La quasi-totalité des nombreux députés de l'opposition et de la majorité, inscrits pour s'exprimer sur l'article 2, a déjà dit son hostilité à l'égard de ce mauvais texte, bien inutile et bien inefficace. L'amendement n° 79 , identique à celui que vient de défendre Jean-Pierre Brard, vise à supprimer cet article central de la loi HADOPI.
Madame la ministre, je vous rappelle que je vous ai posé des questions à la fin de la séance de cet après-midi et je me permets de les formuler à nouveau.
Quelles sociétés vont-elles être chargées de la collecte des adresses IP préalable à la saisine de l'HADOPI, et avec quelles garanties techniques feront-elles ce travail ? Quels seront les moyens de sécurisation prétendument absolus que l'HADOPI sera amenée à labelliser ? Sur quelles bases le seront-ils ? Selon quels critères l'HADOPI pourra-t-elle, ou ne pourra-t-elle pas, envoyer un mail d'avertissement, puis une recommandation ? Selon quels critères la Haute autorité choisira-t-elle entre la sanction et l'injonction ? Selon quels critères proposera-t-elle une transaction plutôt qu'une sanction ?
Au-delà du dispositif répressif que nous estimons être totalement disproportionné, nous pensons que la compétence donnée par le projet de loi à une haute autorité administrative sera censurée par le juge constitutionnel. En effet, si une délégation de compétence est possible, celle-ci ne doit pas amener une autorité administrative à disposer d'un pouvoir de sanction qui restreigne les libertés individuelles, ou en prive les citoyens.
Nous estimons que le pouvoir de l'HADOPI serait à la fois arbitraire et aléatoire – nous répétons qu'elle agirait « à la tête de l'internaute ». À ce sujet, madame la ministre, je relève dans vos propos une contradiction majeure entre l'affirmation que la Haute autorité agira au cas par cas et votre description d'un dispositif répressif de masse et automatisé, dont vous avez déjà fixé les objectifs – 10 000 courriels d'avertissement par jour, 3 000 lettres recommandées par jour, et 1 000 décisions de suspension par jour ! Nous ne comprenons pas encore, à l'heure où je vous parle, comment automatisation et examen « au cas par cas » vont pouvoir se conjuguer.
Par ailleurs, le caractère manifestement disproportionné de la sanction encourue par les internautes est aggravé par le fait que ces derniers ne pourront bénéficier des garanties procédurales habituelles. C'est pourquoi nous avons été conduits à défendre, cet après-midi, un amendement similaire au fameux amendement n° 138 , devenu amendement n° 46 .
Absence de procédure contradictoire, non-prise en compte de la présomption d'innocence, non-respect du principe de l'imputabilité et possibilité de cumuler sanction administrative, sanction pénale et même sanction financière, puisque l'internaute continuera à payer son abonnement une fois sa connexion à Internet suspendue : autant de motifs d'inconstitutionnalité de votre texte.
Non seulement vous instaurez notamment une présomption de responsabilité, et même de culpabilité, de l'internaute – puisque c'est à lui qu'incombera la charge de la preuve –, mais vous privez les titulaires de l'accès à Internet recevant des messages d'avertissement par voie électronique de tout droit de recours effectif. Sont ainsi ignorés les droits de la défense, notamment le droit à une procédure équitable.
Enfin, le texte qui nous est soumis renvoie à plusieurs reprises à un décret, notamment sur des points essentiels qui relèvent de la compétence du législateur. Ainsi, c'est par décret que seront déterminées les conditions dans lesquelles les sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution, ainsi que la procédure de labellisation des outils techniques censés sécuriser nos ordinateurs, qui sert de base au nouveau délit, créé par cette loi, de manquement à l'obligation de surveillance – lequel ne répond d'ailleurs en rien aux exigences, posées par le Conseil constitutionnel, d'une définition claire et précise des infractions. C'est également par décret que devront être définies les règles applicables à la procédure et à l'instruction des dossiers devant la commission de protection des droits de la Haute autorité.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l'article 2.