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Séance en hémicycle du 8 janvier 2009 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • RSA
  • relance

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 1359, 1364) et, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés (nos 1360, 1365).

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, j'interviens à mon tour pour défendre une motion de procédure sur ce que le Gouvernement appelle le plan de relance.

C'est la troisième fois en quelques mois que nous examinons un projet de loi de finances rectificative, et ce peu de temps après l'examen et l'adoption du projet de loi de finances lui-même. On peut d'ailleurs s'attendre à un autre plan dans quelques mois ; en ce qui nous concerne, nous le souhaitons, car nous considérons que ce qui a été fait jusqu'à présent n'est pas à la hauteur de la crise.

La situation étant exceptionnelle, il est logique que nous examinions tous ces textes et que nous prenions le temps de le faire. C'est notamment pourquoi je défends la présente motion de renvoi en commission ; au-delà de la possibilité que cela nous offre d'exprimer un certain nombre d'arguments – conformément à la tradition parlementaire que d'aucuns souhaitent modifier –, le renvoi en commission serait sans doute, pour une fois, le plus justifié puisque nous n'avons quasiment pas eu le temps d'examiner ce texte en commission. Et pour cause : alors que le projet nous a été transmis le 19 décembre, les séances de la commission se sont arrêtées le 22 décembre pour reprendre le 6 janvier, ce qui ne nous a pas permis d'en discuter autrement que formellement.

Je souhaite intervenir sur plusieurs points qui me paraissent faire problème dans la situation actuelle. Qu'il y ait de multiples plans de relance, je pense, encore une fois, que c'est normal. Qu'il y ait, même, un certain tâtonnement dans la politique du Gouvernement, on peut également le comprendre dans une telle situation. Que ce soit, enfin, un plan de sauvetage des banques qui ait été adopté en premier lieu, cela est dû – nous avons eu l'occasion de le dire – à l'urgence ; il était logique de commencer par là.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il y a cependant un certain nombre de problèmes. Sur la forme – c'est assez symptomatique –, le texte que vous nous avez transmis, monsieur le ministre, rappelle, en page 8, que vous devriez, aux termes de l'article 53 de la loi organique relative aux lois de finances, présenter un rapport sur la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions d'un projet de loi de finances rectificative. Or seuls trois petits paragraphes qui répondent à cette exigence. Outre que je trouve cela quelque peu désinvolte à l'endroit du Parlement, cela montre, sur le fond, que le Gouvernement n'est pas au clair sur l'analyse de la situation, tant sur les causes de la crise que sur les moyens d'y remédier.

Hier, l'un de nos collègues a dit, à la suite de l'exposé de Pierre-Alain Muet, qu'il s'agissait d'un cours d'économie théorique, que ce n'était pas de la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Or, cet exposé très intéressant éclaire au contraire l'analyse que l'on peut faire de la crise et les mesures qui doivent être prises.

Je prendrai un exemple concernant le plan de soutien aux banques, auquel nous ne nous sommes pas opposés puisque nous nous sommes abstenus. Nous étions en effet d'accord pour que des garanties soient apportées aux banques et que, par conséquent, un budget important soit prévu au cas où ces garanties joueraient, afin de redonner aux établissements bancaires la capacité d'accorder les crédits nécessaires à l'économie générale de notre pays. En même temps, nous avons regretté que vous refusiez, pour une raison qui reste à mes yeux obscure, que l'État, dès lors qu'il prend des participations dans certaines banques, siège dans leurs conseils d'administration. Vous ne souhaitez pas, selon vos propres termes, vous immiscer dans la gestion de ces établissements.

Il était donc quelque peu surréaliste d'entendre le Président de la République, hier midi, lors de ses voeux aux parlementaires, se plaindre que les banques n'accordent pas davantage de crédits alors que l'État les a soutenues, et affirmer qu'il fallait leur demander à présent de jouer leur rôle. Le plus simple n'aurait-il pas été pour l'État de prendre une part plus active dans la gestion de ces banques ?

Comme vous le savez, de nombreux Français sont dubitatifs, certains sont même choqués. Ils ne comprennent pas ce soutien aux banques, alors que celles-ci paraissent en partie responsables de la crise. Nous contribuons, pour notre part, au travail d'explication de l'utilité d'un tel soutien, mais ce travail bute sur votre refus de donner des instructions plus claires, de participer plus activement à la définition des orientations dans cette situation exceptionnelle. Je ne souhaite pas que l'État gère les banques ad vitam æternam, mais à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Le Président de la République, qui aime pourtant se classer parmi les pragmatiques, fait preuve, en la matière, d'idéologie plus que de pragmatisme en se focalisant sur la relance par l'investissement au détriment de la relance par la demande.

S'agissant de la relance par l'investissement, il est vrai que le projet de loi de finances rectificative constitue indéniablement un soutien à l'investissement, y compris public. Cette réhabilitation soudaine de l'investissement public est bienvenue. En tant qu'élu local, et comme nombre de mes collègues, je me félicite que l'on cesse de montrer du doigt les collectivités locales, comme vous le faisiez il y a quelques mois encore en leur reprochant de dépenser trop.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous précisiez même qu'elles dépensaient trop en investissement, et pas seulement en fonctionnement. En outre, il est trop facile de prétendre que leurs dépenses de fonctionnement seraient excessives, alors qu'elles assurent à la population un certain nombre de services que personne ne songe à supprimer.

Il y a encore quelques mois, lorsque nous débattions du déficit, vous essayiez de reporter sur les collectivités locales la responsabilité du creusement du déficit public, ce qui était passablement grotesque étant donné les obligations d'équilibre budgétaire qui leur incombent. Mais aujourd'hui, vous redécouvrez qu'elles assurent près de 75 % de l'investissement public. On peut s'en féliciter : enfin, les collectivités ne sont plus montrées du doigt quand elles investissent ; au contraire, on les encourage à le faire ! Pour ma part, je souhaite non seulement qu'on les encourage à investir, mais aussi qu'on leur en donne les moyens financiers grâce à des dotations de l'État, à des mesures fiscales – les annonces de suppression de la taxe professionnelle nous inquiètent grandement – ou encore à d'autres outils tels que les financements du type Caisse des dépôts et consignations. Ceux-ci ont montré leur efficacité depuis longtemps, souvent dans le cadre de l'économie mixte, économie que vous avez brocardée à tort pour la remplacer par des partenariats public-privé.

Au passage, je souligne qu'il y a dans ce projet de loi une mesure étonnante. Il y a encore quelques mois, on nous disait que le partenariat public-privé constituait une solution pour trouver des financements privés à des projets publics, et que c'était même la recette miracle pour externaliser la dette des collectivités locales ou de l'État. Or je constate que le risque des partenariats public-privé va dorénavant être couvert jusqu'à 80 % par l'État, ce qui montre les limites de l'exercice. C'est choquant, surtout quand on sait à qui sont régulièrement attribués les contrats de partenariat : le groupe Bouygues rafle les trois quarts des projets. Cela ne laisse pas d'étonner quand on connaît les relations amicales qu'entretient ce groupe avec le Président de la République. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mais revenons au soutien qu'est censé apporter ce projet de loi à l'investissement public. Vous nous parlez, monsieur le ministre, de 26 milliards d'euros, mais il n'y en aura que 18 pour l'année 2009, ce qui montre les limites dudit soutien. En fait, 15 milliards seulement correspondent à proprement parler à une impulsion budgétaire, les 11 milliards restants étant de simples mesures de trésorerie. Celles-ci peuvent avoir leur utilité, mais elles ne sont pas de même nature que des dépenses publiques. On ne peut pas tout mélanger, ni additionner des choux et des carottes comme l'a fait votre collègue, M. Devedjian, ministre de la relance.

J'ajoute que nous sommes pour le moins sceptiques sur l'efficacité de ces mesures à court terme. S'il y a tout de même un point d'accord entre nous, c'est sur le fait qu'un problème urgent appelle des mesures urgentes, dont l'efficacité soit aussi forte que possible dans les mois qui viennent – car nous n'en sommes plus à compter en années, mais en mois. Or les investissements dans des infrastructures n'ont pas d'effet à court terme. À cet égard, il ne faut pas, là aussi, tout mélanger : il y a des infrastructures utiles, et d'autres qui sont nettement plus contestables.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

On peut également s'interroger sur l'efficacité à court terme, pour l'économie française, des investissements militaires.

Monsieur Woerth, je vais répliquer par avance à un des arguments que vous exposez – quand vous daignez nous répondre – : il n'y aurait pas d'autre politique possible.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je n'ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Dans un précédent débat, vous m'avez répondu : « Depuis que je fais de la politique, j'entends dire qu'il y a une autre politique possible, alors que cela n'a jamais été vrai ; il n'y en n'a pas d'autre possible. » Tout d'abord, je vous répondrai qu'un tel discours n'est pas en phase avec celui du Président de la République, qui a toujours dit qu'il refusait le fatalisme de la pensée unique, l'idée qu'il n'y aurait qu'une seule politique possible et qu'on ne pourrait rien faire d'autre. Certes, ces derniers mois, le Président de la République semblait s'être coulé dans le moule de ses prédécesseurs et avoir abandonné le discours de la rupture. Un certain nombre de commentateurs l'ont d'ailleurs relevé en ce début d'année, moment où l'on fait à la fois des bilans et des voeux.

Mais je ne veux pas me contenter d'évoquer les autres politiques possibles en théorie, je vais les exposer concrètement. Vous déclarez, comme M. Chartier hier, que la relance par la demande ne marche pas, en rappelant que celle tentée en 1981 a été un échec. Je m'étonne d'un tel raisonnement : sommes-nous dans la même situation qu'en 1981 ? Il est assez grotesque d'user d'un tel argument. Je vous invite plutôt à discuter concrètement des autres politiques possibles en étudiant de façon comparative ce qui se fait, face à la même situation, dans le reste de l'Europe, voire dans des pays comparables, tels que les États-Unis d'Amérique.

Ainsi, l'Allemagne vient d'annoncer un plan de relance de 50 milliards d'euros. Elle a hésité, elle aussi, et ce d'autant plus qu'elle est dirigée par une coalition gauche-droite, ce qui oblige à trouver des compromis au sein même du gouvernement. Mais, maintenant, elle annonce, en plus de ce qui a déjà été réalisé, un plan de 50 milliards d'euros, fondé sur l'injection d'argent pour les ménages, avec notamment des réductions d'impôts. On voit donc bien que la relance par l'investissement n'est pas la seule politique possible.

La Grande-Bretagne a, elle aussi, annoncé des mesures importantes concernant la TVA. Le Président de la République affirme que si nous relancions par la demande, nous augmenterions la consommation de produits importés, ce qui ne profiterait qu'aux autres économies. Il ajoute que nous voulons défendre notre industrie, contrairement à d'autres pays, comme la Grande-Bretagne, qui ne l'ont pas fait. Mais il trouve normal que ce pays fasse une relance par la demande… C'est un discours étonnant, que l'on a du mal à comprendre, car si le risque de faire appel à des produits importés existait, il serait encore plus élevé en Grande-Bretagne qu'en France.

Aux États-Unis d'Amérique, le nouveau président élu n'est pas encore en fonction, mais il a déjà annoncé de fortes mesures, estimées à 700 milliards de dollars. Par rapport à la relance française, l'échelle est tout autre, puisque ce plan représente environ 4 % du produit intérieur brut alors que, chez nous, la relance se limiterait à 1,3 % – voire, selon certains économistes, à 0,7 % environ. C'est, en tout état de cause, en dessous des 2 % préconisés par le directeur du Fonds monétaire international, personnalité dont on peut penser qu'elle connaît l'économie française puisqu'elle en a eu la charge pendant quelque temps. Le Président de la République répète sans cesse que les déficits publics s'accumulent depuis trente ans, et que tous les gouvernements en sont responsables. Mais je tiens à rappeler, et ce d'autant plus sereinement que je n'étais pas élu à cette époque, qu'entre 1997 et 2002, notamment lorsque Dominique Strauss-Kahn était ministre de l'économie et des finances, il y a eu une relance, y compris par une baisse d'un point de la TVA, alors que celle-ci avait été augmentée précédemment. Cela a donné des résultats en termes économiques puisque la croissance était beaucoup plus forte qu'aujourd'hui, mais aussi en termes budgétaires, avec un désendettement et une réduction des déficits, contrairement à ce qui est régulièrement affirmé par vous-même ou par le Président de la République. Il est donc faux de dire que la situation a évolué de la même façon que les autres fois, comme s'il y avait une espèce de fatalité depuis trente ans.

J'ai évoqué le tâtonnement du Gouvernement, qui donne l'impression d'être dans le brouillard et d'obéir surtout à des réflexes idéologiques. Votre discours sur la relance par la demande est étonnant : d'un côté, vous dites qu'une telle relance ne serait pas pertinente et qu'il ne faut pas la faire ; de l'autre, vous affirmez que vous la faites tout de même, par exemple en soutenant l'emploi. Mais vous êtes bien obligé de constater avec moi, même si vous n'en êtes pas directement responsables, que l'emploi continue de se dégrader fortement dans notre pays et qu'il n'y aura pas d'amélioration à court terme. Les investissements publics sur les infrastructures n'auront d'effet, au mieux, que dans deux ou trois ans.

Certes, vous évoquez la relance grâce au revenu de solidarité active puisque les futurs bénéficiaires du RSA recevront une prime de 200 euros. Nous n'allons pas contester cette mesure. Cette prime exceptionnelle de 200 euros ne sera pas de trop pour les bénéficiaires du RSA. Mais vous reconnaîtrez avec moi que cela concerne bien peu de monde ! Je vous pose la question : que faites-vous des classes moyennes ? Les auriez-vous oubliées ? Cela ne me surprendrait pas car, comme je le dis dans toutes mes interventions, c'est une constante depuis juin 2007. Depuis le paquet fiscal jusqu'au plan de relance d'aujourd'hui, elles ont été systématiquement oubliées par votre gouvernement, alors même qu'elles sont les plus nombreuses. Mais peut-être est-ce justement la raison : vous ne voudriez pas prendre des mesures qui toucheraient le plus grand nombre. Vous les oubliez, sauf quand il s'agit de les taxer puisque vous avez créé des contributions nouvelles qui les frappent.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Contestez-vous cet état de fait, monsieur Tardy ? Dois-je vous rappeler les franchises médicales et la cotisation supplémentaire sur les mutuelles ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Alors que les gens en viennent, comme les responsables de la Mutualité française en font état, à résilier leur contrat avec des mutuelles, vous avez choisi d'augmenter les tarifs des mutuelles en les taxant. Les députés de la majorité – pas tous, je crois même que le rapporteur général ne l'a pas fait – viennent de voter la loi sur l'audiovisuel, qui prévoit une taxe supplémentaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Appelons les choses par leur nom : il s'agit bien d'une taxe supplémentaire sur les factures de téléphone et d'Internet. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Et avant, la redevance augmentait de combien chaque année ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ce sont des factures que tout le monde paye. Les classes moyennes, qui sont de plus en plus taxées, savent bien de quoi nous parlons. Elles le ressentent clairement parce que c'est la réalité. Quant au mode de financement du RSA, je ne m'y étendrai pas, mais je suis prêt à y revenir si nécessaire : j'ai toujours dit que le RSA était une très bonne mesure, mais que son mode de financement était un scandale.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Vous avez dit le contraire il y a deux minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Créer un nouveau prélèvement sur la petite épargne, sur l'épargne populaire, en exonérant de cette contribution ceux qui bénéficient du bouclier fiscal, c'est vraiment la pire des choses.

Je sais que vous allez nous dire, monsieur le ministre, si vous daignez nous répondre : « Vous ne proposez rien ».

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Mais n'est-il pas déjà bien beau de critiquer, de soulever les problèmes et de relever les contradictions !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

N'allez pas si vite en besogne : nous avons des propositions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Même si nous n'avons pas à notre disposition l'infrastructure gouvernementale et tous les services de Bercy pour élaborer des plans de relance, nous avons tout de même des idées, fort heureusement !

En matière d'investissement public, par exemple, la problématique semble assez simple : priorité devrait être donnée aux projets des collectivités locales. Au cours des deux dernières années – et y compris lors de la préparation du budget 2009 des collectivités locales qui ne l'ont pas encore voté –, nous avons tous pu constater l'existence de reports, voire d'annulations de projets qui étaient sur le point d'être lancés. Faute de financement, les élus locaux préfèrent reporter leurs investissements et même renoncer à certains d'entre eux. Accordons-leur des moyens !

Si quelques projets – notamment des lignes ferroviaires dans mon département – sont financés, beaucoup d'autres ne le sont pas alors qu'ils permettraient de respecter les principes du Grenelle de l'environnement grâce au développement des transports en commun urbains en site propre. Certains de ces investissements – lignes de tramways, aménagements de couloirs de bus – pourraient être engagés très rapidement, car les entreprises sont désormais en mesure de répondre très vite aux appels d'offre. Leur impact sur l'économie française serait donc plus rapide que bien d'autres projets comme la construction de nouvelles lignes TGV qui, soyons honnêtes, n'aura pas d'effet immédiat. Ce serait mentir que d'affirmer le contraire.

Même constat s'agissant du déblocage du foncier prévu dans le projet de loi : la mesure permettra de réaliser les projets un peu plus rapidement…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…mais elle n'injectera pas dans l'économie l'argent qui manque aux collectivités et aux groupes privés pour acquérir les terrains et réaliser les infrastructures.

Pour le secteur du bâtiment, nous prônons la multiplication des petits chantiers plutôt que la concentration des efforts sur quelques grands projets emblématiques. Annoncer la construction de quatre lignes TGV en même temps fait sans doute plaisir. Mais à l'heure du bilan, dans quelques années, qu'en restera-t-il ? On sera sans doute passé à autre chose, comme il est habituel avec le Président de la République actuel. Il serait plus utile de financer une multitude de petits chantiers, axés, par exemple, sur l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments, pour s'inscrire dans l'esprit du Grenelle de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Le projet de loi n'aborde cette question qu'en quelques lignes et ne prévoit d'y consacrer que quelques dizaines de millions d'euros, sur un plan de relance de 26 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Quelques milliards sont tout de même accordés à l'ANRU !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

À mon sens, on aurait dû accorder la priorité à ces projets. Hier, notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec a cité le prêt pass-travaux, mesure concrète dont les habitants de ma circonscription me parlent, et qui peut avoir un effet de levier. Or vous avez décidé de supprimer ce coup de pouce aux ménages qui font des travaux dans leur logement. Évidemment, il ne s'agit pas de financer la totalité des travaux, mais une partie, et d'enclencher ainsi un effet de levier sur l'économie, à un moment où les entreprises du bâtiment sont capables de répondre rapidement à la demande, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques mois. Donnons aux ménages la possibilité d'entreprendre tous ces petits travaux.

Nous avons été étonnés, pour ne pas dire choqués, que le Président de la République, lors de ses voeux aux parlementaires hier à l'Élysée, n'ait pas eu un mot sur les défis écologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Dans ses voeux à la nation, le 31 décembre au soir, il n'en avait pas parlé non plus. Je m'étonne au passage de l'absence de M. Borloo et Mme Kosciusko-Morizet au banc des ministres, pour la discussion de ce plan de relance.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ils devraient être là, d'autant que M. Borloo, il y a quelques semaines, discourait sur notre capacité à développer très rapidement – s'il y avait eu l'argent pour les financer – des chantiers environnementaux, d'efficacité écologique et énergétique. Et aujourd'hui, on est prêt à débloquer des moyens, à laisser filer le déficit, mais on n'engage pas ces chantiers ! Fusionnez plutôt le plan de relance et le Grenelle de l'environnement en un New Green Deal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Las, on ne trouve pas un mot sur le sujet dans les propos de M. Sarkozy !

S'agissant de la prime à la casse pour les voitures, je ne vais pas critiquer une mesure qui permet de renouveler le parc automobile français…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…et qui donnera peut-être un peu d'air aux constructeurs automobiles français ainsi qu'aux équipementiers et sous-traitants qui travaillent pour eux. Mais quand le Président de la République tape du poing sur la table et assure qu'en échange de ce soutien les constructeurs ne devront plus délocaliser, il se moque un peu du monde. S'il était honnête, il reconnaîtrait que les constructeurs automobiles ont déjà beaucoup délocalisé, notamment la fabrication des petits modèles qui se vendent énormément grâce à cette prime à la casse. Même s'ils sont de marque française, ces petits modèles sont fabriqués à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

On me rétorquera que la mesure peut profiter aux sous-traitants, aux fabricants de composants. En fait, les constructeurs automobiles ont incité – pour ne pas dire plus – leurs sous-traitants à délocaliser. Nous avons tous des exemples dans nos circonscriptions. Dans mon département, où cette industrie n'est pas particulièrement présente, une grande entreprise sous-traitante de l'automobile va poursuivre le plan de délocalisation annoncé il y a quelques mois. Hélas, certaines entreprises se servent de la crise comme d'un faux prétexte pour réduire leurs effectifs et leurs activités.

Enfin, je voudrais revenir sur le plan TEPA, ensemble de mesures totalement à contre-courant de celles qu'il aurait fallu prendre, comme je l'avais démontré avant les vacances de Noël. Il y a de quoi être choqué lorsqu'on entend le Président de la République se féliciter de l'adoption du paquet fiscal. C'est tout juste s'il n'a pas essayé de nous faire croire qu'il avait anticipé la crise et créé le paquet fiscal pour l'enrayer ! Au passage, il explique que cette mesure soutient la demande, alors qu'elle n'a favorisé les revenus que de quelques-uns, très peu nombreux et déjà très fortement dotés en la matière.

Franchement, regardez ce qui se fait dans d'autres pays européens et, si vous ne voulez pas abroger ces mesures, ayez au moins le courage de les suspendre. Suspendez, en tout premier lieu, le bouclier fiscal qui est d'une injustice colossale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) D'ailleurs, je constate que la gauche et l'opposition ne sont pas les seules à soutenir ce point de vue : dans Les Échos du mardi 6 janvier, M. Arthuis…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Il faudrait donc rétablir les droits de successions pour les veuves ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

J'aimerais tout de même citer M. Arthuis, homme raisonnable qui appartient à votre majorité. Dans cet entretien, il estime qu'il faudrait certes suspendre le bouclier fiscal qui est particulièrement injuste, mais qu'il faudrait aussi suspendre les mesures sur le logement pour réorienter les fonds publics vers le logement social plutôt que d'entretenir cette chimère qu'est devenue l'accession à la propriété (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) compte tenu des difficultés d'accès au crédit et du manque de solvabilité des ménages.

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous répondiez au moins à cette question de la relance pour les ménages. D'autres collègues ont déjà présenté notre proposition, très simple, de doublement de la prime pour l'emploi, mesure onéreuse – quatre milliards d'euros – mais exceptionnelle, et pas forcément reconductible. Elle constituerait un signal très fort : pour les ménages mais aussi pour l'économie tout entière.

Hélas, vous refusez ces mesures pour des raisons idéologiques. C'est pourquoi j'invite l'Assemblée à voter cette motion de renvoi en commission, dont l'adoption nous permettrait d'enrichir utilement le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Nous avons déjà longuement débattu de ce plan de relance hier après-midi, mais je voudrais revenir sur la nécessité du renvoi en commission.

Première raison : la faiblesse des effets attendus de ce plan de relance, abondamment reconnue par les experts. L'effort effectif – et non l'affichage de 26 milliards d'euros – devrait être multiplié par deux ou trois, pour atteindre un niveau comparable à celui de l'effort consenti dans d'autres pays.

Deuxième raison : ce plan est inadapté car il est largement insuffisant en matière d'investissement – notamment public – et n'aborde pratiquement pas la question de la consommation.

Troisième raison : nous nous heurtons à un refus assez inquiétant de tirer la leçon essentielle de cette crise, c'est-à-dire de réorienter les richesses créées vers le travail et sa rémunération, vers ce qui concourt au développement des capacités humaines, au lieu de ne s'attacher qu'à la rémunération du capital et à sa liberté de circulation totale. Selon Patrick Artus, le flot d'argent qui alimente toujours plus la spéculation résulte de cette pression inadmissible sur les salaires, que vous appelez les coûts sociaux, et conduit à la situation actuelle. Dans ce plan, rien n'est prévu pour empêcher la création de nouvelles bulles financières, rien n'entrave la soif de rendement qui entraîne la planète finance – et nous avec – vers la catastrophe.

Vous agissez dans l'urgence, me direz-vous. Soit, mais la crise impose une modification des choix économiques et sociaux ; un plan d'urgence qui n'intégrerait pas cette nécessité tomberait totalement à plat.

Le retour en commission – qui ne demanderait pas forcément beaucoup de temps – est indispensable pour orienter davantage les richesses créées vers les capacités humaines et la rémunération du travail, et ne plus privilégier une concurrence irresponsable et des rendements financiers exorbitants. Nous voterons donc cette motion de renvoi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission et je voudrais, sans revenir sur le FSI dont j'ai longuement parlé hier, recommander à mes collègues de la majorité de faire preuve de plus de modestie : personne ne sait comment sortir de la crise, comment relancer la machine. L'opposition – inspirée par la pensée keynésienne – réclame un plan équilibré, mixant relance de l'investissement – l'offre – et relance de la consommation – la demande. Comme l'a expliqué le président de la commission des finances dans une récente tribune, le dispositif ne doit pas être unijambiste. Vous avez écarté la relance par la demande quoi qu'ait pu en dire M. Devedjian dans son intervention d'hier.

On ne peut pas se cantonner au RSA.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Ce n'est pas ce que je dis : je dis que ce n'est pas suffisant pour relancer la consommation. Bien des catégories de Français ont besoin de la solidarité, à commencer par les exclus du monde du travail que nous devons remettre dans le circuit. Il n'en demeure pas moins que les smicards français, que les familles qui vivent avec une fois ou une fois et demie le SMIC sont dans l'incapacité de supporter les augmentations du prix de l'énergie ou des loyers. Pour eux, la crise est bien réelle, et ce n'est pas parce que nous sommes dans l'hémicycle que nous devons oublier ce que nous constatons dans nos circonscriptions : la machine est totalement grippée et les circuits traditionnels de distribution sont en train de s'écrouler.

Essayez donc d'être cohérents et d'avoir un plan qui marche sur ses deux jambes : même si le premier pas est celui de l'investissement, la relance par la demande doit suivre. Notre collègue François de Rugy vient de soulever cette question : elle ne mérite pas d'être balayée d'un revers de main, mais devrait faire l'objet d'un débat enrichissant.

Je voudrais mettre l'accent sur le plan d'investissement, puisque c'est tout ce qui reste. Depuis quinze ans, je copréside avec Adrien Zeller l'Institut de la décentralisation, qui est transpartisan et dont mon collègue Piron est le trésorier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Tous ceux qui y siègent, même les maires UMP des grandes villes, s'interrogent sur le plan de relance par l'investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

On sait bien qu'il faut parfois attendre très longtemps avant que les effets d'un investissement se fassent sentir. Dans le cas de certains grands travaux, on ne peut pas les constater au bout de six mois. Certes, à terme, c'est une bonne chose, mais il est faux de prétendre qu'on va, ainsi, relancer la machine immédiatement.

D'autre part, monsieur le ministre du budget, au moment du débat sur la loi de finances, j'avais, au nom de mon groupe, soutenu la question préalable en expliquant que le financement des collectivités locales est procyclique. Pour l'heure, les dotations aux collectivités se resserrent : si l'on retire le FCTVA de l'enveloppe normée – ce qui, à mon sens, est la seule manière raisonnable de procéder –, elles n'augmentent plus que de 0,8 %. À l'époque, vous aviez rejeté nos observations ; or, grâce à une petite astuce du dispositif qui a été annoncé fin décembre et que nous examinons début janvier, nous aurions droit à un second Fonds de compensation de la TVA. Ainsi, au lieu d'être à n – 2, on pourra, dans certaines conditions, être à n – 1. N'est-ce pas reconnaître que vous vous étiez trompés dans la loi de finances initiale ? N'essayez-vous pas de vous rattraper ici ?

Cependant, dans le cadre du plan de relance, vous demandez aux collectivités, sans les avoir consultées, d'apporter la moitié des sommes. Comme d'habitude, tout est décrété d'en haut. Je ne suis pas sûr que la méthode soit bien choisie pour avancer rapidement. Si vous continuez d'égorger financièrement les collectivités, si votre méthodologie consiste à décréter et à ne pas les associer à la décision, alors qu'elles représentent plus de 72 % de l'investissement public, cela n'a aucun sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Voilà pourquoi le groupe socialiste considère qu'il vaudrait mieux remettre ce texte sur de meilleurs rails et voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Mme la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP est défavorable au renvoi en commission, car le texte qui nous est proposé est utile.

Pour autant, le travail de la commission est-il épuisé ? Non, sans doute. Nous avons entendu, depuis le début de la matinée, des choses intéressantes. Notre collègue François de Rugy insiste sur l'ampleur des causes originales et sur la nécessité d'être attentif à la question financière : les initiatives prises en matière de politique économique ne doivent pas nous détourner de la recherche des solutions au problème initial, qui est la crise financière. Les travaux de la commission des finances doivent donc se poursuivre et elle doit être attentive à l'évolution de la situation financière de l'État. Les responsables de l'Agence France Trésor doivent venir expliquer devant la commission les modalités actuelles de suivi de la dette de l'État. Je trouve d'ailleurs sain que nos collègues allemands, au moment où ils s'apprêtent à donner une ampleur supplémentaire à leur plan de relance, ne renoncent pas à un suivi très attentif du niveau de dette de l'État.

Nous ne devons pas non plus relâcher notre vigilance, car il nous faut mesurer toujours le niveau de dépense, nous assurer que les mesures que nous prenons sont réversibles et garder présent à l'esprit, comme l'a rappelé hier le ministre des comptes publics, le fait qu'il faudra, une fois la crise résolue ou atténuée, revenir à une sage gestion des comptes publics. C'est indispensable à la durée de notre gestion ; c'est tout aussi indispensable si nous voulons être capables de faire face à une nouvelle crise. Si nous ne sommes pas assez sages, si nous ne sommes pas comptables de nos actes, comment pourrons-nous, après-demain, affronter la crise suivante ?

Les mesures de politique économique qui nous sont proposées sont bonnes. Le recours à l'investissement public constitue une bonne approche. Toutefois, je suis de ceux qui pensent qu'il vaut mieux multiplier les petites opérations que les très grandes : par exemple, l'accélération du programme de mise aux normes d'accessibilité des gares pour les handicapés aura un impact beaucoup plus rapide que le lancement de nouvelles dessertes TGV, car, comme le disent les responsables du système ferroviaire, il ne suffit pas de claquer des doigts pour construire des lignes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Quand le Gouvernement dépense un peu plus et accélère les décisions publiques, quand des initiatives sont prises en matière de trésorerie pour les collectivités locales comme pour les entreprises, on ne peut que saluer ces très bonnes décisions.

Faut-il aller au-delà ? Nous l'avons dit en commission à la fin du mois de décembre, Éric Woerth et Patrick Devedjian l'ont redit ces jours-ci, nous avons un bon plan de relance, qu'il faudra constamment ajuster et améliorer – mais pas nécessairement avec un plan de relance numéro 2 ou 3, ni avec la mise en cause que constituerait un renvoi en commission, car ce ne serait pas de bonne politique. Il faut à la fois être sage et modeste, et procéder à des ajustements constants.

Le rapporteur général a lancé le débat sur le bon équilibre entre politique de l'offre et politique de la demande, car l'opposition n'est pas la seule à se poser ces questions. Les mesures en faveur de l'offre, utiles aux entreprises et à l'emploi, ont aussi un impact sur la demande. Mais nous ne sommes pas des monomaniaques de l'offre, et il faut envisager les deux possibilités. Soyons simplement attentifs, au moment des ajustements, à ce que les mesures que nous prendrons soient les plus efficaces, les moins contraignantes pour l'avenir, et interrogeons-nous constamment sur le ciblage du dispositif : quels sont les comportements économiques, quel est le public que nous visons ? De qui voulons-nous accélérer la décision ? comment ? Pour faire quoi ? Nous devons constamment avoir ces questions en tête.

Le plan de relance et le projet de loi de finances rectificative sont bons. Il nous faudra être capables de procéder à des ajustements, en restant toujours, même dans une époque d'initiatives, comptables de l'engagement public, notamment au sein du Fonds stratégique d'investissement. Notre collègue Balligand a eu raison d'insister sur la crédibilité de la Caisse des dépôts, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire : simplement, il faut agir avec attention et finesse. Nous ne renonçons pas à suivre la manière dont le plan sera mis en oeuvre, ni à l'enrichir – non pas nécessairement en dépensant plus, mais en dépensant mieux, en faisant tout notre possible pour sortir de la crise dans les meilleures conditions, en n'insultant ni le présent ni l'avenir. Ne renvoyons pas le texte en commission, laissons celle-ci poursuivre son travail pour l'améliorer, rendre compte et préparer l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement, sur le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, mon intervention, qui concerne le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, s'adresse, pour l'essentiel, à M. Devedjian, mais l'intérêt que celui-ci porte au texte qu'il doit défendre est à l'image de son assiduité dans l'hémicycle ce matin. Peut-être son absence est-elle un aveu, car il faut bien reconnaître qu'il n'y a pas grand-chose dans ce texte. En tout cas, je ne doute pas que M. Woerth lui répétera mes propos et qu'il y sera attentif.

Nous abordons ce débat avec la volonté d'être utiles et efficaces. Pour une fois, nous ne contesterons pas la nécessité de traiter la question de la relance dans l'urgence, car nous avons le sentiment que, jusqu'à présent, l'ampleur des difficultés présentes et à venir a été sous-estimée : des licenciements par dizaines de milliers, semaine après semaine, des carnets de commandes sans perspective, une spirale du doute, de l'angoisse, et la précarité qui s'installe, durablement, pour un grand nombre de nos concitoyens.

Pour une fois, ce n'est ni la question idéologique du travail du dimanche qui vous occupe, ni votre obsession de porter atteinte à la démocratie, en verrouillant l'audiovisuel public, en annihilant le droit d'amendement des parlementaires ou en « rebidouillant » les cartes électorales à votre main. Pour une fois, il ne s'agit pas de supprimer des droits aux salariés ou de stigmatiser les chômeurs. Pour une fois, le sujet d'une accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés mérite d'être traité.

Mais il aura tout de même fallu à M. Devedjian beaucoup d'imagination pour improviser, en deux jours – le temps séparant sa nomination des annonces qui ont suivi –, un texte de loi de plusieurs articles, quasiment vide, inopérant, mais pas forcément innocent.

Certes, une loi d'accélération est faite pour autoriser les excès de vitesse, mais pas tous les excès. Or, à ce sujet, nous avons quelques doutes. Ils ne naissent pas seulement lorsque nous constatons que ce texte ne contient aucune mesure pour encourager la croissance écologique, contrairement au texte – que nous avons voté – sur le Grenelle de l'environnement, et qu'il propose même des dispositions contredisant, annulant, prenant à rebrousse-poil l'esprit et la lettre du Grenelle.

Ces doutes nous viennent à l'esprit lorsque nous voyons que ce texte est un peu la voiture-balai de la fameuse RGPP – la révision générale des politiques publiques chère à M. Woerth –, destructrice des services publics, parce qu'elle acte la suppression de dizaines de milliers de postes de fonctionnaires, dans l'éducation, la santé, la sécurité, mais aussi dans la capacité de conseil et de contrôle des services de l'État en matière de protection de l'environnement et des populations.

Dans ce projet, la révision des politiques publiques a pour conséquence la baisse des effectifs de fonctionnaires pour l'assistance, la prévention et le contrôle des installations classées ou des sites protégés. Comme vous avez supprimé les moyens d'instruire et de contrôler, vous supprimez la prescription. Autrement dit, vous enlevez les radars, parce que vous n'avez plus les moyens de contrôler les excès de vitesse.

Si nous convenons, avec vous, qu'il est bon de mettre l'accent sur le bâtiment, sur l'industrie et sur les infrastructures, encore faut-il que les intentions se traduisent par de véritables propositions.

Ne faisons pas la fine bouche : la mobilisation de toutes les initiatives, l'addition de toutes les bonnes volontés et la compilation des moyens sont parmi les clefs du succès de la relance qui permettra d'inverser le cycle actuel. Mais, si les thèmes sont judicieux, les mesures n'y sont pas. Rien, par exemple, sur la question énergétique pourtant vitale pour nos industriels confrontés à la concurrence mondiale. Rien non plus pour soutenir et encourager l'investissement, sauf quelques mesures homéopathiques et ponctuelles de facilitation de trésorerie. Rien, enfin, pour faciliter la vie de ceux qui entreprennent, produisent de la richesse et créent de l'emploi – il va de soi que je ne fais pas référence aux banques.

Où est le guichet unique, qui permettrait à l'entrepreneur de recueillir auprès d'un seul interlocuteur les réponses à toutes les demandes d'autorisations et d'agréments nécessaires au développement de son activité ? Où sont les obligations de respecter les délais de réponse sans les cumuler dans la durée lorsqu'il s'agit de résoudre des questions de risques industriels, de préservation de l'environnement ou de contraintes d'urbanisme ? Quid de la réactivité d'un organisme comme OSEO, qui se comporte comme n'importe quel banquier, et formule des réponses dilatoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je ne manquerai pas de vous fournir des exemples concrets au cours du débat si vous le souhaitez, cher collègue.

Avant de gravir un sommet en montagne, monsieur le ministre – la remarque vaut aussi pour vos collègues, comme M. Devedjian – vous savez réussir votre communication lors du point de presse au camp de base, mais si vous n'entreprenez l'ascension qu'avec des baskets ou des chaussures de ville, vous risquez de ne pas arriver très haut.

L'école des Hauts-de-Seine, chère à M. Devedjian, est une très bonne école de communication, une marque de fabrique à laquelle vous n'échappez pas. La tactique est désormais éprouvée : avant même de commencer à gravir la pente annoncée, vous organisez un point de presse pour parler du sommet suivant, et le tour est joué – et la promesse précédente oubliée. En conservant toujours une ambition d'avance, vous faites croire que l'ambition précédente est accomplie. À mon sens, cette tactique ne peut durer éternellement. Aujourd'hui, la crise a bon dos : vous savez bien que votre gouvernement porte de lourdes responsabilités en la matière. Il suffit de mesurer l'accroissement du déficit qui, hors les six maigres milliards que vous consentez à mettre sur la table, est comparable au montant des cadeaux fiscaux distribués il y a un an, lors du fameux « paquet fiscal ».

Permettez-nous de douter, et même de vous faire quelques procès d'intention. Vous nous donneriez tort en acceptant de revoir votre copie – ce qui est précisément l'objet de cette motion de renvoi en commission. Filons la métaphore de l'excès de vitesse, désormais impuni. Avec la réforme des installations classées, certains n'auront plus besoin de passer le permis de conduire avant de se lancer sur la route. D'autres, grâce à la simplification des règles d'urbanisation, pourront rouler sur les platebandes sans être inquiétés par les riverains. Quelques-uns profiteront de la possibilité que vous leur offrez de céder des créances jusqu'à plus soif, histoire de dégager la responsabilité du maître d'oeuvre et de fragiliser davantage les collectivités locales, pour rouler dans une voiture qui ne leur appartient pas tout en faisant porter la responsabilité de l'accident de circulation au propriétaire du véhicule. D'autres encore, grâce à la suppression au bénéfice de l'État du droit de préemption communal, pourront se garer tranquillement chez les autres, sans vergogne ni autorisation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Enfin, madame la rapporteure, certains, grâce à un amendement à venir qui portera un coup de boutoir à l'archéologie préventive, pourront s'engager sans encombre sur les routes barrées pour cause de chantier de fouilles archéologiques. Et, en guise de bouquet final, avec le mandat que vous aurez, une fois ce texte voté, pour légiférer par ordonnances sur le code des marchés publics ou celui de la commande publique, vous aurez inventé la conduite des affaires non accompagnée par le législateur – une gestion en roue libre, en quelque sorte.

Ce texte confirme donc que certains passagers pourront désormais voyager sans billet en première classe – disons même en classe affaires – alors que d'autres seront contraints de faire de l'auto-stop. Ainsi, personne n'aura plus de comptes à rendre !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous sommes favorables au raccourcissement de certains délais, à la simplification et à la globalisation des procédures, de sorte que les délais ne se cumulent plus et cessent de s'égrener sans fin comme un chapelet de contraintes. En revanche, nous réprouvons le fait du prince, la fin de la transparence, le manque de consultation des citoyens et l'absence de choix pour les élus locaux. Or, votre texte en porte les germes et, ce faisant, aggrave ces inquiétudes. La crise ne doit pas servir de prétexte pour instaurer l'opacité et le copinage à tous les étages.

J'en viens au détail du texte, qui ressemble davantage à un patchwork fait maison qu'au plan de relance massif et immédiat que nous attendions. Tout se passe comme si, face à la crise la plus grave que nous aurons traversée depuis plusieurs décennies, vous choisissiez l'illusion la plus complète. Vous prétendez que ce plan est l'un des éléments d'une séquence. En l'occurrence, il s'agit de la « séquence du jeune spectateur », celui qui croit encore au marchand de sable, au père Noël ou même à Nicolas et Pimprenelle… (Sourires.)

À cet égard, je recommande vivement à notre nouveau ministre de la relance d'abandonner la loupe pour les verres de contact, comme le président de la commission des finances l'y a déjà invité hier. Certainement grisé par sa nomination express, il a plusieurs fois évoqué l'hypothèse selon laquelle son plan de relance, estimé à 26 milliards, entraînerait un effet de levier de l'ordre de trois pour aboutir à « un impact de 100 milliards sur les deux ans ». Trois fois vingt-six feraient donc cent ? Voilà une bien troublante équation, qui illustre peut-être de graves lacunes arithmétiques, à moins qu'il ne s'agisse d'anticiper un plan de relance à venir, ce que je crois plus probable.

Je n'aurai pas l'outrecuidance de rappeler à M. Devedjian, où qu'il soit, les additions alambiquées qu'il déclamait ici même, devant la France entière : selon lui, 428 milliards – excusez du peu – seraient affectés à notre économie par l'ensemble de ses plans de relance successifs, soit une somme comparable au plan Paulson, plus de deux fois supérieure au plan européen et égale au plan de relance de la Chine. Quand celle-ci consacre 7 % de son PIB à sa relance, vous y consacreriez plus de 22 % du nôtre, si vos chiffres étaient exacts. Bravo : joli coup de baguette magique qui transforme les « caisses vides » en tiroirs-caisses pléthoriques, d'où l'intérêt de convoquer une fois de plus Nicolas et Pimprenelle !

Le mal semble contagieux, et je dois moi-même être atteint de cécité subite car je vois davantage de choses en dehors du texte que dans le texte même, tandis que, de votre côté, vous voyez triple.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Au contraire : c'est vous qui serez un jour condamnés pour cela ! Je crains en effet que le contenu de ce texte ne soit d'une indigence inversement proportionnelle à l'ampleur des enjeux. Voici sept malheureux articles échoués d'on ne sait où, à peine rehaussés par leurs titres optimistes – pure communication. En fait d'échouage, mieux vaudrait parler de naufrage pour l'article 7, déjà voté dans un autre texte et qui, nous vous l'avions dit en commission, n'a pas sa place au milieu de ce « nulle part » législatif.

« Faciliter la construction de logements » : voilà une grande ambition. Comment vous y prenez-vous pour répondre à cet incontestable besoin ? L'article 1er prévoit une réforme ambitieuse consistant à simplifier les règles de construction en limite séparative dans nos villes. Je découvre qu'un socle entier du problème de l'insuffisance de la construction de logements en France ne dépend que de la résolution urgente de ce problème fondamental ! Pourtant, parmi les centaines de milliers de questions écrites posées par les parlementaires au cours de la présente législature ainsi que de la précédente – soit une période de sept ans –, pas une seule ne l'a soulevé ni n'a eu pour objet une demande d'assouplissement en la matière. Aussi, permettez-nous d'exprimer ici notre perplexité : pourquoi supprimer, jusqu'à la fin 2010 seulement, les enquêtes publiques normalement requises lors de la modification des PLU ? En effet, si vous permettez de modifier, sans enquête publique, les règles relatives à l'alignement – c'est là le coeur de l'article 1er – et donc aux limites séparatives, vous n'évoquez ni les règles de prospect et de vue, ni les adaptations nécessaires afin d'assurer, dans ce cadre dérogatoire, le plein respect du droit des tiers. C'est un véritable nid à contentieux !

Le projet de loi de Mme Boutin, reporté sine die, ou peut-être à un mois de janvier indéfini, prévoit déjà la possibilité d'augmenter le coefficient d'occupation des sols, le dépassement des règles de gabarit, la hauteur et l'emprise au sol de 20 % : voilà qui semble bien plus efficace pour augmenter les surfaces d'habitation là où le besoin de logements se fait le plus sentir. Dès lors, pourquoi, dans un plan de relance prétendument ambitieux, aborder le sujet par un angle aussi étriqué ? S'agirait-il d'un angle mort qui cacherait un cadavre dans un quelconque placard ? Quels problèmes particuliers cherchez-vous ainsi à régler au détour de cette réformette qui n'annonce rien de transcendant et qui, de surcroît, est irréfléchie quant à ses effets connexes ?

À l'article 2, vous entendez supprimer au profit de l'État le droit de priorité et le droit de préemption urbain communaux dans les opérations d'intérêt national. Chacun aura compris qu'il s'agit là de laisser à l'État les mains libres pour réaliser les grands travaux dont la nation a besoin. Sur le principe, pourquoi pas, mais quelles seront les opérations qui concerneront le logement ?

Le droit de priorité communal sur l'achat de biens immobiliers cédés par l'État ou par ses établissements publics permet aux communes de les acquérir en priorité afin de réaliser des logements. En effet, les communes ou les établissements publics qui exercent ce droit de priorité pour construire des logements locatifs sociaux ou des hébergements temporaires ou d'urgence peuvent bénéficier de la décote prévue par la loi de programmation pour la cohésion sociale – un avantage financier non négligeable, puisque cette décote peut atteindre 35 % du prix de vente.

Aujourd'hui, vous vous apprêtez à étendre la non-application de ce droit de priorité, surtout utilisé par les communes pour réaliser du logement social, aux opérations d'intérêt national qui ne visent pas exclusivement la réalisation de logements. Ainsi, vous ôtez aux communes un précieux levier afin d'acquérir, dans les zones d'opération d'intérêt national, des biens immobiliers à un prix intéressant pour faire du logement social.

En outre, rien n'indique que les futures cessions de biens de l'État dans ces zones bénéficieront à la construction de logements, au contraire. Dès lors, grâce au tour de passe-passe que vous jouez avec ce texte, l'État pourra vendre plus cher et sans décote ses biens immobiliers pour faire autre chose que du logement social. Aussi faudra-t-il nous expliquer en quoi cette réforme permettra de libérer plus rapidement les « biens vidés par l'État dans les périmètres d'opération d'intérêt national », comme l'a indiqué M. Devedjian à la commission. L'objectif du Gouvernement n'est-il pas plutôt d'écarter les communes « indélicates » qui voudraient faire du logement social là où l'État voudrait voir des bureaux ?

De même, vous proposez de supprimer le droit de préemption urbain des communes, dans ces mêmes zones d'opération d'intérêt général, alors que cette exception, comme pour le droit de priorité, ne s'appliquait auparavant qu'aux seules zones où l'État comptait réaliser des logements. Cette fois, néanmoins, les terrains de l'État ne sont pas seuls concernés. La logique à l'oeuvre est claire : dans les zones d'opération d'intérêt national, les biens immobiliers mis sur le marché, qu'ils appartiennent à l'État ou non, doivent pouvoir être librement affectés à autre chose qu'au logement. Vous êtes démasqués !

Une nouvelle fois, vous prouvez que la construction massive de logements n'est pas votre priorité : le budget que l'État y consacre est réduit d'année en année, y compris dans la loi de finances pour 2009. Même les dernières annonces du Président de la République n'arrivent pas à la cheville des objectifs du plan de cohésion sociale de 2005 en matière de logement social – qui étaient pourtant déjà insuffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je comprends que cela vous agace, madame la rapporteure. Si cette réforme subite et à l'évidence mal placée dans votre projet de loi doit justifier autre chose, il vous reste à nous l'expliquer clairement, ce que vous aurez sans doute le temps de faire au cours du débat. S'agit-il d'avaliser la première étape vers la construction de nouvelles villes nouvelles, comme le rêve M. Attali ? Ou s'agit-il plus prosaïquement de donner les moyens au ministre et au super-préfet en charge du Grand Paris de passer par dessus les collectivités locales dès que « l'intérêt supérieur de la nation », incarné par le Président de la République, l'exige ?

J'en veux pour preuve deux exemples d'opérations d'intérêt général – pris au hasard, bien entendu, et qui n'ont, cela va de soi, rien à voir avec la couleur politique des collectivités concernées.

Le plateau de Saclay, d'abord : le Président de la République y nourrit de grandes ambitions en termes de développement économique et scientifique, que l'on peut d'ailleurs partager, à condition d'en neutraliser les effets collatéraux. En commission, M. Devedjian nous a confirmé que ce plateau serait immédiatement concerné par la réforme.

Le quartier d'affaires de la Défense, ensuite, si cher à M. le ministre de la relance – dont je salue l'arrivée parmi nous –, également président du conseil général des Hauts-de-Seine et président de l'établissement public d'aménagement de la Défense, ou EPAD. Il nourrit pour son lucratif territoire un ambitieux projet d'extension, dont Le Monde s'est d'ailleurs largement fait l'écho dans son numéro d'avant-hier. Les mauvais esprits pourraient voir dans votre texte un moyen efficace d'assouvir l'appétit de la Défense pour les friches limitrophes sur la commune de Nanterre, que celle-ci vous refuse. L'absorption programmée de l'établissement public d'aménagement propre à Nanterre par l'EPAD permettra de boucler la boucle.

Rappelons-nous comment, alors que le sénateur Karoutchi était à la manoeuvre sous la précédente législature, et malgré l'embouteillage des projets de loi ultra-urgents, nous avions assisté à l'adoption en un temps record, juste avant Noël, de la loi créant l'établissement public de gestion du quartier de la Défense – l'EPGD, ce petit arrangement entre amis des Hauts-de-Seine pour passer par dessus le Conseil d'État, récupérer la manne financière et doter le quartier de la Défense de règles d'urbanisme autonomes visant essentiellement à la construction de bureaux, loin de toute cohérence avec la démarche initiée dans l'ensemble de l'Île-de-France. (M. le ministre en charge de la relance désapprouve de la tête.) Vous le savez bien, monsieur Devedjian. À vous de démontrer qu'il s'agit bel et bien de l'intérêt général, et non pas de satisfaire les velléités tentaculaires du conseil général des Hauts de Seine. Le doute est permis, en effet.

Le deuxième pan de votre projet consiste à « faciliter les programmes d'investissement ». Pour peu que le projet de loi de Mme Boutin sur le logement ne soit pas déjà mort et enterré après le fiasco de son examen par le Sénat, peut-être s'agit-il ici de la partie la plus importante du plan de relance dont la France a besoin : à défaut du financement privé spontané, et compte tenu des difficultés de crédit, c'est à l'État et aux pouvoirs publics qu'il revient en effet de donner l'impulsion nécessaire à la reprise de l'activité.

Or, quelles sont ici vos priorités ? L'article 3 modifie le régime des contrats de partenariat, qui vient pourtant d'être profondément remanié par la loi du 28 juillet 2008 – une réforme encore tiède, donc, sur laquelle nous ne disposons d'aucun recul ni d'une quelconque étude d'évaluation. Vous nous proposez d'ouvrir la possibilité de céder la créance du contrat de partenariat à 100 % contre 80 % de la rémunération due au titre des coûts d'investissement et de financement depuis juillet 2008, afin de rendre l'opération plus attractive pour le partenaire privé, qui pourra ainsi obtenir des conditions de financement de son investissement plus rapides et plus favorables. Sur le papier, tout va bien ; les choses se corsent dès lors que l'on envisage les effets possibles d'une telle mesure. Tout d'abord, vous prévoyez que la personne publique, c'est-à-dire celle qui passe la commande, puisse limiter son acceptation à 80 % de la créance : soit. Néanmoins, ce régime, très favorable au concessionnaire, est risqué pour la personne publique car le transfert de risque est opéré à son détriment. En cas de résiliation du contrat, l'acteur public devra-t-il dans tous les cas payer à la banque 80 % de la rémunération due pour les coûts d'investissement et de financement ? C'est ce que l'on comprend ici, et c'est tout à fait excessif. En cas de défaillance du cocontractant privé ou de sinistre de l'objet du contrat, comment la collectivité publique pourra-t-elle, riche de ses 20 % non cédés, infliger les pénalités nécessaires au partenaire privé et responsable du marché ? Cela lui sera bien difficile, voire impossible.

Autre risque que comporte votre réforme, et non des moindres, dans le contexte de crise financière grave que nous connaissons : la titrisation des créances liées à ces contrats, puisque une créance cédée à une banque pourra l'être encore à une autre, et ainsi de suite. Or nous avons vu les dérives possibles d'une telle logique de rentabilité financière sur un seul titre. À vouloir panser les plaies d'une crise née de l'excès de spéculation sur titres de créances, vous en recréez les conditions futures. Un comble ! C'est un peu comme si vous étiez déjà en train de préparer la crise d'après. Où sont les garde-fous dans ce projet de loi ? Je les cherche encore. À vous de nous les montrer au cours du débat.

Ce qui est sûr, en revanche, c'est que ce sera tout profit pour les grandes entreprises privées, déjà en situation de quasi-oligopole dans les secteurs du BTP ou de l'environnement, qui pourront se rémunérer grassement sur des contrats passés avec le public, avec un minimum de risques… Et ne parlons même pas des banques, qui sont encore bien servies par ce dispositif : cela en deviendrait indécent par les temps qui courent !

Soyons plus légers, et passons à la partie « poids plume » de votre projet : l'article 4, arme censément redoutable pour accélérer massivement nos investissements, mais dont la puissance de feu m'a franchement échappé. Les quelques lignes de cet article entendent revenir sur la décision du Conseil constitutionnel relative à la même loi du 28 juillet 2008, en corrigeant, semble-t-il, une coquille. Rien de très glorieux, ni de très nouveau non plus !

L'article 5, quant à lui, a l'efficacité d'un véritable aveu, puisqu'il prévoit de faciliter la vente des établissements publics de santé en permettant de retarder le déclassement d'une installation après sa vente. Autrement dit, les hôpitaux pourront encaisser le produit de la vente avant même que l'acte juridique premier d'un transfert effectif de propriété ne soit signé. Il fallait y penser !

Les hôpitaux, étranglés par des plans d'assainissement de leur budget, par la réduction lente de leurs financements depuis plusieurs années, vont pouvoir disposer, pendant trois ans, d'une bouffée d'air frais. Mais, compte tenu de leur situation actuelle de déficit, il faudra encore m'expliquer en quoi ces ventes anticipées favoriseront de nouveaux investissements – à moins qu'elles ne soient subordonnées à de nouvelles constructions hospitalières ou para-hospitalières, mais je n'en vois nulle trace dans votre projet et, quoi qu'il en soit, leur situation financière étant ce qu'elle est, cet argent frais ira directement à la réduction des déficits de fonctionnement. Un emplâtre sur une jambe de bois !

Bref, après lecture des deux principaux titres de votre projet de loi, on reste franchement sur sa faim ! Force est de constater que le plus important se trouve dans les silences des deux derniers articles, qui, de fait, échappent au Parlement, puisqu'il s'agit d'une série d'habilitations à légiférer par ordonnance.

Nous retrouvons à l'article 6 notre « voiture-balai » de la révision générale des politiques publiques : la réforme des installations classées. En plein dans les discussions sur le Grenelle 1 et au lendemain de la présentation en conseil des ministres du projet de loi Grenelle 2, qu'est-ce qui peut bien justifier que l'on réforme, en ultra-urgence, le régime d'autorisation et de contrôle des sites industriels susceptibles de nuire à l'environnement et à la santé ? Mon petit doigt me dit – comme certaines associations ayant pris part au Grenelle – que cette disposition n'est en vérité pas très « grenello-compatible ». Vous avez déjà tenté de l'introduire par amendement lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie, pour le retirer d'ailleurs aussi sec ! Est-il si honteux que vous hésitez à l'exposer au grand jour, monsieur le ministre ?

Sous couvert d'application stricte des directives européennes et de simplification administrative, vous voulez créer ici une nouvelle procédure d'autorisation simplifiée, la troisième en ce domaine. Pour inciter les industriels à construire de nouvelles installations, vous voulez supprimer la procédure d'enquête publique et l'obligation d'étude d'impact pour les installations jugées les moins dangereuses, soit 20 % de celles actuellement concernées par le régime normal. Or ces procédures sont les seules qui peuvent actuellement donner les moyens aux élus concernés, aux populations et aux associations représentatives d'être correctement informés en amont et de s'exprimer sur le projet.

Cette réforme aurait pour autre vertu, selon vous, de réduire le travail des contrôleurs des DRIRE – futures DREAL, directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement –, qui sont déjà en sous-effectif chronique, ce qui ne va pas s'arranger avec les coupes budgétaires que vous nous préparez et celles que vous opérez déjà au sein de la fonction publique.

Il est à craindre que cet allégement du recours systématique aux inspecteurs d'État entraîne une extension du recours au « contrôle périodique », dont on sait qu'il fait largement appel au privé. Quelles garanties offrez-vous pour assurer l'indépendance de ces inspecteurs privés ? Quels gages donnez-vous quant à l'indépendance des futurs contrôles ? Quelles seront les prescriptions applicables aux installations classées soumises à autorisation simplifiée ? Comment ce nouveau régime s'articulera-t-il avec les plans de prévention des risques technologiques, et quel sera son impact sur le code de l'urbanisme ? Quelle place sera laissée aux élus locaux pour qu'ils aient les moyens d'exercer leur responsabilité ? De quelles informations préalables, de quelles possibilités de recours disposeront les populations ? Si le système nouveau est si vertueux, pourquoi rogner ce qui constitue un garde-fou juridique et démocratique, en cas de problème majeur ?

Je puis vous le dire, fort de l'expérience locale que j'ai en matière d'implantations à risque : moins il y a de transparence, plus il y a de doute et de méfiance de la part des populations, et moins le niveau d'acceptation des projets industriels est élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous demandez au Parlement de signer un chèque en blanc, sans que démonstration soit faite d'un réel progrès de la qualité des autorisations et du contrôle des installations, et avec une réduction assurée de la transparence et de l'information publique. Le compte n'y est pas !

Les mesures pouvant vraiment être utiles, car de bon sens, sont malheureusement absentes de l'embryon de réforme que vous nous présentez là, comme, par exemple, le simple regroupement des procédures d'enquête publique pour les différentes installations d'un même site.

Vous l'aurez compris, le plus grave, dans ce texte, réside dans son « non-dit ». Pas de psychanalyse ici, seulement l'analyse lucide d'une technique malheureusement éculée : plus c'est gros, mieux ça peut passer !

Ce texte est d'une telle indigence qu'il pourrait être risible, si la situation n'était pas aussi grave, de penser que seul l'exercice du droit d'amendement est à même de lui donner une quelconque consistance – ce même droit d'amendement que vous vous apprêtez à museler !

Manque de chance : certains amendements présentés en commission vont dans le mauvais sens – n'est-ce pas, madame de La Raudière ? –, comme en matière de fouilles archéologiques : ne reculons pas sous la pression de l'urgence d'agir à la va-vite ; la crise passera, les vestiges du passé, eux, doivent nous survivre. Profiter de la crise pour mépriser les éléments remarquables de notre histoire, ce n'est pas convenable !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En conclusion, ce texte n'est qu'un petit train de mesurettes visant à faire passer, sous couvert de la crise, ce qui aurait été plus délicat à faire passer en temps normal. Vous êtes démasqués ! Rien sur le pouvoir d'achat et la valorisation des salaires ! Rien sur la protection des consommateurs emprunteurs !

Vous auriez pu, en effet, penser à créer un médiateur du crédit …

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…pour les salariés licenciés économiques ou mis au chômage technique qui, eux non plus, ne peuvent plus faire face à leurs échéances de crédit. Aucune mesure, en effet, n'est prise pour eux, et leur situation n'est absolument pas prise en considération par les banques, ces mêmes banques qui bénéficient du soutien appuyé de la collectivité nationale.

Il faudrait pourtant être cohérent, car vous attendez bien de ces consommateurs qu'ils se ruent sur les soldes – aux côtés des ministres ! –, qu'ils changent leur voiture ou qu'ils deviennent propriétaires pour quinze euros par jour. C'est difficile, lorsqu'on gagne à peine le SMIC !

Pour tout dire, la seule chose qui peut finalement rassurer les « pro-Grenelle » c'est que votre Gouvernement s'est mis au recyclage des milliards annoncés mois après mois, au fur et à mesure que se développe la crise…

Ce texte dit « d'accélération » restera, dans l'épisode législatif que nous vivons, anecdotique. Pour autant, nous veillerons à ce qu'une limite soit respectée : il ne faut pas renoncer à la transparence sur des dossiers d'appels d'offres, de consultation ou de partenariat, ni à la responsabilité. Les cessions de créances, par exemple, ne devront pas se transformer en cessions de responsabilité.

L'assouplissement ou la réduction des délais encadrant les opérations sur des sites aujourd'hui soumis à autorisation ou à déclaration industrielle ne doivent pas être l'occasion de déresponsabiliser les porteurs de projets et de réduire la vigilance vis-à-vis de nos concitoyens.

Notre droit comporte certaines dispositions lourdes qui, en se cumulant, font perdre beaucoup de temps aux porteurs de projets. Chacun en conviendra, puisque chacun a ajouté sa couche à cet ensemble, dans tous les domaines. Mais il ne faut pas que la crise soit un prétexte pour régler des comptes ou favoriser quelques petites amitiés.

Nous aurions souhaité aborder ce texte dans un esprit constructif, monsieur le ministre. Voilà pourquoi nous vous demandons, un peu comme vous l'avez fait en reportant la proposition sur le travail du dimanche, de le renvoyer en commission, afin qu'il ait une chance d'être assez chaudement habillé pour aider notre économie à mieux passer l'hiver. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Je vous écoute toujours, monsieur Brottes, avec le plus grand intérêt, car vous êtes un parlementaire expérimenté et un membre avisé de la commission des affaires économiques.

Cependant, je ne vous surprendrai pas en vous disant que vous ne m'avez pas convaincu, d'autant que la caricature masque souvent l'absence de vrais arguments contradictoires. Comme vous le savez mieux que quiconque pour avoir suivi ce texte en commission avec la vigilance qui vous est coutumière, le projet de loi y a fait l'objet d'un examen attentif, et chacun des parlementaires a eu le loisir de présenter ses propositions d'amélioration.

Vous venez vous-même, qui plus est, de reconnaître l'urgence des décisions à prendre, même si vous en contestez la nature. Notre devoir est en effet de légiférer sans attendre. J'ajoute que, malgré les contraintes de calendrier de cette fin d'année, nous avons pris soin d'éclairer nos débats à la lumière des travaux de la commission, avec notre avisée rapporteure, Mme de La Raudière, travaux auxquels, je le répète, les parlementaires de la majorité et de l'opposition ont activement participé. Mes chers collègues, il n'y a pas lieu de renvoyer ce texte en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Prenons sans plus attendre nos responsabilités et passons à la discussion des articles. Vous aurez le temps, au cours des débats, de défendre vos arguments, et notre rapporteure y répondra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Notre groupe, ce n'est pas une surprise, ne votera pas le renvoi en commission, pour des raisons identiques à celles que j'ai déjà exprimées hier, lors de la défense des autres motions de procédure par les différents orateurs du groupe SRC qui se sont succédé.

Monsieur Brottes, votre exposé, par ailleurs utile, a péché par omission. Vous avez d'abord fait un long rappel des différentes mesures prises ici même par la majorité parlementaire, mesures qui, naturellement, ne trouvent pas grâce à vos yeux. Mais, lorsque vous vous êtes livré à des comparaisons internationales, vous avez omis nombre de fondamentaux. J'aurais aimé, par exemple, que vous parliez du taux d'épargne en France, qui est l'un des plus élevés d'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

De même, il aurait été utile d'évoquer le montant des sommes placées en assurance-vie : 1 200 milliards d'euros, soit l'équivalent de la dette. C'est d'autant plus intéressant que, lorsque cet argent va ressortir, lorsque que nos concitoyens vont à nouveau consommer, sitôt que la confiance sera revenue, c'est-à-dire dans quelques mois, nous aurons la capacité de repartir, et sans doute plus vite que d'autres pays européens.

Par ailleurs, vous auriez pu avoir l'obligeance de parler des 35 heures. Nous sommes aujourd'hui le seul pays au monde à avoir mis en place ce dispositif qui, malheureusement, a totalement plombé notre économie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Si votre constat avait été exhaustif, vous auriez dû citer ces éléments.

Enfin, il aurait été utile de souligner que, parmi les mesures présentées ici, figure un élément important : la capacité des collectivités locales, dans leur ensemble, à faire partie intégrante du plan de relance. Je répète ce que j'ai dit hier soir : nous attendons des régions qu'elles s'engagent, c'est l'une des conditions essentielles. Les lois de décentralisation ont conféré aux régions un pouvoir important. Malheureusement, aucune de celles présidées par les socialistes ne veut s'engager dans un plan de relance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Ce n'est pas minable, c'est la réalité ! D'ailleurs, vos réactions, unanimes, le confirment. Nous en ferons le constat ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Quand on entend cela, on comprend le résultat des élections à Blois !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Grâce aux pouvoirs importants qui vous ont été conférés dans les régions, vous pouvez faire en sorte que l'économie reparte. Vous auriez dû, monsieur Brottes, rassurer la majorité parlementaire en disant que les régions socialistes, elles aussi, participeront à ce plan de relance. Voilà des éléments qui auraient été utiles et qui auraient pu justifier que nous retournions en commission pour examiner à nouveau le texte. Mais tel n'a pas été le cas.

« La relance par la consommation n'est pas faite », « le Gouvernement ne fait rien », telle est votre ritournelle classique sur le pouvoir d'achat. Je me permets tout de même de vous rappeler, chers collègues socialistes, que c'est l'actuelle majorité qui, en quelques années, a augmenté le SMIC de plus de 20 %. Le SMIC horaire s'élevait en effet à 6,83 euros en 2002 ; il atteint aujourd'hui 8,71 euros.

Ces mesures bénéficient aux plus démunis, à celles et ceux qui travaillent tous les jours, à celles et ceux qui ont été punis par les 35 heures ! Il aurait été bon de le souligner !

Ce sont autant d'éléments – mais il y en a beaucoup d'autres – qui justifient que le groupe Nouveau Centre ne vote pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera le renvoi en commission, qu'il estime tout à fait justifié pour une raison au moins – et je remercie François Brottes d'avoir pointé tous les problèmes posés par le projet.

Renvoyer ce texte en commission permettrait sans doute de mesurer son incompatibilité totale avec un autre projet de loi, que certains députés de l'opposition ont voté : le projet relatif au Grenelle de l'environnement. J'aurais d'ailleurs apprécié que le vice-président de la commission, notre collègue Poignant, s'exprime sur ce sujet, car il a été très actif dans le débat sur le Grenelle. De même, j'ai dit tout à l'heure qu'il aurait été bon que M. Borloo ou Mme Kosciusko-Morizet soit à vos côtés au banc du Gouvernement. Je comprends maintenant leur absence : ils auraient beaucoup de mal à assumer un tel projet de loi !

J'ai précédemment évoqué, s'agissant de l'investissement public, la contradiction entre votre attitude d'aujourd'hui et celles d'hier. Je vous en donnerai un exemple très simple. Il y a quelques mois, le représentant de l'État dans le département de la Loire-Atlantique trouvait chaque semaine de nouveaux prétextes pour retarder le projet de réouverture de la ligne de chemin de fer, soutenu par les élus de toutes tendances politiques. Aujourd'hui, nous espérons qu'il va être débloqué, puisque vous nous dites – et c'est tant mieux – qu'il faut accélérer les procédures et les investissements publics.

Je soulignerai également la contradiction concernant les projets contestables et souvent contestés, parce que polluants, dangereux ou risqués. Ainsi, s'agissant des fameuses installations classées, notre collègue Brottes a parfaitement dénoncé votre attitude contradictoire face aux projets d'utilité environnementale. Aujourd'hui, vous nous dites qu'il faut pouvoir investir sans la moindre contrainte, sans la moindre précaution écologique, et une nouvelle procédure permettra de s'abstraire d'un certain nombre de garanties. Dans le même temps, le même gouvernement, les mêmes représentants de l'État font obstacles à des projets d'utilité environnementale comme les éoliennes. Je me souviens que le Gouvernement avait imaginé, voici quelques mois encore, de soumettre les éoliennes – qui n'émettent aucun polluant, aucun déchet radioactif, et qui contribuent à la lutte contre l'effet de serre – à la procédure d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement, ce qui avait tout de même choqué nos concitoyens. Vous êtes vraiment là au comble de la contradiction !

Enfin, concernant les investissements publics ou privés, nous pouvions raisonnablement espérer qu'on allait préparer l'avenir, qu'on allait se projeter dans l'avenir ! Or j'ai le sentiment que la crise sert, en fait, de prétexte – ce projet de loi en est malheureusement l'illustration – pour faire passer de vieilles idées, de très vieilles lubies d'industriels qui ne veulent plus être soumis à certaines contraintes légales. Comme l'a très bien expliqué François Brottes, vous vous trompez lourdement si vous croyez que les projets seront d'autant mieux acceptés que les procédures seront allégées : au contraire, les contentieux seront d'autant plus nombreux. Étant élu d'une région qui compte plusieurs raffineries, je sais de quoi je parle ! Or, certains projets sont utiles, et les faire accepter demande de prendre son temps et de s'entourer de précautions.

Le Président de la République a dit, lors de ses voeux à la nation le 31 décembre dernier, que de la crise sortirait un monde nouveau. Si ce monde nouveau est un monde où l'on peut installer sans contrôle des entreprises polluantes ou à risques, nous n'en voulons pas !

Je vous invite, chers collègues, à voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Nous arrivons au terme d'un débat très utile parce qu'il aura permis de prouver que certains arguments invoqués par le Gouvernement pour contrer l'opposition étaient tout à fait injustifiés. Après les interventions de Didier Migaud, Michel Sapin et Jérôme Cahuzac, les arguments que leur ont opposés M. Chatel, mardi, M. Woerth, hier, M. Devedjian et, parfois, M. Carrez, s'avèrent infondés. Mme Lagarde ne s'est, quant à elle, pas exprimée.

Vous avez dit que l'opposition vous reprochait de soutenir l'investissement. Chacun a pu constater que c'était faux. Nous ne vous reprochons pas de soutenir l'investissement, mais de ne pas le soutenir suffisamment.

Vous avez ensuite ajouté que l'opposition – et les socialistes en particulier – opposait soutien à l'investissement et soutien à la demande. Chacun a pu constater que c'était également faux. Nous vous reprochons de ne pas vous préoccuper du pouvoir d'achat, de la demande, donc de l'évolution de la consommation. Je vous rappelle que la consommation a progressé de 2,5 points en 2007 et d'un point seulement entre novembre 2007 et novembre 2008, et que tout laisse à penser qu'elle sera nulle, voire négative, en 2009. Vous devriez vous en préoccuper ! Comme l'a fort justement précisé M. Sapin dans son exposé, nous ne courons pas cette fois les risques auxquels nous avons dû faire face à certaines époques, lorsque nous étions les seuls à relancer notre économie. Dès lors que la relance est portée par l'ensemble des pays européens, les problèmes que vous évoquiez, monsieur Devedjian, n'ont plus de sens. Nous ne sommes plus du tout dans le même contexte qu'en 1982 ou 1983 !

Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Woerth, nous ne vous reprochons pas l'évolution des finances publiques ! Vous n'avez entendu aucun orateur de l'opposition vous expliquer que le drame de la saison résidait dans l'évolution des finances publiques !

J'ai, en revanche, été très surpris de vous entendre, hier soir, nous expliquer que les divers déficits étaient devenus des politiques anticycliques. Monsieur Woerth, je veux bien que vous fassiez des découvertes tardives ! Vous nous avez certes expliqué que l'injection de fonds publics était justifiée par le déficit des régimes sociaux et du budget de l'État, mais ce sont des déficits subis ! Même si je conviens qu'il vaut mieux agir que ne rien faire, rien n'indique que votre action améliorera le pouvoir d'achat et l'investissement. J'avoue tout de même que votre conversion récente à la thèse du déficit public anticyclique, tout comme d'ailleurs votre admiration subite pour les stabilisateurs sociaux, m'a fait grand plaisir. Je vous ai ainsi entendu dire que les prélèvements obligatoires avaient au moins une vertu en période de crise ! Voisin de l'Espagne, pays où les stabilisateurs sociaux sont faibles, je peux constater aujourd'hui la différence qui existe entre ce pays et le nôtre.

Parmi les députés présents aujourd'hui dans cet hémicycle, certains savent parfaitement que ce débat dure depuis vingt ou trente ans. On finit donc par progresser sur certains points !

Telles sont, monsieur Woerth, nos positions, qui ont été caricaturées ces derniers jours. Pour me résumer, vous ne favorisez pas suffisamment l'investissement et vous devrez agir au niveau de la consommation et de la demande. Nous sommes, en conséquence, persuadés qu'il ne se passera pas deux mois avant que nous ne discutions dans cet hémicycle d'un nouveau plan de relance. Je ne vous en fais pas le reproche a priori, mais peut-être auriez-vous dû prendre davantage le temps de la réflexion plutôt que d'opter pour la multiplication des collectifs, qui a pour conséquence de changer les chiffres de quinze jours en quinze jours ! Je ne sais s'il s'agit d'adaptation à une réalité très évolutive, ou d'une méthode de communication consistant à fractionner les annonces pour en limiter l'impact, mais peu importe, ce n'est pas l'essentiel.

Vous trouverez les socialistes à vos côtés s'il s'agit de consentir un effort sérieux en faveur de l'investissement – les modalités en ont été exprimées à plusieurs reprises par plusieurs orateurs – et vous les trouverez également à vos côtés pour vous faire des propositions sur l'amélioration de la demande, car, je le répète, vous n'échapperez pas à ce problème ! Ce n'est pas en nous mettant sous le nez l'évolution normale et classique des crédits, monsieur Woerth, que vous nous ferez croire qu'il s'agit de mesures spécifiques pour faire face à la crise ! M. Migaud vous a fait, de ce point de vue, une démonstration éclatante, et le silence dans lequel ont été écoutés ses propos a prouvé qu'il tombait juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Des questions demeurent en suspens.

Vis-à-vis du monde financier, vous avez pris des mesures importantes, mais vous ne vous êtes pas, à l'évidence, donné les moyens de contrôler l'impact réel des ouvertures de crédits publics. C'est vrai pour le crédit interbancaire, c'est tout aussi vrai pour les dotations en capital, dont le Président de la République nous a annoncé hier qu'elles allaient être de nouveau accrues. Cette annonce a été justifiée par de nouvelles alertes, hier après-midi, sur la liquidité bancaire de certains établissements. Je tenais à apporter cette précision au cas où certains collègues ne le sauraient pas. Cela prouve que les 320 milliards étaient sans doute nécessaires, mais aussi qu'il fallait se donner les moyens d'en contrôler l'utilisation.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Cela prouve en outre que la méthode que vous avez choisie pour entrer dans le capital des banques n'est pas la bonne, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Nous sommes le seul pays où l'on entre dans le capital des banques sans le dissoudre et sans se donner les moyens de disposer de véritables leviers de commande.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je termine, madame la présidente, mais je ne pense pas que ce que je dis soit tout à fait inutile, même si cela ne vous convient pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Emmanuelli, tout ce qui se dit dans cet hémicycle est intéressant, mais je suis là pour veiller à ce que chacun respecte son temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je souhaite enfin appeler l'attention des ministres sur deux points. L'ingénierie du sauvetage fait défaut. Je vous encourage, monsieur Devedjian et monsieur Woerth, à regarder de très près les possibilités d'élargissement du recours au chômage technique, formule qui sera dans les mois qui viennent, face aux contractions des carnets de commandes, le seul moyen pour un grand nombre d'entreprises françaises de traverser cette période difficile. Je regrette que vous n'y ayez pas songé plus tôt, mais il n'est peut-être pas trop tard.

D'autre part, un grand nombre d'entreprises vont connaître des difficultés et être soumises à des processus de restructurations. La mise en place de crédits de politique industrielle sera le moyen, pour vos trésoriers-payeurs généraux et vos préfets, de concrétiser sur le terrain les tours de table nécessaires. Votre plan, très concret comme l'expliquait M. Mariton tout à l'heure, n'est pas à la hauteur des événements, et je suis persuadé que, dans quelques semaines, nous aurons à en reparler.

Si l'on avait pris le temps d'une réflexion plus longue, peut-être aurait-on pu améliorer les choses. Cela justifie donc le renvoi de ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR) – ne vous en déplaise, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Emmanuelli, vous vous êtes exprimé deux fois plus longtemps que les autres orateurs. J'ai simplement essayé de vous faire respecter votre temps de parole ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

M. Brottes avait eu la délicatesse de nous prévenir qu'il fallait nous attendre à de nombreux procès d'intention. J'ai effectivement entendu un réquisitoire sur lequel, compte tenu du peu de rapport qu'il avait avec le texte, je me passerai de commentaires. Ainsi que notre collègue l'a souligné, c'est dans cet hémicycle que les débats vont avoir lieu, non en commission. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP est défavorable à la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 17 , portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

J'appelle votre attention sur cet amendement, non parce qu'il est le premier mais parce que nous l'avons intitulé « amendement Obama ».

Vous n'êtes pas sans savoir, bien que vous poursuiviez une politique fiscale digne de M. Bush, essentiellement guidée par le souci de baisser la fiscalité des ménages les plus riches, que M. Barack Obama, lui, n'a jamais fait mystère de son souhait de privilégier plutôt les classes moyennes et populaires. Vous n'ignorez pas non plus que nos voisins britanniques ont pris la décision de créer une tranche de l'impôt sur le revenu à laquelle serait appliqué un taux de 45 %, contre 40 % pour l'actuel taux marginal du barème, une forme de rétablissement du taux marginal de l'impôt qui vise à rétablir un peu de progressivité et à taxer davantage les ménages les plus aisés.

Ainsi, les pays anglo-saxons s'apprêtent enfin à faire sauter le verrou idéologique qui plombe depuis des années le débat fiscal dans les pays développés, et qui consiste à baisser l'imposition des bases mobiles au détriment des bases immobiles. Les contribuables captifs des choix fiscaux ne peuvent qu'en supporter les conséquences, soit en assumant le report de la charge fiscale par la hausse d'autres impôts, soit en subissant la pression ainsi exercée sur les finances publiques au détriment des services publics.

Il faut croire que la crise a des vertus, puisque nous soutenons cette réorientation de la politique fiscale depuis des années – réorientation qui jusqu'à présent déclenchait les sarcasmes de ceux qui siègent aujourd'hui sur les bancs du gouvernement et de la majorité.

L'archaïsme a changé de camp et c'est vous désormais qui, en persistant dans la voie de l'injustice fiscale la plus criante, faites clairement figure d'idéologues : tant il est vrai que l'on peut à l'évidence qualifier d'idéologique, mais également de clientéliste l'orientation prise depuis des années en faveur des seuls ménages les plus aisés, prétextant de l'attractivité économique, du caractère prétendument confiscatoire de l'impôt des plus fortunés, ou encore des exigences de la concurrence fiscale.

Quelques-uns sur les bancs de la majorité, peu nombreux, se sont émus de cette situation. C'est à eux que nous devons ce tour de passe-passe qui a consisté à plafonner timidement les niches fiscales, plafonnement qui n'aura aucun impact sur la situation fiscale des plus aisés, plutôt que de procéder à une remise en cause radicale du fameux et scandaleux bouclier fiscal dont ces derniers bénéficient massivement.

Si 15 000 Français ont bénéficié du bouclier fiscal, une minorité d'entre eux, 2 242, ont empoché 82,9 % des sommes reversées par le fisc. Parmi eux, 671 redevables disposant d'un patrimoine supérieur à 15,5 millions d'euros se réservent 68 % des sommes reversées. L'État reverse donc plus de 150 millions d'euros aux contribuables qui disposent de plus de 15,5 millions d'euros, 270 millions aux contribuables qui possèdent plus de 10 millions d'euros.

Notre amendement n° 17 est clair. Il vise, contrairement à votre politique, à ne plus permettre aux plus riches de nos concitoyens, ceux dont le patrimoine s'élève à plus de 10 millions d'euros, de bénéficier d'aucune exonération fiscale. C'est une mesure de justice fiscale, inspirée, n'en faisons pas mystère, par le programme du candidat Obama, que vous avez dit par ailleurs admirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 .

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur Sandrier, votre amendement est en grande partie satisfait par une mesure que vous semblez avoir oubliée, à l'élaboration de laquelle vous avez pourtant participé : je veux parler du plafonnement global de ce qu'on appelle les niches fiscales, que nous avons mis en place, dans le cadre de la loi de finances de 2009.

Un ménage ayant 10 millions de revenus, taxé presque en totalité au taux marginal de 40 %, devrait payer environ 4 millions d'impôt. Jusqu'à présent, un certain nombre de dépenses fiscales n'étant pas plafonnées, il pouvait les déduire en totalité. Grâce à l'initiative que nous avons prise à la commission des finances, à la suite du rapport que nous avons fait avec le président et des représentants de chaque groupe, dont M. Brard, il ne peut plus défiscaliser qu'à hauteur de 10 % de ses revenus, autrement dit 1 million. Alors qu'il ne payait rien, il devra désormais payer 3 millions d'euros. C'est un progrès considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Rappelez-vous ce dispositif que vous avez voté il y a à peine quelques semaines et qui répond en grande partie à votre amendement. La commission y est donc défavorable.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Même avis que le rapporteur.

On n'a pas encore réellement mesuré ce qu'est le plafonnement des niches fiscales. C'est vraiment une avancée très importante, que nous attendions, c'est une mesure de justice. Des gens s'exonéraient de l'impôt. Ce n'était pas normal et ce ne sera plus possible.

Ajoutons, monsieur Sandrier, que votre proposition a relativement peu de rapport avec le plan de relance. C'est d'ailleurs le cas pour un grand nombre d'amendements. C'est le jeu, mais on sent la volonté de remettre le couvert après la session d'automne !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La relance, ce n'est pas nécessairement percevoir plus d'impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je sens notre excellent rapporteur général en difficulté, au point de sentir obligé de faire preuve d'une mauvaise foi qui ne lui est pas coutumière, pour répondre à Jean-Claude Sandrier – mauvaise foi du reste partagée par le ministre. Nous ne sommes pas du tout hors sujet : vous cherchez des sous, nous vous aidons à en trouver.

Vous parlez du plafonnement des niches fiscales, mais le président de la commission des finances a excellemment démontré qu'il restait des marges de progression et l'amendement défendu par Jean-Claude Sandrier montre qu'il y a encore des réserves de Canigou de luxe qui pourraient rentrer dans les caisses de l'État.

En réalité, si vous vous arrêtez à mi-chemin, c'est parce que vous avez toujours les plus fortes réticences à prendre aux privilégiés – je vois mon collègue d'en face opiner du chef, je ne sais pas dans quel sens d'ailleurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On comprend que vous ayez le plus grand mal à vous libérer de vos chaînes, qui sont celles du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce sont des chaînes en or qui vous rivent à leurs intérêts (Rires), et c'est ce que n'arrivent pas à surmonter ni les ministres ni le rapporteur général du budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Certes, le principe du plafonnement global des niches est un progrès. Reste posés la question de la hauteur de ce plafonnement, le problème, qui reste entier, de l'articulation avec le bouclier fiscal, et celui de la détermination du revenu fiscal de référence pour le calcul du bouclier fiscal, qui n'a toujours pas été traité.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Il l'a été, pour partie.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Pour partie seulement. Nous avons donc encore une marge de progression.

Par ailleurs, une contribution exceptionnelle pour les hauts revenus, est-ce totalement hors sujet lorsque l'on parle d'un plan de relance ? Je ne pense pas. Un certain nombre de pays ont inclus dans le leur une participation exceptionnelle, temporaire. C'est le cas de l'Angleterre et ce sera vraisemblablement celui des Américains. Ce n'est donc pas totalement hors sujet, et c'est toute la question de la légitimité du bouclier fiscal, du paquet fiscal, et, notamment, du bouclier fiscal à 50 %.

(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 12 .

La parole est à M. Yves Censi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Mon amendement n° 12 propose de faire passer de huit à douze ans la durée de détention des contrats d'assurance-vie permettant une exonération fiscale. Une mesure de ce type serait véritablement au coeur du plan de relance. Le bénéfice que nous pourrions en tirer pour le financement de l'économie – objectif premier du plan de relance, me semble-t-il – est sans commune mesure avec son coût fiscal, estimé, d'après toutes les études réalisées sur question, à environ 32 millions d'euros pour l'année 2009. En contrepartie, les actifs supplémentaires qui pourraient être investis dans l'économie française, comme le sont aujourd'hui les autres actifs des assureurs, sont estimés à 11,5 milliards d'euros – 9,5 milliards d'euros d'actifs maintenus et 2 milliards d'euros de versements supplémentaires. Les entreprises bénéficieraient ainsi d'environ 6 milliards d'investissements directs supplémentaires – obligations d'entreprise, actions d'entreprise et actifs immobiliers pour moitié.

Il ne s'agit pas seulement de concentrer la gestion des produits d'assurance-vie, mais bien d'injecter directement dans l'économie environ 12 milliards d'euros – on en mesure l'intérêt au regard des efforts que l'on déploie dans le cadre du plan de relance.

Nous aurons l'occasion de reparler de ce rapport entre le coût fiscal et les recettes fiscales provenant des prélèvements sociaux effectués sur les contrats d'assurance en cours. L'idée n'est pas nouvelle : on avait déjà évoqué cette possibilité au moment du PLF 2009. Elle a déjà donné lieu à études d'impact, qui ont montré que les structures de l'épargne n'en seraient pas perturbées. Elle faisait partie des propositions du rapport Attali. Autrement dit, les experts et des acteurs s'y intéressent depuis déjà un certain temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission a été intéressée par l'idée proposée par M. Censi, mais elle n'a pas retenu son amendement. Elle a en effet jugé que les contreparties d'une telle disposition devaient au préalable être étudiées.

Il nous est proposé d'alléger la fiscalité dès lors que le contrat a une durée de vie supérieure à huit ans, mais il convient de noter que la fiscalité de 7,5 % joue assez peu puisqu'elle ne s'applique qu'au-delà d'une réfaction de 9 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En effet. En tout état de cause, de nombreux détenteurs de contrats d'assurance-vie ne sont pas fiscalisés au-delà des huit ans.

L'idée donc est très intéressante, mais nous avons intérêt à bien étudier les contreparties à exiger, même si le coût fiscal n'est effectivement pas énorme – quelques dizaines de millions d'euros tout au plus.

Quelles pourraient être ces contreparties ? Vous vous souvenez des « contrats DSK » mis en place voilà une dizaine d'années, qui bénéficiaient d'un avantage fiscal en cas d'investissement risqué, notamment dans les PME. Je vous invite, monsieur Censi, à approfondir votre réflexion pour mieux définir le type d'investissements que vous attendez à travers ces fonds qui, parce que détenus sur un terme plus long, bénéficieraient d'une fiscalité plus avantageuse. Nous pourrions nous inspirer de l'approche des contrats dits DSK.

Nous avons évoqué en commission la possibilité d'un investissement dans le Fonds stratégique d'investissement dont Jean-Pierre Balligand parlait hier. Quoi qu'il en soit, il y a là un vrai sujet à creuser.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

L'avis exprimé par le rapporteur général correspond tout à fait à celui du Gouvernement : l'idée est bonne, elle ne doit pas être balayée d'un revers de main, mais il faut la travailler.

La mesure pourrait permettre de consolider l'accès à des fonds sur une durée plus longue mais je serais bien en peine de déterminer quelle part d'épargne supplémentaire pourrait être ainsi drainée. Il faut la mesurer. Je suggère d'approfondir la réflexion durant l'année et d'en reparler lors des prochains textes financiers de cet automne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Deux remarques.

Premièrement, dans l'hypothèse où cette disposition serait adoptée, je crains qu'elle ne soit interprétée comme la possibilité de compenser peu ou prou, pour ceux qui disposent d'un portefeuille au-delà de seuils qui ne sont pas modestes, la taxation supplémentaire que la majorité a votée pour financer le RSA. Au moins conviendrait-il que la commission étudie les conséquences réelles d'une telle mesure sur les portefeuilles concernés. Il ne faudrait pas neutraliser la taxation sur les contrats d'assurance-vie qui doit bénéficier au RSA. Sinon, cela reviendrait à demander aux détenteurs des portefeuilles les plus faibles de payer pour le RSA en lieu et place des portefeuilles les plus élevés. L'articulation avec le dispositif du RSA doit donc, me semble-t-il, être soigneusement étudiée.

Deuxièmement, je me demande si, derrière l'évocation par le rapporteur général du Fonds stratégique d'investissement, ne germe pas une autre idée dans l'esprit de certains selon laquelle l'épargne de l'assurance-vie pourrait être dirigée vers un secteur plus productif via le Fonds stratégique d'investissement. Pourquoi pas ? Cela suppose toutefois au préalable une discussion avec les sociétés d'assurance, notamment la fédération. En effet, s'il me paraît souhaitable de mobiliser cette épargne en faveur du secteur productif, la moindre des choses serait d'en discuter d'abord avec celles et ceux qui précisément gèrent ces portefeuilles. Cela dit, l'idée en elle-même, que j'ai cru percevoir dans les propos sibyllins du rapporteur général, ne me paraît pas devoir être écartée a priori, loin s'en faut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'article 125-0 A du code général des impôts prévoit un abattement de 4 600 euros pour les célibataires et de 9 200 euros pour les couples. L'idée d'un allongement de la durée de placement de huit à douze ans est intéressante, tout comme celle d'utiliser intelligemment ces placements, comme vient de le dire Jérôme Cahuzac ; mais tout cela mérite expertise.

M. le ministre nous a parlé de la prochaine discussion budgétaire à l'automne. Mais si M. Carrez et M. Migaud en étaient d'accord, peut-être pourrions-nous travailler plus rapidement, monsieur Censi, qu'un texte nous soit proposé plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La proposition peut être intéressante mais il ne faudrait pas, comme vient de le souligner Jérôme Cahuzac, qu'elle donne lieu à u détournement – je ne crois pas que ce soit le but de l'amendement de M. Censi.

Je ne reviens pas sur notre demande de renvoi, mais je crois que cette mesure pourrait être étudiée en commission et peut-être déboucher assez rapidement sur une proposition dans le cadre d'un prochain texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Puisque l'idée qu'on puisse drainer une partie de l'épargne, notamment pour la rendre plus productive, semble recueillir un consensus, elle mérite d'être expertisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Parallèlement, il ne faut pas oublier l'autre volet de la question – Jean-Pierre Balligand sera certainement d'accord avec moi : je veux parler des normes prudentielles qui régissent les investissements des sociétés d'assurance.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La concertation avec la Fédération des assurances, à laquelle Jérôme Cahuzac nous invite, est donc utile.

Lorsque le Fonds stratégique d'investissement a été mis en place, j'avais fait valoir au Président de la République que la CNP serait plus utile placée aux côtés plutôt qu'au sein du Fonds, qu'il fallait en faire un partenaire sur un certain nombre d'investissements – ce qu'elle l'est déjà, avec d'autres sociétés d'assurance, à travers France Investissement.

Nous pourrions imaginer travailler dans cette voie pour drainer des ressources supplémentaires en direction des sociétés d'assurance, mais également revoir avec les sociétés d'assurance les normes prudentielles afin qu'elles jouent davantage un rôle d'investisseur dans le secteur industriel – ce qu'elles sont aujourd'hui, mais dans une proportion relativement modérée. En menant cette double réflexion, nous pourrions sans doute obtenir une avancée très significative en termes d'apports en fonds propres pour les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

La commission des finances a demandé au Conseil des prélèvements obligatoires un rapport sur la fiscalité du patrimoine. L'assurance-vie fait partie de ce sujet. Ce rapport devrait nous être rendu fin février, si les délais sont tenus.

Nous envisagions l'autre jour avec le rapporteur général de demander à quelques membres de la commission des finances de travailler sur ce sujet spécifique. L'idée va se mettre en place. Ce travail devra s'articuler avec le rapport qui nous sera remis. En attendant, l'amendement n° 12 , pour intéressant qu'il soit, ne peut être retenu d'emblée : nous devons au préalable en mesurer les effets et éventuellement les contreparties à exiger.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Les problèmes évoqués par les uns et les autres ne me paraissent pas très complexes et pourraient sans doute être réglés dans un climat de consensus.

L'intérêt de décider une telle mesure aujourd'hui tient à la rapidité de mobilisation de ces 12 milliards que j'évoquais tout à l'heure. Si je suis d'accord pour remettre la proposition sur la table, nous aurions tout intérêt à l'étudier rapidement afin de pouvoir en reparler notamment au Sénat. Il serait dommage de devoir attendre le mois de septembre 2009 pour prendre une mesure dont les bénéfices seraient principalement utiles dans le cadre du plan de relance – sinon, nous aurions pu l'évoquer lors du PLF pour 2009 que nous avons discuté dès le mois septembre dernier. Le caractère urgent doit être pris en compte.

Par ailleurs, il serait intéressant que la commission des finances étudie dès demain la solution que je propose, notamment tout ce qui touche aux contreparties. On peut très bien imaginer un allongement de douze à quinze ans, en estimer les conséquences sur la politique de retraite, ou encore fixer un seuil de possibilité d'exonération après soixante-cinq ans, etc. Autant d'aspects sur lesquels les portes sont ouvertes. Mais on aurait tort d'attendre trop longtemps.

L'exemple du fonds stratégique est intéressant mais nous avons beaucoup travaillé avec la Fédération française des sociétés d'assurance afin précisément de mettre en avant les contreparties possibles en matière de renforcement des fonds propres des entreprises. Mais il n'y a pas que les unités de comptes, il faut voir au-delà de ce qui est investi directement dans les fonds propres ; il y a aussi le reste, tout ce qui vient en garantie, et ce n'est pas neutre.

En conclusion, je retire l'amendement n° 12 , mais je prends acte de l'engagement du ministre de poursuivre activement l'effort, avec toute l'ingénierie de Bercy, pour avancer le plus vite possible sur cette question ; je fais également confiance à M. le ministre en charge de la relance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je souhaitais simplement indiquer à la commission et à M. Censi qu'il y aurait peut-être intérêt à regarder du côté des fonds d'assurance-vie en déshérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Un effort a été accompli mais il faudrait remettre la pression, car la mesure que nous avons prise n'est pas satisfaisante. Peut-être devrions-nous mettre en place une tuyauterie pour diriger ces sommes non négligeables soit sur le FSI…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

…soit sur le fameux fonds dont M. Bouvard parlait tout à l'heure. Cette piste est peut-être intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Nous avons effectivement légiféré sur les fonds d'assurance-vie non réclamés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

N'oublions pas que le produit de ces contrats non réclamés et les intérêts qui vont avec doivent retourner aux bénéficiaires directs de ces contrats. En tout cas, cette réflexion est intéressante. Elle permettra de réactiver les engagements pris par les assureurs de présenter des propositions concrètes sur la question.

(L'amendement n° 12 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisi d'un amendement n°47 .

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

L'amendement n° 47 vise à revenir sur une disposition qui a déjà fait l'objet d'un débat animé à l'Assemblée, au Sénat et en commission mixte paritaire : le conditionnement de la demi-part supplémentaire prévue au titre de l'article 195 du code général des impôts au fait que les personnes concernées aient élevé seules au moins un enfant pendant cinq années.

Nous estimons que les effets de cette disposition n'ont pas été bien mesurés au moment où certains, de bonne foi – je leur en donne acte –, l'ont proposée sous forme d'amendement au projet de loi de finances. Je précise d'ailleurs que le groupe au nom duquel je m'exprime s'était alors abstenu. L'une des conséquences, à laquelle nous pouvons tous être sensibles, de la suppression de la demi-part pour certaines personnes seules est de les rendre éligibles à la taxe d'habitation, à la redevance télévisuelle, ou de les priver d'une partie de l'aide aux personnes âgées dépendantes.

Après le débat à l'Assemblée, le Sénat a décidé, sur proposition de son rapporteur général, de durcir encore cette disposition, suscitant un certain émoi ici ou là ; mais la commission mixte paritaire, dont les débats ne sont heureusement pas soumis à la même publicité que ceux de la séance, est finalement revenue au dispositif tel qu'initialement proposé.

Reste que ses conséquences ne peuvent être ignorées. Si nous sommes tous d'accord pour considérer que cette demi-part peut ne pas être jugée parfaitement légitime pour des personnes n'ayant pas effectivement élevé seules des enfants, il n'en reste pas moins que sa suppression, par le fait qu'elle peut conditionner l'éligibilité à certaines exonérations, risque de mettre des personnes âgées modestes vivant seules, dont les ressources ne peuvent progresser, dans une situation très difficile.

Puisque nous sommes dans le cadre d'un plan de relance et que nous sommes tous sensibles, sous des vocables divers, à une politique de la demande, c'est-à-dire au pouvoir d'achat, messieurs les ministres, nous estimons souhaitable de revenir sur cette disposition. La période n'est pas propice pour supprimer un avantage qui permet à tant de personnes dont les revenus ne peuvent être majorés de vivre dans des conditions moins indignes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur le vote de l'amendement n° 47 , je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission n'a pas retenu cet amendement. Comme vous l'avez dit, monsieur Cahuzac, nous avons tous travaillé de bonne foi ; vous-même avez joué un rôle important dans la réflexion de la commission. Notre décision était motivée par le fait que nous ne trouvions pas juste que des couples se séparant longtemps après le départ des enfants du foyer familial puissent bénéficier d'une demi-part alors qu'un tel avantage ne sera jamais accordé à des couples qui ne se séparent pas. Nous nous sommes aussi interrogés sur le fait d'accorder cette demi-part à vie lorsque la séparation, qui peut malheureusement être un veuvage, intervient bien après le départ des enfants.

Je vous rappelle, monsieur Cahuzac, que le consensus était total sur ce point ; nous nous sommes battus ensemble, en commission mixte paritaire, pour soutenir la proposition de M. de Courson. Celle-ci était juste, puisqu'elle visait à maintenir définitivement l'attribution de la demi-part dès lors que la personne avait élevé seule au moins un enfant pendant au moins cinq ans. Son amendement prévoyait par ailleurs un dispositif de suppression progressive de cette demi-part. Tout cela nous paraissait parfaitement équilibré.

On ne peut pas dire, monsieur Cahuzac, que nous ayons agi à la légère. Nous avons en effet été nombreux à dire à Charles de Courson, qui l'a reconnu, qu'il serait difficile de vérifier, trente ans après, si la personne avait bien élevé seule un enfant pendant cinq ans. Mais nous sommes dans le cadre d'un système déclaratif et nous faisons confiance aux Français. C'est d'ailleurs la confiance qui a présidé à l'accrochage de la redevance télé sur la taxe d'habituation et, ma foi, cela a bien fonctionné, car les Français sont honnêtes.

Le dispositif adopté met fin à des inégalités qui ne sont pas supportables et c'est à l'honneur du Parlement d'avoir eu le courage de s'attaquer à cette question. Il est vrai, monsieur Cahuzac, que cette demi-part peut représenter un élément de revenu important pour des personnes veuves touchant une petite retraite – quoique, par définition, il s'agisse de contribuables imposables sur le revenu.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, nous pourrions chercher à améliorer la dégressivité, actuellement de deux ou trois ans et que nous pourrions porter à cinq ans. Mais il ne serait pas raisonnable de revenir sur le travail approfondi que nous avons accompli en commission des finances, et que nous avons défendu face à la position du Sénat, beaucoup plus dure et à nos yeux de mauvaise qualité. Telles sont les raisons pour lesquelles il faut maintenir ce dispositif, même si, monsieur le ministre, il conviendra de l'assouplir. Mais nous avons pour ce faire un an devant nous, puisque la mesure ne s'appliquera qu'à partir de 2010 au titre des revenus de 2009.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

C'est un sujet délicat dont nous avons amplement débattu tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, mais nous sommes assez éloignés du concept même de plan de relance.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je veux bien que moins de fiscalité puisse contribuer à augmenter le pouvoir d'achat, mais de là à estimer que le moindre échange monétaire devient relance… Autant dire que tout est relance !

J'avais cru comprendre, monsieur Cahuzac, qu'à une époque pas si lointaine – il y a quelques semaines – vous étiez plutôt favorable à l'amendement issu de l'Assemblée nationale, que vous considériez vecteur de justice sociale et fiscale. Comme l'a indiqué M. le rapporteur général, il ne faut pas caricaturer cette mesure. Le but est d'éviter que des personnes supposées avoir élevé un enfant seules alors que cela n'avait jamais été le cas, le veuvage ou la séparation étant intervenu bien longtemps après que les enfants soient devenus financièrement autonomes, bénéficient d'une demi-part destinée à compenser des charges financières liées à l'éducation d'un enfant.

L'Assemblée nationale a voulu mettre un terme à ce qu'elle considérait comme une injustice à l'égard des personnes qui restent en couple…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…et a adopté un amendement de M. de Courson conditionnant l'attribution à vie de la demi-part au fait que le bénéficiaire ait supporté, seul, la charge d'un enfant pendant au moins cinq ans. C'est cette version qui a été finalement retenue par la commission mixte paritaire. Cela dit, je le rappelle de la manière la plus claire possible, toutes les personnes élevant seules un enfant ont droit à cette demi-part.

Nous avons là un dispositif équilibré qui résulte d'un travail très sérieux et auquel il ne faut pas toucher. Évidemment, on peut toujours caricaturer, mais l'objectivité impose de reconnaître que ce dispositif est juste. Peut-être conviendrait-il, dès l'année prochaine, d'ajuster les choses à la marge en ménageant une possibilité de sortie en sifflet, mais nous avons agi en la matière sans faire preuve de démagogie ; nous aurions tort, monsieur Cahuzac, de revenir là-dessus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous nous dites, monsieur le ministre, que des députés étaient favorables à cette disposition. Mais, depuis qu'elle a été adoptée, elle a fait l'objet d'une grande publicité ; les intéressés viennent consulter les parlementaires et nous voyons la réalité de plus près. Nous sommes à nouveau tombés dans l'improvisation législative – en disant « nous » j'emploie un terme très collectif, mais je ne suis pas concerné puisque c'est – encore – un coup de notre collègue sénateur Marini !

Cette mesure n'a pas été préparée, mais elle a un impact réel sur le pouvoir d'achat : c'est autant d'argent retiré à des personnes qui, pour la plupart, n'ont pas des moyens extraordinaires et qui ne pourront donc plus dépenser. Et, comme d'habitude, il n'y a pas eu d'étude d'impact ou, plus exactement, si vous êtes sincère, monsieur le ministre – et, vous connaissant, je ne doute pas que vous le soyez, au moins les jours pairs (Sourires) –, vous allez nous avouer qu'en réalité, subrepticement, vous avez demandé à vos services de vous indiquer ce que feront ces quelques piécettes une fois ajoutées les unes aux autres. C'est du travail à la légère, sur lequel nous ne pouvons vous suivre : si mes informations sont exactes, vous économisez avec ce système 1,5 milliard d'euros, soit le coût du RSA. Donnez-nous l'évaluation à laquelle ont procédé vos services ou, si elle n'a pas été réalisée, travaillons en commission des finances, mais évitons de prendre une décision prématurée !

Je vais vous citer le cas concret d'une dame de ma ville, que j'appellerai Marie-Jeanne, retraitée de l'éducation nationale et veuve. Avec son argent, elle aide sa fille qui vit seule avec une petite fille adoptée, et je peux vous dire qu'il ne lui reste rien à la fin de l'année.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La question n'est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Eh bien, c'est cette femme que vous frappez ! Et en réduisant son pouvoir d'achat, par ricochet, vous réduisez celui de sa fille, dont bénéficie sa petite-fille.

M. le rapporteur général lui-même reconnaît que la dégressivité sur deux ans, c'est un peu court, et qu'il faudrait la porter à cinq ans. Mais nous sommes cartésiens, paraît-il, alors mettons les choses dans l'ordre. Travaillons d'abord sur les délais, si vous êtes décidé à ne pas revenir sur cette mesure – qui n'est pas une mesure de justice sociale. Arrêtons d'abord les nouveaux critères et décidons après. Je crois à la valeur du contrat entre les citoyens et l'État. C'est très important dans un pays comme le nôtre : l'État ne doit pas remettre en cause ses engagements. Vous respectez bien ceux que vous avez pris avec les privilégiés en les servant rubis sur l'ongle, ne revenez donc pas sur un avantage accordé à un moment donné, au moins pour ceux qui en bénéficient déjà – pour les autres, si vous y tenez vraiment, peut-être pourrons-nous en discuter !

Nous connaissons vos méthodes : vous pratiquez la politique du fait accompli, spéculant sur le fait que, une préoccupation chassant l'autre, d'ici à un an, l'opinion publique se sera faite à ce coup tordu, dont l'initiative revient à M. Marini, mais que vous avez validé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le débat est intéressant. Chacun mesure que cette disposition aura évidemment des conséquences sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, le plus souvent des femmes, qui, du coup, seront plus nombreuses à être éligibles à l'impôt sur le revenu.

Le rapporteur général a proposé que la mesure ne soit mise en oeuvre qu'en 2010, ce qui devrait inciter nos collègues à voter notre amendement. Si son application n'est pas urgente, prenons le temps de mieux calibrer une mesure dont pâtiront nécessairement nombre de femmes âgées, veuves ou divorcées, qui, quand bien même elles n'ont pas objectivement élevé seules un enfant, seront passibles l'impôt sur le revenu et du coup privées des avantages attachés à la non-imposition, tels que l'exonération de la taxe d'habitation ou de la redevance audiovisuelle – que nos collègues sénateurs viennent précisément de relever, et il est probable que l'Assemblée confirmera leur décision. C'est dire si notre amendement est opportun.

Je suis évidemment sensible aux arguments de justice fiscale…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…qui ont été avancés par le rapporteur général et le ministre du budget. Mais la justice fiscale ne doit pas être sélective.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mme Bettencourt a-t-elle élevé seule sa fille pendant cinq ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Tous deux sont prêts à l'invoquer pour supprimer la demi-part des veuves, mais considèrent qu'on peut attendre dès qu'il s'agit de calculer précisément le revenu fiscal de référence ! N'ont-ils pas repoussé les amendements du président de la commission des finances visant, pour le calcul du bouclier fiscal, à prendre en compte le revenu réel, au lieu d'un revenu fictif plus favorable, amputé des cotisations volontaires à des systèmes de retraites complémentaires par capitalisation ? Nous sommes favorables à la justice fiscale, mais à condition que celle-ci ne soit pas sélective. Souvenez-vous, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, de votre position à propos de la niche fiscale des monuments historiques. Avec votre accord, le plafond qui s'appliquait à ce dispositif a été supprimé en CMP, et le vote de l'Assemblée a confirmé cette décision.

Enfin, monsieur le rapporteur général, vous avez rappelé que j'avais soutenu certaines de vos propositions. C'est encore une amabilité à mon égard, mais la réalité est un peu plus complexe. Il est vrai qu'en CMP, nous avons tenté de vous aider pour que le dispositif imaginé par le rapporteur général du Sénat ne trouve pas d'issue favorable. Ce serait à refaire, nous agirions de même, tant sa proposition nous paraît scandaleuse. Mais nous savons bien qu'en homme expérimenté, M. Marini avait formulé cette proposition dans le seul but d'en faire plus discrètement passer une autre : la compensation par l'État des pertes boursières !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Nous vous avons donc soutenu, mais, en séance publique comme en commission mixte paritaire, nous n'avons jamais pour autant approuvé votre position. Notre intervention ne visait qu'à rendre le dispositif moins dur envers ceux qui n'ont pas à faire l'objet de la justice fiscale telle que vous la concevez.

Si vous voulez exercer vos talents dans ce domaine, il y a des sujets autrement plus intéressants pour les finances publiques… Encore que ! J'ignore par exemple quelle sera la plus value fiscale si cette disposition est maintenue – autrement dit si nos collègues repoussent l'amendement n° 47 –, mais elle sera sans doute de quelques centaines de millions d'euros. Nul ne peut avancer de chiffre exact, puisque vous n'avez procédé à aucune étude d'impact. Mais, hier, dans la discussion générale, le ministre du budget a avancé que, si cette plus value fiscale n'allait pas à l'État, le pouvoir d'achat serait distribué à un public auquel je déplore que vous ne prêtiez pas suffisamment attention. Ne serait-ce pas préférable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

L'objectif initial de l'amendement de M. de Courson était de rétablir une forme de justice fiscale dans le dispositif. Pendant des années, on a totalement ignoré le fait que certaines personnes puissent bénéficier d'une demi-part supplémentaire sans avoir, à proprement parler, élevé un enfant seules.

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Et à Montreuil ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Vous nous avez expliqué, monsieur Brard, que la mesure allait coûter près de 1,5 milliard d'euros. J'ignore d'où vient ce chiffre. Celui qui avait été cité à l'origine était bien inférieur. L'estimation que nous avions fournie au ministre, M. de Courson et moi-même, se situait entre 100 et 150 millions.

La discussion a déjà eu lieu. Votre amendement se justifierait si la proposition de M. Marini avait été maintenue : dans ce cas, il faudrait intervenir. Mais l'amendement n° 47 n'a pas lieu d'être dès lors que la position de l'Assemblée nationale a été entendue en CMP. Il me paraît donc logique de le repousser.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 47 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 48

Nombre de suffrages exprimés 46

Majorité absolue 24

Pour l'adoption 15

Contre 31

(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)

m le président. Je suis saisie d'un amendement n° 57 .

La parole est à M. François Scellier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Scellier

Il faut être très attentif aux engagements en cours, quand on veut changer la législation. Pour éviter tout retrait, l'amendement n° 57 prévoit un mécanisme transitoire d'application du nouveau dispositif de réduction d'impôt pour investissement locatif dans la zone C actuelle, qui en est actuellement exclue. En effet, une partie de cette zone sera reclassée en zone B1 ou B2 par un nouvel arrêté de zonage en préparation.

L'amendement permettrait aux logements dont le permis de construire aura été accordé avant le 1er janvier 2009, date d'application du nouveau texte, de bénéficier du nouveau régime.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cet amendement reprend la rédaction que nous avions adoptée en commission mixte paritaire ; mais, à la demande du Gouvernement, nous avons finalement accepté une rédaction plus restrictive.

M. Scellier a raison de souligner que, lorsque l'on change de dispositif, il faut veiller au régime de transition. Certaines opérations situées en zone C, qui ne bénéficieront donc pas des mesures prévues, le permis de construire ayant été attribué avant le 31 décembre 2008, risquent de fait un certain déclassement.

D'un autre côté, les critiques qui se sont élevées contre le dispositif Robien ont porté sur les opérations effectuées dans des zones qui ne connaissent pas réellement de besoin de logement, ce qui a mis en difficulté les investisseurs ayant effectué ce type de placement. Nous étions donc très partagés entre le principe d'un dispositif assez restrictif, qui sanctionne des erreurs d'investissement, et un dispositif plus souple, comme celui qui a été adopté en commission mixte paritaire, permettant d'écouler ces opérations difficiles.

En tout état de cause, j'appelle l'attention du ministre et du rapporteur du projet de loi sur le logement, M. Piron, sur le fait que le zonage actuel n'est pas satisfaisant. En zone C, certains secteurs relèvent plutôt de la zone B, où se manifestent encore des besoins de logement, et, en zone B, des secteurs relèvent plutôt de la zone C.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il est prévu de le faire dans le cadre de la loi sur le logement, qui – beaucoup l'ont souligné – doit être examinée rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Le nouveau dispositif d'investissement locatif par réduction d'impôt, que vous avez bien voulu accepter, est excellent. Encore faut-il qu'il s'applique à un zonage adapté.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

J'entends bien la proposition de M. Scellier, dont nous avons discuté. Les deux dispositifs sont tuilés pendant l'année 2009 : on peut faire jouer le Borloo-Robien ou le nouveau dispositif voté sous l'impulsion de Gilles Carrez.

Les permis de construire votés avant le 1er janvier 2009 en zone C relèvent de l'avantage Borloo-Robien classique. Mais nous avons voulu qu'il soit possible de jouer sur les deux systèmes, afin de vérifier que chaque dispositif possède un caractère incitatif. Nous sommes ainsi parvenus à un bon équilibre.

Si le zonage lui-même peut sûrement poser des difficultés, celles que vous soulignez relèvent d'une autre logique. Si des reclassements s'imposent, ils seront faits. Quoi qu'il en soit, avec ce tuilage entre les deux dispositifs, un équilibre a été trouvé, puisque les permis de construire déposés avant le 1er janvier 2009 bénéficient d'un avantage fiscal – en l'occurrence le Borloo-Robien.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

La question du zonage est importante, puisqu'elle conditionne l'efficacité, donc le bon emploi des crédits publics. Le dispositif doit être incitatif, et ne surtout pas devenir un soutien ou un encouragement à l'erreur, en termes d'implantation.

Manifestement, les zonages datent. Si les zones A ne posent pas problème, de même que la plus grande majorité des zones B, certaines zones B s'apparentent en fait aux zones détendues de la zone C, et certaines villes moyennes de la zone C connaissent encore des tensions.

La loi sur le logement, dont nous espérons tous qu'elle pourra être inscrite à l'ordre du jour dans des délais raisonnables, devrait permettre un ajustement du zonage qui, sans être remis en question, doit être reconsidéré. Sa cartographie devrait être évolutive, afin que des révisions puissent intervenir régulièrement, permettant une adaptation de la demande sur le plan territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le ministre n'a rien dit des chiffres que j'ai cités concernant l'économie fiscale faite sur le dos des veuves. Or il faut rapprocher le débat que nous avons sur l'amendement n° 57 de notre discussion de tout à l'heure.

Cette fois, MM. Scellier, Piron et Woerth ont mis leur tablier, sorti le rouleau à pâtisserie et un paquet de farine, et les voilà à séparer les jaunes des blancs, et à faire le meilleur gâteau possible pour les investisseurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, c'est de la pâtisserie, de la pâtisserie de luxe ! Après avoir aplati les veuves, vous beurrez la tartine des investisseurs !

Si le dispositif Robien était véritablement un levier pour l'investissement et le développement de l'activité économique, nous aurions pu en discuter, mais nous connaissons ses effets pervers.

Vis-à-vis des veuves, vous êtes âpres et sans pitié…

Debut de section - PermalienPatrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

C'est du roman-photo !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Devedjian nous parle d'un genre littéraire qu'il affectionne : le roman-photo genre Nous Deux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous assure que les veuves dont nous parlions ne vivent pas dans un roman-photo. Vous avez été âpres avec elles, mais quand il s'agit de privilégier les investisseurs, vous avez du temps et de l'imagination, même si vous ne réussissez pas à nous convaincre que vos mesures sont bonnes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Scellier

Je ne répondrai pas aux propos pâtissiers de M. Brard. Je soulignerai toutefois que de nombreuses études d'impact ont été réalisées avant que nous ne déposions l'amendement dont nous débattons.

Ainsi, à la demande du président de la commission de finances, j'ai rédigé avec M. Le Bouillonnec un rapport…

Debut de section - PermalienPhoto de François Scellier

…qui comprend des études d'impact. Nous avons constaté que le dispositif Robien-Borloo avait donné lieu à des excès dans un certain nombre de zones, et notamment dans la zone C.

Debut de section - PermalienPhoto de François Scellier

Toutefois, nous avons également constaté qu'il ne fallait pas considérer la zone C dans sa totalité puisque, dans celle-ci, des constructions méritaient de continuer à bénéficier du dispositif d'aide. D'où la proposition de procéder à des remaniements.

Les propos de M. le ministre seraient pertinents si l'arrêté de zonage avait été pris avant l'entrée en vigueur du nouveau texte. En effet, le dispositif nouveau aurait alors pu s'appliquer aux parties de la zone C reclassées en B1 ou B2.

Si, en période de relance, le Gouvernement est prêt à accepter qu'un certain nombre d'opérations, pour lesquelles un permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 2009, soient annulées, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir, alors je retirerai mon amendement.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur Scellier, je comprends votre préoccupation. Si la loi logement modifie les zonages – et il est assez naturel de le faire régulièrement pour suivre les évolutions du marché –, il faut logiquement prendre en compte le zonage au moment non du dépôt du permis, mais de l'entrée en application de la mesure. Mais cela, je le ferai par le biais d'une instruction fiscale ; ce n'est pas un problème de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

Parfait ! C'est exactement ce qu'il faut faire : cela arrange tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Scellier, si j'ai bien compris, compte tenu de l'engagement du ministre, vous retirez votre amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La pâte a bien été travaillée !

(L'amendement n° 57 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 25 .

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cet amendement est favorable à la relance puisqu'il vise à majorer, autant que faire se peut, le pouvoir d'achat des 8 à 9 millions de salariés dont le niveau de rémunération est inférieur ou égal à 1,6 fois le SMIC.

Nous proposons d'indexer la prime pour l'emploi sur l'inflation. En effet, la plupart des prestations ou avantages sont déjà indexés, et nous ne comprenons pas pourquoi ce ne serait pas le cas pour celui-ci. En fait, vous avez justifié ce choix, il y a plusieurs mois, en affirmant vouloir dégager cette année quelques centaines de millions d'euros pour le financement du RSA. Mais à l'époque, la crise n'était pas perçue à sa juste mesure et ses terribles conséquences sur le pouvoir d'achat – qu'illustre l'évolution de la consommation – n'ont pas été anticipées. Le plan de relance que nous examinons aujourd'hui aurait alors été considéré comme superfétatoire puisque le Gouvernement estimait que sa politique était suffisante. Si, dans ce cadre, on pouvait admettre que la prime pour l'emploi ne soit pas indexée sur l'inflation, aujourd'hui, l'urgence est reconnue et la nécessité de la relance admise : l'argument invoqué hier ne tient plus.

Nous ne comprendrions pas que, cette année, la prime pour l'emploi ne soit pas indexée sur l'inflation. Une telle mesure permettrait d'injecter 400 millions d'euros de pouvoir d'achat au profit de salariés dont on ne peut pas dire, avec un niveau de rémunération inférieur ou égal à 1,6 fois le SMIC, qu'ils font partie des plus privilégiés de nos concitoyens.

La majorité nous a souvent reproché de ne rien proposer : voilà une proposition qui concerne directement le pouvoir d'achat. Son adoption permettrait de pallier quelque peu le déséquilibre du plan de relance que vous nous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur Cahuzac, la modification du barème de la prime pour l'emploi ne permettrait d'augmenter réellement celle-ci qu'en 2010, compte tenu des décalages, alors que le dispositif du RSA que nous avons voté est opérationnel dès cette année. Sur 1,5 milliard d'euros supplémentaires que représente le RSA, 740 millions vont à des ménages bénéficiaires de la prime pour l'emploi et concerne, grosso modo, tous ceux qui ont des enfants et perçoivent plus de 1 000 euros net de revenu mensuel. Je rappelle que, au contraire du RSA, la prime pour l'emploi est peu familialisée – ce qui lui avait d'ailleurs valu, lorsqu'elle était rattachée à la CGS, d'être annulée par le Conseil constitutionnel.

Un effort considérable est donc fait pour la prime pour l'emploi. Il est même très supérieur à celui consenti entre 2002 et 2007. À cette date, le montant de la PPE s'élevait à 2 milliards, alors qu'il atteint aujourd'hui plus de 4 milliards d'euros, auxquels nous ajoutons 740 millions par l'intermédiaire du RSA. Je pense donc, monsieur Cahuzac, que votre demande est amplement satisfaite.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je le répète, quoi que vous en pensiez : ce plan de relance est équilibré. Si l'on regarde l'ensemble des décisions prises par le Gouvernement, on constate qu'aucune catégorie de la population, ni aucune forme de dépense n'est privilégiée au détriment d'une autre.

Il faut considérer la prime pour l'emploi en tenant compte de la mise en place du revenu de solidarité active et des fonds supplémentaires qu'il mobilise à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Ce montant est bien supérieur à ce que représenterait l'indexation ou la modification des critères de calcul de la prime pour l'emploi.

Une redistribution des cartes est en cours : nous voulons inciter les gens à reprendre en emploi en leur assurant qu'ils ne perdront pas d'argent. Nous atteignons, me semble-t-il, assez bien nos objectifs. Ajoutons qu'une prime d'anticipation du RSA sera accordée au 1er avril, qui concernera près de 4 millions de personnes. Aujourd'hui, il n'est plus possible de parler de la prime pour l'emploi sans évoquer le revenu de solidarité active, dispositif dans lequel elle s'inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous n'avez pas écouté M. Cahuzac.

Le RSA est devenu votre gri-gri. Dès que vous voulez refuser une proposition, vous nous ressortez le RSA. Mais si le RSA existe, c'est que votre politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…a appauvri si extraordinairement la population que vous avez été dans l'obligation de consentir un minimum d'efforts.

Reste que votre pingrerie et votre âpreté demeurent dès lors qu'il s'agit d les plus modestes. Pour les plus pauvres, vous comptez en millions d'euros, mais pour les plus riches, vous comptez en milliards ! Chacun se souvient de la loi TEPA ou du plan pour les banques.

La mesure proposée par nos collègues du groupe SRC aurait le mérite d'injecter immédiatement de l'argent à destination de ceux qui en ont vraiment besoin. Hier, lors de la défense d'une question préalable, j'ai montré, citant un économiste de l'OFCE, que 85 % de ces sommes alimenterait l'économie nationale. Vous refusez donc une dépense dont le montant se compte en centaines de millions d'euros, et vous ne m'avez toujours pas répondu sur l'économie fiscale que vous réalisez au détriment des veuves envers lesquelles vous vous conduisez comme des pingres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le rapporteur général, il faut que vous alliez au bout de vos calculs. Certes, les bénéficiaires du RSA vont profiter d'un financement supplémentaire pour un montant de l'ordre de 750 millions d'euros. Mais comme le RSA est financé par une économie de 400 millions d'euros, faite au détriment des bénéficiaires de la prime pour l'emploi, le bénéfice supplémentaire pour ces derniers n'est plus que de 350 millions d'euros. Le problème se pose d'autant plus que tous les bénéficiaires du RSA ne sont pas éligibles à votre fameuse enveloppe de 750 millions d'euros. Si vous faites des additions, il ne faut donc pas omettre les éventuelles soustractions.

Par ailleurs, monsieur Carrez, je suis très surpris par vos propos qui me semblent contradictoires avec vos positions publiques récentes. Ou bien vous estimez que le RSA et la politique de la prime pour l'emploi menée depuis 2002 valent pour solde de tout compte et qu'il n'y a plus à y revenir, ou bien ce n'est pas le cas. Dans les arguments que vous venez de développer, vous optez pour la première solution en rappelant l'instauration du RSA et le doublement de la prime pour l'emploi auquel vous avez procédé, de façon parfaitement justifiée, lors de la législature précédente. Pourquoi alors, dans vos propos publics, avez-vous évoqué une enveloppe de 1 milliard d'euros pour la prime pour l'emploi, le RSA et les aides au logement ?

Nous avons donc tous conscience que ce plan pèche par un manque, sinon d'équilibre entre investissement et pouvoir d'achat, en tout cas d'équité. La prime pour l'emploi est un instrument extrêmement puissant de distribution du pouvoir d'achat. Preuve, d'ailleurs, que nous en sommes tous convaincus : elle a été créée par une majorité et ses effets ont été doublés par une autre majorité. Son augmentation pourrait donc faire l'objet d'un véritable accord, car elle permettrait de distribuer, enfin, du pouvoir d'achat immédiatement à des millions de salariés, le RSA ne pouvant naturellement être considéré comme une mesure pour solde de tout compte.

Je ne comprends pas que la commission et le Gouvernement rejettent notre amendement. Le rapporteur général lui-même a indiqué que cette piste devrait être suivie, probablement à court terme. Quant au Gouvernement, qui a enfin pris conscience de la nécessité d'un plan de relance, comment peut-il s'obstiner à refuser cette évidence : il ne peut y avoir de relance qui ne s'attaque à la cause du mal, c'est-à-dire à l'insuffisance du pouvoir d'achat ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Sans vouloir relancer le débat, je tiens à préciser à M. Cahuzac que le RSA représente bien 1,5 milliard d'euros supplémentaires. Certes, nous avons choisi de ne pas indexer les seuils et les limites d'attribution de la PPE – c'est une modalité de financement du RSA parmi d'autres –, mais nous consacrons tout de même 760 millions d'euros, au titre de l'anticipation du RSA,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…à la prime qui sera versée au mois d'avril, soit deux fois plus que la seule indexation de la PPE, qui représente environ 400 millions d'euros. Il y a donc bien une injection importante de capital en faveur de nos concitoyens parmi les plus démunis et des travailleurs pauvres.

Vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas faire ce que nous devons faire dans ce domaine. Encore une fois, outre le RSA, nous versons une prime deux fois plus importante que la simple indexation de la PPE. On ne se situe donc plus dans le même monde que lorsque nous avons discuté de la création du dispositif. Cet élément a bien été pris en compte dans le plan de relance.

(L'amendement n° 25 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 24 .

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

L'amendement n° 24 est défendu. Je souhaiterais simplement poser une question à M. Woerth, qui a évoqué une anticipation de 760 millions d'euros sur le RSA dans le cadre du plan de relance : le chèque de deux cents euros que 3,5 millions de nos concitoyens vont recevoir le 1er avril sera-t-il perçu en sus du RSA ou est-il à valoir sur ce dernier ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Il sera évidemment perçu en sus du RSA ; ce n'est pas un à-valoir.

(L'amendement n° 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 43 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Naturellement, nous aurions envie de poursuivre le débat avec M. Woerth sur les « plus » et les « moins »… Car le Gouvernement ne frappe pas que les veuves ; il s'attaque aussi aux handicapés, puisqu'il supprime les aides versées pour le transport de ces derniers, ce qui se traduira par une dépense supplémentaire de plus de 500 euros par mois pour des familles déjà frappées par le malheur.

Mais j'en viens à l'amendement n° 43 , qui vise à moduler l'impôt sur les sociétés. Vous prétendez vouloir favoriser l'investissement, monsieur le ministre. Or les hommes et les femmes politiques sont jugés, non pas sur ce qu'ils disent, mais sur ce qu'ils font. Eh bien, Mon amendement vous fournit l'occasion de prouver que vous faites ce que vous dites.

Il revêt en effet une importance particulière dans le contexte de la crise que nous traversons et s'inscrit parfaitement dans un plan de relance destiné à favoriser l'investissement. L'autre jour, j'ai comparé Patrick Devedjian à un Thierry La Fronde dépourvu de projectile. Nous allons voir s'il l'a retrouvé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Quel éclectisme dans vos références, monsieur Brard ! De Mark à Thierry La Fronde !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Tout le monde s'accorde à constater que notre pays est confronté – mais cela ne date pas des débuts de la crise – non seulement à la stagnation des salaires et à une baisse préoccupante du pouvoir d'achat de nos concitoyens, mais aussi au lourd handicap que représente le manque d'investissement des entreprises, en dépit de fonds propres importants.

Cette faiblesse de l'investissement tient à l'évaporation d'une part importante de la richesse créée dans la sphère financière, processus que la majorité a d'ailleurs accompagné fiscalement par des dispositifs de baisse de la fiscalité du patrimoine, aux effets pervers connus. S'il importe aujourd'hui de rétablir la part des salaires, pour des raisons de justice sociale, mais aussi pour de puissants motifs économiques, il convient également de se doter d'outils nouveaux pour soutenir l'investissement. Nous disposons, pour ce faire, de l'instrument fiscal.

Le présent amendement vise donc à modifier l'article 219 du code général des impôts, afin de mettre en oeuvre des taux différenciés de l'impôt sur les sociétés, selon que les entreprises privilégient la distribution de dividendes aux actionnaires ou qu'elles consacrent, au contraire, une part importante de leurs bénéfices à l'investissement et à l'augmentation de la part des salaires.

Dans la perspective de la relance de notre économie, nul ne peut contester que la question de l'utilisation des bénéfices occupe une place centrale. Il semble d'ailleurs que le Président de la République l'ait reconnu du bout des lèvres. Notre amendement vise donc clairement à dissuader la pratique qui consiste à distribuer une part sans cesse croissante des bénéfices des entreprises à une poignée d'actionnaires déjà bien pourvus, pour réorienter ces bénéfices vers l'économie réelle et la satisfaction des besoins sociaux.

Il s'agit d'une mesure de bon sens, dont l'objectif, sinon les modalités, doit aujourd'hui être débattu, car elle correspond à une attente et à une revendication fortes de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Défavorable. Notre taux d'impôt sur les sociétés est déjà élevé. Or il faut prendre garde à ce qu'il ne le soit pas, car c'est également de lui que dépend l'alimentation des entreprises en fonds propres, par l'actionnariat.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le taux de l'impôt sur les sociétés est en effet élevé. J'ajoute que les entreprises peuvent, sous certaines conditions, le diminuer, grâce à des crédits d'impôt, notamment si elles décident d'affecter de l'argent à la recherche. Il faut tenir compte de l'ensemble des diminutions d'impôt applicables à l'emploi des fonds dans l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Woerth, avec son habileté coutumière, fait mine de ne pas entendre ce que j'ai dit. Je ne propose pas de remettre en cause les avantages actuels dont bénéficient les entreprises en contrepartie des investissements qu'elles réalisent en faveur de la recherche, mais de moraliser, comme dirait le Président de la République, c'est-à-dire de fiscaliser davantage les bénéfices dès lors qu'il n'en est pas fait un usage utile à la société et à l'entreprise. Il s'agit en effet de taxer nettement plus les sommes qui, plutôt que d'être investies d'une façon ou d'une autre dans l'entreprise, s'ajoutent à la rémunération des actionnaires, déjà excessive lorsqu'on voit ce qu'ils font de leurs dividendes. Pour rémunérer ses actionnaires, Renault, par exemple, a ainsi supprimé des emplois indispensables, dont la disparition remet en cause l'avenir de l'entreprise.

Ne noyez pas le poisson, monsieur le ministre. Moralisons et rendons efficace l'impôt sur les sociétés en le modulant selon que les bénéfices sont ou non utiles à la société.

(L'amendement n° 43 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 28 .

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cet amendement est en parfaite cohérence avec les propos que vient de tenir M. Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je souhaiterais faire deux remarques. Tout d'abord, je rappelle que Jean-Pierre Balligand a recueilli l'approbation générale, notamment celle des ministres présents, lorsque, dans la discussion générale, il a indiqué que la Caisse des dépôts exigeait une rentabilité de 10 à 12 % de ses investissements, bien que certains se soient autrefois indignés qu'elle ne demande pas 20 %, à l'instar de certains gestionnaires. Si la Caisse s'est fixé cet objectif, c'est parce qu'elle a parfaitement conscience que la richesse produite ne doit pas être distraite de manière excessive au profit du capital et que le travail doit en recevoir sa part.

Par ailleurs, il me semble que nous convenons tous que l'origine essentielle de la crise réside dans une politique salariale excessivement contrainte, la répartition de la richesse produite ces vingt-cinq dernières années ayant bénéficié au capital, au détriment du travail. Au cours de cette période, près de onze points de PIB se sont ainsi déplacés du travail vers le capital. Sans cette évolution, les salariés de notre pays auraient bénéficié de 200 milliards supplémentaires.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Ce n'est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je serais très heureux que vous me répondiez sur ce point, monsieur le ministre, puisque vous ne l'avez pas fait lors de la discussion générale. Quoi qu'il en soit, on peut éventuellement contester les chiffres, mais certainement pas l'évolution de la répartition de la valeur ajoutée ou de la richesse produite.

Notre amendement n° 28 a précisément pour objet de lutter contre l'une des causes de la crise actuelle, c'est-à-dire la sous-rémunération du travail. Nous proposons en effet de modifier la fiscalité, en l'espèce l'impôt sur les sociétés, en faisant en sorte que cet impôt soit moindre quand les bénéfices sont réinvestis ou quand des accords salariaux sont conclus et qu'il soit au contraire majoré lorsque ces bénéfices rémunèrent de manière privilégiée le capital.

À ce propos, pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que l'entreprise Renault – qui bénéficie du plan de relance, notamment d'une mesure spécifique : la prime à la casse – a bien distribué, en 2008, 300 millions d'euros de dividendes supplémentaires par rapport à 2007, c'est-à-dire un peu plus d'un milliard d'euros au total, contre seulement, si j'ose dire, 700 millions d'euros l'année précédente ? Trouvez-vous normal que, dans ces conditions, elle demande à l'État de venir à son secours en lui versant des fonds publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Alors que des salariés sont mis au chômage technique !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Moraliser, monsieur Brard, cela peut signifier également « donner le moral » ; tel est bien l'objectif de notre plan de relance. (Sourires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Rappelons également que, depuis vingt ou trente ans, la répartition capital-travail est stable en France : 70 % pour le travail, 30 % pour le capital. Certes, si l'on retient le pic qui a suivi le second choc pétrolier, aux alentours des années 1980, les salaires ont couru derrière une inflation extrêmement forte. Mais il faut prendre en compte la longue période ; on constate alors que la France est l'un des rares pays où la répartition entre le capital et le travail soit restée à peu près stable.

En ce qui concerne Renault, je n'ai pas d'explications particulières à vous donner, mais vous pourrez en demander à Christine Lagarde.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Quant à la modulation de l'impôt sur les sociétés, objet de votre amendement, monsieur Cahuzac, vous savez très bien qu'elle avait été décidée par Alain Juppé dans le cadre d'un projet de loi de finances, en 1995 ou 1996, et que c'est vous qui êtes revenus sur cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ce n'est pas exact. Cela ne s'est pas passé ainsi !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je ne suis pas en train de vous attaquer, mais simplement de rappeler comment les choses se sont passées !

Pourquoi être revenu sur cette mesure ? Parce qu'elle est très compliquée à mettre en oeuvre. C'est le type même de la fausse bonne idée : elle ne s'applique pas sur une seule année, mais sur une longue durée, et il est très difficile de suivre et de flécher le capital réellement laissé dans l'entreprise et celui qui va en sortir par le biais de la distribution de dividendes. Dans la pratique, la mise en oeuvre aboutit à une véritable usine à gaz, c'est pourquoi vous avez décidé d'y mettre fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur Woerth, cela fait plusieurs fois depuis le début de ce débat que vous engagez des polémiques qui, à mon avis, ne sont pas de votre niveau et ne concernent pas le Gouvernement, qui a sans doute mieux à faire. La mesure de M. Juppé que vous avez évoquée était la surtaxe, et non le dispositif que vous venez de décrire. Lancer des attaques polémiques me paraît un peu stupide et n'apporte rien à notre pays.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mais il n'y a pas de polémique !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

En tout état de cause, vous n'avez pas à déformer les faits en parlant du passé. Vous feriez mieux de vous préoccuper du chantier qui est devant vous, qui ne va pas être facile, et d'y consacrer toute votre énergie !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

C'est vous qui engagez une polémique, pas moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Au sein du Gouvernement, on trouve l'école Woerth-Bertrand : c'est le mode patelin, propre à enrober toutes les politiques perverses. Même quand vous prenez le ministre les doigts dans le pot de confiture, il cache sa main derrière son dos en soutenant que vous avez mal vu ! L'une des techniques utilisées consiste à mélanger sémantique et idéologie. Ainsi, quand je dis « moraliser », le ministre répond « garder le moral », oubliant qu'il vient justement de casser le moral des veuves en prenant des mesures au nom de la moralisation de l'avantage dont elles bénéficiaient jusqu'à présent ! Mais peu lui importe !

Vous qui êtes de l'Est de la France, madame la présidente, je vous sais très sensible au français, car vous venez d'une région où la préservation de l'identité nationale est passée par la protection de la langue. Mais au Gouvernement, seul M. Joyandet est chargé de la francophonie, M. Woerth n'en est pas comptable...

Monsieur le ministre, vous n'avez pas voulu répondre sur Renault à notre collègue Cahuzac. Afin de vous inciter à le faire, je vais vous donner quelques précisions complémentaires sur ce qui s'est passé dans cette entreprise pendant les fêtes. Sur le site de Guyancourt, il se trouvait des salariés qui dépendaient d'entreprises travaillant pour Renault, mais n'appartenaient pas eux-mêmes au personnel de Renault. D'une façon brutale, le duo infernal Ghosn-Pelata a décidé de liquider 1 000 salariés juste avant Noël. Pour cela, toutes les précautions ont été prises, puisqu'on est allé jusqu'à déprogrammer les badges d'accès au site de ces salariés, afin de s'assurer que dès le 1er janvier, ils ne puissent plus mettre un pied sur le site où ils ont travaillé durant des années. Pourquoi, monsieur le ministre, refusez-vous de répondre à nos questions, alors que vous pourriez aisément le faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On voit des choses scandaleuses se passer. Ainsi, les dividendes de Renault tels qu'ils ont été définis par M. Ghosn dans son obsession idéologique destructrice pour l'entreprise constituent un vrai problème, entrant pour partie dans le déclenchement de la crise actuelle. Mais vous refusez d'intervenir sur cette question !

Votre seul argument quand vous voulez refuser une mesure est de la qualifier d'usine à gaz. C'est sous-estimer la compétence de vos services à Bercy, toujours capables de trouver des solutions. Quand vous leur assignez des objectifs nouveaux et difficiles à atteindre, ils sont pleins de zèle et jamais à court d'idées ! J'en veux pour preuve l'auto-liquidation de l'ISF pour les bénéficiaires du bouclier fiscal : pour lutter contre la fraude, on aurait pu trouver mieux ! Ce n'était pas une usine à gaz que vous avez installée, mais une dérivation directe pour permettre aux privilégiés de se soustraire à l'impôt !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Une usine à pépètes, effectivement, livrée clés en main à la libre exploitation des privilégiés !

(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 29 .

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

L'amendement n° 29 vise tout simplement à aider, par le biais d'une mesure fiscale, les entreprises qui exportent. Le président de la commission des finances, qui est à l'origine de cet amendement, y est très attaché. Nous avons régulièrement des débats en commission sur le dispositif proposé, et ne désespérons pas de convaincre nos collègues que cette mesure serait opportune, surtout dans un contexte particulièrement préoccupant pour notre commerce extérieur, de plus en plus déficitaire depuis 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Lionel Tardy.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il aura fallu qu'une crise survienne pour que M. Brard s'intéresse à l'investissement dans les entreprises, mais je me réjouis de cet intérêt, fût-il tardif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ne méprisez pas les marxistes ! Ils ont toujours cru au capital vivant !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il n'y a pas si longtemps, monsieur Brard, vous criiez encore haro sur les bénéfices, qui devaient selon vous aller directement dans les poches des salariés, sous la forme d'augmentations de salaire, au détriment de l'investissement et du renforcement des fonds propres des PME, seuls garants de la pérennité des emplois à moyen terme et à long terme – ce que vous êtes semble-t-il en train de le découvrir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Moi, je sais lire, et pas seulement les comptes ! La NEP remonte à 1922 !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

La crise actuelle met en exergue le manque chronique de fonds propres dans nos entreprises, en particulier dans nos PME. La plupart ne disposent pas de plus d'un mois de trésorerie en réserve, ce qui est bien inquiétant lorsqu'on sait que cette crise va durer plusieurs mois. Ce manque cruel de fonds propres est un problème récurrent, souligné par plusieurs rapports parlementaires.

Si l'on s'interroge sur les solutions à apporter à ce problème, on s'aperçoit que les banques sont impuissantes à résoudre les problèmes de fonds propres des entreprises, et qu'elles considèrent d'ailleurs que ce n'est pas leur rôle. Les dirigeants de PME patrimoniales sont, quant à eux, réticents à ouvrir leur capital, ce qui serait pourtant la seule solution pour garantir des fonds propres solides.

Mon amendement n° 7 a le mérite d'apporter une solution interne au manque de fonds propres des PME. Il consiste à faire bénéficier d'un taux réduit d'imposition les bénéfices réinvestis dans la société pour une durée d'au moins cinq ans, plutôt que de favoriser la redistribution. J'avais proposé un amendement en ce sens il y a un an, relatif au fléchage de l'impôt sur les sociétés pour les dirigeants d'entreprise. Cette solution a fonctionné et a permis d'apporter des fonds propres supplémentaires dans les entreprises. Celui que je soumets aujourd'hui à notre assemblée vise à résoudre le problème récurrent de manque de fonds propres dans les entreprises ; il permettra également de faire comprendre à nos collègues de l'opposition qu'il est temps de cesser de distribuer les bénéfices pour favoriser l'investissement au sein des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

C'est exactement ce que proposait Cahuzac, et vous avez voté contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cet amendement, tout comme celui de Jérôme Cahuzac à l'instant, procède d'une intention louable : il est exact qu'il y a intérêt à favoriser le réinvestissement dans l'entreprise de la partie la plus importante du résultat.

Comme l'a dit M. le ministre, la difficulté est d'ordre technique (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC) Quelles que soient l'inventivité, la créativité et la compétence des services de Bercy, suivre l'évolution des résultats d'une entreprise sur une longue période exige de la contrôler en permanence.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je crains effectivement qu'avec une telle mesure, les services fiscaux ne soient obligés de passer tout leur temps au sein des entreprises, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Par ailleurs, il y a des entreprises qui ont besoin de distribuer, notamment lorsque des entrepreneurs investissent dans les entreprises, ce qui oblige celles-ci à procéder à des distributions pour rembourser leurs emprunts. Cela me paraît une fausse bonne idée.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Cela étant, puisque cette proposition revient régulièrement, à droite comme à gauche, je suis disposé à l'examiner de façon sereine et approfondie, en tentant notamment de déterminer pourquoi cela n'a pas fonctionné quand cela a été mis en place une première fois – j'insiste, monsieur Emmanuelli : nous parlons bien de la même mesure, non de la surtaxe.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Si nous parvenons à lever les obstacles techniques, rien ne s'oppose à ce que nous envisagions d'instaurer cette mesure l'année prochaine. En tout état de cause, il me semble que nous ne devons pas adopter un amendement de ce genre sans nous poser certaines questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je suis très modérément convaincu par les arguments présentés comme techniques par le rapporteur général et le ministre. Cet amendement me paraît satisfaisant dans la mesure où il va dans le sens de ce que tout le monde souhaite, c'est-à-dire le réinvestissement des bénéfices d'une entreprise dans l'entreprise elle-même, plutôt que leur distribution sous forme de dividendes. C'est exactement ce que nous proposions avec l'amendement précédent, que M. Tardy n'a pas voté. Mais pour notre part, nous voterons en faveur du sien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, connaissant la détermination de M. Tardy, qui souvent a tendance à fléchir, je lui indique d'ores et déjà que, dans le cas où il aurait la tentation de retirer son amendement, je le reprendrais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le ministre, vous craignez que les services fiscaux ne passent leur temps dans les entreprises. Mais qu'ils y aillent ! Il ne s'agit pas de harceler les PME, mais plutôt de se rendre chez M. Bolloré, chez M. Bouygues, ou d'aller faire un peu de rétro-contrôle dans telle entreprise concurrente de Fleury-Michon et produisant un célèbre jambon : je suis persuadé qu'ils ne feront pas le déplacement pour rien ! (Rires et exclamations.)

Quant à vous, monsieur Tardy, n'ayez pas peur de sortir de temps en temps, voire d'effectuer une excursion dans l'histoire. La conjugaison de mesures sociales et de mesures économiques afin de faire redémarrer l'économie a été pratiquée à plusieurs reprises au cours du XXe siècle. Il y a eu la NEP de Lénine, mais aussi la politique de Deng Xiaoping et, dans les années 1980, le doi moi au Viet Nam. On n'a pas attendu M. Tardy pour prendre, dans ces pays, des mesures efficaces pour aider les entreprises à créer des richesses ayant ensuite vocation à être réparties, ce qui a contribué à l'élévation du niveau de vie des salariés en procédant à une juste répartition entre ce qui est consacré à l'investissement et ce qui est affecté aux salaires, c'est-à-dire à la rémunération du capital vivant –notion qui ne figure pas dans le catéchisme que vous avez appris, monsieur Tardy !

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 et du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma