Le nouveau médicament contre le paludisme, l'artémisine, provient d'une plante cultivée en Chine. Pour disposer d'approvisionnements suffisants pour soigner entre 400 et 500 millions de personnes, principalement en Afrique, nous développons avec le Fonds mondial un programme de garantie des récoltes, afin d'éviter que les agriculteurs chinois se tournent vers d'autres cultures. Les médicaments devront ensuite être produits puis distribués en Afrique, ce qui prendra un peu de temps.
En second lieu, il été décidé de financer les traitements des patients les plus pauvres et de prendre en charge la différence de prix entre la quinine, de moins en moins efficace du fait de la résistance développée par de nombreuses formes de paludisme, et l'artémisine, substance qui est beaucoup plus chère. Pour la première fois, nous allons subventionner directement des malades.
On peut effectivement s'étonner que l'Union européenne ne s'implique pas davantage. J'observe toutefois que MM. Zapatero et Moratinos ont décidé de faire des financements innovants une priorité de la présidence espagnole, au premier semestre 2010. Le président de la Commission européenne ayant pour sa part inclus ce sujet dans son nouveau programme, j'espère que nous pourrons aller de l'avant.
A propos des brevets, je voudrais attirer solennellement votre attention sur un rapport publié par une commission du Parlement britannique, intitulé The Treatment Timebomb. Si l'on ne fait rien, y explique-t-on, le monde va s'effondrer car le nombre des personnes mourant du sida risque d'être multiplié par dix dans les prochaines années.
A l'heure actuelle, il n'existe pas de comprimé unique pour les trithérapies, ce qui pose des problèmes, notamment en Afrique : il faut se procurer trois comprimés différents, produits par trois compagnies détenant des brevets distincts. C'est sans doute une autre limite du capitalisme. Nous avons donc lancé l'idée d'une « communauté de brevets » pour la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose dans les pays pauvres. Nous proposons la mise en commun de brevets, à charge pour nous, UNITAID, de mettre en place une compagnie à but non lucratif pour produire les médicaments.
J'ai le plaisir de vous annoncer que trois laboratoires ont d'ores et déjà accepté de participer à cette initiative. Je ne vois pas comment les autres pourraient s'abstenir de le faire, ne serait-ce que pour des raisons d'image. Il n'y a aucun risque de circuits parallèles – car, contrairement à ce que certains veulent faire croire, on n'achète pas des médicaments au coin d'une rue, mais dans une pharmacie.
Vous avez eu raison d'insister sur la prévention, monsieur Lecou. Il faut faire preuve, dans ce domaine, de la même détermination qu'en matière d'actions curatives ; mais nous sommes loin du compte, faute de pouvoir agir sur le système éducatif.
Comme l'a suggéré Mme Fort, les financements innovants pourraient être utilisés au-delà du seul domaine de la santé, par exemple pour l'éducation. Mais UNITAID peine déjà à obtenir pour la santé 1,5 milliard de dollars.
Nos liens avec les pays sont très simples : nous n'agissons qu'en accord avec les gouvernements concernés, mais nous ne coopérons pas avec eux ; nous travaillons avec divers organismes.
S'agissant de la lutte contre la famine, nous travaillons avec M. Jacques Diouf, directeur général de la FAO. Une réunion aura lieu à Rome au mois de mai sur l'utilisation de financements innovants.
Monsieur Christ, en matière de santé, que faire d'autre, envers ceux qui n'ont pas d'argent, que donner des médicaments ou un système de soins ? Il en résulte effectivement une dépendance, mais si l'on ne donne pas de trithérapie à un malade du sida, il meurt ! Mieux vaut, bien sûr, soutenir les agricultures locales que donner nos surplus agricoles, mais la question se pose bien différemment en matière de santé.
Il ne faut pas dire que nous arrosons le désert : l'argent, quand on arrive à le trouver, produit des résultats. Par exemple, la vaccination contre la rougeole a permis de réduire de 93 % la mortalité.