COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES
Mercredi 28 janvier 2009
La séance est ouverte à dix heures.
Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission
Le bureau de la commission a considéré qu'il était préférable que la stabilité prévale pour les rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tout en laissant aux groupes leur liberté de jugement sur ce point. En revanche, pour les avis sur le projet de loi de finances, un changement en cours de législature a paru opportun. Il conviendrait que ces rapporteurs puissent être désignés rapidement, afin qu'ils puissent se familiariser avec les dossiers. Par ailleurs, la commission procèdera le 10 février prochain à la désignation d'un rapporteur pour avis sur le projet de loi, adopté par le Sénat, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dont la commission des lois est saisie au fond.
Le bureau de la commission a par ailleurs décidé de créer une mission d'information sur les écoles de la deuxième chance et l'accès à l'emploi.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) a désigné M. Jean-Patrick Gille et Mme Marie-Renée Oget pour faire partie de cette mission d'information, qui pourrait utilement s'intéresser aux démarches entreprises dans ce domaine par la région Lorraine.
Bien évidemment. L'objectif que se fixe la mission d'information est de remettre son rapport le 10 mars.
Le groupe SRC a désigné Mme Sandrine Mazetier, M. Yves Durand et Mme Martine Martinel pour faire partie de cette mission.
La mission se fixe pour objectif de remettre son rapport d'ici la fin du mois de mai ou le début du mois de juin.
Lors de la discussion en séance publique d'un amendement de Mme Aurélie Filippetti et plusieurs de nos collègues au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, il avait été convenu qu'une mission d'information serait créée sur le délai de forclusion en matière de maladies professionnelles, en particulier la sidérose. Cet engagement est-il satisfait par la décision prise par le bureau de la commission de créer une mission d'information sur la prise en charge des victimes de l'amiante ?
Il y a effectivement des rumeurs selon lesquelles une mission d'information sur les victimes de l'amiante aurait été créée. Je rappelle qu'une autre mission sur l'amiante a remis ses conclusions il n'y a pas si longtemps et – me semble-t-il – c'est la question plus générale des maladies professionnelles qu'il conviendrait d'aborder.
Sur ma proposition, le bureau s'est effectivement prononcé à l'unanimité pour la création d'une mission d'information sur la prise en charge des victimes de l'amiante, afin de répondre à de fortes demandes. Nous nous étions en effet engagés, suite à la réponse du ministre, M. Xavier Bertrand, lors de la discussion de l'amendement présenté par Mme Aurélie Filippetti, à approfondir la réflexion sur la prise en charge des victimes de l'amiante, c'est-à-dire sur la situation de ceux qui ne bénéficient actuellement pas du système d'indemnisation. Le travail de cette mission ne fera donc pas double emploi avec celui récemment conduit par M. Jean Le Garrec.
Il faut également donner suite à l'engagement pris, lors de l'examen de la proposition de loi de Mme Christiane Taubira, de mettre sur place un groupe de réflexion avec le ministère de la défense sur la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires, dans la perspective du dépôt d'un projet de loi sur ce thème.
Par ailleurs, alors qu'est entamée la discussion en séance publique du projet de loi, adopté par le Sénat, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, il faut rappeler, en matière d'accession sociale à la propriété, que les crédits destinés au Pass foncier et au prêt social location-accession (PSLA) ont été très insuffisamment utilisés. Avec la disparition programmée des dispositifs Robien et Borloo, le nouveau dispositif fiscal résultant de l'amendement de M. François Scellier au projet de loi de finances rectificative pour 2008 présente le mérite de la simplicité, mais exclut entièrement la zone C, soit 90 % du territoire. Compte tenu de la nécessité de diversifier l'offre de logements, des exceptions devraient être prévues à cette exclusion.
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) achèvera prochainement ses travaux sur le bilan de la prestation d'accueil du jeune enfant, sur le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau. Elle procédera à des contrôles sur pièces et sur place dans le cadre de ses travaux sur le fonctionnement interne de l'hôpital, afin de s'assurer du respect des bonnes pratiques. Enfin, elle s'intéresse à la lutte contre la fraude sociale, dont l'ampleur est difficile à cerner avec précision, et à la mise en oeuvre de nouveaux outils informatiques dans ce domaine, afin d'optimiser le fonctionnement de notre système de protection sociale.
M. Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, a récemment souligné que la France a désormais dépassé la Suède pour ce qui est de la dépense sociale, mais malgré le volume des sommes engagées, elle ne se place en revanche pas en tête pour les résultats de ses politiques sociales. Le problème de la performance sociale est donc posé, car il existe des marges permettant de contribuer à la réduction de notre endettement.
Enfin, la commission procèdera d'ici peu à un bilan des missions d'information, faisant apparaître dans quelle mesure leurs propositions ont été suivies d'effet.
La Commission examine le rapport de M. Yves Bur sur la proposition de résolution sur l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (n° 1309).
La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est saisie d'une proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale. Cette proposition de résolution, présentée par notre collègue Daniel Fasquelle, a pour objet la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Cette proposition de directive – que Mme Androulla Vassiliou, commissaire européenne à la santé, est venue présenter à notre commission le 8 octobre dernier – répond à un besoin réel de nos concitoyens : aujourd'hui, 3 à 4 % des ressortissants de l'Union européenne choisissent en effet de se faire soigner dans un autre État membre que le leur. Et il est certain que cette tendance à la mobilité des patients ne va que s'amplifier dans les années à venir : toutes les enquêtes d'opinion montrent en effet que les citoyens de l'Union sont de plus en plus ouverts à cette possibilité de se déplacer dans un autre État membre pour y recevoir des soins.
Les raisons de ce phénomène varient évidemment selon les patients et les situations :
– un patient peut par exemple choisir de se faire soigner dans un autre État membre pour bénéficier de meilleurs délais. Cette question est souvent évoquée s'agissant des patients anglais. Mais pour prendre un cas concret que je connais bien, il faut six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue à Strasbourg – cela est certainement aussi vrai dans d'autres régions, comme le Nord –, alors qu'il ne faut qu'une quinzaine de jours à Kehl, petite ville située juste à côté, sur l'autre rive du Rhin ;
– le patient, c'est vrai, peut parfois aussi avoir le souci de bénéficier de meilleurs tarifs. L'exemple des soins dentaires en Hongrie est bien connu : ils sont parmi les moins chers d'Europe, mais ils sont remboursés jusqu'à concurrence du montant de prise en charge prévu par les assurances sociales de l'État d'affiliation du patient ;
– il peut encore s'agir d'un déplacement pour bénéficier d'une meilleure expertise, notamment dans le cas de certains soins hautement spécialisés.
Mais quelles que soient ces raisons, recevoir des soins dans un autre État membre relève bien souvent, à l'heure actuelle, du parcours du combattant. Les difficultés à surmonter sont en effet nombreuses, qu'il s'agisse de l'éloignement, de l'obstacle de la langue, ou encore de la méconnaissance des systèmes sanitaires et juridiques, qui diffèrent d'un État à l'autre.
Cette proposition de directive est donc particulièrement nécessaire pour tous les citoyens de l'Union, et plus encore pour les habitants des régions frontalières. Chaque jour, de nombreux Alsaciens, et sans doute également de nombreux Lorrains ou encore des habitants du Nord, choisissent de se faire soigner en Allemagne ou dans un autre pays voisin ; or, ils me font fréquemment part des blocages ou des lenteurs administratives auxquels ils se heurtent, et qui les font parfois renoncer au remboursement auquel ils ont pourtant droit. Il faut donc rapidement mettre fin à ces anomalies.
De ce point de vue, la proposition de directive présente trois avantages essentiels.
Elle a tout d'abord le mérite, je le souligne, d'adopter une démarche radicalement différente de celle qui a présidé à l'élaboration de la directive « Bolkestein ». La présente proposition de directive ne touche pas aux systèmes de soins nationaux ; elle ne concerne pas non plus la mobilité des professionnels de santé, question qui avait pu susciter certaines craintes. Ce qu'elle vise avant tout, c'est à faciliter l'exercice du droit des patients européens à recevoir des soins sur tout le territoire de l'Union.
