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Séance en hémicycle du 23 mai 2011 à 18h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-huit heures cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (nos 3440, 3445).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de dix heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, deux heures ; le groupe SRC, trois heures ; le groupe GDR, trois heures ; le groupe Nouveau Centre, deux heures. Les députés non inscrits disposent d'un temps de trente minutes.

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le texte que vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture vise, je vous le rappelle, à réformer la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.

Les fondements de cette loi de 1990 ne sont pas controversés et nous tenons à les préserver. Ils prévoient en effet que les soins psychiatriques libres sont la règle, et que, par exception, sont prévues des hospitalisations sous contrainte lorsque l'état du patient le justifie. Dans ce dernier cas, le patient est admis soit à la demande d'un tiers, le plus souvent un membre de sa famille, soit sur décision du préfet.

Toutefois, cette loi ne permet pas d'offrir à tous les patients les formes contemporaines de prise en charge, puisque seuls les patients librement soignés peuvent accéder aux prises en charge ambulatoires.

Cette loi n'a pas non plus permis de résoudre le cas des personnes qui doivent être hospitalisées sous contrainte et pour lesquelles aucun proche ne peut faire une demande.

Le texte qui vous est soumis vise à répondre à ces deux difficultés.

Pour résoudre la première d'entre elles, ce texte remplace la notion d'« hospitalisation » par celle de « soins ». En effet, ce sont bien les soins qui sont nécessaires pour un malade, et non pas le fait d'être placé dans un hôpital psychiatrique.

Ainsi, il appartiendra au médecin d'adapter précisément ces soins aux besoins du malade, en privilégiant toujours la recherche d'une alliance thérapeutique entre le patient et lui. Les soins pourront donc avoir lieu dans des services hospitaliers fermés, mais aussi, si l'état du patient le permet, au plus près de son lieu de vie : ce peut être le centre médico-psychologique, le foyer, la rue, la maison de retraite. Le médecin proposera alors un programme de soins à l'extérieur de l'hôpital, qui sera une forme de prise en charge pleine et entière.

L'examen au Sénat a donné lieu à de très riches débats, qui nous ont offert l'occasion de préciser les caractéristiques de ces soins et de souligner la grande diversité des outils thérapeutiques en psychiatrie. Le Sénat a souhaité retenir l'expression de « programme de soins » – et non « protocole » –, pour mieux le signaler. Le texte confirme aussi la place centrale du médecin, qui restera le seul à même de modifier le programme de soins du malade.

Pour répondre au sujet douloureux des personnes isolées, le texte prévoit que le patient pourra être admis en soins même lorsqu'il n'est pas possible de recueillir la demande d'un proche. Cette possibilité est limitée au seul cas de péril imminent pour la santé du patient. Elle est accompagnée de garanties particulières en termes de respect des droits. Il s'agit d'une mesure essentielle qui permettra à toutes les personnes dont l'état de santé est très grave, quel que soit leur tissu social, d'accéder aux soins psychiatriques. Là encore, le Sénat a approuvé ces dispositions.

Le texte permet donc de renforcer la qualité des soins et l'égalité d'accès à tous les types de soins psychiatriques.

Par ces deux mesures, mais aussi par d'autres dispositions que je ne détaillerai pas ici, le projet de loi renforce donc les droits et libertés des patients.

Il apporte aussi un soin particulier à la situation de certains patients atteints de troubles très spécifiques, pour lesquels les dangers liés à une rechute paraissent plus sérieux. Il s'agit des patients qui ont été hospitalisés d'office, soit pour irresponsabilité pénale – auteurs d'un crime dont le discernement était totalement aboli au moment des faits –, soit en unité pour malades difficiles.

Votre assemblée a souhaité prévoir que ces antécédents ne soient pris en considération que s'ils se sont produits au cours d'une durée à déterminer. Le Sénat a fixé cette durée à dix années.

Pour ces patients, dont le nombre est extrêmement limité, le projet de loi prévoit d'étayer la demande de sortie par un avis collégial et pluriprofessionnel.

Le Sénat a souhaité supprimer le caractère explicite de la décision du préfet saisi d'une demande de sortie de courte durée de tels patients, disposition que votre assemblée avait pour sa part admise. Nous en débattrons à nouveau lors de cette deuxième lecture.

Je rappelle que, pour ces patients comme pour tous les autres, les certificats proposant des prises en charge extrahospitalières ou des levées de mesure devront être établis par un psychiatre. Le psychiatre est la personne centrale dans ce dispositif : c'est lui qui propose de lever l'hospitalisation, c'est lui qui propose le programme de soins et qui le définit, c'est lui qui demande, le cas échéant, la réhospitalisation ou la fin des soins.

Enfin, vous le savez, ce projet de loi vient répondre à la question prioritaire de constitutionnalité. Je vous le rappelle, le bien-fondé des hospitalisations complètes sans consentement, dès lors que leur durée excède quinze jours, puis six mois, sera soumis au contrôle systématique du juge des libertés et de la détention. Cette saisine automatique s'ajoute à la saisine facultative, exercée à tout moment par la personne soignée.

Comme lors de votre première lecture, la première lecture du Sénat a donné lieu à d'importants débats concernant la place du juge.

À l'issue de la discussion au Sénat, et comme vous en aviez décidé le 22 mars dernier, nous sommes parvenus à un dispositif équilibré, respectueux de l'intérêt des patients et conforme aux exigences constitutionnelles.

Le Gouvernement ne peut que saluer cette ligne convergente entre vos deux assemblées, qui ne confond pas les rôles en voulant faire jouer au juge celui de l'autorité administrative ou celui du médecin. La réforme ambitieuse que nous sommes en train de bâtir ensemble ne peut en effet fonctionner que si chacun remplit l'office qui lui revient : à l'autorité sanitaire la responsabilité des soins et de l'expertise médicale, à l'autorité administrative le maintien de l'ordre public, à l'autorité judiciaire la garantie des libertés individuelles.

Le Sénat, à l'initiative du sénateur René Lecerf, rapporteur de la commission des lois, a souhaité introduire une disposition permettant l'unification du contentieux dans le domaine des hospitalisations psychiatriques. En effet, aujourd'hui, ce contentieux est réparti entre le juge administratif, compétent pour apprécier la régularité formelle de la procédure, et le juge judiciaire, habilité notamment à se prononcer sur le bien-fondé des mesures d'hospitalisation.

Le Gouvernement a eu l'occasion de souligner l'intérêt que pourrait représenter la création d'un bloc de compétence au bénéfice du juge judiciaire, en vue de faciliter l'exercice des droits de recours des patients.

Toutefois, il convient de répondre à certaines interrogations, eu égard à la portée très large de la disposition adoptée par le Sénat. Ce dernier a en effet confié à l'autorité judiciaire tout le contentieux né de l'application des droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques.

Je suis heureuse que votre rapporteur se soit emparé de ce sujet important et propose de répondre aux différentes questions que le Gouvernement se pose. M. Lefrand vous soumettra un amendement qui prévoit que le juge des libertés et de la détention sera compétent pour statuer uniquement sur les irrégularités des décisions administratives de placement, de prolongation ou de renouvellement. Si cette irrégularité est de nature à porter atteinte aux droits des patients, la main levée de la mesure sera ordonnée par le juge.

Pour leur part, les demandes d'indemnisation seront faites devant le tribunal de grande instance. Cela me paraît tout à fait opportun, le tribunal de grande instance étant en effet naturellement compétent en cette matière. Le Gouvernement soutiendra donc l'amendement de votre rapporteur.

Mesdames et messieurs les députés, les deux premières lectures ont permis d'aboutir à un texte accompli et nuancé, permettant à chacun de mieux exercer son rôle, en faveur d'un profond respect des droits des patients.

Il permet à la psychiatrie de se tourner résolument, comme l'ont fait la chirurgie et la médecine, vers la prise en charge ambulatoire pour l'ensemble des personnes qui en ont besoin. Elle peut offrir à tous des formes de soins psychiatriques modernes, dans tous les lieux de la cité, des soins qui permettent aux patients de rester au maximum insérés dans leur communauté. La psychiatrie française peut leur offrir cette qualité de soins ; elle a été l'une des premières à s'ouvrir vers l'extérieur avec la politique de secteur. Le projet de loi s'inscrit donc dans une évolution que les psychiatres ont eux-mêmes suivie dans leurs pratiques.

Le projet de loi apporte des garanties supplémentaires pour l'ensemble des acteurs concernés en mettant au coeur du dispositif le psychiatre et l'équipe soignante, lesquels visent un seul but : l'accès aux soins, la continuité des soins, l'alliance thérapeutique, la protection des personnes et le respect des libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Guy Lefrand, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au cours des travaux que j'ai menés sur le projet de loi que nous examinons ce soir en deuxième lecture et à l'occasion des colloques auxquels j'ai assisté, ainsi que des débats auxquels nous avons participé les uns et les autres, j'ai pu constater à quel point la question des soins psychiatriques sans consentement cristallisait encore les oppositions et suscitait des prises de position aussi passionnées que parfois irrationnelles, en dépit de tous les progrès accomplis depuis que la loi, dite « loi sur les aliénés », a été votée en 1838. Car des progrès, il y en a eu clairement depuis près de deux siècles, tant sur le plan médical que du point de vue du respect des droits des patients hospitalisés sans leur consentement.

Et des progrès, il y en aura encore, j'en suis certain, avec les avancées de la recherche évidemment, mais aussi grâce à la loi que nous allons voter. Celle-ci va en effet renforcer les droits des patients en soumettant le bien-fondé de toutes les mesures d'hospitalisation complète au juge des libertés et de la détention dans un délai de quinze jours à compter de l'admission en soins, mais également, grâce à notre assemblée, toutes les décisions préfectorales de refus de levée de la mesure de soins lorsque le psychiatre jugera que l'hospitalisation complète doit prendre fin. Des progrès, il y en aura aussi dans la prise en charge des patients, grâce à la création des soins ambulatoires sous contrainte, qui permettront, à ceux qui en sont capables, d'être traités en dehors de l'hôpital et de retrouver leur environnement familial et social tout en continuant à être suivis régulièrement dans le cadre de leur mesure de soins, que ce soit en hôpital de jour ou de nuit, en CMP, en atelier thérapeutique ou sous bien d'autres formes encore. Notre assemblée a également renforcé l'effectivité de ces dispositions en prévoyant, en première lecture, l'établissement de conventions entre les acteurs locaux pour en assurer le suivi, ce que nous avons voté tous ensemble.

Bien sûr, je sais que le texte qui nous est soumis n'est pas la grande loi de santé mentale…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…que vous aviez annoncée, madame la secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

…à laquelle rêvent certains – même quand ils ne savent pas quoi mettre dedans –, ni a fortiori une grande loi de santé publique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

…mais le Gouvernement nous a assuré qu'il sera suivi à l'automne d'un grand plan de santé mentale, évidemment très attendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Oui, madame Touraine, mes collègues et moi avons confiance dans le Gouvernement.

Pour ma part, je veux voir tout ce que ce texte va apporter de positif aux familles, aux patients mais aussi aux professionnels de santé. J'entends les craintes des professionnels de santé du secteur public, notamment des psychiatres, auxquels on va en effet demander de produire plus de certificats médicaux qu'aujourd'hui, mais c'est probablement le prix à payer pour assurer aux patients une meilleure liberté et une meilleure protection. Il est vrai que ces psychiatres font déjà un métier difficile, dans des conditions matérielles et humaines parfois limites. Je comprends la déception de certains et celle de beaucoup d'élus de n'avoir pas pu débattre encore plus largement des enjeux de santé mentale dans notre pays et de l'organisation de la prise en charge des troubles mentaux ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

…j'entends les doutes, émis par le Sénat lui-même, sur la faisabilité des soins psychiatriques sans consentement hors les murs de l'hôpital.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Mais nous savons tous qu'avec ce texte, nous avons une réelle opportunité de rénover la loi de 1990, texte de base voté par la gauche, et de faire avancer un sujet qui, quelle que soit la manière dont il sera abordé, quel que soit le texte dans lequel il sera traité, fera malheureusement, de toute façon, l'objet de controverses.

