Oui, M. Chanteguet, Météo-France est soumis à la révision générale des politiques publiques (RGPP), comme toute administration de l'État et tout autre établissement public. Cela étant, dès 2006, mon prédécesseur avait commencé de réfléchir aux évolutions nécessaires dans le contexte international, et celles qui ont été engagées dans le cadre de la RGPP résultent de cette réflexion stratégique.
Le devenir du réseau territorial est une question qui agite l'établissement depuis les années 1990. Sa mutation avait été évoquée au cours d'un séminaire en 1996 sans être finalement retenue. L'objectif était, déjà, de dégager des marges de manoeuvre pour favoriser les innovations et mener à bonne fin les priorités définies. En termes comptables, la RGPP se traduira, à Météo-France comme ailleurs, par des efforts visant à réduire nos effectifs et à maîtriser nos dépenses.
Notre chiffre d'affaires global – la filiale Météo-France International mise à part – s'élève à 40 millions d'euros. Je crains que, loin de se développer, il ne stagne ou ne diminue car, outre que la concurrence des acteurs privés s'aiguise, la tendance est à la progression de la gratuité : le public considère l'information météorologique comme un dû. Dans ce contexte, nos activités commerciales risquent de se concentrer sur des prestations spécifiques à forte valeur ajoutée, principalement destinées à des groupes de services ou à des clients industriels.
Les supercalculateurs peuvent être achetés ou loués. Comme presque l'ensemble de nos homologues, nous avons choisi la seconde solution. Cela vaudra aussi pour le futur appareil car cela nous permettra de gérer plus souplement les évolutions techniques. Le loyer annuel du calculateur installé à Toulouse est de 3,8 millions d'euros. Notre objectif est, en doublant ce loyer, de disposer d'un outil qui multipliera de dix à vingt fois la puissance de calcul. Le coût annuel total du nouvel instrument, unités de stockage et périphériques compris, passera de 5 à 10 millions d'euros.
Un radar vaut 1,5 million d'euros, et le plan de rénovation prévu demandera quelque 16 millions d'euros, financés pour moitié par la direction générale de la prévention des risques et par Météo-France. Le budget prévu pour nos quelque 500 stations d'observations au sol est plus restreint – quelques millions d'euros.
Nos priorités en matière de recherche sont de deux ordres. Nous voulons en premier lieu progresser encore dans ce qui constitue, comme l'a constaté l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, le domaine d'excellence de Météo-France : la compréhension de la physique de l'atmosphère et la pertinence de nos modèles. Nous souhaitons ainsi parvenir à mieux cerner des phénomènes dont nous maîtrisons encore mal la prévision – brouillard, grêle, précipitations intenses… L'amélioration de la modélisation passe aussi par des campagnes de mesures sur le terrain ; aussi participerons-nous, par exemple, au programme de recherche HyMeX de recueil de données d'observation, avec une vingtaine d'autres acteurs européens.
Dans la continuité, notre deuxième grand champ de recherche est le climat. Nous avons pour objectif d'affiner nos modèles afin d'obtenir des représentations de l'atmosphère de plus en plus réalistes – mais je ne puis faire de promesses sur l'échéance exacte à laquelle on peut s'attendre à ce que ces programmes aient des retombées pratiques. Notre autre objectif est d'améliorer la « descente d'échelle » – autrement dit les prévisions locales – par des scénarios permettant de régionaliser les climats.
Un autre sujet d'importance est de tracer un lien éventuel entre phénomènes météorologiques extrêmes et changement climatique. Mais autant les idées sont maintenant claires pour ce qui concerne les températures, autant tout ce que l'on peut dire du lien avec les précipitations demeure controversé – les conclusions de l'étude parue à ce sujet dans Nature en 2011 à la suite des inondations aux Royaume-Uni restent fragiles. Le mieux que l'on sache faire aujourd'hui est d'analyser chaque phénomène pour déterminer si l'on peut y trouver le signal climatique en l'isolant de la variation annuelle ou interannuelle habituelle. Notre contrat d'objectifs contient des projets à ce sujet, notamment pour les tempêtes et la neige.
Les nouveaux scénarios climatiques s'appuieront sur les modélisations conduites dans le cadre de notre contribution à l'élaboration du cinquième rapport du GIEC. Ces modélisations sont en net progrès par rapport aux simulations auxquelles il avait été procédé pour préparer le quatrième rapport : nous sommes parvenus à des représentations plus réalistes. Il faut cependant tenir compte du fait que, plus on affine un modèle en multipliant les paramètres, plus il devient complexe, si bien que la marge d'incertitude ne se réduira pas autant que le modèle gagnera en précision. Ainsi, les fourchettes initiales de prévision d'accroissement des températures – de 1,5° à 2,6° – sont largement confirmées par les travaux récents ; mais il est un peu tôt pour aller plus loin. L'exploitation scientifique des données recueillies ne fait que commencer, le prochain rapport du GIEC devant être publié en 2013.
J'en viens, pour répondre à Mme Branget, à la nature du service rendu par Météo-France et à l'évolution qu'elle induit. Il y a une centaine d'années, la prévision météorologique reposant sur l'observation humaine, il fallait impérativement disposer d'un réseau d'observateurs humains capables, par exemple, d'appréhender la typologie des nuages. À partir des années 1960, l'apparition de calculateurs puissants a modifié la donne. On s'oriente à présent vers des équipes composées différemment. Je vous l'ai dit, j'ai donné la priorité à la recherche et j'ai tenu à renforcer notre potentiel d'ingénieurs de recherche et de chercheurs purs. Au cours des années à venir, il est vraisemblable qu'il faudra progressivement rééquilibrer nos équipes entre une population de techniciens et une population d'ingénieurs.
La récente vague de froid peut-elle être attribuée au changement climatique ? La plus grande prudence s'impose à ce sujet car il est difficile d'attribuer un signal climatique à un phénomène extrême. Ainsi, les simulations tendaient à indiquer que le rail des tempêtes s'élevait vers le Nord ; la tempête Xynthia nous a donc surpris. Je le redis, l'établissement d'un lien direct entre un phénomène donné et le changement climatique reste un sujet de recherche et je me garderai de toute conclusion à propos de la vague de froid.
Pour ce qui est de la fiabilité des prévisions météorologiques à 8-10 jours, le constat fait depuis une trentaine d'années ne s'est pas démenti : on gagne une journée de fiabilité tous les dix ans. Pour dire les choses autrement, les prévisions très bonnes à trois jours il y a dix ans le sont désormais à quatre jours. Comme mes pairs du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, je pense que cette tendance pourra se confirmer dans les années à venir. Cela étant, le champ scientifique reste embryonnaire pour la prévision à 8-10 jours, et on est encore au stade de la recherche pure pour la prévision météorologique à l'échéance mensuelle ou saisonnière.
Je confirme, M. Sermier, que le dispositif « vigilance submersion marine » est entré en vigueur en octobre 2011 ; il a produit ses premiers effets en décembre, mois au cours duquel des avertissements ont été lancés en Méditerranée. M. Philippe Boënnec m'a demandé si la survenue de la tempête Xynthia et ses conséquences ont eu un impact sur nos procédures. Lorsqu'elle a eu lieu, la question de la submersion marine était dans nos cartons, d'autant que Météo-France émettait déjà des avis de très fortes vagues. Cet événement tragique nous a incités à pousser nos analyses plus loin encore ; il a aussi provoqué une prise de conscience générale, et les avertissements donnés par Météo-France sont désormais vraiment intégrés dans la chaîne d'alerte.
MM. Plisson et Menuel attendent de moi des explications sur les radars dans le Médoc et dans l'Aube - mais aussi ailleurs, puisque Météo-France dispose de 24 radars en métropole. Nous les utilisons pour anticiper et suivre les précipitations, et les informations qu'ils recueillent servent de données de base à la modélisation. Ces radars sont perturbés par tous les obstacles, et potentiellement par les éoliennes. Depuis l'entrée en vigueur de la loi Grenelle 2, l'implantation des éoliennes est soumise au régime d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).