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Commission des affaires étrangères

Séance du 4 juillet 2007 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Audition de Mme Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères de l'Etat d'Israël.

Après avoir remercié Mme Tzipi Livni d'avoir accepté l'invitation de la commission des affaires étrangères, le président Axel Poniatowski a rappelé que la Ministre l'avait reçu, il y a un an à Jérusalem, ainsi que les autres membres de la délégation de la commission conduite par le président Edouard Balladur. Il lui a proposé de commencer par un propos liminaire sur la situation au Proche-Orient et sur les relations entre Israël et l'Autorité palestinienne, avant de répondre aux questions des membres de la commission.

PermalienTzipi Livni, ministre des affaires étrangères de l'Etat d'Israël

s'est déclarée très honorée d'être le premier ministre des affaires étrangères d'un pays étranger reçu par la commission sous la XIIIème législature.

Elle a souligné le phénomène de radicalisation qui touche actuellement les éléments extrémistes présents dans plusieurs pays de la région, sous l'influence d'un mouvement islamiste qui se développe au sein du Hamas, de l'Etat iranien et du Hezbollah, ce dernier étant directement lié à l'Iran et représentant les intérêts syriens et iraniens au Liban. Face à ce phénomène, Israël et les Etats musulmans et arabes modérés de la région peuvent mener une lutte commune. Si l'existence de cette menace est très inquiétante, elle ouvre néanmoins la possibilité de nouvelles alliances dans la région. Tous ces Etats partagent des intérêts communs et des objectifs identiques en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien et sont confrontés à la même menace iranienne. Le conflit israélo-palestinien n'est pas la cause de la montée de l'extrémisme mais ce phénomène contribue à l'entretenir. Les Etats du Golfe, l'Egypte, le Maghreb sont, comme Israël, opposés à la possession de l'arme nucléaire par l'Iran et à l'influence du Hamas dans les territoires palestiniens, et favorables à un Liban stable et souverain, dont l'armée –et non des milices armées– contrôlerait le territoire, ainsi qu'à un processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, fondé sur des principes acceptés par tous. Mme Livni a indiqué avoir rencontré récemment d'une part le ministre des affaires étrangères marocain et d'autre part ses homologues égyptien et jordanien, en tant que représentants de la Ligue arabe, mettant ainsi fin à de nombreuses années de silence. Il reste à trouver le moyen de traduire cette compréhension mutuelle en un véritable processus.

Abordant le dossier iranien, Mme Tzipi Livni a insisté sur le fait que le monde ne pouvait se permettre de laisser l'Iran détenir l'arme nucléaire et devait donc faire pression pour l'en empêcher. La position de la France est très ferme sur ce point, ce qui lui vaut une grande estime en Israël. La France a su traduire sa perception de la gravité de la situation en une position internationale claire, alors que trop souvent les responsables politiques prennent des positions à huis clos, mais ne leur donnent aucune traduction extérieure. L'ensemble des voisins de l'Iran sont favorables à la position de la communauté internationale, mais il faut que celle-ci évite toute hésitation qui pourrait être interprétée comme un signe de faiblesse. Un Iran nucléaire générerait une course aux armements non seulement parmi les Etats de la région, mais aussi de la part des organisations terroristes.

Pour ce qui est du Liban, l'adoption par le conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 1701 sur une proposition franco-américaine a traduit l'intérêt de la région dans son ensemble. Mais deux problèmes restent à résoudre : la situation des deux soldats israéliens enlevés, dont les familles n'ont pas même pu obtenir un signe de vie, et l'absence de contrôle de la frontière syro-libanaise, qui rend possible le réarmement du Hezbollah. Ce dernier a quitté le sud du Liban, mais possède des missiles de longue portée qui continuent à menacer Israël et les forces internationales depuis le nord du Liban. La communauté internationale souhaitait qu'Israël fournisse des preuves de ce danger ; Israël l'a fait et le dernier rapport des Nations unies a bien confirmé les faits.

