que l'on peut parler d'une forme d'imposture politique ou, à tout le moins, d'hypocrisie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Ainsi que notre collègue Yves Cochet l'a rappelé, depuis le Grenelle de l'environnement, combien de lois ont été votées – je pense aux OGM, à la chasse et aux aménagements concernant les enquêtes d'utilité publique –, combien de décrets ont été pris dans le dos des Français, qui sont autant de coups terribles portés à l'esprit du Grenelle ? Ce soir, nous soutenons donc la motion de renvoi en commission.

M. le ministre d'État, chargé de l'écologie, est sans doute très isolé au sein du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…puisque le même Président de la République, qui nous parlait de projets équivalant à la fin de la colonisation, à l'abolition de la peine de mort, renonce, à la première difficulté politique, à la contribution climat-énergie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et déclare en catimini aux agriculteurs, qui ne voulaient pas de lui, que « L'environnement, ça commence à bien faire ! ». Quand l'environnement devient ainsi une variable d'ajustement, on est en droit de s'interroger sur la sincérité du Gouvernement.

Je terminerai par une réflexion plus profonde, qui devrait tous nous interpeller.

Quand l'écart est si grand entre les engagements pris devant les Français sur des sujets transpartisans qui nous concernent tous et la réalité de la politique menée, la parole politique est affaiblie. Dès lors, il ne faut pas s'étonner qu'autant de Français se détournent des politiques, s'abstiennent ou votent Front national, car ils ne croient plus en des promesses qui ne sont pas tenues sur des sujets importants qui les concernent au premier chef, comme l'emploi ou la précarité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Mes chers collègues, après avoir écouté attentivement l'auteur de la motion de renvoi en commission, je me dis que M. Cochet a dû manger du lion ; le mardi n'est donc pas la journée sans viande. (Sourires.)

Plus sérieusement, l'originalité du Grenelle de l'environnement a consisté dans la mobilisation sans précédent de tous les acteurs – sociaux, syndicaux, associatifs – de notre société et l'implication de nos concitoyens, qui ont permis de prendre en compte les points de vue de chacun, la volonté d'action, mais aussi les points de divergence.

Qui pourrait prétendre que le débat n'a pas eu lieu en commission ? Les soixante heures de débat en commission du développement durable et en commission des affaires économiques ont permis une large concertation, une large participation des représentants de la nation : 2 500 amendements étudiés, ce n'est pas rien !

Le Nouveau Centre ne souscrit donc pas aux arguments de M. Cochet. Nos débats doivent se poursuivre, car il y a une urgence environnementale. Or un renvoi en commission signifierait un retard dans la mise en place d'outils qui nous permettront d'agir concrètement en faveur de l'écologie. Vous l'aurez compris, le Nouveau Centre votera contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Je m'attacherai à mon tour à répondre, au nom du groupe UMP, à la motion de renvoi en commission défendue par notre collègue Yves Cochet.

Je ne peux passer sous silence ce long processus – trois années – issu du débat démocratique né au moment de l'élection présidentielle. Inédit sous la Ve République, il a permis au Président de la République, au Gouvernement, à la représentation nationale dans son ensemble et à la société civile – les acteurs socioprofessionnels et le monde associatif – d'élaborer le grand projet du Grenelle de l'environnement 1, voté il y a un an, et le projet de loi dont nous débattons ce soir.

À mon tour, monsieur Cochet, je vais vous rappeler quelques chiffres.

Sur ce texte, trois commissions – celles du développement durable, des affaires économiques et des lois – ont, par la volonté de leurs présidents respectifs, fonctionné en bonne intelligence. Pas moins de cinq rapporteurs ont été à la disposition des députés et ont auditionné un nombre incalculable de personnalités. Les débats ont duré près de soixante heures au sein de la commission saisie au fond et près de cent heures si l'on y ajoute les travaux des deux autres commissions saisies pour avis, sans compter les groupes de travail spécifiques dont ont fait l'objet des sujets particulièrement techniques ou sensibles.

Je ne peux donc pas vous laisser dire que le travail en commission aurait été insuffisant. Sur près de 2 500 amendements examinés, près de 600 sont venus enrichir le texte. Je me dois de saluer l'esprit globalement constructif qui a animé les travaux des différentes commissions.

Je veux, à mon tour, saluer certains de vos propos, notamment ceux que vous avez tenus sur le logement, les bilans sur les gaz à effet de serre, les certifications à haute valeur environnementale du monde agricole, les déchets, l'encadrement de la publicité sur les pesticides, la croissance verte dans les entreprises, les plans de prévention des risques, les SCOT – opposables, puisque les PLU doivent se mettre en conformité avec les SCOT dans les trois ans –, les abeilles car, si le Grenelle n'existait pas, il est peu probable qu'il se trouverait un groupe de 180 parlementaires issus de tous les bancs pour défendre des pollinisateurs sauvages et les abeilles.

Il est d'autres points que vous n'avez pas cités, sur lesquels il me semble que nous pourrions nous rejoindre ; ainsi, vous n'avez pas parlé de l'agriculture biologique, ni de la trame verte et bleue.

Bref, je voulais vous dire au nom du groupe UMP, monsieur Mamère et monsieur Cochet, que nous avons bien noté le caractère constructif de vos propos. Nous sommes, nous aussi, dans un esprit constructif, et estimons pour cette raison même qu'il n'y a pas lieu de renvoyer ce texte en commission, mais plutôt urgence à se mettre au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Madame la présidente, monsieur le ministre, les arguments d'Yves Cochet sont pertinents car, à ce stade de la discussion, force est de constater que le compte n'y est pas. Le groupe SRC avait voté le Grenelle 1, car nous avions apprécié l'effort d'une majorité qui forçait sa nature, et ne voulions pas être les fossoyeurs d'une dynamique qui ouvrait peut-être enfin des perspectives face à l'urgence climatique.

Le Président de la République a cassé l'ambiance avec l'enterrement de la taxe carbone, suivi de cette formule lapidaire et définitive : « L'environnement, ça commence à bien faire ! » Au fil des rapports parlementaires guerriers anti-éoliens ici, pro-pesticides là, la cathédrale du Grenelle 2 que vous vouliez construire, monsieur le ministre, est devenue un château de sable allégrement piétiné par les productivistes de tout poil ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Avec cette loi, vous prétendiez – c'est du moins ainsi que la communication du Gouvernement présentait les choses – nous inviter à entrer dans le monde d'après. Las ! Vos amis vous ramènent désespérément dans le monde d'avant !

Nous voterons donc ce renvoi en commission, parce que ce débat en procédure d'urgence, qui vient après deux ans d'attente, est bâclé. Comme l'a dit François Brottes, que je veux citer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) :…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

…« Nous ne désespérons pas de convaincre les élus UMP de renoncer à leur renoncement. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Très bien !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Monsieur le ministre, je considère le Grenelle de l'environnement comme un pacte dont l'objectif final est, selon vos déclarations, « une mutation vitale pour notre avenir et pour l'histoire de l'humanité ». Dans ces conditions, mieux vaut accélérer que temporiser. Cela passe nécessairement par l'engagement concret de chacun, sans exception, et cela implique évidemment la question du développement durable et endogène.

Tel est en tout cas le sens que je me permets d'accorder au projet de loi soumis à notre examen aujourd'hui. À cet égard, je cite vos propos à la tribune du Sénat, monsieur le ministre : « L'objectif est tout simplement de rendre aux territoires ce qui leur appartient, c'est-à-dire une certaine idée de la qualité de vie, de la proximité, de la solidarité et des savoir-faire, et la capacité à s'organiser démocratiquement pour les réaliser ».

Loin de m'opposer à cette idée, je la conforte en vous proposant l'organisation à très court terme en Martinique d'un Grenelle de la Montagne Pelée. En fait, il s'agira pour nous de relier entre eux les éléments épars d'un puzzle en construction depuis un certain nombre d'années.

Je vais vous exposer les raisons objectives qui motivent ma démarche.

Le 8 mai 1902, le volcan de la Montagne Pelée entre en éruption et anéantit l'ancienne capitale, la ville de Saint-Pierre, faisant 30 000 morts en moins de quatre-vingt-dix secondes. Ce phénomène volcanique, inconnu jusqu'alors, fut décrit par le géologue Alfred Lacroix comme étant une nuée ardente, c'est-à-dire un nuage de gaz incandescents qui souffla tout. Cet aspect scientifique est à prendre en compte.

La Montagne Pelée, si dévastatrice par le passé, est aujourd'hui source de vie. Elle alimente en eau les principaux bassins versants de l'île et ses nombreuses rivières irriguent une très grande partie de la Martinique. Par ailleurs, elle constitue une réserve biologique presque unique au monde. Certaines espèces végétales qui y poussent sont endémiques, d'autres, en voie d'extinction, participent à la pharmacopée moderne : il faut en conséquence les protéger.

À cet égard, dès 2003, en tant que président du conseil régional de l'époque, j'ai oeuvré pour que ce site soit répertorié comme réserve biologique. En partenariat avec l'Office national des forêts, j'ai ainsi participé à la création de la commission consultative régionale des réserves biologiques. Après l'approbation du plan de gestion de cette réserve en juillet 2005, le statut de réserve biologique intégrale du versant nord fut consacré grâce à l'arrêté ministériel du 28 avril 2007.

En ce 4 mai 2010, à quatre jours de la commémoration du 108e anniversaire de cette éruption, je me situe dans le droit fil de la dynamique du Grenelle 2 de l'environnement en demandant de sanctuariser ce monument naturel. Ce Grenelle spécifique doit intégrer Saint-Pierre, les villes avoisinantes, et les milieux marins environnants.

Je rappelle, pour la circonstance, que la baie de Saint-Pierre est très réputée. Ainsi, le schéma de développement et d'aménagement touristique l'a déjà retenue pour un futur terminal de croisière. Par ailleurs, le schéma d'aménagement régional de la Martinique y a prévu l'installation d'un quai minéralier, et la construction d'un musée plus conséquent a été proposée par la ville elle-même.

Je signale également qu'au Morne Rouge, un musée régional inauguré il y a trois ans et baptisé « La maison du volcan » est consacré à la Montagne Pelée, à l'étude des volcans de la Caraïbe et à la tectonique des plaques. Toujours au Morne Rouge, le parc naturel régional a inauguré, le 18 septembre 2009, la Maison de la nature, axée sur la richesse de la biodiversité.

Je veux également apporter des précisions au sujet de certaines villes côtières.

À Bellefontaine, il existe une réelle opportunité de produire de l'électricité de façon permanente à partir du différentiel thermique de l'eau de mer. Des études sur ce point ont déjà été réalisées et, pour ne rien vous cacher, EDF est partie prenante et connaît bien le dossier. À Case-Pilote, une zone de cantonnement fonctionne déjà. Au Prêcheur, une réserve régionale dans laquelle se trouvent des variétés de coraux et d'éponges uniques au monde est en cours de finalisation.

En résumé, nous sommes bien dans le cadre d'un projet de développement durable solidaire et intégré. Mon exposé ne prétend pas à l'exhaustivité, car d'autres atouts existent bel et bien dans le rayon d'action de la Montagne Pelée. Pour comprendre l'importance du projet à l'échelle du pays, quelques chiffres sont à citer : alors que la superficie de la Martinique n'est que de 1 128 kilomètres carrés, la Montagne Pelée s'étale sur près de 120 kilomètres carrés. Vous comprendrez dès lors, monsieur le ministre, tout l'intérêt de mon intervention d'aujourd'hui.

Pour tout ce qui a déjà été préconisé, initié et mis en oeuvre, je sollicite l'inscription de la Montagne Pelée au patrimoine mondial de l'UNESCO, à l'instar des pitons de la soufrière de l'île voisine de Sainte-Lucie. Depuis l'approbation de la Convention du patrimoine mondial en 1972, la communauté internationale a adopté le concept de « développement durable » pour le patrimoine naturel.

Par son histoire, par sa richesse géologique et biologique, la Montagne Pelée correspond tout à fait aux critères définis par l'UNESCO pour figurer sur la liste du patrimoine mondial. Cette inscription, qui viendrait renforcer l'intérêt faunistique, floristique et scientifique de la Montagne Pelée, constituerait un instrument supplémentaire de visibilité internationale et un indéniable atout tant touristique qu'économique.

Notre dossier sera remis au Gouvernement dans les plus brefs délais. Je lui demande publiquement son soutien, car il s'agit d'une carte vitale pour la Martinique. D'ores et déjà, monsieur le ministre, je vous invite à prendre date pour venir signer en Martinique la mise en place du comité du Grenelle de la Montagne Pelée pour, comme vous l'avez dit, « pousser l'avantage le plus loin possible et rendre irréversible la mutation en cours et la rupture avec le modèle actuel ».

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis de reprendre aujourd'hui en séance le fil du Grenelle de l'environnement. Cela me rappelle quelques souvenirs, puisque la dernière fois que je suis monté à cette tribune pour parler de l'environnement, j'ai eu l'occasion d'assister, en observateur privilégié, à un exercice de descente en rappel ! (Sourires.)

La dynamique engagée par le processus du Grenelle 1 se poursuit aujourd'hui avec l'examen en séance publique du second projet de loi, intitulé « Engagement national pour l'environnement ». J'espère que cet examen se fera de façon républicaine, sans coup d'éclat de qui que ce soit. Ce deuxième texte s'inscrit dans le sillage de centaines de réunions, de tables rondes, de réflexions, de contributions riches et variées et de nombre d'heures de débat au Parlement.

Cette dynamique ne doit pas s'arrêter, mais au contraire être entretenue très précieusement, surtout quand le texte aura été formellement adopté et sera devenu une loi de la République. En effet l'originalité du Grenelle et ce qui en fait, selon moi, la valeur singulière, c'est d'être un engagement de responsabilité durable, et non une simple loi ponctuelle de circonstance. C'est pourquoi, pour le Nouveau centre, les polémiques de ces dernières semaines ne doivent pas nous détourner du chemin qu'il reste à accomplir pour une croissance plus sobre en carbone et en énergie, plus respectueuse de notre environnement.

Les points de désaccord, de divergence ou même de confrontation existent ; c'est la règle du débat démocratique. Cependant chacun est, me semble-t-il, conscient de l'urgence qu'il y a à agir dans un contexte de raréfaction des ressources et de hausse continue des factures énergétiques.

Le premier volet législatif portait le nom de « Loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ». Il visait à fixer un cap à partir des objectifs issus eux-mêmes des travaux des différents collèges du Grenelle. Le second projet de loi est, lui, intitulé : Engagement national pour l'environnement. Je me suis attaché à étudier cette sémantique, car je trouve cet intitulé intéressant.

Quelle est donc, tout d'abord, la définition du mot « engagement » ? Comme souvent dans la langue française, cette définition est plurielle.

L'engagement est d'abord celui de se lier par une promesse ou une convention. Tel est, de toute évidence, le sens premier de ce texte : une promesse qui nous lie aux générations futures, celle de leur laisser en héritage une planète sur laquelle elles pourront bâtir sereinement leur avenir.

Cependant l'engagement, au sens militaire du terme, implique également un combat. C'est bien aussi ce dont il s'agit, car nous savons tous que les enjeux sont tels que seule une volonté sans faille nous permettra de réussir face aux nombreux obstacles qui se dressent sur le chemin.

Enfin, dans le vocabulaire sportif, l'engagement désigne le coup d'envoi d'un match ou d'une partie. Là encore, le terme est adapté, car nous n'en sommes en réalité qu'au début d'une partie qui se déroulera durant plusieurs dizaines d'années.

Par ailleurs, cet engagement est qualifié de « national » : il s'agit des outils et des leviers d'action dont la France entend se doter pour tenir ses engagements environnementaux. Cela est bien sûr indispensable, car, comme le dit un excellent slogan du ministère de l'écologie : « Il n'y a pas de petits gestes quand nous sommes soixante millions à les faire ».

Nous savons tous cependant que ce n'est pas suffisant : les enjeux environnementaux sont en effet planétaires et le combat doit aussi se mener à l'échelle internationale. Or le semi-échec du sommet de Copenhague, en décembre dernier, est là pour nous rappeler que c'est loin d'être gagné.

Enfin, troisième terme de l'intitulé de ce texte : le mot « environnement ».

Je me suis amusé à ouvrir une ancienne édition du célèbre Petit Robert. Quelle définition y trouve-t-on de ce terme ? Eh bien en 1974, celle-ci était très basique : l'environnement, ce sont les environs d'un lieu, c'est tout bonnement ce qui nous entoure. Eh oui, c'était l'époque de la première candidature à la présidentielle d'un écologiste dont on a parlé tout à l'heure, René Dumont !

Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, et la sémantique n'est plus tout à fait la même. Aujourd'hui, nous donnons une définition tout autre et bien plus globale du mot « environnement », qui est quasiment devenu un synonyme d'écologie.

Pourtant, ce n'est pas exactement la même chose. S'il est essentiel d'avoir en tête la dimension globale de l'environnement, il ne faut pas pour autant perdre de vue la dimension première du mot, c'est-à-dire ce qui nous entoure au quotidien.

C'est pourquoi, au nom du Nouveau Centre, je me ferai tout au long de cette discussion le défenseur du pragmatisme quotidien en matière d'environnement, une dimension que l'on a quelque peu oubliée dans le texte que nous nous apprêtons à examiner.

En effet l'environnement, c'est aussi la propreté, celle des trottoirs de nos villes et villages ; ce sont les bouteilles que l'on trouve ça et là dans les champs et les espaces publics, alors qu'un système aussi simple que la consigne réglerait une grande partie du problème ; ce sont les poubelles de la restauration rapide, où l'on retrouve un mélange de déchets sans aucun tri ; ce sont les petites communes rurales auxquelles la loi impose de faire des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments publics mais qui ne savent pas comment les financer ; ce sont les particuliers qui doivent mettre aux normes leur installation d'assainissement non collectif et qui sont confrontés au même problème de financement ; ce sont encore les téléspectateurs qui aimeraient bien ne pas être assourdis chaque fois qu'il y a une page de publicité à l'écran.

En bref, pour le Nouveau Centre, si nous devons penser global, il nous faut d'abord agir local. C'est le gage de réussite de ce grand projet qu'est le Grenelle de l'environnement.

Pour nous, l'environnement, c'est aussi un cadre de vie, une biosphère, diront les plus scientifiques d'entre nous. C'est la raison pour laquelle je proposerai au cours de l'examen du projet de loi plusieurs amendements allant dans le sens d'une écologie pratique, d'une écologie du quotidien, d'une écologie qui parle à nos concitoyens, d'une écologie de préservation de notre qualité de vie.

Cette approche constitue une dimension complémentaire car immédiatement palpable – et parfois un peu moins techno – pour nos concitoyens, d'abord, parce que les règlements et les articles de loi ne peuvent pas tout, mais aussi et surtout parce que l'écologie c'est autant la recherche fondamentale et des décisions politiques majeures que des gestes de consommation de tous les jours.

La mobilisation doit se faire tout en haut de notre société, tout en bas et dans les étages intermédiaires. Elle doit également se faire horizontalement en y associant tous les acteurs. Cela veut dire « avec » les acteurs et non pas « contre » les acteurs. C'est vrai pour les citoyens ; c'est vrai pour les collectivités locales ; c'est vrai aussi pour les entreprises. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle le Nouveau Centre a salué la décision de transposer au niveau européen la mise en place de la taxe carbone.

Moi aussi, je vais citer un François, mais pas François Brottes :…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

…qui disait : « Il faut se tenir à une résolution parce qu'elle est bonne et non parce qu'on l'a prise ».

Au Nouveau Centre, nous pensons que la taxe carbone sera européenne ou ne sera pas. Cette décision est une décision de bon sens et je souris devant les déclarations offusquées de ceux qui étaient pourtant les premiers à dénoncer la mise en place de cette taxe. Comme quoi de l'opposition radicale à l'opposition ridicule, il n'y a parfois qu'un pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, le débat qui s'ouvre aujourd'hui est essentiel. Il doit être serein. Il ne doit pas, permettez-moi ce jeu de mots, être pollué par les influences des nombreux lobbies, qui ont inondé nos messageries, et parfois nos agendas, ou les influences pavloviennes des clivages politiques traditionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Il y a des textes qui méritent de la hauteur, du discernement et de l'écoute constructive.

C'est dans cet esprit que les députés du Nouveau Centre abordent ce débat que nous espérons fructueux et porteur d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Mesdames, messieurs, je suis heureux que nous commencions aujourd'hui l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement. L'ouverture de cette discussion marque un tournant important dans la politique de notre pays, un tournant que l'on peut qualifier d'historique.

Plusieurs étapes ont préfiguré l'avancée que représente ce texte. Sans vouloir être exhaustif, je citerai symboliquement la loi Montagne du 9 janvier 1985, la loi Littoral du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, la loi Barnier de février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, la Charte constitutionnelle de l'environnement de 2004 – j'ai eu l'honneur d'être l'un des deux rapporteurs du texte – et, bien sûr, la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Cette chronologie est à mes yeux significative : la montagne, le littoral, l'eau, l'environnement dans son ensemble, sont peu à peu devenus des préoccupations et des enjeux politiques, avec un principe clé : toujours rechercher l'équilibre entre aménagement et protection. Aujourd'hui, le projet de loi portant engagement national pour l'environnement s'inscrit dans cette continuité.

Je tiens donc à saluer l'implication de nos rapporteurs : Serge Grouard et Bertrand Pancher, pour la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Serge Poignant et Michel Piron, pour la commission des affaires économiques et Eric Diard, pour la commission de lois, ainsi que les présidents de ces commissions ; je pense notamment à M. Jacob et à M. Ollier. De manière plus générale, je remercie l'ensemble des parlementaires du groupe UMP qui, depuis 2007, année du lancement du Grenelle de l'environnement portent ce projet de toutes leurs convictions. Et nul n'ignore l'attachement du Président de la République et du Gouvernement, plus particulièrement du ministre d'État, à ce texte.

Celui-ci constitue une étape supplémentaire fondamentale. Il va donner les outils – chantier par chantier, secteur par secteur – nécessaires à la réalisation des objectifs fixés par le premier volet législatif du Grenelle de l'environnement C'est une politique crédible, efficace et irréversible qui va être enclenchée.

Après le temps des constats – réchauffement climatique et vulnérabilité des milieux naturels –, nous en sommes au temps de l'action et de la lutte. C'est un tournant ; nous amorçons un changement dans nos modes de vie et notre vision du développement. Ce dernier doit devenir durable. Il faut adapter les secteurs du bâtiment, de l'urbanisme, des transports, de la maîtrise de l'énergie. Il convient ainsi que l'économie intègre en amont l'écologie.

Nous devons anticiper et agir pour la préservation de la biodiversité, pour le développement d'une agriculture durable, pour la prévention des risques et 1a protection de la santé, pour la mise en oeuvre d'une gestion durable des déchets. La mutation écologique engagée depuis 2007 trouve sa traduction concrète à travers ce projet de loi, soutenue par l'instauration d'une gouvernance adaptée. Des dispositions vont venir renforcer la territorialisation du Grenelle de l'environnement et poser les bases d'un nouveau modèle de croissance fondé sur un développement économique et social maîtrisé, durable et prenant en compte les limites de nos ressources naturelles.

Le Grenelle de l'environnement constitue une véritable opportunité de croissance verte et représente 440 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2020, 15 milliards d'euros de valeur ajoutée par an, soit 0,8 point de PIB, et 600 000 emplois sur les douze prochaines années.

La fiscalité environnementale, qui assure le financement des mesures du Grenelle de l'environnement par le produit de la fiscalité écologique, est d'ores et déjà en marche puisque soixante-dix mesures de fiscalité écologique ont été adoptées parmi lesquelles figurent l'éco-prêt à taux zéro pour la rénovation thermique des logements anciens, le plan de relance du fret ferroviaire, les lignes TGV, le financement des cinquante projets relatifs aux transports collectifs en site propre, le crédit d'impôt développement durable, ou encore la création du bonus-malus automobile. Où en seraient notre industrie automobile, nos sous-traitants automobiles sans cette mesure à la fois écologique et économique ? C'est le député de la vallée de l'Arve, où sont installés 65 % de ces sous-traitants qui pose la question.

Il convient également de souligner que 2009 a été l'année de nombreuses réalisations du Grenelle de l'environnement : 88 % des engagements qui devaient être concrétisés avant la fin 2009 ont été tenus. Cela atteste de la mobilisation du Gouvernement et de la majorité UMP en matière de lutte contre le réchauffement climatique de la planète. Mobilisation en France mais aussi mobilisation de la France en Europe et dans le monde, notre pays jouant le rôle de fer de lance dans ce combat.

Ce virage écologique est plus délicat à négocier dans le contexte économique actuel. C'est un signe de courage politique, celui notamment de préserver l'agriculture et la biodiversité avec comme principaux engagements la réduction de l'usage des pesticides, l'identification et la protection, d'ici à 2012, de captages particulièrement menacés par des pollutions diffuses, la conversion en agriculture biologique de surfaces agricoles utiles et le doublement du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, la prise en compte de la mortalité des abeilles et des pollinisateurs sauvages avec la création de l'institut technique, tant attendu, l'identification et la protection du foncier.

Ce texte est un signe fort pour la préservation de la biodiversité, la préservation du foncier, donc la préservation de la carte postale qui fait de la France la première destination touristique au monde. C'est aussi l'un des enjeux du Grenelle de l'environnement. Tant au niveau national qu'au niveau régional et départemental, ce texte va sacraliser les trames vertes et bleues, et donner les moyens à la République de les définir. Ces trames, qui devront être élaborées d'ici à 2012, seront géographiquement situées sur certaines collectivités territoriales – communes, intercommunalités –…

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

… mais leurs effets, s'agissant de l'eau ou de la biodiversité, iront bien au-delà.

Cela mérite que nous engagions un débat national, au moment où d'autres textes adressent un signal fort, propre à favoriser la concentration des activités économiques et de l'habitat afin d'éviter le mitage et de préserver les zones agricoles.

Il faut ouvrir le débat et faire comprendre à tous que ces trames permettront de mettre en place une solidarité nationale en faveur des communes et des intercommunalités qui accepteront la sacralisation. C'est un grand combat qui est mené par l'Association nationale des élus de la montagne. Sur ce point particulier, on devrait pouvoir se rejoindre sur tous les bancs de cet hémicycle.

En ce sens, ce texte vise également à renforcer le code de l'urbanisme en tant qu'outil de développement et d'aménagement durable des territoires à travers la simplification, le renforcement de l'échelon intercommunal, les SCOT et le verdissement des outils de planification. La création des continuités écologiques et la lutte contre l'étalement urbain sont en jeu. Le droit de l'urbanisme devra également permettre de faciliter la mise en oeuvre des travaux d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments, d'accroître le développement des réseaux de transports collectifs, d'accélérer le calendrier de développement des éco-quartiers et d'encourager les programmes globaux d'urbanisme durable.

Le grand projet de ce texte est donc de proposer un nouveau modèle de développement, une nouvelle gouvernance économique, sociale et environnementale visant à rétablir l'équilibre entre aménagement et protection. Pour cela, nous devons créer et adapter les outils indispensables à cette mutation écologique. Cette mutation est plus que jamais nécessaire au vu des multiples constats qui ont précédé ce temps de l'action et qui sont, je crois, très largement partagés.

La prise de conscience doit rester vive et peser de tout son poids pour donner toute la profondeur que mérite le débat parlementaire que nous entamons aujourd'hui. Qui plus est, cette mutation – j'en suis persuadé – prendra toute sa part dans la relance économique de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, en écoutant ce qui a été dit – la remarque vaut aussi bien pour M. le ministre que pour les rapporteurs –, j'ai remarqué que, au lieu de parler strictement du Grenelle 2, vous vous étiez beaucoup exprimé sur le Grenelle en général.

Paradoxalement, vos plaidoyers en faveur d'un bilan qui considérerait le Grenelle dans sa totalité sont en même temps un aveu de faiblesse sur le Grenelle 2. En effet, il vaudra mieux retenir la première phase du Grenelle, celle que nous avons approuvée et votée, qui a initié tout ce que vous avez rappelé, plutôt que la seconde, celle de l'après-régionales, celle du Grenelle 2 et des renoncements politiques.

C'est pourtant ce Grenelle 2 que nous examinons aujourd'hui, qui est dit « portant engagement national pour l'environnement » et dans lequel sont censés se trouver les outils de mise en oeuvre du Grenelle. Toutefois le temps des débats a été limité à trente heures, c'est-à-dire deux fois moins de temps que n'en a eu le Sénat pour un texte qui était alors beaucoup plus réduit. Ce n'est plus une loi que l'on discute ; c'est une loi que l'on expédie !

Ce matin, en conférence des présidents, nous avons proposé de passer à cinquante heures de discussion en utilisant notre droit à un allongement exceptionnel du temps de discussion. Pour ceux qui ne le sauraient pas, un groupe peut bénéficier une fois par session d'un « allongement exceptionnel » sur un texte qui lui paraît extrêmement important. Nous avons donc proposé de passer de trente heures à cinquante heures. Malheureusement, et de façon surprenante, cela nous a été refusé.

Le président de l'Assemblée nous a expliqué qu'il ne fallait pas bousculer l'agenda des députés. Jamais encore la question de cet allongement exceptionnel ne s'était posée. Le président a donc établi une jurisprudence, mais elle aurait pu être tout à fait différente ; il aurait pu, compte tenu de notre demande, qui montrait l'importance que nous attachons au Grenelle 2, donner le temps du débat. A contrario, votre refus montre que, pour vous, le Grenelle, ça suffit !

D'ailleurs, si l'on ne peut pas augmenter le temps imparti, le Gouvernement pourrait de son côté ne pas faire jouer la procédure accélérée. Cela est toujours possible et nous aurions alors, comme pour le Grenelle 1, deux lectures, donc le temps de discuter.

En fait depuis les élections régionales, pour une bonne partie de votre majorité, et au plus haut niveau, « L'environnement, ça commence à bien faire ». Ce n'est pas une phrase banale et, après avoir abandonné la fiscalité écologique – ce qui crédibilise malheureusement cette déclaration –, on souhaite tourner la page du Grenelle. Cela est particulièrement inquiétant pour une loi de mise en oeuvre, censée donner des outils et dont l'application dépend essentiellement de nombreux décrets.

Compte tenu des récentes déclarations et décisions du Président de la République, ces décrets seront-ils pris ? On connaît beaucoup de lois qui n'ont pas été appliquées parce que les décrets n'ont jamais été pris. En l'espèce, on peut douter qu'ils le soient, car il n'y a plus de volonté politique. Or, sans volonté politique, pas de décrets, et sans décrets, pas de mise en oeuvre de la loi.

On comprend alors pourquoi vous ne souhaitez pas approfondir la discussion et pourquoi vous préférez passer rapidement sur ces thèmes, qui ne sont plus d'actualité dans votre majorité.

Dans l'immédiat, nous comprenons le malaise de ceux d'entre vous qui se sont sincèrement investis dans la démarche du Grenelle, que nous avons soutenue en votant le Grenelle 1. Toutefois nous devons constater, non seulement que le Grenelle 2 n'apporte pas les outils de mise en oeuvre du Grenelle, mais encore qu'il est même, sur certains points importants, en régression par rapport à ce que nous avons voté.

Monsieur le ministre, le Grenelle ne va pas plus loin, il recule ; il revient sur nombre de ruptures annoncées. Et, paradoxalement, au fil des négociations et des reculs, il sert d'alibi à des cadeaux fiscaux ciblés. Par exemple, la réforme de la taxe professionnelle a été présentée comme une compensation, pour les entreprises, de l'établissement de la taxe carbone. La taxe carbone a été supprimée, mais la réforme de la taxe professionnelle demeure ; elle fragilise particulièrement les collectivités territoriales. Autre exemple : la taxe à l'essieu a été baissée pour les poids lourds dès 2009, pour compenser l'écotaxe poids lourds applicable au 1er janvier 2011.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Non ! Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

En fait, la baisse de la taxe à l'essieu demeure, alors que l'écotaxe poids lourds est reportée à la fin de 2012.

Puisque l'on parle de fiscalité au sein de l'Union européenne, je rappelle que la baisse de la TVA pour les restaurateurs a été préférée à la mise en place d'une TVA réduite sur les produits verts, sur laquelle le Président s'était pourtant engagé à se battre ; je vous renvoie à ses déclarations. On a préféré faire plaisir aux restaurateurs plutôt que de s'occuper de l'environnement.

Vous comprendrez que toutes ces décisions confirment les reculs du Grenelle 2. C'est pourquoi, à la fin de l'examen en commission, nous n'avons pas voté ce texte qui n'est pas dans la continuité de nos engagements communs du Grenelle 1.

Au cours de ce débat, nous vous proposerons de nouveau des amendements permettant de garder l'esprit et même parfois la lettre du Grenelle.

Le chapitre sur l'urbanisme, par exemple, met en valeur à juste titre l'importance des SCOT, les schémas de cohérence territoriale, en décrivant ce qu'ils peuvent faire ou contenir. Voilà une bonne chose du point de vue de l'explication et même de la codification, mais, quand on y réfléchit, les SCOT pouvaient déjà faire tout cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

La loi codifie, mais il suffisait déjà qu'il y ait une volonté politique au niveau local. Cela n'apporte donc rien de nouveau. En revanche, l'extension de la définition des directives territoriales d'aménagement et de développement durable, les DTADD, combinée à l'imposition des projets d'intérêt général, ou PIG, permet désormais à l'État d'intervenir n'importe où et dans n'importe quel domaine.

Si le principe du PIG, permettant à l'État de défendre l'intérêt supérieur de la nation, n'est pas contestable, il ne doit cependant pas être le cheval de Troie d'une recentralisation rampante que l'on peut constater dans d'autres domaines, par exemple celui de la fiscalité. Les amendements que nous avons déposés pour restreindre le champ des DTADD et obliger à un dialogue avec les collectivités territoriales sont donc essentiels. Comment avez-vous pu refuser l'un de nos amendements qui tendait à ce que, en cas de désaccord des deux tiers des communes – ce qui correspond à la majorité qualifiée –, on passe outre à ces directives ? Si c'est cela la nouvelle gouvernance, on peut être inquiet !

Par ailleurs, pourquoi procéder par ordonnance en ce qui concerne les domaines fondamentaux que sont les procédures d'élaboration, de modification et de révision des documents d'urbanisme ? Excusez du peu ! Les maires apprécieront. Après la recentralisation, c'est l'affaiblissement du Parlement. Mes chers collègues, nous ne devons pas accepter cela.

En ce qui concerne le chapitre sur l'énergie, nous nous sommes engagés, dans le Grenelle 1 et au niveau européen, à atteindre en 2020 la proportion de 23 % d'énergies renouvelables dans notre consommation finale d'énergie. Le comité opérationnel concerné et la programmation pluriannuelle des investissements, ou PPI, ont indiqué que, pour tenir nos engagements, il fallait accélérer la mise en place de l'éolien terrestre.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Or tous les amendements proposés à la suite de la mission d'information commune sur l'énergie éolienne vont au contraire le freiner.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

C'est un recul majeur par rapport au Grenelle 1.

Pourtant, un sondage publié par l'ADEME en février 2010 montre, comme les années précédentes, que les deux tiers des Français sont favorables à l'éolien.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Il nous faut revenir à un encadrement raisonnable de l'éolien terrestre, nous permettant d'accélérer son développement pour tenir nos engagements, et non pas commencer à perdre la crédibilité que nous avions acquise en Europe avec le paquet climat-énergie. Quel exemple nous donnerions si la France était le premier pays à ne pas respecter l'objectif des « trois fois vingt » !

Toujours au chapitre de l'énergie, pourquoi ne retrouve-t-on aucune des propositions du rapport remis à Valérie Létard sur la lutte contre la précarité énergétique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Les amendements allant dans ce sens, je ne les ai vus que ce matin dans la liasse. Avant, il n'y en avait pas ! En particulier rien n'est proposé pour la mise en place du « bouclier énergétique ». Pourquoi avoir refusé tous nos amendements dans ce domaine ?

Autres reculs par rapport au Grenelle 1 : les transports et infrastructures. Notons d'abord que le schéma national des infrastructures de transport, prévu par le Grenelle 1 pour la fin de 2009, n'est toujours pas publié, ce qui permet de continuer comme avant, en reniant les objectifs fixés. Est-ce parce que les arbitrages sont trop délicats ? Est-ce parce que, selon le Grenelle 2 – et c'est là un point sur lequel il nous faudra être vigilants – il doit être compatible avec la trame verte et bleue ?

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

N'est-ce pas aussi parce que la question de leur financement reste entière, puisque – autre recul – la taxe poids lourds est repoussée au second semestre de 2012 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Relisez donc vos déclarations !

C'est votre majorité qui, je le rappelle, a privatisé les autoroutes, source de financement de l'AFIT, l'Agence française d'ingénierie touristique. Alors, assumez vos erreurs en prenant les mesures qui s'imposent !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Sinon, comment mettre en oeuvre ce que nous avons voté dans le Grenelle 1, c'est-à-dire le transfert, de la route vers le fer, du transport des marchandises et des personnes ? Sans ce financement, le transport modal amorcé dans le Grenelle I reste un voeu pieux.

Par ailleurs, nous sommes en 2010, année internationale de la biodiversité. La trame verte et bleue, que nous avons votée dans le Grenelle 1, est une réponse adaptée au réchauffement climatique pour permettre de préserver la biodiversité par la migration des espèces. Cependant, pour être efficace, cette nouvelle infrastructure doit être complète et s'imposer, comme c'est le cas pour la route ou le fer.

Il faut donc que les documents d'urbanisme, en particulier les SCOT et les PLU, soient compatibles avec les trames verte et bleue. La simple prise en compte est un recul majeur. En effet, le débat sur ces termes – « compatible » ou « pris en compte » – peut paraître un peu technique, mais la jurisprudence montre que, en matière d'urbanisme, « prendre en compte », c'est simplement dire en quelque sorte que l'on a étudié la question, mais que l'on n'a pas pu répondre à la demande » alors que « compatible » signifie qu'il faut préserver les fonctionnalités.

On le sait tellement bien que les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les SAGE, qui au départ devaient être « pris en compte », sont devenus « compatibles ». Donc, si l'on veut que les trames verte et bleue ne soient pas qu'un voeu pieux, il faut garantir l'opposabilité, c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas seulement être prises en compte par les SCOT et par les PLU : elles doivent être compatibles. Sinon, nous restons dans un Grenelle des effets d'annonce.

Autre recul : le Grenelle 1 affirme la priorité du développement de l'agriculture biologique, plus compatible avec la biodiversité, ce qui suppose une transformation des sols demandant plusieurs années, au moins trois ou quatre.

Lorsque les terres d'une exploitation où l'on a fait ce choix se libèrent, il est évident qu'elles doivent être attribuées en priorité à un agriculteur biologique. Or vous avez refusé notre amendement portant sur ce sujet. De plus, c'est une source d'incohérence financière, puisque, conformément au Grenelle 1, vous avez doublé le crédit d'impôt pour favoriser la conversion des exploitations agricoles à l'agriculture biologique. Toutefois, en cas de retour à un autre type d'agriculture, cet argent qui a permis d'adapter les sols à l'agriculture biologique est perdu.

Voilà à quoi mène le fait de prêter une oreille trop attentive à certaines expressions corporatistes,…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Oh, ça va !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…ce qui explique d'ailleurs aussi le recul sur les pesticides.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

De même, quelle crédibilité le label « haute qualité environnementale » pour les exploitations aura-t-il auprès des consommateurs si vous refusez de préciser que les OGM seront exclus de ces exploitations ? Si vous ne votez pas l'amendement que nous présentons sur ce point, je vous souhaite bien du plaisir pour faire passer votre label HQE !

En ce qui concerne les changements de mode de consommation, ils passent par une information du consommateur : la réécriture de l'article sur l'étiquetage environnemental des produits laisse perplexe,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…car elle évoque une durée minimum d'expérimentation, mais aucune date de mise en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

On ne saurait mieux formuler l'absence de volonté politique.

Commençons, comme prévu, par l'affichage du contenu carbone si nous voulons prendre en compte le réchauffement climatique et répondre à la demande d'information du consommateur qui veut aussi être citoyen.

Dans le Grenelle 1, nous avons également souhaité changer les modes de production. Or le chapitre concernant la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, ou RSE, reste au milieu du gué, donnant l'impression que vous ne croyez pas à cette mutation économique fondamentale et indispensable au développement durable, dont nous avons rappelé la définition dans le Grenelle 1.

Les mesures proposées devraient être les garantes de cette articulation de l'économique avec le social et l'environnemental. De plus en plus de nos concitoyens veulent donner un sens à leur épargne. Les fonds d'investissement, leviers de notre économie, doivent montrer aux épargnants dans quelle mesure les projets qu'ils soutiennent relèvent de l'investissement socialement responsable.

Pour cela, ils ont besoin de rapports fiables et complets des entreprises sur la RSE. Et si l'on veut que notre tissu de PME profite de cette épargne citoyenne qui va en augmentant, il faut les y préparer dès maintenant, en les accompagnant, bien sûr, c'est-à-dire en amorçant dès maintenant une mutation fondamentale de notre économie vers un développement durable.

À la lecture des rapports du comité opérationnel chargé de ces questions, on constate que « les représentants de la fédération bancaire française et de l'Association française de la gestion, de l'AFEP et du MEDEF, considèrent qu'il devrait s'agir avant tout de démarches volontaires en matière de promotion et de reporting de l'ISR – investissement socialement responsable – et que les démarches contractuelles sont préférables aux incitations législatives dans ce domaine ».

Faut-il rappeler que la loi relative aux nouvelles régulations économiques, dite loi NRE, date d'il y a bientôt dix ans et qu'elle n'est toujours pas correctement appliquée ? Quant aux organismes financiers, sont-ils les mieux placés pour faire la leçon aux politiques qui viennent de les sauver du désastre ?

Nous devons prendre nos responsabilités dans ce projet de loi et définir correctement le périmètre du reporting et sa fiabilité pour assurer la transparence sur les aspects sociaux et environnementaux. Les associations, dont nous avons reconnu le rôle avec le Grenelle 1, nous ont interpellé aujourd'hui – certaines dans la rue, d'autres par courrier – pour que le Grenelle 2 ne casse pas la dynamique du Grenelle.

Cela ne sera possible qu'à certaines conditions.

Il faut d'abord assurer un urbanisme durable, sans remettre en cause la décentralisation. Il convient ensuite de tenir nos engagements en termes d'énergies renouvelables, c'est-à-dire, en particulier, développer l'éolien terrestre. Par ailleurs la loi doit proposer des mesures concrètes pour lutter contre la précarité énergétique. Il est également indispensable de publier le plus vite possible le schéma national des infrastructures terrestres, d'assurer son financement et d'imposer aux documents d'urbanisme la compatibité de la trame verte et bleue.

Il faut aussi que la loi affirme la priorité accordée à une agriculture respectueuse de l'environnement et mettre en place rapidement l'affichage environnemental sur le carbone en fixant une date butoir pour l'expérimentation sur le reste des informations. Il est enfin nécessaire d'inscrire résolument la mutation de nos entreprises pour un développement durable en développant une responsabilité sociale des entreprises fiable.

Voilà quelques-uns des engagements issus du vote du Grenelle 1 auxquels nous ne voulons pas renoncer. Les amendements que nous vous proposerons permettent de redonner à cette loi Grenelle 2 sa fonction d'origine, celle d'une loi « portant engagement national pour l'environnement ». Aujourd'hui, avec le texte que vous nous proposez, cet engagement national n'est pas respecté. Vous pouvez encore y remédier en acceptant nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Madame la présidente, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, le Grenelle de l'environnement devait marquer un tournant de l'histoire et nous faire « entrer dans le monde d'après », comme l'explique la campagne de publicité gouvernementale. Le slogan est bon ; maintenant, place aux actes.

On ne peut avoir la fibre écolo durant les périodes de campagnes électorales et ensuite abandonner ces questions lorsque l'on réalise qu'au-delà de l'affichage, l'action concrète pèserait électoralement ou financièrement. C'est pourtant ce qui se passe aujourd'hui.

Les tables rondes du Grenelle de l'environnement ont démontré combien les préoccupations environnementales étaient présentes chez les Français, toutes sensibilités confondues. Elles ont permis de prendre des décisions importantes, certaines d'entre elles ayant été inscrites dans le Grenelle 1. Toutefois ce texte, qui devait être le symbole d'une rupture écologique, a mal vécu la confrontation avec la réalité libérale qui domine aujourd'hui notre société.

Les choix budgétaires opérés dans la loi de finances pour 2010 ne traduisent pas en actes, loin de là, les orientations du Grenelle. La contradiction est abyssale entre les décisions annoncées qui participent à l'affichage des ambitions française lors du sommet de Copenhague et les orientations mises en oeuvre.

Tel est notamment le cas pour le transport routier. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, censé être la boîte à outils de cette rupture, illustre bien cette situation : pas de volonté politique, donc pas de financement ; des mesures phares, comme la taxe poids lourds, sont abandonnées. Cette disposition, qui était pourtant un engagement clair de la négociation du Grenelle de l'environnement 2007 et dont la portée avait déjà été affaiblie par l'introduction de moult dérogations, est annoncée maintenant pour 2012, l'année de l'élection présidentielle ! Inutile de dire qu'il est peu probable qu'elle soit un jour mise en place : sept ans d'affichage pour un piètre résultat.

C'est dommage, particulièrement pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, dont la situation budgétaire, déjà très préoccupante, ne risque de ce fait pas de s'arranger avant 2013. Son peu d'activité a d'ailleurs amené la Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2009, à recommander sa suppression en la qualifiant d'agence « de financements aux ambitions limitées, privée de ses moyens, désormais inutile. »

Rien d'étonnant donc à ce que nous attendions toujours le schéma national des infrastructures de transport ! L'État n'a pas les moyens de ses ambitions ; plus exactement il ne se les donne pas. Il est vrai qu'entre les exonérations patronales diverses et autre bouclier fiscal, et le financement d'une politique ambitieuse en matière de développement durable, la droite a tranché. Ce sont donc les collectivités locales qui sont sollicitées, notamment les régions, qui consacrent pourtant déjà des moyens importants au développement du ferroviaire en général, à celui des TER en particulier.

Aujourd'hui, la SNCF leur annonce qu'elle va augmenter le forfait de charge facturé aux régions, lié à la masse salariale, à la suite des évolutions apportées par l'État au régime spécial de retraite du personnel cheminot et ce dès 2008. C'est un nouveau coup dur porté aux régions, pour lesquelles le transport est souvent devenu le premier poste budgétaire. Nous demanderons, par nos amendements, la mise en place d'un dispositif visant la compensation intégrale des charges supplémentaires qui seront supportées par les collectivités régionales dans ce cadre. Une politique ambitieuse de transports ne doit pas avoir pour objectif d'obliger les régions à pallier les carences de l'État, mais d'améliorer l'aménagement du territoire et le service aux usagers.

La SNCF insiste sur les déficits du wagon isolé pour justifier l'abandon de cette activité certes peu rentable d'un point de vue strictement économique, mais si nécessaire pour de nombreuses entreprises et essentielle pour la collectivité en termes de développement durable. On constate cependant qu'elle accentue le caractère déficitaire de la messagerie ferroviaire en majorant de 80 % l'utilisation des voies de service et de 98 % celle des triages par gravité.

Dans le même temps, elle justifie un énième plan fret en s'appuyant sur un bilan carbone réalisé dans des conditions qui laissent planer le doute quant à l'objectif réel de cette étude. Comment justifier les restructurations et abandons en cours en voyant dans le même temps les matériels inutilisés dans un certain nombre de chantiers ou gares, comme les locomotives garées actuellement dans la gare de Sotteville-lès-Rouen ? Comment accepter les milliers de suppressions d'emplois qui continuent de saigner l'entreprise publique alors qu'un grand nombre de nos territoires et l'économie de ceux-ci auraient besoin d'un nouveau développement ? Comment supporter les réorganisations permanentes de la SNCF et les échecs des plans successifs tous présentés comme devant permettre de sauver l'entreprise et qui n'ont fait, les uns après les autres, que l'enfoncer encore plus dans les difficultés ?

Les syndicats ont donné l'alerte à plusieurs reprises, mais la direction et le Gouvernement ne les ont pas écoutés. Nous l'avons encore vu récemment quand ils ont préféré stigmatiser les cheminots grévistes en les présentant comme des privilégiés dont le seul objectif est la préservation de leur statut.

Les cheminots ont le sens du service public, et ils se battent pour le préserver. Ils dénoncent depuis des années les effets pervers de la libéralisation et ses conséquences en terme de conditions de travail, c'est vrai, mais ils dénoncent aussi la dégradation du service offert aux usagers. Aujourd'hui, pour l'essentiel, les perturbations sur les lignes ferroviaires sont liées à la vétusté des infrastructures et non à une quelconque culture de la grève.

Il est à ce titre surprenant de constater que, dix-huit ans après l'adoption de la directive n° 91440CEE qui ouvrit la porte à la libéralisation et à la mise en concurrence en vue de favoriser le développement du secteur des transports à l'échelle européenne, aucun bilan de l'efficacité réelle de cette politique n'a jamais été tiré, surtout lorsque l'on sait que, à l'exception de quelques pays, la part du transport ferroviaire a décru pendant cette période.

Nous proposerons, tout comme nous l'avions fait lors de l'examen de la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, la réalisation d'un tel bilan. Notre collègue M. Paternotte, qui était le rapporteur de ce texte dit ARAF, avait repoussé notre proposition tout en ne s'y déclarant pas insensible.

Il n'était pas non plus hostile à celle, beaucoup plus contestable, visant à expérimenter l'ouverture à la concurrence des transports régionaux de voyageurs dans certaines régions volontaires. Ces thèmes de travail devaient être abordés dans le comité de suivi des questions ferroviaires créé au sein de la commission du développement durable. Un comité consacré à l'ouverture à la concurrence des TER a bien été créé, le comité Grignon, mais son rapport d'étape, rendu à la mi-avril, est resté secret. Le journal Les Échos d'aujourd'hui précise cependant que ce silence serait lié à la nature de ces propositions, qualifiées de « potentiellement explosives », tant elles affecteraient les cheminots. Sans doute pour préserver le calme, le report de leur publication à l'automne, après la réforme des retraites, serait donc décidé.

Nous présenterons un amendement visant à rejeter cette ouverture à la concurrence, car l'expérience montre que les industries de réseaux ne se prêtent pas à la libéralisation à la sauce européenne. Tel est le cas pour les transports, mais aussi pour l'énergie.

En 1945, la France prenait la décision politique de maîtriser tous les termes de sa politique énergétique. Cette maîtrise publique s'appuyant sur une entreprise publique intégrée allait permettre à notre pays de disposer de l'électricité la moins chère et la moins productrice de CO2 d'Europe, tout en développant des filières industrielles de haut niveau, riches en emplois qualifiés.

La libéralisation du secteur, la privatisation de GDF et l'ouverture du capital d'EDF ont bouleversé le paysage énergétique et offert de nouveaux terrains de profits – j'allais dire des terrains de jeu, mais ce sont des jeux dangereux – à des capitaux avides d'une rentabilité maximale et rapide.

L'objectif que nous nous proposons d'atteindre en 2020, avec 23 % d'énergies renouvelables, a suscité, dans ce contexte, l'afflux de nouveau entrants, candidats nombreux, filiales de grands groupes énergétiques ou entreprises nouvelles, attirés par un secteur en croissance assurée.

Il fallait rapidement occuper le terrain, repérer les territoires les plus intéressants, en particulier pour l'éolien, convaincre les élus et les propriétaires concernés, obtenir de leur part les engagements nécessaires. Les menaces pesant sur les ressources des collectivités locales, mais aussi sur la rentabilité des activités agricoles, ont fait le reste pour faciliter bon nombre de contrats. Pour permettre au marché de se développer, il fallait réduire la tutelle de l'État, faire oublier que la chaîne énergétique – production, aménagement du territoire, sécurité des installations, coût – est un élément essentiel d'une politique nationale de l'énergie, qu'elle touche à la sécurité même du pays et constitue une responsabilité régalienne au plein sens du terme.

Nous sommes tout à fait favorables à un mix énergétique dont la base serait l'énergie nucléaire. Celle-ci doit rester sous maîtrise publique totale, car c'est la condition de la confiance du public dans cette technologie dont les effets pourraient être ravageurs si les considérations financières devaient primer sur les impératifs de sécurité. De plus, il est absolument inconcevable de céder à vil prix des installations qui ont été financées par des fonds publics, donc par les contribuables.

Oui, nous soutenons le développement des énergies renouvelables, mais pas n'importe comment, pas à n'importe quel prix. Nous l'avons dit : nous disposons de l'énergie la moins productrice de gaz à effet de serre ; ce n'est pas dans ce secteur que les efforts seront très payants. Nous pouvons donc prendre le temps de la réflexion pour apporter une réponse pertinente à ces problèmes.

