Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu, en application de l'article 13 de la Constitution, M. François Jacq, président-directeur général de Météo-France, dont le renouvellement du mandat est envisagé par le Président de la République.
En application de l'article 13 de la Constitution, nous auditionnons aujourd'hui M. François Jacq, président-directeur général de Météo-France, dont le renouvellement du mandat est envisagé par le Président de la République.
Lors de son audition du 2 mars 2011, M. Jacq avait eu l'occasion d'apporter de nombreuses précisions quant au fonctionnement de Météo-France. Je lui propose, aujourd'hui, de faire part des perspectives de développement de cet établissement public à caractère administratif (EPA).
À la suite de cette audition, nous voterons à bulletin secret avec appel nominal à la tribune puis nous procéderons au dépouillement.
J'ajoute que M. Jacq sera auditionné au Sénat cet après-midi à 15 heures.
Lors de mon arrivée, en 2009, l'état des lieux au sein de Météo-France était contrasté. Si l'établissement était indubitablement un service météorologique reconnu sur le plan international dont la compétence et l'engagement des personnels étaient salués, il comportait toutefois quelques faiblesses : des infrastructures de base vieillissantes ; une organisation souvent complexe laissant assez peu de place à une culture de projets ; enfin, un climat social parfois tendu car marqué par les évolutions d'organisation.
S'agissant de la période 2009-2011, j'établirai le bilan suivant au regard des finalités de l'établissement.
Tout d'abord, en ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens, nous comptons un certain nombre d'acquis. Le système de vigilance météorologique, institué après les tempêtes de 1999, a atteint une maturité significative : il est aujourd'hui bien connu de la population. Les taux de non détection ou de fausses alarmes ont régulièrement diminué.
La « vigilance vagues submersion », mise en place au mois d'octobre 2011 et qui a bénéficié du retour d'expérience lié à la tempête Xynthia, a déjà eu l'occasion de fonctionner, de même que les « avertissements pluies intenses » instaurés à la suite des événements dans le Var au mois de juin 2010.
Par ailleurs, dans le cadre de l'accident de Fukushima, nous avons fourni à l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) la base de nos modèles de dispersion des polluants radioactifs.
En ce qui concerne le domaine aéronautique, le travail de Météo-France s'est inscrit dans le cadre du ciel unique européen – nous avons veillé, en particulier, à rationaliser nos forces et à les coordonner. Depuis le mois de septembre 2011, les missions de veille météorologique pour les trajectoires d'avions sont concentrées à Toulouse, ce qui a favorisé une meilleure interaction avec nos partenaires européens.
Le programme SESAR, qui prépare la gestion du ciel unique européen, est quant à lui issu du consortium formé par plusieurs services météo. Nous sommes en l'occurrence les fers de lance dans certains domaines – je songe à l'optimisation des trajectoires d'avions pour laquelle nous avons gagné l'appel d'offres et obtenu le contrat.
Nous avons également apporté un appui technique à la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans la gestion de la crise des cendres d'origine volcanique.
Enfin, un certain nombre de progrès, parfois spectaculaires, ont été accomplis. Les modèles de prévisions météorologiques conçus, développés et améliorés par Météo-France font que nous nous situons parmi les meilleurs au monde. En termes d'indicateurs, en particulier, ces progrès sont tout à fait quantifiables et mesurables.
En ce qui concerne maintenant le domaine climatique, nous sommes avec l'Institut Simon Laplace des sciences de l'environnement (IPSL) de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelynes le seul groupe français capable de réaliser des simulations – que nous étudions dans le cadre de la préparation du cinquième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Météo-France a aussi élaboré un certain nombre de scénarii en préparant le plan national d'adaptation au changement climatique : un travail important a été engagé pour la reprise et la sauvegarde de données climatiques anciennes.
Nous nous préparons également à une réorganisation territoriale, puisque le nombre de nos implantations passera de 108 à 55 entre 2012 et 2016. Un projet d'accompagnement du personnel a été mis en place afin de gérer cette transition. L'organisation de la prévision a été simplifiée en passant de trois à deux niveaux.
Très attachés à la diffusion et à la mise à disposition de l'information, nous avons ouvert en 2010 un portail Internet de diffusions des données produites dans le cadre de notre mission d'État. Selon les cas de figure, les internautes y accèdent gratuitement ou moyennant finance. Nous travaillons aussi à la diffusion des informations auprès de la jeunesse grâce au projet « Météo à l'école ». Nous collaborons, dans un premier temps, avec les académies d'Île-de-France ; nous généraliserons ensuite cette opération sur l'ensemble du territoire national.
Sur un plan commercial, après le palier de 2008-2009, nous avons constaté une reprise puis nous sommes parvenus à maintenir une activité relativement soutenue.
S'agissant de la gestion administrative et financière, la première certification des comptes de l'EPA, en 2010, a attesté de la rigueur de notre gestion. Le rapport de la Cour des comptes dont nous avons fait l'objet a été plutôt positif. Il prend acte des efforts consentis pour rationaliser notre gestion et améliorer la qualité de notre service.
Certains projets demeurent « au milieu du gué ».
En 2011, notre principal travail fut la préparation d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) avec l'État pour la période 2012-2016. Si une vision stratégique a maintenant été définie, il conviendra de l'incarner. De la même manière, nous avons accentué nos efforts en faveur d'une gestion plus rigoureuse des effectifs, des moyens et des dépenses courantes, mais ce travail devra se poursuivre.
Nous avons également consolidé notre positionnement international en nous impliquant au sein de diverses structures européennes ou mondiales. Notre filiale Météo-France international a ainsi remporté un contrat de 30 millions d'euros en Indonésie afin d'y rebâtir le service météorologique. Nous devrons toutefois travailler à pérenniser cette situation qui demeure fragile face à des concurrents importants qui tendent à s'affirmer.
Enfin, nous avons amélioré notre culture de projets en nous montrant plus rigoureux dans la spécification des besoins, la robustesse des choix techniques et la gestion des projets. Mais, là encore, tout n'est pas définitivement acquis.
Nos priorités, pour l'avenir, sont très claires.
La première d'entre elles, c'est la recherche qui représente 10 % de l'activité de l'établissement. Elle doit être sanctuarisée : sans elle, en effet, nous ne pourrions pas nourrir nos capacités opérationnelles.
Deuxième priorité : le renouvellement et le développement des infrastructures. Celles-ci doivent demeurer à un niveau de qualité internationale nous permettant de compter au nombre des grands services météorologiques.
Troisième priorité : la définition d'une organisation plus efficace et plus rationnelle.
Quatrième priorité, enfin : nous rapprocher toujours plus des pouvoirs publics, des usagers et des clients en effectuant des progrès continus dans le domaine de la vigilance météorologique, en préparant avec la DGAC l'avenir de la météorologie aéronautique, en nous montrant plus à l'écoute, en proposant des prestations plus faciles à comprendre et en améliorant l'adéquation entre ressources humaines et besoins compte tenu des innovations à venir et des évolutions française, européenne et internationale du paysage de la météorologie.
Tout cela n'a qu'un but : demeurer au premier rang des services météorologiques et rester une référence sur le plan international.
Sur la période 2012-2016 du COP, trois exemples témoignent de l'importance du renouvellement des infrastructures.
Tout d'abord, nous devrons impérativement remplacer le supercalculateur car, sans lui, les travaux de recherche et de développement de nouveaux modèles seraient vains. En outre, la rénovation du réseau d'observation radar est cruciale, non seulement pour les questions liées aux précipitations et à leur suivi, mais aussi pour la prévention des crues et des inondations. Enfin, le réseau d'observation au sol devra faire l'objet d'une rénovation de fond, tant en métropole qu'outre-mer, avec une nouvelle génération de stations d'observation.
S'agissant, ensuite, du système et des outils de prévision, nous souhaitons affiner les deux modèles – global et à maille fine – dont nous disposons. Ainsi, la maille du modèle global Arpège passerait de 10 à 7,5 kilomètres et le modèle Arôme de 2,5 à 1,3 kilomètres. Cela permettrait non seulement d'intégrer dans les prévisions des phénomènes que nous ne maîtrisons pas encore – je songe, par exemple, à des pluies localisées très violentes et soudaines – mais aussi de proposer, dans le domaine de l'aéronautique, des modèles dédiés à une plateforme aéroportuaire ou d'optimiser les trajectoires de vol.
La nouvelle génération du système de prévision devrait être mise en place à l'horizon 2015-2016 afin de renforcer notre vigilance et de parfaire notre appui à l'État dans les domaines de l'hydrologie, de la qualité de l'air, de la santé et de tous les champs connexes où la météorologie contribue à définir un certain nombre de paramètres.