Pour ce qui est de l'Autorité palestinienne, la Ministre a rappelé que, à la suite de la victoire électorale du Hamas, Israël avait pris la décision stratégique d'oeuvrer contre ce mouvement aux côtés de M. Mahmoud Abbas et du Fatah dans le but d'offrir une alternative au peuple palestinien. La conclusion de l'accord de La Mecque et la mise en place d'un gouvernement d'unité nationale ont empêché Israël de continuer sur cette voie. Aujourd'hui, la rupture politique et territoriale entre les extrémistes, au pouvoir à Gaza, et les modérés, en Cisjordanie, va lui permettre de renouer des négociations avec ces derniers. Cette nouvelle situation pose de graves problèmes de sécurité à Gaza, mais elle ouvre de véritables possibilités de discussion entre Israël et le nouveau gouvernement palestinien. L'objectif est de travailler avec ce gouvernement dans la mesure où les discussions peuvent aboutir et de continuer à combattre le Hamas à Gaza, tout en veillant, en concertation avec la communauté internationale, à éviter que s'y développe une crise humanitaire. Le retour à une coopération entre modérés et extrémistes palestiniens ne servirait pas les intérêts de la communauté internationale car il priverait à nouveau Israël de la possibilité de relancer le processus de paix avec l'Autorité palestinienne. Une fois que ces efforts auront porté leurs fruits, les extrémistes devront soit accepter les conditions de la communauté internationale pour bénéficier de ces acquis, soit s'exposer à la poursuite de la lutte.

Après avoir remercié la Ministre pour sa présentation, le président Axel Poniatowski a souhaité connaître l'appréciation de la Ministre sur la situation intérieure iranienne. La politique de sanctions décidée à l'encontre de l'Iran est-elle efficace ? Le régime en place montre-t-il des signes d'affaiblissement ? Le Président s'est ensuite interrogé sur l'accueil qu'a reçu l'offre, présentée par Israël, de reprendre les négociations avec la Syrie. Comment cette porte ouverte au dialogue a-t-elle été perçue par les autorités syriennes et ce geste a-t-il été suivi d'effets ? Rappelant qu'Israël vient de reverser à l'Autorité palestinienne une partie du produit des taxes qu'il avait prélevées en son nom, M. Axel Poniatowski a souhaité savoir si un calendrier avait été établi pour le versement du reste de ce produit qui s'élèverait à près de 600 millions de dollars. D'autres moyens sont-ils envisagés pour soutenir les efforts de M. Mahmoud Abbas ? Enfin, rappelant avoir été frappé, lorsqu'il l'avait rencontrée, par la position très ferme de la ministre sur la question des réfugiés palestiniens, il lui a demandé si aujourd'hui son point de vue avait évolué sur ce problème.

Répondant au président, Mme Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères de l'Etat d'Israël a apporté les précisions suivantes.

S'agissant de l'Iran, tout d'abord, elle a indiqué que la question de la solidité du régime s'était posée au moment de la discussion relative à la mise en oeuvre de sanctions au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. A l'époque, la Russie avait considéré que l'application de sanctions serait inutile, comme l'avait démontré l'efficacité limitée de cette politique dans le cas de la Corée du Nord. Plusieurs voix se sont exprimées dans ce sens, considérant que, de toute façon, les autorités iraniennes ne prenaient pas en compte leur opinion publique et étaient déterminées à aller jusqu'au bout de leur politique. Or, cette politique conduite par les dirigeants iraniens est proprement intolérable. Non seulement ils n'abandonneront pas leur volonté de détenir l'arme atomique, mais de surcroît ils se sont publiquement prononcés en faveur de la destruction d'un autre Etat, ce qui est inacceptable pour n'importe quelle nation de la communauté internationale. La Ministre a ajouté que les ouvertures au dialogue qui avaient été amorcées ne visaient en réalité qu'à gagner du temps jusqu'à ce que les Etats du monde se retrouvent face à un point de non retour. Dans ce contexte, Mme Tipi Livni a déclaré que la mise en oeuvre de sanctions avait une signification importante dans la mesure, notamment, où cette décision permettait d'adresser un message clair aux dirigeants iraniens. Elle a appelé de ses voeux l'adoption d'une nouvelle résolution qui établirait de nouvelles sanctions, plus contraignantes. Malheureusement, les modalités d'adoption de telles mesures, qui reposent sur la règle de l'unanimité au sein du Conseil de sécurité, contribuent à affaiblir la portée des sanctions qui sont décidées. Des compromis apparaissent qui nuisent à l'efficacité de ces sanctions comme l'atteste par exemple l'impossibilité, à ce jour, d'inscrire les Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes auxquelles les sanctions sont applicables. Elle a conclu en indiquant que des décisions importantes devront être prises au fur et à mesure que le temps passe et en rappelant que certains Etats avaient d'ores et déjà décidé d'adopter des sanctions supplémentaires contre l'Iran, sur une base bilatérale.

En ce qui concerne la Syrie, Mme Tipi Livni a déploré son rôle extrêmement négatif dans la région du fait du soutien que ce pays apporte à différentes organisations terroristes comme le Hezbollah ou Al Qaeda. Au-delà de ses relations avec Israël, la Syrie ne souhaite pas voir se construire un Liban souverain et indépendant et met, sans doute même plus que l'Iran, tout en oeuvre pour déstabiliser le pays. La politique syrienne de soutien aux organisations terroristes se reflète dans les directives extrémistes qui sont données ainsi que dans le fait que le siège du Hamas se trouve à Damas. Une question centrale est de savoir comment, dès lors que l'on parle de paix, la Syrie envisage cette paix. La Ministre a affirmé que la paix entre deux pays ne pouvait se réduire à l'installation réciproque d'ambassades dans les capitales de chaque Etat. La paix ne peut non plus être comprise comme un moyen d'éviter la menace que représente la création d'un Tribunal international chargé d'enquêter sur l'assassinat de Rafik Hariri. La paix signifie, avant tout, une rupture claire avec les organisations terroristes de la région. Cette question reste aujourd'hui une question ouverte. Pour l'heure, elle a estimé que la Syrie ne délivrait pas un message clair et honnête dans cette direction en soutenant les assassinats politiques au Liban, en armant le Hamas ou en entraînant le Hezbollah.

Evoquant les relations d'Israël avec l'Autorité palestinienne et la question des taxes, Mme Tipi Livni a rappelé qu'aucune relation ne pouvait être nouée avec le précédent gouvernement d'union nationale dans la mesure où le Hamas refusait d'accepter trois conditions essentielles au dialogue, à savoir la reconnaissance de l'Etat d'Israël, l'arrêt du terrorisme et le respect des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. En revanche, un accord a été conclu avec le nouveau gouvernement palestinien qui, lui, respecte ces conditions. Le transfert du produit des taxes a ainsi pu être négocié avec M. Salam Fayyad, ministre palestinien des finances, à la satisfaction de ce dernier.

Abordant ensuite la question des réfugiés palestiniens, Mme Tipi Livni a souhaité rappeler les principes qui devaient, selon elle, nourrir le processus de paix. La question de l'existence de deux Etats indépendants, vivant en paix, est fréquemment interprétée de manière incorrecte, comme l'illustre précisément la question des réfugiés palestiniens. L'existence de ces deux Etats suppose que chacun d'eux offre une réponse nationale aux aspirations de son peuple. Ainsi, Israël constitue le foyer national du peuple juif : cet Etat a accueilli et continue d'accueillir ceux de son peuple qui ont fui les persécutions en Europe, qui ont quitté les pays arabes ou qui souhaitent s'installer en Israël. C'est la raison d'être d'Israël. Les mêmes principes doivent animer la création d'un Etat palestinien, appelé à apporter une réponse nationale aux aspirations du peuple palestinien, qu'il vive dans les territoires ou dans les camps de réfugiés. La Ministre a indiqué qu'il était nécessaire de ne pas entretenir de faux espoirs et que seul un Etat palestinien pourrait offrir une réponse à ces réfugiés. Cette logique préside à la nécessité concomitante d'un retrait des implantations juives des terres de ce futur Etat palestinien ; c'est le sens de la décision qui a été prise lors du désengagement de Gaza et qui sera mis en oeuvre si le processus se poursuit en Cisjordanie. Il s'agit d'un principe de base qu'il faut accepter pour parvenir à la coexistence de deux Etats indépendants et sur lequel la communauté internationale, et notamment la France, doit adopter une position claire. Mme Tzipi Livni a estimé que tout le monde comprenait ce principe mais n'avait pas le courage de l'énoncer clairement. Or, une telle prise de position viendrait certainement conforter le président Mahmoud Abbas qui serait ainsi à même de présenter clairement à son opinion publique les conditions de création d'un Etat propre aux Palestiniens. Des voix commencent à s'élever dans le monde en faveur de ce principe, aux Etats-Unis notamment, mais également en Europe, comme en témoignent les récentes déclarations de M. Romano Prodi et de Mme Angela Merkel. D'autres voix doivent se faire entendre, qui ne seront pas suspectes de sympathie excessive envers Israël. Enfin, la Ministre a précisé qu'un deuxième principe devait prévaloir, celui du rejet du terrorisme. Un Etat palestinien ne peut représenter une menace pour Israël. Les éléments palestiniens modérés doivent faire preuve de fermeté à cet égard, comme cela a été rappelé au cours de récentes discussions avec M. Salam Fayyad, ministre palestinien des finances.

PermalienPhoto de Jean-Michel Boucheron

a approuvé la définition donnée par la ministre de deux Etats nations, qui lui semble être la base de toute discussion. Il s'est en revanche déclaré en désaccord avec la ministre sur le fait que l'Iran serait une menace pour Israël, quels que soient les propos absolument scandaleux tenus par le président iranien. Agiter cette menace masque en réalité les vrais problèmes. Puis, constatant qu'Israël avait refusé de discuter avec Yasser Arafat, suffisamment peu crédible aux yeux du gouvernement israélien, puis que les pourparlers n'avaient pas été davantage possibles avec M. Abou Mazen et qu'enfin Israël rejetait tout contact avec le Hamas, pourtant légitimement élu, il a estimé que pour donner une chance à la paix, il fallait savoir parler à ses adversaires, comme les Etats-Unis l'avaient fait en leur temps avec le Vietminh. En reportant sans cesse les échéances, le gouvernement israélien pourrait donner l'impression – dans l'opinion internationale, et en particulier dans l'opinion française – de ne pas réellement vouloir la paix. Maintenir ce ghetto de Gaza sous une telle pression facilite le travail des extrémistes.

Réagissant à cette intervention, la Ministre a demandé à M. Jean-Michel Boucheron s'il pensait vraiment que l'Iran n'était pas une menace pour Israël, ce à quoi ce dernier a répondu qu'il confirmait son propos.