Nous pouvons développer les énergies renouvelables dans le cadre d'une maîtrise publique, de façon concertée, dans une démarche d'aménagement du territoire. Comment, par exemple, ne pas réagir devant le projet de champ d'éoliennes off-shore prévu au large du Tréport ? À quelques kilomètres du rivage seraient installées 141 éoliennes de 150 mètres de haut : ce projet, s'il se faisait, tuerait la pêche, activité économique qui fait vivre l'essentiel de cette région.

Nous ne pouvons pas admettre le laisser-faire libéral, le poids des lobbies, la passivité de l'État, qui nourrissent les inquiétudes devant la primauté des intérêts financiers. Le retard dans la publication de décrets attendus depuis plusieurs années – je pense par exemple à ceux visant la constitution de garanties pour le démantèlement des éoliennes – continue de renforcer cette crainte.

Et que penser du paradoxe qui verrait EDF acheter au prix fort la production électrique d'éoliennes appartenant à des entreprises filiales de groupes privés tout en cédant à ces mêmes groupes jusqu'à un tiers de la production des centrales nucléaires au-dessous du prix coûtant, dans le cadre de la future loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité dont nous discuterons bientôt ? Une réforme du financement s'impose, tout comme l'organisation d'un débat politique sur le tarif de rachat de l'électricité produite à partir des énergies renouvelables, dans l'éolien, mais aussi le photovoltaïque où, malgré une baisse du tarif de rachat à la suite d'une spéculation outrancière que nous avons dénoncée, notre pays demeure celui qui offre les tarifs les plus élevés au monde.

La question énergétique nécessite une réflexion à long terme, déconnectée des logiques immédiates et strictement financières.

J'ai d'ailleurs été interpellé par la lecture d'une note de veille publiée par le Centre d'analyse stratégique, dont vous avez certainement eu connaissance, demandant la mise en place d'une réelle politique européenne qui ne s'appuierait pas uniquement sur la concurrence comme elle l'a fait ces dernières années, mais qui intégrerait la dimension de la sécurité énergétique, notamment gazière. Une telle déclaration amène à réfléchir, surtout émanant d'un organisme placé auprès du Premier ministre et qui met en avant le risque que pourrait faire courir à la sécurité de fourniture d'électricité le recours accru au gaz.

Que voilà un discours qui tranche avec ce que l'on a entendu depuis quelques années. Il ne s'agit pas d'en tirer des conclusions trop rapides. J'ai d'ailleurs cru comprendre que les entreprises de production d'électricité s'élevaient avec véhémence contre cette tentative de « bolchevisation » du secteur de l'énergie. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Le fait est que le discours se modifie, du moins chez ceux qui ont rédigé cette note.

Le Grenelle de l'environnement était une étape nécessaire pour prendre le temps de réfléchir à notre façon de consommer le monde et ses ressources, puisque nous ne pouvons et ne devons pas poursuivre dans cette voie. Il a démontré que seule une volonté politique pourrait faire bouger les choses. Cependant le projet de loi que nous examinons à partir d'aujourd'hui passe à côté de l'enjeu. Faute à la crise peut-être, faute d'une réelle volonté politique certainement. Nous voterons donc contre ce texte tel qu'il est présenté, mais, compte tenu du temps qui sera laissé à l'examen des amendements, nous pensons qu'il a peu de chance d'évoluer suffisamment pour que nous changions d'avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le Grenelle vient de loin, de très loin. Il vient des premières voix qui se sont élevées fortement pour nous sensibiliser, il y a une quarantaine d'années, aux enjeux environnementaux alors que nous y étions hermétiques.

S'il ne fallait retenir qu'une seule image et un seul prophète, ce serait René Dumont terminant sa présentation télévisuelle lors de la campagne présidentielle de 1974 en buvant un verre d'eau pour nous alerter sur sa rareté future.

Reconnaissons-le, le mouvement écologiste a longtemps prêché dans le désert et il a fallu attendre les années 1990-2000 pour que l'opinion publique bouge enfin en profondeur. Sans doute ce mouvement a-t-il été rendu possible par le travail de fourmi des scientifiques qui ont objectivé des phénomènes de long terme aussi difficiles à appréhender à notre échelle humaine que le réchauffement climatique ou le recul de la biodiversité.

Le Grenelle est aussi l'enfant de tous ceux qui ont su l'expliquer avec pédagogie à l'opinion publique et je pense ici à des gens aussi différents qu'Al Gore avec son documentaire, La vérité qui dérange, Yann Artus Bertrand et son film Home, ou encore Nicolas Hulot et son manifeste. Rappelons-nous la campagne présidentielle de 2007 : Nicolas Hulot réussit le tour de force de faire signer son pacte écologique par les principaux candidats, Ségolène Royal, François Bayrou et, bien sûr, Nicolas Sarkozy.

L'honneur de cette majorité présidentielle, et le vôtre, monsieur le ministre d'État, est d'avoir tenu parole, sur la démarche comme sur le fond.

Sur la démarche d'abord, les centristes ont soutenu ce processus démocratique nouveau qui mettait au début du processus politique une conférence rassemblant l'ensemble des parties prenantes, notamment, pour la première fois, les associations écologiques. Cette démarche, entreprise dès l'été 2007, aboutissait à l'adoption consensuelle de 238 engagements.

Finalement, le seul test qui vaille pour juger si l'élan initial du Grenelle aura bien été respecté sera de comparer ces 238 engagements initiaux avec l'ensemble des engagements législatifs et réglementaires à la fin du travail parlementaire et gouvernemental. Or nous avons déjà la certitude que l'immense majorité de ces engagements seront tenus. C'est d'abord pour cela que, trois ans après, chez les centristes, l'enthousiasme demeure…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Ça se voit : vous êtes très nombreux ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…à la fois sur le caractère innovant de cette démarche démocratique et sur l'ampleur du changement qu'elle impulse.

Quant au Parlement, cela fait maintenant plus de deux ans qu'il travaille sur l'ensemble des textes que constituent le Grenelle 1 et le Grenelle 2.

Le Grenelle 1 s'est bien passé et bien terminé. Le Parlement a su se rassembler dans un vote exceptionnel d'unanimité qui vous a mis, monsieur le ministre d'État, en position de force pour débloquer les difficiles négociations européennes sur le paquet climat-énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

En revanche nous ne semblons pas disposer du même micro-climat favorable pour le Grenelle 2, encore que cela reste à voir, la magie du Grenelle pouvant encore opérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Est-ce la fatigue, après tout légitime, après soixante-dix heures de débats en commission et l'examen de plus de 1 625 amendements sur un texte qui comprend 187 articles, indiscutablement un des plus longs de la Ve République ? Elle a pu jouer un rôle et nous aurons bien besoin de souffle et de sérénité pour cette dernière ligne droite législative où il importe que chacun d'entre nous garde ses nerfs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le nombre de secteurs d'activité bousculés par le Grenelle est tout simplement impressionnant et il nous semble après tout compréhensible qu'au moment d'adopter le texte normatif du Grenelle, « ça coince » dans tel ou tel secteur.

Toutefois les difficultés sectorielles ne doivent pas occulter le débat central qu'ouvre cette démarche et qui débouchera forcément sur l'un des clivages idéologiques les plus vivaces de notre actualité, celui qui oppose les partisans d'une nouvelle croissance verte, dont nous sommes, aux partisans de la décroissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

C'est un débat légitime, un débat essentiel. Il ne faut pas l'escamoter. Oui ou non voulons-nous concilier progrès et croissance avec les exigences environnementales ? Ou avons-nous, consciemment ou non, déjà choisi la décroissance comme seule sortie à la crise écologique ?

Le Grenelle est clairement positionné dans le camp de ceux qui veulent faire émerger une nouvelle croissance verte. Chacune de nos familles politiques va devoir parler clair sur ce sujet. On ne pourra pas rester longtemps dans l'ambiguïté, par exemple soutenir le virage en faveur des TGV à Paris et s'y opposer sur le terrain, à Agen ou à Bordeaux.

Les centristes, eux, se considèrent comme des militants du Grenelle et ils s'opposeront fermement aux discours néo-malthusiens qui sont lourds de conséquences en matière de régression économique ou sociale.

Les tenants de la décroissance remettent en cause le bien-fondé de la croissance qui permet la création de richesses, d'emplois, l'amélioration du niveau de vie et de la santé, bref qui permet le progrès, notamment le progrès social. Autant le mouvement écologique – il faut lui en être reconnaissant – nous a, à juste titre, bousculés pour remettre en cause la nature de notre croissance, autant il serait suicidaire de renoncer à l'idée même de progrès et de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le concept de décroissance est fondé sur l'hypothèse que produire toujours plus implique mécaniquement de consommer toujours davantage d'énergie et de matières premières. Or cette corrélation est contestable, de grands économistes comme Schumpeter et Stiglitz l'ont montré. Le progrès technologique permettra de produire plus avec moins de facteur de production comme l'énergie et les matières premières.

De l'autre côté, la croissance verte transformera des secteurs traditionnels de notre économie comme de nouveaux secteurs tels que l'automobile, les bâtiments, les biotechnologies. La croissance verte, c'est aussi un gisement d'emplois considérable estimé à 600 000 dans notre pays sur dix ans. Plusieurs études évaluent à 450 milliards d'euros l'apport de la croissance verte à notre économie d'ici à 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Pour parler d'un territoire que je connais bien, le Lot-et-Garonne, je veux souligner que les deux dernières unités de production créées dans ce département ont été une unité de création de panneaux photovoltaïques et une unité de transformation du bois produit par la forêt landaise. Cet exemple montre bien que la création d'emplois industriels dans notre pays et la fin de la désindustrialisation passeront par la croissance verte.

Toutefois, au-delà de ce débat central entre croissance verte et décroissance, nous devons veiller à ce que, dans sa dernière ligne droite, le texte du Grenelle reste un texte fédérateur de l'ensemble des acteurs socio-économiques de la nation et ne devienne pas, à l'occasion de querelles justes peut-être mais secondaires, un texte de division.

Parmi ces querelles sectorielles, je ne me résous pas au divorce entre les promoteurs du Grenelle et le monde rural.

L'année 2009 a été une année noire pour le monde agricole : le revenu agricole moyen a reculé de 34 % en un an. Dans cette conjoncture, nos agriculteurs se battent dos au mur pour survivre dans une compétition internationale féroce. Il faut entendre leur revendication légitime qui s'exprime fortement et simplement : « Nous voulons nous battre à armes égales au niveau européen ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Cette revendication s'exprime notamment dans deux domaines : celui de la gestion de l'eau et celui des phytosanitaires.

L'eau, d'abord, est un facteur de production essentiel notamment dans tout le sud de la France. Il est bien beau de lutter contre le réchauffement climatique, nous disent nos paysans avec raison, mais il faudrait aussi tout simplement s'y adapter. À titre d'exemple, ma région, l'Aquitaine, est l'une des régions qui s'est réchauffée le plus vite – elle a pris 2° en soixante ans – et l'une de celles où la méditerranéisation du climat et de l'écosystème est la plus rapide. Alors, oui, comme le prévoit la loi sur l'eau, comme le réaffirme le Grenelle, il faudra avoir le courage de créer des réserves en eau supplémentaires : lacs collinaires, barrages sur nos rivières. C'est vital pour notre ruralité mais c'est aussi un point d'affrontement avec les écologistes intégristes qui ne veulent à aucun prix entendre parler de création de nouvelles ressources en eau.

En ce qui concerne les phytosanitaires, le Grenelle prévoit une diminution de 50 % de leur utilisation dans les dix ans à venir. Nous reconnaissons tous qu'il y a des progrès à faire dans ce domaine, mais, là encore, les agriculteurs pressentent que, dans un monde toujours plus ouvert, y compris aux maladies infectieuses et virales, la survie de leur activité passe par les phytosanitaires. Pour des raisons sanitaires et économiques, ils n'arrivent pas à croire à une agriculture saine et compétitive sans ces produits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ils ne comprennent pas pourquoi leurs concurrents espagnols et italiens ont le droit de se servir de certaines molécules, pourquoi les produits traités avec ces molécules sont libres d'entrer en France pour y être consommés et pourquoi eux, agriculteurs français, n'y ont pas droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Pour les députés du groupe Nouveau Centre, c'est impérativement au niveau européen que doit être mené ce travail d'homologation et nous saluons les avancées qui ont été permises par Christian Jacob et par la commission du développement durable.

Si nous réglons ces deux points de contentieux, je suis optimiste sur le fait que nous pourrons rapprocher le monde agricole et la démarche du Grenelle. En effet, au-delà des contentieux sur l'eau et les phytosanitaires, les agriculteurs pressentent bien à quel point la chance de l'agriculture française est celle de la relocalisation des productions et des marchés, notamment par le renchérissement des coûts de transports imposé par l'exigence de la diminution des émissions de gaz à effet de serre.

À ce titre, je tiens à saluer et à remercier Jean-Louis Borloo et son équipe d'avoir trouvé le chemin du compromis sur la question délicate des tarifs de rachat de l'énergie photovoltaïque. Le Nouveau Centre a participé à la discussion. Nous sommes parvenus à une bonne solution ! Ce qui a été fait dans le photovoltaïque peut sans doute l'être pour l'eau et les phytosanitaires.

Reste la question de l'éolien, lequel oppose aujourd'hui des passionnés du paysage aux écologistes responsables et raisonnés qui considèrent les énergies renouvelables comme une chance pour l'environnement et pour nos filières industrielles.

Là encore, nous ne nous résolvons pas à ce qu'aucun compromis équilibré ne puisse être trouvé entre partisans de l'énergie éolienne et passionnés du paysage français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je réfute l'idée selon laquelle un paysage est une donnée naturelle à laquelle on ne doit pas toucher. Cette idée, je la qualifie même de faute philosophique. J'en veux pour preuve la pensée du philosophe agenais Michel Serres, qui estime au contraire que le paysage est une construction de l'homme qui se renouvelle intrinsèquement et qu'il n'y a pas de paysage sans paysans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il faut rappeler sans cesse que les paysages tels que nous les observons aujourd'hui sont le fruit d'un façonnement humain permanent.

Dans le Lot-et-Garonne, nous restons fidèles à l'idée qu'un arbre se plante, se développe, vit et meurt et qu'alors on replante. La nature se nourrit aussi de la main de l'homme. Le paysage n'a jamais été immuable et figé. Il ne doit pas le devenir.

L'écologie en laquelle nous croyons n'est pas une écologie régressive. Par ailleurs ce n'est pas le choix opéré par la France. Nous sommes engagés au niveau européen par une parole selon laquelle nous devons atteindre l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables d'ici à 2020. La tenue de cette parole sera, elle aussi, à l'honneur de notre nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Au Nouveau Centre, nous pensons effectivement que la filière éolienne ne doit pas être la filière sacrifiée de cette dernière ligne droite législative ; pour cette raison, nous soutiendrons un certain nombre d'amendements de compromis entre les partisans de cette énergie renouvelable et les passionnés de nos paysages.

Enfin, je n'admets pas que l'on caricature le Grenelle comme une démarche dirigiste et contraignante pour les élus locaux français, notamment en matière d'urbanisme.

Dans ce domaine, j'ai été un des nombreux élus à dire que le transfert de la compétence d'urbanisme aux intercommunalités, notamment en communautarisant le plan local d'urbanisme, était un objectif pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

C'est vrai qu'il est possible de le faire ; je l'ai fait à Agen, mais le chemin choisi – à savoir l'imposer par la loi – nous semble être une impasse, au moins aujourd'hui.

Nous examinerons dans un esprit d'ouverture les dernières propositions de notre rapporteur Michel Piron, mais, dans ce domaine, il nous semble que le choix de la raison serait de placer ce débat à l'intérieur des travaux relatifs à la réforme territoriale et de choisir la voie de la patience et de l'incitation.

Bref, sur chacun de ces points durs le Nouveau Centre proposera des sorties positives qui respectent les fondamentaux du Grenelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vous connaissez des sorties négatives, vous ? (Rires sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Toutefois l'arbre des points durs restants ne doit pas cacher la forêt prometteuse du Grenelle. Au bout du compte, l'enthousiasme demeure fort, déterminé.

Pour les députés du Nouveau Centre, ce texte est clairement un texte majeur de cette législature ; il y a chez nous une vraie fierté à le soutenir et je suis sûr que dans quelques années, nous serons fiers de dire : « J'y étais ». (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Voisin

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui a été pour moi l'occasion d'établir un rapport dans le cadre de la commission des affaires européennes, sur le fondement de l'article 151-1-1 de notre règlement qui permet à la commission des affaires européennes, à son initiative ou à la demande d'une commission permanente ou spéciale saisie au fond d'un projet ou d'une proposition de loi portant sur un domaine couvert par l'activité de l'Union européenne, de formuler des observations sur toute disposition de ce projet ou de cette proposition.

J'ai donc présenté dans ce cadre une analyse de l'articulation des objectifs avancés par le projet de loi sur le renforcement de la protection de l'environnement, avec la politique de l'Union européenne dans ce domaine, ce qui me console de n'avoir que cinq minutes dans la discussion générale où, de toute façon, tout sera dit et redit.

Les objectifs de l'Union européenne en matière d'environnement ont été rappelés par le Conseil européen du 11 décembre 2009, qui réaffirme la pertinence de la stratégie de développement durable adoptée par le Conseil européen, en juin 2006. Cela concerne toutes les politiques de l'Union européenne et a pour but de répondre aux besoins du présent sans obérer la capacité des générations futures.

La stratégie de développement durable qui traite de manière intégrée les aspects économique, environnemental et social, vise à relever les sept grands défis suivants : le changement climatique et l'énergie propre ; le transport durable ; la consommation et la production durables ; la conservation et la gestion des ressources naturelles ; la santé publique ; l'inclusion sociale, les questions démographiques et migratoires ; la pauvreté dans le monde.

En précisant les objectifs poursuivis par l'Union européenne lors de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, le conseil indiquait, en particulier, que l'Union européenne : « est à l'avant-garde des efforts qui sont déployés pour lutter contre le changement climatique. Dans le cadre d'un accord planétaire et global pour l'après 2012, l'Union européenne réitère son offre conditionnelle de porter la réduction à 30 % en 2020 par rapport aux niveaux atteints en 1990, pour autant que d'autres pays développés prennent l'engagement de parvenir à des réductions comparables de leurs émissions et que les pays en développement contribuent à l'effort de façon appropriée, en fonction de leurs responsabilités et de leurs capacités respectives. »

« L'accord de Copenhague devrait comprendre des dispositions prévoyant que l'on agisse immédiatement, dès 2010 ».

Les objectifs affirmés dans l'exposé des motifs du projet de loi portant engagement national pour l'environnement s'intègrent parfaitement aux perspectives tracées par le conseil européen, pour lequel le développement durable demeure un objectif fondamental de l'Union européenne.

Le Gouvernement, et je m'en félicite, a devancé l'Union européenne avec ce projet de loi car il est conscient que des mesures urgentes s'imposent pour infléchir un certain nombre de tendances incompatibles avec le développement durable. Des efforts supplémentaires importants doivent être consentis pour lutter contre le changement climatique et s'y adapter, pour réduire la consommation élevée d'énergie dans le secteur des transports, ainsi que pour enrayer la perte de la biodiversité et de ressources naturelles que l'on connaît aujourd'hui. Le passage à une économie sûre et viable, à faibles émissions de CO2 et à faible consommation d'intrants devra faire l'objet d'une attention accrue à l'avenir.

Le projet de loi Grenelle 2, qui constitue la déclinaison technique et territoriale du Grenelle 1, avec ses 268 engagements et ses 800 actions, présente un ensemble apparemment disparate mais cohérent, anticipant souvent sur la législation européenne à venir, par exemple en matière de péage routier.

Avec ce projet de loi, la France ne se contente pas de transcrire des directives, parfois avec un certain retard, ce qui lui a été souvent reproché dans le passé ; elle devient un État pionnier de la lutte contre le réchauffement climatique, comme de la protection de l'environnement en général.

Néanmoins, cette exemplarité ne doit pas obérer la compétitivité de nos entreprises, ni trop alourdir les dépenses des ménages. Pour cela, une politique européenne d'envergure est nécessaire et constitue le cadre dans lequel doit agir le législateur national.

Aujourd'hui, le droit communautaire de l'environnement forme un vaste ensemble d'environ deux cents actes, et l'on estime que 80 % du droit français de l'environnement dérive de la législation communautaire. L'action de l'Union européenne est définie dans des programmes d'actions et des stratégies thématiques, et inclut des soutiens financiers par le biais des fonds structurels et du programme LIFE.

Nous devons nous féliciter de la présentation par le Gouvernement de ce projet de loi qui permettra sans aucun doute d'aider à transformer la perception de notre pays par les autorités européennes et les pays partenaires. Nous ne donnerons plus l'idée d'un pays qui avance à reculons dans la transposition des directives mais, au contraire, nous aurons l'image d'un pays qui a anticipé les évolutions que chacun sait nécessaires.

M. Cochet a évoqué assez durement les voitures électriques ou hybrides. Nier cette révolution est à mon avis coupable. Pour ma part, je travaille à la rédaction d'un rapport pour la commission des affaires européennes. Il y aura d'énormes surprises, tant il est vrai que les grands constructeurs européens et mondiaux sont prêts aujourd'hui pour parvenir à près de 20 % de voitures propres d'ici à 2020. En termes d'indépendance plus large vis-à-vis des pays producteurs de pétrole, ce n'est pas neutre du tout.

Tenez bon, mesdames et messieurs les ministres. Vous nous conduisez dans une matière difficile vers un meilleur avenir de l'homme. Ce n'est pas si souvent que la droite républicaine passe pour humaniste aux yeux de certains. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Madame la présidente, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le ministre d'État, puisque vous êtes extrêmement attentifs ce soir, je vous propose de baisser l'écran et de projeter le film du Grenelle, Entrons dans le monde d'après, titre emprunté au clip du Gouvernement diffusé sur toutes les chaînes de télévision, ou presque, clip que j'ai découvert cette nuit d'ailleurs, car je ne le connaissais pas. Belle réalisation.

C'était au temps où Grenelle rêvait,

Au temps du cinéma muet,

C'était au temps où Grenelle chantait,

C'était au temps où Grenelle j'y croyais !

Place de Broukère on voyait des vitrines

Avec des hommes, des femmes en crinoline

Place de Broukère on voyait l'omnibus

Avec des femmes, des messieurs en gibus.

Et parmi ceux-là, il y en avait un qui se faisait plus particulièrement remarquer, ce devait être un président : « Ma première pensée va à tous ceux qui ont oeuvré à la réussite de ce Grenelle de l'environnement, qui restera comme un moment important dans la prise de conscience par notre société qu'elle ne peut plus vivre dans le gaspillage, qu'elle ne peut plus négliger les conséquences sur l'avenir de la planète de sa façon de vivre, de produire et de consommer. » Chacun aura reconnu Nicolas Sarkozy, lors des conclusions du Grenelle de l'environnement, le 25 octobre 2007.

C'était au temps où Grenelle rêvait,

Au temps du cinéma muet,

C'était au temps où Grenelle chantait,

C'était au temps où Grenelle j'y croyais !

« Et sur l'impériale

Le coeur dans les étoiles

Y avait mon grand-père

Y avait ma grand-mère

Il était militaire

Elle était fonctionnaire » – c'était avant la RGPP ! –(Rires)

« Il pensait pas, elle pensait rien (Rires)

Et on voudrait qu'je sois malin. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

J'en conviens, et nous sommes deux à être confrontés à cette difficulté, cher collègue.

En fait, c'était au temps de la rupture, où la droite – ils ne sont pas nombreux ce soir, mais quelques-uns quand même aux bancs du Gouvernement – voulait faire main basse sur l'écologie.

« Sur les pavés de la place Sainte-Catherine

Dansaient les hommes les femmes en crinoline

Sur les pavés dansaient les omnibus »

D'ailleurs, nous avons été nombreux à prendre le même omnibus : on a presque tous voté le Grenelle 1, dont les avancées ont été aussi dues aux parlementaires de l'opposition, en particulier du groupe socialiste, au sein duquel j'ai assumé toute ma part comme l'ensemble de mes collègues qui sont ici, et quelques autres, grâce d'ailleurs à l'écoute du Gouvernement à l'époque.

Rappelons ces avancées : reconnaissance de l'urgence écologique ; insertion du troisième pilier du développement durable, le progrès social, dans les objectifs des politiques publiques – très important – ; réaffirmation de l'impératif de sobriété énergétique avec la pose de compteurs intelligents pour les particuliers et l'effacement de la pointe de consommation d'énergie si néfaste dans la lutte contre l'effet de serre ; consécration de l'objectif de lutte contre la précarité énergétique – on attend maintenant les détails – ; compensation obligatoire des atteintes à la biodiversité au-delà des espaces protégés ; institution de la taxe poids lourds pour financer les transports alternatifs – je parle du Grenelle 1 – ; reconnaissance de l'apport incomparable de l'outre-mer à la richesse naturelle de notre pays – cher Serge Letchimy – ; affirmation du principe de séparation du financement et de l'exécution des mesures des ondes électromagnétiques, seul moyen de crédibiliser et de faire accepter ces mesures par la population, et améliorer autant que faire se peut la transparence des relations entre les différentes parties prenantes sur le terrain des ondes téléphoniques. Autre avancée : le soutien de la France à la création d'un observatoire de l'Arctique.

« Et sur l'impériale,

Le coeur dans les étoiles,

Y avait mon grand-père – non, rien à voir avec l'ambassadeur chargé de la protection de l'Arctique ! –

Y avait ma grand-mère,

Il avait su y faire,

Elle l'avait laissé faire,

Ils l'avaient donc fait tous les deux,

Et on voudrait qu'je sois sérieux », ce qui est quand même difficile.

C'était au temps où Grenelle rêvait,

Au temps du cinéma muet,

C'était au temps où Grenelle chantait,

C'était au temps où Grenelle j'y croyais !

Il faut dire que l'échéance importante de Copenhague à la fin de l'année 2009 rendait hautement souhaitable l'accord de tous sur les grands principes.

Il est vrai que Copenhague a déçu, mais il est vrai aussi que Copenhague a eu le mérite d'exister. Gardons-nous de dénoncer les égoïsmes des autres, alors que dans notre parole collective, ici, dans ce pays, nous ne sommes plus capables de tenir nos engagements fondamentaux issus d'un diagnostic pourtant partagé.

« Et sur l'impériale

Le coeur dans les étoiles

Y avait mon grand-père

Y avait ma grand-mère

Il attendait la guerre

Elle attendait mon père

Ils étaient gais comme le canal

Et on voudrait qu'j'aie le moral. » (M. Philippe Martin interrompt l'orateur. – Rires.).