C'est pourquoi j'ai voulu, pour ma part, aborder ce projet de loi de manière dépassionnée et objective. J'ai souhaité l'améliorer et dialoguer avec l'opposition – dialogue que nous avons mené dans un esprit constamment constructif. Nous avons aussi dialogué avec le Sénat sur son contenu, et je crois qu'en dépit des péripéties qui ont pu affecter l'examen du texte au Palais du Luxembourg, il y a été nettement amélioré.

Sur les aspects fondamentaux du texte – d'une part, l'instauration d'un contrôle automatique des mesures de soins par le juge des libertés et de la détention, et, d'autre part, la dissociation entre l'obligation de se soigner et les modalités de soin elles-mêmes –, le projet de loi, déjà amélioré à l'Assemblée nationale en première lecture, a été enrichi de nouvelles dispositions, non seulement par le Sénat mais également par notre commission des affaires sociales en seconde lecture.

Ainsi, il convient de souligner que, sur proposition de sa commission des lois, le Sénat a introduit plusieurs dispositions – rappelées par Mme la secrétaire d'État – relatives à l'organisation des audiences devant le juge des libertés et de la détention et encadrant le recours à la visioconférence, qui me paraissent constituer des avancées importantes.

De plus, sur proposition de sénateurs de tous les bancs, plusieurs amendements ont été adoptés fixant à dix ans le délai permettant d'appliquer le droit à l'oubli. Le préfet n'aura donc pas connaissance des antécédents psychiatriques des personnes qu'il fera admettre en soins – hospitalisation d'office suite à une déclaration d'irresponsabilité pénale ou séjour en UMD –, sauf uniquement s'il envisage de modifier la prise en charge ou de lever la mesure de soins, ce qui achève d'anéantir le phantasme du casier psychiatrique, propagé par certains.

Toujours à l'initiative de la commission des lois, le Sénat a opté en faveur d'une unification du contentieux des soins psychiatriques sous contrainte devant les juridictions de l'ordre judiciaire afin de mieux garantir le droit au recours des personnes faisant l'objet de ces soins. Cette mesure entrera en vigueur au 1er janvier 2013.

Enfin, s'agissant de la portée du contrôle du juge, le Sénat propose que celui-ci puisse assortir sa décision de mainlevée de l'hospitalisation complète d'une prise d'effet différée de vingt-quatre heures, pendant lesquelles un programme de soins pourra être établi. Ce dispositif, reconnaissons-le, apparaît préférable à celui adopté à l'Assemblée nationale en première lecture, car c'est au juge qu'il reviendra de prendre la décision de rendre ou non possible une passerelle entre soins en hospitalisation complète et soins sous une autre forme, une fois qu'il aura prononcé la mainlevée.

Dans la lignée de ces dispositions, notre commission a précisé qu'une fois prononcée la mainlevée de l'hospitalisation complète, en l'absence de prise d'effet différée, les soins ambulatoires sans consentement ne pourront se poursuivre que dans le cas où la mainlevée aurait été acquise sans que le juge n'ait statué au fond. Par ailleurs, et nous l'avons voté à l'unanimité, afin de renforcer la possibilité de passer des soins sans consentement aux soins libres, une passerelle a été explicitement prévue dans le texte.

Le projet de loi se plaçant essentiellement sur un plan juridique, il prévoit certes que lorsque les conditions ayant présidé à l'admission en soins sans consentement ne sont plus réunies, la mesure de soins est levée, mais il ne dit rien de ce qu'il advient des soins eux-mêmes. C'est pourquoi il convient de prévoir que leur continuité est assurée en proposant au patient, autant que de besoin, une prise en charge adaptée sous forme de soins libres. S'agissant toujours de continuité des soins, la commission a prévu que les personnes prises en charge dans un service d'urgence et susceptibles d'être admises en soins psychiatriques sans consentement soient transférées vers un établissement psychiatrique dans un délai maximal de quarante-huit heures, mais que la période initiale d'observation et de soins commence dès le début de la prise en charge afin de ne pas allonger la durée précédant l'obtention des certificats.

Enfin, la commission a souhaité mieux définir ce que recouvre la mission de service public de prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement, et expliciter son organisation au niveau territorial afin de mieux l'articuler avec l'organisation actuelle des secteurs psychiatriques.

Je le disais en préambule, mers chers collègues, le Sénat s'est longuement interrogé sur la notion de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète, arrivant plus ou moins à la conclusion que ces soins ne pouvaient être réellement prodigués sans le consentement de la personne malade ou, à tout le moins, que l'incapacité à consentir devait être mise en exergue. À cet effet, il a eu recours à une périphrase définissant les soins comme « ceux auxquels le malade n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux », substituant aux modalités de soins les lieux de soins. Les efforts déployés par les sénateurs pour essayer de résoudre ce qu'ils considéraient comme une contradiction sont à souligner. Malheureusement, le résultat auquel ils ont abouti n'est pas apparu réellement satisfaisant à notre commission, qui a le plus souvent cherché à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Après avoir recherché une solution de compromis pour donner suite à la proposition du Sénat de définir les soins autour de la notion d'incapacité du patient à consentir – solution qui nécessitait, pour être complètement cohérente, d'introduire un tel critère dans l'hospitalisation d'office –, nous n'avons pas poursuivi dans cette voie. C'est pourquoi je vous proposerai de procéder à des modifications, certes formelles, du texte, mais qui n'en constituent pas moins une évolution significative de sa rédaction, par le biais d'amendements. Ceux-ci visent à supprimer les références à l'absence de consentement au sein du texte, et en premier lieu dans la formulation même de « soins sans consentement », qui revient à de nombreuses reprises dans la loi sans que cela soit réellement nécessaire.

Ainsi, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements que je défendrai au nom de la commission des affaires sociales, je vous propose de bien vouloir apporter votre soutien à ce projet de loi dans sa rédaction actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Serge Blisko.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lever les obstacles à l'accès aux soins, simplifier et sécuriser le dispositif d'hospitalisation sur demande d'un tiers, permettre à plus de patients d'être mieux pris en charge, mieux encadrer le dispositif de sortie, garantir encore davantage les droits des malades, comment ne pas être d'accord avec ces bonnes intentions, maintes fois affichées, tant par le Gouvernement que par vous, monsieur le rapporteur ? Hélas ! il y a un fossé considérable entre ces bonnes idées et la réalité du texte qui nous est soumis aujourd'hui.

J'insiste sur le fait que ce texte a vécu un parcours parlementaire étonnant, créant au sein de la Haute Assemblée – vous l'avez pudiquement rappelé, monsieur Lefrand – un psychodrame. En effet, la commission des affaires sociales du Sénat, après avoir travaillé très sérieusement, n'a pas voté le texte issu de ses travaux, entraînant de ce fait un changement de rapporteur – un changement effectué dans la mauvaise humeur, ai-je cru comprendre –, donc du coup un travail bâclé, moins approfondi et plus proche des voeux du Gouvernement. C'est ce texte sur lequel a travaillé notre commission des affaires sociales la semaine dernière.

La commission des affaires sociales du Sénat, lorsque sa rapporteure était encore Mme Dini, avait rejeté la notion de soins ambulatoires sous contrainte. Cette commission s'était beaucoup interrogée sur la possibilité de soigner sans consentement, et avait conclu négativement sur ce point. Comment peut-on obliger quelqu'un à se soigner ? C'est une question essentielle, une question philosophique. À côté de la tradition médicale française, il y a d'autres voies choisies en Europe, où on ne contraint pas, ou alors on contraint à l'hospitalisation mais sans aller jusqu'au stade des soins.

Examinons la situation telle qu'elle existe en France depuis près de deux cents ans. Le soin ambulatoire sans consentement est une mesure qui pose problème. La commission des affaires sociales l'a rétablie, mais vous venez de nous dire, monsieur le rapporteur, que vous allez défendre des amendements qui visent à gommer la formulation « sans consentement » quand elle est apparue superfétatoire suite à nos travaux. Nous nous réjouissons de cette correction sémantique et linguistique, mais nous aurions aimé une autre philosophie du soin sans consentement que celle que vous proposez. Vous savez d'ailleurs que la vôtre a suscité le rejet de nombreux professionnels de la psychiatrie.

Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré que le psychiatre est au centre de ce texte, mais s'il est aussi au centre de l'opposition, au centre du refus et de la contestation, comment comptez-vous en pratique arriver à faire vivre cette loi, alors que nos hôpitaux sont déjà bien en peine, du fait de leurs dotations budgétaires et en personnels ? Comment allez-vous faire pour inculquer une nouvelle culture médicale ? Je la crois nécessaire, mais ce n'est pas gagné d'avance...

Ne vous méprenez pas sur le sens de mes propos. Nous savons tous que le refus des soins fait souvent partie de la pathologie de ces malades. La dénégation des symptômes les protège de l'angoisse. « Je ne suis pas fou, je suis vraiment menacé, c'est la réalité ! » vous disent-ils. Ce déni les empêche d'avoir ce doute envers eux-mêmes qu'il faut précisément créer en leur disant : et si ce n'était pas possible, et si c'était une autre voix, alors il faudrait vous soigner. C'est à partir de là que le dialogue pourrait s'établir.

Je ne vais pas simuler une consultation ici. C'est extrêmement difficile et nous savons qu'il faut de nombreuses années aux professionnels, infirmiers, médecins et spécialistes, pour arriver à ce résultat. Cette forme de dénégation est fréquente, particulièrement dans les maladies les plus lourdes. Si un déprimé connaît son état, un paranoïaque aura beaucoup de mal à admettre que le danger est totalement imaginaire ou inventé.

Les soignants doivent se montrer convaincants et leurs efforts peuvent parfois aboutir temporairement à une contrainte, voire à une contention que l'on espère la plus rare possible mais qui a tendance à augmenter par manque de moyens en matériel et surtout en êtres humains dans nos hôpitaux psychiatriques.

La motion de rejet préalable que j'ai l'honneur de défendre au nom du groupe SRC est justement fondée sur le respect de la liberté des patients. Selon l'article L.1110-2 du code de la santé publique « La personne malade a droit au respect de sa dignité. » L'article 3211-3 du même code dispose : « En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée. »

Attenter à la liberté d'une personne malade ne va pas de soi. C'est pourquoi, depuis 1838, les procédures d'admission dans un lieu de soins psychiatriques sont si précises et si contrôlées, même si ce n'est pas encore suffisant. Depuis 1838, tous les législateurs qui se sont penchés sur la question ont eu une obsession : faire en sorte que les restrictions à la liberté d'aller et de vernir qui peuvent être imposées à des gens dans un lieu de soins soient prises à cause de l'état de santé de ces personnes et non pas pour d'autres mauvaises raisons. Je vous renvoie à Balzac et à 1838, le moment le plus extraordinaire à cet égard.

Il y a toujours eu un double mouvement : assurer la préservation de la santé voire la guérison de la personne ; mais aussi lui laisser la possibilité de contester la mesure de privation de liberté, ce qui est particulièrement important en cas d'hospitalisation sans consentement.

Il faut assurer des soins aux personnes qui arrivent à l'hôpital psychiatrique ou aux urgences d'un hôpital général car le malade n'est pas forcément en crise à côté d'un établissement spécialisé. Malheureusement, dirai-je, car seuls de bons professionnels peuvent comprendre ce qu'est un état de crise, or il n'y en a pas de bons spécialistes dans tous les hôpitaux généraux de notre territoire.

Il faut aussi leur indiquer toutes les voies de recours possible, et je suis moins sûr de la validité du texte sur ce point. Je crains que dans le service d'accueil des urgences, ce ne soit pas la partie la plus fréquemment exposée, M. Jean-Marie Delarue y insistait dans son rapport d'il y a quelques semaines. C'est un vrai problème de culture médicale qui se pose, y compris dans les services d'accueil des urgences.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Il faut par exemple rappeler la faculté d'être assisté par un tiers, un avocat ou une personne de confiance, et celle d'être éclairé. Trop de patients acceptent sans savoir à quoi ils s'exposent et à quoi ils vont être soumis, en particulier quand il s'agit de mesures de contrainte ou de contention. Dans toutes ces circonstances, le code de la santé est très précis : il faut toujours rechercher l'accord, même quand c'est difficile, de la personne que l'on veut soigner.

L'histoire de ce texte, vieille de quatre ans, révèle un amalgame entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité. Vous avez essayé d'y pallier. Les mesures sécuritaires contre les malades psychiques, que le Gouvernement – plus particulièrement le ministre de l'intérieur de l'époque devenu Président de la République aujourd'hui – avait voulu introduire dans le projet de loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, avaient été unanimement rejetées par les familles, le monde médical, les associations de malades, toutes les personnes concernées et un grand nombre d'élus de gauche.

Ce rejet avait d'ailleurs conduit au retrait de neuf articles contestés qui reviennent aujourd'hui, pas sous la même forme heureusement ! Du travail a été fait, mais je crains que l'état d'esprit qui s'était manifesté dans un discours prononcé à l'hôpital spécialisé d'Anthony ne soit toujours présent.

Un funeste penchant sécuritaire subsiste dans le texte examiné…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

… comme tendent à le prouver la suppression des sorties d'essai ou l'introduction du fichier psychiatrique – que vous vous évertuez à nier, parlant de fantasme – à l'article 3, alinéa 12, page 24 du projet de loi. Certes, vous ne l'appelez pas ainsi et vous avez raison…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

… mais il s'agit tout de même d'un fichier. Vous avez beau réfuter ce nom, moi je l'appelle comme ça.

Pour les personnes dont les cas sont les plus lourds, celles qui sont passées dans une unité pour malades difficiles ou qui sont entrées en hôpital psychiatrique dans le cadre d'une procédure pénale par exemple, le droit à l'oubli n'interviendrait qu'au bout de dix ans.

Vous aurez beau dire, faire et nier, monsieur le rapporteur, mais ces malades, dont nous reconnaissons volontiers qu'ils ne sont pas les plus faciles, verront la trace de leur passé mise à la disposition des préfets. Cette information des préfets nous semble totalement incongrue.

Dans ces unités spécialisées – vous en avez visité comme moi – les traitements sont puissants ; ce sont les seuls endroits où le personnel est en nombre et il n'est pas toujours facile d'y être soigné légèrement. Après un séjour dans ce type d'établissement, de deux choses l'une : soit la personne est guérie et on ne voit pas la nécessité de garder une trace informatique de ce passage ; soit la personne n'est pas bien stabilisée, est sujette à des rechutes ou des résurgences pathologiques qui sont l'une des caractéristiques des maladies psychiatriques les plus lourdes, et on ne voit pas l'intérêt de la trace préfectorale.

Dans ce dernier cas, pourquoi ne pas plutôt prévoir un suivi psychiatrique à l'intérieur ou à l'extérieur de l'hôpital et une réadmission dans le circuit de soins dans les meilleures conditions possibles dès que la personne va aller moins bien ?

Les préfets n'étant pas des médecins, cette information est-elle utile ? Je ne le pense pas. Elle paraît superflue sauf à considérer, ce qui serait extrêmement grave, que toute personne ayant séjourné dans une unité pour malades difficiles doit être surveillée pendant dix ans après sa sortie.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Vous en conviendrez, une telle disposition fait davantage partie du volet sécuritaire que je dénonçais que du volet thérapeutique, ou alors c'est la rétention de sûreté, cela s'apparente à des mesures de sûreté qui n'ont rien à voir avec la psychiatrie.

Venons-en à la question des soixante-douze heures d'observation, ce qu'il est convenu d'appeler la retenue psychiatrique au terme de laquelle la personne demeure en hospitalisation sous contrainte ou placée dans un soin ambulatoire sans consentement.

Cette période d'observation est nécessaire, je le dis bien volontiers : on ne peut pas évaluer en l'espace de quelques minutes ou de quelques heures la situation d'une personne, surtout si elle arrive par exemple dans un service d'accueil et de traitement des urgences peu équipé en psychiatres. Un temps d'observation est nécessaire mettre en place ce qu'on a appelé un programme ou un protocole - nous aurions préféré un contrat de soins, beaucoup plus égalitaire puisqu'un contrat engage les deux parties.

Si elle est nécessaire, cette période doit être la plus courte possible. Rappelons une fois encore l'exemple de la terrifiante infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris où des psychiatres arrivent tout de même à faire ce tri, si j'ose dire, entre ceux qui méritent de rentrer chez eux ou en famille pour leur plus grand bonheur, munis éventuellement d'une ordonnance pour aller revoir un médecin, ceux qui sont placés en hospitalisation d'office et ceux qui sont orientés vers une hospitalisation libre dès qu'une place se libérera et incités à se soigner.

Cette évaluation prend quarante-huit heures, en tout et pour tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Mais oui, je reprends toujours cet exemple tout à fait paradoxal qui tendrait à montrer que la police fait mieux que la psychiatrie. Ce n'est pas possible ! Je sais que ce sont des psychiatres dans les deux cas. Mais pourquoi faudrait-il soixante-douze heures pour faire dans un autre établissement ce que les services de la préfecture de police de Paris parviennent à faire en quarante-huit heures ? Vous ne me l'avez toujours pas expliqué, même si vous ironisez sur le fait que je m'appuie toujours sur l'exemple de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris.

À ce propos, madame la secrétaire d'État, je vous dirai un mot de l'article 8 ter qui demande une évaluation très précise de cet établissement. En tout état de cause, on ne peut pas laisser soixante-douze heures aux uns alors que d'autres peuvent le faire en quarante-huit heures.

Le texte comporte aussi de bons points, et si je ne le dis pas vous allez m'en vouloir.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

À juste titre, les parlementaires de tous les groupes et de tous les territoires, proches du terrain, soulignent les difficultés de mise en place d'un dispositif cohérent et efficace de réponse aux urgences psychiatriques. Les médecins, les familles et les patients – j'oublie à dessein les adolescents dont nous avons décidé de ne pas parler dans ce texte – se plaignent des urgences actuelles.

Par le biais d'un amendement, nous avons obtenu que l'ARS organise un dispositif efficace afin d'apporter enfin aux malades et à leurs familles de la lisibilité au circuit de l'urgence psychiatrique.

Monsieur le rapporteur, nous avons assisté tous les deux à de nombreuses réunions avec des élus locaux qui nous disaient leur désarroi, leur angoisse et leur crainte d'avoir à gérer ce type d'événements en pleine nuit, ou un 15 août ou pendant un week-end, en ces moments de vacances où le dispositif est un peu évanescent et où surviennent toujours les problèmes.

Les élus vivent dans l'angoisse de ne pas bien gérer de telles situations alors qu'ils voudraient s'impliquer dans ce dispositif d'urgence. Il faut donner des outils financiers mais aussi imposer des obligations car nous savons que parfois tout le monde se défile : le commissariat refuse d'envoyer des agents ; la gendarmerie dit qu'elle n'est pas concernée ; les pompiers expliquent qu'ils sont débordés par des urgences avec des victimes. Finalement, restent les familles qui essaient maladroitement de convaincre un proche d'aller à l'hôpital, ce qui est souvent très pénible.

Cet exemple montre ce qui manque à la prise en charge des malades : des moyens toujours promis – nous attendons le plan de santé mentale de l'automne, madame la secrétaire d'État – mais trop rarement donnés pour la psychiatrie publique dans ce pays.

De ce point de vue, ce texte est bien loin de l'attente légitime des professionnels de la santé mentale, des patients, de leurs familles. Il ne traite la question de la psychiatrie que par un petit bout de la lorgnette : il concerne certes 72 000 personnes par an, mais ce chiffre reste modeste comparé aux 600 000 patients qui passent tous les ans dans les hôpitaux psychiatriques ou les services de psychiatrie des hôpitaux généraux.

Ces 600 000 concitoyens y font d'ailleurs des séjours de plus en plus courts parce qu'il faut libérer des lits. Prenons un exemple qui sera peut-être cité para d'autres collègues : l'hôpital Paul Guiraud de Villejuif, très gros établissement desservant tout le Val-de-Marne et la partie sud des Hauts-de-Seine, refuse plusieurs centaines de malades tous les ans faute de place ; il y a soixante personnes en liste d'attente pour l'une des soixante-dix places de l'UMD. Dans ce dernier cas, ce sont des malades adressés par la justice, l'administration pénitentiaire ou d'autres hôpitaux où ils ont eu un problème. Soixante personnes sont en liste d'attente à l'UMD de Villejuif !

Il est très difficile de faire de la psychiatrie publique dans ces conditions, comme le constate un observateur non spécialisé mais au regard très aigu : le contrôleur général des lieux de privations de liberté. Dans son rapport de 2010, consacré en partie à la situation des hôpitaux psychiatriques, il signale les insuffisances d'effectifs tant dans les services de psychiatrie des hôpitaux généraux que dans les établissements spécialisés, comme par exemple la vacance de 800 postes de psychiatres dans les hôpitaux publics qui s'ajoutent aux difficultés de prise en charge des malades.

Tout ce qui nécessite plus de personnel, comme une sortie collective accompagnée, des repas pris entre les malades et les soignants, tous ces progrès essentiels des cinquante dernières années, qui sont devenus partie intégrante du mode de vie et du mode de soins dans les services psychiatriques – j'allais dire du secteur psychiatrique à la française –, sont remis en cause dès lors qu'il y a une dégradation du rapport entre le nombre d'agents et le nombre de patients. Cela ne permet plus de dégager les effectifs nécessaires.

Faute d'un personnel suffisant pour accompagner les patients dans des activités, comme l'ergothérapie, on observe davantage de contention et de maintien des malades dans leur chambre et une administration plus massive de médicaments. Il y a également moins de monde dans les bibliothèques des hôpitaux, et même dans les cafétérias. Or, dans un hôpital où les malades n'ont rien à faire de toute la journée, la lecture et la télévision étant très vite fatigantes étant donné leur traitement, les moments de socialisation sont suffisamment rares pour ne pas être désertés par manque de personnel.

Dans son rapport, M. Delarue note que même les visites et les contacts avec les familles sont rendus plus problématiques alors que nous savons tous qu'ils sont essentiels.

Tous ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui avez visité des hôpitaux psychiatriques, vous êtes rendu compte que les malades s'y ennuient.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Il faut donc muscler les activités. Trop peu de personnels travaillent sur cette question. Je veux leur rendre ici un hommage particulier, qui sera, je crois, unanime, car ils exercent dans des conditions difficiles et font souvent des prouesses pour des malades qui sont tout sauf faciles.

Fait plus grave, qui m'avait été signalé et que j'avais moi-même constaté dans les hôpitaux psychiatriques que je suis amené à fréquenter quasiment toutes les semaines : des contraintes matérielles obligent nombre de services hospitaliers, même quand il y a des personnes volontaires – « en placement libre », comme on disait autrefois –, c'est-à-dire des personnes qui sont rentrées à l'hôpital de leur plein gré, à être clos. Ces personnes, qui sont des malades comme les autres, même si leur pathologie est un peu particulière, souhaiteraient profiter du parc et faire des sorties. Mais, comme la tradition médicale de notre pays – qui, en cela, me paraît juste – tend à mélanger non seulement les malades en placement libre et les malades se trouvant en hospitalisation sous contrainte, mais également toutes les pathologies – il n'y a pas de services par maladie, les schizophrènes dans un pavillon spécial, les déprimés dans un autre, les paranoïaques dans un autre encore –, du coup, on est obligé de tout boucler, en gardant généralement une cour de promenade. Les malades en placement libre pâtissent, ce qui est pour le moins paradoxal, de cette situation. C'est pourquoi nous souhaitons vivement que ces questions soient examinées de près et que les conditions de vie des malades soient vérifiées par le juge des libertés et de la détention – JLD – quand il viendra le quinzième jour ou le sixième mois.

De ce point de vue, j'espère que les assurances que nous a données le ministre de la justice sur le nombre de recrutements se concrétiseront. J'ai personnellement des doutes à ce sujet. Mais si tel n'était pas le cas, ce serait extrêmement dommageable.

Je souhaite vivement – je le dis solennellement – que le maximum de malades puissent être vus par le JLD, y compris par le biais de la vidéoconférence ou de la visioconférence – nous avons quelques points de désaccord à ce sujet mais ils ne sont pas essentiels.

Je sais que cela n'est pas facile. Il faut organiser des transports de malades jusqu'au tribunal d'instance, les autres solutions se heurtant à de nombreux obstacles.

