Le Président Pierre Lequiller a remercié le ministre d'être venu s'exprimer devant la Délégation sur les conclusions du Conseil européen de printemps, traditionnellement consacré aux questions économiques et sociales. Il l'a interrogé sur le paquet « énergie-climat », dont le Conseil européen a maintenu les objectifs, malgré les interrogations dans les Etats membres sur la possibilité de les respecter dans les délais exigés. Le Conseil européen a également donné son accord de principe à la proposition franco-allemande d'Union pour la Méditerranée, qui vise à relancer le processus de Barcelone. Tous les Etats membres de l'Union y participeront et les règles communautaires s'appliqueront. Le Président Pierre Lequiller a interrogé le ministre sur les projets concrets et à forte visibilité qui seront retenus pour le lancement lors du sommet du 13 juillet prochain à Paris et sur l'articulation avec le processus de Barcelone. Enfin, il a demandé au ministre de faire le point sur l'état de la préparation de la présidence française de l'Union européenne.
a indiqué que le Conseil européen avait consacré ses travaux à trois sujets principaux : la stratégie de Lisbonne, le changement climatique et l'énergie, la stabilité financière.
Concernant la stratégie de Lisbonne, même s'il est certain que tous les objectifs seront loin d'être atteints en 2010, les performances économiques de l'Europe ces deux dernières années se sont améliorées : 6,5 millions d'emplois ont été créés, la croissance économique s'est accrue, les déficits publics et la dette publique ont été réduits. Cependant, en 2008, la situation sera plus délicate, en raison de la crise financière, de la hausse des cours des matières premières, de l'appréciation de l'euro et de la volatilité des taux de change. Le Conseil européen a unanimement exprimé sa préoccupation face à cette situation et il a affirmé la nécessité d'un renforcement de l'action européenne face à l'instabilité financière.
Les priorités de la stratégie de Lisbonne pour le nouveau cycle 2008-2010 restent les mêmes : le soutien à la recherche et à l'innovation, le soutien aux PME, la lutte contre le changement climatique, l'éducation et la formation. Le Conseil européen a approuvé le programme communautaire de Lisbonne qui constituera une feuille de route pour les présidences française, tchèque et suédoise en 2008-2009. Il a également indiqué son intention de lancer une réflexion sur l'avenir de la stratégie de Lisbonne après 2010. Il serait souhaitable de renforcer la dimension sociale et la dimension externe de la stratégie de Lisbonne. Cette réflexion se développera pendant la présidence française, à partir des propositions contenues dans le rapport de M. Laurent Cohen-Tanugi sur l'Europe et la mondialisation.
Le changement climatique et l'énergie ont fait l'objet d'un important débat. Le Conseil européen a marqué son accord sur les engagements pris en 2007, qui sont particulièrement importants dans la perspective des conférences internationales de Poznań en 2008 et de Copenhague en 2009. Il a rappelé son attachement à un partage équitable du fardeau climatique entre les Etats membres. La France approuve l'équilibre global proposé par la Commission. Le Conseil européen a également exprimé ses préoccupations sur la question des « fuites de carbone », c'est-à-dire le risque de délocalisation des industries à forte consommation énergétique vers des Etats ayant des normes environnementales moins strictes. La France, avec l'Allemagne et les pays d'Europe centrale et orientale, sera vigilante sur ce sujet. Trois moyens d'action pourraient être utilisés : des permis gratuits, des mécanismes d'ajustement aux frontières (taxation ou défense commerciale) et des mécanismes d'incitation fiscale, comme la TVA, pour promouvoir l'utilisation de biens sobres en énergie.
Il était important que le Conseil européen donne son accord sur l'ensemble du paquet « énergie-climat » car un accord en première lecture au Parlement européen sera recherché pendant la présidence française, dont ce sera l'un des grands défis.
Sur la libéralisation du marché de l'énergie, la France et l'Allemagne souhaitent que soit retenue une option alternative aux propositions de la Commission de séparation patrimoniale. Cette option a pour objectif l'indépendance de la gestion des infrastructures et le renforcement des mécanismes de régulation.