Il y a toujours quelqu'un de plus talentueux que soi dans cet hémicycle, je n'en attendais pas moins de la part de Philippe Martin.

C'était donc au temps où Grenelle rêvait moins. En effet, et nous y sommes, on assiste à un changement de cap. Ce n'est pas la faute à la crise, ni à mon grand-père, ni à ma grand-mère, ni aux hommes et femmes en crinoline ; c'est la faute d'autre choix politiques de cette majorité qui, de l'esprit de gouvernance du Grenelle, n'a tiré qu'un enseignement : réduire les droits du Parlement. Là, ça se gâte un peu.

Souvenez-vous de la réforme constitutionnelle de l'été 2008, que nous, socialistes, avons combattue fermement ; cette réforme censée revaloriser le rôle du Parlement dont nous mesurons les pleins effets aujourd'hui, avec le mépris croissant pour le travail parlementaire – mais vous n'y êtes pour rien, madame la présidente, et vous en savez d'ailleurs quelque chose – : vote bloqué, temps guillotine, amendements votés à de très larges majorités puis nettoyés par le Gouvernement en fin de discussion, sans égard pour le débat en amont ! Je fais, ici, allusion au texte sur la consommation récemment débattu dans cette enceinte.

Le texte Grenelle 2 – c'est tout de même un comble – va à lui tout seul apporter la démonstration de l'absurdité de cette réforme qui applique le même temps de débat à un texte quel que soit son nombre d'articles et qui nous amènera, en la circonstance, à disposer de moins d'une minute par amendement ou article pour tous les groupes et pour l'ensemble des débats.

Je tiens à préciser, à la demande de Frédérique Massat et de l'ensemble de nos collègues, que nous ne serons, en conséquence, que deux députés socialistes à intervenir dans la discussion générale : Philippe Tourtelier et moi-même, Jean-Paul Chanteguet ayant fait un rappel au règlement en début de débat. C'est pour que l'ensemble de nos collègues qui feront vivre le débat jusqu'au bout, article par article, amendement par amendement, disposent du maximum de temps que nous avons choisi cette stratégie.

M. le ministre ou les présidents de commission nous répondrons, certes, que nous avons eu le débat en commission, sauf que cette même réforme constitutionnelle, à laquelle je viens de faire allusion, nous fait débattre dans l'hémicycle du nouveau texte issu de la commission et non du texte débattu en commission. Il s'agit donc bien d'une discussion totalement tronquée, bâclée, avec un seul objectif, semble-t-il – et j'assume mon procès d'intention – : le sacrifice du Grenelle. C'est un peu comme si c'était pour la majorité UMP un mauvais moment à passer qu'il fallait écourter.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous voilà donc arrivés au temps du Grenelle muet, chers collègues ! Le titre du prochain clip gouvernemental ne sera plus : Rentrons dans le monde d'après, mais : Retournons dans le monde d'avant ! Je remercie d'ailleurs mon collègue Philippe Plisson de s'être approprié ma formule. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

C'est désormais une machine infernale à remonter le temps qui s'engage aujourd'hui pour faire machine arrière au plus vite face aux engagements du Grenelle 1.

Nous étions prévenus, avec le premier coup de canif sévère avant l'heure du Grenelle, celui de la transposition de la loi sur les OGM votée aux forceps en juin 2008. J'avais d'ailleurs défendu, à l'occasion, une motion référendaire, tellement le groupe socialiste considérait qu'il fallait faire trancher le peuple sur une question de mutation sans retour. Cette loi a, en effet, consacré l'irréversibilité, puisqu'elle a instauré la possibilité de cultiver des OGM à proximité de parcelles sans OGM ou d'agriculture biologique ou d'agriculture d'appellation d'origine contrôlée. Elle a imposé le principe de coexistence entre cultures OGM et sans OGM, donc le principe de dissémination – d'autres ont parlé de contamination – non contrôlé parce que non contrôlable.

J'ai vécu ce double reniement avec douleur pendant les débats en commission sur le Grenelle 2 – Philippe Tourtelier y a déjà fait allusion – lorsque j'ai proposé, avec mes camarades du groupe socialiste, qu'une exploitation d'agriculture biologique, certifiée souvent après de longs efforts, ne puisse être transmise qu'à un exploitant de l'agriculture biologique. La majorité a refusé cet amendement pour laisser à nouveau la place aux produits phytosanitaires et aux intrants, sacrifiant ainsi des années d'efforts. C'est pour moi l'exemple malheureusement non caricatural, mais réel, de la formule « retournons dans le monde d'avant ».

Puisque j'en suis à évoquer les blessures – et chacun connaît ici mon engagement pour la forêt et les métiers du bois – quelle n'a pas été ma déception de voir le Gouvernement, début 2009, demander aux eurodéputés français de droite de voter contre le principe de traçabilité des produits bois visant à lutter contre le commerce de bois exploité illégalement à travers le monde.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ce qui m'a laissé pantois, c'est de constater, quelques mois après, que la France se glorifiait d'être à la pointe de la lutte contre la déforestation, un « vrai fléau à combattre » selon vos propos, monsieur le ministre d'État, car responsable de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cela se passait à Paris, début mars 2010, lors de la conférence interministérielle internationale sur le rôle des grands bassins forestiers dans la lutte contre le changement climatique, présentée comme lot de consolation, en quelque sorte, après l'échec de la conférence de Copenhague. S'agit-il d'une contradiction, d'un paradoxe, ou d'une évolution, ce dont je veux bien vous faire grâce ? Je n'ai en tout cas, pour ma part, pas digéré ce qui s'est passé au Parlement européen, s'agissant de la traçabilité des produits issus de la déforestation. Je laisse chacun juge.

En continuant à égrener ce chapelet des déceptions amères et en évoquant toujours une question liée à la forêt et au transport de grumes issus d'une forêt qui, elle, ne souffre pas de déforestation, je veux pointer une question qui reste d'actualité : celle de l'abandon de l'activité de wagons isolés, ce qui mettra entre un et deux millions de camions de plus sur les routes chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Cela provoquera aussi la fermeture des gares de proximité et la mise à mal de l'aménagement du territoire. Les objectifs du Grenelle de l'environnement prévoyaient, pourtant, de porter à 25 % d'ici à 2012 la part de marché du fret non routier, contre 15 % aujourd'hui.

Ces quelques exemples de renoncement, sans évoquer la fiscalité écologique – certains l'ont fait avant moi et d'autres le feront après –, ne constituent qu'un intermède avant le nouvel épisode de votre remake de Retour vers le futur de Robert Zemeckis, que j'appelais tout à l'heure Retour vers le monde d'avant.

Parce que j'ai, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, de l'estime pour vous, je commence à me demander sérieusement ce que vous faites encore dans cette galère ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Comment pouvez-vous supporter que les énergies renouvelables figurant parmi celles qui ont le plus fort potentiel soient définitivement sacrifiées ? Je pense, bien évidemment, aux éoliennes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Si, Serge Poignant ! Il faut assumer !

Comment pouvez-vous accepter le retour en force des pesticides et des produits phytosanitaires qui retrouvent les champs d'épandage au service d'une agriculture totalement dépendante et asservie ? Ce sont les socialistes qui ont permis, en commission des affaires économiques, de rejeter un certain nombre d'amendements qui allaient dans le mauvais sens, mais qui ont été malheureusement, adoptés par la suite.

Comment pouvez-vous ne pas taper du point sur la table pour qu'enfin l'étiquetage des produits que nous consommons ne se contente pas de proposer un code barre pour en exprimer le prix, sans donner d'indication sur leurs vertus à l'égard du développement durable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Comment pouvez-vous vous contenter de n'être que des « petits princes » de la biodiversité puisque, pour la trame bleue et la trame verte, votre texte se contente de nous dire « dessine-moi un mouton » sans que ces dessins ne puissent être imposés sur le terrain et survivre face aux convoitises des autres usages portés par les documents d'urbanisme ?

C'était au temps où Grenelle rêvait.

C'était au temps où Grenelle écrivait : Entrons dans le monde d'après, entrons dans le monde d'après... les élections régionales !

La bascule est encore plus forte qu'au Salon de l'agriculture, quand le Président de la République déclarait : « L'environnement, ça commence à bien faire ! » C'est, en effet, le retour aux sources, le naturel d'une bonne partie de l'UMP – pas de tous ses membres, c'est vrai – qui revient au galop ; c'est une avalanche de mauvaises nouvelles : mission éolienne, mission pesticides, contribution climat abandonnée, taxe poids lourds reportée... Nous sommes aujourd'hui tous au pied du mur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Loin de moi l'idée de passer pour un donneur de leçons : mutations culturelles, changements de comportements collectifs et individuels ne sont pas faciles à mettre en oeuvre. Chacun doit y prendre sa part et tourner avec application et volontarisme les pages de son Agenda 21. Loin de moi l'idée de vouloir faire de la surenchère, disant que vous auriez pu faire plus. Votre réponse serait simple, à savoir : « Que ne l'avez-vous pas fait en d'autres temps ? ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Dont acte !

Ce qui est, en la circonstance, insupportable et inacceptable, c'est de trahir les engagements pris par une assemblée quasiment unanime, et de trahir la démarche collective portée par tous les acteurs du Grenelle. Ce sont les renoncements que je viens de citer qui ne passent pas, qui nous empêchent, à l'entrée de ce débat, d'avoir l'espoir que votre majorité retrouve honnêtement l'éthique du Grenelle.

Peut-être, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, que c'était au temps du Grenelle rêvé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur deux ajouts législatifs majeurs que vous avez introduits dans le Grenelle 2 et qui touchent très directement ma circonscription puisque celle-ci accueille les deux tiers du Marais poitevin et qu'elle a été l'une des plus touchées par la tempête Xynthia.

Je veux d'abord saluer l'initiative du Gouvernement de créer un établissement public de l'État dont la vocation spécifique sera d'assurer la gestion de l'eau et de la biodiversité dans le Marais poitevin. Cette création d'une structure nouvelle et fédératrice correspond à un besoin réel que ressentent depuis longtemps et profondément les acteurs du terrain. Le Marais poitevin mérite de disposer d'une instance permanente spécifique de coordination et de synthèse pilotée par l'État.

En créant cet établissement public dédié, l'État entend, d'abord – c'est du moins ainsi que nous le percevons – rationaliser l'exercice de toutes ses compétences, aujourd'hui éclatées, sur l'ensemble du territoire du Marais poitevin, territoire complexe qui touche trois départements, deux régions, quatre-vingt-quinze communes et un grand nombre de syndicats mixtes et de syndicats de marais.

Le système actuel, celui du préfet coordonnateur, a montré ses limites. Il se traduit, en fait, par une gouvernance à éclipses. Il suffît de constater, par exemple, que le comité de pilotage du plan d'action pour le Marais poitevin n'a pas été réuni une seule fois entre 2006 et 2009, que le comité de pilotage Natura 2000 n'a, lui, jamais été réuni entre 2005 et 2009, que le comité technique de l'étude « Territoires stratégiques » ne s'est pas réuni depuis 2004.

Il est indéniable que le Marais poitevin a besoin de voir l'État assumer ses compétences avec davantage de permanence et de continuité. L'établissement public d'État doit fournir l'instrument adéquat au service de cette ambition. Il le fera d'autant mieux qu'il sera le seul organe à couvrir l'ensemble du Marais poitevin, à s'inscrire dans une logique hydrographique globale de bassin versant, un bassin versant considérable couvrant plus de 630 000 hectares, réunissant en particulier le bassin versant de la Sèvre et celui du Lay, dont le point d'intersection se trouve situé à Luçon. Parmi les compétences de l'établissement public mises en évidence par la loi, je relève l'importance particulière dévolue à la réalisation des ouvrages nécessaires pour la mobilisation de ressources de substitution. Ce point me paraît particulièrement important. Il est essentiel, en effet, de mettre ces réserves à l'abri du malthusianisme en les inscrivant dans la loi comme un instrument capital pour contribuer à une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.

Certes, le rapport de Pierre Roussel de 2001 et le protocole d'accord pour la mise en oeuvre du plan d'action pour le Marais poitevin qui en est issu, signé en 2003, prévoyaient l'un et l'autre la création de nouvelles ressources de substitution. Cependant rien ne vaut, évidemment, en termes de sécurité juridique, la consécration de ces ouvrages par la loi. Grâce à cette disposition, les maîtres d'ouvrage sauront que l'État est à leurs côtés pour faciliter leurs projets. Elle va, en particulier, leur permettre d'achever le programme pilote du bassin des Autises et de pouvoir planifier dans la sérénité les programmes à venir concernant les bassins de la Vendée et du Lay.

Le programme des dix réserves de substitution du bassin des Autises, qui s'articule autour d'une gestion collective, vise à stocker en période hivernale 3,2 millions de mètres cubes, ce qui représente à peine 2 % des apports pluviométriques sur la zone, mais permettra de substituer 50 % des prélèvements estivaux et de relever de manière très significative la cote de gestion de nappe. On a déjà pu observer en 2009, avec l'utilisation pour la première fois de sept réserves de substitution en fonctionnement, une limitation considérable du rabattement de la nappe. Une fois réalisés, les projets de création des volumes de substitution des bassins de la Vendée et du Lay, auxquels le texte du Grenelle ouvre la voie, c'est l'équilibre hydraulique avec les eaux du Marais, pour l'ensemble de la nappe qui le borde au nord, qui pourra être atteint, tout en préservant la viabilité économique de l'agriculture sud vendéenne.

Si les responsabilités confiées au nouvel établissement public en matière de ressources de substitution me paraissent extrêmement pertinentes, en revanche, la volonté d'exclure la prévention des risques d'inondation de son champ de compétences me paraît constituer une anomalie. Il s'agit en effet à la fois d'un enjeu essentiel de sécurité publique et d'un volet très important de la politique de gestion de l'eau. L'article L. 211-1 du code de l'environnement ne précise-t-il pas, en effet, que la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau vise, notamment, à assurer la prévention des inondations ? Et ce volet inondation revêt une importance particulière dans le cas du Marais poitevin. En tout état de cause, l'établissement public sera appelé à coordonner les SAGE qui comportent d'importantes dispositions en matière d'étude et de prévention des crues.

Il y a donc là un problème de cohérence, qui appellera sans doute, le moment venu, des évolutions. On peut même considérer que, dans un souci de cohérence globale, l'établissement public d'État a vocation à se voir confier la gouvernance des digues de défense contre la submersion marine de l'ensemble du Marais poitevin et à coordonner l'action des quatre grands maîtres d'ouvrage dans ce domaine : l'institution interdépartementale, le syndicat mixte Vendée Sèvre Autise, l'association syndicale de la vallée du Lay et le syndicat mixte du Nord Aunis.

Je peux comprendre le souci immédiat du Gouvernement d'éviter des interférences trop fortes entre un jeune établissement public naissant que l'on porte avec espoir sur les fonts baptismaux et la gestion complexe du dossier Xynthia, mais il faut laisser la porte ouverte à des évolutions qui permettraient de doter l'établissement public de compétences en matière de coordination de la prévention des risques d'inondation fluviale et marine dans le Marais poitevin.

En tout cas, la création de l'établissement public traduit une volonté forte de l'État d'assumer désormais pleinement ses compétences et ses responsabilités sur le territoire du Marais poitevin et, pour le faire, il se dote d'un instrument ad hoc. Ce retour de l'État, nous le saluons et nous nous en félicitons.

La question qui se pose ensuite est celle de savoir si, en plus d'être l'instrument d'une rationalisation de l'exercice des compétences de l'État, l'établissement public peut devenir le lieu de concertation privilégié et permanent entre l'État, les collectivités et les acteurs de terrain, en premier lieu les syndicats de marais et les agriculteurs. Le Marais poitevin en ressent le besoin, notamment après que le parc interrégional a fait la démonstration qu'il était incapable de jouer ce rôle, qu'il n'a d'ailleurs pas vocation à tenir, en tentant d'imposer de manière autoritaire un projet de charte boulimique qui a divisé le territoire au lieu de le fédérer.

À cet égard, beaucoup va dépendre du mode de gouvernance qu'adoptera le futur établissement public. Il pourra en effet intervenir, dans les nombreux domaines de compétence qui lui sont dévolus, en cherchant à se substituer aux acteurs locaux. Dans ce cas, au lieu d'apporter une valeur ajoutée aux actions menées actuellement par les collectivités, il contribuerait à brider les initiatives et à transformer cette zone fragile en espace administré.

Si, en revanche, l'établissement public souhaite que le territoire puisse continuer à bénéficier de l'engagement fort des collectivités, de la réactivité et de la souplesse des instruments qu'elles ont élaborés, des gisements de compétence qu'elles ont constitués, il pourra choisir de mettre en place un partenariat organisé avec les collectivités et les groupements concernés. Il pourra considérer de bonne pratique de passer, pour l'exercice de certaines de ses missions, des conventions de délégation avec les collectivités, leurs groupements et les organismes compétents en matière de gestion de l'eau et de préservation de la biodiversité.

De telles conventions pourraient organiser sur certains sujets un régime de cogestion comparable à celui qui permet aujourd'hui à l'État d'assurer, avec la participation des départements de Vendée, de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, réunis dans l'institution interdépartementale du bassin de la Sèvre niortaise, le fonctionnement du milieu récepteur des eaux du bassin versant de la Sèvre niortaise appelé « marais mouillé ».

C'est cette coresponsabilité, à laquelle s'ajoutent les actions de l'institution sur un réseau interdépartemental de cours d'eau et de canaux de 255 kilomètres, qui a permis, depuis près de vingt ans, de restaurer et de moderniser, jusqu'à l'installation d'un système de surveillance par télégestion, ce maillage essentiel pour le fonctionnement de cette zone et de ses exutoires.

En effet, si l'État entend aujourd'hui exercer la plénitude de son rôle – encore une fois, nous nous en réjouissons – sa présence cyclique au cours des dernières décennies a amené les collectivités à s'engager fortement sur le territoire, à la faveur des lois de décentralisation, notamment pour s'assurer du bon fonctionnement du système hydraulique qui structure le Marais. Les trois départements se sont accordés sur la définition d'un réseau principal d'intérêt commun dont ils cofinancent l'entretien – ouvrages, canaux, berges, lutte contre les végétaux invasifs...– depuis Niort jusqu'aux exutoires maritimes.

À travers l'institution et les syndicats mixtes, se sont organisés le portage des SAGE et la gestion des contrats de restauration-entretien de zone humide, le premier à être signé avec une zone humide d'importance majeure à l'échelle nationale l'ayant été en 2000 entre l'institution et l'agence de l'eau Loire-Bretagne. L'ensemble de ces acquis ne doit pas être perdu.

Il me semble bien que telle est également la préoccupation du Gouvernement, puisqu'il vient de déposer un amendement à l'article 56 ter, qui mentionne explicitement la nécessité pour l'établissement public d'exercer ses missions en tenant compte des compétences des collectivités territoriales. L'exposé sommaire justifiant cet amendement précise de manière très claire que le rôle de l'établissement public doit être complémentaire par rapport aux actions des collectivités territoriales. Cet ajout important me paraît de nature à rassurer les collectivités sur le mode de fonctionnement du futur établissement et à faciliter son appropriation par les acteurs locaux. Ces derniers seront définitivement rassurés si le conseil d'administration du futur établissement accorde la place qu'ils méritent, aux côtés des représentants des collectivités, aux syndicats mixtes et aux syndicats de marais.

Le Gouvernement pourra enfin achever de convaincre tous ses partenaires de ses bonnes dispositions s'il donne un signe fort, en répondant favorablement aux demandes de transfert du domaine public fluvial qui lui ont été présentées par l'institution interdépartementale et les départements.

Vous avez souhaité par ailleurs introduire dans le texte du Grenelle 2 un ensemble de dispositions importantes qui vont permettre à l'État de tenir les engagements pris envers les sinistrés de la tempête Xynthia et de mieux protéger à l'avenir nos concitoyens habitant les communes où existent des risques d'inondation.

Auparavant, permettez-moi de dire un mot de ce qui ne figure pas dans le Grenelle 2 : la question essentielle de la consolidation du réseau de digues de défense contre la mer et de leur gouvernance.

Le temps était évidemment trop court pour traiter dans le cadre de ce texte d'une question qui mérite une concertation approfondie avec les responsables locaux avant que ne soit élaboré un projet législatif, mais, avant que ne soit lancé ce grand « plan digues », ou, plus exactement, « plan de prévention des submersions marines et digues », nous sommes toujours, sur le terrain, dans la phase d'urgence.

Je tiens à souligner l'incroyable rapidité avec laquelle les travaux d'extrême urgence ont été réalisés pour colmater les brèches ouvertes par la tempête dans les digues de protection contre la mer, afin de prévenir une nouvelle submersion à l'occasion des grandes marées de la fin mars. Ces consolidations, réalisées dans la hâte, ont pleinement joué leur rôle. Elles étaient absolument indispensables. Au lendemain de la tempête, avec une remarquable réactivité, tous se sont mobilisés sans compter pour faire face à l'extrême urgence : les communes, les associations et syndicats maîtres d'ouvrage, les entreprises. Le préfet de la Vendée a opéré un certain nombre de réquisitions indispensables d'entreprises, dans les cas où la protection élémentaire de la population l'exigeait.

Tous ces acteurs sont en attente du versement de la part de l'État. Aucune contribution au financement de ces opérations ne leur est parvenue, ce qui les place dans une situation extrêmement difficile. Il s'agit de petites communes, de syndicats et d'entreprises de taille modeste, qui se trouvent en situation de découvert du fait de la carence de l'État et contraints de suspendre des travaux pourtant indispensables.

Une phase de consolidation des travaux réalisés dans l'extrême urgence doit en effet impérativement être menée à bien avant les grandes marées d'équinoxe, en conditions sèches, pour stabiliser les interventions faites dans l'extrême urgence. Les maîtres d'ouvrage sont techniquement prêts, mais ils ne peuvent rien entreprendre sans assurance de financement, et le seul financement départemental à hauteur de 25 % ne suffit pas.

Les engagements pris par le Président de la République le 16 mars à La Roche-sur-Yon devant tous les sauveteurs et les élus concernés, engagements très clairs et nullement restrictifs, avaient été accueillis très favorablement. Je rappelle les propos qu'il a tenus : « La tempête Xynthia a fortement endommagé les digues littorales. Au moins 150 kilomètres doivent être rénovés de toute urgence. Pour y parvenir dans les délais les plus brefs, je souhaite que l'État prenne à sa charge, de manière tout à fait exceptionnelle, 50 % du coût de ces travaux ».

Il y a urgence à mettre en place les crédits qui correspondent aux engagements pris par le Président de la République. Il en va de la crédibilité de l'État et de celle à venir du « plan digues ».

Je souligne enfin l'importance et la pertinence des dispositions nouvelles introduites par le Grenelle 2 dans le code de l'environnement et dans celui de l'urbanisme pour pouvoir traiter de manière adéquate certaines conséquences très lourdes de la tempête Xynthia.

Il s'agit en particulier de permettre le financement, grâce au fonds Barnier, grâce au fonds de prévention des risques naturels majeurs, de l'acquisition amiable des biens exposés à un risque de submersion marine menaçant gravement des vies humaines. Cette disposition va permettre aux sinistrés traumatisés par ce qu'ils ont vécu de tourner la page dans des conditions où la solidarité nationale se fait particulièrement généreuse.

Il s'agit également d'imposer un délai incontournable, de trois ans, pour l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles. Il est important que tous nos concitoyens qui habitent ou souhaitent habiter dans des communes où existent des risques d'inondation sachent avec précision à quoi s'en tenir, quelles sont les contraintes de sécurité qui s'imposent à eux, sans ambiguïté ni incertitude.

Sur ces deux questions majeures, établissement public de l'État du Marais poitevin et mesures en faveur des victimes de Xyntia, ce sont des avancées importantes qui s'accomplissent à travers le Grenelle et je tenais, madame la secrétaire d'État, à vous en remercier et à vous en féliciter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je veux tout d'abord relever avec un certain étonnement les propos de Christian Jacob qui a semblé remettre en cause votre titre, monsieur le ministre, alors que vous êtes pourtant ministre d'État, numéro deux du Gouvernement. Il ne se reconnaissait pas dans le mot d'écologie et préférait « développement durable ». Je ne sais pas si cela sonne comme un aveu supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous avez tenté dans votre discours de défendre le bilan du Grenelle, ce qui est bien normal de votre part. Or celui-ci résiste mal à la mise en perspective des décisions du Gouvernement avec les grands enjeux, les enjeux lourds de l'écologie aujourd'hui.

L'un de nos collègues vient de faire allusion à un célèbre chanteur. Pour ma part, tout cela me fait de plus en plus penser, et c'est assez triste, au film The Truman show. Je ne sais pas si vous vous en souvenez : un personnage vivait dans un décor de cinéma et un tas de gens autour de lui étaient là uniquement pour lui faire croire que ce décor était la réalité. J'espère que l'Assemblée nationale n'est pas une sorte de théâtre d'ombres où l'on pourrait continuer à croire des choses en dépit de ce que tout le monde voit dans la réalité. Regardez simplement la presse de ce jour. Tous les quotidiens, qu'ils soient nationaux ou régionaux, s'interrogent sur la réalité de la politique écologique du Gouvernement, sur la réalité, l'intérêt, la pertinence de cette loi Grenelle 2.

Je veux d'abord formuler une petite remarque sur la procédure. Il n'est pas nécessaire de s'y attarder mais tout de même.

Vous avez demandé pour ce seul texte à la fois la procédure accélérée et le temps programmé, c'est-à-dire, en réalité, un temps limité pour le débat. Pour le Grenelle 1, nous avions eu deux semaines de discussion et, à l'époque, vous aviez salué le fait que le Gouvernement n'ait pas demandé la procédure accélérée et ait laissé tout le temps au débat. Il est tout de même assez étrange de constater que, pour une loi d'orientation, qui ne faisait finalement que reprendre un certain nombre de conclusions générales des débats du Grenelle, on ait pris la peine de débattre pendant quinze jours et que, lorsqu'il s'agit de voir dans le détail la concrétisation des mesures, on choisisse la procédure accélérée.

Cela dit, le vrai problème pour moi, c'est que l'on ait attendu presque trois ans pour examiner à l'Assemblée nationale la loi de mise en oeuvre du Grenelle. Quand on connaît l'empressement de Nicolas Sarkozy sur d'autres sujets, on voit bien le véritable ordre de priorité du Gouvernement. Il faut revenir à la réalité, qui est malheureusement bien loin des discours d'autosatisfaction que nous avons entendus depuis le début de la soirée.

