Nous pouvons nous féliciter de retrouver ce soir le consensus qui avait régné lors de la première lecture. Il est enfin admis qu'inscrire les langues régionales dans la Constitution ne porte pas atteinte à l'unité de la République, et que cette démarche est en revanche indispensable pour permettre leur développement.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche regrette donc le comportement du Sénat, et singulièrement, pour des raisons numériques qui n'ont échappé à personne, de sa majorité, qui a supprimé du texte transmis par l'Assemblée la disposition que nous y avions inscrite. Il fallait donc revenir sur le vote du Sénat, et un amendement n° 302 a été déposé par les membres de notre groupe afin d'introduire les langues régionales à l'article 2 de la Constitution.
Notre position à ce sujet est constante car, selon nous, l'inscription des langues régionales dans la Constitution ne doit pas avoir un simple effet déclaratif mais doit emporter des conséquences juridiques. Nous avions accepté, dans un esprit de compromis, que les langues régionales figurent à l'article 1er ; vous nous proposez maintenant qu'elles soient inscrites dans un article additionnel 75-1. Franchement, il n'y a pas plus de raisons que les langues régionales soient mentionnées dans le titre de la Constitution consacré aux collectivités territoriales que dans son article 1er. On pourrait même y voir comme un aveu que la promotion des langues régionales n'est pas une préoccupation du Gouvernement, et qu'il confie simplement cette compétence aux collectivités territoriales, ce qui jetterait un doute sur la loi promise par Mme Albanel. Introduire cet article à cet emplacement, c'est explicitement attribuer une compétence supplémentaire aux collectivités locales, sans leur donner les moyens de l'assumer.
Certes, Marc Le Fur a raison, les articles de la Constitution ne sont pas juridiquement hiérarchisés ; il n'empêche qu'un problème symbolique est posé. Le passage de l'article 1er à l'article 75-1 est un fâcheux symbole du peu d'intérêt que le Gouvernement porte à ce sujet.
En commission des lois, il a été dit que promouvoir les langues régionales constituait un risque d'enfermement régionaliste ou communautariste. Je voudrais, une fois pour toutes, tordre le cou à cette allégation. Et au moins au nom des Bretons, je rappelle que tous ceux qui étaient à Valmy ne parlaient pas la même langue, n'adoraient pas les mêmes dieux, n'utilisaient pas les mêmes unités de mesure. Comme le soulignait Condorcet, la France de l'époque comptait 26 millions de Français, 6 millions seulement savaient lire et écrire notre langue, ce sont pourtant eux qui ont fait la République.