Nous accueillons maintenant deux présidents de conseil d'administration de services départementaux d'incendie et de secours – SDIS –, M. Joseph Kergueris, président du conseil général du Morbihan, et M. Robert Cabé, président du conseil d'administration du SDIS des Landes, qui représentent l'Assemblée des départements de France. Ils sont accompagnés de Mme Élisabeth Maraval-Jarrier, chef du service juridique à l'ADF.
Les trois rapporteurs, MM. Derosier, Ginesta et Mariani, ont souhaité, au cours de cette première journée consacrée au point de vue des acteurs locaux de la sécurité civile, vous entendre après avoir écouté trois directeurs de SDIS.
Nous étudions l'évolution des dépenses des SDIS au cours des dix dernières années, qui ont été marquées par la départementalisation.
Le rapport spécial sur la sécurité civile de M. Ginesta, au nom de la commission des Finances, fait apparaître une évolution significative des dépenses des SDIS liée à des recrutements importants alors que le nombre d'interventions est resté quasiment identique. Comment réduire ces dépenses ? Actuellement, elles n'ont aucune lisibilité financière puisqu'elles n'apparaissent pas sur les feuilles d'impôts locaux. Que pensez-vous de l'idée de créer une ligne sur la feuille d'impôt pour en faire état ?
Avez-vous procédé à une évaluation de la mise en oeuvre de la mutualisation des moyens prévue dans la loi de 2004, que ce soit pour l'acquisition de matériels ou pour la formation ? Comment expliquez-vous qu'aient été créées quelque 80 écoles de formation départementales, à côté de l'École nationale des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) ?
Votre avis sur ces différentes questions nous intéresse en vos qualités à la fois de présidents de conseils d'administration de SDIS et de membres de l'ADF.
J'irai droit au but et parlerai avec franchise : je pense que les SDIS ont besoin d'émancipation, c'est-à-dire que les présidents de conseils généraux-présidents de SDIS ne doivent pas se soumettre aux seules volontés de la direction de la Sécurité civile, la DSC. C'est une grave erreur d'avoir maintenu cette double tutelle et d'avoir un directeur départemental co-désigné par le président du conseil général-président de SDIS et par le préfet. Ce dernier est en effet amené à respecter les consignes de la direction de la Sécurité civile, qui ne cesse d'édicter des règles et des recommandations, des préconisations ou des quotas : il faut tant de colonels par sapeur-pompier, il faut obligatoirement un directeur départemental adjoint, etc. Autrement dit, la direction de la Sécurité civile décide et les SDIS payent. Il faut couper ce cordon ombilical. La décentralisation a montré que les présidents de conseils généraux sont capables, sans la moindre tutelle, d'assumer d'autres responsabilités tout aussi importantes.
Si l'on s'affranchit des directives de la Sécurité civile, on peut contenir les dérives budgétaires. Dans le département des Landes, nous avons diminué les effectifs de sapeurs-pompiers professionnels de 10 % en six ans, sans remettre en cause la dimension opérationnelle. Cela passe par des décisions courageuses : déterminer le rapport entre les officiers et le nombre de sapeurs-pompiers professionnels, fixer l'organisation territoriale du service départemental, vérifier en permanence que le nombre de sapeurs-pompiers professionnels à chaque endroit est justifié. Cela suppose une remise en cause régulière de l'organisation. Le simple fait, par exemple, d'obliger les sapeurs-pompiers professionnels à changer de caserne à chaque prise de grade permet d'adapter les moyens humains en fonction des besoins opérationnels.
Pour contenir les dépenses de la sécurité et des départements, il faut s'affranchir de cette double tutelle, ce qui suppose une volonté politique. Un redressement de la situation commence par là.
J'ai une approche un peu différente. La question qui se pose est de savoir si l'on arrive à vivre tranquillement la séparation entre le logistique et l'opérationnel.
La tutelle du préfet est-elle justifiable et justifiée ? Selon moi, oui, dans la mesure où, en cas de crise grave en matière de sécurité civile, il n'y a qu'une seule personne qui peut rassembler les forces. Dès lors, pourquoi l'État ne reprend-il pas, purement et simplement, la responsabilité des SDIS ? Toutes les difficultés, dont celles évoquées par mon collègue, disparaîtraient.
Cela étant dit, nous avons à gérer le quotidien. Le souhait que je formule à ce sujet est qu'on ne le fasse pas selon une approche scolastique ou manichéenne. La réalité a profondément changé depuis dix ans : la démographie, la répartition de la population et sa moyenne d'âge ont évolué, le nombre de nos concitoyens âgés qui font appel aux pompiers dans des situations de difficulté majeure à leurs yeux a progressé, la structure socio-économique du pays s'est modifiée, de sorte que nous devons apporter des réponses nouvelles à des demandes nouvelles.
En Bretagne on observe, dans le territoire rural et rurbain, une assez grande diffusion de PME dont une partie significative sont des entreprises alimentaires travaillant à « froid négatif », avec tous les risques que cela peut représenter du fait de la manipulation de gaz spécifiques. Dans ces secteurs, les équipes de pompiers volontaires doivent avoir des compétences spécifiques et entretenues. Nous avons donc structuré le département en zones, à la tête desquelles nous avons disposé des équipes de pompiers professionnels pour encadrer une troupe de volontaires. Ce n'est pas une aberration.
Les pompiers sont confrontés à des situations qui présentent plus de risques et exigent une plus grande technicité qu'il y a dix ou quinze ans. J'ai assisté, un jour, dans une zone industrielle, à l'incendie d'une entreprise de retraitement de palettes de bois située à côté d'une cuve de gaz de 50 000 litres contiguë à une entreprise de production alimentaire stockant plusieurs milliers de mètres cubes de froid négatif. La situation s'approchait d'une question type d'examen de franchissement du grade de colonel. Elle a été gérée de façon adaptée par des équipes de volontaires conjointement avec des équipes de professionnels.
En tant que président de conseil général, je suis très sévère sur les grades et les rémunérations complémentaires. Mais je ne fais aucune comparaison avec les grades des militaires. Les SDIS ne sont pas des centres militaires. Ce sont des systèmes de sécurité civile « gradés ». Si je peux prendre une image, sur la passerelle du bateau qui mène de Lorient à Groix, se tient un bel officier en chemise blanche avec quatre barrettes de commandant ; le même uniforme et la même appellation sont portés par le commandant du Boeing 747 ou de l'ATR. Il faut donc toujours distinguer ce que recouvre l'appellation. Beaucoup plus que le grade – de colonel ou de commandant –, ce qui m'importe, c'est la qualification professionnelle, la qualité de la personne et son positionnement par rapport à l'attaché principal, à l'administrateur ou à l'ingénieur divisionnaire.
Le fait que nous administrions des services nouveaux doit nous conduire à un réexamen opérationnel. Je partage à ce sujet les préoccupations de mon collègue. Ce n'est pas parce que des demandes nouvelles existent qu'il faut que nous répondions « présent » à toutes. Nous devons faire un tri entre celles qui doivent effectivement nous être adressées et les autres, comme les interventions relevant, à mes yeux, de la charge de l'assurance maladie ou des assurances tout court. La répartition des tâches doit être âprement discutée.
Pour ce qui concerne l'évolution des coûts, j'arrive à la même conclusion que mon collègue. La difficulté vient du fait qu'une direction d'administration centrale continue à s'exprimer comme étant la puissance publique exclusive, alors que nous assumons la négociation avec les organisations syndicales. Cela vaut également pour le personnel de la fonction publique territoriale. Qui fixe les normes, la valeur du point, les différences de grilles de rémunération entre un attaché principal de l'État et un attaché principal d'une fonction publique territoriale ? Nous sommes, en ce domaine, complètement dépendants. Il faut que la discussion soit ouverte. Personnellement, je ne rêve pas d'une fonction publique territoriale complètement déconnectée de la fonction publique nationale. Mais comment voulez-vous gérer de façon serrée des finances quand on vous change à tout moment, premièrement, les normes – ce qui impose de changer le matériel –, deuxièmement, les rémunérations, troisièmement, les conditions de service ?
J'ai vu un changement de conditions de travail entraîner une variation des coûts d'un million d'euros en un an. La transformation de 24 heures en 12 heures des gardes postées va entraîner une variation de plusieurs centaines de milliers d'euros. Pour pouvoir gérer cette modification, j'ai engagé il y a quatre semaines mon deuxième contrat d'objectifs et de moyens afin de déterminer les moyens financiers, mais ces derniers ne sont que le résultat du plan stratégique que nous avons établi concernant les véhicules, le mobilier, l'immobilier, le volume et la nature des activités.
Nous vous remettrons les textes que nous avons préparés sur les points soulevés dans le rapport.
Pour bien recentrer l'objet de notre réunion, je rappelle qu'elle a été décidée par le bureau de la commission des Finances pour identifier les paramètres responsables de l'explosion des dépenses de sécurité civile depuis la fin de la départementalisation. De 1996 à 2001, on pouvait considérer que l'augmentation des dépenses résultait de la mise à jour nécessitée par la réforme mais, depuis 2001, la dépense a cru de 45 % et le nombre de sapeurs-pompiers de 31 700 à 38 000 alors que le nombre d'interventions est resté relativement stable. Vous avez beaucoup de mérite, monsieur Cabé, d'avoir diminué vos effectifs de 10 % !
Cette diminution concerne les sapeurs-pompiers professionnels. Nous avons parallèlement fortement augmenté le nombre de sapeurs-pompiers volontaires.
Oui, mais ils sont rémunérés à la vacation. Ils ont un statut différent.
La dépense annuelle s'élève aujourd'hui à 5,5 milliards d'euros et s'accroît chaque année du fait de recrutements supplémentaires. Les salaires représentent 80 % de la dépense. Le commandant de l'ATR et celui du Boeing portent le même titre mais ils ne reçoivent pas le même salaire alors que les lieutenants-colonels ont le même salaire dans tous les SDIS.
Notre mission a pour but de défendre le porte-monnaie du contribuable face à des corporatismes qui s'expriment parce qu'on a isolé les élus par rapport à des groupes. Il faut revoir le pilotage de l'ensemble.
L'État donne des directives mais ne paye pas. Les SDIS ne mutualisent pas suffisamment. On observe des écarts de 50 % pour l'acquisition d'un même matériel. Il n'est pas nécessaire de faire sur sur-mesure, de « customiser » le matériel. En faisant des achats groupés, les Allemands obtiennent de meilleurs prix. Quoique cela ne représente que 20 % du total, ce n'est pas que sur un seul poste que l'on parviendra à faire des économies, mais sur tout un ensemble. Peut-être faut-il arrêter de recruter et revoir le régime de gardes. Actuellement, un sapeur-pompier fait 95 journées de garde de 24 heures par an, avec une moyenne annuelle de 140 interventions, soit une intervention et demi par jour de travail. Le travail d'un sapeur-pompier est, en effet, aléatoire : quand il arrive à la caserne, il ne sait pas s'il va travailler puisque cela dépend des phénomènes extérieurs. Le reste du temps est consacré à des entraînements et à des exercices.
Quel bilan tirez-vous, en tant que représentants de l'ADF, de la loi de 2004 ? Qu'y aurait-il à améliorer ?
Je considère que la loi de départementalisation est une bonne loi. Il faut un chef de file pour le financement. Cela aurait été une erreur de confier ce rôle aux communes car il y avait des disparités flagrantes entre elles. Il fallait trouver l'épicentre où les décisions pouvaient être régulées. Comme ce ne pouvait pas être les régions, il fallait choisir entre l'État et les départements. Adepte de la décentralisation, je trouve que le département est le bon réceptacle de cette organisation.
Je ne crois pas à une renationalisation des SDIS. Je pense même qu'introduire cette idée dans le débat revient à souhaiter le statu quo. Selon moi, il faut, au contraire, conforter la départementalisation en allant jusqu'au bout de la logique de la double tutelle. Je vais illustrer mon propos par quelques exemples.
Premièrement, aujourd'hui, c'est le préfet qui établit le SDACR – schéma départemental d'analyse et de couverture des risques. Comme il ne paye pas, il peut être tenté d'exiger des moyens opérationnels supplémentaires dans tel ou tel secteur de la sécurité civile. Certains élus résistent, d'autres obtempèrent aux demandes du préfet. Dans les Landes, je soumets le SDACR après négociation afin de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'exigences trop prononcées de la part du préfet.
Deuxièmement, si la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ne veut pas remettre en cause le dispositif actuel, c'est parce qu'il est favorable pour elle : elle négocie au niveau national avec des interlocuteurs en capacité d'écouter, de proposer et d'arbitrer, sachant que la facture sera envoyée aux départements. Le système est vicié. Plutôt que de débattre sur la nationalisation, à laquelle je ne crois pas un instant, il faut réfléchir au moyen de permettre au département d'assumer pleinement ses responsabilités.
Troisièmement, la grande mode actuelle chez les présidents de SDIS est de comparer combien d'IAT – indemnités d'administration et de technicité – ils ont attribué à leurs sapeurs-pompiers professionnels et à quel taux. Ceux qui prônent la limitation des dépenses sont souvent ceux qui accordent des IAT au coefficient 8. Je crois que c'est le cas, en particulier, dans les Alpes maritimes.
Je n'ai pas de honte à dire que, dans les Landes, il n'y a pas d'IAT.
Je ne veux pas passer non plus pour un négrier. Ce résultat repose sur une bonne négociation syndicale – nous sommes, depuis sept ans, le secteur du département où il y a eu le moins de jours de grève – et une amélioration des conditions de travail : l'année prochaine, nous aurons fini le plan d'équipement et le plan de casernement dans le SDIS. Soixante casernes seront neuves. J'ai dit aux organisations syndicales que nous ne passerions pas au régime indemnitaire de la fonction publique territoriale, en contrepartie de quoi un effort particulier serait fait pour les conditions de travail. Si l'on affirme clairement les objectifs, on peut obtenir des résultats.
Encore une fois, évitons de perdre notre temps à rediscuter de la renationalisation des SDIS. L'argument selon lequel il faut un préfet pour arbitrer est fallacieux. Le préfet est investi de la responsabilité opérationnelle. Or, il ne l'exerce que lorsqu'il y a un plan rouge, un plan Polmar ou un plan Orsec, déléguant le reste du temps sa responsabilité au directeur départemental. Et, même en cas de plan Orsec, il lui arrive de confier l'organisation des secours aux pompiers. De plus, les services de la DDE – la direction départementale de l'équipement – ne sont plus sous l'autorité du préfet mais sous celle du président du conseil général.
Enfin, il faut avoir le courage politique de revoir le droit de police. Un maire l'aurait mais pas un président de conseil général pour les questions de sécurité civile ? Il y a un manque de courage pour aller au fond des choses.
Je pense qu'il faut garder l'établissement public parce qu'il est important que les communes soient présentes au conseil d'administration.
Ma position est identique. Il y a deux façons de gérer la relation avec un partenaire important : en exerçant l'autorité liée aux textes et à l'intégration ou en respectant scrupuleusement le contrat établi. Je suis pour ces deux moyens à condition que le département exerce toute sa responsabilité de patron de la politique de dépense.
Ce qui signifie que vous êtes pour le maintien de la situation actuelle.
Faut-il fiscaliser la dépense, c'est-à-dire l'identifier sur la feuille d'impôts locaux ?
Ayant été formé selon la tradition nord-américaine, je ne vais pas dire le contraire. Cela étant, une fois que l'on a répondu « oui, pourquoi pas ? », le travail commence.
Le but serait de réduire l'accroissement constant de la dépense. Quand un maire ou un président de conseil général augmente un peu les impôts, cela fait l'objet d'un débat au sein de son équipe. Les dépenses des SDIS augmentent sans aucune transparence alors qu'elles imposent aux départements et aux communes un engagement dans leur propre budget. Ce serait un moyen de responsabiliser la dépense.
Je serais assez favorable à cette solution pour une autre raison : elle serait également un moyen de pédagogie auprès de nos concitoyens en faisant apparaître la réalité de la présence des services de sécurité civile et leur coût.
Je suis beaucoup plus nuancé sur cette question. On peut très bien obtenir une stabilisation des dépenses des SDIS sans les faire obligatoirement apparaître sur la feuille d'impôts. Ce raisonnement peut s'appliquer à une multitude de services.
Certains SDIS doivent y parvenir mais ce n'est pas le cas général. Sinon, il n'y aurait pas une explosion de la dépense comme celle que nous constatons et qui nous fait nous réunir aujourd'hui.
Cela ne poserait pas de problème particulier puisque sont déjà indiquées sur la feuille d'impôts locaux la part communale, la part départementale et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. La dépense des SDIS est une charge individualisée par département et non une charge nationale. Elle n'a rien à voir avec le coût de la gendarmerie, de la police ou des infirmières dans les hôpitaux.
Bien que figurant sur la feuille d'impôts locaux, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne cesse d'augmenter.
Cette augmentation est due à un changement de mode de traitement. Le passage du physico-chimique au bactériologique entraîne des dépenses supplémentaires. Il y a une raison, tandis que l'augmentation des dépenses des SDIS n'a pas de véritable justification. Les élus se heurtent souvent à un corporatisme de la part des syndicats de sapeurs-pompiers.
En tant que présidents de SDIS, seriez-vous partisans, puisqu'une permanence doit être exercée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, d'un système de 3x8 plutôt que le mode de garde de 24 heures demandé par la DSC ? Cette norme est-elle respectée dans les Landes ?
Deuxièmement, trouvez-vous normal que des sapeurs-pompiers professionnels soient, quand ils ne sont pas de garde – la moyenne étant de 95 gardes de 24 heures par an –, sapeurs-pompiers volontaires dans un autre centre de secours, voire dans un autre département ?
Troisièmement, quelle est l'articulation SDIS-SAMU dans vos départements respectifs et quelle est la position de l'ADF à ce sujet ?
Il faudrait consacrer tout le temps restant à l'articulation SPP-SPV… Je vous renvoie au texte que nous avons préparé à ce sujet. Nous avons une position plutôt souple.
Concernant le temps de travail, nous sommes ouverts à tout à condition que les grands principes nationaux s'appliquent : spécificités du travail dans une caserne de sapeurs-pompiers professionnels et dans une caserne de sapeurs-pompiers volontaires, nature des contraintes auxquelles sont soumis les sapeurs-pompiers, transparence absolue. Nous avons un vrai débat avec les syndicats sur le temps et sur la nature du travail.
Compte tenu de la particularité des risques auxquels sont confrontés aujourd'hui les sapeurs-pompiers, la présence des sapeurs-pompiers professionnels chez les volontaires est souvent utilisée comme temps de formation spécifique.
L'articulation SDIS-SAMU est au coeur d'un vrai débat. Je suis mal placé pour en parler puisque le médecin qui est colonel des pompiers de mon département est le directeur d'un des principaux SAMU. Entre les « blancs » et les « rouges », il y a un modus vivendi, mais contractuel.
On évoque peu un troisième élément du triptyque : les ambulances privées.
L'articulation SDIS-SAMU ne pose pas de difficultés puisque nous avons signé la convention tripartite. Cependant, la sous-rémunération des SDIS lorsqu'ils accomplissent des missions qui ne sont pas les leurs pour pallier la carence du SAMU est un véritable scandale : 105 euros l'intervention contre 365 euros lorsque c'est un ambulancier. L'État a procédé à un arbitrage extrêmement favorable aux ambulanciers qui coûte cher à la sécurité sociale et qui devrait être corrigé.
Concernant votre deuxième question, pour moi, il n'y a pas des pompiers professionnels d'un côté et des sapeurs-pompiers volontaires de l'autre. J'ai rayé de la liste 300 sapeurs-pompiers volontaires parce qu'ils n'accomplissaient plus ni la formation, ni les manoeuvres. Dans le même temps, j'ai pu, grâce à la rénovation des casernes et à l'achat de matériels corrects, recruter 700 pompiers volontaires, après avoir baissé, comme je l'ai indiqué, le nombre de pompiers professionnels de 10 % en six ans. Sur une intervention, c'est le pompier le plus gradé, qu'il soit professionnel ou volontaire, qui commande. Cela change énormément le cours des choses.
Ma question était différente : est-il normal que les SPP soient SPV en dehors de leur temps de garde ?
Je vais être sincère : je l'ai fait dans des cas de dépassement d'horaires. Lorsqu'une intervention dépasse huit heures de quelques minutes, le double statut apporte une souplesse d'organisation.
Cela n'est pas l'objectif. Toutefois, le fait de systématiser l'articulation SPP-SPV peut être très mal vécu. La maîtrise des dépenses des SDIS, qui sont dues pour 73 % – et non 80 % – aux salaires, passe, selon moi, par le développement du volontariat et par la maîtrise du nombre de pompiers professionnels.
Pour ce qui concerne le temps de travail, j'ai été tenté d'appliquer les 3x8 mais je me suis rendu compte que cela serait plus coûteux pour le SDIS. Aujourd'hui, 24 heures de présence représentent 16 heures de travail. Avec les 3x8, il faudrait payer les 24 heures. Si une heure de présence en caserne est prise en compte comme une heure de travail, la question pourra être reconsidérée. On pourra imaginer d'appliquer les 2x8 pour assurer une couverture de 7 heures à 23 heures, période où il y a le plus d'interventions, par des professionnels, la nuit et le week-end étant couverts par des volontaires.
L'ADF a-t-elle mené une réflexion, voire une action, pour promouvoir la mutualisation, d'une part des achats de matériel, d'autre part des moyens et des dépenses en matière de formation, étant rappelé qu'il existe 80 écoles locales ?
L'ADF n'est pas l'autorité de tutelle de l'ensemble des départements français. Le débat est ouvert et les points de vue sont très différents. C'est souvent d'ailleurs lors de leur rencontre à l'ADF que les responsables des SDIS débattent par le menu des questions que vous avez posées.
Concernant les écoles de formation, tout dépend de ce qu'on met derrière le mot : cela peut être de simples plateformes d'entraînement comme des plateaux techniques très coûteux. Nous utilisons, pour notre part, une entreprise privée d'offre de services qui intervient normalement pour les industriels. Nous vous renvoyons au texte que nous avons préparé à ce sujet.
Je laisse Mme Élisabeth Maraval-Jarrier compléter au nom de l'ADF.
Les écoles départementales s'occupent de la formation des volontaires. Une réflexion à leur sujet vient de débuter à l'ADF et porte essentiellement sur leur équipement. Un début de mise en oeuvre est réalisé dans les départements alsaciens mais, comme cela fait relativement peu de temps que les départements sont aux commandes, cela n'a pas encore produit les effets souhaités.
La mutualisation concerne non seulement les achats de matériel, par le biais de groupements d'achat, mais également les fonctions et les personnels dans les secteurs comme l'informatique, les services juridiques ou les services immobiliers, ou encore l'organisation des ateliers au sens large du terme. Or il existe des obstacles juridiques à leur réalisation parce que les dispositions du code général des collectivités territoriales concernant les SDIS n'ont été conçues que dans la relation SDISCommunes et EPCI. Il y a manifestement un toilettage à faire en la matière.
Si la réglementation européenne nous imposait de considérer chaque heure de présence sur le lieu de travail comme une heure de travail, cela ne remettrait-il pas en cause la garde de 24 heures ?
Quand on regarde la jurisprudence, notamment la récente décision du tribunal administratif de Rennes contre le SDIS du Finistère ou ce qui s'est passé pour le SDIS de La Réunion, on s'aperçoit que toute la problématique repose sur la définition du travail effectif pendant la période de garde. Le décret parle d'équivalences. Or je ne pense pas que la réglementation européenne condamne les équivalences car le même problème se pose dans le domaine social avec les heures de veille. Le rapport présenté à la Conférence nationale sur les services d'incendie et de secours (CNSIS) sur le temps de travail fait le point de la réglementation. Nous vous en fournirons une copie. On s'oriente plus vers un assouplissement du régime des équivalences que vers une vraie définition une heure pour une heure.
Dans son bilan du décret de 2001, l'ADF a indiqué que les présidents de SDIS souhaitaient avoir un peu de temps devant eux afin de ne pas avoir à sortir brusquement du système actuel, sachant que les syndicats demandent à conserver les gardes de 24 heures, avec une heure de présence comptée comme une heure de travail. Une sortie brusque du système actuel provoquerait un séisme financier.
Nous comptons sur vous pour supprimer la double tutelle !