S'agissant de la stabilité financière et des questions fiscales, les chefs d'Etat et de gouvernement avaient adopté en octobre dernier une feuille de route européenne pour la stabilité financière. Lors du Conseil européen, un consensus s'est formé sur la nécessité d'agir avec prudence face à la crise financière. Il s'agit d'une crise d'un nouveau type, d'une crise de maturité d'un secteur financier ayant connu une importante vague d'innovation dans les dernières années. Il faut donc réfléchir, en lien avec le secteur bancaire et celui des assurances, sur les moyens de colmater les brèches apparues dans le système financier. Il convient de renforcer la régulation et la supervision dans le secteur bancaire, ainsi que la transparence dans le fonctionnement des établissements et des fonds. Enfin, il faut mieux encadrer les agences de notation.
La situation est très délicate. L'intervention de la Réserve fédérale américaine pour garantir des actifs rappelle la crise de 1929. Il est donc essentiel d'avoir une action plus forte au niveau européen. Cette question sera au centre de la présidence française. Il faut parvenir à une moralisation du capitalisme financier et à un recentrage des activités des banques sur le crédit à l'économie.
Le Conseil européen s'est également mis d'accord sur une stratégie européenne en direction des fonds souverains. Il faut éviter de diaboliser ces fonds, qui peuvent être utiles pour soutenir l'investissement, s'ils ne mettent en cause ni les équilibres stratégiques ni les éléments de souveraineté. Un code de bonne conduite en matière de transparence est souhaitable.
Enfin, le Conseil européen a abordé la question des paradis fiscaux. Les événements récents au Liechtenstein ont remis en lumière ce problème sur lequel la France a toujours souhaité agir avec vigueur. L'appel du Conseil « Ecofin » à une réouverture de la directive de 2005 sur la taxation de l'épargne a été repris. Un rapport de la Commission est attendu en mai prochain. Il s'agit d'un enjeu essentiel car la crédibilité de l'Union est en cause dans la lutte contre des fraudes très importantes.
Le Conseil européen a adopté une déclaration sur « le processus de Barcelone : l'Union pour la Méditerranée », qui approuve le principe de cette Union proposée par le Président de la République et présentée conjointement lors du dîner avec la chancelière allemande. Les termes du compromis franco-allemand sont repris. L'Union pour la Méditerranée (UPM) comportera une co-présidence, assurée conjointement pour deux ans par un Etat non membre de l'Union européenne et par un Etat membre, chargée de préparer les sommets, tous les deux ans, et les réunions ministérielles. La co-présidence sera assistée par un secrétariat d'une quinzaine de personnes, venant des Etats membres de l'UPM, du Conseil de l'Union européenne et de la Commission. Le sommet du 13 juillet réunira les 27 Etats membres de l'Union européenne, la Commission européenne et les Etats riverains non membres de l'Union européenne.
Les projets seront sélectionnés en accord avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, ce qui diffère du processus de Barcelone. Ces projets seront en nombre limité et seront très concrets. Les projets envisagés concernent l'environnement et la dépollution de la Méditerranée, la création d'une communauté scientifique euro-méditerranéenne, d'un Erasmus euro-méditerranéen, le développement des interconnexions pour les transports et l'énergie et la sécurité du trafic maritime. Il reste un important travail diplomatique à accomplir d'ici au 13 juillet.
Enfin, s'agissant de la présidence française, dont les priorités ont déjà été présentées, le Conseil européen a posé un certain nombre de jalons : l'énergie et le climat ; les PME, avec la proposition par la Commission d'un Small Business Act européen en juin ; la réflexion sur la stratégie de Lisbonne après 2010 ; un nouvel agenda social, qui devra mettre davantage l'accent sur les services sociaux d'intérêt général et les services de santé ; les marchés financiers, sur lesquels le point sera fait au plus tard en octobre 2008. La Commission doit présenter une communication sur le pacte européen sur l'immigration et le droit d'asile. Les thèmes de la lutte contre le travail illégal, des contrôles aux frontières et du co-développement ne devraient pas poser de grandes difficultés. En revanche, il sera plus difficile de progresser en matière de droit d'asile car les traditions des Etats membres sont très différentes.