Deuxième avantage : elle codifie, dans un cadre juridique clair et simplifié, la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes depuis 1998, dans ses arrêts Kohll et Decker, jurisprudence qui affirme que les principes communautaires de libre circulation des biens et de libre prestation de services s'appliquent au domaine de la santé.
Pour autant, elle respecte le principe de subsidiarité en affirmant la compétence nationale sur les questions d'organisation des soins de santé et de sécurité sociale. La proposition de directive précise les conditions dans lesquelles les patients peuvent se faire soigner dans un autre État membre et se faire rembourser, mais elle ne remet pas en cause le droit des États membres de définir les prestations qu'ils choisissent d'assurer. Le principe de l'autorisation préalable pour les soins hospitaliers est maintenu, ce qui garantit la capacité de régulation des États membres.
L'intervention de l'Union européenne se limite donc au renforcement de la coopération et de la coordination entre les États pour améliorer les synergies entre les différents systèmes de santé. Cette coopération peut par exemple se traduire par une collaboration pratique au travers des « réseaux européens de référence », qui réuniraient des centres spécialisés de différents États membres afin de mettre en commun ressources et compétences, notamment dans la lutte contre les maladies rares.
S'agissant tant du renforcement du droit des patients à accéder aux soins de santé transfrontaliers que de la clarification du cadre juridique et de l'amélioration de la coopération européenne en matière de santé, il me semble donc que cette proposition de directive va dans le bon sens, sentiment partagé par la proposition de résolution de notre collègue Daniel Fasquelle. Mais celui-ci souligne également la nécessité que les soins de santé transfrontaliers fassent l'objet de garanties supplémentaires.
Il faut d'abord aller plus loin dans la protection des patients. Le point-clef est ici celui de l'information sur le système de soins de l'État de traitement, avec lequel ils ne sont souvent pas du tout familiers. À l'instar de ce qu'a demandé la Présidence française au cours des premiers échanges sur la proposition de directive, trois obligations devraient être mises à la charge de l'État de traitement :
– l'information sur les normes de qualité et de sécurité sanitaires ainsi que sur les dispositifs de contrôle et d'évaluation : ce sujet est particulièrement important pour notre pays, dépourvu de véritable culture de l'évaluation et de la comparaison ;
– l'information sur les règles de qualité et sur le statut applicables aux prestataires de soins de santé ;
– l'existence de voies de recours : il est nécessaire de savoir de quelles garanties il est possible de bénéficier si une difficulté survient à l'occasion d'un traitement dans un autre pays.
Il est par ailleurs essentiel qu'avant la délivrance des soins, le patient puisse disposer d'éléments détaillés sur les conditions financières applicables dans l'État membre de traitement, c'est-à-dire notamment sur les différences de tarification, les restes à charge et les mécanismes de tiers-payant.
Il faut également aller plus loin en ce qui concerne les droits du patient. Celui-ci doit d'abord être en mesure de donner son autorisation aux transferts de données médicales personnelles d'un État membre à un autre, ce qui passe, ici aussi, par une meilleure information, en l'occurrence sur les différences éventuelles entre les règles applicables. Mais le patient doit aussi être mieux garanti en cas de complication postérieure à des soins de santé transfrontaliers. Il est logique que le droit de l'État membre de traitement s'applique, mais concrètement, comment le patient et, le cas échéant son organisme d'affiliation, peuvent-ils engager une action en justice dans un État autre que le leur, dont ils connaissent mal les procédures et règles de fond ? Il convient donc de réfléchir à la mise en place d'un mécanisme européen de règlement des litiges consécutifs à des soins de santé transfrontaliers, comprenant notamment un système de compensation financière.
Enfin, le développement des soins de santé transfrontaliers ne doit pas se faire au détriment des systèmes sociaux des États membres. La proposition de directive prévoit certes une « clause de sauvegarde » pour les soins hospitaliers et spécialisés : elle permet ainsi aux États membres de prévoir un dispositif d'autorisation préalable de prise en charge, afin de préserver la planification et la rationalisation des équipements sanitaires mais aussi de ne pas menacer l'équilibre des régimes de sécurité sociale. À cet égard, le remboursement dont bénéficie le patient est plafonné à hauteur du coût qui aurait été pris en charge pour des soins identiques ou similaires délivrés dans l'État membre d'affiliation.
La proposition de résolution de notre collègue Daniel Fasquelle estime cependant, et à juste raison, qu'il conviendrait d'instaurer une seconde « clause de sauvegarde », toujours en matière de soins hospitaliers et spécialisés. Il s'agit ici de permettre aux prestataires de soins d'un État membre de faire face, dans le respect du principe d'égalité de traitement, à des flux trop importants de patients affiliés dans d'autres États membres et d'éviter que certains États soient tentés de se décharger de leurs responsabilités sur d'autres. En effet, une stricte égalité de traitement, en nuisant à l'accès aux équipements pour les ressortissants de l'État membre où sont délivrés des soins, pourrait engendrer un effet contraire à l'un des objectifs de la proposition, qui est de réduire les délais excessifs de délivrance des soins dans le pays d'affiliation.
La proposition de résolution de notre Commission chargée des affaires européennes souligne donc les apports essentiels de la proposition de directive tout en demandant qu'elle soit améliorée sur un certain nombre de points, particulièrement sur l'information et les droits du patient. C'est pourquoi j'invite notre commission à adopter sans modification l'article unique de la proposition de résolution présentée par M. Daniel Fasquelle et adoptée par la Commission chargée des affaires européennes.
Je tiens enfin à saluer la démarche exemplaire suivie par Madame Androulla Vassiliou, commissaire européenne à la santé. Grâce à elle, les messages ont pu être entendus. En visitant différents pays de l'Union européenne avant la finalisation de la directive, en recueillant divers avis, elle a prévenu les résistances. Cet important travail réalisé en amont peut être apprécié à la lumière du dispositif du droit d'alerte établi dans le cadre du traité de Lisbonne.
De manière à donner encore davantage chair à cette proposition de résolution, il serait intéressant de disposer de données relatives à l'ensemble des flux existants entre la France et les autres pays concernant cette question des soins de santé. Une telle information serait au demeurant utile également dans le cadre de l'examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Les éléments relatifs à ces flux sont connus. Il est important de garder à l'esprit que n'est pas seul en cause le « tourisme sanitaire » : la question touche aussi les ressortissants français qui travaillent à l'étranger ou encore les personnes qui choisissent de se faire soigner dans d'autres pays pour des raisons financières. Certains promoteurs n'hésitent pas à proposer des séjours en Hongrie incluant l'hôtel et le dentiste !
Pour ce qui concerne l'accès aux soins en urgence, lorsqu'une personne se présente dans un tel service dans un autre pays, quels sont les tarifs de remboursement applicables ? La prise en charge par l'assurance maladie ne doit par ailleurs pas se substituer à l'intervention des assurances privées : de nombreuses personnes bénéficient de telles assurances, ne serait-ce par exemple que par le biais de leur carte de crédit, et n'ont donc pas dans ce cas besoin de recourir aux régimes de sécurité sociale.
Je souhaite revenir sur deux thèmes évoqués lors de l'audition de la commissaire européenne à la santé, Mme Androulla Vassiliou, par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le 8 octobre 2008 : le premier est celui de l'équivalence des diplômes au sein de la « Nouvelle Europe » ; le second concerne la responsabilité civile professionnelle, très réelle en France : qu'en est-il à l'étranger ?
Je souhaite faire quatre observations.
Premièrement, on ne peut ignorer le nombre important de médecins ou de membres de professions paramédicales qui ont été formés en France et qui travaillent aujourd'hui à l'étranger, au Luxembourg par exemple. Cet élément doit être pris en compte, car il est difficile de considérer comme une injustice le fait d'aller se faire soigner par des personnes dont la formation a été prise en charge par l'État dont est issu le patient.
Deuxièmement, la question du développement des soins de santé transfrontaliers ne doit pas conduire l'État à se décharger de sa responsabilité. La question se pose avec une grande acuité pour les gynécologues dont on sait que le nombre décroît fortement en France.
Troisièmement, le suivi du patient ne doit pas être oublié. S'il est envisageable de recevoir un soin donné dans un pays étranger, la question de la mise en oeuvre d'un suivi à moyen ou long terme dans ce même pays est plus délicate.
Enfin, il faut prendre garde aux projections statistiques. S'il est indéniable qu'un nombre non négligeable de Français vont travailler à l'étranger, au Luxembourg par exemple, les projections pour l'avenir annonçant une augmentation de cette proportion doivent être envisagées avec prudence : il faut se garder de croire que toutes les solutions se trouvent à l'étranger.
En conclusion, je prends dans le même temps acte des avancées positives contenues dans cette proposition de résolution.
La présente proposition de résolution ne soulève pas de problème particulier. En revanche, certaines questions restent en suspens. D'abord, en dépit de la conclusion d'un certain nombre de conventions à cet effet, la coopération entre établissements hospitaliers de part et d'autre des frontières n'est pas, en pratique, aisée à mettre en oeuvre. Ensuite, s'il est vrai que des dispositifs organisant l'équivalence entre les diplômes attribués dans les différents États ont été mis en place, certaines difficultés subsistent, comme le montre l'exemple de la Belgique où prévalent des dispositifs de « quotas » de formations à l'égard des ressortissants non belges ou encore des mécanismes de sélection par tirage au sort qui peuvent se révéler un peu choquants.
Par ailleurs, il est louable de prôner la transmission des données médicales entre les États. Mais l'exemple du dossier médical personnel (DMP) et de ses difficultés montre la complexité de cette transmission même au sein d'un seul pays. Enfin, la question des différences de prix, parfois importantes, de médicaments identiques vendus dans différents pays doit aussi être soulignée, car elle peut inciter un patient à se rendre à l'étranger afin d'y acheter tel ou tel produit.
Il serait tout à fait intéressant de disposer de données précises sur les mouvements transfrontaliers de soins. Environ 500 000 personnes viennent se faire soigner en France, tandis qu'environ 1 400 demandes d'entente préalable sont présentées par des patients de notre pays. L'établissement d'un bilan chiffré des flux de soins transfrontaliers, sur l'ensemble des pays de l'Union européenne, comptabilisant les entrées et sorties, au niveau de chaque État membre, serait particulièrement utile.
En ce qui concerne le problème de la transmission des données médicales d'un État membre à l'autre, je déposerai avec M. Jean-Pierre Door un amendement encourageant la mise en place d'une clé USB sécurisée, qui permettrait à chaque patient de « porter » sur lui son dossier médical. Le patient deviendrait donc, grâce à ce dispositif, le vecteur du dossier médical et celui-ci pourrait être ainsi réactualisé de façon permanente. Un tel dispositif pourrait peut-être trouver à s'appliquer aux soins transfrontaliers. Je rappelle en outre que le prix de cette clé USB est modique, à savoir 6 euros, et que cet outil informatique offre une solution pragmatique au problème de la transmission des données, en attendant la mise en place du dosser médical personnel.
On ne peut que se réjouir de cette proposition de directive visant à sécuriser les soins transfrontaliers. En tant que député de Wissembourg, j'ai pu observer que beaucoup de médecins allemands travaillaient dans l'hôpital de cette ville. Par ailleurs, la coopération frontalière en matière de transports médicaux, en particulier pour les ambulances, fonctionne très bien. J'observe en outre qu'en Allemagne, le délai d'attente pour un IRM ou un scanner est beaucoup moins long, ce qui explique en partie les flux transfrontaliers. Enfin, à mes yeux, le vrai problème, qui n'est pas traité par la proposition de directive, car elle poursuit un tout autre objectif, réside dans les différences constatées au niveau de la prise en charge de l'invalidité. Ainsi, une invalidité reconnue en Allemagne ne l'est-elle pas toujours en France et vice-versa.
La question des soins transfrontaliers passionne les Français. S'ils se développent en Europe, les échanges avec l'Afrique ne doivent pas non plus être négligés.
En réponse à mes collègues, je souhaite apporter les précisions suivantes :
– Les demandes d'entente préalable pour des soins à l'étranger enregistrées en France s'élèvent entre 1 100 et 1 400 par an, dont 60 % sont acceptées. Le développement des soins transfrontaliers impose de préciser les droits des patients et d'instaurer un devoir d'information, ce que prévoit la proposition de directive. Les dépenses de soins transfrontaliers engagées par des Français dans d'autres pays sont évaluées à 227 millions d'euros, dont environ un quart pour les seuls soins dispensés en Belgique. Par ailleurs, notre pays soigne chaque année 500 000 personnes originaires d'autres pays de l'Union, dont un tiers du Royaume-Uni, pour un montant de 470 millions d'euros. La proposition de M. Pierre Morange visant à recueillir des données plus complètes sur l'ensemble des flux transfrontaliers est excellente. Ces données devraient être suffisamment fines pour permettre un classement des soins et des coûts par État membre. Par exemple, on constate en matière de soins dentaires que les soins proprement dits sont moins chers en France qu'en Allemagne, tandis que les prothèses sont moins onéreuses chez notre voisin. Une mission d'information pourrait être utilement créée sur le sujet afin de pouvoir établir des comparaisons ;
– La question de la responsabilité professionnelle est importante. Le a du point 7 de la proposition de résolution demande d'ailleurs que soient développés des mécanismes visant à régler les différends, car ces dispositifs permettraient de compléter utilement les garanties prévues par le texte européen. À cet égard, la directive constitue un premier pas vers la sécurisation de la prise en charge des soins dans une Union où la mobilité ne cessera de croître ;
– S'agissant de l'installation des professionnels de santé, le vrai problème n'est pas tant l'installation de professionnels français dans d'autres pays européens que celui de l'installation en France de médecins venant de pays tiers. Je pense, en particulier, à la Roumanie et à la Bulgarie, qui forment des médecins disposant d'un niveau de qualité compatible avec nos exigences, grâce à l'harmonisation des formations, et qui, par la suite, quittent leur pays pour s'installer en France. Ainsi que Mme Vassiliou nous l'a indiqué à l'automne dernier, la Commission européenne est très consciente de ce problème. Il faudra particulièrement veiller à ce que l'afflux, dans notre pays, de médecins étrangers ne crée pas des déséquilibres territoriaux de couverture médicale en Europe ;
– Les soins dispensés en urgence dans un autre État membre sont pris en charge dans les conditions de droit commun ;
– D'une manière générale, les caisses d'assurance maladie n'encouragent pas les Français à se faire soigner dans d'autres États membres. Je rappelle que le nombre de demandes d'entente préalable enregistrées en France est faible, puisque celui-ci varie entre 1 100 et 1 400 selon les années, de telle sorte qu'on ne peut pas dire que les patients français viennent améliorer les conditions d'exploitation d'équipements qui, situés dans d'autres États membres, seraient sous-utilisés, notamment pour des raisons d'ordre démographique ;
– La proposition de directive clarifie les droits des patients. Il conviendra d'en tirer les conséquences pour faciliter l'accès des patients à l'ensemble des systèmes de soins en Europe. Cet objectif implique de donner une information fiable sur la qualité des soins dispensés dans les différents États membres. En rendant possibles des comparaisons entre systèmes de soins, cette information constituera en outre pour notre propre système de soins une incitation à s'améliorer.
J'observe que la France accueille d'un côté 500 000 patients européens et qu'elle enregistre de l'autre seulement 1 400 demandes d'entente préalable. Ces chiffres m'incitent à penser qu'il faut renforcer l'attractivité de notre système de soins, qui est déjà grande, par une politique plus offensive.
Cet objectif d'attractivité doit être poursuivi, mais il faut à tout prix éviter la constitution de files d'attente dont souffriraient les Français.
Je rappelle que les dépenses liées à l'aide médicale d'État (AME) ont quasiment décuplé en quelques années.
Je ne suis pas sûr que l'on doive encourager le nomadisme médical au motif que celui-ci serait avantageux pour le système français. En effet, il y a toujours un reste à charge à régler et celui-ci peut atteindre un coût important pour le patient ou pour l'État de traitement. Or ce reste à charge risque de s'avérer problématique au regard du respect du principe d'égalité de traitement des patients posé par la directive. D'ailleurs, pour des raisons d'équité, le reste à charge devrait être réglé soit par le pays d'origine, soit par le patient.
Lorsque des Anglais viennent à Calais pour se faire soigner, ce sont eux qui financent ce reste à charge.
Cette problématique ne doit pas nous faire oublier que les flux de patients européens sont bénéfiques sur le plan de l'emploi.
La proposition de directive prévoit-elle une possibilité d'action récursoire dans le cas où un patient français venu se faire soigner dans un autre État membre aurait contracté sur place une infection nosocomiale ?
La proposition de directive pose des règles générales de prise en charge des soins, mais des mécanismes d'indemnisation et de règlement des litiges devront être mis en place, comme le préconise la proposition de résolution. Le coeur du problème, s'agissant des soins transfrontaliers, est posé par les patients qui ne sont pas des ressortissants communautaires et qui viennent en France se faire soigner sous couvert du régime de l'aide médicale d'État. Si les médecins libéraux se font régler directement, les hôpitaux peuvent en revanche rencontrer des problèmes de règlement.
Ce problème, qui était réel il y a quelques années, n'existe plus. J'ai connu l'époque où seulement la moitié des factures de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris étaient acquittées. Désormais, ce problème ne se pose plus puisque chaque patient doit avancer ses frais de traitement au moment de son admission.
La vraie menace financière pesant sur les comptes de l'État tient à l'explosion des dépenses liées à l'AME.
Le problème de la prise en charge des patients étrangers est complexe. Lorsqu'il était ministre de la santé, M. Bernard Kouchner avait souhaité mettre en place des protocoles pour régler effectivement cette question et améliorer, par ailleurs, le taux de remplissage des services hospitaliers. Cette politique n'a pas eu les effets escomptés. Il convient de faire une différence entre les patients qui payent et les patients relevant de l'aide médicale d'État. La dépense liée à cette aide a atteint 560 millions d'euros, avant de descendre à 460 millions d'euros dans le dernier budget. Cette baisse fait suite à une redéfinition des critères applicables au versement de l'aide, qui s'est notamment traduite par une exigence de présence sur le territoire de trois mois pour la personne souhaitant bénéficier du dispositif. Le développement exponentiel de l'AME m'incite à considérer qu'elle fait de la France un espace « d'auto-aspiration sanitaire », notre pays accueillant à ce titre de plus en plus de patients étrangers. Compte tenu de la nationalité des bénéficiaires du dispositif, j'estime que son budget devrait être intégré à celui du ministère de la coopération, car, de fait, il permet de financer l'accès des ressortissants de pays en développement à des soins et s'inscrit ainsi dans une logique de co-développement et de renforcement des systèmes de santé des pays du Sud.
Je ne pense pas qu'il faille avoir peur de l'installation des professionnels de santé étrangers. Il convient en effet de ne pas oublier que la pratique de notre langue constitue un obstacle sérieux. Ainsi, on avait beaucoup craint que les infirmières espagnoles n'occupent définitivement des emplois dans les hôpitaux ; or elles sont venues puis reparties, en raison de cet obstacle linguistique.
Ce débat a parfaitement mis en lumière l'intérêt des députés pour la question si essentielle des soins transfrontaliers. Il serait utile de créer une mission d'information qui puisse explorer tous les aspects de ce sujet important.
La commission adopte sans modification l'article unique de la proposition de résolution sur l'application des droits des patients en matière de soins transfrontaliers (n° 1309).
La séance est levée à onze heures.