Ils sont bien loin aussi les grands discours d'octobre 2007 sur l'ambition écologique. Franchement, celui que vous avez tenu aujourd'hui, même pendant la séance des questions d'actualité, sur la révolution écologique –certains de nos collègues de l'UMP ont repris cette expression – sonne creux et ne trouve plus beaucoup d'écho auprès des Français.

On ne peut pas séparer l'examen de ce texte du contexte. Il y a eu une salve de mesures ou d'annonces particulièrement anti-écologiques, il faut bien le dire. Mes collègues ont évoqué la loi sur les OGM, adoptée dans les conditions que l'on sait, avec le résultat que l'on sait et qui a inquiété. Martial Saddier nous a parlé de sa défense des abeilles et des apiculteurs. C'est très bien mais, lors de l'examen de la loi sur les OGM, ces préoccupations étaient bien loin et, aujourd'hui, les apiculteurs sont très inquiets de la dissémination d'OGM que permet malheureusement cette loi.

Pourtant, la question des OGM avait été abordée dans le Grenelle. Je ne parle même pas de ce qui ne l'avait pas été, comme la relance idéologique du nucléaire ; je dis « idéologique » parce que, d'un point de vue pragmatique, on n'en voit pas l'intérêt, la France étant déjà en surcapacité au plan électronucléaire.

Souvenons-nous également de l'examen de la loi Grenelle 1 et de l'amendement appelé Ollier – déjà lui ! ai-je envie de dire – contre la sobriété énergétique, amendement qui permet de se soustraire à l'objectif de 50 kilowattheures par mètre carré et par an dans les constructions neuves en cas de chauffage électrique. Or nous savons que 75 % à 80 % des constructions neuves sont aujourd'hui équipées de chauffage électrique.

Il y a eu aussi le plan de relance. J'étais à l'époque intervenu face à vos collègues en charge des politiques économiques et au ministre de la relance pour plaider la fusion du plan de relance et du Grenelle de l'environnement. Pour moi, ce dernier aurait pu être le plan de relance, mais il n'en a rien été. J'avais relevé, pour la regretter, votre totale absence du débat.

Nous avons encore eu le grand emprunt. Rappelons les chiffres : sur 35 milliards d'euros, 500 millions seulement ont été affectés à la rénovation des logements, alors que vous avez trouvé plus d'un milliard pour le nucléaire.

Plus récemment, il y a eu la déclaration de Nicolas Sarkozy au Salon de l'agriculture. Il a mis quelque temps à s'y rendre et ne s'y est rendu que pour dénoncer l'écologie, en prononçant cette phrase qui se passe de commentaire : « L'environnement, ça commence à bien faire ! » J'ai l'impression qu'un certain nombre d'électeurs commencent à se dire que c'est l'écologie avec Sarkozy qui commence à bien faire !

Nous avons aussi enregistré le report de la taxe poids lourds.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Nous sommes tous des élus du suffrage universel et nous savons que reporter cette mesure après les élections législatives de 2012 n'est pas anodin.

Nul ne peut prétendre que le sujet n'a pas été discuté. Nous pourrions compter les heures que nous avons passées à en débattre ; je sais, monsieur Jacob, que vous aimez bien le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

J'étais présent lors de la discussion sur le Grenelle 1, lorsque l'on a parlé de la taxe poids lourds. Serge Poignant y était également et peut en témoigner.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ça suffit : nous étions là avec Yves Cochet !

Je suis membre de la commission des finances et j'ai tout particulièrement suivi la question quand nous avons examiné le projet de loi de finances. Nous y avons passé des heures. Nous avons eu de longs débats sur les compromis et les exonérations, notamment en Bretagne. Député de Loire-Atlantique, je considère que ma collectivité fait partie de la Bretagne ; à mes yeux, ces exonérations étaient particulièrement iniques.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Un compromis a été trouvé, mais vous n'êtes même pas capables de le mettre en oeuvre !

Et que l'on ne nous parle pas des problèmes techniques ! M. Pancher, dans un précédent débat, a pointé les problèmes techniques rencontrés par les Allemands, mais c'était il y a dix ans ! Les industriels ou groupes privés auxquels le Gouvernement souhaite faire appel pour percevoir cette taxe poids lourds ont certainement tiré les leçons de cette expérience de l'Allemagne, qui a effectivement essuyé les plâtres. Elle a aussi été menée en Suisse et dans d'autres pays. L'argument technique ne tient pas. La réalité, c'est que la volonté politique fait malheureusement défaut.

Il y a surtout eu l'abandon de la taxe carbone. Je note, monsieur le ministre d'État, un changement dans votre discours. Lors du débat sur la taxe carbone, vous expliquiez ici même, sans doute pour convaincre la partie droite de l'hémicycle…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Qui l'a votée ? Qui l'a déférée au Conseil constitutionnel ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous vous pencherez sur les comptes rendus pour voir quelle a été notre attitude ; je pense que M. Borloo s'en souvient très bien.

Vous expliquiez, monsieur le ministre d'État, qu'elle figurait dans le Grenelle de l'environnement et, vous tournant vers la partie droite de l'hémicycle, vous avez dit : « Vous l'avez votée, mesdames et messieurs les députés ; c'était dans les premiers articles du Grenelle 1 ». À présent, vous dites qu'elle a été abandonnée mais que cela n'avait rien à voir avec le Grenelle de l'environnement et qu'elle n'était qu'une mesure parmi d'autres ; il y en avait 270. »

Nous faisons de la politique ; alors soyons un peu sérieux. Je vous rappelle que le Président de la République avait déclaré que l'adoption de la taxe carbone serait aussi importante que l'abolition de la peine de mort en 1981 pour François Mitterrand.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Quand on place la barre aussi haut, on ne vient pas affirmer ensuite qu'il ne s'agissait que d'une mesure parmi 270 ! En réalité, vous avez abandonné un projet très important.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Puisque vous m'interpellez, monsieur Grouard, vous vérifierez au compte rendu que j'ai suivi le débat sur la loi de finances jusqu'au bout. Le sujet a été traité dans la nuit du vendredi au samedi. J'étais avec Yves Cocher. Nous n'avons pas voté contre. Et vous savez très bien que ce projet n'était pas le plus populaire qui soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Qui l'a votée ? Qui l'a déférée au Conseil constitutionnel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous en prie, mes chers collègues !

Poursuivez, monsieur de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous avez donc abandonné le projet en vous défaussant sur l'Europe. Je relève – cela n'a pas été assez souligné par les commentateurs – que c'est la première fois depuis 2007 que le Président de la République se défausse ainsi sur l'Europe. Jusqu'à présent, nous pouvions au moins lui reconnaître cette qualité qu'il assumait ses responsabilités. Eh bien, comme par hasard, lorsqu'il s'agit d'écologie, du sujet difficile de la taxe carbone, de la contribution « climat-énergie », on se défausse sur l'Europe !

Juste après les élections régionales, Nicolas Sarkozy a déclaré mettre comme condition à la mise en oeuvre de cette taxe que l'Europe le fasse, renvoyant le tout aux calendes grecques. Chacun sait, en effet, que l'harmonisation fiscale a toujours été le serpent de mer de l'Union européenne. Il y faut l'unanimité des vingt-sept États ; autrement dit, on ne le fera jamais. D'autres pays européens, pourtant, ne se sont pas défaussés.

Je me souviens des propos de Mme Jouanno, votre secrétaire d'État, qui a dit tout haut ce qu'un certain nombre de gens sincèrement attachés à ce projet pensaient tout bas. Je ne crois pas que l'on puisse prétendre que cet abandon – il n'y a pas d'autre mot – soit un petit sujet.

On peut encore évoquer les projets d'infrastructures qui continuent à fleurir dans de nombreuses régions. Dans la mienne, celui de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est poursuivi comme si de rien n'était.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cela fait près de quarante ans qu'il existe ; je n'étais pas encore né qu'il existait déjà. Il a été abandonné une première fois à la suite du choc pétrolier de 1973, une deuxième fois à la suite du choc pétrolier de 1979. Le choc pétrolier de 2008 a été le plus violent que le monde ait connu, mais vous continuez, et ce même après le Grenelle de l'environnement. Vous avez certes écrit une petite phrase dans le Grenelle pour permettre de continuer à transférer un aéroport, alors que tout le monde sait qu'il s'agit de la création d'une nouvelle capacité pour le transport aérien.

Et il y a maintenant la discussion du projet de loi Grenelle 2.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il est important de rappeler le contexte, cette accumulation d'éléments que l'on ne peut pas ne pas voir. Prenons quelques exemples.

Nous sommes à 100 % pour la trame verte et bleue. Je pense même que nous sommes parmi les seuls à l'avoir inscrite dans notre programme présidentiel en 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Alors pourquoi n'êtes-vous pas venus en commission pour la voter ? J'y étais pour la défendre !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

À l'époque, on nous prenait pour de doux rêveurs. Si M. Jacob avait eu un débat avec Mme Voynet, il aurait sans doute dit que ces corridors écologiques pour les petites bêtes étaient une aberration. Vous combattiez cela avec une telle fermeté !

Nous l'avons quant à nous soutenue et nous avons été très heureux qu'elle figure dans le Grenelle. Mais voilà, d'un projet qui marquait une ambition nous sommes malheureusement passés à ce que j'appelle l'écologie décorative. On réunira des gens avec les préfets, on organisera des tables rondes, les associations travailleront, il y aura des cartes, des schémas, peut-être même des consultations, et au bout du compte cela n'aura rien d'obligatoire.

Dans le même temps, des gens beaucoup plus puissants, dans d'autres administrations de l'État, continueront de se réunir avec d'autres lobbies, pour élaborer des schémas d'infrastructures, avec des aéroports par ci, des autoroutes par là, des extensions portuaires ailleurs : « La trame verte et bleue ? Oui, mais ça n'est pas obligatoire ! » C'est de l'écologie décorative.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il vaut mieux ne pas pratiquer ainsi, parce que c'est une fausse promesse faite à nos concitoyens ; c'est un mensonge.

Je souhaite parler quelques instants de l'éolien en commençant par faire un peu d'histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

La loi de 2005 – je n'étais pas député à l'époque – imposait déjà beaucoup de restrictions, notamment avec les zones de développement éolien censées garantir un cadre sûr, stable, pour savoir où il était possible de développer des projets d'éoliennes. Il y a cinq ans de cela et en bien des endroits ces zones ne sont même pas encore établies.

Nous avons vu en outre quelle a été l'attitude des préfets. Ceux-ci n'agissent pas en suspension dans l'air mais pour le compte du Gouvernement, surtout depuis trois ans : s'ils n'obéissent pas, ils sont aussitôt démis de leurs fonctions. Or, en la matière, leur attitude est systématiquement restrictive. Je vous ai déjà interrogé sur le sujet car, dans mon département, les préfets successifs – cela n'a donc rien à voir avec une personne – ont empêché les enquêtes publiques sur des projets qui avaient été acceptés. Ils ont été condamnés par le tribunal administratif, mais vous avez fait appel pour défendre ces positions d'empêchement.

À présent, vous créez de nouvelles règles. Pourquoi instaurer de nouvelles règles, de nouvelles entraves si on est sincèrement pour le développement des énergies renouvelables ? Si vous êtes contre, il faut le dire : ce n'est même pas la peine d'édicter de nouvelles règles ; il suffit de faire comme le propose M. Ollier dans les couloirs, à savoir interdire purement et simplement les nouveaux projets.

Libérez les énergies renouvelables ! Libérez-les de ces carcans qui empêchent un secteur industriel créateur d'emplois, non délocalisable de se développer. Quelqu'un a évoqué tout à l'heure la reconversion de l'automobile. À Blanquefort, des industriels se sont penchés sur la reconversion d'un site qui produisait des pièces pour l'automobile. Aujourd'hui, ce site est en suspens. Des dispositions pourraient être votées dans la loi.

Madame Létard, je vous ai interrogée il y a peu. Vous m'avez répondu que je voulais libéraliser – on aurait dit que c'était un crime de vouloir libéraliser – ce qui, dans votre bouche, m'a un peu étonné (Sourires) – et que vous souhaitiez quant à vous planifier – ce qui m'a encore plus étonné ! Toutefois, il y a de nombreuses façons de planifier. S'il s'agit de planifier la mort de l'éolien, nous ne vous suivrons pas, nous le dénoncerons, et nous ne serons pas les seuls.

J'en viens aux schémas régionaux, ces nouveaux documents que vous voulez créer…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…et qui s'imposeront aux zones de développement éolien.

Ces derniers documents peuvent être mis à la poubelle. Dans ce secteur, il faut en effet en moyenne sept ans pour faire aboutir un projet. Imaginez-vous, monsieur Jacob, qu'un agriculteur qui voudrait s'installer dans votre circonscription, ayant la formation nécessaire, les emprunts bancaires, s'entende annoncer qu'il a sept ans de procédures devant lui ! De même pour un restaurateur qui aurait à subir sept années de procédures avant d'ouvrir son établissement ! C'est la moyenne aujourd'hui pour les projets éoliens. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

C'est cela qu'il faut supprimer, au lieu d'en rajouter ! Or, avec le schéma régional éolien, vous ajoutez une couche supplémentaire de contraintes. Le pompon, c'est que ces schémas ne sont même pas élaborés par les élus locaux mais par les préfets ! Certes, ces derniers consulteront, mais on sait ce qu'est la consultation par les préfets, depuis trois ans : une réunion et, ensuite, on impose !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous avez perdu la confiance des élus locaux qui ont des projets acceptés par leurs populations. En Loire-Atlantique, les élus des communes porteuses de projets ont été réélus en 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Avec vos schémas, on ne peut pas en installer ! Dans les communes voisines, il y en a plusieurs. M. Borloo le sait très bien puisque je l'ai interpellé à plusieurs reprises sur ces projets.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

C'est un recul de la décentralisation. Vous ne faites pas confiance aux élus locaux, ce que nous savions déjà avec la réforme territoriale qui figure dans votre agenda. Vous ne faites pas non plus confiance à la démocratie. Ni plus ni moins, je le dis clairement.

Je pourrais encore parler de ces distances minimales que M. Ollier veut imposer : 500 mètres d'éloignement des zones urbanisables, c'est-à-dire de zones qui ne verront peut-être jamais d'habitations et qui ne sont que des réserves foncières.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Merci, madame la présidente, de rappeler à l'ordre certains collègues qui m'empêchent de m'exprimer. Cela étant, je préfère qu'il y ait débat plutôt que l'on soit dans l'hypocrisie.

Alors qu'il faudrait procéder par la négociation, par la souplesse, vous voulez ajouter des règles supplémentaires. Or accumuler les contraintes, c'est rendre les choses impossibles. Je ne reviens même pas sur la question de la puissance minimale.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

J'espère que nous serons agréablement surpris !

Pour conclure, je vous confirme, monsieur le ministre d'État, que je suis un défenseur du Grenelle.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous le savez très bien, monsieur Jacob, puisque j'ai voté le Grenelle 1.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je ne le regrette absolument pas. J'ai donné sa chance à ce processus ; j'y ai participé modestement dans un groupe de travail, mais je vous appelle solennellement à vous ressaisir, monsieur le ministre d'État, pour revenir au compromis initial. Je le rappelle : il s'agit seulement d'un compromis, qui ne reprend pas nos positions – nous, nous serions allés beaucoup plus loin –, mais nous le défendons. Je vous appelle à ne pas trahir le Grenelle, ni dans son esprit ni dans ses conclusions.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Si vous les relisiez, vous ne diriez pas cela, monsieur de Rugy !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre d'État, tapez du poing sur la table ! Faites-vous entendre par votre majorité ! À ce stade du débat, il est clair que c'est bien plus du côté de l'UMP que vous avez à convaincre de la pertinence du Grenelle, de sa démarche et de son contenu.

Monsieur Jacob, je suis sûr que ma conclusion va vous plaire : il paraît que l'abandon de l'ambition écologique serait la suite logique du résultat des élections régionales ; étrange logique qui consiste à en faire moins pour l'écologie quand il n'y a jamais eu autant d'électeurs, dans deux scrutins consécutifs, à demander que l'on en fasse plus.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

D'après tous les analystes, près de quatre millions de personnes ont voté pour les listes écologistes. Monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, écoutez donc plutôt la voix de l'écologie, qui est de plus en plus la voix des Français. Vous en sortirez grandis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

L'agressivité est un aveu de faiblesse, monsieur Jacob !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Écoutez donc la voix des Français plutôt que celle de quelques ringards !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Michel Hunault et à lui seul, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, messieurs les rapporteurs, je veux tout d'abord évoquer l'un des aspects de ce Grenelle : le transport, plus particulièrement le projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il s'agit de maintenir un aéroport et d'en créer un autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je pense que ce ne sera pas une surprise pour vous, monsieur le ministre d'État, que j'évoque ce dossier car je connais votre souci de le suivre avec une exigence de transparence et de concertation.

Il va de soi que construire un aéroport soulève légitimement beaucoup de questions. Au stade où nous en sommes, il s'agirait de transférer Nantes-Atlantique en construisant une plate-forme aéroportuaire à Notre-Dame-des-Landes. C'est un dossier qui date de plusieurs années. Je sais votre souci de le mener à bien et conformément à la réglementation. C'est une exigence : il faut que les procédures soient respectées. Une enquête publique a été menée, nous avons eu un grand débat, et nous avons discuté ensemble de la nécessité d'accompagner ce projet de plate-forme aéroportuaire d'une desserte ferroviaire. En effet, s'il n'y a pas de trains, il n'y a pas d'avions. Il est bon de clarifier ce point dans le Grenelle.

L'État a donc lancé un appel à projets ; trois groupes industriels ont manifesté leur intérêt pour construire les deux pistes, mais, à l'heure où je parle, rien n'est assuré en ce qui concerne la desserte ferroviaire de l'aéroport. C'est pourquoi je souhaite que vous me confirmiez que le Gouvernement sera très exigeant dans le suivi de ce dossier. Je vous le dis clairement : il n'est pas question que le groupe qui va être chargé de construire les pistes laisse aux collectivités territoriales le soin de payer les dessertes par route ou par voie ferrée.

De plus, il y a des opposants à ce transfert. Il faut les écouter eux aussi car on a revu la dimension du projet, et construire un aéroport pose de vraies questions environnementales, agricoles et économiques. Je sais combien vous êtes attaché à prendre en compte toutes ces interrogations qui sont légitimes.

Les transports sont une compétence partagée par les collectivités territoriales. L'État aurait intérêt à encourager la création de syndicats mixtes regroupant les différentes autorités organisatrices de transports. On a vu que, grâce à l'État, les collectivités locales peuvent ouvrir des lignes, s'inscrivant ainsi dans une dimension d'aménagement du territoire. C'est une vraie alternative à la route. Mettons l'accent sur le fret parce que l'on voit de plus en plus de poids lourds sur les routes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Vous êtes un élu du Nord, monsieur le ministre d'État, et vous savez qu'il y a aussi un aspect industriel dans le volet transport du Grenelle. À Chateaubriant, nous avons la société ABRFI, qui construit et répare les wagons. Elle attend aujourd'hui des commandes de la SNCF.

Je vais maintenant évoquer deux autres aspects du projet de loi.

S'agissant d'abord des éoliennes, je crois que nous avons trouvé un compromis. Il faut des schémas départementaux ou régionaux. En effet, sans aller à l'encontre de ce type d'énergie, il convient de remettre en perspective la construction de parcs éoliens à travers des plans d'implantation qui doivent être discutés en amont et qui, après leur adoption, deviendraient opposables.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Cela éviterait des discussions incessantes, car nous avons autant de personnes qui sont pour que de personnes qui sont contre. Il est indispensable de remettre en perspective ce dossier.

En ce qui concerne ensuite les centrales photo-voltaïques, je vous rappelle que notre arrondissement de Chateaubriant est, comme beaucoup d'autres, candidat à l'implantation de telles centrales. Cependant nous avons besoin de l'État pour savoir comment les construire, toujours dans le souci de l'aménagement du territoire. Nombre de parlementaires – je pense à mon collègue et ami Serge Poignant – se sont beaucoup investis sur ces questions. Les centrales photo-voltaïques ont une dimension territoriale d'aménagement du territoire et, pour les énergies renouvelables, c'est quelque chose de très important. Le chantier est immense.

Je conclurai en soulignant que vous pouvez vous sentir conforté dans votre action. Depuis trois ans que vous êtes à la tête de ce ministère, vous avez fait beaucoup. Je regrette que l'aspect consensuel du premier Grenelle ne se retrouve pas quand on en vient aux détails. J'ai apprécié la dimension du Grenelle 1 à la fois en ce qui concerne l'activité artisanale et la construction. Grâce à lui, est apparue une nouvelle exigence qui est partagée par tous. Vous y avez beaucoup contribué. Soyez-en remercié.

Le projet de loi que vous proposez, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, comporte une multitude d'enjeux mais soyez confortés dans votre mission : c'est une tâche considérable pour l'avenir d'un monde qui prend toute la dimension de l'importance de l'exigence environnementale pour les générations à venir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, la révolution en matière d'environnement est en route. En effet, même s'il y a encore beaucoup d'incertitudes scientifiques – je pense par exemple aux appréciations sur le réchauffement climatique–, personne aujourd'hui ne peut ni ignorer ni nier l'impérieuse nécessité de lutter contre tout ce qui risque de mettre en péril l'équilibre écologique de la planète. Il commence à y avoir une conscience à la fois individuelle et collective de ce phénomène et, en France, le Grenelle 1, à travers l'énoncé de grands principes, a marqué le coup d'envoi de changements profonds de comportement et de mentalité.

Il faut maintenant transformer l'essai avec cette seconde loi qui a pour but d'en fixer le mode d'emploi. Tout en reconnaissant l'aspect extrêmement positif de ce texte, je souhaite cependant appeler votre attention sur deux points.

De manière générale et au niveau de nombreux articles, tout d'abord, vous savez, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, que le mieux est l'ennemi du bien. Il ne faudrait donc pas que les bonnes intentions et les grands principes en matière de protection de l'environnement annoncés dans le Grenelle 1 soient noyés ou asphyxiés par des contraintes techniques ou administratives. C'est le cas en particulier pour les mesures concernant le bâtiment ou la branche logement.

En matière de traitement des déchets, ensuite, la prise en compte de l'environnement dans notre vie quotidienne met en évidence, dans l'esprit de chacun, le risque de pénurie de matières premières et la nécessité absolue de favoriser leur récupération. Aujourd'hui, nos poubelles sont pleines de ces nouvelles matières premières. Or le projet de loi reste, à mon avis, beaucoup trop vague quant aux priorités en matière de gestion des déchets. C'est pourquoi je présenterai plusieurs amendements visant à recadrer clairement les priorités en précisant bien que l'incinération des matières, donc leur destruction irréversible, ne doit intervenir qu'en dernier recours.

Il me semble également important de limiter le « tourisme du déchet » en ne permettant pas qu'une structure d'incinération ou de stockage gère des déchets provenant d'autres territoires, voire d'un pays étranger. C'est le risque avéré du projet Flamoval, dans les Flandres, projet que vous connaissez bien, monsieur le ministre d'État.

La loi fera accomplir des progrès considérables dans la réduction à la source de la production de déchets et incitera les usagers à limiter le volume de leurs poubelles. Il faut donc que les structures d'élimination finale soient également modulables et en capacité d'accompagner cet effort. Or la construction actuelle de nouvelles installations d'incinération ne va pas du tout dans ce sens.

De plus, à l'heure où l'on découvre les nuisances des nanoparticules, à l'heure où des installations, pourtant récentes, ont montré des défaillances, le principe de précaution doit s'appliquer pour préserver la santé des populations et l'essor économique des régions ou des zones ainsi menacées par cette pollution. C'est pourquoi j'espère pouvoir compter sur votre volonté de préserver ces nouvelles matières premières et, surtout, la santé des habitants de nos territoires – je pense en particulier à ceux du Nord-Pas-de-Calais – en prenant en compte mes amendements.

Pour terminer, je rappelle qu'il est indispensable, en matière de traitement des déchets, de rétablir et de garantir un ordre des priorités s'agissant de leur élimination, en imposant la vraie valorisation, à savoir le tri, la récupération, le recyclage et le compostage, et non pas l'incinération, qui doit rester l'ultime recours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, je tiens d'abord à vous dire que j'aurais pu avoir du plaisir à participer à ce débat, mais que je n'en ai pas du tout, pas plus que je n'en ai eu à participer au premier. Je ne vous fais pas le reproche d'être moins enthousiaste, monsieur le ministre d'État, mais c'est certainement une affaire difficile, qui est arrivée à ce stade sans doute un peu rapidement et dont on n'a pas bien pris la mesure. En tout cas, ce n'est pas votre talent qui est en cause – je vous connais depuis longtemps et je sais que vous en avez – ni votre capacité à animer des réunions inanimables, c'est-à-dire des réunions invraisemblables, sans accord possible. La preuve : vous y êtes arrivé et c'est bien.

Cependant le problème, c'est que quand je vous écris, c'est à l'homme en colère de Valenciennes que je m'adresse et à lui seul, parce que vous m'avez touché avec votre livre, Un homme en colère. Quant à moi, je ne suis pas l'homme en colère des Pyrénées ; je n'ai pas votre talent ; mais je suis l'homme triste. En effet, pour moi, la nature, la France, la terre, la mer, la planète, ma mère, tout cela était la même chose, et je l'aimais sans me rendre compte qu'il le fallait. Je l'aimais naturellement. J'ai beaucoup aimé aussi le pays dans lequel je suis né, où j'ai grandi, ivre de liberté et d'indépendance. Puis, j'ai connu la France et le vaste monde.

Ce que j'en vois aujourd'hui ne correspond pas vraiment à ce qui en est dit ici par vous et par ceux qui parlent à vos côtés. Peut-être suis-je déphasé, peut-être que le fait d'être resté trop longtemps dans un endroit où l'on attrape un accent à couper au couteau – avec cela, on ne va pas très loin – m'a donné un regard réducteur, mais je vois des campagnes à la mort ! Il restera 100 000 paysans en France dans quatre à cinq ans d'ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Il va y avoir une loi de réorganisation agricole pour sauver l'agriculture, monsieur Lassalle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

Je vois des villes ou plutôt, là où il y avait des faubourgs naguère, des banlieues comme on les appelle maintenant, où des voitures brûlent les soirs de la Saint-Sylvestre. Je vois, dans les villages que j'ai tant aimés, le retour des bandits de grand chemin pour bientôt, car je ne sais pas bien ce qu'ils pourront faire d'autre.

Je ne vois pas cela qu'en France, mais dans les quatre-vingt pays des cinq continents qui composent l'Association des populations des montagnes du monde, que j'ai l'honneur de présider.

