Audition de M. Douste-Blazy, Secrétaire Général Adjoint des Nations unies, Conseiller spécial du Secrétaire Général en charge des financements innovants pour le développement, Président d'Unitaid
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Philippe Douste-Blazy, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies en charge des financements innovants pour le développement et président d'UNITAID.
Il y a quelques années, dans le cadre de la recherche de financements innovants pour l'aide au développement, les présidents Jacques Chirac et Luiz Inácio Lula da Silva avaient lancé l'idée d'une taxe sur les billets d'avion, afin de contribuer au financement de la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. De cette initiative franco-brésilienne, à laquelle le Royaume-Uni, le Chili et la Norvège se sont immédiatement joints, a résulté la création d'UNITAID en septembre 2006. Vingt-neuf pays y participent aujourd'hui. Le but est de faciliter l'accès aux traitements contre le VIHsida, le paludisme et la tuberculose en réduisant le prix des médicaments dans les 93 pays en développement actuellement bénéficiaires de cette facilité.
Monsieur le président, pourriez-vous nous présenter l'action et le bilan d'UNITAID depuis sa création et nous dire quels sont ses objectifs pour les années à venir ? Ne trouvez-vous pas sa composition quelque peu paradoxale, puisque les pays en développement sont très largement majoritaires parmi les pays contributeurs, tandis que les principaux pays donateurs d'aide publique au développement ne sont pas membres d'UNITAID – je pense notamment aux Etats-Unis, aux pays scandinaves, exception faite de la Norvège, au Canada ou encore à l'Australie – ? Des démarches ont-elles été entreprises pour obtenir l'adhésion de tous les États membres de l'Union européenne ?
La taxe sur les billets d'avion couvrant environ 70 % de vos besoins de financement, j'aimerais savoir d'où vient le reste de votre budget. De façon plus générale, où en est la réflexion sur les financements innovants, tant en ce qui concerne les ressources nouvelles envisageables que les secteurs qui pourraient en bénéficier ? S'oriente-t-on vers des mécanismes de financement spécifiques, portant sur des thématiques ciblées ? Comment le développement des financements innovants influera-t-il sur l'action des donateurs bilatéraux, des organisations internationales et des institutions de Bretton Woods ?
Depuis les élections de 2007, je me consacre à la présidence d'UNITAID, mission pour laquelle le Secrétaire général des Nations Unies m'a nommé Secrétaire général adjoint et conseiller spécial, à titre bénévole – et je me suis remis à l'enseignement de la médecine pour gagner ma vie.
A mes yeux, le sujet n'est pas humanitaire ou sanitaire, mais politique. En effet, si la médecine est très développée dans les pays du Nord, aussi bien sur le plan curatif que sur le plan préventif, les malades sont au Sud. Et si les fonds consacrés à la santé étaient équitablement répartis sur la planète, nous ne connaîtrions pas les épidémies et endémies actuelles, ni une telle mortalité infantile et maternelle. Aujourd'hui, 95 % des dépenses de santé sont réalisées dans les pays du Nord.
Sous l'impulsion de Kofi Annan, les Nations Unies ont adopté en 2000 huit « objectifs du millénaire pour le développement » : diminuer l'extrême pauvreté de moitié d'ici à 2015 ; assurer l'éducation primaire pour tous ; promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ; réduire la mortalité infantile, qui est l'indicateur de santé le plus probant dont nous disposons ; améliorer la santé maternelle ; combattre le sida, le paludisme et d'autres maladies ; garantir un environnement durable, sujet qui fera l'objet du prochain sommet de Copenhague ; mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
S'agissant de la mortalité infantile, nous sommes passés d'un taux de 106 à 83 pour mille naissances, ce qui constitue un net progrès, même s'il est insuffisant. La santé maternelle, en revanche, ne s'est pas améliorée depuis 2000, et c'est le seul objectif du millénaire pour lequel la situation a même tendance à s'aggraver : plus de 500 000 femmes meurent encore, chaque année, à l'issue d'une grossesse, soit une femme sur seize en Afrique subsaharienne, contre une sur 3800 dans les pays développés. Enfin, le nombre de personnes mortes du sida dans le monde a atteint 2,9 millions en 2006, et en 2005 plus de 15 millions d'enfants avaient perdu au moins un de leurs parents à cause de cette infection.
Pour atteindre les objectifs du millénaire, il faut 150 milliards de dollars par an. Or actuellement seuls 116 milliards sont disponibles. Il faut donc trouver le reste…
Sans doute faudrait-il accroître l'aide publique au développement, mais il y a dans nos pays une limite à l'augmentation des impôts. D'où l'idée, en 2004, des présidents brésilien, chilien et français, MM. Lula, Lagos et Chirac, de développer des financements « innovants » pour le développement. Initialement marginal, à l'instar du micro-crédit il y a quinze ans, ce concept est en train de devenir un outil essentiel dans la constitution d'une nouvelle architecture mondiale.
Les pays les plus pauvres sont touchés de plein fouet par la crise : depuis 2005, l'aide publique au développement a diminué de 7 % ; l'investissement, notamment celui des acteurs du secteur privé, a également chuté, de même que le prix des matières premières. C'est dans ces pays que la crise produit un véritable tremblement de terre. Et l'on voit la mortalité infantile exploser dans 16 pays, dont 14 en Afrique, sans que les journaux y consacrent une ligne.
Le fossé entre les pays riches et les pays pauvres continue donc à se creuser. Il est vrai que certains pays émergents, tels le Brésil, l'Inde ou la Chine, sont en bonne voie, mais d'autres, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie, sont en train de s'effondrer. Selon la Banque mondiale, la crise devrait causer la mort de 200 000, voire 400 000 enfants de plus par an, soit entre 1,4 et 2,8 millions d'enfants d'ici à 2015.
A l'aide publique au développement s'ajoutent, depuis quelques années, de nouveaux moyens, comme ceux de fondations privées, en particulier la fondation Bill et Melinda Gates. Mais il manque encore environ 40 milliards de dollars. C'est pourquoi nous recherchons des « financements innovants », présentant l'intérêt de ne pas être votés pour une seule année, mais d'être pérennes, donc prévisibles. De tels financements ont pour vocation d'être « additionnels », et n'ont pas, par définition, vocation à se substituer à l'aide publique au développement : celle-ci ne doit pas diminuer au motif qu'UNITAID existe, car alors il n'y aurait plus de solution.
La France est le premier pays à avoir instauré une taxe de solidarité sur les billets d'avion, le 1er juillet 2006, à la suite de la conférence internationale de Paris. UNITAID a ensuite été officiellement lancée le 19 septembre 2006 à New York, en présence du président de l'Union africaine, par les cinq pays fondateurs – Brésil, Chili, Royaume-Uni, Norvège et France. Chez nous, pour les vols nationaux ou en Europe, la contribution s'élève à 1 euro en classe économique et à 10 euros en classe affaires et en première classe, et pour les vols internationaux, à 4 et 40 euros. Je rappelle que 1 euro permet de financer des traitements antipaludéens pour deux enfants pendant un an, et 40 euros un traitement pour un enfant séropositif pendant un an.
En trois ans, nous avons réuni 1,2 milliard de dollars, dont 70% grâce à la taxe sur les billets d'avion, qui rapporte 370 millions par an. Contrairement à ce que certains prétendaient, cette taxe n'a pas « tué » le secteur des transports aériens – qui a continué à se développer, exception faite de cette année en raison de la crise, laquelle a produit partout ses effets sur le fret aérien. En effet, puisqu'à l'intérieur d'un pays qui a mis en place le système, toute personne achetant un billet d'avion paie la taxe, il n'y a pas de distorsion entre les compagnies.
A ce jour, 34 pays ont décidé de mettre en place une taxe sur les billets d'avion, déjà en vigueur dans seize d'entre eux. Le Parlement du Maroc devrait l'adopter dans quelques jours, après Chypre et le Portugal très récemment. Nous avons de bonnes raisons d'espérer que la Russie va suivre avant la fin de l'année. Au Japon, une commission s'est prononcée à l'unanimité, juste avant les dernières élections, en faveur d'une taxe de deux dollars – un dollar pour l'environnement, l'autre pour UNITAID.
Nous avons décidé au départ de consacrer l'argent d'UNITAID à la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, en nous fixant pour objectif l'accès aux médicaments et les tests diagnostiques. Comme nous pouvons nous engager à payer aux laboratoires pharmaceutiques des sommes importantes pendant plusieurs années, nous obtenons des baisses du prix des médicaments substantielles. A ce jour, nous participons à la lutte contre le paludisme dans 29 pays, à la lutte contre le sida dans 49 pays, et la lutte contre la tuberculose dans 72 pays ; concernant le sida, ayant obtenu une baisse de 50 % du prix des médicaments, nous parvenons, avec la même somme d'argent, à soigner deux fois plus de patients.
Je précise qu'UNITAID n'intervient pas sur le terrain, où il y a déjà beaucoup d'acteurs et où il y a plutôt besoin de coordination. Nous faisons du fundraising et notre secrétariat, dirigé par Philippe Duneton et Jorge Bermudez, ici présents, est en discussion permanente avec nos partenaires ; chaque année, seize experts en santé publique dans le monde nous donnent leur avis sur les programmes à soutenir. Ensuite, bien sûr, nous surveillons l'utilisation de l'argent et les résultats obtenus.
Je voudrais insister tout particulièrement sur le cas des enfants atteints du sida. La situation actuelle illustre les limites du capitalisme, lequel ne fonctionne que s'il y a des vendeurs et des acheteurs. Dans les pays du Sud, on n'a pas d'argent pour acheter des médicaments ; et dans les pays du Nord, il y a très peu d'enfants atteints du sida car les femmes enceintes séropositives bénéficient de trithérapies permettant d'éviter la contamination des nouveau-nés. De ce fait, les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas développé de formes pédiatriques de traitement du sida. Or, malheureusement, 2 400enfants contaminés naissent chaque jour dans les pays pauvres.
Il est trop facile de pointer du doigt les entreprises pharmaceutiques : il revient aux responsables politiques de décider ce qu'il faut faire. Pour notre part, nous avons décidé de financer la recherche pour produire et mettre à disposition des traitements pédiatriques contre le sida. Nous avons travaillé sur ce sujet avec la fondation Clinton (CHAI) ; aujourd'hui, les trois quarts des enfants bénéficiant d'un traitement – ils sont encore trop peu nombreux à être dans ce cas – le sont grâce à cette collaboration entre UNITAID et la CHAI. Un autre programme, cette fois mené avec l'UNICEF, vise à lutter contre la transmission du sida de la mère à l'enfant.
S'agissant de la tuberculose, nous avons décidé de constituer des stocks d'urgence de médicaments et de financer la diffusion d'un nouveau test permettant de réduire à deux jours le délai de diagnostic. Notre action en faveur des enfants atteints du VIH contribue également à la lutte contre la tuberculose, le sida exposant à un risque accru d'infections, comme notamment la tuberculose.
Nous pouvons également être fiers de notre action contre le paludisme, affection qu'il serait aujourd'hui possible d'éradiquer grâce à un nouveau médicament, l'artémisine, et à l'utilisation de moustiquaires imprégnées d'insecticide. L'UNITAID a décidé de financer plus des trois quarts du programme mis au point sur ce thème par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et nous avons récemment engagé 109 millions de dollars pour l'achat et la distribution, d'ici à 2010, de 20 millions de moustiquaires imprégnées. Je rappelle qu'aujourd'hui dans le monde, un enfant meurt du paludisme toutes les trente secondes.
Nous n'agissons, bien sûr, qu'en accord avec les gouvernements des pays concernés par nos programmes, mais nos financements ne leur sont pas destinés : ils vont à des partenaires tels que l'OMS, structure au sein de laquelle UNITAID est abritée, ou encore l'UNICEF.
J'en viens à notre gouvernance : UNITAID est dirigée par un conseil d'administration et s'appuie sur un secrétariat. Le conseil d'administration, que je préside, est composé des représentants des cinq pays fondateurs, le Brésil, le Chili, la Norvège, le Royaume-Uni et la France – en la personne de Patrice Debré, ambassadeur de France chargé de la lutte contre le VIHsida et les maladies transmissibles –, auxquels s'ajoutent un représentant de l'Union africaine, un représentant des pays asiatiques – qui est de Corée du Sud –, un représentant de l'OMS, un représentant des fondations – en l'occurrence, un cadre dirigeant de la fondation Bill et Melinda Gates – ainsi qu'un représentant des ONG et un représentant des communautés de patients.
Les Etats-Unis étant très réfractaires à l'idée même d'une contribution obligatoire de solidarité, nous avons repris une suggestion très pertinente du PDG de Voyageurs du Monde, Jean-François Rial, à qui je veux rendre hommage : l'instauration d'une contribution volontaire.
C'est techniquement possible parce que le marché des billets d'avion est très concentré. Sur les 2,5 milliards de billets d'avion vendus chaque année dans le monde, deux milliards passent par internet, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une agence de voyages ou d'une compagnie aérienne ; et trois compagnies privées se partagent ce gâteau : une société européenne, AMADEUS, une société américaine, Sabre, ainsi qu'une société anglo-américaine, Travelport. Leurs dirigeants ont accepté de proposer à leurs clients une contribution volontaire de deux dollars à UNITAID pour chaque billet d'avion acheté – il suffit d'un clic pour cela.
Il s'agit de la première contribution de solidarité volontaire, de nature citoyenne et mondiale, jamais instaurée. Elle a été officiellement lancée, le 23 septembre dernier, à l'ONU en présence de représentants d'une quarantaine d'Etats. Selon une étude financée par la fondation Gates et réalisée par le cabinet McKinsey, les fonds collectés de cette façon pourraient atteindre entre 500 millions et un milliard de dollars dans cinq ans. Il sera d'autant plus facile de généraliser cette contribution que la vente des billets d'avion est très concentrée : les États-Unis – 770 millions de billets par an – la Chine – 200 millions, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon totalisent plus de 55 % du marché mondial.
Mais tout cela ne suffit pas, et les choses bougent sur le plan politique, comme en témoigne la déclaration faite par le président Barack Obama et le vice-président Joe Biden il y a quelques semaines. La prochaine étape est celle de l'ouverture des brevets qui constitue une question essentielle. A cet égard, je peux vous annoncer qu'UNITAID va proposer très prochainement de constituer une première « communauté de brevets » concernant la tuberculose, le paludisme et le sida à la seule destination des pays pauvres.
Merci beaucoup pour cette présentation.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les financements envisagés, outre la taxe sur les billets d'avion ?
Dans l'hypothèse où le rendement de cette taxe atteindrait l'estimation la plus haute, UNITAID bénéficierait d'un milliard de dollars. Cela peut sembler beaucoup, mais on est encore loin des 40 milliards manquants.
Vous avez dressé un tableau assez dur de la situation actuelle, marquée par l'élargissement du fossé entre le Nord et le Sud, notamment en matière de santé. Or dans les pays de l'OCDE, l'aide publique au développement, loin d'atteindre l'objectif de 0,7 % du PIB, n'en représente que 0,3 %. Il ne faudrait pas que le ralentissement de l'économie serve de prétexte pour ne pas accroître l'effort.
Jusqu'à présent, le débat sur la taxe Tobin a été essentiellement de nature idéologique. Mais depuis le déclenchement de la crise, nous avons pris conscience de certaines réalités : en 2007, les transactions financières internationales représentaient 3 200 milliards de dollars, alors que l'économie réelle, celle de l'échange de biens et de services, n'atteignait pas 300 milliards. Ne faudrait-il pas relancer le débat en le désidéologisant, afin d'aboutir à une taxation obligatoire des transactions financières ? Cela me semblerait juste et éthiquement satisfaisant.
Vous avez dressé un tableau qui nous a beaucoup impressionnés et je suis très admirative du travail que vous accomplissez.
Je voudrais savoir si vous vous intéressez à d'autres affections que les pandémies citées, notamment la trypanosomiase et la bilharziose.
La structure d'UNITAID est légère, mais pourriez-vous nous apporter des précisions sur vos rapports avec l'OMS ?
Enfin, que pensez-vous du vaccin contre le sida, à l'efficacité partielle et qui est encore au stade expérimental, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps ?
J'ai pu me rendre compte, lors d'un récent déplacement au Burkina Faso, de l'efficacité des traitements pédiatriques et des traitements de deuxième ligne bénéficiant de l'aide d'UNITAID.
Les ONG s'inquiètent aujourd'hui d'un décret qui serait en cours de préparation en France, et dont l'objet serait de réduire de 10 à 20 % le produit de la taxe sur les billets d'avion, au profit de l'aide bilatérale. En avez-vous été informé ? Quelle est la réaction d'UNITAID ?
J'ai déjà eu l'occasion d'écrire, dans un récent rapport, tout le bien que je pensais d'UNITAID. Vous avez cité des pays qui s'apprêtent à rejoindre ce dispositif, mais pourriez-vous nous préciser s'ils vont le faire en instaurant, à leur tour, une taxe sur les transports aériens, ou bien par le biais d'une contribution budgétaire, généralement symbolique ?
Le financement apporté par la France représente 65 % de votre budget, ce qui fait de nous votre premier contributeur. Le seul reproche que l'on pourrait faire à UNITAID est d'avoir choisi comme partenaire la fondation Clinton, alors que les Etats-Unis ne financent pas votre action. Si nous en sommes là, c'est qu'il n'existe pas d'opérateur français ou européen de taille suffisante. Que penseriez-vous de la création d'un opérateur français ? Elle permettrait de donner une plus grande lisibilité à la contribution de la France.
J'observe par ailleurs qu'en 2008, contrairement à ce qui s'était fait précédemment, les fonds destinés à UNITAID ont été intégrés dans le calcul de notre aide publique au développement, en dépit des réserves que vous aviez formulées.
S'agissant des financements nouveaux, j'ai proposé, dans mon rapport sur l'aide publique au développement, de compléter la taxe bénéficiant à UNITAID par une contribution volontaire sur les transports ferroviaires, notamment les liaisons internationales à grande vitesse. Cela permettrait d'apporter des ressources supplémentaires, tout en rétablissant une situation plus équilibrée entre les deux moyens de transport. Pensez-vous que cette piste mérite d'être explorée ?
Madame Martinez, les pays que j'ai cités ont prévu d'instaurer une taxation des billets d'avion.
La fondation de M. Clinton, qui jouit en effet d'une grande visibilité internationale, n'est que l'un de nos partenaires, comptant pour environ 25 % de notre action. Cela étant, je ne demanderais pas mieux que la France, qui est en effet très impliquée dans le financement d'UNITAID, se fasse entendre au plus haut niveau sur le sujet.
A mes yeux, les financements innovants doivent être considérés comme « additionnels ». Si on les intègre dans la masse de l'aide publique au développement, à quoi sert notre travail ? Si vraiment on veut les intégrer, il faut que ce soit, comme le font les Britanniques, en distinguant l'effort budgétaire de l'État et les autres financements.
Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'une contribution volontaire sur les transports ferroviaires. Je vais d'ailleurs rencontrer prochainement M. Guillaume Pepy, et je ne manquerai pas d'aborder ce sujet avec lui.
Que pourrait-on faire de plus ? Les global distribution systems (GDS), Sabre, Amadeus et Travelport, ne sont pas seulement actifs dans le domaine de la vente des billets d'avion, mais aussi dans celui de la location de voitures et celui des réservations de chambres d'hôtels. Sur ce dernier point, des discussions sont en cours avec le président d'Accor, M. Gilles Pélisson, ainsi qu'avec le président de Marriott aux Etats-Unis. Quoique moins avancées, des discussions ont également été ouvertes sur les locations de voitures.
S'agissant du niveau de l'aide publique au développement, je ne vois pas comment les pays occidentaux pourraient, dans la situation de pauvreté actuelle de tant de personnes dans le monde, continuer à donner seulement 0,3 % de leur PIB.
Quant à la taxe sur les transactions de change (CTT), je viens de publier une tribune dans le New York Times pour en demander la concrétisation. L'idée en a été lancée dès l'an 2000. L'idée défendue par les ONG me paraît bonne : on peut très bien envisager d'appliquer un taux très faible sur les seules devises gérées par les banques centrales. Une contribution de 0,005 % rapporterait entre 35 et 40 milliards d'euros – soit à peu près la somme qui nous manque – sans aucune différence perceptible sur le prix de la devise. Mais rien ne peut se faire sans un accord au sein du G20 : un système reposant sur le volontariat est voué à l'échec, car un opérateur gagnant des milliards de dollars par jour aura toujours envie d'en gagner davantage – et donc, si on lui en donne la possibilité, de ne pas payer la taxe.
Merci de vos mots d'encouragement, madame Aurillac. Notre conseil d'administration a décidé de limiter son action à la lutte contre trois grandes pandémies ; nous sommes trop « petits » pour aller au-delà, même si la démarche que nous avons entreprise ouvre d'immenses possibilités.
UNITAID a effectivement un structure légère, composée d'environ 25 personnes, avec des frais généraux inférieurs à 5 % de notre budget – ce qui constitue, me semble-t-il, un record. Nous sommes abrités par l'OMS, dont le fonds fiduciaire gère au quotidien nos ressources.
En ce qui concerne le vaccin contre le sida, il faudra, entre l'annonce faite par Sanofi-Aventis et la mise à disposition éventuelle sur le terrain, attendre sept ou huit ans. En outre, il ne pourra s'agir d'un vaccin efficace à 100%.
Dans ce domaine, nous sommes en train de réfléchir à un élargissement de notre stratégie. Que se passe-t-il en effet quand une entreprises « startup » a mis au point un médicament ou un vaccin donnant des résultats satisfaisants sur l'animal ? Comme il lui faut plusieurs millions d'euros pour passer aux essais sur l'homme, elle est obligée de se tourner vers un grand laboratoire mondial, lequel exige, en contrepartie du financement apporté, de prendre le contrôle du capital ; et ensuite, la diffusion ne se fait que dans les pays riches. Je crois qu'UNITAID pourrait apporter des financements aux « startup », à condition qu'elles s'engagent à fournir les vaccins à prix coûtant dans les pays pauvres – les prix dans les pays riches ne nous regardent pas. Patrice Debré s'emploie à convaincre les Britanniques, les Norvégiens, les Chiliens et les Brésiliens de la nécessité d'infléchir notre stratégie dans cette direction, qui me semble conforme à la vocation d'UNITAID.
Monsieur Terrot, j'ai lu comme vous la presse spécialisée, mais je ne peux pas imaginer un seul instant, compte tenu des résultats obtenus, que la France diminue son effort en faveur d'UNITAID, surtout au moment où d'autres pays nous rejoignent. Les organisations non gouvernementales, qui croient au multilatéralisme, ont toutes fait savoir qu'elles ne souhaitaient pas que l'on retire de l'argent à UNITAID.
Je comprends bien l'idée que la France doit être plus visible ; qu'elle le soit à travers des opérateurs multilatéraux ! Je serais très heureux qu'il y ait, dans notre pays, un acteur comparable à la fondation Clinton. Notre conseil d'administration serait le premier à financer ses programmes, après consultation de nos experts. Vous pourriez utilement suggérer au Quai d'Orsay de s'intéresser à la santé publique, qui est un véritable enjeu politique au niveau international.
Dans un récent ouvrage, l'économiste zambienne Dambisa Moyo évoque une « aide fatale », suscitant une dépendance au lieu d'apporter une véritable contribution au développement, y compris en matière de santé. Pour améliorer l'efficacité de l'aide au développement, ne pourrait-on pas s'interroger sur d'autres pistes qu'une recherche constante de moyens supplémentaires et de nouveaux financements ?
En travaillant sur un projet de coopération décentralisée avec des pays du Sud, je me suis aperçu que mes interlocuteurs étaient plus demandeurs d'échanges de compétences, de transferts technologiques, de renforcement de leurs capacités, que de moyens supplémentaires. Qu'en pensez-vous ?
J'ai pris bonne note du mode de fonctionnement vertueux d'UNITAID, notamment en matière de frais de structure.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos liens avec les États ? Vos propos sont de nature rassurante, mais chacun sait que les aides sont souvent détournées de leur objet.
Pour l'avenir, pensez-vous que votre initiative pourrait alimenter la réflexion sur d'autres thèmes que la santé, notamment l'éradication de la famine ?
J'ai été frappé par ce que vous avez dit à propos de la possibilité d'éradiquer le paludisme. Cela doit nous amener à agir.
D'autre part, je fais miennes les observations de Mme Martinez ainsi que votre réponse au sujet de la comptabilisation de l'aide publique au développement. Evitons la politique de Gribouille !
Vous avez indiqué que vous vous limitiez, compte tenu des moyens disponibles, à la lutte contre trois maladies. A plus long terme, envisagez-vous d'élargir votre champ d'action ?
J'aimerais également savoir quand la décision de contribuer au financement de « startup » pourrait être prise.
Ma dernière question porte sur les experts internationaux que vous consultez. Comment les sélectionnez-vous ?
J'ai été, moi aussi, très impressionné par les résultats obtenus par UNITAID. Toutefois, je m'étonne de l'absence de l'Union européenne, et je trouve choquant que plusieurs grands États européens n'aient pas rejoint cette initiative. D'où vient le blocage ? Au-delà d'UNITAID, ne devrait-il pas y avoir une démarche européenne en faveur des financements innovants ?
J'ai été surpris d'apprendre que 65 % du budget d'UNITAID venait de la France. Comment expliquer que sur les vingt-sept pays de l'Union européenne, cinq seulement contribuent au financement d'UNITAID ? Quelles actions pourrait-on entreprendre pour y remédier ?
Il a beaucoup été question de soins curatifs, mais qu'en est-il des actions de prévention ? Je pense notamment aux tests de dépistage, que nous devons encourager. D'autre part, comment peut-on faciliter l'accès aux médicaments ? Quelle sera la contribution des « communautés de brevets » que vous avez évoquées ?
Le nouveau médicament contre le paludisme, l'artémisine, provient d'une plante cultivée en Chine. Pour disposer d'approvisionnements suffisants pour soigner entre 400 et 500 millions de personnes, principalement en Afrique, nous développons avec le Fonds mondial un programme de garantie des récoltes, afin d'éviter que les agriculteurs chinois se tournent vers d'autres cultures. Les médicaments devront ensuite être produits puis distribués en Afrique, ce qui prendra un peu de temps.
En second lieu, il été décidé de financer les traitements des patients les plus pauvres et de prendre en charge la différence de prix entre la quinine, de moins en moins efficace du fait de la résistance développée par de nombreuses formes de paludisme, et l'artémisine, substance qui est beaucoup plus chère. Pour la première fois, nous allons subventionner directement des malades.
On peut effectivement s'étonner que l'Union européenne ne s'implique pas davantage. J'observe toutefois que MM. Zapatero et Moratinos ont décidé de faire des financements innovants une priorité de la présidence espagnole, au premier semestre 2010. Le président de la Commission européenne ayant pour sa part inclus ce sujet dans son nouveau programme, j'espère que nous pourrons aller de l'avant.
A propos des brevets, je voudrais attirer solennellement votre attention sur un rapport publié par une commission du Parlement britannique, intitulé The Treatment Timebomb. Si l'on ne fait rien, y explique-t-on, le monde va s'effondrer car le nombre des personnes mourant du sida risque d'être multiplié par dix dans les prochaines années.
A l'heure actuelle, il n'existe pas de comprimé unique pour les trithérapies, ce qui pose des problèmes, notamment en Afrique : il faut se procurer trois comprimés différents, produits par trois compagnies détenant des brevets distincts. C'est sans doute une autre limite du capitalisme. Nous avons donc lancé l'idée d'une « communauté de brevets » pour la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose dans les pays pauvres. Nous proposons la mise en commun de brevets, à charge pour nous, UNITAID, de mettre en place une compagnie à but non lucratif pour produire les médicaments.
J'ai le plaisir de vous annoncer que trois laboratoires ont d'ores et déjà accepté de participer à cette initiative. Je ne vois pas comment les autres pourraient s'abstenir de le faire, ne serait-ce que pour des raisons d'image. Il n'y a aucun risque de circuits parallèles – car, contrairement à ce que certains veulent faire croire, on n'achète pas des médicaments au coin d'une rue, mais dans une pharmacie.
Vous avez eu raison d'insister sur la prévention, monsieur Lecou. Il faut faire preuve, dans ce domaine, de la même détermination qu'en matière d'actions curatives ; mais nous sommes loin du compte, faute de pouvoir agir sur le système éducatif.
Comme l'a suggéré Mme Fort, les financements innovants pourraient être utilisés au-delà du seul domaine de la santé, par exemple pour l'éducation. Mais UNITAID peine déjà à obtenir pour la santé 1,5 milliard de dollars.
Nos liens avec les pays sont très simples : nous n'agissons qu'en accord avec les gouvernements concernés, mais nous ne coopérons pas avec eux ; nous travaillons avec divers organismes.
S'agissant de la lutte contre la famine, nous travaillons avec M. Jacques Diouf, directeur général de la FAO. Une réunion aura lieu à Rome au mois de mai sur l'utilisation de financements innovants.
Monsieur Christ, en matière de santé, que faire d'autre, envers ceux qui n'ont pas d'argent, que donner des médicaments ou un système de soins ? Il en résulte effectivement une dépendance, mais si l'on ne donne pas de trithérapie à un malade du sida, il meurt ! Mieux vaut, bien sûr, soutenir les agricultures locales que donner nos surplus agricoles, mais la question se pose bien différemment en matière de santé.
Il ne faut pas dire que nous arrosons le désert : l'argent, quand on arrive à le trouver, produit des résultats. Par exemple, la vaccination contre la rougeole a permis de réduire de 93 % la mortalité.
J'aimerais savoir si UNITAID s'implique dans la lutte contre les faux médicaments, question très douloureuse en Afrique, qui fera bientôt l'objet d'une conférence à Cotonou sous la présidence de M. Chirac.
Que pensez-vous de l'analyse du professeur Gentilini, selon lequel les moyens déployés pour lutter contre le virus H1N1 sont démesurés par rapport à ceux consacrés à la lutte contre d'autres maladies dont vous avez rappelé les conséquences tragiques ?
Comme chacun d'entre nous, je suis très impressionné par les résultats obtenus, notamment en matière de mortalité infantile. Il n'en reste pas moins que lorsqu'on travaille dans un cadre bilatéral, on sait ce que l'on fait, alors que si l'on participe à une action multilatérale, on sait ce que cela coûte, mais on sait rarement ce que l'on fait.
Vous venez de nous en apporter la démonstration, monsieur le président, en nous présentant des résultats que nous ne connaissions pas – alors que le budget d'UNITAID provient à 65 % de la France… L'action de notre pays, et c'est regrettable, manque de lisibilité.
Par ailleurs, vous nous avez expliqué que vous travaillez en amont avec des experts mais que sur le terrain, vous « sous-traitez » à des ONG. Or chacun sait que si certaines d'entre elles sont sérieuses, d'autres le sont beaucoup moins. Comment sélectionnez-vous vos partenaires, et comment évaluez-vous leur action ?
J'ai moi aussi la plus grande admiration pour votre stratégie de recherche de financements innovants. En dépit des actions accomplies sur le terrain, j'ai toutefois pu constater au Burkina Faso, d'où je reviens, que les populations s'interrogent sur les efforts consentis pour lutter contre le paludisme. Elles ont l'impression qu'on délaisse cette maladie pour davantage s'occuper du sida.
Vous avez rappelé que l'amélioration de la santé maternelle est le seul objectif du millénaire sur lequel on enregistre un véritable échec. Quelle en est la raison ? Ne pensez-vous qu'il conviendrait, comme l'a demandé le ministre des affaires étrangères, d'intervenir au stade de l'éducation ? On constate en effet que la place de la femme n'évolue pas. Les fonds multilatéraux ont l'avantage, par rapport à l'aide bilatérale, de permettre de formuler un peu plus d'exigences en matière de gouvernance.
Merci pour cette présentation du travail admirable que vous réalisez. Pour avoir participé en 2004, à Genève, à une première réunion sur ce sujet, en compagnie des présidents français, brésilien et chilien, ainsi qu'à un Conseil ECOFIN très tendu à Bruxelles, où seuls les ministres français et britannique étaient d'accord, ce qui n'est pas si fréquent, et ayant en mémoire le débat au Parlement sur l'instauration de la taxe, je mesure bien le chemin parcouru.
Quelle est, selon vous, la meilleure stratégie pour promouvoir l'action d'UNITAID afin que de nouveaux pays rejoignent cette initiative ?
En ce qui concerne le sida, j'aimerais savoir quelle appréciation vous portez, en tant que médecin, sur la situation de l'Afrique.
Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de mobiliser davantage de moyens : ne passons pas à côté d'une chance historique. Il reste que l'aide au développement ne suffira pas : la croissance démographique est le véritable coeur du problème, notamment en Afrique, car elle fait courir un risque interne de déséquilibrage des sociétés. Tant que ces pays ne basculeront pas dans la phase de transition démographique, nos efforts seront condamnés à n'être qu'une goutte d'eau dans la mer, et nous assisterons à des guerres et à des migrations internationales.
En ce domaine, avez-vous des programmes d'action ? Contrairement à ce qu'affirment souvent les experts de la coopération française, l'élévation du niveau de vie ne suffit pas à assurer ce passage à la transition démographique, laquelle nécessite aussi une révolution culturelle, associée à une action en matière de santé.
J'apprécie beaucoup les moments comme celui-ci, où l'on prend le temps de rendre compte au Parlement de l'action réalisée en lien avec une disposition législative qu'il a adoptée.
J'aimerais revenir sur l'instauration d'une taxe sur les devises. La Banque centrale européenne vous semble-t-elle prête à s'engager dans cette voie ?
J'ai noté votre optimisme au sujet de la production à venir de médicaments, mais que pensez-vous du problème de la contrefaçon, qui suscite une inquiétude croissante ?
Monsieur le secrétaire général, on ne peut que saluer l'énorme travail que vous avez réalisé et l'énergie que vous déployez à la tête d'UNITAID.
Comment réagissez-vous face à la débauche de moyens consacrés dans les pays développés à la lutte contre le virus H1N1, qui jusqu'à preuve du contraire ne cause pas des ravages comparables à ceux du sida dans le monde ? Il y a là un nouveau fossé entre le Nord et le Sud.
Monsieur Loncle, UNITAID ne mène pas d'action particulière en matière de lutte contre les faux médicaments. En revanche, tous les médicaments que nous achetons – aussi bien auprès des grands laboratoires qu'auprès des génériqueurs indiens – font l'objet d'une pré-qualification : ils bénéficient de l'estampille de l'OMS. Il est dommage que l'OMS ne dispose pas de moyens financiers et humains supplémentaires dans ce domaine, car la pré-qualification permet de lutter très efficacement contre les faux médicaments – du moins si on laisse de côté la question des assassins qui vendent sur le terrain de la poudre de perlimpinpin.
S'agissant des moyens déployés contre le virus H1N1, il y a également un problème médiatique et psychologique. Quand on rentre d'un pays où un enfant meurt du paludisme toutes les trente secondes, on est surpris qu'un journal télévisé consacre plusieurs minutes d'antenne à des enfants dont on va fermer l'école parce qu'ils toussent un peu.
Cela étant, en tant que ministre de la santé, j'aurais probablement moi aussi constitué des stocks de Tamiflu et de masques, et commandé des vaccins. Le problème n'est pas là : il est que, pendant que la France détient 32 millions de doses de Tamiflu et les Etats-Unis 140 millions de doses, l'OMS, pour les cent pays les plus pauvres du monde, n'en a que quatre... En outre, nous avons pris un risque considérable en n'agissant pas lorsque le virus a touché les pays du Sud. Imaginez seulement qu'il se soit recombiné à ce moment-là !
Monsieur Bacquet, il est vrai que plus il y a de participants, plus il est difficile de savoir qui fait quoi. Il reste que sans action multilatérale, il n'y a pas d'action concertée sur le terrain.
Je ne suis pas chargé de faire la promotion de la France, mais je reconnais volontiers que notre pays n'est pas suffisamment reconnu pour son rôle dans l'existence et le fonctionnement d'UNITAID.
S'agissant de la manière dont nous sélectionnons nos partenaires, nous identifions les problèmes, par exemple le manque de médicaments adaptés aux enfants atteints du sida, puis nous lançons un appel à candidatures ouvert à tous – ONG, fondations, ou encore institutions spécialisées des Nations Unies. Les offres sont ensuite soumises à des experts indépendants, sans lien avec les laboratoires pharmaceutiques, sous la présidence du professeur McIntyre. Il revient alors à notre conseil d'administration de se prononcer. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, je précise que nous ne prenons pas en charge les frais de siège de nos partenaires – sans quoi, il n'y aurait pas lieu de se targuer de contenir nos frais généraux.
En ce qui concerne la répartition de nos efforts, madame Bourragué, plus de 50% de notre budget ira cette année à la lutte contre le paludisme. Tout ne va donc pas à la lutte contre le sida ; et sans nul doute, le programme du Fonds mondial sur le paludisme ne manquera pas de produire rapidement ses effets sur le terrain.
Quant à la santé maternelle, nous devrions, sous condition d'accord des ONG, l'inclure progressivement dans notre champ d'intervention, comme le demandent les Norvégiens.
Monsieur Gaymard, vos propos me touchent beaucoup. Pour ma part, je me souviens de votre propre action lorsque vous étiez chargé des dossiers économiques.
Il me semble que la stratégie optimale est de convaincre les responsables politiques au plus haut niveau, c'est-à-dire les chefs d'État, de la nécessité d'instaurer des micro-contributions, volontaires ou obligatoires, et en tout cas totalement indolores – personne ne sait, à deux euros près, combien vaut un billet d'avion, d'autant que les prix varient d'une compagnie à l'autre. Si tout le monde s'engage dans cette voie, l'impact peut être considérable.
S'agissant du sida, les chiffres sont terribles : on ne parvient pas du tout à endiguer la maladie. En outre, je rappelle que l'on soigne aujourd'hui les malades des pays pauvres avec des médicaments employés dans nos pays il y a quinze ans, et dont les effets secondaires sont terribles. Les soins de seconde ligne coûtant très cher, on en revient à la question de la propriété intellectuelle.
Monsieur Myard, on constate une corrélation étroite entre la croissance démographique et la mortalité infantile. Les femmes font plus d'enfants si elles voient beaucoup d'entre eux mourir. Lorsque la mortalité infantile baisse, la croissance démographique se ralentit, comme on le constate par exemple en Afrique du Sud ou au Nigeria.
Monsieur Lecoq, la BCE est indépendante, mais je ne peux pas croire que son président se désolidariserait des chefs d'État européens si tous se prononçaient en faveur d'une micro-taxe sur les devises. Comme ce fut le cas pour la taxe sur les billets d'avion, je pense que la situation se débloquera si deux ou trois chefs d'État font preuve de volontarisme.
Monsieur le président, il me reste, au nom de tous mes collègues, à vous remercier de vous être prêté à cet échange et à vous féliciter pour l'action que vous menez à la tête d'UNITAID, dont vous aurez pu constater qu'elle fait parmi nous l'objet d'un soutien unanime.
La séance est levée à seize heures trente-cinq.