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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Séance du 19 novembre 2008 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • enseignant
  • fille
  • garçon
  • lycée
  • égalité

La séance

Source

La Délégation a procédé à l'audition de M. Xavier Darcos, ministre de l'Éducation nationale.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d'avoir accepté l'invitation de la Délégation aux droits des femmes.

La Délégation a consacré une grande part de ses travaux récents à la question de l'égalité des filles et des garçons dans le système éducatif. Comment promouvoir la sensibilisation à l'égalité entre les hommes et les femmes dans les programmes ? Comment intégrer ce thème dans la formation des enseignants ? Même si cette problématique peut apparaître comme secondaire à ces derniers, elle est bien réelle et elle est reçue comme telle par la société et par le Gouvernement, qui essaie, dans la mesure du possible, de légiférer.

Je suis heureuse d'accueillir à vos côtés Mme Marie-Jeanne Philippe, rectrice de l'Académie de Besançon, qui a été nommée en mars dernier à la présidence du comité de pilotage de la convention de 2006 sur l'égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif.

PermalienXavier Darcos

Il va de soi que l'égalité entre les hommes et les femmes est une préoccupation du ministère de l'éducation nationale, ne serait-ce qu'en raison de l'extrême féminisation du corps enseignant. Les femmes qui enseignent ont une forte conscience des questions relatives à l'égalité entre les sexes et elles s'attachent à combattre toute forme de sexisme et de discrimination.

À l'occasion de la journée internationale de la femme, en mars dernier, nous avons installé le comité de pilotage de la convention de 2006, qui est présidé par Mme Marie-Jeanne Philippe. Simultanément, nous avons diffusé une brochure intitulée « Filles et garçons à l'école sur le chemin de l'égalité », où nous décrivons de façon chiffrée les disparités entre filles et garçons en matière de réussite scolaire, d'orientation, mais aussi de perception de soi-même au sein du système éducatif.

Le comité de pilotage s'est réuni trois fois et les premières réunions inter-académiques ont été lancées. Le comité a défini plusieurs axes de réflexion : production de données statistiques, identification des verrous, amélioration et diversification des choix d'orientation, formation et information sur les violences à caractère sexiste, formation à l'égalité des sexes dans les organismes de formation initiale des enseignants, valorisation des concours comme moyen de promotion de l'égalité entre les filles et les garçons – sachant toutefois que l'éducation nationale recrute presque 80 % de femmes dans le premier degré !

Cette question est sensible. En effet, alors que dans le second degré, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons, paradoxalement, on ne les retrouve pas dans les filières d'excellence à l'exception des filières littéraires. En mathématiques supérieures et en mathématiques spéciales, elles sont très minoritaires alors qu'elles sont au moins aussi nombreuses que les garçons à obtenir le baccalauréat S.

Il faut donc promouvoir l'orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques et technologiques. C'est d'ailleurs une des préoccupations que l'Académie des sciences a exprimées à l'occasion des journées de la Fête de la science.

Les choix discriminants se manifestent au moment des paliers d'orientation. Dans l'enseignement professionnel, les jeunes filles se limitent toujours à des secteurs qui leur sont « propres », comme le CAP petite enfance. Plus généralement, elles choisissent davantage les formations courtes, elles privilégient les options générales par rapport aux options technologiques et elles sont plus nombreuses à se diriger vers les sections ES et L que vers les sections S ou STI. Il y a là une forme d'autocensure sans rapport avec leurs compétences scolaires.

Pour contrecarrer cette tendance, le ministère incite les filles qui choisissent au collège l'option « découverte professionnelle » à se diriger vers des domaines que, spontanément, elles ne choisiraient pas. Nous proposons dès cette année des banques de stages dans trois académies (et la formule sera généralisée à la rentrée de 2009) afin de promouvoir la diversification.

Permalienéric Woerth ministre du budget

Dès lors que l'on considère, par exemple, qu'une classe doit découvrir le monde du BTP, les filles sont incluses. En d'autres termes, il s'agit de prévenir l'évitement d'options professionnelles possibles. De même, nous nous efforçons de mettre en valeur des exemples atypiques : le garçon infirmier ou professeur d'école maternelle, la fille pilote de chasse, etc. Au demeurant, c'est d'ores et déjà une réalité. Dans les lycées professionnels, on rencontre des jeunes filles qui ont opté pour des filières où on ne les attendait pas : tailleur de pierres, par exemple.

Nous espérons aussi que les internats d'excellence favoriseront l'ambition des jeunes filles issues des milieux les plus défavorisés – notamment celles issues de l'immigration maghrébine, qui généralement travaillent très bien mais sont souvent confrontées à une censure masculine oppressante.

L'orientation vers le supérieur doit mieux s'équilibrer entre les différentes filières. Enfin, la mesure destinée à ouvrir l'accès des classes préparatoires à 5 % des élèves méritants de chaque lycée doit jouer à plein en faveur des filles.

La réforme du lycée devrait renforcer les dispositifs que j'ai décrits. Le fait de pouvoir se réorienter au milieu de l'année de seconde, grâce à la semestrialisation, ouvre un plus grand éventail de choix. Jusqu'à présent, les filles optent presque systématiquement pour la seconde langue vivante, assez rarement pour des enseignements à caractère technologique. En outre, les trois heures d'accompagnement personnalisé permettront de lutter contre les représentations sexuées, dans le prolongement de ce que comportent déjà les programmes en matière d'éducation civique, juridique et sociale.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) nous ayant alerté sur ce sujet, je m'arrêterai sur la question des programmes et des manuels scolaires. Le socle commun de connaissances et de compétences comprend une série de thématiques relatives au respect des sexes, au refus des préjugés, à la lutte contre les stéréotypes. Dans les nouveaux programmes du primaire, l'éducation civique et morale traite du respect de l'intégrité des personnes, de la lutte contre les discriminations, de la notion d'égalité – donc de l'égalité sexuelle. Pouvoir appliquer les principes de l'égalité filles-garçons est une des compétences attendues et évaluées en fin de CM2.

Au collège, la question de l'égalité des hommes et des femmes fait évidemment partie des programmes d'éducation civique. Les programmes d'histoire évoquent également l'histoire des droits de la femme, de l'acquisition des droits politiques et du droit de vote, etc. C'est un sujet qui n'est jamais totalement absent des enseignements. Un groupe d'experts travaille actuellement à l'élaboration de programmes adaptés à la nouvelle seconde. Mettre en exergue la place des femmes dans l'histoire fait partie de la commande.

L'étude de la HALDE ayant dénoncé la persistance de stéréotypes dans les manuels, j'ai directement abordé la question avec M. Louis Schweitzer. J'ai fait valoir que, bien souvent, les manuels ne font que refléter les tendances sociales. Les professeurs qui les rédigent n'ont certainement aucune intention de faire oeuvre de discrimination à l'égard des femmes. Au surplus, les maisons d'édition sont indépendantes. Il faut donc rechercher la responsabilité plus dans la société que dans les livres, qui n'en sont en l'occurrence qu'un reflet.

Même si ce sont les éditeurs et les auteurs qui sont concernés au premier chef, je renforcerai encore la circulaire très ferme que j'ai prise à la rentrée en matière de lutte contre les discriminations. C'est pour moi une conviction à la fois privée et publique. La promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre l'homophobie et contre toutes les formes de discrimination doivent être toujours présentes à l'esprit des éducateurs. Les mauvais comportements sont prompts à revenir. Le ministère diffuse dans les lycées et collèges des films qu'il a réalisés sur ces sujets. Puisque la HALDE a relevé certaines défaillances dans les manuels, nous serons encore plus explicites sur ces questions dans la circulaire de rentrée 2009, avec l'aide du comité de pilotage.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Quelle est l'action menée au niveau de la formation des maîtres ? Les inégalités que l'on constate dans la vie quotidienne et dans le monde professionnel proviennent pour une part d'une défaillance dans la formation des enseignants. On parle beaucoup d'égalité des chances et de la diversité mais, mêler ces questions comporte le risque de s'exposer à un manque de rigueur dans le traitement de la question spécifique de l'égalité hommes-femmes.

Permalienéric Woerth ministre du budget

Les universités et les IUFM organisent les formations en référence aux programmes. Le cahier des charges de la formation des maîtres, réalisé en 2006, précise que favoriser l'égalité entre les sexes fait partie des vocations de l'enseignant : « Le maître met en valeur les valeurs de la mixité, qu'il s'agisse du respect mutuel ou de l'égalité entre tous les élèves. » La connaissance du système éducatif en matière de lutte contre les discriminations sexistes fait partie du programme et sera évaluée lors de l'entretien professionnel avec le jury. Nous avons également intégré cette notion dans la formation continue.

Lors des réunions inter-académiques qui vont se tenir sous l'égide de Mme Philippe, les responsables de l'élaboration des plans de formation seront associés.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Ce matin, lors de son audition par la commission des affaires économiques, M. Claude Allègre a indiqué qu'il avait constaté une désaffection pour les études scientifiques dans l'ensemble des pays européens. Globalement, les jeunes – et pas seulement les filles – ne vont pas vers les sciences. Quelle est votre analyse de ce phénomène ?

En matière d'orientation, l'égalité hommes-femmes ne fait guère de progrès. Qu'il s'agisse des salaires, des responsabilités, des métiers, on a beaucoup de mal à desserrer les freins qui existent. Un véritable département ministériel consacré aux droits des femmes serait nécessaire. Ce n'est pas seulement une question de symbole, même si Mme Valérie Létard fait valoir que la réflexion menée est transversale.

Beaucoup de choses sont à modifier dans l'orientation des jeunes filles. La méconnaissance des filières et le poids de la famille demeurent. Comment modifier ces stéréotypes ? Les manuels comme les livres pour enfants véhiculent l'image de la mère au foyer et du père au travail. Or, par le biais des programmes, le ministère de l'éducation nationale est prescripteur et les éditeurs sont très sensibles aux orientations qu'il leur donne.

Enfin, on peut regretter que la recherche en matière d'histoire des femmes soit encore peu développée en France. Lorsque, à une certaine période, on a voulu recentrer les programmes sur cette histoire, les enseignants se sont trouvés démunis tant les documents et les références faisaient défaut.

Permalienéric Woerth ministre du budget

La désaffection dont souffrent les carrières scientifiques est en effet un phénomène général. Plusieurs facteurs peuvent l'expliquer.

Premièrement, la science semble être plus loin de nous – et donc plus loin de la culture scolaire – qu'elle ne l'était naguère. Il est plus difficile, pour un jeune enfant, de se projeter dans les métiers de l'astrophysique, de l'informatique ou de la médecine.

Deuxièmement, nous avons sans doute trop insisté auprès des jeunes publics sur les dangers de la science et sur les conséquences des progrès scientifiques sur l'environnement, les comportements, etc. La grande sensibilité des enseignants aux sujets environnementaux peut contribuer à accroître la défiance vis-à-vis des effets de la science.

Troisièmement, 45 % des élèves de terminale sont en ES, où l'on ne forme pas spécifiquement des scientifiques. Lorsque j'ai commencé ma carrière de professeur de khâgne, mes élèves étaient en grande majorité issus de terminales littéraires ; à la fin, dans ma classe du lycée Louis-le-Grand, les quatre-cinquièmes des élèves venaient de S. Il y a là un phénomène de fond qui nuit à la formation scientifique et à son utilité, et qui est à moyen terme un signe de déclin. À quoi cela sert-il de s'inscrire dans le processus de Lisbonne, qui mise sur l'intelligence, si nous n'arrivons à remplir les amphis qu'avec des formations générales ? Les think tanks étrangers observent d'ailleurs que la pénurie d'ingénieurs à l'horizon 2030 pourrait marquer le déclin de la France. C'est un problème dont il faut se saisir dès à présent.

À titre personnel, je serais assez d'accord avec vous pour considérer que lui consacrer un département ministériel à part entière, donnerait une plus grande visibilité à l'action en faveur des femmes. Il faut de temps en temps donner des coups de boutoir. Lorsque j'étais sénateur, j'ai voté en faveur de la parité : on ne peut attendre simplement que les choses arrivent. Dans le même ordre d'idées, j'ai pris des mesures fermes contre l'homophobie.

PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Les intentions de formation que manifeste le ministère s'adressent seulement aux futurs enseignants. Je suis convaincu que le destin des élèves se joue au collège et au lycée. Il serait à cet égard intéressant que les professeurs principaux bénéficient d'une formation complémentaire pour accompagner et orienter les jeunes filles. Les centres d'orientation et d'information (CIO) ont aussi leur rôle à jouer.

La délégation considère par ailleurs qu'il faut mettre en valeur les femmes nommées à des postes clés. C'est un moyen de donner de l'ambition à des jeunes filles qui sont parfois cantonnées dans certains circuits de formation.

Il serait enfin souhaitable de prolonger au-delà du collège le dispositif de découverte des métiers.

Permalienéric Woerth ministre du budget

Je suis d'accord avec ces propositions. Il serait opportun d'encourager plus encore la formation des professeurs principaux

Cela dit, le travail d'orientation ne suffira pas si l'on ne change pas aussi les enseignements. Naguère, par exemple, l'enseignement d'histoire consacré au Moyen Âge portait principalement sur le seigneur, les chevaliers, les vassaux, etc. Aujourd'hui, les programmes intègrent l'approche de l'univers féodal à travers la vie quotidienne des hommes et des femmes, la répartition des tâches, tout en insistant sur les figures historiques et littéraires de femmes. Il en va de même pour l'étude de la Révolution et de l'Empire, où nous mettons en valeur des personnalités comme celle d'Olympe de Gouges. Ce changement de regard facilitera la tâche du professeur principal ou du conseiller d'orientation.

L'autre voie est bien entendu l'ouverture de milieux professionnels au sujet lesquels les filles ont fréquemment des préjugés, ainsi qu'une meilleure connaissance des lycées professionnels, qui offrent généralement un environnement et des formations de grande qualité.

Nous avons passé des conventions avec de nombreuses entreprises et organisations professionnelles (PSA, Accor, l'association « Jeunesse et entreprise » d'Yvon Gattaz, le MEDEF, la CGPME dans le cadre de l'opération « 100 000 entrepreneurs », etc.). À chaque fois, l'égalité d'accès des filles et des garçons à tous les métiers est mentionnée. L'ONISEP diffuse des brochures à ce sujet.

Je ne sais si mon ministère fait assez en la matière, mais je considère qu'il fait beaucoup !

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je regrette que seules sept académies sur vingt-neuf aient signé la convention interministérielle.

Permalienéric Woerth ministre du budget

Les autres suivront…

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Par ailleurs, j'ai entendu parler de « compagnonnage » à propos de la réforme de la formation des maîtres.

Permalienéric Woerth ministre du budget

Il s'agit de la première année.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Mais, si j'ai bien compris, les jeunes instituteurs auront la responsabilité d'une classe dès la seconde année, sous la supervision d'un tuteur, alors qu'actuellement cette seconde année est consacrée à une formation professionnelle mi-théorique mi-pratique au sein des centres pédagogiques régionaux (CPR).Or, tout dépend du tuteur ! Je crains que ne s'instaure une forme de reproduction : le tuteur n'apprendra au jeune enseignant que ce qu'il sait faire.

Permalienéric Woerth ministre du budget

Il y aura plusieurs tuteurs.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Toujours est-il qu'il est nécessaire d'ajouter à ce dispositif une recherche pédagogique qui encourage la nouveauté. Cela suppose que les tuteurs soient recrutés autrement que sur la base du volontariat – ou parce que personne d'autre ne veut accomplir cette tâche, ce qui est malheureusement fréquent.

Permalienéric Woerth ministre du budget

Il faut faire confiance à notre encadrement pédagogique, qui est très dynamique et très engagé dans la recherche. Du reste, la dernière partie de la formation initiale, en master 2, comprendra à la fois des stages pratiques et une réflexion théorique sur la pédagogie. La formation est loin de se résumer au tutorat et les tuteurs eux-mêmes seront formés comme cela existe déjà.