En tout cas, je ne voudrais pas qu'il n'y ait que les seuls malades volontaires qui soient amenés devant le JLD et que le cas des autres soit étudié uniquement sur dossier, sans présence physique des personnes concernées, avec un avocat, commis d'office ou volontaire, qui ferait défiler quinze dossiers en deux heures. Cette possibilité est évoquée par certains tribunaux de grande instance débordés. Or ce serait la pire des choses et, assurément, un détournement total de l'esprit de la loi que vous nous proposez.

Enfin, permettez à un élu parisien, madame la secrétaire d'État, de vous demander de faire diligence, après l'adoption de ce texte, pour que le fameux article 8 ter prévoyant la remise d'un rapport au Parlement sur le statut et les modalités de fonctionnement de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police – I3P – soit appliqué. Sans remettre en cause la qualité professionnelle des équipes médicales, le département de Paris ne peut conserver cette exception aux règles constitutionnelles qui place un lieu de soins sous la coupe de l'institution policière, ce qui est quand même assez étonnant et ne nous apparente guère à une démocratie moderne.

En conclusion, l'imprécision de nombreuses mesures de ce projet de loi, l'introduction de notions aussi étrangères à l'humanisme médical et à la pratique psychiatrique française que le soin sans consentement, l'absence de réponses aux difficultés d'exercice psychiatrique nous conduisent à nous méfier et à demander le rejet du texte.

Il est encore temps, madame la secrétaire d'État, de revoir cette copie. Les 600 000 personnes qui rentrent, chaque année, pour un séjour en hôpital psychiatrique et les 72 000 personnes hospitalisées sans leur consentement méritent plus qu'une série de mesures. Ils ont besoin, nous l'avons tous reconnu à un moment ou à un autre, lors de l'examen du texte en première lecture, d'une véritable loi de santé mentale. Celle-ci manque cruellement, pour le plus grand dommage des malades et de leurs familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Dans les explications de vote, la parole est à M. André Flajolet, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

Madame la secrétaire d'État, madame la présidente, mes chers collègues, M. Blisko, que j'ai écouté avec attention, a soulevé un problème très important : en l'état de nos textes et de nos moyens actuels, il y a effectivement des risques et pour le patient et pour l'environnement humain de celui-ci.

Obliger quelqu'un qui paraît être en danger ou représenter un danger pour autrui à se soigner, est-ce une mission de service publique ? La réponse est oui. Nous sommes en mesure de l'affirmer, après avoir effectué un travail en profondeur. Le malade a droit à la dignité, c'est-à-dire à une société qui cherche à la fois, pour reprendre des expressions qui vous sont chères, l'unité entre les notions de care et de cure.

Le présent texte ne représente donc pas pour nous un funeste penchant à la sécurité. Il manifeste, au contraire, grâce aux engagements ministériels de doter les hôpitaux de moyens nouveaux, la certitude qu'il y a un droit à la rédemption pour chacun d'entre nous, y compris pour ceux qui sont le plus en danger, et une possibilité pour tous de l'atteindre. Il est donc maintenant urgent de passer à l'étude de ce texte. Nous rejetons la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous voterons, bien évidemment, cette motion de procédure, brillamment présentée par Serge Blisko.

S'il importe de passer à l'examen du texte, il aurait été tout aussi important de prendre en considération les nombreuses critiques qui se sont exprimées jusque dans les rangs de la majorité.

Ce que nous avons vu et entendu par télévision interposée et lu par journaux interposés du débat qui s'est déroulé au Sénat montre que le malaise est généralisé. Dès lors, il eût été plus sain et c'eût été vous grandir, madame la secrétaire d'État, que d'accepter d'entendre les réserves exprimées par le rapporteur initial du texte au Sénat, qui plus est président de la commission.

Les réserves que nous émettons sur votre texte, alors même que nous reconnaissons qu'il fallait un texte pour mieux répondre aux préoccupations des professionnels de santé et surtout des patients et de leur famille, portent sur la façon dont s'est engagé le débat. Le contexte sécuritaire de l'annonce par le Président de la République d'une loi permettant le soin sans consentement et votre refus systématique, madame la secrétaire d'État, de toutes mesures portant sur la santé mentale en général montrent que l'objectif de ce texte n'est pas d'apporter une réponse aux patients et à leur famille mais simplement de répondre aux préoccupations d'ordre public qui s'expriment de façon régulière dans notre pays. Vous l'avez vous-même reconnu, madame la secrétaire d'État, et ce à plusieurs reprises.

Cela fait quinze ans que les professionnels et les psychiatres attendent une loi sur la santé mentale. Or, le problème, comme l'a excellemment exposé Serge Blisko, c'est qu'ils ne veulent pas de celle que vous leur proposez. Il y a là un paradoxe dont vous n'arrivez pas à vous dépêtrer parce que vous savez très bien qu'un texte qui ne répond pas aux attentes de ceux-là mêmes qui sont censés l'appliquer est voué à l'échec.

Si, encore, il avait été salué par les familles, nous aurions pu nous dire que vous aviez fait un choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Malheureusement, les représentants des familles sont très sceptiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Comme y a insisté Serge Blisko, nous ne pouvons pas approuver une démarche essentiellement sécuritaire, avaliser la définition que vous donnez du soin sans consentement, ni accepter le rôle que vous voulez faire jouer au juge, même si nous reconnaissons que celui-ci joue un rôle essentiel, qui représente un progrès pour les libertés par rapport au dispositif initialement prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous n'avons jamais prétendu que le texte qui est aujourd'hui en discussion était plus mauvais que celui que vous aviez présenté initialement. Il a été bonifié par les discussions qui ont eu lieu en commission et en séance.

Nous avons simplement des inquiétudes sur la capacité de la justice à absorber le surcroît de travail que vous proposez. Le Garde des sceaux a, lui-même, fait remarquer que le juge n'était, pour reprendre ses termes, ni un psychiatre ni un préfet et que le système que vous prévoyiez était trop complexe.

Le risque serait que, pour nécessaire qu'elle soit, l'intervention du juge ne se traduise par un report des décisions, un alourdissement de la procédure et donc une attente exagérément longue au regard des besoins des patients.

Quel sens aurait pour un patient d'attendre six mois, huit mois, un an avant qu'un juge puisse intervenir ? Or, nous savons que le manque de moyens de la justice rend la tâche de celle-ci très difficile aujourd'hui. D'où notre inquiétude à ce sujet.

Enfin, comme Serge Blisko l'a très bien dit, nous n'avons pas la même confiance que vous, monsieur le rapporteur, dans la présentation par le Gouvernement d'un texte sur la santé mentale, surtout à l'automne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous nous disons, selon un raisonnement de pur bon sens, qu'un texte examiné au mois de mai aurait très bien pu attendre le mois de septembre pour s'inscrire dans une logique d'ensemble. C'est pourquoi nous doutons qu'un texte soit présenté sur la santé mentale.

L'inscription d'une mesure coercitive comme le soin sans consentement dans le cadre plus large d'une loi sur la santé mentale, prenant en compte l'ensemble des aspects de la psychiatrie, aurait assurément eu une autre signification. Telle qu'elle est présentée aujourd'hui, elle ne peut être lue que comme une mesure sécuritaire, puisque les autres aspects ne sont pas pris en compte et que nous n'avons aucune garantie qu'ils le soient un jour proche. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons la motion de rejet préalable défendue par Serge Blisko. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si ce projet de loi a été amélioré en première lecture, aussi bien dans cet hémicycle qu'au Sénat, il n'en demeure pas moins un très mauvais texte.

Des députés comme des sénateurs n'ont pourtant pas ménagé leurs efforts, mais ils se sont heurtés à l'obstination du Gouvernement qui n'a permis que quelques modifications à la marge.

Nous avons notamment obtenu l'obligation pour le directeur de l'établissement d'informer le patient sur l'évolution de sa prise en charge, ce qui pourrait sembler aller de soi mais ne figurait pas dans la version initiale du texte.

Nous sommes également parvenus à faire adopter l'organisation par l'agence régionale de santé d'un dispositif de réponse aux urgences psychiatriques et l'introduction d'un « droit à l'oubli» pour les personnes reconnues pénalement irresponsables ou ayant séjourné en unités pour malades difficiles.

Après un épisode inédit à la commission des affaires sociales du Sénat, qui n'a pas approuvé le texte qu'elle avait profondément amendé, le Sénat n'a pu également procéder qu'à quelques améliorations marginales. Ainsi, la formule « sans son consentement » a systématiquement été remplacée par la formule : « auxquels la personne n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux ». Le délai au-delà duquel s'exerce le droit à l'oubli a été fixé à dix ans et le contentieux en matière d'hospitalisation sous contrainte – jusqu'alors éclaté entre le juge administratif, compétent pour examiner la seule régularité de la procédure d'admission en soins, et le juge judiciaire, compétent pour statuer sur le bien-fondé de la mesure d'hospitalisation sous contrainte – sera d'ici à 2013 unifiée sous l'égide du juge judiciaire.

Si nous ne mésestimons pas ces avancées, elles ne suffisent évidemment pas à modifier notre opinion générale négative sur ce texte ; elle ne tient effectivement pas à quelques aspects de son contenu, elle tient à son essence même.

Tout d'abord, je considère toujours qu'il s'agit d'un texte plus sécuritaire que sanitaire. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il s'inscrit dans la suite de la circulaire des ministères de l'intérieur et de la santé du 11 janvier 2010 relative aux sorties d'essai des patients hospitalisés sous contrainte, qui demande aux préfets d'« apprécier les éventuelles conséquences en termes d'ordre et de sécurité publics » avant d'autoriser ces sorties ?

Cet aspect sécuritaire transparaît dans le fait que ce projet de loi accorde toujours une place prépondérante au préfet, et ce malgré la décision du Conseil constitutionnel dont il devait être la transcription. Certes, il y a bien eu judiciarisation, mais a minima, en quelque sorte sous contrainte, puisque le juge des libertés et de la détention n'intervient qu'à la marge, seulement au bout de quinze jours d'hospitalisation. C'est toujours le préfet qui décide de l'hospitalisation et du protocole de soins, qui peut s'opposer à l'arrêt des soins sans consentement, qui peut transformer les soins ambulatoires en hospitalisation et vice versa, et qui donne son aval aux sorties de courte durée.

Notre opposition à ce texte se fonde également sur le fait qu'il est inapplicable en raison de l'état dans lequel se trouve la psychiatrie de secteur. Aujourd'hui, de trop nombreux secteurs psychiatriques manquent de tout : de psychiatres, de psychologues, d'infirmiers. Comment pourront-ils suivre demain les patients faisant l'objet de soins sans consentement en ambulatoire, alors qu'ils ne parviennent déjà pas à suivre les patients qui consentent à se soigner ? Je connais très bien cette situation dans mon département des Hauts-de-Seine.

Il est inapplicable du fait de l'état de nos hôpitaux publics que vous ne cessez de fragiliser. Les obligations administratives et les nombreux certificats médicaux qu'impliquera cette loi incomberont ainsi à des médecins déjà débordés. Or je n'ai pas cru entendre que ce gouvernement envisageait d'augmenter les effectifs du personnel des hôpitaux.

Au Sénat, vous avez, madame la secrétaire d'État, balayé cet argument en affirmant que les députés avaient voté un objectif national des dépenses d'assurance maladie hospitalier en progression de deux milliards d'euros. La belle affaire ! La Fédération hospitalière de France, dirigée par notre collègue Jean Leonetti, a fait remarquer que la progression de l'ONDAM ne suivait même pas l'augmentation naturelle des charges des hôpitaux, liée à la hausse statutaire des salaires dans la fonction publique hospitalière, à la hausse du prix de l'énergie et à la hausse de quelques coûts de fonctionnement.

Surtout, quand le Gouvernement alloue des moyens supplémentaires aux hôpitaux psychiatriques, c'est principalement pour mettre des barreaux aux fenêtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'enfermement sécurisé et les chambres d'isolement seront-ils, faute de personnels suffisants, l'avenir des hôpitaux psychiatriques ? En fait d'avenir, cela ressemblerait fort à un préoccupant retour en arrière.

Enfin, ce texte est inapplicable parce que la notion même de soins en ambulatoire sans consentement, qui en est le pivot, pose d'insolubles problèmes aussi bien en termes thérapeutiques qu'en termes judiciaires.

Peut-on imposer un traitement psychiatrique, sauf à le réduire à un traitement médicamenteux et à abandonner la psychothérapie, qui est pourtant la base de la psychiatrie? Peut-on, légalement, forcer un individu libre à se soigner, qui plus est dans l'intimité de son domicile ? Comment le suivi du traitement en ambulatoire sera-t-il contrôlé, sachant que la tentation d'arrêter son traitement est un trait commun à tous les patients, et pas seulement à ceux qui souffrent de troubles psychiatriques ? L'arrêt du traitement signifiera-t-il le retour à l'internement ? Cela conduirait à une situation juridiquement très bancale, puisque cette privation de liberté serait motivée non pas par des faits objectifs, par la détérioration de l'état de santé du patient, par un comportement délictueux ou dangereux, par des troubles à l'ordre public, ni même par des menaces avérées de tels comportements, mais uniquement par le fait de n'avoir pas pris ses pilules ; c'est un peu court pour justifier une privation de liberté, c'est même tellement peu convaincant que cela peut s'assimiler à de la détention arbitraire.

Troisième raison pour laquelle nous nous y opposons, ce texte n'aborde qu'un aspect de la psychiatrie, celui des soins sans consentement, qui ne concernent que 12 % des patients. Or, ce dont la psychiatrie a besoin dans notre pays, comme d'un préalable qui rende applicables ces dispositions sur les soins sans consentement, c'est avant tout d'une grande loi de santé mentale faisant l'objet d'une large concertation et d'un débat dans cet hémicycle, non pas d'un simple plan de santé mentale concocté dans le secret des cabinets ministériels.

Par ailleurs, on peut raisonnablement s'inquiéter, à la suite des propos que vous tîntes la semaine dernière en commission, du contenu à venir de ce plan de santé mentale. Vous avez effectivement déclaré, madame la secrétaire d'État, que vous n'envisagiez pas une grande loi de santé mentale parce que vous ne sauriez pas quoi y faire figurer. Si nous prenons acte de l'ignorance du Gouvernement, nous ne saurions accepter que vous y associiez les professionnels. Selon vous, ils n'auraient, eux non plus, aucune proposition à formuler. Comment peut-on aujourd'hui prétendre cela ? N'avez-vous donc pas lu, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs de la majorité, les rapports d'Hélène Strohl, d'Édouard Couty et d'Alain Milon que nous avons cités lors de l'examen de ce texte en première lecture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Avez-vous pris connaissance des conclusions des états généraux de la psychiatrie qui se sont tenus en 2003 ?

Vous voulez des pistes ? En voici quelques-unes. Cette loi de santé mentale pourrait, pour commencer, chercher à adapter l'organisation territoriale de la psychiatrie aux besoins sanitaires de la population, en redéfinissant les rôles et les moyens des différentes composantes de la psychiatrie de secteur et en renforçant les coopérations entre les différents professionnels de santé mentale. Elle pourrait également créer une formation spécifique pour les infirmiers psychiatriques.

Les arguments en faveur d'une telle loi mettent cruellement en lumière les insuffisances du présent projet. Non seulement il n'aborde à aucun moment les conditions de la prise en charge des patients mais il va, au contraire, aggraver encore la situation actuelle.

Aujourd'hui, faute de moyens suffisants, les hôpitaux psychiatriques fonctionnent à flux tendu. Les demandes d'hospitalisation libre ne peuvent être satisfaites dans des délais raisonnables, ce qui oblige nombre de personnes en détresse psychique à biaiser, y compris en allant jusqu'à se faire hospitaliser à la demande d'un tiers. Dans ce cas, les directeurs d'hôpitaux ne peuvent refuser l'hospitalisation ; ils libèrent alors les lits nécessaires en faisant sortir prématurément des patients qui auraient dû rester hospitalisés.

On comprend bien, madame la secrétaire d'État, que les soins en ambulatoire sans consentement ne sont créés que pour faciliter ce jeu de chaises musicales en envoyant des malades se soigner tout seuls chez eux. Ce n'est évidemment pas ainsi que l'on assure un suivi correct des personnes en détresse psychique. Ce n'est pas ainsi non plus, madame la secrétaire d'État, que l'on protège l'ensemble de nos concitoyens.

Nous avions déjà abordé et développé ces quatre points en première lecture. La situation est inchangée en deuxième lecture.

Cette analyse a été confirmée entre-temps non pas seulement par des psychiatres opposés à ce texte ou par nos collègues sénateurs, de la majorité comme de l'opposition, mais aussi par des instances officielles.

Ainsi, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a rendu un avis qui soulève plusieurs questions auxquelles, madame la secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il souligne notamment que les préfets, amenés à se prononcer sur le prolongement ou l'interruption d'une mesure de soins sans consentement, le feront en se fondant sur des données antérieures à l'hospitalisation et aux soins qui ont pu être prodigués. Au demeurant, cela montre bien la philosophie de ce texte qui considère les personnes atteintes de troubles psychiatriques comme incurables…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…et justifie ainsi que les jugements portés sur eux restent inchangés, avant comme après les soins.

Le contrôleur souligne d'ailleurs que les craintes d'atteinte à l'ordre public, qui guident votre politique en matière de psychiatrie, ont pour effet de « maintenir à l'hôpital des personnes dont l'état, attesté par les médecins, ne justifie pas qu'elles y soient maintenues contre leur gré », leur maintien à l'hôpital conduisant en outre « à un encombrement des lits hospitaliers » et « [faisant] obstacle à l'hospitalisation de personnes qui en auraient au contraire réellement besoin ». C'est, conclut M. Delarue, « une politique à courte vue qui peut avoir des effets contraires à ceux recherchés ». Ce texte n'est donc pas seulement inopérant, il est aussi contre-productif.

Plus récemment encore, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a également rendu un avis très négatif sur ce projet de loi : « Dans un contexte de très grande dégradation de la psychiatrie, notamment de secteur, un projet de loi centré sur “certains patients susceptibles de présenter un danger pour autrui” selon la formule retenue dans l'exposé des motifs, ne manque pas d'interroger. » Elle craint que cette réforme, qui privilégie un point de vue sécuritaire, renforce, au-delà de l'indispensable, la contrainte pesant sur les malades et l'enfermement au détriment d'autres modes d'accompagnement ; elle considère que le débat en cours, dont l'objet est un texte essentiellement centré sur la protection de la société, ne milite pas en faveur d'une plus grande acceptation de la présence des malades mentaux dans la cité. Elle déplore également une concertation insuffisante et un « manque de maturité » de ce texte, une réflexion « inaboutie » et l'absence de la question des moyens pour la psychiatrie.

Le constat et les termes employés sont sévères. Avec les mêmes arguments, nous ne sommes pas parvenus à vous convaincre lors de la première lecture de ce texte. Je voudrais croire que le contrôleur général des lieux de privation de liberté et la commission nationale consultative des droits de l'homme rencontreront un plus grand succès. Las, la réalité ne m'y incite guère.

À ce niveau d'hostilité des familles, des psychiatres et des patients à ce texte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…avec tant d'avis négatifs formulés aussi bien par des instances gouvernementales que par des autorités administratives indépendantes ou par des sénateurs et députés de toutes sensibilités, y compris de votre majorité, il ne vous reste, madame la secrétaire d'État, qu'une porte de sortie honorable, celle que suggère la Commission nationale consultative des droits de l'homme : vous en tenir dans un premier temps à la judiciarisation dont le Conseil constitutionnel exige la mise en place avant le 1er août prochain et entamer une véritable concertation en vue d'une loi enfin globale sur la psychiatrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi sur les droits et la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques a parfois été mal compris par certains, alors même qu'il offre une aide aux personnes qui, si elles ont besoin de soins, n'ont pas conscience de leur état.

Or, si nous l'examinons si rapidement en deuxième lecture, un lundi de surcroît, c'est parce que l'une des principales mesures, que le Conseil constitutionnel nous demande de prendre, doit être applicable avant le 1er août 2011. Il s'agit, comme vous le savez, de cette avancée majeure qu'est le contrôle de toute hospitalisation sans consentement d'une durée supérieure à quinze jours par le juge des libertés.

En outre, comme l'a rappelé à plusieurs reprises notre rapporteur en réponse aux critiques que l'on peut entendre sur ce texte qualifié – encore ici, tout à l'heure – de sécuritaire, je tiens à rappeler que si l'on enregistre, chaque année, quelques meurtres commis par des personnes souffrant de troubles psychiques, qui sont largement commentés par la presse, nous déplorons également environ 4 000 suicides par an de personnes souffrant elles aussi de trouble mentaux, sans que ce drame fasse l'objet d'une grande médiatisation.

Il ne s'agit donc pas seulement – et peut-être pas surtout – de créer, par ce texte, de meilleures conditions pour protéger la société, ce que nous assumons totalement. Nous avons également le devoir de donner à ceux dont c'est le métier ainsi qu'aux familles les moyens de protéger tous ceux qui deviennent, de par leur maladie, un danger pour eux-mêmes, d'autant que ce sont les cas les plus nombreux.

Au croisement des libertés individuelles, de la protection des personnes et de la sécurité publique, l'encadrement légal des soins psychiatriques touche 70 000 personnes et leurs familles souvent désemparées.

M. Blisko faisait référence, tout à l'heure, à son expérience dans ce domaine. Pour ma part, j'apporte une autre expérience, celle de l'élu d'une commune de 3 000 habitants, qui compte un hôpital départemental et où beaucoup de patients se promènent très librement dans la ville.

On sait qu'environ trois millions de personnes sont suivies par un psychiatre, en France ; 600 000 sont hospitalisées, dont 85 % de leur plein gré. Cet encadrement légal ne concerne donc qu'une minorité, mais ce sont les situations les plus complexes, et elles méritent toute notre attention car nous ne pouvons ignorer ces drames humains, familiaux et sociétaux.

Il est en effet indispensable de moderniser les outils donnés aux familles, aux professionnels et aux pouvoirs publics pour répondre le mieux possible aux situations les plus douloureuses, celles dans lesquelles le malade n'est pas apte à consentir aux soins qui doivent lui être prodigués ; nous le faisons dans un esprit de responsabilité.

L'adoption de ce projet de loi a un corollaire indispensable : le plan santé mentale dont le rapporteur nous a parlé tout à l'heure et que vous nous avez promis, madame la secrétaire d'État. Nous attendons donc avec impatience le mois de septembre et, contrairement à d'autres, nous l'attendons avec confiance.

Dans la société d'aujourd'hui, la recherche en psychiatrie est nécessaire et l'accès au dépistage doit être renforcé. Certains troubles ne sont diagnostiqués, chez certains malades, qu'après de nombreuses années ; je pense en particulier au trouble bipolaire.

La grande loi de 2005 sur le handicap, qui a, pour la première fois, donné une définition spécifique du handicap psychique, met en avant les conséquences du handicap sur lesquelles il convient d'agir : « toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie par une personne dans son environnement en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou de plusieurs fonctions psychiques ».

Devant ce handicap que l'on qualifie souvent d'invisible puisqu'il touche la personne dans sa subjectivité, son intimité et sa conscience, nous devons apprendre à changer notre regard. Scolarisation en milieu ordinaire, aide au retour à l'emploi, soutien aux aidants, il reste beaucoup à faire et cela suppose des moyens supplémentaires…

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

Mais des avancées considérables sont à notre actif ces dernières années. Modeste peut-être, mais très symbolique d'un nouveau regard, le fait que Mme la ministre des solidarités a accueilli une exposition d'artistes en situation de handicap psychique. Tout cela participe d'un nouveau regard sur ces problématiques…

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

…auxquelles nous devons apporter une réponse positive.

Nous devons, d'une part, permettre à certains patients de retrouver notre monde quotidien et, d'autre part, en finir avec le déni de réalité qui s'oppose à toute mesure de privation de liberté en cas d'aliénation.

Nos collègues sénateurs, malgré un examen en commission très animé, ont peu modifié le texte, tel que nous l'avions voté en première lecture.

En effet, les importantes précisions et avancées que nous avions adoptées, sous l'impulsion de notre rapporteur Guy Lefrand, ont été confirmées par la Haute assemblée, et notamment le droit à l'oubli pour les personnes déclarées pénalement irresponsables ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles ; la possibilité de recourir au juge en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet concernant la levée de la mesure de soins ; ou encore l'organisation de la prise en charge des urgences psychiatriques et la mise en oeuvre du suivi des patients faisant l'objet de soins en dehors du cadre d'une hospitalisation complète.

Sous l'égide de sa commission des lois, le Sénat a choisi d'unifier les contentieux au profit du juge judiciaire. Il s'agit d'une avancée importante pour la protection des droits des patients, dans la droite ligne du travail de l'Assemblée, et nous souhaitons, à notre tour, la confirmer.

Debut de section - PermalienPhoto de André Flajolet

Le Sénat a également précisé les conditions dans lesquelles le juge peut prendre la décision de rendre ou non possible une passerelle entre soins en hospitalisation complète et soins sous une autre forme, une fois qu'il aura prononcé la mainlevée. Cette décision – sous réserve de l'amendement du rapporteur qui précise que la poursuite de soins ambulatoires sans consentement, une fois la mainlevée de l'hospitalisation complète prononcée, n'est possible que dans le cas où cette mainlevée a été acquise sans que le juge ait statué au fond – nous convient parfaitement et respecte en réalité la priorité absolue de la question du soin par rapport à l'aspect sécuritaire.

Les hospitalisations complètes, sous contrainte, qui se prolongent ne sont pas la solution pour beaucoup de patients, nous en convenons.

Le nouvel encadrement que nous créons nous était demandé depuis longtemps. Il va permettre d'imposer un traitement à une personne sans enfermement. C'est une mesure positive. Comme le dit le chef de service du CHU de Grenoble, « cela va dans le sens de l'évolution de la psychiatrie moderne. On essaie le plus possible de ne pas hospitaliser les gens à temps complet, car cela leur permet de garder un lien avec leur famille, leurs proches, et de ne pas être stigmatisés ».

J'insiste sur ce point, il s'agit bien d'un changement de paradigme : dissocier les troubles du comportement de l'enfermement systématique fait de cette dernière solution une modalité de soins parmi d'autres et non plus la seule voie.

Cette réelle avancée a engendré des craintes, que nous avons entendues : nous souhaitons que ces programmes de soins, comme le Sénat a préféré les dénommer, soient mis en pratique. Nous faisons confiance aux équipes soignantes chargées de les proposer et de les mettre en oeuvre, afin que ceux-ci répondent aux besoins des personnes malades et de leurs familles.

Après un travail de qualité, respectueux de toutes les sensibilités, ce qui n'a pas empêché la discussion – parfois très vive –, ce texte nous paraît équilibré, et le groupe UMP lui apporte tout son soutien, car il organise, de façon durable et réfléchie, la conjugaison délicate entre le respect de la liberté de la personne, la protection de son intégrité et de sa dignité, et la sécurité de la société dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai indiqué tout à l'heure lors de mon explication de vote sur la motion de rejet préalable. Je partirai de l'analyse présentée dans son rapport par Jean-Marie Delarue sur la situation dans les lieux de soins psychiatriques, que Serge Blisko a évoquée.

M Jean-Marie Delarue est un homme modéré et pondéré. Sa description des lieux de soins et des conditions matérielles dans lesquelles se retrouvent les patients est extrêmement préoccupante. Les patients sont peu, pas ou mal informés de leurs droits et des raisons pour lesquelles ils entrent dans ces établissements.

Or tout l'enjeu est d'arriver à proposer des soins à ceux qui en ont besoin, tout en respectant un équilibre qui est, je vous l'accorde, difficile à trouver, entre le respect des droits des personnes, le respect des soins et, bien sûr, le respect de l'ordre public – il ne s'agit en aucun cas d'omettre ce dernier point. Mais nous avons le sentiment, avec votre texte, que vous avez fait, en présentant une loi qui ne porte que sur le soin contraint, le choix de donner des gages sur la sécurité et l'ordre public, sans prendre en compte les deux autres aspects, évoqués dans le rapport de Jean-Marie Delarue : d'un côté, le respect des libertés publiques et le droit des patients, de l'autre, les contraintes liées aux soins. De ce point de vue, nous sommes face à un texte qui ne répond pas aux attentes des soignants.

Nous pouvons être d'accord pour considérer que les psychiatres et les professionnels de santé qui exercent non en établissement, mais en ville, ont besoin d'être eux-mêmes accompagnés pour gérer leur pratique autrement. Car aujourd'hui, il est parfois très difficile de trouver des professionnels disponibles et impliqués pour la prise en charge des patients en ville, en milieu ouvert. Pourtant, le nombre de psychiatres en France n'est pas moindre que dans d'autres pays – je pense aux médecins libéraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Mais ce n'est pas en les braquant, en leur proposant une vision de leur exercice totalement opposée à la pratique qu'ils revendiquent et aux besoins qu'ils identifient pour les patients, que vous allez les conduire à s'impliquer davantage dans l'accompagnement en milieu ouvert de malades psychiatriques parfois assez lourds, qui ne sont pas des personnes simplement confrontées à un mal-être ou à des difficultés passagères.

Madame la secrétaire d'État, votre façon d'aborder le problème me paraît donc paradoxale. Vous expliquez que vous faites une loi attendue par les professionnels de santé, alors que vous allez à l'opposé de ce qu'ils demandent. Nous pourrions comprendre si vous aviez fait le choix des familles contre les professionnels, ce qui n'est pas même le cas. Pourtant, vous affirmez que tel est votre choix. Dans ce cas, madame la secrétaire d'État, il faut choisir : si vous prétendez choisir l'accompagnement des familles plutôt que le soutien ou la réponse aux attentes des professionnels de santé, assumez-le et dites à ces derniers qu'en réalité, la loi que vous présentez n'est pas du tout celle qu'ils attendaient. Mais c'est le discours inverse que vous tenez ! Je suis donc perplexe pour ce qui est des motivations de votre texte puisque vous nous expliquez d'abord qu'il s'agit d'une loi désespérément attendue par les médecins, pour nous dire ensuite que vous avez fait le choix des familles contre les professionnels de santé !

Nous sommes tous d'accord ici pour considérer que seule une loi globale de santé mentale peut avoir un sens. Cette loi est attendue depuis longtemps, elle est absolument nécessaire et elle est la seule qui puisse donner un sens au choix que vous avez fait des soins sans consentement.

Qu'est-ce que votre loi ? Elle met en avant le rôle de la prévention, depuis le plus jeune âge pour certains, et le soutien à la parentalité. Elle décline l'ensemble du processus et de la prise en charge d'un éventuel patient depuis la prévention jusqu'au suivi après un éventuel traitement.

Nous savons bien qu'il faut arrêter de stigmatiser les malades et valoriser les actions faites en milieu ouvert. Nous savons qu'il faut des mesures incitatives, notamment par le biais du conventionnement avec la sécurité sociale, en direction des psychiatres libéraux pour les amener, comme je le disais tout à l'heure, à participer plus largement au service public de la santé mentale et à prendre en charge les patients psychiatriques.

Nous savons tout cela, mais nous le constatons avec ce texte, vous refusez de mettre en place le dispositif dans lequel viendrait s'insérer, le cas échéant, avec des aménagements, du soin sans consentement. Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, car ce n'est pas le sujet : mon état d'âme personnel a peu d'importance ! Cela étant, je ne vois pas quand vous pourriez présenter une telle loi : quelle place, en effet, nous laisse le temps politique avant l'élection présidentielle pour porter une loi ambitieuse et forte sur la prévention des maladies psychiatriques, l'accompagnement des malades, la révision des conditions d'hospitalisation, l'étude de ces maladies ? Aucune, et je pense que vous-même, madame la secrétaire d'État, ne pensez pas être en mesure de nous présenter un tel texte. Or c'est de ce texte-là dont nous avons besoin.

Enfin, je ne reviens pas sur la manière dont vous faites jouer un rôle majeur aux préfets ni sur les soixante-douze heures d'observation en établissement avant une décision définitive. Comme cela a été excellemment rappelé, ce délai pourrait être ramené sans difficulté à quarante-huit heures. L'allongement de la période d'enfermement montre bien le signe sous lequel vous entendez placer cette loi. Pour nous, c'est une préoccupation, mais aussi un regret, parce que les malades, et surtout les familles, méritent mieux. D'un côté, nombre de familles ne parviennent pas à obtenir des soins ou l'hospitalisation pour des patients confrontés à une crise ; de l'autre, on observe parfois la tentation de contraindre des patients qui, n'en ont peut-être pas besoin : ce paradoxe-là n'est pas résolu par votre texte.

Ce sera une déception, une de plus, car, sur un tel texte, nous aurions pu arriver à un consensus politique transpartisan. Mais vous n'êtes même pas arrivée, madame la secrétaire d'État, à obtenir le consensus au sein de vos propres rangs. Il était donc illusoire d'imaginer y parvenir avec l'opposition ! Je le regrette, mais une fois de plus, ce sont les patients qui vont trinquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est exceptionnel de voir un texte touchant aux questions de santé mentale débattu comme il l'a été. Certes – et c'est un point positif –, nous avons eu plusieurs lectures, mais la façon dont le débat s'est déroulé au Sénat est exceptionnelle. C'est un élément supplémentaire qui devrait appeler l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il risque de faire une bêtise et de traumatiser encore un peu plus des professionnels et un milieu intéressés aux questions de santé mentale, qui ont déjà été très fortement sollicités, de façon négative, ces dernières années.

C'est une question importante, car nous savons tous ici combien la problématique de la santé mentale, même si ce n'est pas une question souvent débattue dans les campagnes électorales, est essentielle dans le fonctionnement d'une société, d'abord en termes symboliques. La manière dont sont traitées les personnes souffrant de maladies mentales est un marqueur fondamental des droits de l'homme dans une société, dans une civilisation. Lorsque l'on analyse d'autre part le problème en termes de morbidité et que l'on voit ce que tout cela coûte à la sécurité sociale, on s'aperçoit que la santé mentale pèse extrêmement lourd dans le poste des dépenses de santé. Avoir une approche « civilisationnelle », mais aussi médicale et de santé publique de ces questions est un devoir absolu, mais elles ne sont pas traitées comme elles le méritent du fait des tabous qui existent encore en la matière.

Le fait que notre système de santé mentale soulève chez nous de grandes insatisfactions ne tient pas uniquement à la politique gouvernementale. Nous enregistrons un retard de plusieurs décennies en la matière, alors que la France, tout au long du XIXe siècle, et sans doute aussi à la sortie de la guerre, était l'un des pays les plus précurseurs en matière de santé mentale en termes médicaux et d'organisation du système de soins. Force est de constater que nous nous sommes endormis et que notre système n'est pas aujourd'hui à la hauteur de nos ambitions, qu'il s'agisse de prévention ou de santé mentale. La majorité a abordé la question de la prévention malheureusement sous le même angle, lorsque nous avons débattu de la délinquance. À chaque fois, nous avons été frappés de constater combien il était très difficile de faire comprendre à nos collègues de la majorité que les problèmes de santé mentale ne devaient pas être confondus avec la problématique sécuritaire, donc traités de façon similaire.

J'ajouterai que l'on évoque très peu la recherche en matière de psychiatrie et de santé mentale. Cette question, considérée comme secondaire, est mal traitée depuis longtemps. Nous ne devons donc pas, nous les politiques, nous étonner, d'un certain point de vue, que notre politique de santé mentale se soit endormie : c'est que nous n'avons pas eu le courage d'avoir une véritable ambition intellectuelle et scientifique, et que nous avons laissé le secteur de la psychiatrie et de la santé mentale s'autogérer. Il nous paraissait difficile d'intervenir sur une question aussi compliquée qui nous semblait devoir être réservée, tout comme d'autres disciplines touchant à la santé, aux spécialistes. La réalité est tout autre. Ce point est éminemment politique. D'un certain point de vue, j'aurais du mal à reprocher à cette majorité de ne pas l'avoir compris : le Président Sarkozy, notamment, a traité cette question comme une question très politique – malheureusement de la pire des façons. Je n'ai pas besoin de revenir, ici, sur la stigmatisation qui a été faite à plusieurs reprises, ce qui a évidemment affaibli, voire détruit la confiance qui pouvait exister entre l'État, le Gouvernement et les professionnels de santé. Ce n'est évidemment pas ce projet de loi qui restaurera cette confiance, loin de là. Ainsi, tous les professionnels de la psychiatrie y sont très largement opposés ; quant aux familles, comme nous, après avoir constaté un certain nombre d'avancées, elles s'interrogent aujourd'hui avec force sur la manière dont les choses se passent. Les malades ont également eu l'occasion de s'exprimer et de dire leur déception en la matière.

Vous nous parlez d'une grande loi sur la santé mentale. À défaut de débattre d'une telle loi, nous pourrions obtenir des précisions sur la politique de santé ! Si nous disposons de témoignages très intéressants d'un certain nombre de collègues, nous sommes très loin de connaître les grands axes d'une grande loi de santé mentale. Nous dit-on, aujourd'hui, comment articuler l'hôpital universitaire et l'hôpital psychiatrique, l'éducation et la recherche, comment sortir de la logique asilaire, politique largement conduite depuis maintenant plusieurs décennies, comment faire en sorte que, dans les villes, les soins soient accompagnés et qu'ils ne soient pas toujours victimes des réductions budgétaires ? Notre pays a-t-il une politique de dépistage, une politique de prévention ? Ces questions sont débattues au plan scientifique. À défaut de discuter d'une grande loi, nous aimerions au moins que les autorités de santé publique – le ministère et le Gouvernement – nous disent qu'elles ont les axes d'une politique en matière de prévention, de dépistage, de recherche et d'organisation des soins. Marisol Touraine a fait allusion à la place du secteur privé. Nous déplorons souvent le manque de moyens en matière de politique de santé. De la même façon, nous sommes les premiers à reconnaître que nous rencontrons des problèmes de démographie médicale. La santé mentale est sans doute un secteur qui, aujourd'hui, va connaître de sérieux problèmes de démographie dans le domaine de la prise en charge des cas les plus graves. Nous aurions donc aimé entendre le Gouvernement sur de tels problèmes touchant à l'organisation du système de soins, laquelle nécessite, en effet, des décisions courageuses, volontaires et un diagnostic partagé. C'est vous dire combien nous sommes déçus, pour ne pas dire attristés. Nous ne pouvons, en conséquence, pas souscrire à votre politique et nous ne voterons donc pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé me pose, et pas seulement à moi, un réel problème d'éthique. Pour moi, le travail législatif en direction des personnes atteintes de troubles psychiatriques devrait être une réflexion de la société sur les moyens médicaux et sociaux à mettre en oeuvre pour leur permettre de vivre au mieux au sein de la cité. Or ce projet de loi semble obéir à une logique différente, logique que l'on retrouve dans de nombreux textes présentés par cette majorité depuis le début de la législature, la logique – que dire, le mythe ! – de la sécurité à garantir face à des individus présentés comme dangereux et coupables. Ce fut le cas avec les lois sur la sécurité intérieure, sur la justice et sur l'immigration, ça l'est à nouveau avec ce projet. D'un point de vue sémantique, le glissement est important entre le texte de 1990 et celui qui nous est présenté aujourd'hui. La personne était «atteinte d'un trouble mental », la voici définie comme « faisant l'objet de soins psychiatriques ». Elle n'est donc plus une personne susceptible de bénéficier de soins à définir lors d'un protocole, mais est considérée comme devant être encadrée dans le cadre d'un programme, car potentiellement dangereuse pour la société. La différence entre protocole et programme, je m'en suis expliquée en commission, est réelle. L'instrumentalisation de faits divers pour justifier la mise à l'index de ces malades est l'outil qu'utilise le Président de la République pour s'assurer le soutien des franges les plus conservatrices, voire radicales, de son électorat, ce qui est un tort, à mon sens. Je l'affirme très solennellement, cette utilisation de la peur et de l'émotion pour tenter de maintenir dans le giron de l'UMP une part de son électorat, est inutile politiquement – comme nous l'avons constaté lors des élections intermédiaires – et surtout irrespectueuse pour le patient et pour son entourage. En effet, comment ne pas s'inquiéter de la notion de « soins ambulatoires sans consentement », complément efficace à la loi HPST, pour pallier le manque de lits et de places dans les hôpitaux psychiatriques ? Le «protocole technique d'assignation à résidence », quant à lui, ne traite à aucun moment du rapport entre le patient, son entourage – famille et amis – et les autorités. Comment associer à un véritable soin le simple contrôle des prises de médicaments à domicile par un infirmier et l'obligation de se rendre aux consultations mensuelles du psychiatre ? Quels seront les moyens mis en oeuvre pour inciter, grâce à un véritable dialogue, les patients à se soigner ? Ces patients ont besoin d'un dialogue au cours d'un colloque réellement singulier, car à chaque malade doit correspondre une réponse. Tout comme certains juges d'application des peines doivent trancher une remise en liberté sans avoir une totale connaissance du dossier psychiatrique d'un individu, parce qu'un médecin n'aura pas tout communiqué par respect du secret médical, les juges des libertés et de la détention – et l'on ne peut que saluer la réelle avancée qu'est l'implication imposée au Gouvernement par le Conseil Constitutionnel – devront-ils exercer leurs prérogatives dans les mêmes conditions ? Ne va-t-on pas se retrouver devant le même type de problème : des juges devront prendre la décision de libérer un interné hospitalisé d'office sans connaître totalement le dossier psychiatrique, le psychiatre respectant le secret professionnel ? Comment proposer un texte qui n'instaure pas un véritable « droit à l'oubli », pour que des informations intimes et délicates ne figurent pas trop longtemps dans un fichier consultable par on ne sait qui ? Je me rappelle les propos de M. Garraud, en première lecture, qui tenait un discours du XIXe siècle. Nous avions, à l'entendre, le sentiment que les traitements mis au point aujourd'hui, notamment les traitements de suivi, cette relation individuelle que noue le psychiatre avec le malade, que toute cette recherche dont vient de parler M. Le Guen n'avait pas évolué et qu'au XXIe siècle, un malade psychiatrique était, quelque part, marqué du sceau de cette maladie pendant toute sa vie. Dix ans, c'est long dans une vie ! Des traitements ont amélioré la santé des patients et ont leur ont permis de réintégrer une vie dans la cité dans des conditions quasi-comparables à ceux qui ne sont pas atteints de troubles psychiatriques. Je regrette les propos alors tenus par M. Garraud, propos apparemment partagés par d'autres membres de la majorité.

Mes chers collègues, vous avouerez que ce texte pose un problème. Déshumanisation, judiciarisation des soins, cette vision de l'aide aux malades atteints de troubles psychiatriques n'est pas la mienne, n'est pas la nôtre.

J'ai participé, vendredi dernier, en présence d'un juge, à une réunion avec du personnel soignant, notamment des psychiatres, de l'hôpital psychiatrique de Toulouse, et j'ai pu me rendre compte de leur déception à l'évocation de votre plan de santé mentale prévu à l'automne prochain, madame la secrétaire d'État. J'ai essayé de présenter ce problème avec objectivité, leur expliquant qu'il y aurait un plan de santé mentale. Je peux vous assurer que leur réaction n'a pas été celle que vous attendiez sans doute. Ils n'espèrent pas un tel plan, mais bel et bien une véritable réforme de la psychiatrie en France, accompagnée d'une véritable volonté politique et des moyens conséquents. « Il s'agira d'un cautère sur une jambe de bois », m'ont-ils répondu !

Mes chers collègues, je terminerai mon propos par une citation du romancier suisse Michel Campiche : « Les deux sciences les plus tristes : la psychiatrie et l'histoire ; l'une étudie les faiblesses de l'individu, l'autre les faiblesses de l'humanité ». C'est bien à l'aune de l'histoire que notre travail de ce soir sera jugé. Alors n'hésitons pas à sereinement venir en aide aux faiblesses de l'individu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquelles les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Cet article 1er introduit deux éléments importants par rapport à la loi de 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation : les soins en ambulatoire sans consentement et l'intervention du juge des libertés et de la détention.

Les soins en ambulatoire sans consentement posent de nombreuses questions d'ordre médical, pratique et juridique. D'un point de vue médical, et plus encore en psychiatrie, l'absence du consentement est antinomique avec la démarche de soins. Le consentement du malade est à rechercher en permanence, il est la condition d'une amélioration de son état à tel point que l'on pourrait considérer que c'est seulement lorsque le consentement est acquis que les soins en ambulatoire peuvent être envisagés. D'un point de vue pratique, le développement des soins en ambulatoire, sans, mais de préférence avec le consentement du patient, nécessitent toujours un suivi médical dans le cadre des hôpitaux de jour ou des CMP. Or, aujourd'hui, ces structures sont en nombre très insuffisant et celles qui existent peinent à remplir correctement leurs missions, faute de moyens. Commencez par leur donner les moyens de fonctionner avant de leur ajouter des missions.

D'un point de vue juridique, enfin, comment allez-vous contrôler qu'un patient renvoyé chez lui prend bien son traitement ? Tous les patients sont tentés d'interrompre prématurément leur traitement, particulièrement en psychiatrie. Un patient faisant l'objet d'une injonction de soins en ambulatoire, car c'est bien de cela qu'il s'agit, qui aura interrompu son traitement sera-t-il pour cette seule raison interné sans son consentement, sans même que son état se soit aggravé ou qu'il ait troublé l'ordre public ? Une telle disposition, je le répète, pose énormément de problèmes.

Second élément, l'introduction du juge des libertés et de la détention. La France est le dernier pays de l'Union européenne à faire intervenir le juge dans les internements psychiatriques sous contrainte, et c'est peu dire que, pour cette judiciarisation de la psychiatrie, selon l'expression consacrée, le Gouvernement a agi à reculons. Le juge était totalement absent de la première version du projet de loi présenté il y a presque un an et il a fallu la décision du Conseil constitutionnel de décembre dernier pour que le Gouvernement, sous contrainte, se fende d'une lettre rectificative.

En la matière, vous vous êtes vraiment contenté du service minimum. Le Conseil constitutionnel ayant considéré qu'en prévoyant que l'hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, la loi de 1990 n'était pas conforme à la Constitution. Vous avez donc fait intervenir le juge, mais surtout pas avant quinze jours d'hospitalisation. Pourquoi ne pas le faire intervenir plus tôt ? Je crains fortement que la raison ne soit ni médicale, ni juridique, mais bassement financière. Vu son état de délabrement, notre justice n'est sans doute pas en mesure de faire face au surplus de travail qu'entraînerait une intervention immédiate du juge.

Voilà où nous conduit votre politique, notamment la révision générale des politiques publiques, qui sacrifie pour des raisons financières des principes fondamentaux comme la liberté individuelle et l'interdiction de la détention arbitraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 20 .

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je voudrais d'abord redire mon regret devant l'absence d'une grande loi de santé mentale traitant l'ensemble des problématiques soulevées par cette pathologie. Mme Bachelot l'avait promise, il faut donc croire qu'elle avait quelques idées sur ce qu'elle souhaitait y faire figurer. Nous n'avons pas de chance car vous avez déclaré, vous, en commission, madame la secrétaire d'État, que vous ne voyiez pas très bien ce qu'on pourrait mettre dans un tel texte. Vous avez même osé dire que les psychiatres eux-mêmes ne le savaient pas trop, ce qui est un comble.

Vous nous avez annoncé un plan de santé mentale pour nous rassurer, mais, après avoir entendu de telles déclarations, nous sommes extrêmement inquiets sur le contenu éventuel d'un tel plan, qui risque de n'être qu'une coquille vide, en espérant qu'il ne contiendra pas de disposition dont vous tiendriez à éviter de débattre avec la représentation nationale, les professionnels et les patients.

Si nous souhaitons supprimer l'article 1er, c'est parce que ce projet est réducteur, sécuritaire et stigmatisant ; je ne reviens pas sur ce qu'a expliqué M. Muzeau dans la discussion générale. C'est parce que l'on ne réglera pas la question des soins sans consentement si l'on ne traite pas l'ensemble de l'organisation du dépistage et des soins en psychiatrie.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme ainsi que le Comité d'action syndical de la psychiatrie, qui regroupe un certain nombre d'organisations, dont le Syndicat national des psychiatres privés, le Syndicat des psychiatres des hôpitaux, l'Union syndicale de la psychiatrie et le Syndicat universitaire de psychiatrie, vous demandent tous de vous en tenir aux seules modifications rendues nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel de décembre dernier et de prendre le temps d'élaborer, dans la concertation, un grand texte envisageant tous les aspects de la psychiatrie. Je vous le demande aussi et c'est la raison pour laquelle notre amendement tend à supprimer l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

La commission a repoussé cet amendement, comme elle l'avait fait en première lecture. J'ai déjà eu l'occasion d'insister longuement sur ce point, en tant que rapporteur, je ne peux qu'être défavorable à la suppression de l'article 1er. Je m'étonne même que vous le proposiez puisque cet article représente une très grande avancée pour les droits des malades, notamment sur l'accès au juge et la garantie d'un droit au recours effectif. Ce sont des réponses aux interrogations de M. Delarue dans son rapport. Ce sont aussi des réponses qui nous permettent d'avancer vers notre loi de santé mentale, qui permettra de préparer ensuite le grand plan de santé mentale dont la définition a été donnée ici par les uns et les autres.

Je vous demande donc de retirer votre amendement. Sinon, je serai contraint d'y être défavorable.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Défavorable, pour les raisons évoquées par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Mme la secrétaire d'État pourrait-elle reprendre son argumentation parce qu'elle était un peu complexe et nous n'avons pas eu le temps de tout comprendre ? L'intervention de Mme Fraysse évoquait tout de même la position de syndicats professionnels, et je pensais que cela méritait peut-être une réponse minimale. Là, c'était tellement compact que je n'ai pas tout compris !

(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 22 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Il s'agit de la notion de soins sans consentement, dont nous avons déjà beaucoup parlé.

Je vous avais proposé en commission de supprimer la périphrase introduite par le Sénat, évoquant des soins auxquels le patient n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux. C'est une périphrase particulièrement longue, qui ne correspond pas à la réalité puisqu'elle ne tient pas compte des patients hospitalisés d'office et qui est suffisamment complexe pour que les administrateurs du Sénat eux-mêmes n'aient pas réussi à l'introduire partout dans le texte.

J'avais proposé en contrepartie, afin de prendre en compte du travail du Sénat, de réaffirmer le principe selon lequel les soins sont sans consentement parce que la personne n'est pas à même d'y consentir, et, pour tenir compte de l'ensemble des hospitalisations sous contrainte et donc aussi des hospitalisations d'office, d'étendre ce critère d'incapacité à consentir à l'admission en soins sans consentement sur décision du représentant de l'État.

Le Gouvernement ayant jugé inopportun de réformer les règles d'admission en hospitalisation d'office au détour d'un amendement, ce que je peux entendre, j'avais retiré cette seconde proposition. Je vous suggère donc, par cohérence, de supprimer les dispositions issues de la première, mais je vous proposerai rapidement ensuite une solution de compromis susceptible de satisfaire le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Au-delà du texte même de l'amendement, on voit bien, monsieur Lefrand, que vous êtes coincé par les textes antérieurs et par le Gouvernement, et nous faisons preuve envers vous d'une grande empathie.

Reste que le Sénat avait réussi à nous faire une proposition qui, si elle n'était pas terrible du point de vue grammatical, nous sommes tous d'accord, était très intéressante sur le fond. La définition qu'il a donnée pourrait certes être allégée mais elle montre bien la difficulté du problème et j'attends avec impatience que vous nous proposiez mieux. Nous sommes en effet au coeur du problème.

Quant à l'hospitalisation d'office, votre argument me paraît assez léger. Certes, il est question de sécurité publique, mais il est tout de même très rare que quelqu'un annonce qu'il va prendre un fusil pour tirer dans le tas et tuer tout le monde, mais qu'il soit d'accord pour se faire hospitaliser. On peut toujours rêver d'une telle histoire mais cela n'a pas de sens.

Nos collègues du Sénat ont beaucoup travaillé pour expliquer le mieux possible ce que sont les soins sans consentement, ce qui, Mme Fraysse le disait tout à l'heure, est tout de même une hérésie par rapport à la philosophie médicale que nous connaissons dans ce pays depuis plus de 200 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

J'entends les réflexions sur la forme mais, sur le fond, monsieur Blisko, les personnes hospitalisées d'office sont des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins. La définition du Sénat est incomplète, elle ne tient compte que des anciennes hospitalisations sur demande d'un tiers et non des anciennes hospitalisations d'office.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Favorable.

Il faut remettre les choses dans leur contexte. Au moment où nous avons discuté de ce texte au Sénat, j'ai constaté à quel point l'expression « sans consentement » créait un certain malaise et semblait antinomique dès lors que l'on proposait au malade de s'engager dans un protocole ou un programme de soins. Dès lors qu'il sortait et s'engageait à respecter un protocole de soins, la question du consentement suscitait de nombreuses interrogations.

C'est vrai que l'on entend par consentement un consentement libre et éclairé. Dans le cas présent, il s'agit non pas de consentir ou de ne pas consentir à un soin, mais bien de rester hospitalisé ou de sortir en étant contraint à respecter un protocole de soins. Il y a deux niveaux de consentement, et c'est toute cette ambiguïté que j'ai voulu lever. La définition proposée par M. Lorrain allait dans le bon sens mais il est vrai que, si le titre proposé ensuite englobait l'hospitalisation sur demande de tiers, ce n'était pas le cas pour l'hospitalisation d'office.

L'amendement proposé tend à revenir aux modalités d'hospitalisation définies par la loi de 1990, qui apportent une alternative à l'hospitalisation sous contrainte. C'est une définition qui est beaucoup plus proche de la réalité de ce qui se mettra en place demain avec le dispositif de soins ambulatoires.

(L'amendement n° 22 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 23 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

De même qu'à l'amendement n° 22 , nous avons supprimé la périphrase introduite par le Sénat, nous proposons, avec l'amendement n° 23 , de ne plus faire directement référence aux « soins sans consentement » à l'alinéa 15 de l'article 1er, en substituant à cette expression les mots « en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale. »

Renvoyer aux dispositions légales applicables équivaut à faire référence aux patients hospitalisés à la demande d'un tiers ou d'office, par le préfet ou le maire, tout en évitant l'emploi de l'expression « soins sans consentement » qui, nous l'avons compris, peut heurter certains. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un compromis acceptable pour les uns et les autres.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Favorable, madame la présidente.

(L'amendement n° 23 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 13 .

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Dans le texte de la commission, l'alinéa 18 de l'article 1er est ainsi rédigé : « Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2°, un programme de soins est établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce programme de soins ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient afin de tenir compte de l'évolution de son état de santé. »

La rédaction de la deuxième phrase de l'alinéa ne nous paraissant pas satisfaisante, nous proposons de lui substituer celle-ci : « Ce programme de soins est révisable par le psychiatre en charge du suivi de la personne pour que les soins et leurs réalisations soient adaptés en fonction de son état. » En effet, la rédaction du Sénat n'indique pas de façon suffisamment précise que le programme de soins peut être révisé pour adapter le mieux possible les soins à la personne.

Les sénateurs auraient dû conserver le terme « protocole » – et le Gouvernement et le rapporteur auraient également dû être attentifs à ce point. Comme je l'ai dit en commission, devant la Haute autorité de santé, il n'est jamais question de programme, mais toujours de protocole thérapeutique – quelle que soit la pathologie concernée, psychiatrique ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

La commission est défavorable à cet amendement qu'elle avait déjà rejeté lors de sa réunion au fond. J'avoue avoir un peu de mal à comprendre ce que vous reprochez à la rédaction du Sénat, que la commission a choisi de conserver. Il est dit que « ce programme de soins ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient afin de tenir compte de l'évolution de son état de santé ». Cette formulation très complète permet de rassurer ceux qui craignaient que, dans les pires hypothèses, le programme de soins puisse être modifié directement par le préfet.

Nous savions que le programme de soins – ou l'ancien protocole de soins – ne pouvait être modifié que par le psychiatre et, dans la mesure où il est proposé d'inscrire ce principe dans la loi, je ne vois pas où est le problème. En tout état de cause, la rédaction proposée par votre amendement n'apporte aucune amélioration par rapport à celle du Sénat.

Pour ce qui est des termes « programme » et « protocole », j'étais initialement favorable au second, mais j'ai entendu les inquiétudes exprimées par certains, selon lesquels le mot « protocole » évoquait un processus standardisé et figé, pouvant laisser craindre que l'on applique automatiquement le même protocole à tous les patients, plutôt qu'un programme individualisé. Je me suis donc rallié à l'adoption du terme « programme ».

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je considère, monsieur le rapporteur, que la rédaction du Sénat est beaucoup plus restrictive que celle que nous proposons, puisque la Haute assemblée prévoit une révision du programme de soins en fonction de « l'état de santé » du patient, alors que pour notre part, nous faisons référence, de façon plus globale, à « l'état » du patient.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

C'est bien à l'état de santé du patient que le psychiatre s'intéresse ! Il a vocation à soigner !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Le projet de loi est trop restrictif sur ce point. Selon nous, la prise en charge médicale n'exclut pas la prise en charge sociale et, d'une façon générale, de toutes les problématiques liées au patient.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Un vrai projet de loi relatif à la maladie mentale aurait pris en compte toutes les dimensions auxquelles je fais référence.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Sur ce point, nous allons effectivement avoir du mal à tomber d'accord. Pour moi, le médecin est là pour soigner.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Cela n'empêche pas qu'au sein de l'hôpital, d'autres professionnels – je pense notamment aux assistantes sociales – puissent intervenir pour régler les différents problèmes auxquels le patient doit faire face. Pour ce qui est du programme de soins élaboré par le psychiatre, il n'a vocation qu'à améliorer l'état de santé. Attribuer aux médecins des missions différentes de celle qui est habituellement la leur constituerait une évolution considérable !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Vous savez que naguère, lorsque les commissions RMI se réunissaient, elles pouvaient conditionner le bénéfice de cette allocation à la mise en oeuvre d'un programme portant sur différents aspects de la vie des personnes concernées. Ainsi, il pouvait leur être demandé d'effectuer une consultation auprès d'un centre médico-psychologique ou d'un centre de soins dentaires, ou encore de s'inscrire à l'AFPA.

Ce que Mme Lemorton essaie de vous faire comprendre, monsieur le rapporteur, c'est que l'état d'un malade doit être envisagé dans sa globalité et peut nécessiter des mesures très variées, telle qu'une reprise progressive du travail, un mi-temps thérapeutique ou des conseils en matière de santé somatique – cela vaut d'ailleurs dans tous les domaines, en psychiatrie comme en cancérologie. On sait, par exemple, que de nombreux malades ont besoin d'un traitement métabolique, ayant pris beaucoup de poids à la suite d'une prescription médicamenteuse. Je suis désolé de devoir entrer dans des détails triviaux, mais ceux-ci constituent la réalité pour les patients concernés ! Ce que vous appelez « programme » et nous « protocole », c'est un ensemble de mesures qui, contractuellement, lient le patient à l'équipe soignante et vont bien au-delà d'une simple ordonnance.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je comprends tout à fait la préoccupation exprimée par Mme Lemorton et M. Blisko. Dans la pratique, un malade bénéficie, lorsqu'il quitte l'établissement où il a été soigné, d'une part de prescriptions médicales, d'autre part, de conseils visant à lui permettre de réussir sa réinsertion sociale – prodigués, le plus souvent, par une assistante sociale. Sur le fond, je suis d'accord avec cette vision des choses.

Toutefois, la question qui se pose ici est de savoir si l'état de santé du malade permet d'autoriser sa sortie. C'est bien sa santé mentale qui va déterminer si, oui ou non, il est capable de respecter le protocole – ou le programme – qui lui est proposé. Certes, dans la pratique, un accompagnement social est mis en oeuvre, on ne va pas laisser un patient sortir sans s'interroger sur les conditions de vie qui seront les siennes à l'extérieur : dispose-t-il d'un logement ou est-il à la rue, peut-il être admis dans un établissement médico-social, et caetera. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue le fait que ces aspects ont vocation à être réglés par d'autres professionnels que les médecins – même si cela se fait au sein de l'hôpital – et que, dans le cadre de ce projet de loi, nous légiférons sur les soins de santé accompagnant la remise en liberté d'un malade. Je reste donc défavorable à cet amendement.

(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi sur les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma