La commission a entendu M. Henri Proglio, président-directeur général d'EDF.
Avant de laisser la parole à M. Henri Proglio, président-directeur général d'EDF, je répète que j'assume parfaitement la responsabilité de ne pas avoir autorisé la presse à assister à nos deux auditions de ce matin alors que M. de Ladoucette et M. Proglio n'y voyaient quant à eux aucun inconvénient. J'estime que la liberté de nos échanges est à ce prix dans le cadre de la préparation d'un texte – nous ne sommes pas en l'occurrence dans l'exercice de notre mission de contrôle.
Monsieur le président Proglio, dans quelle mesure pensez-vous que l'accès régulé à la base (ARB) permettra d'accroître la concurrence ? Qu'y gagneront les consommateurs ?
Par ailleurs, les capacités financières d'EDF ne risquent-elles pas de diminuer alors que les besoins d'investissement et de renouvellement du parc nucléaire ne manqueront pas de s'intensifier ?
Enfin, à quel niveau convient-il selon vous de fixer le prix de l'ARB ?
Je me suis mobilisé sur le projet NOME dès avant mon arrivée à la tête d'EDF parce que je savais que ma mission consisterait précisément à préparer l'entreprise aux défis auxquels elle sera confrontée.
Mon ambition pour EDF vise à rétablir et à développer la performance du parc de production français dans les secteurs du nucléaire, de l'hydraulique, du thermique ainsi que des filières renouvelables – nous allons nous en donner les moyens en matière d'ingénierie et de compétences humaines –, mais également à améliorer notre performance sur le plan international, en particulier dans le domaine du nucléaire, et, enfin, à renforcer la proximité avec les consommateurs afin de rétablir avec eux et les élus une relation de qualité.
Naturellement, rien de tout cela ne serait possible sans que les hommes et les femmes du Groupe EDF, confiants et persuadés de la justesse de leur mission, se mobilisent, ou si EDF devait subventionner ses concurrents en vendant sa production en dessous de son prix de revient, ce à quoi aucun groupe industriel ne survivrait. Or j'entends promouvoir avant tout une vision industrielle des enjeux énergétiques.
Je note que, dans la nouvelle version du texte, la ligne générale initialement marquée par le seul objectif de développement de la concurrence à court terme a été en partie rééquilibrée à travers la prise en compte des enjeux d'investissement, lesquels demeurent fondamentaux indépendamment des modèles de marché retenus : si, en effet, les investissements qui s'imposent ne sont pas effectués, ni la sécurité d'approvisionnement ni la compétitivité du prix du kilowattheure ne seront effectives.
Quoi qu'il en soit, parce qu'EDF est favorable au principe de la concurrence, je souhaite parvenir en la matière à une solution solide et équilibrée à travers le respect de trois grands principes.
Tout d'abord, l'ensemble des opérateurs doivent être incités à investir dans des moyens de production : organiser un système fondé sur une concurrence artificielle à partir de la seule activité de commercialisation – laquelle ne représente que 7 % du prix du kilowattheure – serait sans effet réel sur le marché et non viable : aucun « commercialisateur » n'a jamais survécu sans être également producteur.
Ensuite, la nouvelle organisation doit maintenir la gestion intégrée du parc de production d'EDF sans isoler le parc nucléaire, comme cela a été parfois envisagé. Il s'agit là d'une condition de performance essentielle : s'il a été possible de faire face, cet hiver, malgré la faible disponibilité des centrales nucléaires, à des situations climatiques aussi difficiles, c'est grâce à l'optimisation de la production nucléaire, thermique et hydraulique, à l'achat-vente sur les marchés ainsi qu'aux échanges avec les pays voisins.
Enfin, le prix payé pour avoir accès à la production nucléaire d'EDF devra donner ou laisser à l'entreprise la capacité d'exploiter son parc en industriel responsable, ce qui suppose des investissements considérables et en importante hausse en matière de maintenance, de démantèlement des installations et de prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans, les références internationales visant un objectif de soixante ans.
Par ailleurs, j'espère que la discussion parlementaire permettra d'améliorer encore ce projet sur un certain nombre de points et, tout d'abord, sur la question centrale qu'est la « juste rémunération d'EDF », soit le prix de l'ARB.
Dans aucun secteur d'activité économique il n'est possible d'utiliser un outil de production sans en rémunérer le coût complet ; il ne serait ni économiquement juste ni socialement acceptable pour les Français de voir le parc nucléaire ouvert simplement pour maximiser le profit des opérateurs privés ou satisfaire une vision abstraite de la concurrence. Si, à ce que je lis, le prix de démarrage de l'ARB doit être calé sur le niveau actuel du TaRTAM, soit 42 euros, ce qui serait en continuité avec la situation en cours permettant aux consommateurs de passer sans rupture aucune du système actuel à celui de la loi NOME, ce prix devra néanmoins évoluer par la suite jusqu'à couvrir le « coût courant économique » du parc, lequel résulte de la somme de deux paramètres : d'une part, un terme variable, prévu par le projet, correspondant à la somme des coûts supportés chaque année par l'entreprise à compter de la promulgation de la loi et, d'autre part, un terme fixe, en euros constants, correspondant à la couverture et à la rémunération du capital investi Ce terme doit d'ailleurs être fixe car nous ne souhaitons pas discuter chaque année du montant déjà amorti ou des intérêts. Au demeurant, il s'agit de la meilleure façon d'offrir de la visibilité à tous les acteurs du système, des investisseurs aux clients.
Il est essentiel que l'ARB profite en priorité aux industriels qui, en raison de la politique européenne, perdront la protection des tarifs – le TaRTAM puis les tarifs jaunes et verts, à la différence des bleus. Or, l'électricité compétitive, c'est de l'emploi industriel ! J'ajoute que l'ARB permet de concilier offres en concurrence et transfert de la compétitivité du parc nucléaire.
Je rappelle, de surcroît, que ni Bruxelles ni la commission Champsaur ni les particuliers ne considèrent le développement de la concurrence sur le marché des clients domestiques comme une priorité., Une concurrence vive peut, en revanche, se développer pour toutes les autres catégories de clients. C'est précisément pour cela que nous sommes favorables à ce que la loi précise que 70 % au moins des volumes d'ARB sont prioritairement dédiés à la fourniture des entreprises, ce pourcentage correspondant d'ailleurs à la part de la consommation en base des industriels dans la consommation nationale.
De plus, il me semblerait logique que les fournisseurs qui disposent déjà d'une production électrique importante à des coûts inférieurs à ceux du parc nucléaire d'EDF – c'est notamment le cas de l'hydraulique au fil de l'eau par exemple sur le Rhône – n'aient accès à la production nucléaire d'EDF qu'après avoir utilisé leur propre production pour alimenter leurs clients finals en France, faute de quoi ce projet susciterait de purs effets d'aubaine. De la même manière, un encadrement des conditions dans lesquelles les gros consommateurs pourront aller et venir entre tarifs réglementés et prix de marché permettrait-il d'éviter de semblables effets ? Si un droit de retour est parfaitement compréhensible, pratiquer des allers et retours permanents pour faire de l'optimisation sur les différences entre le marché et les tarifs selon les saisons constitue un détournement pur et simple des tarifs réglementés. Appliquées au TaRTAM, ces pratiques nous ont d'ailleurs déjà coûté 250 millions d'euros, certains ayant transformé un filet de sécurité en objet de spéculation financière. Sans l'encadrement de ce droit d'aller et venir qui sera accordé par la loi NOME aux gros consommateurs aux tarifs jaunes et verts, ces mêmes pratiques nous coûteront 400 millions par an, soit 2 milliards d'euros sur les cinq années que durera le dispositif.
Enfin, le caractère transitoire d'un tel système étant fondamental, la décroissance progressive des volumes d'électricité auxquels auront accès les fournisseurs en fin de période doit être inscrite dans la loi. Seule la perspective de cette réduction programmée peut les inciter à développer leur propre approvisionnement, soit par l'investissement direct, soit par des accords industriels avec d'autres producteurs. S'il ne devait pas en être ainsi, l'ensemble du système électrique serait dans une impasse – aucun opérateur n'ayant intérêt à investir – et la sécurité d'approvisionnement de notre pays en péril.
La loi NOME contribuera donc à faire évoluer sensiblement le paysage électrique français, lequel permet aujourd'hui aux ménages et aux entreprises de notre pays de bénéficier d'un prix de l'électricité de 30 % à 40 % plus bas que la moyenne européenne. Ce que l'on qualifie donc parfois de « rente nucléaire » a été intégralement transféré aux consommateurs, toutes catégories confondues, et le maintien de cet avantage compétitif essentiel pour la société et l'économie françaises suppose de poursuivre une politique fondée sur une logique industrielle de long terme.
C'est parce que nous sommes tous soucieux des problèmes qui se posent que nous avons fait en sorte – rapporteur, majorité et Gouvernement – d'aller le plus loin possible pour que le prix retenu prenne en compte l'ensemble des éléments que vous venez de mentionner, monsieur Proglio. Nous ne voulons pas plus que vous que nos intérêts soient remis en cause en raison d'une appréciation aussi rapide que brutale des règles européennes.
Je remercie M. le président d'EDF pour avoir su aller à l'essentiel : l'investissement et la compétitivité constituent bel et bien des enjeux majeurs pour EDF et notre pays.
Le prix de l'ARB est bien entendu au coeur de notre débat. À ce propos, je note que les chiffres avancés par le président Philippe de Ladoucette ne correspondent pas à ceux que vous avez donnés en référence au TaRTAM. M. de Ladoucette ayant de surcroît précisé que les assiettes retenues différaient, quels critères doivent selon vous être révisés afin de parvenir à un rapprochement ?
Par ailleurs, de quelle façon le capital investi par EDF doit-il être rémunéré ? Combien coûte la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires et combien de nouvelles constructions pourront-elles être financées quand ce sera nécessaire ?
Même si cela reste à la marge de notre débat, que pensez-vous du rapport de deux membres de la CRE sur les réseaux de distribution et quelles conséquences doivent-elles en être tirées pour la loi NOME ?
Enfin, quel est votre sentiment sur les partenariats industriels dans le domaine du nucléaire ?
Lors de votre dernière visite, monsieur Proglio, vous n'étiez pas encore président d'EDF mais votre conviction sur la loi NOME était déjà faite : équipé de gants de boxe, légitimement soucieux des intérêts d'EDF, vous avez cogné très fort sur ce texte ! En quoi a-t-il été depuis lors modifié, si ce n'est, comme c'est vraisemblable, à la faveur de subtilités qui m'échappent ?
Par ailleurs, vous venez de trouver un nouveau nom pour la loi NOME – lequel, passez-moi la métaphore filée, lui va comme un gant : la loi « SAVACON », visant à « satisfaire une vision artificielle de la concurrence ». Ce texte emberlificoté que les explications de M. de Ladoucette n'ont guère contribué à éclairer donne la nostalgie d'un temps hélas révolu où trois acteurs avaient la part belle : EDF, la France et les Français. Or, aujourd'hui, sauvegarder les intérêts du premier, est-ce encore sauvegarder ceux du second et des troisièmes ? La pertinence de la redistribution des rôles ne saute pas aux yeux... Alors que l'ancien modèle intégré, régulé, de qualité et bon marché fonctionnait fort bien, je gage que le présent bricolage mobilisera à nouveau M. le rapporteur Lenoir dans six mois, contraint qu'il sera de présenter une proposition de loi pour ajuster les choses.
Croyez-vous donc vraiment à ce texte, monsieur le président Proglio ?
Enfin, considérez-vous que le prix de l'ARB intègre précisément l'ensemble de la base – le nucléaire passé, présent et futur, ainsi que l'hydraulique au fil de l'eau –, la différence entre les productions en pointe et en base étant, je le rappelle, une spécificité nationale ?
Si je ne peux que partager les principaux objectifs détaillés par M. Proglio, notamment celui de la sécurité de l'approvisionnement, laquelle suppose de nombreux investissements, ainsi que celui de la compétitivité des prix, je ne m'interrogerai pas en revanche pour savoir s'il était ou non possible d'agir autrement : notre devoir est de nous inscrire au mieux dans le droit européen et de nous adapter.
Comment articuler de manière équilibrée ARB, complément de base au prix de marché ? Le prix du marché de pointe, quant à lui, joue-t-il seulement à la marge ?
Par ailleurs, si je considère également que la base concerne l'ensemble des productions électriques, quels seront le coût et le délai de la rénovation des centrales nucléaires ? Quid du renouvellement du parc ?
Enfin, le texte pèche-t-il par son imprécision quant à la sortie du dispositif et à la prévention de tout effet d'aubaine pour tel ou tel concurrent ?
Si des voix s'élèvent pour regretter l'évolution du marché de l'électricité en France, je rappellerai toutefois que cette dernière a été décidée ici même. L'ancienne organisation n'était certes pas parfaite mais, outre qu'elle présentait bien des avantages, elle a longtemps continué d'avoir des effets très positifs. Il n'en sera pas de même, en revanche, dans un avenir proche et, notamment, pour les tarifs domestiques et la compétitivité : l'objectif à atteindre, c'est la sécurisation des approvisionnements et la livraison à l'ensemble des clients d'une électricité de bonne qualité toute l'année et à toute heure du jour et de la nuit, non l'organisation de la concurrence !
Pourquoi, monsieur Proglio, avez-vous évalué le délai nécessaire à la mise à niveau de la production des centrales nucléaires d'EDF d'abord à trois puis à cinq ans ?
En outre, il me semble que l'objectif, aujourd'hui, est moins de sauvegarder l'intérêt de la France et des Français que celui d'EDF. Sur ce sujet, le président de la CRE est resté muet. Et vous ?
Vous avez par ailleurs indiqué que ce texte avait été « en partie rééquilibré ». En quoi ne l'a-t-il pas été intégralement ? Que faudrait-il pour qu'il le soit ?
Enfin, telle qu'elle est rédigée, la loi empêcherait-elle vos concurrents d'aller vendre à l'étranger l'énergie nucléaire qu'ils auront achetée à EDF ?
Libéral et européen, le Nouveau Centre assume ses choix : outre que l'organisation d'une véritable concurrence sert le consommateur, l'Europe est une réalité qui s'impose à tous. Le secteur des télécommunications n'a-t-il pas été régulé avec succès, tant en ce qui concerne les prix que les services ?
En l'occurrence, ce texte suffira-t-il pour créer cette concurrence que nous appelons de nos voeux, ou favorisera-t-il l'émergence d'un oligopole EDFGDF Suez ?
Par ailleurs, selon le président de la CRE, les marges de manoeuvre pour définir le prix de l'ARB – que vous estimez quant à vous à 42 euros le kilowattheure – sont quasiment nulles et relèvent moins de la politique que de l'arithmétique. En la matière, qui doit arbitrer ? Est-ce la CRE, en raison d'un conflit d'intérêts supposé entre l'État régulateur et l'État actionnaire ?
S'agissant de l'accès à la base, je partage le point de vue de mes collègues. Faut-il dès lors revenir, dans l'intérêt d'EDF, sur la cession problématique de l'exploitation de barrages par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) au groupe GDF Suez ?
Enfin, la loi contrôle-t-elle suffisamment de possibles reventes spéculatives à l'étranger ?
EDF est en charge d'une mission de service public et il est de mon devoir de défendre une société qui appartient au patrimoine national français. Il ne faut pas confondre la théologie et la pratique ! J'accepte, bien entendu, la concurrence, mais à condition qu'elle soit utile à la France et à nos concitoyens. À moi, ensuite, de faire du Groupe un monopole compétitif en prouvant qu'il est le meilleur dans un marché ouvert !
Par ailleurs, le texte qui nous réunit a structurellement évolué, notamment en posant un certain nombre de principes : priorité à l'investissement et à l'indépendance énergétique ; conscience des possibles effets d'aubaine spéculative ; travail en faveur de l'équilibre économique, enfin. Vendre au prix marginal, en effet, reviendrait à moyen terme à condamner le parc de production énergétique français, et c'est précisément ce qui se passerait si le coût de cession était élaboré à partir du prix de revient comptable – défini à partir des infrastructures dont le coût est déjà amorti – et non du prix de revient économique. N'importe quel gestionnaire de PME fait la différence. Mettre à la disposition de nos concurrents, au prix de revient, une quote-part significative de notre production pour faciliter l'accès à la concurrence ne constitue-t-il pas déjà un énorme effort ? Aller au-delà serait irresponsable et je ne m'y résous pas.
En outre, il est très difficile de définir le prix d'équilibre : alors que la période de transition est de quinze ans, nous devons par exemple anticiper le coût des investissements nécessaires à la rénovation de notre parc de centrales sur deux périodes de dix ans. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) n'ayant pas fourni d'indications particulières à ce jour, je l'ai quant à moi d'abord estimé à 400 millions d'euros avant de prendre mes fonctions, puis à 600 millions d'euros, pour chacune des 58 tranches nucléaires sur vingt ans. C'est donc au final 35 milliards qui seront nécessaires à l'extension de la durée de vie de notre parc ! En y incluant la maintenance, la prolongation, les provisions pour démantèlement et l'ensemble des coûts d'exploitations courants, le coût de revient économique se situerait in fine autour de 45 euros. Néanmoins, durant cette phase de transition, soucieux de faire preuve de bonne volonté et désireux de nous tenir au plus près du TaRTAM indexé, nous ferons en sorte d'engager le processus, comme je l'ai déjà dit, avec un prix de départ de 42 euros. S'il devait être inférieur, cela relèverait du pillage.
Le renouvellement du parc sera quant à lui coûteux : si les technologies progressent, il en va de même du coût de revient – ainsi l'EPR, par exemple, est-il plus cher au mégawatt installé qu'une centrale classique.
S'agissant du rapport de la CRE sur les réseaux de distribution, dont cette dernière dément elle-même l'existence, je n'en ai quant à moi nulle connaissance et vous comprendrez donc que je ne puisse commenter des rumeurs, fussent-elles parées d'une aura officielle.
Cela dit, il serait absurde de prétendre que des problèmes de distribution ne se posent pas. La qualité et l'efficacité du service ne répondant pas à mes attentes, j'ai installé une nouvelle équipe. Par ailleurs, si je déplore l'organisation actuelle, je la subis comme vous et j'essaie également de faire en sorte que les nouvelles règles, que je me dois de respecter, ne pénalisent pas trop nos clients. Quoi qu'il en soit, je vous garantis que la situation va s'améliorer : ERDF recevra chaque année 2,6 milliards d'investissement, ce qui représente 50 % de plus qu'il y a trois ans.
Oui, je crois à ce texte plus équilibré et plus satisfaisant que ne l'était le projet initial sur le plan industriel. Je donne ainsi acte à la représentation nationale pour le progrès accompli, même si je souhaite que l'on complète ce texte en y intégrant notamment le prix d'équilibre, qu'il n'appartient pas à la CRE de définir. Je me félicite également des avancées concernant l'abus du « droit à la repentance » : oui, il est possible de se tromper de fournisseur mais pas tous les trois mois !
Enfin, l'ARB concerne bien entendu l'ensemble de la base, et pas seulement le domaine nucléaire.
J'ajoute que toute allusion aux télécommunications est industriellement erronée : si les infrastructures sont comparables, les capacités de production d'une centrale sont par définition beaucoup plus immédiatement limitées et la concurrence n'y peut rien.
Je dois à nos clients une électricité et des services de qualité à des conditions compétitives : pas plus que je ne peux adresser à mes collaborateurs un autre message, je ne saurais les inviter à renoncer par principe à des parts de marché pour complaire à Bruxelles. Je me refuse à adopter une telle attitude inefficace pour le pays !
Enfin, parce que la mise à disposition facile de l'outil de production d'EDF pour ses propres concurrents afin qu'ils vendent sa propre énergie – j'attire votre attention sur le caractère hallucinant du scénario – doit bien se terminer un jour, il conviendra que ces derniers anticipent la fin de cette période par une décroissance des volumes fournis, dont le niveau devra être défini.
Par ailleurs, je mesure la difficulté juridique consistant à interdire de vendre de l'électricité à l'étranger et, donc, de limiter les effets d'aubaine.
Depuis cinq ans, la dégradation du coefficient de disponibilité des centrales est particulièrement préoccupante puisque nous sommes passés de 83 % à 78 %, et même, l'année dernière, à 75 % si l'on tient compte des conséquences de la détérioration du climat social. Or, dès cette année, ce taux sera amélioré et j'espère pouvoir le porter d'ici 2013 ou 2014 à 85 %.
J'ajoute que nous sommes contraints par la disponibilité des pièces mécaniques, notamment des générateurs de vapeur, dont la production industrielle est insuffisante pour répondre à nos besoins, et que j'ai réorganisé les services de maintenance afin d'accroître leur efficacité.
Au final, nous devons préserver une vision industrielle et non financière, spéculative ou comptable de l'entreprise : l'intérêt supérieur du service public en dépend !
Indépendamment de toute considération politique, nous sommes ici nombreux, tout en tenant compte de nos obligations européennes, à partager votre point de vue.
En ce qui concerne le prix, à la différence de ce qui était initialement prévu, le texte fait désormais état d'éléments constitutifs fermes grâce à l'action de la majorité et il me paraît exclu que le débat se termine sans que la loi mentionne au minimum une fourchette.
Pour ce qui touche aux réseaux de distribution, M. le président Proglio aura l'occasion de s'exprimer dans le cadre de la mission sur la sécurité des réseaux proposée par M. Brottes, laquelle sera présidée par M. Gaubert et rapportée par M. Proriol.
Le rapport de la CRE existe, monsieur Proglio – je me propose de vous le transmettre –, tout autant que les problèmes de distribution auxquels il est consacré. Le 4 mai, 25 000 foyers ariégeois ont été plongés dans le noir pour une durée allant de vingt-quatre à quarante-huit heures.
Assurément, mais toutes ces questions sont liées.
Comment passe-t-on d'un prix acceptable évalué d'abord à 60 euros puis, aujourd'hui, à 42 euros ?
Qu'est-ce qui explique des investissements évalués dans un premier temps à 400 millions, puis à 600 millions ? Aucune étude sérieuse n'ayant été menée sur les besoins réels de financement, d'investissement et de maintenance, comment expliquer pareille valse des chiffres ? Nous interrogerons aussi le ministre compétent sur ce point.
Enfin, en quoi les réseaux bénéficieront-ils du rachat des pertes sur le prix ARB par ERDF et RTE ?
La construction du barrage de Bort-les-Orgues, voilà 60 ans, et celle des tranches 1 et 2 de Flamanville, il y a trente ans, ont été pour moi emblématiques de ce qu'est le parc électrique national français, à la fois hydraulique et nucléaire. Je suis donc opposé au principe d'un prélèvement, qu'il soit de 25 % ou de 30 %. Que pensez-vous donc de la création d'un « arc électrique », voire d'un « bouclier » protégeant EDF ainsi que ses clients en sanctuarisant investissements et production ?
En outre, si la loi est votée telle quelle, comment apprécierez-vous la gestion de la pointe électrique ?
Par ailleurs, quelles améliorations peuvent-elles être apportées au fonctionnement du parc nucléaire et quels délais seront-ils nécessaires pour passer d'un coefficient de disponibilité de 78 % à 88 % ? Le gain obtenu par un tel passage compenserait-il de surcroît le déficit de recettes dû à l'obligation de vendre de l'électricité à d'autres fournisseurs ? De plus, existe-t-il d'autres pistes pour parvenir à faire baisser le prix de revient ?
Enfin, en quoi la loi NOME modifiera-t-elle votre positionnement concurrentiel dans le monde et quelle sera selon vous l'évolution des grands contrats industriels électro-intensifs ?
M. Proglio ayant déjà répondu à nombre de questions que je souhaitais poser je me permets seulement, à l'instar de Mme Massat, d'insister sur la mission de service public d'EDF ainsi que sur la dégradation de la qualité du service rendu et des relations de l'entreprise avec l'ensemble des usagers.
Si votre attachement au développement économique d'EDF relève du simple bon sens, je considère quant à moi que la production hydraulique en base doit être déduite des droits de tirage. Qu'en pensez-vous ?
Quel est votre sentiment sur la mixité EDF-GDF Suez des concessions à laquelle la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ne permet pas de déroger ?
Comment intégrer dans le calcul du prix de la base les conditions particulières de tarifs faites aux industries lourdes françaises ? Le « bandeau ARB » doit-il être fixé au minimum à 70 % de leurs besoins énergétiques ?
Qu'en est-il des relations client-fournisseur entre EDF et Areva, partenariats technologiques en recherche et développement dans les domaines du nucléaire et de l'énergie renouvelable ainsi que sur le plan de la concurrence internationale ?
Que pensez-vous, également, de la perte du marché des Émirats Arabes Unis au profit de la Corée ?
Même si cette audition, monsieur le président Ollier, est consacrée à la loi NOME, je ne peux, en tant que député de Lozère, faire abstraction du rapport des membres de la CRE. Mon département subit vingt-cinq fois plus de coupures d'électricité que la moyenne nationale, et il est resté dans le noir plus de trente-cinq heures cumulées en 2008. Faute d'investissement, le réseau est fragile et les services locaux sont quant à eux démantelés.
Comment envisagez-vous, monsieur Proglio, de remédier à ces dysfonctionnements ?
Je demande à M. Proglio de ne pas répondre aux questions hors sujet concernant un rapport dont il n'a pas eu connaissance. Je répète qu'une mission sera mise en place à ce sujet et je propose à son rapporteur, M. Proriol, d'inviter tous les membres de la Commission des affaires économiques lorsque l'audition de M. Proglio s'y déroulera.
J'ai conscience que des problèmes se posent en matière de distribution et de service, notamment en raison de l'organisation qui nous est imposée et de certaines défaillances internes. Si j'ai déjà pris un certain nombre de mesures concernant les secondes, je subis comme vous la première.
Par ailleurs, je ne commenterai pas un rapport que je n'ai pas lu et dont je n'ai ni connaissance officielle ni connaissance officieuse.
Le coefficient de disponibilité et la gestion de l'outil industriel constituent des principes de bonne politique et ne relèvent en rien de je ne sais quelle compensation. Leur amélioration contribuera simplement à accroître notre compétitivité et nous y travaillerons indépendamment du texte dont nous parlons aujourd'hui.
Bruxelles considère que les tarifs concédés en France aux industriels sont si compétitifs par rapport à ceux qui sont en vigueur dans le reste de l'Europe qu'ils relèvent de l'aide d'État. Elle veut donc supprimer les tarifs électriques français régulés. Or, ma mission consiste précisément à supprimer ce dernier terme, à maintenir la perspective de prix ultra-compétitifs pour la France, et à gagner ainsi sur tous les tableaux. Si je la remplis, peu importe la concurrence puisque nous serons les plus compétitifs !
En ce qui concerne les consommateurs industriels électro-intensifs, nous avons proposé à nos clients un contrat Exceltium de vingt-quatre ans comprenant une garantie de compétitivité absolue : aucun industriel européen s'installant en France ne peut ignorer ce que constitue un tel atout – nous avons d'ailleurs reçu la semaine dernière 1,8 milliard d'avance de la part d'industriels conscients de l'intérêt qu'ils avaient à nous rejoindre.
En outre, parce qu'EDF a vocation à être la référence européenne et mondiale dans le domaine de l'électricité, j'ai relancé l'ensemble des secteurs – nucléaire, hydraulique et thermique – de manière que nous puissions proposer une offre complète.
Nous pouvons, en particulier, être fiers de notre compétence originelle en matière hydro-électrique, laquelle constitue encore dans le monde notre « marque de fabrique », comme nous l'avons encore récemment démontré au Laos. En aval, avec Pierre Lederer ici présent, je veille également à optimiser nos compétences en matière de commerce et de gestion : avec ou sans la propriété des infrastructures de production, de transport ou de distribution, nous démontrerons ainsi dans le monde entier la valeur de notre expertise dans ces domaines.
Enfin, la distribution constitue un aspect fondamental de notre métier : à défaut de bénéficier de la meilleure approche à travers le service intégré, nous devons disposer de l'ensemble des compétences permettant de travailler dans un cadre segmenté.
La mixité des concessions, quant à elle, relève d'un faux débat : on nous a trouvé un concurrent, et je me bats donc avec lui ; la perspective de services communs aux clients, en l'espèce, n'a évidemment aucun sens et une évolution des textes réglementaires et législatifs s'imposera.
Nous entretenons avec les industriels des relations à la fois solidaires et exigeantes, tous les groupes attendant de leurs fournisseurs efficacité, compétitivité et adaptabilité.
Lorsque l'énergie fossile était bon marché, la France a eu l'audace de créer le projet qui allait permettre à notre pays de mettre en place le premier parc nucléaire mondial à l'origine de notre compétitivité. Il est de mon devoir de maintenir cet avantage, ainsi que de fournir aux actionnaires les bons résultats auxquels ils ont droit, et ce grâce à la qualité de nos équipes et de notre technologie.
Je remercie donc les parlementaires pour avoir fait en sorte que ce texte ne se réduise pas à un catéchisme de la concurrence et qu'il ait chevillé en son coeur la dimension industrielle de long terme de notre métier.
J'espère, enfin, que vous ne laisserez pas trop de marges interprétatives à ceux qui ne partageraient pas nos convictions.
Je vous sais gré de reconnaître le progrès accompli, mais il est toujours possible de mieux faire, de manière que vous puissiez nous remercier encore davantage après l'examen du texte, nos objectifs étant les mêmes !
Monsieur Proglio, nous vous remercions.
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Information relative à la commission