La Commission examine une proposition d'avis, présentée par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, sur un projet de décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, en application de l'article 13 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF).
Ce projet de décret d'avance, le premier de l'année 2009, tend à ouvrir et à annuler 303 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 385 millions d'euros de crédits de paiement sur six missions et six programmes du budget général, ainsi que 4,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens. Les ouvertures concernent les dépenses immobilières du ministère de la Défense (139,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 244,5 millions d'euros de crédits de paiement), des achats de masques contre la grippe A (46,2 millions d'euros), l'indemnisation de collectivités locales touchées par des dégâts climatiques (45,4 millions d'euros), la compensation de la baisse des prix des carburants dans certains départements d'outre-mer (44 millions d'euros), l'aide civile à l'Afghanistan et au Pakistan (21 millions d'euros), le soutien de la Compagnie française pour l'Exposition universelle de Shanghai (7 millions d'euros), les opérations de recherche consécutives à la catastrophe aérienne du 1er juin dernier (4,5 millions d'euros). D'un montant égal aux ouvertures, les annulations relèvent pour une part d'une logique d' « auto-assurance » (pour le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, pour la mission Défense, pour les achats de masques) et, pour le solde, touchent des crédits figurant dans la réserve de précaution. Au total, 23 missions et 53 programmes du budget général sont concernés par des annulations de crédits.
Trois ouvertures de crédits retiennent plus particulièrement l'attention.
En premier lieu, les ouvertures de crédits en faveur des opérations immobilières du ministère de la Défense visent à pallier les moindres recettes de cessions immobilières constatées depuis le début de l'année. Dans la loi de finances initiale pour 2009, le budget de la Défense a en effet été bâti en s'appuyant sur les futurs moyens financiers dégagés par les cessions immobilières, permises notamment par la réforme de la carte militaire, qui devaient générer un produit d'un milliard d'euros.
Pour des raisons liées principalement au contexte de crise économique, les cessions immobilières de la Défense ont pris du retard, privant le compte d'affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l'État d'une partie des recettes prévues. Celles-ci pourraient in fine s'établir à environ 300 millions d'euros, au lieu d'un milliard d'euros attendu. Le décret d'avance comble ces pertes à hauteur de 140 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 245 millions d'euros de crédits de paiement, par prélèvement sur le programme Soutien de la politique de la Défense. Une partie de ces crédits (140 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement) sera versée en recettes du CAS, le solde (105 millions d'euros de crédits de paiement) sera consommé sur le programme Soutien de la politique de la Défense. Les opérations immobilières concernées, qui s'étalent sur plusieurs années, sont diverses : infrastructures nécessaires aux hélicoptères Tigre et NH90, aux véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), à l'avion de transport A400M ; rénovation de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Sainte-Anne à Toulon ; réhabilitation d'un bassin de l'arsenal de Brest.
Ces ouvertures de crédits sont entièrement gagées par la mission Défense elle-même, sur les programmes Équipement des forces et Préparation et emploi des forces, grâce aux économies permises par la moindre inflation constatée en 2009. Pour autant, ces difficultés d'exécution budgétaire viennent rappeler les inconvénients inhérents au recours à des financements « extrabudgétaires » pour compléter les enveloppes de crédits des programmes du budget général.
En deuxième lieu, une ouverture de 44 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sur le programme Conditions de vie outre-mer vise à compenser aux compagnies pétrolières le manque à gagner entraîné par la décision, prise par l'État à la fin 2008, de diminuer les prix de vente des carburants dans les départements d'outre-mer (DOM). À la suite des protestations à la Réunion en septembre 2008 puis en Guyane et en Guadeloupe en décembre, les premières baisses des prix des carburants ont été décidées par le préfet le 1er octobre à la Réunion et le 1er décembre en Guadeloupe. D'autres baisses de prix, ainsi que le gel des hausses prévues, ont ensuite été décidés par les préfets. Le manque à gagner pour les compagnies pétrolières en Guadeloupe, Martinique et Guyane est, à ce stade, estimé à 44 millions d'euros.
La question du prix des carburants dans les DOM fait actuellement l'objet d'une mission d'information conjointe des commissions des affaires économiques (M. Jacques Le Guen) et des finances (M. Jérôme Cahuzac).
Ce dossier mérite d'être traité d'autant plus rapidement par le Gouvernement que l'évolution du cours du pétrole sur le marché mondial, reparti à la hausse depuis février, ne fait qu'aggraver le coût budgétaire des mesures de contrôle des prix. Il est impératif d'éviter que cette solution d'attente se transforme en véritable gouffre financier.
En troisième lieu, le décret d'avance ouvre 4,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sur le programme Transports aériens, surveillance et certification du budget annexe Contrôle et exploitation aériens afin de financer les opérations de recherche dans l'océan atlantique à la suite de la catastrophe aérienne du 1er juin 2009. Ces crédits, qui bénéficieront au bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), s'ajoutent aux 5,5 millions d'euros dégagés par redéploiement au sein du programme. Cette ouverture est entièrement gagée par des annulations sur le programme Navigation aérienne du même budget annexe.
Au sujet de la compensation de la baisse des prix des carburants dans les départements d'Outre-Mer, je souhaite rappeler que les 44 millions d'euros prévus correspondent à l'indemnisation des compagnies pétrolières. Le Gouvernement nous invite donc à compenser à hauteur de 44 millions d'euros les comptes des compagnies pétrolières, qui ont pourtant une part de responsabilité dans la formation des prix que personne ne saurait ignorer. De plus, comme l'a souligné le rapporteur général, de nouveaux crédits seraient appelées à être ouverts dans les semaines ou les mois à venir. Il y a donc incontestablement une réflexion globale à avoir sur la question de la responsabilité de ces compagnies.
Les stocks de la SARA, qui est le principal distributeur des Antilles et une filiale de Total, sont évalués en tenant compte du niveau d'évaporation lié à la température dans les départements d'outre-mer. Il est possible que cette méthode d'évaluation permette d'améliorer les marges de la société. Comme le rappelle David Habid, la solution qui a été mise en place consiste à compenser l'écart entre le prix annoncé par la SARA et celui que la population locale est prête à payer. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une pérennisation de cette situation.
Il faut attendre le rapport de nos collègues sur ce sujet. Néanmoins, les compagnies pétrolières ne donnent pas l'impression d'avoir un véritable manque à gagner qu'il faille compenser.
À propos des calamités naturelles, deux dispositifs coexistent : le fonds de solidarité qui concerne les sinistres inférieurs à quatre millions d'euros et le dispositif couvrant des dégâts supérieurs, dont il s'agit dans ce décret. Il faudrait s'assurer que les collectivités territoriales concernées bénéficient du même traitement, qu'elles aient ou non connu des calamités naturelles fortement médiatisées. Si les particuliers bénéficient de décisions de classement dans des délais assez comparables, les décisions financières à l'égard des collectivités sont prises dans des délais très différents. Ainsi, dans le cas de la catastrophe naturelle ayant touché l'Ardèche, la Lozère, la Haute-Loire et la Loire, cette qualification a été reconnue dans les semaines qui ont suivi, ce qui est tout à fait satisfaisant. Cependant, aujourd'hui, soit huit mois après les faits, les collectivités territoriales n'ont toujours pas le détail des financements qui leur seront octroyés au titre de cette reconnaissance, parce que l'aire géographique concernée couvre des dégâts supérieurs à quatre millions d'euros. Les collectivités confrontées à ces dégâts au mois de novembre ont donc dû bâtir leur budget primitif, voté au plus tard à la fin mars 2009, dans des conditions extrêmement difficiles, sans avoir d'information sur le financement des réparations. Or, ce financement peut être supérieur à leur budget annuel.
La mise en place d'un dispositif pour les « petits sinistres » était justifié par la nécessité de réagir au plus vite. Néanmoins, il faut veiller à ce que ce seuil n'entraîne par d'inégalités de traitement. Nous étudierons ce point avec le rapporteur spécial en charge de ce dossier.
Pour les collectivités locales concernées, il s'agit en effet de réaffirmer la notion d'égalité de traitement. Les différences de calendrier se traduisent par des difficultés de gestion quotidienne. L'aspect le plus important concerne le soutien financier apporté à des collectivités qui se situent dans la même zone de sinistre, avec des dégâts pesant en proportion le même poids dans leur budget, mais qui ne sont pas accompagnées de la même façon.
La Commission adopte la proposition d'avis sur le projet de décret d'avance, qui comporte notamment les trois observations suivantes :
1. L'insuffisance de crédits constatée en 2009 au titre des opérations immobilières du ministère de la Défense, du fait de recettes de cessions immobilières inférieures aux prévisions, témoigne des inconvénients inhérents aux financements par voie d'affectation de ressources exceptionnelles. En l'espèce, l'ouverture prévue dans le projet de décret ne pose pas de difficulté, dès lors qu'elle est assortie d'annulations d'un montant équivalent de crédits sur d'autres programmes du ministère de la Défense. Le budget général n'a, en effet, pas vocation à compenser les moins-values de recettes attendues des cessions immobilières ou de la valorisation du spectre hertzien.
2. L'ouverture de 44 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sur la mission Outre-mer vise à couvrir une partie du coût pour l'État de la compensation aux compagnies pétrolières de la perte de recettes occasionnée, depuis la fin de l'année 2008, par la décision de baisser puis de geler le prix des carburants dans certains départements d'outre-mer. Afin de prévenir tout effet d'éviction sur les autres crédits dédiés à l'outre-mer, il importe que le Gouvernement règle d'autant plus vite ce dossier que les évolutions récentes du cours mondial du pétrole aggravent le coût pour l'État du maintien des prix à leur niveau actuel.
3. Sous réserve qu'elles correspondent à de véritables économies, les annulations de crédits permettent de préserver l'équilibre budgétaire défini par les lois de finances pour 2009. Il est de bonne méthode de faire porter prioritairement les annulations sur les missions ou les ministères qui bénéficient par ailleurs des ouvertures de crédits et, pour le complément, de mettre à profit la réserve de précaution constituée en début de gestion. Le projet de décret satisfait à ces exigences.