En outre, le développement des services climatiques, concept récemment forgé par l'Organisation météorologique mondiale, constitue un champ de développement important. Nous disposons de données sur les climats passés et de scénarii pour le futur, qui doivent de plus en plus être croisés avec les besoins des utilisateurs, notamment dans le cadre de logiques d'adaptation – soutien aux collectivités territoriales ou à l'État pour les plans Climat –, et ce afin de fournir des données climatiques permettant de répondre à des questions du type : comment, à l'horizon de vingt ou trente ans, une entreprise doit-elle se positionner en termes d'infrastructures et de pratiques pour faire face à d'éventuels changements climatiques ?
Enfin, l'exploitation du potentiel d'internet constitue un enjeu essentiel. Je pense à la géolocalisation, à la refonte engagée par l'Organisation météorologique mondiale du système mondial d'information de météo, aux portails de mise à disposition de données de Météo-France et d'outils favorisant la superposition d'informations géographiques, météorologiques, hydrologiques permettant aux acteurs intéressés de disposer d'une information riche et d'une aide à la décision importante.
Au-delà de ces considérations techniques et de la confiance dont le Gouvernement m'honore en proposant mon renouvellement, je considère qu'il est difficile de construire sur une courte durée. Si trois années supplémentaires devaient m'être accordées à la tête de l'EPA Météo-France, elles me permettraient d'approfondir le travail engagé au sein de cet établissement complexe et soumis à un rythme particulier.
L'exercice auquel nous nous livrons, monsieur Jacq, est particulièrement compliqué mais nos questions et vos réponses permettront sans doute de donner une meilleure idée des perspectives qu'offre votre éventuel renouvellement à la tête de Météo-France.
Quelles sont les conséquences de la RGPP sur Météo-France ?
Quelle est la part des activités commerciales dans votre budget global ? Comment envisagez-vous de les développer ?
De bonnes prévisions reposent sur de bonnes observations et une puissance de calcul importante. Compte tenu du plan de modernisation à venir, à combien s'élèveront les investissements dédiés aux stations d'observation ? Quel est, par exemple, le prix d'un supercalculateur ?
Pouvez-vous indiquer vos priorités dans le domaine de la recherche ?
Le réchauffement climatique contribue-t-il à expliquer l'intensité et la multiplicité de certains phénomènes naturels ? Enfin, quels sont les nouveaux scénarios climatiques pour notre pays ?
Météo-France semble en pleine mutation – réorganisation, climat social tendu –, ce qui est compréhensible puisque le service doit évoluer. Précisément, qu'en sera-t-il de la recomposition des personnels compte tenu de l'importance du secteur de la recherche et de la réduction des implantations territoriales ? Une adaptation est d'autant plus nécessaire que notre service de météorologie doit demeurer performant dans un milieu international concurrentiel.
Météo-France participant aux travaux du GIEC, quelles sont les avancées survenues depuis le point que vous aviez réalisé l'année dernière ? La vague de froid que nous avons connue en Europe et en Amérique du Nord a-t-elle modifié ou conforté vos prévisions à moyen terme ?
La plupart des professionnels des secteurs agricoles et viticoles travaillent à partir de prévisions de huit à dix jours. Êtes-vous en mesure de sécuriser ces dernières sachant que les taux de fiabilité sur trois à quatre jours sont, quant à eux, extrêmement importants ?
Enfin, vous aviez évoqué l'année dernière la prise en compte au sein des dispositifs de vigilance des phénomènes de submersion marine à l'horizon 2012. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Météo-France envisage de remplacer le radar de Mérignac, en Gironde, et d'implanter un nouvel équipement en Médoc. Or l'implantation pressentie à proximité de Naujac et de Pauillac se situe dans un secteur où des zones de développement éolien sont prévues. Le déploiement d'aérogénérateurs étant soumis à autorisation à vingt kilomètres autour d'un radar, un tel choix remet en cause le développement du secteur éolien en Médoc, région qui compte pourtant parmi les plus propices. Les conséquences sont donc graves, non seulement pour les énergies renouvelables – l'Aquitaine est la seule région, à ce jour, à n'accueillir aucune éolienne – mais également pour l'emploi puisqu'un cluster « énergies renouvelables » entraînant la création d'une centaine d'emplois était envisagé. Cette implantation de radar ne peut-elle pas être revue à cette aune ?