Ne le prenez pas mal, mais j'y retrouve aussi de temps en temps Nicolas Hulot et je me dis que, décidément, tout nous sépare. Lorsque je vois Nicolas Hulot rôder autour du Président de la République et de vous, monsieur le ministre d'État, je me demande si tout cela ne serait pas qu'un grand nuage de fumée pour masquer ce capitalisme féroce qui a définitivement pris l'avantage sur l'homme.

Cet écologisme international en est devenu le prolongement, comme pour donner bonne conscience à des femmes et des hommes qui vivent toute la journée sous calmant, qui prennent un tranquillisant le soir pour dormir, une vitamine le matin pour se réveiller et qui se tuent devant le journal télévisé.

Et si cela était l'occasion d'entraîner la sensiblerie, l'espoir, le chagrin qui leur restent sur des points qui puissent les faire rêver et croire en un monde meilleur ?

J'ai pensé au vent, mais j'ai cru comprendre que les éoliennes dérangeaient. J'ai pensé au soleil et j'en ai parlé ; il m'a été répondu que ma salle polyvalente était trop exposée à l'est pour que le soleil puisse tomber dessus. Alors, j'ai pensé au bois avec lequel on peut faire de petites targettes très calorifères ; il m'a alors été dit que j'allais déforester toute la montagne. J'ai donc pensé à l'eau, pour être un peu moderne. Pas de microcentrales, m'a-t-on répondu, parce que les Pyrénées sont un réservoir d'eau exceptionnel auquel il ne faut surtout pas toucher !

Ne sachant que faire j'ai trouvé dommage que l'on ne m'utilise pas un peu mieux.

Pourquoi M. le ministre d'État ne répond-il jamais à mes courriers ? M. le Président de la République est très occupé, je comprends. Quant à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie, je n'ai pas eu la chance de la connaître. J'ai lu son CV et je suis très admiratif de son parcours : elle a quinze ans de moins que moi et elle est merveilleuse. Ils ne me répondent pas.

Pourtant, moi aussi j'aurais mon mot à dire, parce que j'aime autant ce pays que vous !

J'aimerais qu'on retrouve du souffle, de l'énergie, le plaisir de parler ensemble, avec d'autres mots que ceux, vertigineux, qui me font peur et mal : contraintes, directives, préfets perdant l'ordre des valeurs, DDAE qui font joujou avec le DIREN en attendant le gentil loup.

Pendant ce temps, les paysans de soixante-dix ans pleurent sur le pas de leur porte où les arbres attendent impatiemment avant de rentrer dans les cuisines, parce qu'il n'y a rien pour les en empêcher.

Monsieur le ministre d'État, excusez mon infinie tristesse mais j'ai quand même une joie : mon père et même son père et son grand-père sont heureux maintenant, parce qu'ils sont enterrés dans un parc national. Mon père était un homme libre, indépendant ! C'était un sacré indépendant qui ne pouvait pas supporter que l'on dise du mal du pays. Pour lui, les Pyrénées étaient la France et la France était le monde, l'univers. Il était gardien des Pyrénées.

Maintenant, je pense qu'il ne serait pas content. Je vais devoir l'exhumer pour aller l'enterrer ailleurs. Je ne peux pas supporter qu'il soit enterré dans un lieu où ne restent que les gardes des parcs nationaux qui ont remplacé les instituteurs, les postiers, les médecins. C'est le seul combat qui me reste puisque, décidément, plus personne ne veut me répondre. Je pense que je ne me ferai pas enterrer là, et que j'enlèverai aussi mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père pour les mettre ailleurs.

Je pense que notre pays peut conjuguer un espoir, un souffle, un amour du terroir et de la vie, sans toutes ces servitudes. On peut inventer autre chose et parler de nouveau les uns avec les autres, hommes à la rencontre d'autres hommes pour sauver des territoires et pour retrouver leur terre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, chers collègues, mon intervention sera moins poétique que la précédente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait demandé, dans le cadre de la semaine dite de contrôle de l'Assemblée nationale, la tenue d'un débat sur le développement des transports ferroviaires publics. Ce débat s'est tenu le 24 février dernier.

Malgré la confirmation de certains investissements, d'ailleurs concentrés sur les lignes à grande vitesse, nous continuons de penser que l'effort du Gouvernement en direction du rail n'est pas à la hauteur des défis économiques, environnementaux et sociaux auxquels est actuellement confronté le pays.

Alors que les besoins en investissement sont colossaux, le fameux grand emprunt ne prévoit pas un euro pour le ferroviaire. Il n'est pas possible, alors que le trafic de fret ferroviaire augmente partout en Europe et dans le monde, de voir la SNCF diminuer les tonnages transportés, et affaiblir son service en remettant des camions supplémentaires sur les routes.

S'il faut aider la SNCF à développer un transport fret performant, c'est au Gouvernement de le faire. Pour l'instant, personne ne voit l'effet des milliards d'euros annoncés pour développer ce secteur. C'est une vraie question.

Il faut bien aborder ce problème politique de fond car le Gouvernement ne s'est pas encore résolu à faire du rail la priorité des priorités. Or il s'agit d'une question majeure pour le développement économique, pour la sécurité et évidemment pour l'environnement puisque le rail émet dix fois moins de gaz à effet de serre que la route.

Malheureusement, après avoir transféré du fret ferroviaire sur la route, vous venez de reporter, pour des raisons peu évidentes, la taxe concernant les poids lourds. Décidément, nous avons du mal à avancer.

Bien sûr, je continue de penser, avec mes collègues communistes, républicains et du Parti de gauche, qu'il y a une incompatibilité totale à vouloir soumettre une activité d'intérêt général, publique, à une concurrence débridée, sur fond de recherche d'une rentabilité déraisonnable, quel qu'en soit le coût aux plans humain, social, environnemental et quelles que soient les répercussions sur la qualité du service pour nos concitoyens.

Venons-en à la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, la troisième radiale nationale. La commission a repoussé l'amendement que j'avais déposé sur ce sujet, sous prétexte que cette ligne entrerait en concurrence avec une future ligne à grande vitesse reliant Paris, le Centre et l'Auvergne à Lyon dans dix à quinze ans.

Les Français ont beau avoir la réputation de ne pas être très forts en géographie, il y a des limites à l'ignorance, en particulier dans cet hémicycle. Il ne peut exister de concurrence géographique entre ces deux lignes qui ne desservent pas les mêmes territoires : l'une se dirige vers le sud-est et l'autre vers le sud-ouest. Il ne peut pas davantage y avoir de concurrence financière puisque construire une ligne à grande vitesse sur des centaines de kilomètres n'a rien à voir avec moderniser une ligne de façon progressive.

Les deux projets n'ont pas du tout le même timing : la ligne Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon se fera dans dix, quinze, voire vingt ans ; la modernisation de l'axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse peut être mise en oeuvre non seulement par phases, mais avec une première étape à très court terme permettant, dans les deux à cinq ans à venir, une amélioration importante de la desserte voyageurs et du fret vers le Centre et le Sud.

En outre, en vous demandant d'inscrire la modernisation de cette ligne nationale, car joignant Paris à Toulouse, dans ce Grenelle 2, je ne fais que me conformer aux prescriptions actées par le Grenelle 1 et que je veux rappeler.

L'article 11-II, premier alinéa, du Grenelle 1, indique qu'il convient de donner « la priorité à la régénération et à la modernisation du réseau existant. » L'article 12-III, alinéa 3, propose la mise en oeuvre de péréquation pour le financement des dessertes des territoires à l'écart du réseau grande vitesse. La nécessité de moderniser les lignes classiques est donc partie intégrante des choix du Grenelle 1.

Demander l'inscription de la modernisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse n'est pas demander l'inscription d'une ligne classique quelconque. Outre le fait qu'elle est la ligne historique Paris-Toulouse, sa longueur et la dimension des territoires qu'elle dessert en font une colonne vertébrale nécessaire à l'aménagement du territoire mais aussi à nos échanges économiques. En effet, cette ligne traverse onze aires urbaines représentant plus de deux millions d'habitants – trois millions d'habitants avec l'ensemble des territoires desservis – et elle comporte huit carrefours ferroviaires et quatre transversales.

Cette ligne permet aussi l'accès à sept ports, ce qui la rend indispensable à une vraie politique de développement du fret ferroviaire.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Nous sommes d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Après discussion avec notre rapporteur Serge Grouard que je remercie d'être attentif à cette question, il apparaît qu'il n'y a pas de concurrence mais une totale complémentarité entre cette ligne et les deux lignes à grande vitesse, allant l'une vers Bordeaux, l'autre vers Lyon.

Cela est tellement vrai que l'on peut – et que l'on doit – imaginer une connexion de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse à la future ligne à grande vitesse Paris-Centre-Auvergne-Lyon, à hauteur de Vierzon par exemple, afin d'accroître la performance et l'utilité de ces deux lignes. D'ailleurs, une rame TGV fonctionne actuellement avec succès, celle qui relie Brive à Lille en passant par Limoges, Châteauroux et Vierzon au rythme d'un aller-retour par jour.

Ainsi, la nécessité de repositionner cette ligne comme une ligne d'intérêt national est évidente à tout point de vue : aménagement du territoire ; nécessaire développement du fret ; limitation des émissions de gaz à effet de serre ; complémentarité avec la ligne à grande vitesse Paris-Centre-Auvergne-Lyon ; immédiateté avec laquelle on peut apporter des améliorations décisives en termes de matériel, d'infrastructures, de temps de parcours.

De plus, ce repositionnement peut se faire à un coût extrêmement faible comparé à la mise en oeuvre d'une ligne à grande vitesse, et dans un temps de financement différent.

Nous avons et nous aurons besoin à l'avenir de trois radiales pour les voyageurs et le fret. M. Leboeuf, directeur des grands projets à la SNCF, estime que la saturation actuelle et future des deux radiales – vers Bordeaux et vers Lyon – oblige à moderniser l'axe Paris-Toulouse par Orléans, Vierzon, Châteauroux et Limoges. Ces propos, peu contestables, ont été confirmés aujourd'hui même par M. Delion, directeur général de RFF.

Comme je viens de le rappeler, le financement n'a rien à voir avec le coût d'une ligne à grande vitesse. De plus, je propose d'apporter des améliorations en trois étapes s'échelonnant entre l'immédiat et l'échéance de dix à quinze ans, c'est-à-dire le moment où commenceront les investissements pour la ligne à grande vitesse Paris-Clermont-Ferrand-Lyon.

Vous ne pouvez ignorer qu'une modernisation importante de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse est soutenue par huit parlementaires, quinze maires, quatre présidents de conseil général, trois présidents de région, toutes les associations de la ligne et les syndicats. N'ignorez pas ces territoires et leur population !

J'ajoute, comme j'ai eu l'occasion de le dire au Premier ministre lorsqu'il a reçu les présidents de groupe au sujet du grand emprunt, que celui-ci ne comporte rien sur le ferroviaire, ce qui est une hérésie ; à telle enseigne, d'ailleurs, que notre très mesuré et pertinent rapporteur général du budget, Gilles Carrez, a proposé, lors du projet de loi de finances rectificative pour 2010 examiné en février dernier, de réserver une partie des 35 milliards d'euros au ferroviaire. Selon lui, cette réserve pourrait être de 4 à 5 milliards d'euros.

Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie – puisque monsieur le ministre d'État a provisoirement quitté l'hémicycle –, monsieur le rapporteur, vous avez l'occasion de marquer, par un signe fort, que la priorité va bien au développement du rail et à l'environnement, que l'aménagement du territoire n'est pas oublié et que les articles de loi du Grenelle 1 dont j'ai parlé ne sont pas là que pour le décor, mais ont bien une traduction concrète sur le terrain.

Dans le même ordre d'idée, il convient de classer quatrième autoroute ferroviaire nationale la transversale Nantes-Lyon par Tours et Vierzon, qui reliera l'Atlantique à Turin, puis au centre de l'Europe, et d'accélérer les études sur cet axe dont l'intérêt européen a déjà été reconnu.

Monsieur le rapporteur, je sais que vous pouvez être un allié de poids sur ces deux sujets car ils concernent non seulement notre région, mais aussi l'intérêt économique et écologique de tout le pays. Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie, vous êtes la mieux placée pour aider le Gouvernement à prendre pleinement conscience que l'effort à fournir pour assurer au transport par le fer un véritable bond qualitatif et quantitatif sur l'ensemble du territoire est la condition d'une plus grande efficacité au plan économique et écologique, sans oublier que les hommes et les femmes qui l'utilisent et le font vivre doivent rester la première des préoccupations. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis promeut et réglemente le recours aux énergies renouvelables. Parmi celles-ci, une seule, l'énergie éolienne, provoque les contestations les plus diverses, les plus nombreuses et, souvent, les plus légitimes.

Cette filière, sous couvert d'un habile marketing écologique, obéit en effet à une logique purement spéculative. Nous aurions tous dû garder de la crise financière une véritable répulsion à l'égard de toute forme d'économie spéculative. Or cette filière entretient bien cet esprit spéculatif, autant chez des investisseurs cupides qu'auprès d'élus locaux auxquels on fait miroiter d'importantes recettes fiscales : « Accueillez mes éoliennes, je vous éclaire le stade ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Cependant ces recettes pour les uns et ces profits considérables pour les autres sont issus des mêmes sources : l'électricité achetée à l'exploitant, mais elle est trois fois plus chère que celle issue du nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Et ce sont les consommateurs qui paient la facture. Étrange filière énergétique que celle qui fait peser sur les consommateurs les plus modestes les superprofits de riches promoteurs !

La filière éolienne bénéficie par ailleurs de privilèges fiscaux scandaleux qui font supporter, cette fois aux contribuables, l'exonération d'impôts sur les bénéfices pendant cinq ans, des abattements sur l'impôt local ou des dispositions fiscales préférentielles lors de la revente de l'entreprise. L'argent public est ainsi détourné vers une filière à l'efficacité relative, qui appauvrit le financement d'autres filières authentiquement écologiques, à l'instar de la géothermie, du solaire thermique ou de la biomasse.

Ces avantages, s'ils n'étaient exorbitants et si l'énergie éolienne était fiable, seraient compréhensibles, mais les éoliennes produisent une énergie intermittente, nécessitant un recours aux centrales thermiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

D'ailleurs, dix mille éoliennes implantées sur notre territoire ne réduiraient les émissions de gaz à effet de serre que de 0,3 à 0,8 % par an ce qui n'est presque rien.

Alors que va s'engager, dans un effort national compris de tous les Français, la réduction des déficits publics, il n'est pas supportable de cautionner des dispositifs fiscaux aussi scandaleusement onéreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Superprofits pour quelques-uns, super-facture pour tous et pollution pour tous également ! Le président de notre groupe, Jean-François Copé, a eu parfaitement raison de parler de « pollution visuelle », celle que subissent des dizaines de milliers de riverains, qui méritent nos égards, regroupés dans des centaines d'associations, dont je veux saluer le courage et l'opiniâtreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

J'ai déposé un amendement cosigné par quatre-vingts de nos collègues, qui tend à préserver nos parcs naturels de l'implantation d'éoliennes industrielles. En commission, M. le ministre d'État et M. le rapporteur m'ont indiqué que cet amendement était satisfait par le projet de loi. Je souhaite que M. le ministre nous le confirme une nouvelle fois avec solennité. J'espère qu'il confirmera aussi le moratoire de tous les projets d'implantation jusqu'à l'adoption des schémas régionaux. Nos parcs naturels, qui représentent 14 % seulement du territoire national, sont les joyaux et l'âme de notre pays : on ne peut les marchandiser.

Je soutiendrai également l'amendement de notre collègue Laure de la Raudière, qui prévoit une distance entre toute habitation et l'éolienne égale à dix fois la hauteur de la machine.

Enfin, les promoteurs privés ou publics, comme l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, prétendent que cette filière créerait soixante mille emplois. Qui peut les croire ? Cette filière n'a jusqu'à présent créé que quelques emplois de maintenance, souvent précaires, adossés à des industries exclusivement étrangères, dont les technologies auraient, paraît-il, vingt ans d'avance sur les nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

C'est faux ! Lisez le rapport qui vient de sortir !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Mes chers collègues, si l'on ne peut totalement écarter cette filière d'énergie renouvelable, il serait au moins juste que ses avantages fiscaux soient normalisés, que ses conditions d'implantation soient parfaitement régulées – sur ce point le texte va dans le bon sens – et qu'en particulier nos parcs naturels, notre patrimoine culturel, historique et nos paysages admirables, soient définitivement protégés.

L'un de nos anciens collègues, Michel Péricard, autrefois journaliste, a présenté pendant longtemps une émission de télévision intitulée La France défigurée. C'était il y a quarante ans. Il y a quelques semaines, le Président de la République lui-même émettait les plus vives réserves à l'égard des éoliennes s'implantant, selon son expression, « n'importe où ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Nous avons enfin, avec ce débat, l'occasion de cesser de défigurer la France et de mettre un terme aux souffrances de dizaines de milliers de Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Martine Billard, et à elle seule, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie, mes chers collègues, ce projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit Grenelle 2, qui arrive en discussion après de longs mois et années de tergiversations, c'est un peu la chronique d'une ambition écologique sabordée. L'intervention de notre collègue de l'UMP que nous venons d'entendre, d'ailleurs, n'est guère favorable au texte présenté par M. le ministre d'État ; il faut visiblement se méfier de ses amis !

Le politique n'a guère été au rendez-vous de l'urgence climatique et de l'impératif écologique : nous sommes aujourd'hui en mai 2010 ; or le Grenelle a été lancé au son des trompettes juste après l'élection présidentielle. Ce n'est pas que nous, les écologistes, ayons jamais cru qu'un gouvernement UMP pouvait proposer autre chose que des mesures environnementales s'inscrivant dans l'impasse écologique que sont les projets de croissance verte et de capitalisme vert, plutôt que dans un vrai projet de transformation sociale et écologique de notre société ; mais il faut reconnaître que la démarche du Grenelle de l'environnement avait été intéressante, en ce qu'elle réunissait, thème par thème, des groupes de travail, des acteurs sociaux de la mouvance environnementale qui avaient peu l'habitude de travailler ensemble. Néanmoins un grave défaut l'hypothéquait dès le départ : l'impossibilité de discuter du nucléaire et des OGM. Malheureusement, les lobbies industriels ont vite repris assez de forces pour imposer des reculs sur certaines propositions.

Nous voyons, avec cette mouture du texte de mise en oeuvre du Grenelle 2 passée sous les fourches caudines du Gouvernement, puis du Sénat et de la commission de notre assemblée, l'impasse du discours sur l'écologie du Président de la République et l'insincérité des grandes déclarations sur la nécessaire prise en compte des équilibres de la planète, déclarations qu'il faudrait traduire en actes législatifs concrets. En réalité, l'écologie gouvernementale se trouve maintenant au point mort.

Le projet de taxe carbone, après avoir été retoqué par le Conseil constitutionnel au nom du principe d'égalité devant l'impôt puisque seuls les ménages, ou presque, devaient être mis à contribution, a finalement été retiré par le Gouvernement contre la promesse d'une taxe aux frontières de l'Union européenne, dont nous risquons d'attendre éternellement la mise en oeuvre.

Le Gouvernement a compris qu'il ne s'en sortirait pas sans mettre à contribution les industriels, lesquels, avec 93 % des émissions, sont quand même les principaux émetteurs de gaz à effet de serre ; mais ils représentent aussi la principale clientèle du pouvoir actuel. S'agissant des ménages, il faut d'ailleurs rappeler que le répit n'a été que de quelques jours, puisque, dès le début du mois d'avril, on leur annonçait une augmentation importante du prix du gaz.

Votre rêve, que vous évoquiez encore dans les médias récemment, monsieur le ministre d'État, s'est quelque peu évanoui avec la déclaration du Président de la République selon laquelle « L'environnement, ça commence à bien faire ».

Dans le même temps, le feu vert a été donné à l'installation de lignes à très haute tension. Je note au passage que l'on invoque la défense des paysages pour les éoliennes, mais pas pour les lignes à haute tension ou les centrales nucléaires ! (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe UMP.) La droite avait souhaité construire une centrale nucléaire à Plogoff, au bout de la Bretagne, au milieu d'un paysage admirable ce qui ne vous posait aucun problème ! Bref, vous redécouvrez subitement les paysages lorsqu'il s'agit de « flinguer » – passez-moi l'expression – l'éolien au profit du nucléaire.

Outre l'installation de lignes à haute tension, vous défendez la poursuite de l'épandage de pesticides, le lancement du projet de terminal charbonnier à Cherbourg, la construction d'incinérateurs, le financement des nanotechnologies, alors qu'un moratoire serait nécessaire pour étudier leurs risques pour la santé,…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…et l'abandon du fret ferroviaire, option dont l'abandon, après toutes les déclarations sur la nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, ne laisse pas de surprendre.

Un pseudo débat public autour de l'EPR de Penly s'est ouvert dans l'hypocrisie la plus totale puisque la décision était déjà prise, tandis que la commission d'enquête parlementaire sur les éoliennes, qui a rendu son rapport le 30 mars dernier, n'a guère caché ses orientations pro-nucléaires.

La liste des renoncements écologiques de ces dernières semaines ne s'arrête pas là. Le Gouvernement a ainsi fait cadeau d'une année de concession aux sociétés privées d'autoroutes et a maintenu les projets de nouveaux aéroports, comme à Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique, tandis que, dans le même temps, au niveau européen, la Commission a lancé la pomme de terre OGM et laissé filer les quotas de pêche du thon rouge malgré la raréfaction dramatique de la ressource. Certes, ce n'est pas le fait du Gouvernement, mais nous sommes dans un contexte de régression sur les questions environnementales.

Par ailleurs, la loi de modernisation économique a assoupli les règles d'installation des supermarchés en périphérie des villes, avec pour conséquence la multiplication des déplacements entre le domicile et les lieux d'achat, ce qui est contradictoire avec la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Vous le savez, la fondation Nicolas Hulot, cheville ouvrière du Grenelle de l'environnement, s'est retirée du processus ; dans sa lettre envoyée le 29 mars aux signataires du pacte, la directrice générale de cette fondation appelle ainsi à « changer de modèle économique ». Elle explique que « dans ce gouvernement comme dans d'autres partis politiques, la conversion à l'écologie n'est trop souvent qu'opportuniste. Cela crée des dégâts importants. Aujourd'hui, les signaux envoyés risquent de briser net l'élan du changement ». Le moins que l'on puisse dire avec ce que l'on entend depuis le début de nos débats, c'est que les signaux sont au rouge.

Dans son film Le Syndrome du Titanic, qui a eu moins de succès que les précédents – et pour cause –, Nicolas Hulot commence à mettre en cause le système, la consommation matérielle dans les pays les plus riches et un ordre social devenu fou.

À cet égard, je veux réagir aux propos tenus tout à l'heure par le dernier orateur de l'UMP, selon lesquels l'écologie est un atout économique. Non, l'écologie n'est pas un atout économique : c'est une obligation, une urgence, si l'on veut que la vie humaine perdure sur Terre au-delà de notre génération !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il s'agit d'une différence fondamentale entre nous : il est question non pas d'un atout économique, mais de la survie de l'espèce humaine sur la planète qui, pour sa part, continuera d'exister comme bien d'autres planètes, toutes dépourvues de vie humaine, et même de vie tout court.

Réduire l'écologie à un atout économique, c'est vraiment démontrer que l'on n'a rien compris, aujourd'hui, à la crise écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

La crise a encore eu bon dos, en permettant au Gouvernement, le Grenelle à peine ratifié, de programmer la construction de nouvelles autoroutes grâce au plan de relance de la croissance.

Soutenus par un certain nombre de parlementaires de droite, appartenant aussi bien à l'UMP qu'au Nouveau Centre, les lobbies industriels ont poursuivi le travail de sape du Grenelle par les amendements qu'ils ont inspirés : baisse du niveau de performance énergétique exigé pour les bâtiments au profit du chauffage électrique et du nucléaire, objet du fameux amendement Ollier ; report de la taxe poids lourd, pour des motifs techniques ; amendements de la commission des affaires économiques et sociales favorables à l'incinération, quand l'idée de départ est la diminution des déchets à la source.

Quant à l'énergie éolienne, l'acharnement déployé contre ce type d'énergie n'est ni plus ni moins qu'un soutien à la filière nucléaire. À ce titre, l'article 34 du projet de loi est caricatural, puisqu'il classe les éoliennes dans la catégorie des installations classées pour la protection de l'environnement, avec des seuils d'autorisations : concentration d'au moins cinq installations et minimum de quinze mégawatts de puissance.

Si les médias annoncent un recul – minime – sur cette question, de nombreuses limites demeureront, notamment l'interdiction d'implanter des machines à moins de 500 mètres de toute habitation, voire de « zones destinées à l'habitation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il est même demandé de provisionner le démantèlement des éoliennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si c'est du bon sens, si cela est normal, je vous demande de faire preuve du même bon sens en matière de nucléaire et d'instaurer l'obligation de provisionner le démantèlement de toutes les centrales nucléaires. Il ne s'agit pas des mêmes sommes ; il ne s'agit pas du même financement. Le jour où vous inscrirez dans la loi l'obligation de provisionner le démantèlement des centrales nucléaires, je pourrai vous suivre sur le provisionnement pour celui des éoliennes.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est déjà dans la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Non, ce n'est pas dans la loi, puisque l'on n'arrive même pas à terminer le démantèlement de la centrale de Brennilis ! Ce premier démantèlement de centrale nucléaire dure pourtant depuis quinze ou vingt ans. Or il faut également fermer la centrale de Fessenheim et commencer son démantèlement. S'il y a une urgence, c'est là qu'elle réside, non dans l'imposition de conditions invraisemblables à l'éolien.

En outre, je le répète, s'il faut respecter les paysages, soumettez les lignes à très haute tension et les pylônes de ces lignes aux mêmes obligations. Imposez aussi les mêmes règles à la publicité. Qu'y a-t-il, en effet, de plus attentatoire au paysage que la publicité ?

Or, dans le Grenelle 2, avec les dispositions que vous introduisez par voie d'amendements, la situation est encore pire. Non seulement la loi de 1979 sur la publicité est très laxiste et n'est même pas toujours respectée, mais en outre vous allez aggraver la situation. Plus question d'atteinte au paysage lorsqu'il est question de publicité ! La publicité ne sert pourtant strictement à rien, sinon à susciter davantage l'envie de consommer des produits qui ne sont pas toujours utiles.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Au contraire, nous réduisons la publicité !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

C'est votre lecture, ce n'est pas la nôtre. Selon nous, les amendements que vous avez déposés visent, finalement, à développer la publicité en zone non construite.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

C'est dans le texte, et c'est bien le problème !

