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Intervention de Tzipi Livni

Réunion du 4 juillet 2007 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères de l'Etat d'Israël :

s'est déclarée très honorée d'être le premier ministre des affaires étrangères d'un pays étranger reçu par la commission sous la XIIIème législature.

Elle a souligné le phénomène de radicalisation qui touche actuellement les éléments extrémistes présents dans plusieurs pays de la région, sous l'influence d'un mouvement islamiste qui se développe au sein du Hamas, de l'Etat iranien et du Hezbollah, ce dernier étant directement lié à l'Iran et représentant les intérêts syriens et iraniens au Liban. Face à ce phénomène, Israël et les Etats musulmans et arabes modérés de la région peuvent mener une lutte commune. Si l'existence de cette menace est très inquiétante, elle ouvre néanmoins la possibilité de nouvelles alliances dans la région. Tous ces Etats partagent des intérêts communs et des objectifs identiques en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien et sont confrontés à la même menace iranienne. Le conflit israélo-palestinien n'est pas la cause de la montée de l'extrémisme mais ce phénomène contribue à l'entretenir. Les Etats du Golfe, l'Egypte, le Maghreb sont, comme Israël, opposés à la possession de l'arme nucléaire par l'Iran et à l'influence du Hamas dans les territoires palestiniens, et favorables à un Liban stable et souverain, dont l'armée –et non des milices armées– contrôlerait le territoire, ainsi qu'à un processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, fondé sur des principes acceptés par tous. Mme Livni a indiqué avoir rencontré récemment d'une part le ministre des affaires étrangères marocain et d'autre part ses homologues égyptien et jordanien, en tant que représentants de la Ligue arabe, mettant ainsi fin à de nombreuses années de silence. Il reste à trouver le moyen de traduire cette compréhension mutuelle en un véritable processus.

Abordant le dossier iranien, Mme Tzipi Livni a insisté sur le fait que le monde ne pouvait se permettre de laisser l'Iran détenir l'arme nucléaire et devait donc faire pression pour l'en empêcher. La position de la France est très ferme sur ce point, ce qui lui vaut une grande estime en Israël. La France a su traduire sa perception de la gravité de la situation en une position internationale claire, alors que trop souvent les responsables politiques prennent des positions à huis clos, mais ne leur donnent aucune traduction extérieure. L'ensemble des voisins de l'Iran sont favorables à la position de la communauté internationale, mais il faut que celle-ci évite toute hésitation qui pourrait être interprétée comme un signe de faiblesse. Un Iran nucléaire générerait une course aux armements non seulement parmi les Etats de la région, mais aussi de la part des organisations terroristes.

Pour ce qui est du Liban, l'adoption par le conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 1701 sur une proposition franco-américaine a traduit l'intérêt de la région dans son ensemble. Mais deux problèmes restent à résoudre : la situation des deux soldats israéliens enlevés, dont les familles n'ont pas même pu obtenir un signe de vie, et l'absence de contrôle de la frontière syro-libanaise, qui rend possible le réarmement du Hezbollah. Ce dernier a quitté le sud du Liban, mais possède des missiles de longue portée qui continuent à menacer Israël et les forces internationales depuis le nord du Liban. La communauté internationale souhaitait qu'Israël fournisse des preuves de ce danger ; Israël l'a fait et le dernier rapport des Nations unies a bien confirmé les faits.

Pour ce qui est de l'Autorité palestinienne, la Ministre a rappelé que, à la suite de la victoire électorale du Hamas, Israël avait pris la décision stratégique d'oeuvrer contre ce mouvement aux côtés de M. Mahmoud Abbas et du Fatah dans le but d'offrir une alternative au peuple palestinien. La conclusion de l'accord de La Mecque et la mise en place d'un gouvernement d'unité nationale ont empêché Israël de continuer sur cette voie. Aujourd'hui, la rupture politique et territoriale entre les extrémistes, au pouvoir à Gaza, et les modérés, en Cisjordanie, va lui permettre de renouer des négociations avec ces derniers. Cette nouvelle situation pose de graves problèmes de sécurité à Gaza, mais elle ouvre de véritables possibilités de discussion entre Israël et le nouveau gouvernement palestinien. L'objectif est de travailler avec ce gouvernement dans la mesure où les discussions peuvent aboutir et de continuer à combattre le Hamas à Gaza, tout en veillant, en concertation avec la communauté internationale, à éviter que s'y développe une crise humanitaire. Le retour à une coopération entre modérés et extrémistes palestiniens ne servirait pas les intérêts de la communauté internationale car il priverait à nouveau Israël de la possibilité de relancer le processus de paix avec l'Autorité palestinienne. Une fois que ces efforts auront porté leurs fruits, les extrémistes devront soit accepter les conditions de la communauté internationale pour bénéficier de ces acquis, soit s'exposer à la poursuite de la lutte.

Après avoir remercié la Ministre pour sa présentation, le président Axel Poniatowski a souhaité connaître l'appréciation de la Ministre sur la situation intérieure iranienne. La politique de sanctions décidée à l'encontre de l'Iran est-elle efficace ? Le régime en place montre-t-il des signes d'affaiblissement ? Le Président s'est ensuite interrogé sur l'accueil qu'a reçu l'offre, présentée par Israël, de reprendre les négociations avec la Syrie. Comment cette porte ouverte au dialogue a-t-elle été perçue par les autorités syriennes et ce geste a-t-il été suivi d'effets ? Rappelant qu'Israël vient de reverser à l'Autorité palestinienne une partie du produit des taxes qu'il avait prélevées en son nom, M. Axel Poniatowski a souhaité savoir si un calendrier avait été établi pour le versement du reste de ce produit qui s'élèverait à près de 600 millions de dollars. D'autres moyens sont-ils envisagés pour soutenir les efforts de M. Mahmoud Abbas ? Enfin, rappelant avoir été frappé, lorsqu'il l'avait rencontrée, par la position très ferme de la ministre sur la question des réfugiés palestiniens, il lui a demandé si aujourd'hui son point de vue avait évolué sur ce problème.

Répondant au président, Mme Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères de l'Etat d'Israël a apporté les précisions suivantes.

S'agissant de l'Iran, tout d'abord, elle a indiqué que la question de la solidité du régime s'était posée au moment de la discussion relative à la mise en oeuvre de sanctions au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. A l'époque, la Russie avait considéré que l'application de sanctions serait inutile, comme l'avait démontré l'efficacité limitée de cette politique dans le cas de la Corée du Nord. Plusieurs voix se sont exprimées dans ce sens, considérant que, de toute façon, les autorités iraniennes ne prenaient pas en compte leur opinion publique et étaient déterminées à aller jusqu'au bout de leur politique. Or, cette politique conduite par les dirigeants iraniens est proprement intolérable. Non seulement ils n'abandonneront pas leur volonté de détenir l'arme atomique, mais de surcroît ils se sont publiquement prononcés en faveur de la destruction d'un autre Etat, ce qui est inacceptable pour n'importe quelle nation de la communauté internationale. La Ministre a ajouté que les ouvertures au dialogue qui avaient été amorcées ne visaient en réalité qu'à gagner du temps jusqu'à ce que les Etats du monde se retrouvent face à un point de non retour. Dans ce contexte, Mme Tipi Livni a déclaré que la mise en oeuvre de sanctions avait une signification importante dans la mesure, notamment, où cette décision permettait d'adresser un message clair aux dirigeants iraniens. Elle a appelé de ses voeux l'adoption d'une nouvelle résolution qui établirait de nouvelles sanctions, plus contraignantes. Malheureusement, les modalités d'adoption de telles mesures, qui reposent sur la règle de l'unanimité au sein du Conseil de sécurité, contribuent à affaiblir la portée des sanctions qui sont décidées. Des compromis apparaissent qui nuisent à l'efficacité de ces sanctions comme l'atteste par exemple l'impossibilité, à ce jour, d'inscrire les Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes auxquelles les sanctions sont applicables. Elle a conclu en indiquant que des décisions importantes devront être prises au fur et à mesure que le temps passe et en rappelant que certains Etats avaient d'ores et déjà décidé d'adopter des sanctions supplémentaires contre l'Iran, sur une base bilatérale.

En ce qui concerne la Syrie, Mme Tipi Livni a déploré son rôle extrêmement négatif dans la région du fait du soutien que ce pays apporte à différentes organisations terroristes comme le Hezbollah ou Al Qaeda. Au-delà de ses relations avec Israël, la Syrie ne souhaite pas voir se construire un Liban souverain et indépendant et met, sans doute même plus que l'Iran, tout en oeuvre pour déstabiliser le pays. La politique syrienne de soutien aux organisations terroristes se reflète dans les directives extrémistes qui sont données ainsi que dans le fait que le siège du Hamas se trouve à Damas. Une question centrale est de savoir comment, dès lors que l'on parle de paix, la Syrie envisage cette paix. La Ministre a affirmé que la paix entre deux pays ne pouvait se réduire à l'installation réciproque d'ambassades dans les capitales de chaque Etat. La paix ne peut non plus être comprise comme un moyen d'éviter la menace que représente la création d'un Tribunal international chargé d'enquêter sur l'assassinat de Rafik Hariri. La paix signifie, avant tout, une rupture claire avec les organisations terroristes de la région. Cette question reste aujourd'hui une question ouverte. Pour l'heure, elle a estimé que la Syrie ne délivrait pas un message clair et honnête dans cette direction en soutenant les assassinats politiques au Liban, en armant le Hamas ou en entraînant le Hezbollah.

Evoquant les relations d'Israël avec l'Autorité palestinienne et la question des taxes, Mme Tipi Livni a rappelé qu'aucune relation ne pouvait être nouée avec le précédent gouvernement d'union nationale dans la mesure où le Hamas refusait d'accepter trois conditions essentielles au dialogue, à savoir la reconnaissance de l'Etat d'Israël, l'arrêt du terrorisme et le respect des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. En revanche, un accord a été conclu avec le nouveau gouvernement palestinien qui, lui, respecte ces conditions. Le transfert du produit des taxes a ainsi pu être négocié avec M. Salam Fayyad, ministre palestinien des finances, à la satisfaction de ce dernier.

Abordant ensuite la question des réfugiés palestiniens, Mme Tipi Livni a souhaité rappeler les principes qui devaient, selon elle, nourrir le processus de paix. La question de l'existence de deux Etats indépendants, vivant en paix, est fréquemment interprétée de manière incorrecte, comme l'illustre précisément la question des réfugiés palestiniens. L'existence de ces deux Etats suppose que chacun d'eux offre une réponse nationale aux aspirations de son peuple. Ainsi, Israël constitue le foyer national du peuple juif : cet Etat a accueilli et continue d'accueillir ceux de son peuple qui ont fui les persécutions en Europe, qui ont quitté les pays arabes ou qui souhaitent s'installer en Israël. C'est la raison d'être d'Israël. Les mêmes principes doivent animer la création d'un Etat palestinien, appelé à apporter une réponse nationale aux aspirations du peuple palestinien, qu'il vive dans les territoires ou dans les camps de réfugiés. La Ministre a indiqué qu'il était nécessaire de ne pas entretenir de faux espoirs et que seul un Etat palestinien pourrait offrir une réponse à ces réfugiés. Cette logique préside à la nécessité concomitante d'un retrait des implantations juives des terres de ce futur Etat palestinien ; c'est le sens de la décision qui a été prise lors du désengagement de Gaza et qui sera mis en oeuvre si le processus se poursuit en Cisjordanie. Il s'agit d'un principe de base qu'il faut accepter pour parvenir à la coexistence de deux Etats indépendants et sur lequel la communauté internationale, et notamment la France, doit adopter une position claire. Mme Tzipi Livni a estimé que tout le monde comprenait ce principe mais n'avait pas le courage de l'énoncer clairement. Or, une telle prise de position viendrait certainement conforter le président Mahmoud Abbas qui serait ainsi à même de présenter clairement à son opinion publique les conditions de création d'un Etat propre aux Palestiniens. Des voix commencent à s'élever dans le monde en faveur de ce principe, aux Etats-Unis notamment, mais également en Europe, comme en témoignent les récentes déclarations de M. Romano Prodi et de Mme Angela Merkel. D'autres voix doivent se faire entendre, qui ne seront pas suspectes de sympathie excessive envers Israël. Enfin, la Ministre a précisé qu'un deuxième principe devait prévaloir, celui du rejet du terrorisme. Un Etat palestinien ne peut représenter une menace pour Israël. Les éléments palestiniens modérés doivent faire preuve de fermeté à cet égard, comme cela a été rappelé au cours de récentes discussions avec M. Salam Fayyad, ministre palestinien des finances.

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