J'ai cru comprendre, Monsieur Jacq, que vous avez récemment signé un nouveau COP 2012-2016 avec Mme la ministre Kosciusko-Morizet visant à renforcer les missions de Météo-France en matière de sécurité et d'appui technique aux politiques nationales d'adaptation au changement climatique. Je sais aussi qu'un effort de recherche sera entrepris, en particulier afin de développer des outils de prévision numérique et de réduire ainsi les incertitudes sur les scénarios climatiques. Si vous êtes reconduit dans vos fonctions – ce que je souhaite à titre personnel – quels seront vos axes prioritaires d'action dans un tel cadre ?
Météo-France a un rôle de surveillance, d'alerte et de prévision. Mais quelle part de vos activités de recherche consacrez-vous à la prévention ? Disposez-vous en particulier d'un service de recherche dédié à la lutte contre ce fléau qu'est la grêle, dont les effets sur nos récoltes sont souvent dévastateurs ?
Le préfet de l'Aube a refusé l'implantation d'éoliennes sur une zone de passage de grues. Or, voilà une vingtaine d'années, un radar a été installé à Avant-lès-Ramerupt après une enquête publique faisant état de recommandations précises dans un rayon de cinq kilomètres. Aujourd'hui, d'autorité, on assure qu'il ne sera plus possible d'installer d'éoliennes dans un rayon de vingt kilomètres autour d'un radar alors qu'il existe un projet très important. Cela est-il rédhibitoire ? Des solutions techniques peuvent-elles être envisagées et quel en serait le prix ? En l'état, il n'est pas possible d'en rester au statu quo après avoir simplement reçu une lettre de Météo-France indiquant que notre territoire ne pourra pas bénéficier de cet important projet.
Après trois ans de présidence, Monsieur Jacq, qu'en est-il de la proportion entre la vente et la diffusion gratuite de données météorologiques ?
Par ailleurs, l'organisation d'un travail européen sur les questions météorologiques vous semble-t-elle pertinente ? Peut-on imaginer, à terme, qu'une Météo-Europe coiffe l'ensemble des structures des États membres comme il y a eu une politique commune du charbon et de l'acier et comme il existe une politique agricole commune ?
Vous avez souhaité rationaliser encore plus l'organisation de Météo-France dans le cadre du COP 2012-2016 alors que le précédent contrat d'objectifs avait déjà entraîné une restructuration du réseau ainsi que la fermeture d'un certain nombre de stations météo. Envisagez-vous qu'il en soit encore ainsi ? Si oui, à quelle hauteur et à quelles conditions ?
En tant que maire, j'ai mesuré encore voilà trois semaines l'intérêt qu'il y a à bénéficier d'un centre météorologique de proximité – en l'occurrence, celui de Pau-Uzein – tant l'écart entre prévisions régionales et locales est parfois grand. Une telle proximité me paraît être la meilleure garantie contre les différents aléas climatiques, qui ne feront d'ailleurs qu'augmenter.
Il est absolument nécessaire d'améliorer la modélisation des crues torrentielles. Une expérimentation est en cours dans la vallée de Chamonix s'agissant des têtes de bassins : dans les anciennes vallées glaciaires, la concentration de matériaux solides et d'eau entraîne des phénomènes extrêmement violents – à cela s'ajoute le fait, lié à une remontée de l'isotherme, que la pluie tombe sur des moraines glacières friables, à tel point que nous faisons face à des situations qui ont cours dans l'Himalaya ! Il convient de mieux corréler modélisation et système d'alerte. J'insiste d'autant plus sur cette question que les plans de submersion semblent exclure les têtes de bassin puisqu'ils ne tiennent pas compte des zones où les temps de concentration, pour l'eau, sont inférieurs à six heures.
L'association nationale des maires de stations de montagne, présidée par le maire de Courchevel M. Gilbert Blanc-Tailleur, a signé une convention avec Météo-France en 2010. Les stations de ski fournissent à votre établissement un certain nombre de données que vous vous êtes engagés à diffuser surmeteofrance.com et sur les répondeurs téléphoniques. Bien que cette convention ait été confirmée l'année dernière par un avenant signé par votre directeur commercial, ces informations – sauf erreur de ma part – n'ont pas été transmises. Pour quelle raison ?
Le GIEC mentionnant des résultats moyens mondiaux qu'il est difficile d'utiliser à l'échelle nationale ou régionale, et des questions se faisant donc jour, pour les entreprises, sur les positions à adopter à l'horizon des vingt prochaines années, les prévisions régionales seront-elles plus fiables à l'avenir et quand en disposerons-nous sur les plans européen, national et local ? En d'autres termes, quel est le calendrier de l'amélioration de la fiabilité de la modélisation du changement climatique ?
Les prévisions marines de Météo-France sont de bonne qualité et il existe d'excellents fichiers numérisés. Néanmoins, à la différence des États-Unis ou de l'Allemagne, les informations restent payantes. Pensez-vous qu'une telle situation puisse évoluer ?
La mission Xynthia a-t-elle entraîné des modifications dans vos méthodes de travail ou dans vos relations avec les autres structures qui concourent au déclenchement des alertes ?
Certains phénomènes ont certes échappé à la vigilance de Météo-France, mais, lorsque nous recevons des alertes au sein de nos mairies, nous avons quelquefois le sentiment qu'elles sont excessives. Ne pensez-vous pas qu'il s'agisse d'excès de prudence ?
N'est-il pas possible de réaliser des économies dans le maillage des stations de développement météorologique en espace rural (DEMETER), notamment en nouant des partenariats avec les organisations de surveillance biologique du territoire au sein des chambres d'agriculture, dont les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) ? Cela permettrait, de surcroît, de faire face à la concurrence.
Oui, M. Chanteguet, Météo-France est soumis à la révision générale des politiques publiques (RGPP), comme toute administration de l'État et tout autre établissement public. Cela étant, dès 2006, mon prédécesseur avait commencé de réfléchir aux évolutions nécessaires dans le contexte international, et celles qui ont été engagées dans le cadre de la RGPP résultent de cette réflexion stratégique.
Le devenir du réseau territorial est une question qui agite l'établissement depuis les années 1990. Sa mutation avait été évoquée au cours d'un séminaire en 1996 sans être finalement retenue. L'objectif était, déjà, de dégager des marges de manoeuvre pour favoriser les innovations et mener à bonne fin les priorités définies. En termes comptables, la RGPP se traduira, à Météo-France comme ailleurs, par des efforts visant à réduire nos effectifs et à maîtriser nos dépenses.
Notre chiffre d'affaires global – la filiale Météo-France International mise à part – s'élève à 40 millions d'euros. Je crains que, loin de se développer, il ne stagne ou ne diminue car, outre que la concurrence des acteurs privés s'aiguise, la tendance est à la progression de la gratuité : le public considère l'information météorologique comme un dû. Dans ce contexte, nos activités commerciales risquent de se concentrer sur des prestations spécifiques à forte valeur ajoutée, principalement destinées à des groupes de services ou à des clients industriels.
Les supercalculateurs peuvent être achetés ou loués. Comme presque l'ensemble de nos homologues, nous avons choisi la seconde solution. Cela vaudra aussi pour le futur appareil car cela nous permettra de gérer plus souplement les évolutions techniques. Le loyer annuel du calculateur installé à Toulouse est de 3,8 millions d'euros. Notre objectif est, en doublant ce loyer, de disposer d'un outil qui multipliera de dix à vingt fois la puissance de calcul. Le coût annuel total du nouvel instrument, unités de stockage et périphériques compris, passera de 5 à 10 millions d'euros.
Un radar vaut 1,5 million d'euros, et le plan de rénovation prévu demandera quelque 16 millions d'euros, financés pour moitié par la direction générale de la prévention des risques et par Météo-France. Le budget prévu pour nos quelque 500 stations d'observations au sol est plus restreint – quelques millions d'euros.
Nos priorités en matière de recherche sont de deux ordres. Nous voulons en premier lieu progresser encore dans ce qui constitue, comme l'a constaté l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, le domaine d'excellence de Météo-France : la compréhension de la physique de l'atmosphère et la pertinence de nos modèles. Nous souhaitons ainsi parvenir à mieux cerner des phénomènes dont nous maîtrisons encore mal la prévision – brouillard, grêle, précipitations intenses… L'amélioration de la modélisation passe aussi par des campagnes de mesures sur le terrain ; aussi participerons-nous, par exemple, au programme de recherche HyMeX de recueil de données d'observation, avec une vingtaine d'autres acteurs européens.
Dans la continuité, notre deuxième grand champ de recherche est le climat. Nous avons pour objectif d'affiner nos modèles afin d'obtenir des représentations de l'atmosphère de plus en plus réalistes – mais je ne puis faire de promesses sur l'échéance exacte à laquelle on peut s'attendre à ce que ces programmes aient des retombées pratiques. Notre autre objectif est d'améliorer la « descente d'échelle » – autrement dit les prévisions locales – par des scénarios permettant de régionaliser les climats.
Un autre sujet d'importance est de tracer un lien éventuel entre phénomènes météorologiques extrêmes et changement climatique. Mais autant les idées sont maintenant claires pour ce qui concerne les températures, autant tout ce que l'on peut dire du lien avec les précipitations demeure controversé – les conclusions de l'étude parue à ce sujet dans Nature en 2011 à la suite des inondations aux Royaume-Uni restent fragiles. Le mieux que l'on sache faire aujourd'hui est d'analyser chaque phénomène pour déterminer si l'on peut y trouver le signal climatique en l'isolant de la variation annuelle ou interannuelle habituelle. Notre contrat d'objectifs contient des projets à ce sujet, notamment pour les tempêtes et la neige.
Les nouveaux scénarios climatiques s'appuieront sur les modélisations conduites dans le cadre de notre contribution à l'élaboration du cinquième rapport du GIEC. Ces modélisations sont en net progrès par rapport aux simulations auxquelles il avait été procédé pour préparer le quatrième rapport : nous sommes parvenus à des représentations plus réalistes. Il faut cependant tenir compte du fait que, plus on affine un modèle en multipliant les paramètres, plus il devient complexe, si bien que la marge d'incertitude ne se réduira pas autant que le modèle gagnera en précision. Ainsi, les fourchettes initiales de prévision d'accroissement des températures – de 1,5° à 2,6° – sont largement confirmées par les travaux récents ; mais il est un peu tôt pour aller plus loin. L'exploitation scientifique des données recueillies ne fait que commencer, le prochain rapport du GIEC devant être publié en 2013.
J'en viens, pour répondre à Mme Branget, à la nature du service rendu par Météo-France et à l'évolution qu'elle induit. Il y a une centaine d'années, la prévision météorologique reposant sur l'observation humaine, il fallait impérativement disposer d'un réseau d'observateurs humains capables, par exemple, d'appréhender la typologie des nuages. À partir des années 1960, l'apparition de calculateurs puissants a modifié la donne. On s'oriente à présent vers des équipes composées différemment. Je vous l'ai dit, j'ai donné la priorité à la recherche et j'ai tenu à renforcer notre potentiel d'ingénieurs de recherche et de chercheurs purs. Au cours des années à venir, il est vraisemblable qu'il faudra progressivement rééquilibrer nos équipes entre une population de techniciens et une population d'ingénieurs.
La récente vague de froid peut-elle être attribuée au changement climatique ? La plus grande prudence s'impose à ce sujet car il est difficile d'attribuer un signal climatique à un phénomène extrême. Ainsi, les simulations tendaient à indiquer que le rail des tempêtes s'élevait vers le Nord ; la tempête Xynthia nous a donc surpris. Je le redis, l'établissement d'un lien direct entre un phénomène donné et le changement climatique reste un sujet de recherche et je me garderai de toute conclusion à propos de la vague de froid.
Pour ce qui est de la fiabilité des prévisions météorologiques à 8-10 jours, le constat fait depuis une trentaine d'années ne s'est pas démenti : on gagne une journée de fiabilité tous les dix ans. Pour dire les choses autrement, les prévisions très bonnes à trois jours il y a dix ans le sont désormais à quatre jours. Comme mes pairs du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, je pense que cette tendance pourra se confirmer dans les années à venir. Cela étant, le champ scientifique reste embryonnaire pour la prévision à 8-10 jours, et on est encore au stade de la recherche pure pour la prévision météorologique à l'échéance mensuelle ou saisonnière.
Je confirme, M. Sermier, que le dispositif « vigilance submersion marine » est entré en vigueur en octobre 2011 ; il a produit ses premiers effets en décembre, mois au cours duquel des avertissements ont été lancés en Méditerranée. M. Philippe Boënnec m'a demandé si la survenue de la tempête Xynthia et ses conséquences ont eu un impact sur nos procédures. Lorsqu'elle a eu lieu, la question de la submersion marine était dans nos cartons, d'autant que Météo-France émettait déjà des avis de très fortes vagues. Cet événement tragique nous a incités à pousser nos analyses plus loin encore ; il a aussi provoqué une prise de conscience générale, et les avertissements donnés par Météo-France sont désormais vraiment intégrés dans la chaîne d'alerte.
MM. Plisson et Menuel attendent de moi des explications sur les radars dans le Médoc et dans l'Aube - mais aussi ailleurs, puisque Météo-France dispose de 24 radars en métropole. Nous les utilisons pour anticiper et suivre les précipitations, et les informations qu'ils recueillent servent de données de base à la modélisation. Ces radars sont perturbés par tous les obstacles, et potentiellement par les éoliennes. Depuis l'entrée en vigueur de la loi Grenelle 2, l'implantation des éoliennes est soumise au régime d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
Si, auparavant, le préfet pouvait passer outre l'avis contraire de Météo-France concernant ces implantations, ce n'est plus le cas désormais.
Force est donc de constater que les exigences de deux politiques publiques s'affrontent : d'une part, la sécurité des personnes et des biens à laquelle contribuent les radars ; d'autre part, le développement des énergies renouvelables. En tant que responsable d'un réseau d'observation, je dois faire en sorte que ce réseau produise ses meilleurs effets au regard des investissements publics réalisés. Dès lors que la mise en service d'un parc éolien brouillerait un radar de Météo-France, ce qui aurait pour conséquence d'altérer la qualité des informations recueillies, il m'est extrêmement difficile de dire quel choix devrait être fait puisque je suis garant du bon fonctionnement de l'outil que la puissance publique me demande de développer. J'ajoute que le radar de Mérignac pose un problème spécifique : outre qu'il doit lui-même être remplacé, il est installé à proximité de l'aéroport de Bordeaux sur une tour en état de péril.
Cela ne se peut pas, car la zone de couverture recherchée n'est pas celle-là. Nous avons fait une prospection en essayant de tenir compte des zones de développement de l'éolien qui avaient été signalées ; nous en sommes ainsi arrivés à la localisation proposée – Saint-Laurent-du-Médoc – et notre marge de manoeuvre est assez faible. Toutefois, il existe des pistes pour le futur. En premier lieu, nous participons, avec le syndicat des énergies renouvelables, à une étude conduite sous l'égide de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales et qui vise à mieux modéliser l'interférence des éoliennes sur les radars, afin d'identifier les zones d'implantation d'éoliennes les moins gênantes, ce qui permettrait de les conseiller aux promoteurs. Par ailleurs, les fabricants ont commencé à construire des éoliennes dont l'intensité de la perturbation des radars pourrait être atténuée. Voilà qui pourrait permettre de régler ces conflits d'usage.
Je pense avoir répondu à M. Kossowski en évoquant mes priorités en matière de recherche.
Nous entendons en particulier, Mme Quéré, améliorer nos modèles relatifs à la grêle. Mais il s'agit, je l'ai dit, d'un phénomène extrêmement difficile à prévoir et il faut donc rester très prudent sur les résultats possibles.
Il existe déjà, M. Herth, une forte mutualisation européenne en matière de météorologie : elle s'exerce par le biais de l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT) et du Centre européen pour les prévisions météorologiques de Reading en matière de recherche fondamentale et de modèles de moyen terme, et aussi par le réseau MetNet au sein duquel les services météorologiques nationaux coopèrent pour la mise en oeuvre de projets ponctuels. Il faut poursuivre dans cette voie, puisque la météorologie n'est pas actuellement une compétence européenne. Pour des raisons de sécurité nationale, les États veulent conserver la maîtrise de leur service de météorologie, mais cela n'interdit pas d'utiliser toutes les possibilités de coopération à notre disposition.
En matière météorologique, il existe trois types de données : les données gratuites ; les données dites « publiques » produites par Météo-France et qui doivent être mises à la disposition de tous, soit gratuitement soit moyennant une redevance ; enfin, des produits plus élaborés, à forte valeur ajoutée. La frontière entre les données gratuites et les données publiques sujettes à redevance tend à se déplacer vers la gratuité, ce que le Gouvernement a clairement indiqué. Toutefois, aujourd'hui, le produit de la redevance s'élève à 2 millions d'euros, un montant qui est loin d'être négligeable dans le budget de Météo-France. Nous devrons savoir comment gérer la transition si l'on s'achemine véritablement vers la gratuité totale des données publiques. Le sujet est aussi en débat au niveau européen, avec la révision de la directive sur la réutilisation des informations du secteur public.
Mme Lignières-Cassou m'a interrogé sur l'organisation territoriale de Météo-France. J'ai traité dans mon propos liminaire de l'organisation du travail et de la production de notre établissement en mentionnant que des efforts de rationalisation s'imposent ; mais, ce disant, je pensais beaucoup plus aux équipes centrales, à Toulouse, qu'aux autres. Et comme la question m'est posée en interne, je tiens à dire nettement que ce qui doit être fait à propos du réseau territorial figure explicitement dans notre contrat d'objectifs et de performance 2012-2016. Il n'y a ni deuxième tranche, ni deuxième plan. Il n'y aura rien de neuf, et je ne pense pas que ce serait une bonne chose de faire davantage.
M. Saddier, les acteurs principaux de la prévention des crues sont les services de la direction générale de la prévention des risques et le service central d'appui et de prévention des inondations Nous mettons nos données et notre compétence à leur disposition ; notre contrat 2012-2016 avec l'État le prévoit ainsi. Nous n'avons pas compétence sur les priorités du service chargé de l'hydrologie, mais je pense que vos préoccupations sont prises en compte.
Montrons-nous un excès de prudence dans nos prévisions ? Je ne le pense pas, puisque cet excès se mesure par le taux de fausse alerte, et que ce taux va décroissant. Pour autant, la prévision météorologique n'est pas l'art de la certitude et il peut arriver que nous nous trompions ; cela ne signifie pas que mes services « ouvrent le parapluie ».
Des partenariats existent quand il y a intérêt mutuel à partager des stations d'observation : c'est le cas avec certaines chambres d'agriculture, l'INRA ou EDF. Cependant, il se produit parfois qu'au terme de quelques années, nos partenaires se retirent ; la station d'observation devient abruptement de notre responsabilité seule, ce qui pose problème.
Je pense, je vous l'ai dit, que nous produirons d'ici à quelques années des simulations et des projections dans un maillage à dix ou cinquante kilomètres, mais il faudra des dizaines d'années pour parvenir à une fiabilité complète.
Enfin, je rendrai réponse à M. Saddier après m'être informé de ce qui a pu bloquer l'application de la convention signée avec l'Association des maires des stations de montagne – une convention dont nous nous félicitons car elle nous permet de suivre l'évolution du manteau neigeux mieux que nous ne pourrions le faire seuls.
Je vous remercie, Monsieur Jacq, pour la précision et la qualité de vos réponses, qui confirment votre maîtrise du sujet.
Cette réunion de la commission étant la dernière avant la suspension des travaux parlementaires, vous me permettrez, Monsieur le président, de vous remercier pour la qualité de votre présidence de la commission car vous avez montré beaucoup de compétence, de cordialité et de gentillesse. Je souhaiterais également remercier le secrétariat de la commission qui a assisté les députés au cours de leurs travaux et me féliciter du travail réalisé depuis la création de la commission en juillet 2009. (Applaudissements sur tous les bancs).
Dans le prolongement de ces propos, je souhaite vous remercier tous pour la qualité des travaux de la commission et votre contribution à la bonne ambiance qui y a prévalu. Notre commission s'est bien positionnée au sein de l'Assemblée nationale, ce qui n'exclut pas qu'au cours de la prochaine législature, une réflexion soit menée sur l'entrée logique de certains sujets dans ses compétences. Je remercie également l'ensemble des fonctionnaires de la commission et, plus généralement, des personnels de notre Assemblée, pour leur travail et leur efficacité. (Applaudissements sur tous les bancs).
Après le départ de M. François Jacq, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant MM. Frédéric Cuvillier et Martial Saddier.
Les résultats du scrutin qui a suivi l'audition sont les suivants :
Nombre de votants
Bulletins blancs ou nuls
Abstention
Suffrages exprimés
Pour
Contre
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 29 février 2012 à 9 h 30
Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Joseph Bossé, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, M. Philippe Duron, M. Daniel Fidelin, M. Joël Giraud, M. Serge Grouard, M. Antoine Herth, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Gérard Lorgeoux, M. Jean-Pierre Marcon, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier
Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Yves Besselat, M. Philippe Briand, M. Stéphane Demilly, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Geneviève Gaillard, M. Didier Gonzales, M. Michel Havard, M. Armand Jung, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Joël Regnault, M. Max Roustan, M. André Vézinhet
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Lionnel Luca, M. Francis Saint-Léger