Je remarque aussi que l'article 94 ter prévoit de supprimer la procédure d'enquête publique pour toutes les demandes d'augmentation de rejets radioactifs et chimiques et des prélèvements d'eau des installations nucléaires. Mon collègue Yves Cochet s'est déjà exprimé à ce propos. Je n'y reviendrai donc pas, mais notre lecture est différente de la vôtre : nous maintenons que cela aggravera les rejets sans que soient effectués des contrôles comme c'était le cas jusqu'à présent.

Il faut sortir la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre le changement climatique des logiques capitalistes du marché carbone, des impasses et des fuites en avant technologiques qui nous ont conduits dans le mur.

À cet égard, je tiens à évoquer la voiture électrique à propos de laquelle l'un de nos collègues nous a expliqué que nous devions construire notre indépendance à l'égard des pays producteurs de pétrole et que cela passait par la voiture électrique. Je rappelle cependant que les voitures électriques requièrent des batteries, qui sont fabriquées avec du lithium, et que le lithium n'est produit ni en France ni dans aucun territoire qui dépendrait de la République. Il faut aller le chercher ailleurs. Les batteries ne sont donc pas plus le gage de notre indépendance que le pétrole, à moins que vous ne considériez qu'il est plus facile d'aller piller des pays comme la Bolivie et le Népal que les pays producteurs de pétrole.

Malheureusement pour vous, si la Bolivie s'est historiquement fait piller son plomb ou d'autres minéraux, le gouvernement bolivien n'est actuellement pas disposé à se laisser piller son lithium. De toute façon, la planète ne compte pas suffisamment de lithium pour remplacer tous les véhicules circulant et tous les véhicules à venir. Rappelons que le parc automobile de la Chine croît constamment, et pourquoi refuser aux Chinois d'avoir autant d'automobiles que les Français ?

La voiture électrique n'est donc pas la solution, même s'il peut être intéressant de développer les flottes captives électriques plutôt que les flottes captives à moteur à explosion. Arrêtons donc de fantasmer, comme nous le faisons un peu trop en France, sur « la Solution », avec un « S » majuscule. Cela se termine généralement assez mal. Je me rappelle notamment l'affaire des avions renifleurs et d'autres. Ne cherchons pas la solution miracle qui serait la seule solution : il faut des panels de solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il faut tenir compte des pays producteurs, et nous n'irons piller ni la Bolivie ni le Népal. Arrêtons donc de rêver avec cela !

Le stockage du CO2 est un autre éléphant blanc. Aujourd'hui, nous ne savons pas stocker le CO2et rien ne démontre que nous y parviendrons un jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Le fait qu'il s'agisse d'un engagement du Grenelle ne m'empêche pas de le critiquer, de penser qu'il s'agit d'une erreur.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Cela fait une heure que vous ne dites que du mal du Grenelle !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Mme Billard a le droit d'être contre le Grenelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous en prie, mes chers collègues !

Vous seule, madame Billard, avez la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le ministre d'État, je suis élue. J'ai donc le droit, comme tous les élus de cet hémicycle, de critiquer ce qui me paraît critiquable. Les électeurs m'ont donné ce droit républicain en m'élisant et en me réélisant députée.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

J'en viens à un autre problème.

Sauf erreur de ma part, cet engagement vient de bien plus loin que le Grenelle, il a été pris par la mission contre l'effet de serre de la précédente législature, dont la rapporteure était Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il s'agit de l'étiquetage carbone des produits. Je me souviens que nous avions réalisé un très bon travail dans cette mission, et l'étiquetage carbone était l'une de nos préconisations, adoptée à l'unanimité indépendamment de nos sensibilités politiques. Je regrette que l'on recule sur cet étiquetage, qui est non plus une obligation mais seulement une expérimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si certains l'ont voté en commission, je le regrette, et rien ne m'empêche de le dire. Je pense effectivement que, si nous voulons habituer nos citoyens à modifier leurs modes de consommation, nous devons leur en donner les moyens. Aujourd'hui, les tout petits caractères qu'il faut lire pour essayer de comprendre, entre autres, d'où vient un produit ne le permettent pas.

L'affichage carbone était donc une avancée significative. Sans cela, tout le monde, achetant bio, croit acheter un produit bon pour la santé, ce qui est vrai, et bon pour l'environnement, ce qui n'est pas forcément vrai, par exemple si le produit bio est importé de l'autre bout de la planète, auquel cas acheter un tel produit rend un très mauvais service à la lutte contre le réchauffement climatique. J'espère donc qu'il n'est pas encore trop tard pour avancer sur ce point, et revenir à la version de départ de l'étiquetage carbone.

Sur le volet agricole, nous préconisions également de réduire l'utilisation des pesticides. Leurs effets néfastes sur la santé, dont les agriculteurs sont les premières victimes, le justifient, d'autant que les études épidémiologiques publiées depuis dix ans montrent, dans 88 % des cas, un lien entre pesticides et cancer et, dans 85 % des cas, un lien avec d'autres pathologies, telles que les maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson ou des problèmes de reproduction et de fertilité. De ce point de vue, la Mutuelle sociale agricole, la MSA, fait un très bon travail auprès des agriculteurs, mais il vaut mieux prévenir que guérir.

La France est le premier pays consommateur de pesticides en Europe, le quatrième au niveau international. Rien ne justifie donc que nous ne réduisions pas la quantité des pesticides épandus pour revenir à un niveau bien moindre, d'autant que d'autres pays y sont parvenus, sans que leur agriculture s'effondre pour autant. Je regrette donc également ce recul et j'espère qu'il sera possible, d'ici à la fin du débat, de revenir aux engagements pris dans le Grenelle et précédemment.

Au-delà de ces critiques, que j'ai le droit, monsieur le ministre, de porter, que je revendique même de porter, car c'est aussi en critiquant que l'on fait avancer le travail législatif et que l'on mène les batailles pour obtenir de meilleures lois, je défendrai un certain nombre d'amendements à propos du volet urbanisme de la loi. Je pense effectivement que l'une des priorités, dans la lutte contre le réchauffement climatique, est de lutter contre l'étalement urbain, donc de développer des zones multifonctionnelles qui regroupent habitations, lieux d'emploi, commerces et loisirs pour éviter les déplacements inutiles. De ce point de vue, l'empilement des documents d'urbanisme n'est pas, pour moi, une bonne solution. Au contraire, cela ajoute de la complexité et ne résout rien.

J'insiste également sur la question de la limitation de la publicité. En l'état actuel, le texte permettra effectivement de déployer des bâches publicitaires gigantesques sur les bâtiments en travaux et de légaliser des pratiques comme le micro-affichage, c'est-à-dire ces affichettes apposées sur les vitrines de tous les commerces. Or je ne pense pas que cela s'impose.

Si le Parti de gauche n'a pas soutenu la taxe carbone telle qu'élaborée par le Gouvernement à l'automne dernier, nous n'en restons pas moins favorables à une fiscalité écologique et sociale. Encore faut-il que cette fiscalité soit effectivement juste socialement. Or la taxe carbone, telle que proposée par le Gouvernement, frappait principalement les ménages et sans faire de différence selon les niveaux de revenus.

Nous sommes également favorables à une fiscalité qui prévoie des maxima. Nous considérons en effet que de hauts revenus ne sont pas forcément utiles : ils le sont lorsqu'ils donnent lieu à des investissements, mais l'explosion, ces dernières années, du montant des dividendes n'a pas entraîné une augmentation des investissements. Elle a, au contraire, entraîné beaucoup de gaspillage, beaucoup de consommations inutiles, nuisibles à la planète.

L'énergie la moins chère et la moins polluante reste celle que l'on ne consomme pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

C'est donc bien en premier lieu grâce à des économies d'énergie – induites, par exemple, par l'isolation des bâtiments – et par un surcroît d'efficacité énergétique que l'on sort progressivement du nucléaire et du carbone.

Nous disposons des connaissances, des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers requis pour développer les technologies nécessaires. Il faut donc maintenant avancer sur ces questions, d'autant que c'est dans ces domaines que se trouvent les sources d'emplois durables. D'ailleurs, oui, chers collègues, l'éolien offre plus d'emplois que ce que vous prétendez.

C'est là le principe de la planification écologique qui était l'objet d'une proposition de loi que nous avons défendue récemment. Le Gouvernement l'avait rejetée au motif que les outils nécessaires existeraient déjà. Nous considérons que ce n'est pas le cas. Je défendrai donc à nouveau ce principe en séance.

Pour terminer, si le texte initial du Gouvernement nous laissait quelque peu sur notre faim, le texte de la commission est, pour nous, inacceptable. Nous espérons donc que cette semaine de débat sera l'occasion d'un retour à des dispositions plus raisonnables. Nous sommes d'ailleurs prêts, si nécessaire, à soutenir le Gouvernement contre sa majorité sur un certain nombre de dispositions.

Cependant, en l'état, nous ne voterons pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je m'efforcerai, comme tous ceux qui me succèderont à la tribune, d'être bref, beaucoup ayant déjà été dit. Je tiens cependant à dire quatre choses.

Premier point, je le dis avec force et tranquillité : le diktat de la gauche à notre égard, cela suffit !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cela suffit de la voir vouloir récupérer le Grenelle à son profit en disant que les écolos sont chez elle et pas ailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cela suffit, car à gauche, vous causez alors que, de notre côté, nous agissons, nous prenons les problèmes à bras-le-corps, nous essayons de les résoudre et de progresser, nous avons des débats internes ce qui est très positif et nous le vérifierons plus tard. La tentation de la récupération et la critique systématique qui se paie de surcroît le culot de dire « Monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'État, c'est nous qui sauverons votre Grenelle », cela suffit ! Vous n'avez rien d'autre à dire. Nous, au contraire, nous proposons, nous bâtissons et nous préparons l'avenir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Le deuxième point que je veux évoquer concerne un domaine auquel je porte un grand intérêt et dans lequel j'agis beaucoup, celui des déchets.

Le chapitre du Grenelle 1 sur les déchets était très prometteur. Nous attendions celui du Grenelle 2 et je dois dire qu'il n'est pas dénué d'intérêt. Il propose en effet une série de déclinaisons concrètes qui permettront aux collectivités locales d'assumer pleinement leurs responsabilités.

Je relaie ici ce qu'a dit Françoise Hostalier. Grâce au Grenelle 2 et à son chapitre sur les déchets, nous allons pouvoir démontrer que le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas, avec les importantes précisions qui sont données et qui ouvrent de belles perspectives sur l'élargissement de la responsabilité des producteurs.

Le Grenelle 2 montre aussi que le meilleur déchet est celui que l'on est capable de trier à son domicile pour mieux le valoriser et mieux le recycler. Il démontre encore que le meilleur déchet est celui dont on essaie de tirer le meilleur profit au niveau de la transformation de sa matière organique lorsqu'on peut la prélever, que ce soit au domicile ou grâce aux modes industriels de plus en plus performants. Le meilleur déchet est celui qui produit du bon compost dont l'agriculture a besoin. C'est aussi celui qui propose une valorisation au travers d'un biogaz dont on peut faire du carburant ou du combustible, et que l'on va pouvoir désormais injecter, transformer, utiliser comme énergie propre et renouvelable. Le bon déchet, c'est celui qui va peut-être à son tour, quand tout aura été exploré auparavant, passer à l'incinération, dans les conditions maîtrisées que propose votre projet de loi. Le bon déchet, enfin, est celui qui est réellement ultime lorsqu'il finit dans un centre d'enfouissement technique.

Tout cela n'était pas écrit d'avance, mais se précise et se consolide grâce à votre projet de loi. Je présenterai quelques amendements pour essayer de donner encore plus de liant et de performance au dispositif, mais je tenais à souligner tous ces points.

Le troisième sujet que je veux développer – Mme la secrétaire d'État n'en sera pas surprise – c'est l'ouverture formidable que la loi Grenelle 2 donne à ce que nous allons promouvoir dès 2010 et que nous allons poursuivre dans les années à venir, c'est-à-dire la défense, la promotion et l'illustration de notre biodiversité. Oui, grâce au Grenelle 2, nous allons mieux nous connaître, mieux nous identifier, mieux avancer et mieux progresser sur tous ces sujets. Nous étions fiers de vous recevoir hier, en Seine-et-Marne pour lancer l'opération nationale des atlas de la biodiversité des communes, et ce qui est inscrit dans le Grenelle va dans ce sens.

Pour conclure, je tiens à souligner que les articles relatifs à la responsabilité des élus locaux et des collectivités en général sont extrêmement porteurs. On dit régulièrement que lorsqu'on parle de développement durable, il faut pouvoir penser, réfléchir globalement. Cependant quand on parle de développement durable et que l'on veut passer à la mise en application de ces réflexions, il faut être capable de les décliner et d'agir localement. Grâce à la loi et à tous ces dispositifs, nous allons pouvoir penser, réfléchir et ambitionner globalement et nous allons pouvoir assumer nos responsabilités au plan local. C'est une raison supplémentaire pour la majorité de ne pas être dans les cordes face à l'opposition, mais au combat, d'être des pionniers et de se battre pour le développement durable grâce à la loi Grenelle 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Monsieur le ministre d'État, vous avez parlé à propos des lois Grenelle de « monument législatif », à juste titre. Avec cette loi, nous construisons un nouvel étage, alors que l'édifice a déjà produit de puissants effets avant même d'être achevé.

Cette oeuvre écologique, le Président de la République l'a voulue, annoncée et défendue. Nicolas Sarkozy est le Président le plus écologiste que la République a connu. Cela étant, ses deux prédécesseurs n'étaient pas totalement insensibles à l'écologie.

Votre bilan, monsieur Borloo, et celui de vos secrétaires d'État, qui sont des femmes d'intelligence, fidèles à leurs convictions, est déjà au moins cent fois supérieur à celui de Dominique Voynet ou à celui d'Yves Cochet.

Je comprends la crainte des Verts de laisser capter leurs thèmes de prédilection. Je comprends aussi le dépit des socialistes, toujours écologistes dans l'opposition et productivistes au pouvoir. Nous, nous sommes raisonnablement écologistes dans l'opposition et nous le restons au pouvoir, même si c'est plus difficile de l'être au pouvoir que dans l'opposition. En matière d'écologie, les travaux pratiques sont aussi plus difficiles que la théorie.

Le grand débat du Grenelle a d'abord été une formidable réussite conceptuelle, réconciliant économie et écologie, développement et environnement. Quand le Président de la République conditionne la taxe carbone à l'adoption d'un dispositif européen incluant une taxe aux frontières, dès lors que le Conseil constitutionnel décide de l'appliquer aussi aux industries déjà soumises aux quotas de C02 et exposées à la concurrence mondiale, il est et il reste dans l'esprit du Grenelle. Nous ne devons pas provoquer le transfert massif de nos industries dans des pays moins contraignants. Et l'emploi, et la planète y perdraient.

Dans le consensus comme dans l'adversité, l'exécutif tient le cap du Grenelle. Je le dis librement, comme j'indique aussi que le Parlement représente bien, peut-être trop bien, les contradictions de la société française, contradictions qui s'expriment à travers les amendements parlementaires.

Grâce à vous, grâce à nous, l'éolien a triplé en France et le photovoltaïque, sextuplé. Il faut continuer, même s'il convient d'ajuster. Il fallait des incitations extrêmement fortes pour enclencher le mouvement et, contrairement à certains collègues, je ne les juge pas scandaleuses. Cela étant il n'est pas absurde de les moduler ou de les modérer, une fois le mouvement lancé, pour obtenir le rythme et les modalités souhaitables sur le long terme.

Pour autant, certains amendements, pas tous, sont excessifs. Nous sommes à un tournant et, dans un virage, mieux vaut ralentir doucement que de freiner trop brutalement. Ni les changements de comportement ni l'émergence de nouvelles filières économiques ne peuvent supporter de stop and go.

Je désapprouve certaines restrictions trop fortes ou injustifiées, comme la classification des éoliennes en ICPE – installations classées pour la protection de l'environnement – ou encore le seuil minimum. Les points de vue se rapprochent ; je m'en félicite et j'espère qu'ils se rapprocheront encore au cours de ce débat. Toutefois il ne faut pas tomber dans la caricature. Les commissions n'ont pas retenu les amendements les plus excessifs et ont avancé sur le sujet controversé des éoliennes.

Sur le fond, je crois qu'il faut rapprocher la production de la consommation et privilégier les circuits courts.

Franchement, les lignes à haute tension sont-elles plus belles que les éoliennes ? Il est vrai qu'elles ne mobilisent jamais les retraités d'EDF ou de l'industrie pharmaceutique reconvertis dans la défense sélective des paysages. Contestées pour leur esthétique – c'est subjectif – et pour leur irrégularité – c'est objectif –, les éoliennes sont le maillon faible des énergies renouvelables. Elles sont devenues les victimes expiatoires des écolo-sceptiques qui ont peut-être avalé trop de couleuvres depuis 2002. Les négationnistes du réchauffement climatique et même de l'épuisement des ressources se sont déchaînés ces derniers mois dans les médias et sur internet. Je débattais, il y a un mois, avec l'un d'eux qui m'expliquait que les réserves de pétrole étaient bien plus importantes qu'on ne le pensait : il suffisait de forer plus profond. On voit le résultat aujourd'hui en Louisiane !

Les écolo-sceptiques ont fourni une trop belle occasion aux grenello-sceptiques de ne plus parler que des éoliennes pour faire croire abusivement, avec une parfaite mauvaise foi et même une grande malhonnêteté intellectuelle, à un effondrement du Grenelle. La polémique alimente la chronique et masque le débat de fond. Si j'en juge par les titres de la presse quotidienne de ce matin, l'arbre de l'éolien, devenu arbrisseau, risquerait de cacher la forêt du Grenelle.

Or la révolution du Grenelle est colossale. Elle modifie en profondeur la société française et de façon irréversible. Elle touche le bâtiment, les transports, la consommation, l'urbanisme, la biodiversité, la démocratie locale et l'emploi. L'énergie n'en est qu'un volet, et l'éolien n'est qu'une lame du volet, intéressante, mais bien moins que la biomasse, par exemple.

Ne passons pas à côté de l'essentiel.

Paradoxalement, je n'aurai parlé que du sujet dont on parle, hélas trop, au détriment de tous les autres sujets. Toutefois, en cinq minutes, je ne pouvais pas embrasser ce monument législatif que nous construisons ensemble.

Je pense, comme le rapporteur Serge Grouard, que chaque député qui votera ce texte pourra en tirer une fierté particulière et légitime. Nous serons fiers d'avoir, avec vous, monsieur le ministre d'État, fait oeuvre utile pour les générations futures. Nous aurons légiféré durablement en faisant nôtre la parole de Saint-Exupéry : « Nous n'héritons pas la Terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Favennec

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, vous me permettrez d'orienter plus spécifiquement mon intervention sur la partie énergie de ce Grenelle 2, qui vise à renforcer la planification des énergies renouvelables.

Parmi ces énergies renouvelables, l'éolien tient une place importante, mais il est aujourd'hui contesté au nom de la défense du patrimoine paysager. Certes, il faut préserver nos paysages, mais j'imagine que, dans d'autres pays aussi, ce souci existe et que des solutions ont été trouvées.

L'enjeu écologique est évident : nous devons prendre toutes nos responsabilités pour l'avenir de notre planète et de l'humanité. C'est pourquoi, nous nous sommes engagés à produire, d'ici à 2020, 20 % d'énergie renouvelable. La question que nous devons nous poser est celle de savoir comment y parvenir, si nous ne jouons pas sur toute la gamme.

L'enjeu économique est également très important : allons-nous laisser à d'autres la filière industrielle éolienne, comme nous l'avons déjà fait pour la filière photovoltaïque, alors que nous avons les compétences pour développer cette industrie sur notre territoire ? Par exemple, dans ma région, en pays de la Loire, nous avons, avec les chantiers navals, la maîtrise de compétences en chaudronnerie, en mécanique et en électronique. De plus, l'éolien a déjà permis de créer 10 000 emplois en France, et on peut en espérer 60 000 non délocalisables pour 2020.

Si les éoliennes devaient être soumises au régime des installations classées, avec un seuil de puissance de 15 mégawatts, pour éviter le mitage des paysages, c'est toute la filière éolienne qui serait brutalement freinée en France.

Dans les pays de la Loire, sur trente-neuf projets en développement l'année dernière, deux seulement entreraient dans ces nouveaux critères. L'Ouest de la France est une des régions les plus ventées, mais c'est aussi celle où l'habitat est très diffus ; c'est pourquoi, il est très difficile d'y implanter de grands parcs.

Monsieur le ministre, huit Français sur dix acceptent l'éolien, et vous me permettrez de vous parler quelques instants de mon cher département de la Mayenne. En effet, il vit deux situations parallèles.

D'un côté, au nord-ouest, est mis en oeuvre le projet de ligne à très haute tension, Cotentin-Maine, qui va impacter la beauté des paysages du bocage et dont on ne connaît pas les conséquences réelles pour la santé humaine, mais également pour la faune et la flore, faute d'étude épidémiologique, que nous vous réclamons, monsieur le ministre, depuis des mois et des mois.

Au nord-est de la Mayenne, depuis maintenant deux ans, des zones de développement éolien ont été réalisées et je puis vous assurer qu'elles sont majoritairement bien accueillies par la population et portées avec enthousiasme par l'ensemble des élus. Elles sont, en tout cas, beaucoup mieux accueillies que la ligne à très haute tension, rejetée par la population, par les associations et par une grande majorité des élus, selon des critères objectifs.

Monsieur le ministre, les Mayennais préfèrent voir s'ériger des éoliennes, synonyme de croissance verte, parce qu'il y a des emplois respectueux du développement durable à la clé, et parce que cela témoigne d'un respect de la santé humaine et de la biodiversité, plutôt que de voir des pylônes hideux et des fils à très haute tension au-dessus de leur tête, avec toutes les craintes qu'ils suscitent.

C'est pourquoi je vous demande aujourd'hui solennellement, dans le cadre de cette discussion parlementaire, de ne pas freiner le développement de l'éolien, énergie naturelle d'avenir, mais, au nom du principe de précaution, d'encadrer et de contraindre davantage l'installation de lignes à très haute tension dont les nuisances sont avérées.

J'ai d'ailleurs déposé, avec mes collègues du Calvados et de la Manche, deux amendements qui visent, d'une part, à soumettre au régime des installations classées les lignes à très haute tension et, d'autre part, à contraindre RTE, dont je voudrais ici souligner le profond mépris manifesté à l'égard des populations locales et des élus, à enfouir au moins 30 % des lignes à très haute tension d'ici à 2015.

Par ailleurs, monsieur le ministre, un amendement propose de ne pas installer d'éolienne à moins de 500 mètres d'une habitation. Si je suis favorable à cette mesure, je souhaite qu'elle soit également appliquée aux lignes à très haute tension.

J'ai déposé, il y a quelques mois, une proposition de loi qui va dans ce sens et fixe une distance de sécurité de 300 mètres. Si vous estimez que les éoliennes sont nuisibles pour la population à moins de 500 mètres, il est évident qu'il en est de même pour les lignes à très haute tension. C'est pourquoi je ne doute pas pouvoir compter sur votre sens de l'équité afin qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures.

Pour conclure, monsieur le ministre, permettez-moi d'émettre un voeu : celui de ne pas laisser dépérir cette fibre verte que vous avez su cultiver jusque là, avec un énorme talent, beaucoup de culot, et un vrai volontarisme politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Lamour

Je souhaite aborder le sujet précis de la réduction de l'exposition aux champs électromagnétiques. Ce sujet préoccupe les habitants du 15e arrondissement ainsi qu'un certain nombre d'associations. Avec mon collègue Philippe Goujon, nous avons été régulièrement saisis de ce dossier, et la majorité du 15e arrondissement a émis un voeu à l'adresse du maire de Paris, le 23 mars dernier, pour l'alerter sur l'implantation de nouvelles antennes relais et sur l'augmentation de la puissance d'émission des antennes existantes. Sur ce sujet, qui concerne directement leur vie quotidienne, nos concitoyens sont moins inquiets qu'ils ne demandent des explications. Ils veulent s'assurer que les pouvoirs publics et les élus veillent bien constamment à la qualité de leur environnement.

Notre majorité a montré, lors du Grenelle 1, qu'elle plaçait ce dossier au premier plan de ses préoccupations politiques et elle le montre à nouveau aujourd'hui avec le Grenelle 2.

Entre ces deux textes, en mai 2009, un « Grenelle des ondes », a permis de mettre tous les acteurs du secteur autour de la table. Il a débouché sur la mise en place par Mme la secrétaire d'État, dès le mois suivant, d'un comité opérationnel chargé d'expérimenter la réduction de l'exposition aux champs électromagnétiques, qui est présidé par notre collègue François Brottes.

Ainsi 238 communes et intercommunalités se sont portées candidates pour cette expérimentation. Le 15e arrondissement l'a été et ce n'est pas un hasard. Philippe Goujon et moi-même tenons en effet à ce que l'arrondissement dont nous sommes élus soit en pointe dans le domaine de la protection de l'environnement, et que la qualité de vie ne cesse de s'y améliorer. Et si cette candidature a été retenue, ce n'est pas un hasard non plus : le 15e arrondissement, qui est presque une ville dans la ville, tant par sa taille que par sa diversité, était tout indiqué pour être sélectionné par le comité opérationnel parmi les 17 communes retenues.

Le 3 février dernier, lors de l'examen en commission, Bertrand Pancher, rapporteur pour cette partie du Grenelle, avait déposé un amendement visant à contraindre tout exploitant d'un réseau de communications électroniques à prendre les mesures propres à limiter l'exposition des personnes au champ électromagnétique émis par l'équipement ou l'installation au niveau le plus faible possible, compte tenu des meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Mme la secrétaire d'Etat avait approuvé l'idée qui sous-tendait cet amendement, mais en suggérant que les expérimentations soient menées jusqu'à leur terme avant de légiférer sur ce point. C'était une position de bon sens. L'expérimentation se poursuit aujourd'hui et peut-être pourra-t-elle nous dire où en sont les tests.

Dans cette attente, l'article 72 de ce projet de loi comporte des avancées concrètes. Je pense notamment à la modification de l'article L. 34-9-1 du code des postes et communications électroniques, qui dispose que les mesures des champs électromagnétiques seront transmises à l'Agence nationale des fréquences et à l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, et mises à la disposition du public. Ce dernier point me paraît particulièrement important pour assurer cette transparence que demandent beaucoup de nos concitoyens.

Vous l'aurez compris, chers collègues, je suis satisfait que le texte qui nous occupe apporte un certain nombre de réponses aux questions que nous nous posons et contribue à nourrir encore cette réflexion que réclament les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

■ Ce projet de loi propose la déclinaison pratique des objectifs fixés dans la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Je tiens à souligner la volonté politique du Président de la République et du Gouvernement de placer le développement durable au coeur des débats parlementaires. En vérité, un tel débat est sans précédent et il convient donc de rendre à la majorité, ce qui appartient à majorité.

Ce projet de loi portant engagement en faveur de l'environnement n'est pas un texte de plus mais bien un véritable projet dont les apports sont essentiels dans les domaines suivants : l'amélioration énergétique des bâtiments et l'harmonisation des outils de planification ; le développement des infrastructures alternatives à la route ; la réduction des consommations d'énergie ; la préservation de la biodiversité ; la maîtrise des risques, le traitement des déchets et la préservation de la santé ; la mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance écologique.

Étant donné l'importance de ces mesures, je souhaite que le débat ne se focalise pas exclusivement sur l'énergie éolienne, comme le font les médias depuis quelques jours. Sans du tout laisser cette question de côté, portons notre attention sur l'ensemble du texte et ses avancées.

Si vous me permettez, je souhaite que le débat sur les éoliennes ne pollue pas outre mesure le projet de loi portant engagement national pour l'environnement dont les enjeux sont considérables, et je souhaite que nos débats soient riches et constructifs avec pour objectif le respect du principe de développement durable. Si j'insiste sur ce principe, c'est qu'il est, en de nombreuses reprises, dévoyé.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de pratiques culturales agricoles ou viticoles qui ont permis une nette diminution de l'emploi de produits phytosanitaires.

Certes, les efforts en la matière doivent être poursuivis. mais nombre d'agriculteurs et de viticulteurs se sont engagés dans des pratiques de cultures raisonnées. On veut imposer une réduction de 50 % des produits phytosanitaires, soit ! Néanmoins il convient de tenir compte des efforts déjà réalisés en la matière. J'espère qu'au cours de ce débat nous aurons l'occasion, monsieur le ministre, de clarifier ce point car les agriculteurs et les viticulteurs sont soucieux à ce propos.

D'ailleurs, si les agriculteurs utilisent des produits phytosanitaires, c'est souvent pour préserver leurs récoltes de maladies. Si vous me permettez ce parallèle, nous ne demandons pas aux Français de réduire aussi drastiquement leur consommation de médicaments alors même que nous sommes l'un des pays au monde qui en consomme le plus, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Ne stigmatisons donc pas les agriculteurs quand l'ensemble de la population n'est pas en mesure de limiter sa consommation de médicaments. Plaçons ce débat sous le signe du développement durable.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Heinrich

Le projet de loi Grenelle 2 vise à mettre en oeuvre les outils nécessaires pour atteindre les objectifs fixés dans le Grenelle 1.

En identifiant clairement les responsabilités de chacun –collectivités, entreprises, particuliers – dans les chantiers majeurs qui sont à l'étude, ce nouveau volet législatif doit permettre une parfaite coordination de toutes les interventions en faveur de notre environnement, chacun prenant ses responsabilités dans son domaine de compétence. Il contribuera ainsi, grâce à son volet territorial, à la mise en oeuvre rapide de nouvelles actions pour la protection de notre environnement.

La qualité des objectifs et des mesures du Grenelle 2, qui est incontestable, est due la qualité du travail entrepris ces derniers mois, à la forte implication des parlementaires et à la capacité d'écoute des ministres concernés.

Dès le vote de cette loi, il nous appartiendra à tous, notamment aux élus locaux, d'appliquer au plus vite les mesures territoriales en définissant rapidement les objectifs de chaque territoire, par les schémas régionaux et les plans climat ; en élaborant les documents d'urbanisme des collectivités, SCOT et PLU ; en veillant à améliorer l'efficacité énergétique des services publics locaux, après l'élaboration des plans d'actions « Patrimoine et compétences », et en sensibilisant ou accompagnant leurs administrés et les entreprises dans des actions similaires.

L'enjeu prioritaire, clairement défini par le chantier n° 1, concerne incontestablement les bâtiments tant pour les nouvelles constructions « basse consommation » que pour l'amélioration de l'efficacité énergétique du parc actuel. Les objectifs du Grenelle 2 en la matière sont clairement définis et les outils pour leur mise en oeuvre parfaitement adaptés.

Dans ce domaine, je pense que nous pourrions également répondre à deux objectifs économiques. Le premier consiste à accompagner les démarches innovantes d'écomatériaux et d'écoconstruction pour atteindre des coûts proches, voire inférieurs, aux coûts de construction actuels. Le second est de créer de nouvelles activités dans ces domaines sur nos territoires avec de réelles possibilités d'exporter ensuite notre savoir-faire.

Les pouvoirs publics, les collectivités ou les grandes entreprises ont déjà commencé à prendre en compte au quotidien la problématique du développement durable, malgré les charges financières. Cependant ce dernier aspect retient encore le grand public de s'engager dans ce type de démarche.

Dans certains domaines comme les énergies renouvelables des dispositifs de chauffage par utilisation de la biomasse permettent de réduire de 20 % à 30 % le coût pour l'usager. L'application du Grenelle 2 ne pourrait être que facilitée si nous arrivions à développer des nouveaux bâtiments à basse consommation ou des techniques d'isolation avec des écomatériaux à des prix similaires aux techniques classiques de construction. On croit, parfois à tort, que les écomatériaux coûtent 20 à 30 % plus cher. Se débarrasser de cette image susciterait un engouement immédiat des particuliers ou des entreprises pour ce type de construction.

Autour du principal centre de recherche en la matière, le campus Fibres d'Épinal, différentes sociétés travaillent depuis plusieurs mois sur cette problématique. De premiers projets industriels ont vu le jour, telle l'ouverture récente de la plus importante unité en Europe de ouate de cellulose et d'autres pourraient se développer rapidement notamment si le centre scientifique et technique du bâtiment revoyait les modalités de délivrance de ses avis, qui sont un réel frein à l'innovation dans la construction.

Des réseaux d'entreprises sont également en train de se constituer pour développer une démarche industrielle en matière d'écoconstruction, avec comme objectif de réduire les coûts de construction et de permettre ainsi à tout propriétaire, notamment pour le logement social, de construire des bâtiments à basse consommation, voire passifs, à des prix compétitifs. Je pense que l'objectif de la maison basse consommation à 100 000 euros pourra être rapidement atteint.

Pour cela, nous nous devons d'accompagner ces projets industriels et favoriser le travail en commun des acteurs à l'image de l'action que mène judicieusement la DATAR pour encourager la constitution de grappes d'entreprises.

Ce type de démarche, associée à l'objectif de répondre aux priorités du Grenelle, peut également permettre à des sociétés françaises d'innover et de développer un réel savoir dans les domaines des écomatériaux et de l'écoconstruction, où malheureusement nous sommes encore contraints d'importer de pays voisins ou lointains des produits dont le bilan carbone est élevé.

Par une politique forte en matière d'innovation, le Grenelle 2 doit donc être un vecteur de développement économique dans de nouvelles activités mais également de structuration et de développement de filières en amont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Mathis

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, je souhaite insister sur la question du financement des raccordements au réseau de distribution publique d'électricité.

En effet, ERDF applique désormais un dispositif de financement des raccordements fondé sur la mise en cohérence des dispositions de la loi de février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité avec celles des lois dites « Solidarité et renouvellement urbains » de décembre 2000 et « Urbanisme et habitat » de juillet 2003.

Sur le territoire des communes urbaines, ce dispositif remplace le système forfaitaire des « tickets ». Il conduit à opérer un transfert des coûts liés aux travaux de renforcement aux dépens des finances de nos collectivités.

En effet, la loi du 10 février 2000 sur l'électricité qui définit les modalités financières de raccordement des consommateurs et des producteurs aux réseaux électriques prévoit, d'une part, la prise en charge d'une partie des coûts de raccordements par les TURPE, les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité et, d'autre part, que la part des coûts de branchement et d'extension non couverte par ces tarifs peut faire l'objet d'une contribution versée au maître d'ouvrage des travaux. A contrario, dans la majorité des cas, les coûts des travaux de renforcement sont couverts par le TURPE et ne doivent, par conséquent, faire l'objet d'aucune facturation.

La loi de 2000 désigne la collectivité compétente pour percevoir les participations d'urbanisme comme étant celle qui est appelée à acquitter cette contribution « lorsque l'extension de ces réseaux est destinée à satisfaire les besoins d'une opération de construction ou d'aménagement autorisée en application du code de l'urbanisme ». Le législateur n'a donc pas souhaité inclure les travaux de renforcement dans l'assiette de la dite contribution, à la différence des travaux d'extension, et seulement pour une partie de leurs coûts.

Par ailleurs, l'opération de raccordement est définie par la loi comme recouvrant la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement de réseaux existants.

Alors même que la volonté du législateur a bien été de distinguer clairement les notions d'extension et de renforcement, le décret du 28 août 2007 définit la notion d'extension par référence à des ouvrages « créés en remplacement d'ouvrages existants dans le domaine de la tension supérieure », incluant du même coup à tort les renforcements. Or cette définition a pour effet d'alourdir les charges qui pèsent sur le budget des communes ou des EPCI concernés.

La situation des acteurs locaux les conduit à facturer à deux reprises les coûts de renforcement : une première fois, via le tarif d'acheminement que tout usager acquitte à travers sa facture d'électricité et, une seconde fois, via le budget de la collectivité ou les deniers du pétitionnaire au titre de la contribution aux coûts des travaux.

Un tel régime de facturations, et les transferts de charges inclus qu'il entraîne, est de nature à grever les finances des collectivités locales déjà soumises à de rudes épreuves, et à nuire au secteur de la construction perturbé par la crise du crédit. C'est pourquoi j'ai alerté M. le ministre d'État, ministre de l'écologie sur cette situation en janvier 2009 à l'occasion d'une question orale sans débat. Il m'avait alors été répondu qu'un groupe de travail serait réuni afin de dégager une solution consensuelle dans les meilleurs délais pour répondre aux questions suscitées par la délimitation précise de ce qui relève de l'extension et du renforcement. Ce groupe de travail devait aussi s'intéresser à l'affectation des charges pour les deux types d'opérations.

Le paragraphe I AB de l'article 25 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, adopté par le Sénat, a précisé les conditions de financement de certaines opérations liées au raccordement en prévoyant que les coûts de remplacement ou d'adaptation d'ouvrages existants afin d'en éviter le renforcement sont couverts par le TURPE. La rédaction issue des travaux de la commission des affaires économiques prévoit de déplacer les précisions apportées par le Sénat à l'article 18 de la loi du 10 février 2000, et de revenir sur la rédaction de certaines parties de ce paragraphe pour en corriger les imprécisions.

Toutefois, si la nouvelle rédaction proposée dans cet amendement apporte d'utiles compléments, elle laisse subsister une zone d'ombre. Elle prévoit en effet d'exclure de la contribution susvisée les coûts de remplacement ou d'adaptation d'ouvrages existants ou la création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d'en éviter le renforcement rendu nécessaire par le raccordement en basse tension, mais sans préciser comment ces coûts sont financés. J'ai donc déposé un amendement qui a pour objet de clarifier ce point fondamental en précisant explicitement que la couverture de ces coûts est assurée par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

Par ailleurs, cette nouvelle rédaction, en définissant les opérations ne donnant pas lieu à facturation aux collectivités, substitue à la notion d'ouvrages celle de canalisation qui s'avère plus restrictive en conduisant à facturer aux collectivités des coûts de postes de transformation qui ne l'étaient pas antérieurement.

Il est donc proposé de prévoir de rétablir le principe de non-facturation des coûts de remplacement ou d'adaptation d'ouvrages existants, ou la création d'ouvrages en parallèle à des ouvrages existants.

Merci de m'avoir écouté et, j'espère, entendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous entrons enfin dans le vif du sujet en nous apprêtant à fournir les instruments indispensables à la garantie de la préservation de notre environnement dans de nombreux secteurs d'activité.

Toutefois, l'engouement suscité par le Grenelle ainsi que la nécessité, ô combien urgente et fondamentale, de changer nos comportements en vue d'assurer un avenir durable à nos enfants, ne doivent pas nous faire perdre de vue notre rôle auprès de nos concitoyens pour que soient respectés l'aspect humain et la qualité de la vie dans nos villes.

Je souhaite plus particulièrement insister sur le nouveau projet d'urbanisme que nous devons inventer aujourd'hui.

Vivre dans une ville est souvent vécu comme une contrainte. On pense aux embouteillages, à la pollution, au stress. Or l'urbanisme nouveau que nous sommes en train de dessiner se doit de concilier les critères environnementaux avec les critères économiques et sociaux au regard de la qualité de la vie qui doit constituer le coeur de ce projet.

La maîtrise de l'énergie et les émissions de C02 doivent impérativement être pensées à l'aune du mode de vie des habitants. Dès lors, la densification de la population dans une perspective d'économie d'espace ne doit pas condamner les villes à des concentrations excessives car les citadins ont besoin d'espace pour vivre mieux.

Ville dense et ville verdoyante ne sont pas des notions contradictoires. Ainsi, le réchauffement climatique et ses impacts doivent entraîner l'intégration de la nature pour favoriser la captation du carbone car la végétalisation participe aussi au rafraîchissement de l'espace urbain. C'est pourquoi je propose que soit établi, lors de chaque construction, un bilan de l'espace vert détruit qui doit être reconstitué par des plantations. Toute opération d'urbanisation doit être compensée par la valorisation des espaces végétaux. En conséquence, je défends le principe des éco-cités et l'importance de la valorisation d'espaces verts dignes de ce nom, afin de privilégier la qualité de vie des citadins et le rafraîchissement des villes.

À l'heure où certaines communes se trouvent régulièrement déclarées en état de sécheresse, toutes ces dispositions, qui préfigurent la ville de demain, sont à prendre en compte dès maintenant afin d'anticiper le changement climatique.

J'avais déposé à ce sujet une proposition de loi avec Patrick Baudouin et plusieurs de mes collègues concernant la récupération des eaux pluviales. Je regrette que ce projet de loi ne prenne pas plus en considération la préservation de cette ressource naturelle. Pourtant le crédit d'impôt, en matière de récupération d'eau de pluie, institué en 2007 en direction des particuliers a démontré l'attachement de nos concitoyens à participer à la maîtrise de la ressource. Cette mesure simple a aussi généré une véritable économie et une valeur ajoutée incontestable ainsi que la création d'un grand nombre d'emplois.

À ce titre, nous aimerions aller beaucoup plus loin et, à l'image de nos voisins européens et de certaines de nos collectivités pionnière en la matière, favoriser l'installation, dans tous les bâtiments d'équipement public à construire, d'un dispositif de collecte, de traitement et de distribution des eaux de pluie. Nous déposerons un amendement en ce sens qui viendra rejoindre les dispositifs relatifs aux bâtiments.

Dans la dynamique de ce texte qui situe la France à la pointe des pays en matière de législation environnementale, faisons en sorte, en tant qu'élus, de montrer l'exemple en privilégiant les pratiques durables. Il est en effet du devoir de l'État d'initier une démarche éco-citoyenne de récupération d'eau, comme il le fait en matière de consommation d'énergie. Ainsi, nous ferons prendre conscience à tous de l'évolution indispensable à la préservation de l'environnement.

Mes chers collègues, nous devons continuer à animer l'esprit précurseur du Grenelle qui a fait consensus en début de législature. La prise de conscience de nos concitoyens de l'urgence environnementale nous montre bien que nous sommes dans le ton. Pour une fois le politique est en avance sur les professionnels, et les mentalités changent car nous avons su imprimer une dynamique de départ.

C'est pourquoi je soutiendrai avec vigueur ce texte dont la portée, j'en suis convaincue, sera déterminante pour le quotidien de millions de Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mesdames les secrétaires d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi dit Grenelle 2 est totalement empreint d'une volonté politique générant la rupture dans la cohérence.

La volonté politique patente constitue une réponse pragmatique à ceux qui pensent que l'écologie est en situation d'échec dans notre pays en s'appuyant notamment sur les conclusions du sommet de Copenhague et sur les aléas de la taxe carbone.

Cependant, de fait, lorsque les représentants de 130 pays sont réunis pour échanger sur les questions d'environnement, on ne peut pas parler d'échec. Au fond, ce sommet de Copenhague, pour lequel vous avez beaucoup donné de votre personne, monsieur le ministre d'État, a été une réussite car il constitue une plateforme qui influencera tous les pays dans leur politique de préservation de notre planète. La prise de conscience est désormais mondiale, même si les déclinaisons seront conditionnées par des contingences nationales.

Ce projet de loi marque la volonté politique de s'engager dans une démarche écologique raisonnée avec deux corollaires immédiats : participer a la préservation environnementale de notre planète, et poser les bases d'une croissance durable.

La volonté politique, c'est aussi ne pas avoir sacrifié à une certaine idéologie et d'avoir évité que ce texte soit l'otage d'un quelconque marketing électoraliste, car il s'agit avant tout d'un projet d'économie appliquée et de bon sens. En effet, qui peut se satisfaire que 85 % de la consommation énergétique mondiale proviennent des énergies fossiles ? Qui peut se satisfaire que la croissance mondiale des consommations, pour inéluctable qu'elle paraisse – 1,6 milliard d'habitants n'ont pas encore accès à l'électricité –, ne soit pas maîtrisée, pas plus d'ailleurs que, dans ce cadre, l'évolution de l'intensité énergétique ?

À l'évidence, la concrétisation de nos objectifs en matière d'émission de C02 et de maîtrise de l'énergie nécessitait d'engager une véritable politique de rupture, notamment dans le secteur du bâtiment et des transports.

Chacun le sait, le secteur du bâtiment, le plus gros consommateur d'énergie en France, génère chaque année 123 millions de tonnes de C02, soit 23 % de nos émissions totales. Une réduction drastique des consommations énergétiques est donc indispensable, non seulement pour diminuer les émissions de gaz carbonique, mais également pour réduire durablement la facture annuelle des ménages, soit 900 euros en moyenne.

La généralisation des bâtiments basse consommation, l'extension du diagnostic de performance énergétique à tous les contrats de location et l'exemplarité de l'État dans la gestion énergétique de son propre parc participeront à la concrétisation des objectifs ambitieux de réduction de 38 % des consommations d'énergie dans les bâtiments existants à l'horizon 2020. Dans ce cadre, les nouvelles règles en matière d'urbanisme, notamment le rôle pivot du SCOT, et la facilitation de l'installation des énergies renouvelables constituent également des éléments qui contribueront à la réalisation de ces objectifs.

S'agissant du transport, le deuxième secteur le plus énergivore de notre économie, une politique courageuse de rupture s'impose si nous voulons effectivement réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur. La volonté de mettre un terme au « tout routier » pour le transport des marchandises relève du bon sens. À cet égard, le développement des autoroutes de la mer et des autoroutes ferroviaires – longtemps envisagées, mais jamais réalisées – constituera un marqueur du Grenelle. Par ailleurs, le transport des voyageurs n'est pas oublié, puisque le texte prévoit un soutien marqué de l'État aux transports urbains en site propre ainsi que le développement des lignes à grande vitesse et qu'il encourage véritablement les dispositifs de recharge des véhicules électriques ou hybrides.

En ce qui concerne l'énergie, défi que nous aurons à relever au cours de la prochaine décennie pour disposer d'une énergie propre et compétitive et d'un approvisionnement sécurisé, il est évident que la plus intelligente est celle que l'on ne consomme pas. Dans cet esprit, les certificats d'économie d'énergie notamment et les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie apporteront une contribution certaine.

Le « mix » énergétique dont notre pays a besoin n'est pas comparable à celui de nos voisins européens, eu égard à la place que tient le nucléaire dans la production d'électricité nationale. De ce point de vue, il est judicieux de prendre les dispositions nécessaires pour permettre aux énergies renouvelables de contribuer significativement à la couverture de nos besoins énergétiques, en s'inscrivant dans une logique d'intérêt général qui intègre tous les aspects économiques, environnementaux et sociaux.

Au reste, il paraît souhaitable que le Parlement soit consulté après avis de la CRE ; cela fera d'ailleurs l'objet d'un amendement. Les performances de l'éolien terrestre sont désormais connues. Pour favoriser le développement de cette énergie, il paraît nécessaire de préciser la législation, notamment avec la création et l'encadrement des zones de développement éolien. Quant à l'énergie photovoltaïque, elle permettra de produire une énergie décentralisée. Encore faut-il que celle-ci ne vienne pas alourdir sensiblement les charges de CSPE.

Ce texte est un véritable monument législatif, puisqu'il traite également de la biodiversité, ainsi que – et c'est peut-être le plus important – de la mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance écologique, qui placera la concertation en amont des projets. Celle-ci est essentielle pour leur acceptabilité sociale, sans laquelle les outils proposés seront toujours soumis à contestation, alors que ce texte porte le message d'une écologie positive, qui générera investissement et emplois, tout en participant à la réduction du coût de la vie.

Puissent les débats parlementaires enrichir à nouveau le projet de loi afin qu'il recueille, sur ces bancs, le même consensus que son petit frère, le Grenelle 1. Notre pays serait ainsi doté d'un outil remarquable, qui conjuguerait, dans la cohérence et la performance, espace, transport, habitat, urbanisme et consommation, couronnant ainsi un remarquable travail, pour lequel je me permets, monsieur le ministre, de vous adresser, ainsi qu'à vos collaborateurs, aux présidents des commissions et aux rapporteurs, toutes mes félicitations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Fabienne Labrette-Ménager, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Labrette-Ménager

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, consciente des enjeux liés aux évolutions importantes de notre société, cette assemblée avait voté à la quasi unanimité la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Aujourd'hui, nous devons poursuivre la mutation engagée. Ainsi ce texte constitue une sorte de boite à outils en vue de l'application et de la territorialisation de la loi Grenelle 1.

L'un des chantiers qui y sont abordés a plus particulièrement retenu mon attention, celui de la mise en oeuvre d'une gestion durable des déchets.

Après l'examen du projet de loi par nos collègues sénateurs, les articles traitant des déchets sont désormais au nombre de vingt-trois et certains des articles du texte initial, notamment l'article 78, ont été profondément modifiés. Ces modifications ont principalement porté sur la planification et sur les filières de responsabilité élargie du producteur, la REP.

Le Conseil national des déchets, qui j'ai l'honneur de présider, s'est réuni pour débattre du projet de loi. Il ressort de ses travaux que certains articles font consensus. Ainsi, les deux articles relatifs aux déchets du BTP n'ont suscité aucune remarque du CND ; ils n'ont d'ailleurs fait l'objet d'aucun amendement parlementaire.

Les articles 77, relatif au diagnostic avant démolition ou réhabilitation des bâtiments, et 79, relatif aux plans départementaux de gestion des déchets de BTP, constituent des avancées importantes dans la gestion de ces flux considérables de déchets.

L'article 80, relatif à l'obligation, pour les gros producteurs de déchets fermentescibles, de mettre en place leur tri en vue de leur valorisation, est très consensuel, de même que les articles 74, portant sur la mise en place d'une filière REP pour les déchets d'activités de soins à risques infectieux perforants des patients en auto-traitement, et 77 bis, relatif aux modalités de reprise des déchets d'équipements électriques et électroniques ménagers collectés par les distributeurs.

En revanche, d'autres dispositions font toujours débat. À cet égard, les positions divergentes exprimées au sein du Conseil national des déchets doivent éclairer d'éventuelles évolutions du texte. C'est ainsi, d'ailleurs, que la commission du développement durable a amendé l'article relatif à la filière REP sur les déchets diffus spécifiques des ménages, qui soulevait notamment des questions quant au réalisme du calendrier de sa mise en oeuvre.

L'article concernant le suremballage dans les magasins donne également lieu à des lectures différentes s'agissant de l'implication de la distribution, dont les modalités de mise en oeuvre semblent difficiles. Déjà modifié en commission, cet article justifie, à mon sens, un nouvel amendement, que je vous proposerai en séance publique, afin de soumettre la mise en place des points de récupération des emballages en magasin à une expérimentation préalable.

L'article 78, qui avait déjà été largement amendé au Sénat, suscite toujours des discussions. Outre la nécessaire révision des plans, il aborde les questions liées à la prévention, au principe de proximité et de dimensionnement des installations. Il faudra veiller à la cohérence et à la lisibilité du texte final, après l'examen des amendements proposés.

Globalement, le chapitre ayant trait aux déchets doit être remis en perspective avec l'ensemble des engagements du Grenelle relatifs aux déchets et la DCE que nous devrons transposer en droit français cette année. On relève ainsi des mesures dont l'application concrète doit encore aboutir. Je pense à la mise en oeuvre des nouvelles filières REP selon un calendrier réaliste, à la signature de la « charte débouchés des composts » – le texte finalisé tel qu'il a été présenté au groupe du Conseil national des déchets relatif aux biodéchets ne faisant pas encore l'unanimité – et à la mise en place de la tarification incitative, qui fait l'objet de l'article 78 bis AA : celui-ci introduit une expérimentation sur une TEOM à part variable, mais le dispositif paraît peu opérationnel.

Comme vous le constatez, les deux chambres ont très largement contribué à faire évoluer et à compléter le texte initial, notamment son volet relatif aux déchets. Il s'agit d'un sujet majeur, car ce secteur de notre économie va générer des milliers d'emplois dans les prochaines années. Je tiens d'ailleurs à remercier tout particulièrement Chantal Jouanno, pour son implication et son sens de l'écoute à l'égard des propositions faites par la représentation nationale, qui ont permis de parvenir à un texte ambitieux.

S'agissant des mesures relatives aux autres objectifs du Grenelle, je souhaite, ainsi que j'en avais émis le voeu à travers certains amendements, que soient renforcées les mesures en faveur de la préservation de notre environnement et des forêts, notamment en imposant, dès 2011, l'impression de tous les manuels scolaires sur du papier recyclé. De même, je désire une véritable réglementation des transactions portant sur les déchets ferreux, afin que des mesures plus strictes viennent limiter les trafics liés au vol de métaux dans les entreprises ou sur les chantiers. Ce sera, là encore, l'objet d'un amendement que je vous soumettrai en séance.

Monsieur le ministre d'État, conformément aux engagements pris par le Président de la République, vous nous soumettez aujourd'hui un projet abouti, qui couvre largement les thèmes abordés par le Grenelle 1, en déclinant, secteur par secteur, les objectifs voulus par cette assemblée à la quasi unanimité. Je ne doute pas que vous saurez à nouveau convaincre la très grande majorité des députés de voter ce texte, au-delà des clivages habituels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi portant engagement national pour l'environnement.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 5 mai 2010, à deux heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma