Le projet de préserver et si besoin est de restaurer les continuités écologiques au moyen d'une trame verte et d'une trame bleue, composée d'espaces importants pour la préservation de la biodiversité et de continuités écologiques les reliant, dans une approche qui soit articulée entre les niveaux continental, national, régional et local est un objectif majeur des conclusions du Grenelle de l'environnement. Les contributions attendues de ces trames verte et bleue à la préservation de la biodiversité, prenant en compte les changements climatiques et le meilleur état des connaissances scientifiques disponibles, sont nombreuses.
En effet, les avancées scientifiques en matière de biologie de la conservation démontrent les limites et les insuffisances des politiques traditionnelles de création d'espaces protégés (quel que soit leur statut juridique), focalisées sur des espèces ou des habitats remarquables. Pour protéger efficacement la biodiversité, il est désormais indispensable de raisonner en termes de maillage et de fonctionnalité des écosystèmes à une très large échelle spatiale, intégrant d'une part la mobilité des espèces et dans une moindre mesure des écosystèmes, mais aussi la biodiversité ordinaire. Par ailleurs le changement climatique en cours conduit à devoir se poser des questions nouvelles en matière de migration des espèces et des habitats, en vue de tenter de leur offrir de nouvelles conditions favorisant leur adaptation progressive aux évolutions en cours.
Ces deux préoccupations conduisent à rechercher la création d'un maillage écologique du territoire aujourd'hui très fragmenté, reposant sur des corridors écologiques reliant les espaces préalablement identifiés comme importants pour la préservation de la biodiversité, et généralement placés sous un régime de protection particulier (par exemple : ces espaces importants peuvent avoir été classés en coeur de parc national, en réserve naturelle, en arrêté de protection de biotope, en réserve biologique de l'ONF, en site NATURA 2000, en site écologiquement fonctionnel acquis avec l'aide de la TDENS, ou sont de grandes forêts de haute valeur patrimoniale bien identifiée. Il peut également s'agir (mais statistiquement pour partie seulement de leur territoire) d'un parc naturel régional, d'une aire d'adhésion d'un parc national, d'un site classé, d'une réserve de chasse, ...) visant à garantir un état de conservation favorable.
La conception de ces trames verte et bleue repose sur trois niveaux emboîtés de cadrage et réalisation :
- dans des orientations nationales pour le maintien et la restauration des continuités écologiques, l'État identifie les grands choix stratégiques en matière de continuité écologique, fondés sur le meilleur état des connaissances scientifiques disponibles. Il formalise le cadre méthodologique retenu pour les approches en terme de continuité écologique à diverses échelles spatiales, sous la forme d'un guide méthodologique (auquel est annexée une cartographie au 1/500 000e) identifiant notamment les enjeux nationaux et transfrontaliers de continuité écologique et en précisant les grandes caractéristiques et les priorités. Ce document comporte également un volet prescriptif pour l'État et ses établissements publics précisant la manière dont les décisions de compétence nationale doivent intégrer l'objectif de continuité écologique, ainsi qu'un volet précisant les principes et modalités de compensation des dommages résiduels causés par les programmes et projets sur la biodiversité et les continuités écologique dans le cadre de la trame verte et de la trame bleue ;
- l'État et la région co-élaborent un schéma régional de cohérence écologique cohérent avec les orientations nationales pour le maintien et la restauration des continuités écologiques, dans le cadre d'un processus partenarial respectant la logique du « dialogue à cinq collèges » du Grenelle de l'environnement, au travers d'un comité de pilotage « trame verte et bleue » rassemblant des représentants de l'État, des collectivités territoriales, des acteurs environnementaux mentionnés à l'article L. 141-3, des organisations syndicales de salariés et des acteurs économiques. Les établissements consulaires peuvent y être associés. Le préfet de région arrête ce document après délibération du conseil régional ;
- dans ce cadre technique d'identification des enjeux et des grandes orientations, les acteurs locaux doivent développer, au plus près du terrain, une politique de maintien ou de restauration des continuités écologiques, en recourant à un ensemble d'outils, volontaires et contraignants. En particulier ils intègrent ces objectifs dans leurs documents de planification notamment dans les documents d'urbanisme, en identifiant les espaces naturels et les corridors écologiques les reliant (pour l'essentiel classés en N, A ou EBC, avec un identifiant ou coefficient propre aux trames verte et bleue), selon la logique administrative et procédurale propre à ces documents.
L'opérationnalité repose sur une bonne articulation entre la procédure précisée par le présent titre du code de l'environnement, et le fonctionnement des outils du code de l'urbanisme auquel il est apporté les compléments suivants :
- prise en compte explicite de la préoccupation de la continuité écologique dans les DTADD, SCOT, PLU et carte communale, avec référence explicite au schéma régional de cohérence écologique : article L. 121-1 du code de l'urbanisme, modifié par l'article 6 du présent projet de loi ;
- possibilité que la préservation et la restauration des continuités écologiques fassent l'objet d'un projet d'intérêt général : article L. 121-9 du code de l'urbanisme, modifié par l'article 7 du présent projet de loi ;
- pouvoir d'opposition du préfet à un projet de SCOT, pour insuffisance au regard de la continuité écologique : article L. 122-3 du code de l'urbanisme, modifié par l'article 9 du présent projet de loi ;
- pouvoir d'opposition du préfet à un projet de PLU en l'absence de SCOT, pour insuffisance au regard de la continuité écologique : article L. 123-12 du code de l'urbanisme, modifié par l'article 10 du présent projet de loi.
L'ensemble de ces choix vise à respecter pleinement le principe de subsidiarité, sans instaurer une tutelle de fait d'une collectivité sur une autre. Les cartographies accompagnant les « orientations nationales pour le maintien et la restauration des continuités écologiques » et les « schémas régionaux de cohérence écologique » doivent rester à une approche en terme de grands fuseaux, et donc à niveau stratégique qui respecte pleinement les marges d'analyse et de négociation des acteurs locaux dans le processus d'élaboration des documents d'urbanisme ou des schémas de planification territoriale de niveau intercommunal. Les objectifs et la procédure prévue pour l'ensemble du dispositif doivent garantir la capacité des élus à mettre en place une stratégie de développement économique local durable.
Le choix d'identifier précisément la trame verte au plus près du terrain via les documents d'urbanisme n'impose ipso facto aucun type de gestion particulière sur les espaces ainsi identifiés, laissant ainsi le champ à des procédures contractuelles. Il est par ailleurs favorable à la protection des espaces agricoles contre l'artificialisation.
Compte tenu des spécificités de la Corse, des départements d'outre-mer et de Mayotte, il est nécessaire d'adapter les dispositions relatives au schéma régional de cohérence écologique au contexte juridique de ces collectivités, via le PADUC, les SAR et le PADD de Mayotte.
La trame bleue, si elle doit être intégrée dans l'approche globale des « orientations nationales pour le maintien et la restauration des continuités écologiques » et des « schémas régionaux de cohérence écologique », relève, dans son processus d'élaboration, du cadre juridique spécifique au secteur de l'eau qui a affiché bien avant le secteur de la biodiversité terrestre son ambition en la matière et s'est doté d'instruments opérationnels qu'il s'agit d'adapter à la marge, comme le SDAGE. C'est pourquoi la trame bleue est abordée par le projet de loi essentiellement par le biais d'amendements à des articles existants du code de l'environnement. La trame verte et la trame bleue concourent au même objet, de façon parfois liée : par exemple les bandes végétalisées contribuent à la fois à l'établissement d'un corridor écologique le long des cours d'eau et à garantir la qualité du milieu aquatique où se déplacent les espèces aquatiques.
Le décret en Conseil d'État précisera les contraintes induites par les trames verte et bleue et opposables aux grandes infrastructures linéaires figurant au schéma national des infrastructures de transport prévu à l'article 4 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation sur les transports intérieurs, sans que les schémas régionaux de cohérence écologique mentionnés à l'article L. 371-3 puissent prévaloir. Il prévoira que le schéma national de cohérence écologique sera opposable à toute nouvelle grande infrastructure linéaire ne figurant pas dans le schéma national des infrastructures de transport à la date de publication du décret.
1. | Le titre Ier du livre II du code de l'environnement est ainsi modifié :
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2. | 1° Au IX de l'article L. 212-1, après le mot : « nécessaires », sont insérés les mots : « , comprenant la mise en place de la trame bleue figurant dans les schémas régionaux de cohérence écologique adoptés mentionnés à l'article L. 371-3, » ; |
3. | 2° (Supprimé) |
Amendement déposé sur cet article : n° 915
Amendements proposant un article additionel après l'article 46 : n° 922 n° 923