PermalienTzipi Livni, ministre des affaires étrangères de l'Etat d'Israël

a alors indiqué que lorsqu'un dirigeant annonce aussi clairement qu'il a l'intention de détruire Israël et qu'en parallèle il est sur le point d'accéder à l'arme nucléaire, il existe de réels motifs d'inquiétude. Puis elle a souhaité opérer une mise au point sur le fossé qui s'est creusé entre l'image d'Israël et la réalité des choses. Elle a rappelé les négociations qui s'étaient tenues en 2000 à Camp David et la proposition plus qu'honnête faite à Yasser Arafat de création d'un Etat palestinien. Or cette discussion s'est soldée par le refus d'Arafat, l'éclatement de l'Intifada et la multiplication des attentats suicide contre des civils israéliens dans les autobus, les restaurants, les habitations, etc. Les Palestiniens auraient pu célébrer, comme Israël, le soixantième anniversaire de la fondation de leur Etat. Historiquement en 1947, il y a eu la première proposition de répartition du territoire. Israël a dit oui, et le monde arabe a dit non ; depuis, Israël se bat pour sa survie. Les Palestiniens auraient aussi pu fêter le septième anniversaire de leur Etat s'il avait été créé en 2000. Certains soupçonnent Israël d'avoir un agenda caché, de vouloir gagner du temps et de refuser la négociation. Israël a décidé de quitter Gaza et ce malgré l'absence de partenaires fiables avec lesquels il serait possible de parvenir à un accord global. En application de la feuille de route, les Palestiniens étaient censés combattre le terrorisme, ce qu'ils n'ont pas fait. Mme Tzipi Livni a alors indiqué avoir approuvé le retrait de Gaza pour transmettre un message sur les intentions sincères d'Israël. Gaza aurait du servir d'exemple pour un embryon d'Etat, non pas pour les Israéliens, mais pour les Palestiniens. En retour, Israël, par un effet de boomerang, est attaqué depuis Gaza. Le gouvernement a accédé à la demande de la communauté internationale de quitter l'axe de Philadelphi pour permettre à Gaza d'être ouvert vers l'Egypte ; mais cette ouverture a engendré le développement de divers trafics et une contrebande massive d'armes de l'Egypte vers Gaza. Or Israël, que l'on tient pour responsable de la dégradation de la situation, ayant quitté Gaza, ne saurait donc être tenu pour responsable de ce qui s'y passe. Le Gouvernement pourrait décider de priver Gaza d'eau, d'électricité et de carburants ; ce serait facile à réaliser, mais il ne le fait pas car cela serait contraire à ses valeurs.

PermalienPhoto de Jacques Myard

a déploré la montée des idéologies extrémistes au Proche et au Moyen-Orient. Deux visions du monde s'opposent et il est regrettable que toutes les crises aient été couplées, qu'il s'agisse du Moyen-Orient, de l'Iran, de l'Irak, du Liban, de la Syrie, d'Israël et de la Palestine. Il faut sortir de ce couplage en isolant les problèmes. Sur le dossier iranien, il a estimé qu'il ne fallait pas systématiquement diaboliser l'Iran. Il a alors évoqué l'argument récurrent de Téhéran qui met en balance ses obligations au regard du traité de non prolifération avec la question de la puissance nucléaire israélienne. Il faudra bien trouver une solution à la question nucléaire au Proche et au Moyen Orient.

Sur la question palestinienne, qui touche plus directement Israël, il a rappelé la perspective de deux Etats tout en faisant part des interrogations que cela suscite en Israël, notamment de la part de l'ancien président de la Knesset. La coexistence de deux Etats nécessite qu'ils soient viables, ce qui pose notamment le problème des colonies de peuplement en Cisjordanie. M. Jacques Myard a par ailleurs estimé que la réaction du gouvernement israélien au lendemain de la victoire du Hamas avait pu avoir pour effet de pousser à la radicalisation.

Or Israël est un Etat du Proche Orient et doit être accepté comme tel, ce qui nécessite un règlement de la question palestinienne.

M. Jacques Myard a enfin interrogé la Ministre sur sa vision de la situation en Irak et la possibilité pour les Etats-Unis de sortir de ce guêpier.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Guillet

s'est interrogé sur la viabilité d'un éventuel Etat palestinien dès lors que le gouvernement israélien n'entend traiter qu'avec les modérés, ce qui est parfaitement compréhensible. Puis il a souligné la nécessité d'éviter un étranglement économique trop important à Gaza et en Cisjordanie, qui participe à la montée en puissance du Hamas. La multiplication des barrages et les difficultés de circulation contribuent en effet à l'affaiblissement des territoires ; c'est pourquoi il a souhaité savoir jusqu'où le gouvernement israélien serait prêt à aller en termes de concessions à l'égard de l'Autorité palestinienne et du gouvernement mis en place par M. Abbas pour alléger la pression, au-delà des problèmes de taxes évoquées précédemment par le président Axel Poniatowski. M. Jean-Jacques Guillet a ensuite souhaité connaître la position d'Israël sur le plan proposé il y plusieurs mois par le Roi Abdallah d'Arabie Saoudite et qui avait en son temps suscité une réaction ambiguë du Premier ministre M. Ehud Olmert. Il a enfin interrogé la Ministre sur le destin du soldat franco-israélien M. Shalit et sur la réaction du gouvernement israélien si le Hamas parvenait à le libérer et proposait de le livrer aux autorités israéliennes au point de passage d'Erez.