a observé quelques avancées au Conseil européen. D'une part, le rôle du marché intérieur comme une arme dans la compétition internationale est reconnu par le Conseil européen. C'est ce que défendait déjà la France, mais sa conception n'était pas partagée par plusieurs Etats membres où marché intérieur et libre-échange sont considérés comme étroitement liés. D'autre part, on enregistre un progrès sur les PME, ainsi que sur la cohésion sociale et territoriale.
Sur ce dernier point toutefois, il faudra aller au-delà des mots et des intentions. Il n'est en effet nullement fait mention des services publics, qui sont dans l'ensemble des Etats membres, même les plus libéraux, des instruments de la politique sociale.
S'agissant par ailleurs de la stratégie de Lisbonne, les conclusions du Conseil européen se limitent à réaffirmer le rôle des échanges de bonnes pratiques et de la méthode ouverte de coordination (MOC). C'est regrettable. La stratégie de Lisbonne continuera à n'apparaître que comme une incantation si elle continue à reposer sur l'intergouvernemental et la MOC. Il ne se passera rien, notamment sur la réduction des écarts entre les niveaux d'efforts de recherche-développement. Conformément au rapport d'étape sur « l'Europe et la mondialisation » qui vient d'être présenté par M. Laurent Cohen-Tanugi, il faut prévoir des politiques communes. De ce point de vue, la préparation de la mise en oeuvre du traité de Lisbonne doit être l'occasion de donner à la stratégie de Lisbonne un véritable contenu. A défaut, et en l'absence de résultats, on continuera de mesurer dans plusieurs décennies l'écart entre la réalité et les objectifs affichés.
En réponse, le ministre est convenu de ce que la perspective d'un Small Business Act européen donne une forte visibilité à l'action de l'Union en la matière. De même, la dimension externe du marché intérieur n'est plus un tabou lorsque l'on évoque la compétitivité de l'Union. Le sommet a également reconnu la pertinence de l'utilisation des outils fiscaux, notamment la TVA, pour mener des politiques incitatives dans certains domaines.
Sur la stratégie de Lisbonne, qui doit être enrichie notamment sur l'innovation et l'éducation, le partage des rôles entre les Etats membres et l'Union doit être clarifié. Compte tenu de l'environnement économique et financier et de ce que devraient être, notamment, les grandes orientations de politique économique définies au niveau de l'Union, on ne pourra effectivement pas faire l'économie d'une coordination renforcée entre les Etats membres, au moins dans le cadre de la zone euro, à défaut de celui des Vingt-sept.
La MOC a fonctionné sur certains points, mais elle n'est pas suffisamment contraignante dès que l'on aborde, notamment, le respect des impératifs en matière d'éducation et de recherche-développement, les réformes de structure et le respect des grandes orientations précitées. Elle permet au mieux d'obtenir une convergence, mais certainement pas une véritable stratégie de compétitivité coordonnée. Il y a d'ailleurs actuellement un déséquilibre avec la coordination budgétaire et financière, qui prévoit des instruments contraignants.
Après avoir indiqué souscrire aux préoccupations exprimées par M. Jacques Toubon, M. Jérôme Lambert a évoqué les risques des fuites de carbone, mentionnés dans les conclusions du Conseil européen. Quelles pistes ont été envisagées pour les négociations internationales en la matière ? Qu'en est-il du bilan carbone ou de la possibilité de mettre en oeuvre des exceptions ou exclusions environnementales dans le cadre des règles de l'OMC ?
En ce qui concerne la situation économique et financière, parler de « crise de maturité » du système financier apparaît trop faible. La crise actuelle est grave, après plusieurs décennies de financement du déficit commercial américain par le reste du monde, entre autres. Tout semble actuellement reposer sur la confiance, plutôt que sur les fondamentaux de l'économie.
S'agissant enfin de l'Union pour la Méditerranée, les quelques lignes de la déclaration sont très succinctes. En quoi ce qui est prévu diffère-t-il du processus de Barcelone ?
a demandé quelles initiatives prendrait la présidence française sur la stratégie de Lisbonne et sur l'Union pour la Méditerranée.
S'agissant de la première, le constat est unanime. Celle-ci ne tient pas ses promesses. Le pilotage en est défectueux entre des objectifs qui sont européens et des outils et moyens trop strictement nationaux. La France fera-t-elle des propositions sur la méthode, de manière que l'on puisse, à l'avenir, atteindre des objectifs par ailleurs partagés ? C'est une certaine conception de l'Europe qui est en jeu.
Pour ce qui concerne la Méditerranée, on a constaté, lors de son dixième anniversaire, que le processus de Barcelone n'avait pas donné les résultats que l'on était en droit d'en attendre. Après le lancement par la France de sa nouvelle initiative, l'été dernier, on a eu le sentiment d'un grand volontarisme verbal, avec un projet « survendu », notamment par le discours de Tanger, en octobre. Maintenant, on ressent un recul complet.
Est-on ainsi face à une « Union II » ou à un « Barcelone II » ? On ne voit en effet pas bien comment le processus euro-méditerranéen va se détacher des décombres de Barcelone. L''impression est celle d'une belle idée gâchée, d'une Europe du verbe et d'une absence de contenu.
La déclaration du Conseil européen ne répond pas aux questions telles qu'elles se posent, en l'état.
a estimé que Lisbonne ne pouvait être regardée comme une véritable stratégie dans la mesure où elle s'exprime à travers un certain nombre de mécanismes ne créant ni obligations ni motivations réelles pour les Etats membres. On ne peut même pas considérer qu'il s'agisse d'un instrument intergouvernemental puisque tout est délégué au bon vouloir des Etats. Il serait donc souhaitable d'instituer une vraie stratégie, ce qui impliquerait des objectifs et des instruments communs.
S'agissant des fonds souverains, au lieu de tenter de domestiquer les fonds extérieurs à l'Europe, il serait préférable que l'Union cherche elle-même à se doter de fonds souverains.
La présidence française devrait mettre à profit son souhait de placer la défense européenne au premier plan pour briser la fracture existant entre la recherche militaire et la recherche civile, ce qui pourrait conduire à établir un lien entre le PCRD (programme commun de recherche et de développement) et la recherche militaire. A titre d'exemple, un tel lien pourrait donner l'occasion à l'Europe de se positionner sur la défense anti-missiles.
a précisé qu'il ne fallait pas sous-estimer la méthode retenue pour la stratégie de Lisbonne, consistant en la fixation d'objectifs non contraignants, puisque cela avait déjà fonctionné dans le passé dans le cas d'Airbus ou encore dans le cadre du processus d'Helsinki. Une alternative pourrait consister à mettre en place des instruments communautaires contraignants, mais cela impliquerait un budget européen excédant la limite de 1,2 % du PIB de l'Union et cela, personne n'en veut. De même, on pourrait concevoir une Europe des transferts, reposant sur une situation asymétrique où l'Allemagne devrait payer pour de nombreux Etats membres, ce qui n'est pas concevable. En fait, la stratégie de Lisbonne illustre les limites inhérentes à la construction européenne.
En ce qui concerne la crise monétaire actuelle, il est frappant de noter qu'aux Etats-Unis le président américain et le président de la Réserve fédérale (FED) n'hésitent pas à siéger côte à côte, situation absolument impensable en Europe, compte tenu de l'attitude du président de la Banque centrale européenne (BCE). Il faut bien prendre conscience que la crise est très grave et en tirer les leçons. Cela signifie, par exemple, que les agences de notation devraient être considérées comme exerçant un service public et que la Commission européenne devrait accroître ses compétences dans ce domaine pour empêcher les « pratiques de voyou » mises en oeuvre par certaines de ces agences. On constate également la faillite du système prudentiel défendu par la BCE. Il est donc absolument nécessaire de réintroduire l'Etat dans la politique monétaire, puisque l'économie relève à l'évidence du politique. L'indépendance de la Banque centrale est une illusion et il faut se souvenir que la Reichsbank qui n'a pas su empêcher en Allemagne la grande crise de 1929 était elle aussi indépendante.
Le besoin d'une politique industrielle en faveur des petites et moyennes entreprises est évident et il faut absolument passer outre l'idéologie pure et retrouver des moyens d'action étatiques sur l'économie.
En matière énergétique, la séparation patrimoniale voulue par la Commission équivaudrait à laisser libre champ à la Russie.
Enfin, on peut considérer que le projet d'Union méditerranéenne est mort-né, puisque l'on a choisi de le lier au processus de Barcelone. C'est un vrai gâchis car, à l'avenir, le maintien de la paix mondiale dépendra de l'instauration d'un dialogue avec le Sud.
En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :
- en ce qui concerne le paquet « énergie-climat », notre pays n'est pas résigné à attendre la fin de négociations internationales pour connaître les secteurs qui pourront bénéficier d'une protection contre les fuites de carbone et pour obtenir des précisions sur les instruments susceptibles d'être utilisés. Une lettre co-signée par la France, l'Allemagne, l'Italie et des pays d'Europe centrale particulièrement concernés sera transmise à la Commission européenne pour obtenir, avant 2010, des propositions compatibles avec les règles de l'OMC, qui laissent effectivement place à des mécanismes de protection ;
- s'agissant de la crise financière, il n'est nullement question d'en nier la gravité, mais il est normal de maintenir un équilibre entre l'affirmation de la confiance et le constat de la gravité de la situation, afin de ne pas tomber dans le catastrophisme. La référence faite précédemment à une crise de maturité ne voulait pas dire que cette crise devait être considérée comme bénigne, mais signifiait qu'elle avait son origine dans des innovations financières. Comme cela a déjà été indiqué, il faut revenir à des fondamentaux sur l'action des marchés, des fonds souverains et des banques. Ces dernières, en particulier, doivent s'attacher à donner la priorité à leur activité de crédit ;
- dans le cadre de la situation économique et financière que nous connaissons, la stratégie de Lisbonne doit être renforcée par l'attribution de compétences propres à l'Union européenne, notamment s'agissant de la formation et de l'innovation. La présidence française préconisera également un développement de la coordination dans la zone européenne pour réduire les écarts de compétitivité. On doit cependant souligner que la BCE ne gère pas plus mal que d'autres la crise et a su éviter toute rupture de liquidités. L'essentiel est de faire preuve de professionnalisme et ce n'est pas parce que l'on organise des réunions de haut niveau aux Etats-Unis que la situation y est meilleure. Les raisonnements fondés sur le seul taux de change se révèlent insuffisants car ce sont les fondamentaux de l'économie américaine qui sont atteints. Il est certain qu'au-delà de 2010 la stratégie de Lisbonne devra utiliser des mécanismes plus contraignants, mais il faudra s'entendre sur les transferts de compétences et de financements que cela suppose ;
- en matière de fonds souverains, il faut bien avoir présent à l'esprit l'importance des moyens financiers dont dispose les fonds asiatiques ou du Moyen-Orient, qui dépassent parfois les mille milliards de dollars. L'Europe ne dégage pas des surplus commerciaux, budgétaires ou de réserves de change lui permettant de constituer des fonds comparables. Pour autant, cela n'empêche pas de préconiser des réformes – et en France cela signifie une réforme de la Caisse des dépôts et consignations – pour permettre la création de fonds souverains au niveau intérieur ;
- en matière d'agences de notation, on peut émettre des doutes sur la nécessité d'un monopole public et sur le fait que la Commission européenne soit l'institution la plus appropriée pour le prendre en charge. Il existe un réel besoin de régulation plus sévère au niveau international et, si les Etats-Unis ne veulent pas en entendre parler, il serait souhaitable d'instituer une régulation européenne. La France portera une telle proposition lors de sa présidence et veillera à empêcher les conflits d'intérêts pouvant exister entre les agences de notation et le secteur bancaire ;
- sur le contrôle des réseaux de distribution de l'énergie, les propositions de la Commission relatives à la séparation patrimoniale des activités de production et de distribution sont de nature à affaiblir les producteurs européens et, par conséquent, à encourager la mainmise des acteurs étrangers puissants sur les réseaux du continent. Cette menace n'est d'ailleurs en aucune manière compensée par des gains pour les consommateurs européens. A l'inverse, il est probable que la vente par enchères des réseaux de distribution induite par la séparation patrimoniale inciterait les éventuels acquéreurs à très vite répercuter sur les consommateurs d'énergie le coût de leur acquisition, au détriment du pouvoir d'achat des citoyens européens. C'est pourquoi la France, ainsi que huit autres Etats membres, s'opposent au projet en l'état ;
- la défense européenne, quant à elle, constitue l'une des priorités de la présidence française de l'Union. Les défis sont nombreux, qu'ils concernent l'encouragement à la recherche, le renforcement des capacités opérationnelles, la mise en cohérence des programmes militaires aujourd'hui par trop éparpillés entre chaque Etat membre ou la nécessaire articulation des efforts consentis en la matière avec les programmes-cadres de recherche et développement. L'appui en particulier de l'Allemagne s'agissant de l'exploitation du vecteur spatial pour générer, grâce à des programmes ambitieux, des retombées à la fois militaires et civiles, et du Royaume-Uni, attaché à la coordination de la recherche, devraient permettre de franchir une nouvelle étape prometteuse au second semestre 2008 ;
- enfin, sur l'Union pour la Méditerranée, la présence même du sujet au sein des conclusions du Conseil européen est un succès politique majeur. Cela explique la brièveté du chapitre qui lui est consacré, qui pose cependant clairement le principe de l'entreprise et fixe la date du sommet du 13 juillet prochain pour son lancement. La démarche, qui ne constitue en aucune manière un recul ou un abandon mais bien la consécration d'un projet ambitieux désormais porté à vingt-sept, dépasse très largement le processus de Barcelone. En premier lieu, le but même de l'Union pour la Méditerranée, loin de se cantonner à l'encouragement au dialogue interculturel que poursuivait l'Euro-Méditerranée, est bien de nouer, par des partenariats concrets et des projets cohésifs auxquels pourront participer librement chacun des membres de l'Union, une véritable communauté entre les deux rives de la mer et apaiser ainsi progressivement les risques géopolitiques dont cet espace est l'un des foyers les plus importants au monde. En second lieu, les moyens sont aussi fondamentalement différents. Aux traditionnels procédures et financements communautaires s'ajouteront des financements innovants et souples, sollicitant tous les acteurs intéressés, par exemple la Banque mondiale ou des partenariats publics privés. En troisième lieu, l'Union est construite sur une base profondément égalitaire : en témoigne la présidence conjointe pour deux ans confiée à un membre de l'Union européenne et à un membre de l'autre rive de la Méditerranée. En dernier lieu, à la différence du processus de Barcelone, le projet d'Union pour la Méditerranée, concentré sur les projets concrets ouverts aux intéressés, permettra aux plus déterminés d'avancer sans être freinés par les plus réticents. Tous ces éléments dessinent une perspective extrêmement encourageante et partagée par tous, ce dont la France, à l'initiative du projet, ne peut que se satisfaire.
Le Président Pierre Lequiller a, à son tour, salué la concrétisation de l'Union pour la Méditerranée en se félicitant que les préoccupations fréquemment exprimées par nos partenaires, notamment lors des échanges qu'ont pu entretenir les membres de la Délégation avec leurs homologues européens, aient été prises en compte et leurs craintes clairement dissipées par une démarche prometteuse, pragmatique et centrée sur les « solidarités de fait » qui ont tant fait pour rapprocher les peuples de l'Union.