En réponse, Mme Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères de l'Etat d'Israël, a apporté les précisions suivantes :

– Pour mettre fin à la détention du caporal Gilad Shalit, citoyen israélien et français, des discussions sont actuellement menées par l'intermédiaire de l'Égypte qui est en contact avec ceux qui le détiennent. En vue d'un échange, une liste de personnes détenues en Israël, dont la Ministre a jugé le nombre suffisant, a été transmise. Ce sujet sera toutefois mieux traité dans le calme et le secret que sur la scène publique.

– Concernant la coexistence de deux États, la Ministre a souligné que l'opinion qu'elle a présentée devant la Commission est partagée par la majorité des Israéliens. Dans le passé, une alternative existait : la permanence d'un seul cadre national entre le Jourdain et la mer ou bien la recherche d'un accord avec les Palestiniens afin d'aboutir à la création d'un État qui leur soit propre. L'existence d'un État palestinien apparaît donc comme la résultante d'un compromis au sein de l'opinion israélienne. Pour expliquer cette évolution, il faut comprendre ce qu'est Israël, à la fois une terre, un foyer pour le peuple juif et un État démocratique. Israël a dû progressivement se persuader que sa pérennité impliquait de renoncer à une partie des terres sur lesquelles de nombreux Israéliens estimaient avoir des droits historiques pour réaffirmer son existence et ses valeurs. Consciente du fait que les Palestiniens estiment qu'ils en sont les titulaires les plus anciens, la Ministre a affirmé qu'il n'existait pas de solution définitive sur ce point.

Le développement économique des deux États est dans l'intérêt d'Israël. L'aggravation de l'écart existant entre Israël et l'Autorité palestinienne fait persister un antagonisme qui n'est pas sain. Le succès de l'économie israélienne a été construit en dépit de l'existence de zones quasiment désertiques et d'un capital économique de départ peu important, grâce à un apport important de capital humain. Israël est prêt à coopérer à toute initiative économique contribuant au développement de la Palestine, notamment sous l'impulsion de M. Blair récemment nommé émissaire du Quartet au Proche-Orient. Toute coopération cesserait si une opération à but économique devait créer une menace pour sa sécurité. Cet argument n'est pas idéologique, il touche des situations très concrètes : l'ouverture d'un point de passage contribue au développement d'une région mais peut également favoriser la circulation de terroristes.

– Il est souvent affirmé que le dialogue avec le Hamas est impossible parce que celui-ci est une organisation terroriste. La Ministre a indiqué que ce n'était pas la raison pour laquelle elle ne souhaitait pas ouvrir de discussions avec ce mouvement. Un dialogue doit être ouvert avec tous ceux qui peuvent aider à relancer un processus de paix. Le Hamas n'est pas considéré comme un bon interlocuteur non pas à cause des moyens violents que ses militants emploient, mais parce que son but ultime n'est pas d'aboutir à un tel processus. Son objectif est de supprimer tous les points de vue différents du sien dans la région. La Ministre a ainsi souligné que, bien qu'elle n'ait pas à donner le point de vue des Palestiniens modérés, ceux-ci affirmeraient certainement qu'ils ne souhaitent pas voir l'enseignement se radicaliser en Palestine et les jeunes gens formés en vue de commettre des attentats suicides ; ils refuseraient tout autant que soit imposé le port du voile aux jeunes Palestiniennes. La Palestine est proche de l'Occident et un dialogue est possible. Israël estime toutefois que seuls les acteurs respectant les trois critères fixés par la communauté internationale (renonciation à la violence, reconnaissance d'Israël, respect des résolutions de l'ONU) sont des interlocuteurs possibles. Le Hamas n'est donc pas sanctionné pour son attitude dans le passé mais pour ses objectifs d'aujourd'hui.

Le président Axel Poniatowski a remercié Mme Tzipi Livni de s'être exprimée de façon si directe devant la commission.

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